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2 DIALOGUE DIALOGUE Dialoguer, de quoi s’agit-il ? Le dialogue, est-ce un simple contact occasionnel, une conversation civile et polie, une interview ? Ou une rela- tion qui se construit dans la communication réciproque par la parole, l’échange d’informations et d’idées, qui engagent les interlocuteurs ? Le dialogue est davantage que l’échange habituel de paroles banales et sympathiques, le dialogue entraîne les deux interlocuteurs à se connaître et se comprendre plus et mieux après une ou plusieurs conversations, qu’avant. Car dialoguer n’est pas seulement parler, dis- courir (ce ne serait qu’un monologue en présence d’un auditeur passif et silencieux), mais aussi prêter attention, écouter, entendre et prendre en compte ce que dit ou veut dire l’autre. Réalité et nécessité du dialogue Le terme « dialogue » et les notions qu’il véhicule est, depuis un demi siècle en tout cas, très en vogue dans l’ensemble de la chrétienté. Proche de la question de la tolérance, il recueille des perceptions différentes. Pour les uns, le concept de dialogue entre Eglises ou confessions dif- férentes est considéré posi- tivement, car il signifie intérêt, ouverture, entente. Chez d’autres, il éveille une certaine crainte pour ne pas dire suspicion, car il implique concession, com- promission, confusion. Cette double connotation est liée à la nature et à la finalité du rapport établi entre les personnes qui «entrent en dialogue» et de ce qu’elles poursuivent en «dialoguant». Un vrai dialogue n’est jamais neutre. L ’évolution des usages dans le langage est tout à fait significative. Pages Servir 3-2009 13/11/09 18:09 Page2

Réalité et nécessité du dialogue - CAEF

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Page 1: Réalité et nécessité du dialogue - CAEF

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D I A L O G U ED I A L O G U E

Dialoguer, de quoi s’agit-il ?Le dialogue, est-ce un simple contact occasionnel, une

conversation civile et polie, une interview ? Ou une rela-tion qui se construit dans la communication réciproquepar la parole, l’échange d’informations et d’idées, quiengagent les interlocuteurs ?

Le dialogue est davantage que l’échange habituel deparoles banales et sympathiques, le dialogue entraîneles deux interlocuteurs à se connaître et se comprendreplus et mieux après une ou plusieurs conversations,qu’avant. Car dialoguer n’est pas seulement parler, dis-courir (ce ne serait qu’un monologue en présence d’unauditeur passif et silencieux), mais aussi prêter attention,écouter, entendre et prendre en compte ce que dit ouveut dire l’autre.

Réalité et nécessitédu dialogue

Le terme « