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2006 Rapport sur le développement dans le monde Équité et développement

Équité et développement · Le Groupe de gestion des données sur le développement a participé à la mise au point de l’annexe sur les données, et il a été chargé de la

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2006Rapport sur le développement dans le monde

Équité et développement

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Banque mondiale

Washington

Abrégé

2006Rapport sur le développement dans le monde

Équité et développement

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© 2005 The International Bank for Reconstruction and Development /The World Bank1818 H Street, NWWashington, DC 20433Téléphone : 202 473 1000Site web : www.worldbank.orgCourriel : [email protected]

Tous droits réservés

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Le présent Abrégé résume le contenu du Rapport sur le développement dans le monde 2006,co-publié par la Banque mondiale et Oxford University Press. Il a été établi par les services de laBanque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale. Lesconstatations, interprétations et conclusions qui y sont présentées ne reflètent pasnécessairement les vues des Administrateurs de la Banque mondiale ou des pays qu’ilsreprésentent. Banque ne peut garantir

La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données contenues dans ce rapport. Lesfrontières, les couleurs, les dénominations et toute autre information figurant sur les cartes duprésent rapport n’impliquent de la part de la Banque mondiale aucun jugement quant au statutjuridique d’un territoire quelconque et ne signifient nullement qu’elle reconnaît ou accepte cesfrontières.

Droits et licencesLe contenu de cette publication fait l’objet d’un dépôt légal. Aucune partie de la présentepublication ne peut être reproduite ou transmise sans l’autorisation préalable de la Banquemondiale. La Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banquemondiale encourage la diffusion de ses études et, normalement, accorde sans délai l’autori-sation d’en reproduire des passages.

Pour obtenir cette autorisation, veuillez adresser votre demande en fournissant tous lesrenseignements nécessaires, par courrier, au Copyright Clearance Center, Inc., 222 RosewoodDrive, Danvers, Massachusetts, 01923, USA ; téléphone : 978-750-8400 ; télécopie : 978-750-4470 ;site web : www.copyright.com.

Pour tout autre renseignement sur les droits et licences, y compris les droits dérivés, envoyezvotre demande, par courrier, à l’adresse suivante : Office of the Publisher, The World Bank,1818 H Street, NW, Washington, DC 20433, USA ; par télécopie, au 202-522-2422 ;ou par courriel : [email protected].

Photo de la couverture : Songe d’un dimanche après-midi dans l’Alameda 1947–1948 (fresque)par Diego Rivera. Cette peinture murale se trouve dans le Museo Mural Diego Rivera, à Mexico.La reproduction est autorisée par l’Instituto Nacional de Bellas Artes y Literatura, Mexico.Copyright © Photographie par Francisco Kochen.

ISBN -10: 0-8213-6413-8ISBN -13: 978-0-8213-6413-0

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Abrégé

1 Introduction

Inégalité à l’intérieur des pays et entre les pays

coup de projecteur 1 : Palanpur

2 Inégalité à l’intérieur des pays : individus et groupes

3 Équité d’un point de vue mondial

coup de projecteur 2 : l’insertion des pauvres

En quoi l’équité est-elle importante ?

4 Équité et bien-être

5 Inégalité et investissement

coup de projecteur 3 : l’Espagne

6 Équité, institutions et processus de développement

coup de projecteur 4 : l’Indonésie

Partie II

Partie I

Table des matières du Rapport sur le développementdans le monde 2006

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Appliquer les mêmes règles du jeu à tous dans les sphères économique et politique

7 Le potentiel humain

8 La justice, la terre et l’infrastructure

coup de projecteur 5 : la fiscalité

9 Les marchés et la macroéconomie

coup de projecteur 6 : les inégalités régionales

10 Assurer plus d’équité au niveau mondial

coup de projecteur 7 : l’accès aux médicaments

Épilogue

Notice bibliographique

Notes

Références

Indicateurs

Comment mesurer l’équité

Grands indicateurs du développement dans le monde

Index

Partie III

vi RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2006

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Il y a recul de la pauvreté lorsque des individus, des familles et des communautés tirent parti desopportunités qui s’offrent à eux en travaillant, en investissant et en innovant afin d’améliorerleur existence. Mais nous vivons dans un monde caractérisé par une extrême inégalité deschances, tant d’un pays à l’autre qu’au sein d’un même pays. Même l’opportunité fondamentalequ’est la simple possibilité de vivre est inégalement répartie : en Suède, moins de 1 % desnouveau-nés meurent avant l’âge d’un an ; au Mozambique, près de 15 % des enfantsn’atteignent jamais leur premier anniversaire. En El Salvador, le taux de mortalité infantile estde 2 % pour les enfants dont la mère est allée à l’école, alors qu’il est de 10 % pour les autres. EnÉrythrée, la couverture vaccinale est proche de 100 % pour les enfants du quintile le plus richede la population, mais de 50 % seulement pour ceux du quintile le plus pauvre.

Ces enfants ne sont en rien responsables du milieu dans lequel ils sont nés, et pourtant leurexistence — et la possibilité qu’ils auront de contribuer au développement de leur pays — estprofondément influencée par le milieu en question. C’est pour cette raison que le Rapport surle développement dans le monde 2006 (28e ouvrage de cette série annuelle) est consacré au rôleque joue l’équité dans le processus de développement. La notion d’équité recouvre ici deuxprincipes fondamentaux. Le premier est l’égalité des chances, l’idée selon laquelle ce qu’unepersonne accomplit durant son existence doit être avant tout fonction de ses capacités et de sesefforts, plutôt que d’un contexte préétabli : race, sexe, milieu familial et social, pays d’origine,etc. Le second principe recouvre l’idée de ne pas être laissé pour compte, notamment du point devue des niveaux de santé, d’éducation et de consommation.

Pour bien des gens, si ce n’est la majorité, l’équité est d’une importance intrinsèque en tantqu’objectif de développement. Mais ce rapport va plus loin, en fournissant des élémentsd’appréciation qui montrent à l’évidence qu’une large répartition des chances au planéconomique et politique est aussi un élément déterminant pour la croissance et ledéveloppement. Il y a des raisons économiques pour cela, car plus d’équité peut permettre uneutilisation plus complète et efficace des ressources dont est doté un pays. Mais cela tient aussi àdes raisons d’ordre politique et institutionnel, car trop d’inégalités en termes de pouvoir etd’influence peuvent aboutir à des structures institutionnelles, tant politiques qu’économiqueset sociales, moins propices à la croissance à long terme. Dans le monde actuel, on ne trouveraguère ou pas d’exemples de sociétés prospères qui aient assuré leur développement en privant lamajorité de leur population de l’accès aux opportunités économiques et politiques.

Quelles implications cela a-t-il pour l’effort mené par la Banque mondiale et les autrescomposantes de la communauté du développement ? Cela signifie que l’équité doit être aucentre des préoccupations lors de la conception et de la mise en œuvre de politiques pour ledéveloppement et la croissance. Il s’agit d’intégrer la notion d’équité dans le travail d’analyse demême que dans les activités opérationnelles touchant à des aspects conceptuels essentiels dudéveloppement, notamment pour ce qui est de promouvoir le rôle et le fonctionnement desmarchés. L’action des pouvoirs publics doit chercher à accroître l’ensemble des opportunitésoffertes à ceux qui ont le moins de possibilités de se faire entendre et le moins de ressources et

Avant-propos

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viii RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2006

de capacités, en procédant pour cela d’une manière qui respecte et renforce les libertésindividuelles ainsi que le rôle des marchés dans l’affectation des ressources.

Un surcroît d’équité dans la sphère internationale est également une préoccupationessentielle, et peut constituer un complément de poids aux initiatives de portée nationale. Dansun monde foncièrement interdépendant, l’établissement de règles du jeu égales pour tous, auniveau économique aussi bien que politique, soutiendra les efforts menés par les pays pourassurer la croissance et l’efficience de leur économie tout en respectant le principe d’équité.

À mes yeux, les éléments qui concluent à la complémentarité de l’équité et de l’efficienceéconomique sur le long terme permettent de faire la synthèse entre les deux volets majeurs de lastratégie de la Banque mondiale en matière de lutte contre la pauvreté. La focalisation surl’élargissement des opportunités va résolument dans le sens du premier pilier de la stratégie dedéveloppement définie par la Banque, qui est d’améliorer le climat de l’investissement pourchacun. L’interdépendance entre les dimensions économiques et politiques du développementrenforce quant à elle l’importance du second pilier stratégique qu’est l’insertion des pauvres. Cerapport montre que les deux piliers ne sont pas indépendants l’un de l’autre mais se renforcentau contraire mutuellement à l’appui du processus de développement. J’ai l’espoir qu’il influerafortement sur la façon dont nos partenaires de développement et nous-mêmes concevons,élaborons et exécutons les politiques de développement.

Paul D. WolfowitzPrésidentBanque mondiale

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Le présent rapport a été préparé par une équipe dirigée par Francisco H.G. Ferreira et MichaelWalton, et composée de Tamar Manuelyan Atinc, Abhijit Banerjee, Peter Lanjouw, MartaMenéndez, Berk Özler, Giovanna Prennushi,Vijayendra Rao, James Robinson et MichaelWoolcock. Anthony Bebbington, Stijn Claessens, Margaret Ellen Grosh, Karla Hoff, JeanO. Lanjouw, Xubei Lou, Ana Revenga, Caroline Sage, Mark Sundberg et Peter Timmer ontégalement contribué de façon importante à la mise au point de ce document. L’équipe abénéficié du concours de Maria Caridad Araujo, Andrew Beath, Ximena del Carpio, CelineFerre, Thomas Haven, Claudio E. Montenegro et Jeffery C. Tanner. Les travaux ont été menéssous la direction de François Bourguignon.

Par leurs nombreux conseils extrêmement judicieux, Anthony B. Atkinson, Angus Deaton,Naila Kabeer, Martin Ravallion et Amartya Sen ont aidé l’équipe, qui leur exprime sesremerciements sans réserves. Beaucoup d’autres personnes, des services de la Banque mondialeet de l’extérieur, ont aussi émis des observations constructives ; la liste de toutes ces personnesfigure dans la notice bibliographique. Le Groupe de gestion des données sur le développementa participé à la mise au point de l’annexe sur les données, et il a été chargé de la section relativeaux Grands indicateurs du développement dans le monde. Les travaux de recherche ont été engrande partie financés par le Programme du savoir au service du développement, un fondsfiduciaire programmatique multidonneurs, alimenté par le Canada, la Communautéeuropéenne, la Finlande, la Norvège, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni.

L’équipe a procédé à de très larges consultations pour la rédaction de ce rapport,consultations qui ont notamment pris la forme d’ateliers organisés dans différentes villes —Amsterdam, Beyrouth, Berlin, le Caire, Dakar, Genève, Helsinki, Hyderabad, Londres, Milan,Nairobi, New Delhi, Oslo, Ottawa, Paris, Rio de Janeiro, Stockholm, Tokyo, Venise, etWashington —, de vidéoconférences avec les sites de Bogota, Buenos Aires, Mexico et Tokyo,et de discussions en ligne au sujet de l’avant-projet de ce rapport. L’équipe tient à remerciertous ceux qui ont participé à ces divers ateliers, vidéoconférences et discussions, auxquels ontparticipé des chercheurs, de hauts fonctionnaires et des agents d’organisations nongouvernementales et d’organisations du secteur privé.

Rebecca Sugui a fait fonction d’assistante exécutive pour l’équipe, Ofelia Valladolid,d’assistante de programme, Madhur Arora et Jason Victor, d’assistants de l’équipe. EvangelineSanto Domingo a fait fonction d’assistante de gestion des ressources.

Bruce Ross-Larson était le rédacteur en chef de la publication. La conception, la rédaction etla production de l’ouvrage ont été coordonnées par le Bureau des publications de la Banquemondiale sous la supervision de Susan Graham, Nancy Lammers et Janet Sasser.

Remerciements

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Imaginons deux enfants nés le même jour enAfrique du Sud en 2000. Nthabiseng est noire,elle appartient à une famille pauvre qui vitdans une zone rurale de la partie est de laProvince du Cap, à quelque 700 kilomètres deCape Town. Sa mère n’a jamais été à l’école.Pieter est blanc, il est issu d’une famillefortunée de Cape Town. Sa mère a fait sesétudes supérieures à la prestigieuse faculté deStellenbosch, située non loin de la ville.

Le jour de leur naissance, Nthabiseng etPieter n’étaient pour rien dans la situation deleur famille, qu’il s’agisse de la race, du revenuet du niveau d’instruction de leurs parents oude leur lieu de résidence en milieu rural ouurbain, et de fait ils n’avaient rien fait non pluspour naître fille ou garçon. Pourtant, lesstatistiques tendent à montrer que cesvariables prédéterminées du milieu familialjoueront un rôle déterminant dans la vie quiles attend. Nthabiseng court 7,2 % de risquesde mourir dans la première année de sonexistence, soit deux fois plus que la probabilitéde 3 % pour Pieter. L’espérance de vie de Pieterest de 68 ans, contre 50 pour Nthabiseng.Pieter peut espérer faire 12 années d’études,mais Nthabiseng, moins d’une année1. Il est àpenser que Nthabiseng sera bien plus pauvreque Pieter pendant toute sa vie2. Engrandissant, elle aura moins de chances d’avoiraccès à l’eau salubre et à l’assainissement ou defaire des études de qualité. Les possibilitésqu’ont ces deux enfants de tirer pleinementparti de leur potentiel humain sont donctotalement différentes dès le départ, alorsqu’ils n’y sont pour rien.

Ces disparités dans les opportunités setraduisent par des différences dans lacontribution que ces deux enfants peuventapporter au développement de leur pays. Lasanté de Nthabiseng à la naissance était peut-être plus fragile en raison de la nutritiondéficiente de sa mère au cours de la grossesse.Compte tenu de la place respective deshommes et des femmes dans la société, du lieu

où il habite et de ses facilités d’accès auxétablissements d’enseignement, Pieter anettement plus de chances d’acquérir unniveau d’instruction qui lui permettra de tirerle maximum de ses talents innés. Même si àl’âge de 25 ans Nthabiseng arrive contre touteattente à trouver une idée commerciale géniale(telle qu’une innovation pour accroître laproduction agricole), il lui sera beaucoup plusdifficile de persuader une banque de lui prêterde l’argent à un taux d’intérêt acceptable. SiPieter avait une idée tout aussi géniale (disonspour concevoir une version améliorée d’unlogiciel prometteur), il lui serait plus faciled’obtenir un crédit avec son diplômeuniversitaire et sans doute aussi avec unegarantie. Avec l’évolution de l’Afrique du Sudvers un régime démocratique, Nthabisengpeut voter et donc influer directement sur lapolitique du Gouvernement, ce qui était refuséaux Noirs du temps de l’apartheid. Mais ilfaudra du temps encore avant que nes’estompe l’héritage d’inégalité des chances etdu pouvoir politique laissé par l’apartheid. Il yaura un long chemin à parcourir pour que cechangement politique (fondamental) ne fasseévoluer la situation sur les plans économiqueet social.

Aussi frappantes que puissent paraître lesdifférences de perspectives d’avenir de Pieter etNthabiseng en Afrique du Sud, elles semblentminimes par comparaison avec les disparitésqu’il peut y avoir entre les Sud-africainsmoyens et les ressortissants de pays plusdéveloppés. Voyons les cartes qui ont étédistribuées à Sven — né le même jour dans unfoyer suédois moyen. Les probabilités qu’ilmeure au cours de sa première annéed’existence sont très minces (0,3 %) et il peutcompter sur une espérance de vie de80 années, soit 12 ans de plus que Pieter et 30 ansde plus que Nthabiseng. Il fera probablement11,4 années d’études, soit cinq de plus qu’unSud-africain moyen. À ces différences dans lalongueur de la scolarité s’ajoutent les

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Abrégé

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différences dans la qualité de l’enseignement :dans sa huitième année d’études, Sven peutespérer obtenir un score de 500 à un test demathémathiques comparable pour tous lespays, tandis que l’étudiant moyen d’Afrique duSud n’obtiendra qu’un score de 264 –– soit unenotation inférieure de plus de deux écarts-types à la valeur médiane de l’Organisation decoopération et de développement économiques(OCDE). Tout porte à penser que Nthabisengn’atteindra jamais ce niveau d’études, de sortequ’elle n’aura jamais à passer le test3.

Nombreux sont ceux qui penseront que cesdifférences de perspectives d’avenir entre lesnationalités, les races, les sexes et les groupessociaux sont totalement inacceptables. Elles setraduiront aussi par un gaspillage du potentielhumain et donc par des possibilités dedéveloppement manquées. C’est la raison pourlaquelle le Rapport sur le développement dansle monde 2006 analyse les relations entrel’équité et le développement.

Par équité, nous voulons dire que lesindividus devraient avoir des possibilités égalesde mener la vie qu’ils ont choisi de mener etqu’il ne faut pas que leur avenir soit totalementbouché. Le principal message est que l’équitéest, à certains égards fondamentaux, unélément complémentaire de poursuite de laprospérité à long terme. Les institutions et lespolitiques qui visent à promouvoir l’égalité deschances, autrement dit à donner à tous lesmembres du corps social les mêmes possibilitésde devenir socialement actifs, politiquementinfluents et économiquement productifs,contribuent à promouvoir une croissance et undéveloppement durables. Une plus grandeéquité est donc une bonne chose à double titrepour la réduction de la pauvreté : d’une partparce qu’elle peut avoir des effets positifs surle développement global à long terme etd’autre part parce qu’elle permet d’élargir lespossibilités offertes aux groupes défavorisés detoutes les sociétés, quelles qu’elles soient.

Les complémentarités entre l’équité et laprospérité sont le produit de deux séries defacteurs. Premièrement, les défaillances desmarchés sont nombreuses dans les pays endéveloppement, en particulier dans les secteursdu crédit, de l’assurance, du capital foncier etdu capital humain. De ce fait, les ressources nes’orientent pas toujours là où les rendementssont les plus élevés. Par exemple, certains

enfants extrêmement doués comme Nthabisengn’arrivent pas toujours à terminer leurs étudesprimaires, tandis que d’autres, moins capables,peuvent parfois obtenir un diplôme universitaire.Les paysans mettent davantage d’ardeur àtravailler leur propre lopin de terre que lesterrains affermés. Certains producteurs efficientsde denrées agricoles ou de textiles des pays endéveloppement se voient refuser l’accès à desmarchés de l’OCDE, et les travailleurs pauvreset sans qualifications ont le plus grand mal àmigrer dans des pays plus riches pour y trouverdu travail.

Lorsque les marchés sont inexistants ouimparfaits, la répartition de la richesse et dupouvoir influe sur la répartition des possibilitésd’investissement. L’idéal dans ce cas est deremédier aux défaillances du marché ; lorsquecela n’est pas possible, ou beaucoup tropcoûteux, certaines formes de redistribution —de l’accès aux services, des actifs ou del’influence politique — peuvent améliorerl’efficience économique.

La deuxième série de facteurs qui mettenten lumière la complémentarité qui peut existerentre l’équité et la prospérité à long terme tientau fait qu’un degré élevé d’inégalité économiqueet politique tend à promouvoir des institutionséconomiques et des arrangements sociaux quifavorisent systématiquement les intérêts desagents les plus influents. Ces institutionsinéquitables peuvent générer des coûtséconomiques. Lorsque les droits de l’individuet les droits de propriété ne sont appliqués quede manière sélective, lorsque les dotationsbudgétaires profitent essentiellement à ceuxqui sont politiquement influents et lorsque larépartition des services publics favorise lesriches, les classes moyennes et les classesdéfavorisées ne peuvent exploiter tous leurstalents. La société dans son ensemble sera doncsans doute moins efficiente et perdra despossibilités d’innovation et d’investissement.À l’échelon de la planète, quand les pays endéveloppement n’ont pratiquement aucundroit de regard sur la gouvernance mondiale,les règles peuvent être inappropriées etcoûteuses pour les pays pauvres.

Les effets négatifs de l’inégalité des chanceset du pouvoir politique sur le développementsont d’autant plus préjudiciables que lesinégalités économiques, politiques et socialestendent à perdurer dans le temps et d’une

2 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2006

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génération à l’autre. C’est ce que nous appelonsles « trappes à inégalité ». Les enfants défavorisésdont les familles sont situées au bas du spectrede la distribution de la richesse n’ont pas lesmêmes possibilités de bénéficier d’unenseignement de qualité que les enfants desmilieux aisés. Devenus adultes, ces enfantsdéfavorisés seront donc moins bien rémunérés.Et les pauvres ne pouvant guère faire entendreleur voix dans le processus politique, cesenfants, de même que leurs parents, manquerontde moyens pour peser sur les décisions dedépense visant à améliorer les écoles publiquespour les générations à venir. C’est ainsi que lecycle des résultats insuffisants se perpétue.

La distribution de la richesse est étroitementcorrélée aux distinctions sociales qui stratifientles personnes, les communautés et les nationsentre groupes dominants et groupes dominés.Ces schémas de domination persistent parceque les différences économiques et socialessont renforcées par l’utilisation ouverte etindirecte du pouvoir. Les élites protègent leursintérêts de façon subtile, par exemple par despratiques d’exclusion fondées sur le mariage etles affinités, ou par des moyens moins subtiles,tels que la manipulation politique agressive oul’usage explicite de la violence.

Ces inégalités politiques, sociales, culturelleset économiques qui s’imbriquent ont poureffet de bloquer la mobilité. Elles imprègnentsi étroitement les activités quotidiennes qu’ilest difficile de lutter contre elles. Elles sontmaintenues par l’élite et souvent aussi ellessont internalisées par les groupes marginalisésou opprimés, de sorte que les pauvres ont dumal à s’extraire de la pauvreté. Les trappes àinégalité peuvent rester relativement stables etse maintenir génération après génération.

Le présent rapport montre comment cestrappes à inégalités peuvent persister en mettanten relief les liens d’interdépendance qui existententre les différentes formes d’inégalités. Àl’aide d’éléments concrets, il montre quel’inégalité des chances aboutit à un gaspillageet que c’est un obstacle au développementdurable et à la réduction de la pauvreté. Lesimplications que cela entraîne pour l’actiondes pouvoirs publics sont centrées sur leconcept général de l’égalisation des chances —tant politiquement qu’économiquement, auniveau national comme au niveau international.Si les possibilités qui s’offrent à des enfants tels

que Nthabiseng sont tellement plus limitéesque celles dont bénéficient des enfants tels quePieter ou Sven, et si cela ralentit ledéveloppement en général, alors les pouvoirspublics ont un rôle légitime à jouer ens’efforçant d’élargir les opportunités de ceuxdont les choix sont les plus restreints.

Trois considérations sont importantes audépart. Premièrement, si l’application de règlesplus uniformes permettra sans doute de réduireles différences observées dans l’acquisition desconnaissances, la situation sanitaire et lesrevenus, l’objectif de l’action gouvernementalen’est pas d’obtenir l’égalité dans les résultats.De fait, même avec une parfaite égalité deschances, il y aura sans doute toujours desdifférences dans les résultats obtenus du faitmême que les préférences, les talents, l’effort etla chance varient d’un individu à l’autre4. Celaconforte le rôle important de la disparité desrevenus, qui fournit des incitations à investirdans l’éducation et le capital physique, àtravailler et à prendre des risques. Certes, lesrésultats sont importants, mais ce qui nousintéresse surtout, c’est l’influence qu’ils peuventavoir sur le dénuement absolu et le rôle qu’ilsjouent en déterminant les opportunités.

Deuxièmement, le souci de l’égalité deschances implique que l’action des pouvoirspublics doit se focaliser sur la répartition desactifs, les opportunités économiques et lesmoyens d’expression politique au lieu dechercher à agir directement sur l’inégalité desrevenus. L’action de l’État peut aider à passerd’une « trappe à inégalité » à un cercle vertueuxd’équité et de croissance par l’égalisation deschances — autrement dit un investissementplus important dans les ressources humainesdes plus démunis ; un accès plus large et pluséquitable aux services publics, à l’informationet aux marchés ; des droits de propriétégarantis pour tous ; et une plus grande équitésur les marchés. Mais les politiques axées surl’égalisation des chances se heurtent à delourds obstacles. Tous les groupes n’ont pas lesmêmes moyens d’influer sur la politiquegouvernementale : les intérêts des individusprivés de leurs droits peuvent n’être jamaisexprimés ou représentés. Et lorsque l’action del’État remet les privilèges en cause, certainsgroupes puissants peuvent chercher à bloquerles réformes. C’est pourquoi les politiquesaxées sur l’équité ont plus de chances d’aboutir

Abrégé 3

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si l’uniformisation des règles du jeu dans lasphère économique s’accompagne d’effortssimilaires dans la sphère politique et d’une plusgrande équité dans la gouvernance mondiale.

Troisièmement, il y a parfois des arbitrages àopérer sur le court terme entre l’équité etl’efficience. Ces arbitrages sont bien connus et ilsont fait l’objet de nombreuses études. Le fait estque les calculs coûts-avantages (souventimplicites) que les gouvernants font pour évaluerles mérites de diverses mesures ignorent tropsouvent les avantages difficiles à jauger mais réelsd’une plus grande équité sur le long terme. Uneplus grande équité implique un fonctionnementplus efficient de la machine économique, uneréduction des conflits, un renforcement de laconfiance et de meilleures institutions, avec leseffets dynamiques positifs que cela impliquepour l’investissement et la croissance. Si cesavantages sont ignorés, les gouvernants peuventêtre enclins à opter pour trop peu d’équité.

Mais, de la même façon, ceux qui voudraientdavantage d’équité ne doivent pas ignorer lesarbitrages à court terme. Si les incitations desindividus sont émoussées par des systèmes derépartition des revenus qui taxent troplourdement l’investissement et la production, lerésultat peut être moins d’innovation, moinsd’investissement et moins de croissance.L’histoire du vingtième siècle regorge d’exemplesde politiques mal conçues, adoptées au nom del’équité, qui ont grandement entravé — au lieude stimuler — le processus de croissance enfaisant fi des incitations individuelles. Il importede trouver un bon équilibre en tenant compte àla fois des coûts immédiats au niveau desincitations individuelles et des avantages à longterme que présentent les sociétés unies, dotéesd’institutions fondées sur le principe del’insertion et offrant de larges opportunités.

S’il est toujours important d’évaluerattentivement les politiques à la lumière desréalités locales, il est indispensable que lesconsidérations d’équité soient carrément placéesau cœur même du diagnostic et des politiques. Ilne s’agit pas là d’un nouveau cadre d’analyse.Cela veut dire qu’il faut intégrer et élargir lescadres d’analyse existants : l’équité est essentielletant pour la qualité du climat de l’investissementque pour les programmes de démarginalisation,c’est le fruit d’institutions et de politiquesspécifiques. Certains peuvent attacher del’importance au principe de l’équité en tant que

tel, d’autres l’apprécier essentiellement pour lerôle fondamental qu’elle joue en faisant reculerla pauvreté absolue, ce qui est la mission mêmede la Banque mondiale.

Ce rapport reconnaît la valeur intrinsèque del’équité, mais il a essentiellement pour objectifde montrer l’importance que peuvent avoir lesquestions d’équité pour le développement à longterme. Il comporte trois parties.

• La première partie examine les exemples con-crets qui attestent de l’inégalité des chances,tant au sein des pays qu’entre les pays. Elleanalyse certaines des tentatives faites pourquantifier l’inégalité des chances mais, defaçon plus générale, elle prend appui sur desdonnées qui montrent la grande inégalité desrésultats obtenus parmi des groupes définispar des caracté-ristiques prédéterminées —telles que le sexe, la race, le milieu familial oule pays natal — en tant qu’indicateurs del’inégalité des chances.

• La deuxième partie pose la question desavoir pourquoi l’équité est importante.Elle analyse les deux courroies de transmis-sion de l’impact des inégalités (les effets del’inégalité des chances lorsque les marchéssont imparfaits, et l’incidence de l’inégalitésur la qualité des institutions à mesure quele corps social se développe), ainsi que lesmotivations fondamentales.

• La troisième partie analyse ce que peuventfaire les pouvoirs publics pour uniformiserles règles du jeu applicables à chacun dansles domaines politique et économique. Auplan national, elle montre, avec des argu-ments solides à l’appui, pourquoi il estimportant d’investir dans les ressourceshumaines, d’élargir l’accès à la justice, à laterre et à l’infrastructure et de promouvoirl’équité sur les marchés. Sur la scène inter-nationale, elle examine les possibilitésd’uni- formiser les règles du jeu qui s’ap-pliquent au fonctionnement des marchésmondiaux et les règles qui régissent cesmarchés — ainsi que l’assistance complé-mentaire à fournir pour aider les payspauvres et les groupes démunis à renforcerleurs moyens d’action.

Le reste de ce document présente unrécapitulatif des principales conclusions duRapport sur le développement dans le monde.

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Inégalité à l’intérieur des payset entre les paysAu plan de l’équité, la distribution desopportunités a plus d’importance que ladistribution des résultats. Mais les opportunités,qui sont potentielles plutôt qu’effectives,sont plus difficiles à observer et à mesurerque les résultats.

Les inégalités à l’intérieur d’un paysse manifestent de manière très diverseIl est difficile de quantifier directementl’inégalité des chances, mais une analyse duBrésil fournit une illustration (chapitre 2).L’inégalité des revenus d’activité en 1996 aété divisée en deux éléments : un élémentattribuable à quatre facteurs prédéterminés surlesquels les individus n’ont pas de prise, à savoirla race, le sol natal, le niveau d’instruction desparents et la profession du père au moment de lanaissance de l’enfant et un élément résiduel. Cesquatre facteurs expliquent à peu près le quart desdifférences entre les revenus d’activité destravailleurs. On peut penser que d’autresfacteurs sont également prédéterminés à lanaissance, bien qu’ils ne soient pas inclus danscette série — comme par exemple le sexe, lepatrimoine familial, ou la qualité des écolesprimaires. Comme ces variables ne sont pasincluses dans la « décomposition » del’inégalité, les résultats peuvent être considérésici comme des estimations basses de l’inégalitédes chances au Brésil.

Malheureusement, les facteurs prédéterminés(et donc moralement non pertinents) neconditionnent pas seulement les gainsfuturs. L’éducation et la santé ont unevaleur intrinsèque et influent sur la capacitédes individus à s’engager dans des activitéséconomiques, sociales et politiques. Et pourtant,quelles que soient les populations considérées,les enfants ne sont pas du tout égaux pour ce quiest des possibilités d’apprendre et de mener desvies saines, lesquelles dépendent entre autres dupatrimoine d’actifs, du lieu de résidence, ou del’éducation des parents. Voyez à quel point lespossibilités d’accès à un ensemble de servicesd’immunisation de base varient d’un pays àl’autre selon que l’enfant appartient à un milieuaisé ou défavorisé (figure 1).

Il y a de grandes inégalités d’accès auxservices entre l’Égypte par exemple, où presquetoute la population est couverte (partie gauche

du graphique), et le Tchad, où plus de 40 % desenfants sont exclus (partie droite). En outre, lesdisparités peuvent être tout aussi importantes àl’intérieur de certains pays qu’elles le sont entreles pays de l’échantillon étudié. En Érythrée parexemple, le quintile le plus riche bénéficie d’unecouverture presque totale, mais presque lamoitié des enfants du quintile le plus pauvresont exclus.

D’importantes différences entre les sexesdemeurent aussi dans de nombreuses régionsde la planète. Dans certaines parties de l’Asiede l’Est et du Sud, et notament dans certainesrégions de la Chine rurale et le nord-ouest del’Inde, la simple possibilité de vivre dépendd’une seule caractéristique prédéterminée : lesexe. Les bébés de sexe masculin sont bien plusnombreux que ceux du sexe féminin, en partieà cause des avortements sélectifs et de ladifférence des soins dispensés après la naissance.Et dans de nombreuses parties du monde (maispas partout), il y a plus de garçons que de fillessur les bancs des écoles. Les centaines demillions d’enfants handicapés du monde endéveloppement sont aussi loin d’avoir les mêmeschances dans l’existence que les enfants valides.

Ces iniquités vont généralement de pair avecles différences dans « l’agence » d’un individu —autrement dit son aptitude à agir sur le mondequi l’entoure, laquelle est déterminée par desfacteurs socioéconomiques, culturels etpolitiques. Ces différences créent des biais dansles institutions et les règles en faveur des groupesqui ont le plus de pouvoir et des groupes lesplus privilégiés. Elles prennent concrètementdes formes aussi diverses que les faiblespossibilités de mobilité de l’ancienne caste desintouchables dans un village de l’Inde rurale etles cas fréquents de discrimination à l’encontredu peuple quichua en Équateur. Les différencesdurables de condition sociale et de pouvoir desgroupes en présence peuvent être internaliséesdans les comportements, les aspirations et lespréférences, qui tendent aussi à perpétuer lesinégalités.

L’inégalité des chances se transmet elle ausside génération en génération. Les enfants desmilieux pauvres et défavorisés ont relativementmoins de chances de réussir, que ce soit sur leplan de l’instruction, de la santé ou sur le plandu revenu et du statut social. Et cela commencetôt. En Équateur, quel que soit le groupesocioéconomique considéré, les enfants de

Abrégé 5

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trois ans atteignent des résultats identiques pourla reconnaissance du vocabulaire et sont prochesde la population de référence internationaletype. Mais à l’âge de cinq ans, ils accusent duretard par rapport au groupe international deréférence, sauf s’ils sont issus des milieux lesplus aisés et si le niveau d’instruction de leursparents est très élevé (figure 2). Ces différencesmarquées dans l’acquisition du vocabulaireentre les enfants dont les parents avaient faitentre 0 et 5 années de scolarité et ceux dont lesparents avaient 12 années d’étude ou plus vontprobablement se répercuter sur leurs résultatslorsqu’ils entreront dans le cycle primaire etelles persisteront sans doute par la suite.L’immobilité intergénérationnelle est unphénomène que l’on observe aussi dans lespays riches : de nouvelles données provenantdes États-Unis (où le mythe de l’égalité deschances est très ancré dans les mentalités)

6 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2006

40 60 7050

100

90

80

70

60

110

25 % les plus riches

Score médian Score médian

25 % les plus pauvres

40 60 7050Âge en mois Âge en mois

Quartiles les plus fortunés et les plus pauvres Niveau d’instruction de la mère

100

90

80

70

60

110

12 ans ou plus

0-5 ans

Figure 2 Les perspectives d’avenir sont déterminées dès la tendre enfance Le développement cognitif des enfants de trois à cinq ans en Équateur est très variable selonle milieu dont ils sont issus

Source : Paxson and Schady (2005)Note : Les valeurs médianes du score obtenu pour le test de reconnaissance du vocabulaire (TVIP) (mesure de lareconnaissance du vocabulaire en espagnol normalisée par rapport à une norme internationale) sont représentées point parpoint en fonction de l’âge de l’enfant exprimé en mois. Les valeurs médianes pour le nombre exact de mois de l’enfant ont étélissées en estimant les régressions de Fan des scores médians en fonction de l’âge (en mois) avec une largeur de bande de 3.

Pourcentage non couvert

70

60

50

40

30

20

10

0

Quintile le plus pauvre

Quintile le plus fortuné

Égyp

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Figure 1 La richesse est importante pour l’immunisation des enfants

Source : Calculs des auteurs sur la base des données de l’enquête sur la santé démographique (DHS) Note : * indique que le quintile le plus pauvre a un accès plus large aux services d’immunisation infantile que le quintile le plus fortuné.La ligne orange continue représente le pourcentage global des enfants qui n’ont pas accès au programme d’immunisation de base dans lespays étudiés, tandis que les points limites indiquent les pourcentages pour le quintile le plus élevé et le quintile le plus faible de la distribu-tion du patrimoine d’actifs.

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montrent que, dans bien des cas, le statut socio-économique n’évolue pas pendant des géné-rations : des estimations récentes tendent àmontrer qu’il faut cinq générations pour qu’unefamille dont le revenu se situe à la moitié dela moyenne nationale arrive à la moyennenationale5. L’immobilité est particulièrementmarquée parmi les groupes afro-américainsà faible revenu.

Les inégalités dans le monde sontconsidérablesSi l’inégalité des chances est grande dans denombreux pays, elle est véritablement stupéfianteà l’échelle mondiale. Le chapitre 3 montre queles différences entre les pays commencent avecles chances de vivre elles-mêmes : alors que7 bébés américains sur 1 000 meurent avantleur premier anniversaire, c’est le cas pour126 bébés maliens sur 1 000. Les nourrissonsqui survivent, non seulement au Mali, mais aussidans une bonne partie du continent africain etdans les pays pauvres d’Asie et d’Amérique latinecourent un risque nutritionnel bien plus im-portant que les nourrissons des pays riches. Ets’ils vont à l’école — dans les pays endéveloppement, plus de 400 millions d’adultesn’y sont jamais allés —, les établissementsqu’ils fréquentent sont d’une qualité trèsinférieure à ceux que fréquentent les enfantsd’Europe, du Japon ou des États-Unis. Comptetenu de la moindre qualité de l’enseignement,de la sous-alimentation et de l’argent qu’unenfant peut rapporter en travaillant au lieud’étudier, nombreux sont les jeunes qui

abandonnent rapidement l’école. L’individumoyen qui est né entre 1975 et 1979 en Afriquesubsaharienne n’a fait que 5,4 années d’étude.En Asie du Sud, ce nombre passe à 6,3 annéeset, dans les pays de la zone OCDE, il est de13,4 années.

Avec de telles différences dans le niveaud’instruction et l’état sanitaire, différencesauxquelles il faut ajouter les disparitésimportantes d’accès à l’infrastructure et àd’autres services publics, il ne faut pas s’étonnerque les possibilités de consommation de biensprivés soient aussi très différentes dans les payspauvres et les pays riches. La valeur moyenne desdépenses annuelles de consommation convertiessur la base du pouvoir d’achat (PPP) varie entre279 dollars au Nigéria et 17 232 dollars auLuxembourg. Autrement dit, les ressourcesmonétaires du Luxembourgeois moyen sont62 fois plus élevées que celles du Nigérianmoyen. Alors que ce dernier a parfois du mal às’acheter de quoi se nourrir convenablementchaque jour, le Luxembourgeois moyen n’a guèrede soucis à se faire pour se procurer le dernier-nédes téléphones portables sur le marché. Étantdonné que la circulation des personnes d’unpays à l’autre est bien plus difficile qu’àl’intérieur des pays, ces inégalités de résultatsentre les pays seront probablement bien plusétroitement liées à des inégalités d’opportunitésqu’à l’intérieur des territoires nationaux.

Les tendances de l’inégalité dans le mondevarient. Entre 1960 et 1980, il y a eu une baissemarquée des inégalités d’espérance de vie entreles pays, baisse favorisée par les importantsprogrès qu’ont accomplis les pays les pluspauvres du monde sur ce front (figure 3).Cette évolution bienvenue s’explique par ladiffusion planétaire des technologies de santéet les efforts de santé publique importantsdéployés par les régions du monde où les tauxde mortalité sont particulièrement élevés. Maisdepuis 1990, la propagation du VIH/SIDA(surtout dans de nombreux pays d’Afrique) etl’augmentation des taux de mortalité dans leséconomies en transition (d’Europe de l’Est etd’Asie centrale en particulier) ont réduit ànéant certaines des avancées antérieures. Lacrise du SIDA a fait chuter l’espérance de viede façon dramatique dans certains des pays lesplus démunis de la planète, et grandementcreusé de la sorte l’écart avec les pays plusfavorisés.

Abrégé 7

0

0,05

2000

1990

1960

Distribution internationale de l’espérance de vie pondérée en fonction de la population, 1960–2000

27 39 51 63Années

75 87

Figure 3 L’espérance de vie aaugmenté, estompant les différencesjusqu’à l’apparition de la crisedu SIDA

Source : Schady (2005)

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Les inégalités d’accès à l’enseignementdiminuent aussi dans le monde, tant au seindes pays qu’entre les pays du fait que le nombremoyen d’années d’études augmente dans la vastemajorité des pays. C’est là aussi une évolutionheureuse, bien que certains problèmes de qualitéde l’enseignement interdisent tout excèsd’optimisme.

L’inégalité des opportunités est certes notreprincipale préoccupation, mais les importantesdifférences de revenu ou de consommationentre les pays ne peuvent qu’influer sur leschances qu’auront dans la vie les enfants nésaujourd’hui dans ces différents pays. Lestendances de l’espérance de vie à la naissanceet du nombre d’années de scolarité n’ont cesséde converger, jusqu’en 1990 tout au moins,mais les chiffres de revenu et de consommationfont apparaître un tableau différent. Si lestendances récentes dépendent dans une largemesure du concept retenu (qui sera analysé defaçon très détaillée au chapitre 3), les inégalitésmondiales de revenu n’ont cessé de se creuserau fil des années, jusqu’à ce que la croissanceéconomique de la Chine et de l’Inde s’accélèredans les années 80 (figure 4).

Il est possible de décomposer l’inégalitétotale entre les individus du monde en deuxéléments : les différences entre les pays et lesdifférences à l’intérieur des pays. Les différencesentre les pays étaient relativement peuimportantes au début du dix-neuvième siècle,mais leur part relative dans l’inégalité totale aaugmenté vers la fin du vingtième siècle. Sil’on excepte la Chine et l’Inde, les inégalitésmondiales n’ont cessé d’augmenter, en raison

de la divergence de plus en plus marquée entrela plupart des autres pays à faible revenu et lespays riches.

En quoi l’équité est-elleimportantepour le développement ?En quoi ces inégalités tenaces — tant àl’intérieur des pays qu’entre les pays — sont-elles importantes ? La première raison tient aufait que l’imbrication et la persistance de cesinégalités impliquent que les opportunités quis’offrent aux niveaux économique, social etpolitique à certains groupes sont invariablementinférieures à celles de leurs concitoyens. Laplupart des gens estiment que des disparitésaussi extrêmes violent le principe de l’équité,en particulier lorsque les individus concernésne peuvent pratiquement rien faire face à cetétat de fait (chapitre 4). Ce sentiment est dansla ligne des enseignements de la philosophiepolitique en général et du système internationaldes droits de l’homme. Les enseignementsmoraux et éthiques fondamentaux desprincipales religions du monde font une placeau souci d’équité, même s’ils ont souvent étéaussi une source d’injustice et s’ils ont été liés àdes structures de pouvoir inégalitaires. Certainséléments expérimentaux tendent en outre àmontrer que beaucoup de peuples — mais pastous — se comportent d’une manière qui révèleun souci d’équité, même s’ils se préoccupent deleur réussite individuelle.

Aussi importantes que puissent être cesraisons intrinsèques qui conduisent à sepréoccuper de l’inégalité des chances et del’iniquité des processus, la relation déterminantequi existe entre l’équité et le développement estle thème central de ce rapport, qui metparticulièrement l’accent sur deux courroies detransmission, à savoir les effets de l’inégalité deschances lorsque les marchés sont imparfaits, etl’incidence de l’inégalité sur la qualité desinstitutions qu’une société produit6.

Avec des marchés imparfaits, les inégalités depouvoir et de richesse se traduisent en inégalitédes chances, source de gaspillage du potentielproductif et d’inefficacité dans l’allocation desressources. Le fonctionnement des marchésest souvent imparfait dans de nombreux pays,soit à cause de défaillances intrinsèques, tellesque celles qui sont associées à l’asymétrie de

8 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2006

Écart logarithmique moyen1

0,8

0,6

0,4

0,2

019921980197019601950192919101890187018501820

0,33

0,50

0,83

0,33

0,36

0,69

0,05

0,37

0,42

Inégalité mondiale

Inégalité à l’intérieur des pays

Inégalité entre les pays

Figure 4 La tendance longue à la divergencedu niveau des revenus commence à s’inverseravec la croissance de la Chine et de l’Inde

Source: Calculs de l’auteur sur la base des données tirées deBourguignon et Morrisson (2002)

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l’information, soit à cause des distorsionsinduites par les interventions de l’État. Desétudes de cas microéconomiques tendent àmontrer que l’inefficacité de l’allocation desressources entre différentes activités productivesest souvent liée à des différences de richesse oude condition sociale (chapitre 5).

Si les marchés financiers fonctionnaient defaçon parfaite, il n’y aurait aucune relationentre l’investissement et la distribution de larichesse. Quiconque aurait une possibilitéd’investissement rentable pourrait emprunterde l’argent pour financer son affaire, ou pourvendre des actions d’une société créée pourentreprendre l’investissement. Mais, danspratiquement tous les pays (qu’ils soientdéveloppés ou en développement), les marchésdes capitaux sont très loin de la perfection : lecrédit est rationné selon la clientèle, et les tauxd’intérêt varient largement d’un emprunteur àl’autre ou selon que l’on est du côté desprêteurs ou des emprunteurs, et d’une façonqu’on ne peut en aucun cas lier à un risque dedéfaillance ou à d’autres facteurs économiquesqui pèsent sur le rendement espéré des prêteurs.Par exemple, les taux d’intérêt diminuent avec lataille des prêts au Kerala et au Tamil Nadu enInde, et selon les groupes de négociants auKenya et au Zimbabwe, d’une manière qui nesaurait être expliquée par des différences derisques7. Au Mexique, les rendements ducapital investi sont bien plus élevés pour lestrès petites entreprises du secteur informel quepour les grandes firmes.

Les marchés fonciers sont aussi affectés pardes imperfections liées à l’absence de titres depropriété clairs, à la concentration de la propriétéfoncière depuis des lustres et à l’imperfection desmarchés de la location. Au Ghana, comme lesfemmes n’ont pas la sécurité de jouissance dela terre, les périodes de jachère sont rares, cequi est inefficace et entraîne une perte deproductivité du sol.

Le marché des ressources humaines estimparfait lui aussi, parce que les parentsprennent les décisions au nom de leurs enfantset parce que le rendement attendu de l’inves-tissement dépend de facteurs tels que lalocalisation géographique, les relations etla discrimination — liée au sexe, à la caste, àla religion ou à la race. On a pu observerque la discrimination et les préjugés —mécanismes qui favorisent la perpétuation desinégalités entre les groupes — conduisent les

individus qui appartiennent à des groupesvictimes d’une discrimination à se sous-estimer, à baisser les bras et à perdre leursmoyens. Cela réduit d’autant leur potentiel dedéveloppement personnel et leur aptitude àcontribuer à l’économie.

Une expérience récente en Inde offre unexemple frappant de l’impact des préjugés surles résultats. Des enfants de différentes castesont été invités à effectuer des exercices simplestels que résoudre un labyrinthe, avec devéritables incitations financières qui dépendaientdes résultats qu’ils obtenaient. Le bilan clé del’expérience est que les enfants des bassescastes obtiennent les mêmes résultats que lesenfants des castes supérieures lorsque leurcaste n’est pas mentionnée publiquement parl’expérimentateur, mais des résultats nettementmoins bons si leur caste est dévoilée (figure 5).Si une telle inhibition des talents se produitdans le monde réel, elle se traduira par une pertede production potentielle due aux préjugés.

Les inégalités économiques et politiques sontliées à un développement institutionnel déficient.La deuxième courroie de transmission parlaquelle l’injustice influe sur les processus dedéveloppement à long terme tient à la formationdes institutions économiques et politiques

Abrégé 9

8

6

4

2

0Castenon

mentionnée

Castenon

mentionnée

Castementionnée

Castementionnée

Castementionnée

et ségrégation appliquée

Caste supérieure

Caste inférieure

Paiement à la pièce Tournoi

Nombre moyen de labyrinthes résolus, par caste, dans le cadre de cinq traitements expérimentaux

Figure 5 Les résultats des enfants sont différentslorsqu’il est fait mention de leur caste

Source : Hoff and Pandey (2004).Note : La figure montre le nombre de labyrinthes achevés sanserreur par des enfants de castes inférieures et de castessupérieures d’un ensemble de villages indiens lors de différentesexpériences. La différence entre les deux premières colonnes etles trois dernières colonnes tient au mode de paiement : dans uncas, les enfants sont payés pour chaque labyrinthe achevé(paiement à la pièce) et, dans l’autre, seulement s’ils complètentle plus grand nombre de labyrinthes (tournoi).

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(chapitre 6). Les institutions déterminent lesincitations et les contraintes, ainsi que lecontexte dans lequel les marchés fonctionnent.Les structures institutionnelles sont l’abou-tissement de processus historiques complexes,qui reflètent les intérêts et les luttes d’influencepolitique de différents individus et groupes ducorps social. Replacées dans cette perspective,certaines imperfections du marché peuventexister non par accident, mais parce qu’ellesconduisent à distribuer les revenus ou lepouvoir d’une façon particulière. Il y aura alorsdes conflits sociaux au sujet des institutions de lasociété, et ceux qui disposent du pouvoirseront incités à modeler les institutions à leurprofit.

L’argument essentiel à cet égard est quele pouvoir inégal conduit à la formationd’institutions qui perpétuent les inégalités depouvoir, de condition sociale et de richesse —inégalités qui sont généralement préjudiciablesaussi pour l’investissement, l’innovation et laprise de risque qui sous-tendent la croissancesur le long terme. De bonnes institutionséconomiques jouent un rôle fondamental surle plan de l’équité : pour prospérer, une sociétédoit créer des incitations pour la vastemajorité de la population afin qu’elle investisseet innove. Mais cet ensemble d’institutionséconomiques équitables peut voir le jouruniquement lorsque la distribution du pouvoirn’est pas hautement inégale et dans dessituations où l’exercice du pouvoir par lesresponsables gouvernementaux n’est pas discré-tionnaire. Les tendances fondamentales quiressortent des données des pays et des récitshistoriques confortent l’idée que les pays qui sesont engagés dans des sentiers institutionnelspropres à promouvoir une prospérité durablel’ont fait parce que le rapport des forces dans lalutte pour l’influence politique et la détentiondu pouvoir est devenu plus equitable.

On peut en trouver une illustration encomparant les premières institutions et lessentiers de développement à long terme descolonies européennes d’Amérique du Nord etdu Sud. L’abondance de main-d’œuvre nonqualifiée que l’on trouvait à l’époque dans lescolonies d’Amérique du Sud –– où il existaitun vaste réservoir de populations indigènes etd’esclaves importés –– s’est conjuguée à latechnologie de l’exploitation minière et del’agriculture des grandes plantations agricoles

pour fournir la base économique nécessaireau développement de sociétés hiérarchiqueset minières, caractérisées par une forteconcentration de la propriété des terres et dupouvoir politique. En Amérique du Nord parcontre, les tentatives similaires faites pourintroduire des structures hiérarchiques ont étécontrecarrées par la pénurie de main-d’œuvre–– sauf lorsque les conditions agro-climatiques ont fait de l’esclavage une optionéconomiquement viable, comme dans le suddes États-Unis. La concurrence pour la main-d’œuvre libre dans les régions septentrionalesde l’Amérique du Nord a favorisé la mise enplace de structures moins inégales pour lapropriété du sol, une expansion plus rapide dudroit de vote et une progression accélérée del’alphabétisation et de l’éducation de base. Lesinstitutions économiques et politiques issuesde ces diverses tendances se sont maintenuesdans le temps, avec les effets positifs que l’onsait sur le développement économique à longterme du pays.

Appliquer les mêmes règlesdu jeu à tous dans les sphèreséconomique et politique Les inégalités économiques et politiques quenous pouvons observer dans le monde sontdonc en partie imputables à l’inégalité desopportunités. Ces inégalités sont inacceptablestant pour une question de principe que pourdes raisons pratiques. C’est une sourced’inefficience, de frictions politiques et defragilité des institutions. Quelles conséquencesfaut-il en tirer pour l’action des pouvoirspublics, et faut-il conclure qu’il est nécessaired’élaborer un plan d’action différent duprogramme de lutte contre la pauvreté déjàadopté par la Banque mondiale, d’autresinstitutions multilatérales et un grand nombrede pays ?

Notre idée est qu’en tenant compte del’équité, on ne peut que donner plus de force auprogramme de réduction de la pauvreté. Lespauvres ont généralement moins de possibilitésde s’exprimer, des revenus moindres et un accèsplus limité aux services que la plupart des gens.Lorsque les sociétés deviennent plus équitablesd’une manière qui élargit les opportunitésoffertes à tout un chacun, les pauvres ont toutesles chances de recueillir un « double dividende ».

10 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2006

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Premièrement, l’élargissement des opportunitésprofite directement aux pauvres puisque celaleur permet de participer davantage au processusde développement. Deuxièmement, le processusde développement lui-même peut gagner enefficacité et en solidité puisqu’une plus grandeéquité se traduit par de meilleures institutions,une gestion plus efficace des conflits et unemeilleure utilisation des ressources de la société,en particulier celles qui sont allouées auxgroupes défavorisés. L’accélération de lacroissance économique que cela entraînera dansles pays pauvres contribuera alors à réduire lesinégalités générales.

Le fait que l’élasticité de la réduction de lapauvreté par rapport à la croissance diminuelorsque les inégalités de revenu augmententmontre bien que la participation des pauvres àla croissance est plus importante si cesinégalités s’estompent. En d’autres termes,l’impact de la (même quantité de) croissancesur la réduction de la pauvreté est nettementplus important lorsque les inégalités derevenus au départ sont peu marquées. Enmoyenne, dans les pays où les inégalités derevenu sont faibles, une augmentation d’unpoint de pourcentage de la valeur moyenne desrevenus se traduit par une réduction d’environquatre points de pourcentage de l’incidence dela pauvreté (à l’aune d’un dollar par jour poursurvivre). Ce pouvoir tombe pratiquement àzéro dans les pays où l’inégalité des revenus estgrande8. Les politiques qui aboutissent à uneplus grande équité permettent donc de fairereculer la pauvreté –– directement en élargissantles opportunités offertes aux pauvres et,indirectement, en augmentant le niveau dudéveloppement durable.

La prise de l’équité en ligne de compteajoute trois nouvelles dimensions — ou toutau moins trois dimensions souvent négligées— à l’élaboration des politiques :

• Premièrement, les politiques les plus effi-caces de lutte contre la pauvreté pour-raient porter sur la redistribution de l’in-fluence, des avantages ou des subventionsau détriment des groupes dominants. Unerichesse très inégalement répartie con-juguée à une concentration excessive dupouvoir politique peut empêcher les insti-tutions de faire respecter par tous les droitsdes individus et les droits de propriété, et

introduit des biais dans l’organisation desservices et le fonctionnement des marchés.Cette situation a peu de chance d’évoluertant que le droit à la parole et l’influence, etles ressources publiques, apanage du groupedominant, ne seront pas redistribués enfaveur de ceux que le sort a moins favorisés9.

• Deuxièmement, si les redistributions opérées(dans la répartition du pouvoir ou l’accèsaux dépenses publiques et aux marchés)dans le souci d’une plus grande équitépeuvent souvent accroître l’efficience, il estindispensable d’analyser les arbitragespossibles avant de prendre des mesures ence sens. À un moment donné, la hausse dutaux d’imposition visant à financer la cons-truction de nouvelles écoles pour les plusdémunis aura un tel effet dissuasif sur l’effortou l’investissement (selon la façon dont lesimpôts sont levés), qu’il faudra cesserd’alourdir la fiscalité. Au moment de déter-miner la politique à suivre sur la base de cesarbitrages, il faudra considérer la valeurtotale des avantages liés à une plus grandeéquité. Si l’accroissement des dépenses con-sacrées aux écoles fréquentées par desenfants de basse caste signifie que lespréjugés finiront par tomber à la longue,entraînant une amélioration des résultatsscolaires, dont les effets positifs viendronts’ajouter aux avantages spécifiques de l’aug-mentation des taux de scolarité aujourd’hui,ces effets positifs ne devront pas être ignorés.

• Troisièmement, la dichotomie entre les poli-tiques de croissance et les politiques spéci-fiquement axées sur l’équité n’en est pas une.La distribution des opportunités et lesprocessus de croissance sont déterminés con-jointement. Les mesures qui influent sur lesunes influeront sur les autres. Cela ne veutpas dire que chaque mesure doit systéma-tiquement prendre l’équité en ligne decompte : par exemple, la meilleure façon detraiter les effets inéquitables d’une réformecommerciale donnée ne consiste pas néces-sairement à ajuster minutieusement cettepolitique elle-même (ce qui risquerait defaciliter l’accaparement de ses avantages parcertains groupes), mais à prendre desmesures complémentaires pour améliorer laprotection sociale, la mobilité de la main-

Abrégé 11

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d’œuvre et l’éducation. Ce qui compte, c’estle résultat d’ensemble du train de mesures etl’équité du processus sous-jacent.

L’analyse des données d’expérience relativesau développement montre clairement le rôlecentral du contexte politique en général — cequi confirme le bien-fondé de l’accent misdepuis ces dernières années sur la gouvernanceet l’autonomisation des populations. Mais iln’appartient pas à la Banque mondiale dedonner des conseils sur les questions touchantles choix d’orientation des gouvernants, d’autantqu’elle ne dispose pas non plus d’un avantagecomparatif dans ce domaine. En analysant lesimplications au plan de l’action des pouvoirspublics, nous mettons plutôt l’accent sur leséléments fondamentaux de la politique dedéveloppement tout en reconnaissant que leschoix d’orientation doivent tenir compte d’uncontexte social et politique plus large, et que lesmécanismes de responsabilisation influent surl’efficacité du développement.

Comme les politiques économiques sontfonction des réalités sociopolitiques, la façondont elles sont conçues, introduites ou modifiéesa tout autant d’importance que le type demesures envisagées. Le groupe qui a quelquechose à perdre avec la mise en œuvre de telleou telle réforme s’y opposera. Si c’est ungroupe puissant, il la fera avorter. La viabilitédes réformes dépend donc dans certains cas dela divulgation d’informations sur leurs effetsredistributifs et, éventuellement, de la formationd’une coalition entre les groupes des classespauvres et moyennes que les réformesavantageront en permettant, directement ouindirectement, à des membres défavorisés de lasociété de réussir leur processus d’autono-misation.

Il y a aussi un aspect technique à considérerdans la manière dont les politiques sont misesen œuvre. De même que nous mettons l’accentsur la nécessité de considérer la totalité desavantages de la redistribution à long terme aumoment de définir les choix d’orientation, ilest indispensable de prendre en ligne decompte la totalité de leurs coûts. La primautéaccordée à l’équité ne change rien au fait queles expropriations d’actifs, même dans dessituations d’injustices historiques, peuventavoir des conséquences préjudiciables sur lesinvestissements ultérieurs, en ce sens que les

taux d’imposition marginaux élevés sont unecontre-incitation au travail, ou que lefinancement inflationniste des déficits budgé-taires se solde en général par une taxationimplicite régressive, la désorganisation del’économie et une baisse de l’investissement etde la croissance. En résumé, la recherche d’équiténe doit pas être une excuse pour adopter unepolitique économique peu rationnelle.

Le rapport analyse, sous quatre grandstitres, le rôle de la puissance publique dansl’instauration de règles du jeu uniformes pourtous dans les sphères économique et politique.Trois de ces titres concernent les politiquesintérieures : l’investissement dans les ressourceshumaines, l’élargissement des possibilitésd’accès à la justice, à la terre et à l’infrastructure,et la promotion de l’équité sur les marchés. Lequatrième concerne les politiques visant àinstaurer une équité plus grande dans lemonde, tant au plan de l’accès aux marchés etaux ressources que de la gouvernance.

Tout au long de l’analyse, les auteurs durapport mettent en balance le désir d’êtreprécis et pratiques et le fait que la meilleurecombinaison des politiques est déterminée parle contexte national. Les problèmes d’édu-cation que connaît le Soudan sont différents deceux qui se posent à l’Égypte. La chronologieoptimale des réformes du secteur public enLettonie a peu de chances d’être la même quepour la Bolivie. Les moyens dont dispose laChine pour mettre en œuvre la réforme dufinancement de la santé ne sont pas les mêmesnon plus que ceux du Lesotho. Les conseilsdétaillés et précis que l’on peut donner sur lapolitique à suivre doivent donc être adaptés enfonction du contexte national, ou mêmeinfranational. C’est pourquoi tout ce qui seradit ci-après conserve, dans une certaine mesure,un caractère général et doit donc être interprétéavec prudence.

Le potentiel humainLe développement du jeune enfant. Dansbeaucoup de pays en développement, lesinterventions de l’État dans l’organisation desservices amplifient — au lieu d’atténuer —lesinégalités héritées à la naissance. Le principede base qui doit guider l’action des pouvoirspublics est que l’acquisition des capacités desindividus n’est pas déterminée par le milieu

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dans lequel l’enfant est né, bien qu’elle reflèteparfois les préférences, les goûts et les talents.

Comme les différences dans le dévelop-pement cognitif commencent à se creuser dèsl’âge le plus tendre (voir figure 2), les initiativesaxées sur le développement du jeune enfantpeuvent être d’une importance capitale vis àvis de l’égalité des chances. Les donnéesd’observation confirment que l’investissementdans les jeunes enfants a un impact importantsur la santé des enfants et leurs dispositions àl’apprentissage, et qu’il peut avoir plus tard dansl’existence une rentabilité économique souventplus importante que les investissements dansl’éducation et la formation.

Une expérience réalisée en Jamaïque sur desenfants (de 9 à 24 mois) de taille insuffisante apermis de constater que leur développementcognitif était inférieur à celui des enfants detaille normale. Des compléments nutritionnelset un programme d’exposition régulière à desstimulations mentales ont permis de compenserce handicap. Au bout de 24 mois, les enfantsqui bénéficiaient à la fois d’une meilleurenutrition et de plus de stimuli avaientpratiquement rattrapé leur retard de dévelop-pement par rapport aux enfants qui étaiententrés dans la vie avec un poids normal (figure6). Cela montre comment des interventionsrésolues et bien conçues de la puissance publiquepeuvent réduire les écarts d’opportunités entreles moins privilégiés et la norme sociétale. Lesinvestissements effectués au bénéfice desdéfavorisés dès l’enfance peuvent contribuer àpromouvoir l’égalité des chances.

La scolarité. Le processus continue pendanttoute la scolarité. L’action engagée pour égaliserles chances dans l’enseignement scolaire doitviser à ce que tous les enfants acquièrent aumoins le bagage de base nécessaire pour prendreune part active dans la société et dans l’économiemondiale qui est la nôtre aujourd’hui. Mêmedans des pays à revenu intermédiaire tels que laColombie, le Maroc et les Philippines, la plupartdes enfants qui achèvent le cycle de l’éducationde base n’ont pas un niveau suffisant, tel quemesuré par les résultats de tests comparablesd’un pays à l’autre (chapitres 2 et 7).

Les possibilités d’accès à l’école sontessentielles — en particulier dans les pays trèspauvres — mais, dans de nombreux pays, cen’est souvent qu’une petite partie du problème.

L’élargissement de l’accès à l’éducation doit êtrecomplété par des politiques axées sur l’offre(afin d’améliorer la qualité de l’enseignement)et des politiques axées sur la demande (pourcorriger le sous-investissement éventuel desparents dans l’instruction de leurs enfants pourdiverses raisons). Il n’existe pas de formulemagique pour cela, mais, parmi les interventionspossibles du côté de l’offre, nous pouvons citerl’augmentation des incitations offertes auxenseignants, l’amélioration de la qualité de basedes infrastructures physiques scolaires, ainsique la recherche et l’application de méthodespédagogiques permettant d’améliorer l’acqui-sition des connaissances des élèves qui n’ob-tiennent pas de bons résultats lorsqu’ils sontlivrés à eux-mêmes.

Du côté de la demande, il existe maintenantde très nombreux éléments d’appréciation quimontrent que l’attribution de bourses subor-données à l’assiduité des élèves est une mesurequi donne des résultats. Ces transferts moné-taires fonctionnent bien dans des pays aussidisparates que le Bangladesh et le Brésil, et ilssont souvent particulièrement efficaces pourles filles. Il y a aussi des approches promet-teuses pour intégrer les groupes exclus —comme avec le modèle Vidin pour scolariserles tziganes de Bulgarie — et pour améliorer leniveau de ceux qui ont pris du retard par lamise en place de cours de rattrapage, comme leprogramme Balsakhi qui utilise de jeunesfemmes comme personnel para-enseignantdans une vingtaine de villes de l’Inde. Commele soulignait le Rapport sur le développement

Abrégé 13

85

110Quotient de développement

Niveau de base 6 12Mois

18 24

105

100

95

90Groupe de contrôle

Supplément nutritionnel

Stimulation

Stimulation et supplément nutritionnelEnfants de poids normal

Figure 6 Les interventions précoces facilitent le rattrapage

Source : Grantham-McGregor et al (1991)Note : Le quotient de développement est un indice des progrès observés dans quatre indicateurs comportementauxet cognitifs du développement de l’enfant. Le nombre de mois indique le temps écoulé depuis l’entrée dans le programme— en général à l’âge de neuf mois.

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dans le monde de 2004, le renforcement dusens des responsabilités des établissementsscolaires et des enseignants à l’égard des élèveset des parents et, de façon plus générale, àl’égard de la communauté peut contribuer àinculquer la culture de l’efficacité chez lesprestataires de services.

La santé. Deux domaines en particulieroffrent la possibilité de réduire les inégalités etde remédier aux distorsions dans la fournituredes services de santé. Premièrement, dansdifférents domaines tels que l’immunisation,l’eau et l’assainissement, et l’information surl’hygiène et les soins aux enfants, il arrivefréquemment que les avantages ne se limitentpas aux bénéficiaires directs. Le principe duservice public garanti se justifie dans cesdomaines. Les subventions du côté de lademande incitent à la consommation deservices de santé maternelle et infantile, ce quipermet de remédier à d’éventuels problèmesd’information comme le fait le programmeOportunidades du Mexique.

Deuxièmement, les marchés de l’assurancepour les problèmes de santé catastrophiques secaractérisent par des défaillances multiples.(Ici, le terme « catastrophique » se réfère à lacapacité des ménages à faire face aux coûtsdirects et à la perte de revenus d’activité.) Lemodèle classique d’action sur l’offre, quiconsiste à miser sur les hôpitaux publics,fonctionne mal, en particulier pour les pauvreset les groupes d’exclus. Ce qui peut donner demeilleurs résultats, ce sont des services publicsou des réglementations qui fournissent uneforme d’assurance à tous. À titre d’exemple,citons notamment la mise en commun desrisques en Colombie, les cartes de santé enIndonésie et au Viet Nam, et la couvertureuniverselle à « 30-bahts » de la Thaïlande.Comme pour l’éducation, ces interventionsdoivent être assorties d’un système d’incitationspour encourager les prestataires à être attentifs àtous les groupes.

Gestion des risques. Les systèmes de protectionsociale déterminent les opportunités en four-nissant un filet de protection aux populations.En dehors des problèmes de santé, les crisesmacroéconomiques, les restructurations indus-trielles, les aléas climatiques et les catastrophesnaturelles sont autant d’éléments qui peuvent

affecter l’investissement et l’innovation. Lespauvres, qui sont les moins bien armés pourgérer les chocs, sont aussi en général ceux quisont les moins bien couverts par les structuresde gestion des risques, bien que, dans la plupartdes pays, nombreux sont les individus nonpauvres qui risquent de basculer dans lapauvreté. Des systèmes de protection socialeplus larges peuvent empêcher les inégalitésd’aujourd’hui — inégalités qui sont parfoisdues à un manque de chance — de s’enkysterpour devenir des inégalités demain. De mêmeque les filets de protection peuvent encouragerles ménages à s’engager dans des activités plusrisquées qui peuvent être plus rentables, cessystèmes peuvent aussi aider à compléter desréformes qui fabriquent des perdants.

Les filets de protection ciblent habituel-lement trois groupes : les travailleurs pauvres,les individus considérés comme incapables detravailler ou qui ne devraient pas travailler, etcertains groupes vulnérables. Si les filets deprotection sont conçus d’une manière appro-priée en fonction des réalités concrètes dechaque pays, les interventions ciblées indivi-duelles dans ces trois catégories peuvent êtrecombinées pour mettre en place un systèmepublic efficace d’assurance universelle. Avec cesystème, chaque ménage confronté à un chocpréjudiciable et qui bascule en deçà d’un seuilprédéterminé de niveau de vie aurait droit àune certaine forme d’aide de l’État.

Taxes pour promouvoir l’équité. Pour que lesinterventions visant à donner des chanceségales à chacun soient efficaces, il faut desressources. Le principal objectif d’une bonnepolitique fiscale est de mobiliser des finan-cements suffisants sans compromettre lacroissance tout en réduisant au minimum lesincitations génératrices de distorsions. Commel’impôt a un coût au niveau de l’efficacitépuisqu’il modifie les choix des individus entretravail et loisirs et entre consommation etépargne, la plupart des pays en développementauront sans doute intérêt à éviter des tauxd’imposition marginaux élevés sur le revenu età élargir l’assiette fiscale, notamment pour lestaxes sur la consommation. Les dépensespubliques doivent jouer un rôle actif pourpromouvoir l’équité. Il est toutefois possible,dans une certaine mesure, de rendre le systèmefiscal relativement progressif sans avoir à

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supporter des coûts d’efficacité importants. Lessociétés qui choisissent cette option peuvent parexemple exonérer les denrées alimentaires etaugmenter l’importance relative de l’impôt surla propriété.

Les capacités de l’administration des impôtset la structure de l’économie influent sansaucun doute sur l’aptitude à lever des recettes,mais la qualité des institutions et la nature del’impact social sont aussi d’une importancecruciale. Si les contribuables peuvent vraimentcompter sur les services fournis, ils serontprobablement plus disposés à payer desimpôts. Inversement, un État corrompu ouprédateur n’incite guère les administrés à faireconfiance à l’autorité ou à coopérer. En règlegénérale, l’instauration d’un État légitime etreprésentatif est probablement un préalable àla mise en place d’un système fiscal approprié,même si l’interprétation que l’on donne auterme approprié varie d’un pays à l’autre.

La justice, la terre et l’infrastructureLe développement des capacités individuelles nepermettra pas d’élargir les opportunités sicertains individus n’obtiennent pas des gains à lahauteur de leurs capacités, si leurs droits depropriété sont inégalement protégés et s’ils n’ontpas un accès équitable à des facteurs deproduction complémentaires.

L’instauration de systèmes de justice équitables.Les systèmes de justice peuvent jouer un rôledéterminant pour assurer l’égalité des chancesdans les domaines politique, économique etsocioculturel, mais ils peuvent aussi renforcerles inégalités existantes. Le rapport analyse à lafois le droit codifié et la façon dont la loi estinterprétée et appliquée dans la pratique. Lesinstitutions juridiques peuvent soutenir lesdroits politiques des citoyens et limiter lacaptation de l’État par l’élite. Elles peuventégaliser les opportunités économiques enprotégeant les droits de propriété de chacun eten garantissant la non-discrimination sur lemarché. Elles sous-tendent et reflètent lesrègles du jeu au sein de la société et elles jouentde ce fait un rôle essentiel pour assurer àchacun un traitement équitable — et pourgarantir les droits de propriété en général etl’impartialité des mécanismes de règlementdes différends, autant d’éléments extrêmementimportants pour l’investissement.

La loi peut aussi accélérer l’évolution desnormes, et les systèmes de justice peuvent servirde force progressiste en faveur du changementdans le domaine social en dénonçant lespratiques inéquitables. C’est ainsi qu’aux États-unis la loi de 1964 sur les droits civiques et laloi de 1965 sur Medicare ont supprimé laségrégation dans les hôpitaux, ce qui s’est traduitpar une forte baisse de la mortalité infantile dansles communautés afro-américaines. Les pro-grammes de discrimination positive (Affirma-tive action) ont aussi montré qu’il était possiblede réduire les différences de rémunération et deniveau d’instruction liées à l’appartenance à ungroupe. Mais ces programmes se sont rigidifiéset n’aident plus aujourd’hui que les plusfavorisés des groupes désavantagés.

Pour assurer l’équité de la législation etl’égalité devant la loi, il faut établir un équilibreentre le renforcement de l’indépendancedes systèmes de justice et l’augmentationdes responsabilités — en particulier pouréviter que ceux qui sont puissants et richesne puissent corrompre ou influencer lesjuges, ou ignorer la loi. Les mesures prisespour rendre le système juridique plus accessible— tribunaux mobiles, aide juridique etcollaboration avec des institutions coutumières— sont toutes utiles pour réduire les obstaclesauxquels se heurtent les groupes d’exclus. Lesinstitutions coutumières soulèvent des pro-blèmes complexes et peuvent intégrer desinjustices (par exemple la discrimination entreles sexes), mais elles sont trop importantes pourqu’on les ignore. L’Afrique du Sud offrel’exemple d’un pays dont la politique établit unéquilibre entre la reconnaissance des pratiquescoutumières et les droits et responsabilités de laloi de l’État.

Vers une plus grande équité dans l’accès à laterre. L’élargissement des possibilités d’accès àla terre ne va pas nécessairement de pair avec lapropriété (chapitre 8). De fait, les interventionsvisant à améliorer le fonctionnement desmarchés fonciers et à assurer une plus grandesécurité de jouissance aux communautéspauvres sont parfois plus efficaces — commele montrent les programmes d’action rurauxen Thaïlande ou urbains au Pérou. Lapolitique de redistribution des terres peut sejustifier dans certaines circonstances, lorsqueles inégalités dans la répartition des terres sont

Abrégé 15

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extrêmes et que le contexte institutionnel esttel qu’il est possible d’intervenir efficacementpour redistribuer la terre au profit des petitspaysans et de soutenir cette réforme avec desservices complémentaires sans avoir à supporterd’importants coûts transitoires. Mais cesopérations ne sont pas toujours faciles à meneret les compromis sont parfois importantslorsque les droits de propriété sont tout à faitlégitimes.

L’expropriation de la terre (avec indemni-sation) est le moyen de redistribution quiprovoque le plus de perturbations. Deuxsolutions plus efficaces par rapport aux coûtspeuvent consister à céder les terres appartenantà l’État et à récupérer les terres indûmentoccupées, éventuellement en échange d’un titrede propriété sur une partie de ces terres. Lesapproches basées sur le jeu du marché ou surles communautés, qui permettent à tous lesmembres d’une communauté d’obtenir uncrédit bonifié pour louer ou acheter des terrainssur la base du principe de l’assentiment mutueldu vendeur et de l’acheteur, comme au Brésil eten Afrique du Sud, paraissent prometteuses.L’application d’une taxe foncière peut être unemesure complémentaire utile en ce qu’elleprocure des recettes pour acheter des terrains àredistribuer, ou qu’elle encourage la redistri-bution lorsque la fiscalité applicable aux terrainssous-utilisés est trop lourde.

Assurer l’équité dans la fourniture del’infrastructure. L’accès à l’infrastructure, qu’ils’agisse des routes, de l’électricité, de l’eau, del’assainissement ou des télécommunications, esten général extrêmement variable selon lesgroupes. Pour de nombreux habitants des paysen développement, le manque d’accès à desservices d’infrastructure abordables signifiequ’ils doivent vivre à l’écart des marchés et desservices et que l’eau et l’électricité nécessairesaux activités productives et aux besoinsquotidiens ne leur sont distribuées que de façonintermittente, si tant est qu’elles le sont. Cela setraduit souvent par une diminution substantielledes opportunités économiques.

Le secteur public reste dans bien des cas laprincipale source de financement pour lesinvestissements d’infrastructure qui visent àélargir les opportunités des plus mal lotis, maisil est toutefois possible de tirer parti del’efficience du secteur privé. Si les privatisationsdes services d’utilité publique ont été souvent

attaquées en raison de leurs effets inégaux, lesdonnées d’observation font apparaître uneréalité plus complexe. En Amérique latine,elles ont généralement permis d’élargir l’accèsaux services, en particulier dans les secteurs del’électricité et des télécommunications. Dansd’autres cas toutefois, la hausse des prix qui asuivi les privatisations a plus que contrebalancéles effets positifs de l’amélioration de la qualité etde la couverture des services, ce qui a suscité desmécontentements parmi les populationsconcernées.

La privatisation est donc un exempleclassique d’une politique qui peut êtredéfendable ou non, selon le contexte local danslequel elle s’inscrit. Si le système public estextrêmement corrompu ou inefficace, ellepeut être un instrument utile. Dans d’autrescas, les privatisations mal conçues favorisent lacaptation des biens lorsqu’elles conduisent àtransférer des actifs publics, à des prixexcessivement bas, à des intérêts privés.

Mais, à en juger par les données d’expérience,on peut toutefois penser que le fait que lesservices d’infrastructure soient fournis par desopérateurs privés ou des services d’utilitépublique a moins d’importance pour l’équitéque la structure des incitations offertes auxprestataires de services et leur degré deresponsabilité à l’égard du public. Notre idée estque les gouvernants peuvent introduire plusd’équité dans l’organisation des servicesd’infrastructure en s’employant à assurer despossibilités d’accès plus large à des prixabordables aux pauvres et aux régionsdéfavorisées — ce qui implique souvent detravailler avec des prestataires informels et decibler les subventions — et à renforcer lagouvernance du secteur en exigeant une plusgrande responsabilité de la part des prestataireset en donnant aux bénéficiaires davantage depossibilités de s’exprimer.

Les marchés et la macroéconomie Les marchés sont d’une importance essentielleen ce qu’ils déterminent les possibilités qu’ontles individus de convertir leurs actifs enrésultats tangibles. Lorsque les transactions dumarché sont influencées par la richesse ou lestatut social des participants, elles sont à la foisinéquitables et inefficientes — et elles peuventaussi inciter différents groupes à accroître leurpatrimoine (chapitre 9).

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Les marchés financiers. Les systèmes bancairesqui sont sous la coupe de certains groupeséchangent des faveurs : la position de force surle marché est préservée au bénéfice d’ungroupe restreint de grandes banques, lesquellesaccordent des prêts à des conditions favorablesà un petit nombre d’entreprises sélectionnées,qui ne sont pas nécessairement celles quioffrent les possibilités de rendement les plusélevées en fonction des risques. Cela tient peut-être aux effets conjugués de la densificationdes circuits financiers et de la diminution desinégalités de revenu au niveau national. Lesmesures tendant à assurer un accès pluséquitable aux moyens de financement enélargissant les systèmes financiers peuvent parconséquent aider les entreprises productivesqui étaient, jusque là, écartées du secteurfinancier formel.

Ces relations ne relèvent toutefois que de laconjecture ; pour fournir des éléments plusconcrets, le rapport s’appuie donc sur desétudes de cas concernant des pays à revenuintermédiaire tels que la République de Corée,la Malaisie, le Mexique et la Fédération deRussie, ou des économies pauvres, notammentl’Indonésie et le Pakistan. Un paradoxeapparent ressort de ces études. Les sociétéscaractérisées par des inégalités de pouvoir etde richesse très importantes, des institutionspeu solides et des systèmes financiersadministrés ont en général un secteurfinancier étroit, qui sert les intérêts de ceux quiont de l’influence et masque la médiocrequalité des actifs. L’ouverture du systèmefinancier est une solution qui semble aller desoi. Mais les fruits de la libéralisation sontsouvent accaparés par ceux qui ont del’influence ou de l’argent, dans des pays aussidissemblables que le Mexique (au début desannées 90) et les économies en transition tellesque la République tchèque et la Russie.

L’approfondissement et l’élargissement pro-gressif du secteur financier doit donc s’accom-pagner d’une plus grande responsabilité hori-zontale (dans les structures réglementaires),d’une plus grande ouverture à la responsabilitésociétale et, lorsque c’est faisable, de mécanismesd’engagement externes (tels que l’entrée des paysde l’Europe centrale et des États baltes dansl’Union européenne). Les programmes ciblés surles pauvres — tels que les programmes demicrocrédit — peuvent être d’une certaine

utilité, mais ils ne sauraient remplacerl’élargissement de l’accès.

Les marchés du travail. Pour égaliser leschances sur les marchés du travail, il fauts’employer à trouver un bon équilibre (quivarie selon les pays) entre la flexibilité et laprotection afin d’offrir à autant de travailleursque possible un accès plus égal à desconditions d’emploi égales. Beaucoup de paysse sont dotés d’un corpus assez dense deréglementations et de dispositions pour lessalariés du secteur structuré, mais les textes quis’appliquent aux « outsiders », qui travaillentdans le secteur informel non réglementaire(souvent plus précaire) sont beaucoup moinsnombreux. Il y a habituellement des passagesvolontaires entre les deux secteurs, et ladiversité est grande au sein du secteurinformel lui-même, qui couvre aussi bien lesmicroentrepreneurs et certains travailleursindépendants qui sont mieux payés que lessalariés du secteur formel, qu’un grandnombre de travailleurs dont les conditionsd’emplois sont bien pires. Cette diversité setraduit par une protection insuffisante pourles travailleurs pauvres, tandis que les régle-mentations applicables au secteur structurépeuvent réduire la flexibilité de l’emploi etpénalisent souvent les travailleurs eux-mêmes,comme c’est le cas lorsque les systèmes desécurité sociale liés à l’emploi sont inefficaces.

Deux grandes méthodes d’approche pourle marché du travail sont à prendre enconsidération pour l’équité. Premièrement, lesinterventions sur le marché du travail de-vraient garantir l’application efficace desnormes fondamentales du travail dans l’en-semble du marché, ce qui signifie qu’il nedevrait pas y avoir de travail d’esclave ou decontrat d’apprentissage, pas de formes nocivesde travail des enfants, et pas de discrimination.Les travailleurs doivent pouvoir se réunirlibrement et former des associations, et leurssyndicats doivent pouvoir librement jouer unrôle actif dans les négociations. Deuxièmement,dans tous les domaines, la combinaison desmoyens d’action doit être évaluée de façon àétablir un équilibre entre la protection (de tousles salariés) et la possibilité pour les entreprisesde se restructurer, ce qui est d’une importancecapitale pour dynamiser la croissance et créerdes emplois.

Abrégé 17

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La sécurité des salariés est souvent assuréepar divers textes législatifs excessivementrigoureux sur la protection de l’emploi, quirendent le recrutement coûteux en général et,dans certains cas, plus coûteux encore lorsqu’ils’agit de recruter des travailleurs non qualifiés,des jeunes et des femmes — précisément ceuxque la loi cherche à protéger. Dans de nombreuxpays, il existe des solutions qui génèrent moinsde distorsions et favorisent davantage l’insertionet qui pourraient contribuer à égaliser leschances sur le marché du travail. Ces solutionsincluent notamment les systèmes d’assurance-chômage (que l’on trouve plus souvent dansles pays à revenu intermédiaire) et les systèmesd’emploi à bas salaire (de préférence assortisd’une garantie d’emploi), qui peuvent êtreappliqués avec succès même dans les pays ou lesÉtats pauvres.

Les marchés des produits. L’ouverture desmarchés des produits d’un pays au commerceextérieur a des effets très divers, tout au moinsà court ou moyen terme. Ces différencestiennent parfois à la situation géographique,comme le montrent les conséquences variablesde la libéralisation des échanges au Mexique(figure 7). Cela montre l’importance desinteractions entre les marchés nationaux desproduits intérieurs et le réseau des équipements

d’infrastructure. Souvent aussi, il y a desinteractions étroites avec les compétencesoffertes sur le marché du travail. Dans denombreux pays, l’ouverture aux échanges (quis’est souvent accompagnée d’une ouvertureaux investissements étrangers) s’est traduitepar une plus grande inégalité des rémunérationsau cours des dernières décennies. C’estparticulièrement le cas dans les pays à revenuintermédiaire et notamment en Amériquelatine. L’ouverture aux échanges poussesouvent à la hausse la prime aux qualificationsdans la mesure où les entreprises modernisentleurs méthodes de production (ce que leséconomistes appellent dans leur jargon le biaisdu progrès technique en faveur de la main-d’œuvre qualifiée). C’est une mauvaise chosepour l’équité si le contexte institutionnel réduitla capacité des travailleurs à changer d’emploi— ou limite l’accès des cohortes futures à laformation.

Stabilité macroéconomique. Ce rapport montrequ’il y a des relations à double sens entre lesinstitutions inéquitables et les crises macro-économiques, et que cette interaction a dans laplupart des cas des effets négatifs sur l’équité etla croissance à long terme. Les pays dont lesinstitutions sont peu solides et accaparées parcertains groupes ont une propension plusgrande à être frappés par les crises macro-économiques. Quand les crises se produisent,elles peuvent être coûteuses pour les pauvres,qui sont moins bien armés pour gérer leschocs. En outre, la résolution d’une crise estsouvent régressive en raison des divers méca-nismes qui entrent en jeu (les instrumentsclassiques des enquêtes sur les ménages nepermettent généralement pas d’isoler lesdonnées qui les concernent) : la diminution dela part du travail, tout au moins pour lestravailleurs du secteur formel ; la réalisation deplus-values pour ceux qui peuvent faire sortirleurs capitaux ; et le coût substantiel desopérations de sauvetage financier pour ren-flouer les entités influentes. Ces renflouementsdoivent être financés par une augmentationdes impôts et une baisse des dépenses. Étantdonné que les impôts sont généralementproportionnels et que les dépenses sontsouvent progressives à la marge (en particulieren Amérique latine), une partie démesurée ducoût des renflouements est supportée par les

18 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2006

Variation du bien-être des ménages

> 5 %4-5 %2-4 %0-2 %

Figure 7 Mieux vaut être à proximité des opportunités économiques Variations de bien-être des ménages mexicains à la suite de la libéralisation des échanges dansles années 90

Source : Nicita (2004).

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pauvres. Il s’est avéré par ailleurs que les tauxd’inflation élevés sont à la fois néfastes pour lacroissance et régressifs dans leur impact.

Le souci d’équité devrait en règle généralese traduire par une orientation prudente dela gestion macroéconomique et de laréglementation prudentielle. Tôt ou tard, lespolitiques macroéconomiques populistes serévèlent préjudiciables pour l’équité et pour lacroissance. Les gouvernants peuvent favoriserl’équité en adoptant une politique budgétairecontracyclique, en mettant en place des filetsde protection avant une crise, en réduisant lesprêts à risque, et en limitant le bénéfice des plansde sauvetage financier aux petits épargnants.Mais, dans tous les autres domaines d’inter-vention de l’État, les mesures prises en cas decrise doivent prendre appui sur des structuresinstitutionnelles qui assurent une plus grandeliberté des institutions à l’égard de la sphèrepolitique (autonomie des banques centrales etdes organismes de réglementation financière)et favorisent une meilleure information et lesdébats au sein du corps social.

La scène internationaleLe pays natal est l’un des facteurs prédéterminésqui a le plus d’influence sur les possibilités qu’aun individu de mener une existence saine etproductive. À l’échelle du monde, les inégalitéssont considérables. La réduction de ces inégalitésdépend principalement des politiques intérieuresmenées par les pays pauvres, du fait del’incidence de ces politiques sur la croissanceet le développement. Mais des initiativesinternationales peuvent modifier les conditionsextérieures et modifier l’impact des politiquesintérieures. En ce sens, les actions menées auplan international et au plan national secomplètent.

Nous vivons dans un monde intégré, unmonde dans lequel les personnes, les mar-chandises, les idées et les capitaux circulentd’un pays à l’autre. De fait, la plupart desconseils donnés aux pays pauvres au cours desdernières décennies — en particulier par laBanque mondiale — soulignaient les avantagesqu’ils tireraient d’une participation à l’économiemondiale. Mais les marchés mondiaux sontloin d’être équitables, et les règles qui régissentleur fonctionnement ont des effets parti-culièrement préjudiciables pour les pays endéveloppement (chapitre 10). Ces règles sont

le produit de processus de négociationscomplexes sur lesquelles les pays en dévelop-pement ne peuvent guère peser. En outre,même si les marchés fonctionnaient de façonéquitable, l’inégalité des dotations en res-sources limiterait l’aptitude des pays pauvres àtirer parti des opportunités mondiales. Pourégaliser les chances dans les sphères écono-mique et politique mondiales, il faut doncinstaurer des règles plus équitables pour lefonctionnement des marchés internationaux,il faut permettre aux pays pauvres de parti-ciper de manière plus efficace aux processus dedétermination des règles internationales et ilfaut faire davantage d’efforts pour aider lespays pauvres et les populations démunies àrenforcer et maintenir leurs dotations enressources.

Le rapport décrit certaines des nombreusesiniquités qui caractérisent le fonctionnementdes marchés internationaux du travail, desmarchandises, des idées et des capitaux. Lestravailleurs non qualifiés des pays pauvres, quipourraient être mieux payés dans les paysriches, ont les plus grandes difficultés à migrer.Les producteurs de pays en développement seheurtent à des obstacles pour vendre leursproduits agricoles, leurs produits manufacturéset leurs services dans les pays développés. Laprotection des brevets restreint l’accès des payspauvres aux innovations (en particulier pourles médicaments) alors que les nouvellesrecherches sont essentiellement axées sur lesmaladies des sociétés fortunées. Les investisseursdes pays riches sont souvent mieux traités queles autres lorsque des crises de la dettesurviennent. Dans la plupart des cas, des règlesplus équitables profiteraient aux habitants despays développés et des pays en développement.Les effets positifs d’une plus grande équitédiffèreront selon les marchés et les pays, maisles plus importants sans doute seront les effetsliés à l’élargissement des possibilités de migra-tion légales (ils profiteront directement auxmigrants) tandis que les avantages liés à lalibéralisation des échanges profiteront proba-blement plutôt aux pays à revenu intermé-diaire qu’aux pays les moins avancés.

Le rapport analyse les options possiblespour réduire les iniquités dans le fonction-nement des marchés internationaux, en parti-culier : l’élargissement des possibilités de mi-gration temporaire vers les pays de la zone

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OCDE, la réalisation d’un programme ambi-tieux de libéralisation des échanges dans lecadre des négociations de Doha, l’autorisationdonnée aux pays pauvres d’utiliser des médi-caments génériques et l’élaboration de normesfinancières mieux adaptées aux réalités despays en développement.

Les lois internationales qui gouvernent lesmarchés mondiaux sont le résultat de négo-ciations complexes. Dans certains cas, commepour les engagements concernant les droits del’homme, les processus utilisés pour élaborerdes lois sont perçus comme justes. Dansd’autres cas, les processus et les résultats sontjugés injustes, même si les réglementations for-melles sont équitables. Au sein de l’Organi-sation mondiale du commerce (OMC) parexemple, chaque pays dispose d’une voix, etchaque pays peut faire obstruction aux débats.Et pourtant, les processus de l’OMC sontparfois jugés injustes en raison du déséquilibrefondamental du rapport de forces entre lespuissants intérêts commerciaux et l’intérêtpublic, dans les pays développés comme dansles pays en développement. Ces déséquilibresse manifestent par exemple dans le nombre desagents employés à Genève par les différentsmembres de l’OMC. Une représentation pluseffective des pays pauvres dans les institutionsinternationales permettrait d’améliorer lesprocessus et par là même d’élaborer des règlesplus équitables.

L’impact de la réduction des imperfectionsqui affectent les marchés mondiaux estvariable d’un pays à l’autre. Les grands pays endéveloppement qui ont une croissance fortevont tirer un profit important de lalibéralisation des échanges mondiaux, de lamigration et des mouvements de capitaux, cequi les aidera à maintenir une croissancedynamique (et avec des politiques intérieureséquitables, ils pourront soutenir la croissanceéconomique à long terme et assurer une largerépartition des fruits de cette croissance auplan national). Les pays qui se sont laissédistancer profiteront beaucoup moins del’ouverture des marchés internationaux dansl’immédiat et ils resteront tributaires de l’aide.Pour ces pays, une action concertée au niveauinternational est vraiment indispensable afinde compenser l’inégalité des dotations enressources. Pour renforcer la base des ressources,c’est principalement aux pays qu’il appartient

d’agir, en effectuant des investissements publicspour développer les ressources humaines,l’infrastructure et les structures de gouvernance.Mais la communauté internationale peutsoutenir les politiques nationales par destransferts de ressources sous forme d’aide — enveillant à ce que cette assistance ne soit pascontrebalancée par les remboursements de ladette — et sous forme d’investissements dans lesbiens publics mondiaux, notamment dans lepatrimoine commun.

Il faut que les niveaux de l’aide soient à lahauteur des engagements pris par les paysriches lors de la Conférence de Monterrey en2002, et il faut prendre des dispositionsconcrètes pour consacrer 0,7 % du produitintérieur brut à l’aide, conformément àl’objectif fixé. Mais l’augmentation de l’aiden’aura de résultats que si elle permet dedesserrer les contraintes et de stimuler ledéveloppement des pays bénéficiaires. On peutaccroître l’efficacité en mettant l’accent sur lesrésultats, en abandonnant la conditionnalitéex ante et en transférant progressivement desbailleurs de fonds aux bénéficiaires laresponsabilité de la conception et de la gestion.L’aide ne doit pas être stérilisée par la dette, carles allègements de dette qui ne sont pas financéspar des ressources supplémentaires peuvent enfait miner l’efficacité des programmes d’aide. Ilconviendrait d’étudier les possibilités offertespar des mécanismes novateurs pour accroîtrel’aide au développement, notamment via l’ap-plication de taxes mondiales et la mobilisationdes contributions privées.

Équité et développementLa volonté de placer l’équité au cœur dudéveloppement s’inspire des grandes lignes deréflexion de la communauté du développement— concernant les marchés, le développementhumain, la gouvernance et l’autonomisationdes populations —, qui ont imprimé de leurmarque les quelques 10 à 20 dernières années.Il convient de noter que, cette année, l’équitéest le thème central du Rapport sur ledéveloppement dans le monde, mais aussi duRapport sur le développement humain duProgramme des Nations Unies pour ledéveloppement. L’appel lancé en faveur del’égalisation des chances dans les domainespolitique et économique des pays en dévelop-pement permet d’intégrer les deux grands

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axes d’action de la Banque mondiale, qui sontd’instaurer un climat institutionnel porteurpour l’investissement et de donner auxpauvres les moyens de se prendre en charge. Siles pays prennent les dispositions nécessairespour que les institutions fassent respecter sansdiscrimination les droits des individus, lesdroits politiques et les droits de propriété, ilspourront attirer beaucoup plus d’investisseurset d’innovateurs et être bien plus efficaces pourfournir des services couvrant l’ensemble de lapopulation. À terme, une plus grande équité

peut être un facteur d’accélération de lacroissance. Une évolution en ce sens peut êtrefavorisée par une plus grande équité sur lascène internationale, mais il faudrait enparticulier que la communauté internationalehonore déjà les engagements qu’elle a pris àMonterrey. Pour réduire les inégalités dans lemonde et atteindre les objectifs de dévelop-pement pour le Millénaire, il est indispensabled’accélérer la croissance et de valoriser lesressources humaines des pays pauvres.

Abrégé 21

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Notes1. Les taux de mortalité infantile sont calculés séparément au niveau

des provinces seulement, et ne tiennent pas compte des différences liées à larace, au sexe ou à d’autres facteurs sociaux. Les statistiques d’espérance devie différencient les groupes raciaux et les sexes, mais ne tiennent pascompte des différences régionales ou des différences liées au revenu. Lesdifférences réelles entres des individus types ayant les caractéristiquesindiquées seront donc probablement minimisées. En outre, l’espérance devie de Nthabiseng pourrait être bien plus faible si elle venait à être infectéepar le VIH/SIDA, comme beaucoup de jeunes femmes d’Afrique du Sud.Ces données sont tirées de Day and Hedberg (2004). Les estimationsconcernant les années d’études probables des deux enfants sont basées surdes données désagrégées –– par province, sexe, race, lieu de résidence enmilieu urbain-rural, quintile des dépenses de consommation et niveaud’instruction de la mère –– tirées de l’enquête sur la main-d’œuvre etl’enquête sur les revenus et les dépenses pour l’année 2000, qui ont étéeffectuées par la Direction des statistiques de l’Afrique du Sud.

2. Les dépenses mensuelles de consommation estimées en 2000 pourdes personnes ayant ces caractéristiques étaient de 119 rands (45 dollarssur la base de la parité du pouvoir d’achat) pour Nthabiseng et de3 662 rands (1 370 dollars) pour Pieter. Un individu blanc moyen dont lamère a un niveau d’instruction élevé, qui réside à Cape Town et quiappartient aux 20 % supérieurs de la distribution se trouve au99e percentile de la distribution globale des revenus. Les données sonttirées de l’enquête sur la main-d’œuvre et l’enquête sur les revenus et lesdépenses pour l’année 2000.

3. Il y a aussi des différences de revenus, de consommation et desdifférences dans d’autres domaines : Sven peut compter gagner 833 dollarspar mois contre une moyenne sud-africaine de 207 dollars (Nthabisenggagnera 44 dollars par mois). Si Sven avait eu encore plus de chance et s’ilétait né dans une famille occupant le même rang dans la distribution desrevenus en Suède que celle de Pieter en Afrique du Sud, son salaire mensuels’élèverait à 2 203 dollars. Sven pourra visiter n’importe quel pays quandl’envie lui prendra, tandis que Nthabiseng et Pieter devront sans douteattendre des heures pour obtenir un visa, qui ne leur sera peut-être pasdélivré.

4. Dans certains cas, tels que la décollectivatisation de l’agriculture enChine à la fin des années 70, une réforme peut améliorer l’efficience etaccroître les opportunités tout en creusant les inégalités de revenus (dansles régions rurales). L’expérience de la Chine — de même que ladécompression des salaires dans un certain nombre d’économies entransition d’Europe et d’Asie centrale — est une bonne illustration d’unpoint plus général : comme l’équité implique des processus équitables etl’égalité des chances, elle ne peut tenir à la seule répartition des revenus.Une plus grande équité tendra en général à réduire les inégalités derevenus, mais pas toujours. Et toutes les mesures destinées à réduire lesinégalités n’augmentent pas toujours l’équité.

5. Mazumder (2004)6. D’autres interactions entre l’inégalité des chances et la situation

sociale présentent aussi un intérêt sociétal ; c’est le cas en particulier desliens entre l’inégalité et les délits, et entre l’inégalité et la santé. Nous lesexaminerons rapidement dans ce rapport, mais l’analyse sera centrée surles courroies de transmissions qui influent plus directement sur l’équité.

7. Il peut y avoir beaucoup de bonnes raisons économiques quiexpliquent la variation des taux d’intérêt en fonction des risques,notamment les charges administratives fixes des prêts, l’asymétrie plus ou

moins grande de l’information, etc. Le problème, c’est que ces pratiquespèsent davantage sur les groupes défavorisés, d’une manière qui n’a aucunlien avec les possibilités d’investissement, ce qui a pour effet d’accroîtrel’inefficacité et de perpétuer les inégalités.

8. Ces moyennes sont basées sur des cas concrets et se rapportent àl’élasticité totale de la réduction de la pauvreté par rapport à la croissance,compte tenu de toute variation éventuelle des inégalités. Un degréd’inégalité « faible » correspond à un coefficient de Gini de 0,3 et un degré« élevé » à un coefficient de Gini de 0,6. L’élasticité partielle de la pauvretépar rapport à la croissance, en admettant qu’il n’y a pas de changementdans la courbe de Lorenz, fait apparaître une diminution analogue, maisnon égale à zéro (voir le chapitre 4).

9. Bien que la redistribution dans le sens d’une plus grande équités’effectue généralement au détriment des riches pour favoriser les pauvres,il peut arriver que de « bonnes » redistributions profitent à des groupes quine sont pas pauvres et en particulier à des classes moyennes. Cela dépendde la nature de la défaillance du marché. Il est possible par exemple que lespremiers bénéficiaires d’un système financier moins accaparé par desgroupes d’intérêt soient les petites et moyennes entreprises. Les pauvres enprofiteront lorsque l’élargissement de l’accès aux services financiers par lesentrepreneurs de classe moyenne permettra de stimuler la croissance et lescréations d’emplois.

RéférencesLe terme « processed » (document interne) qualifie les travaux reproduits

de manière informelle, qu'il n'est pas toujours possible de se procurerdans des bibliothèques.

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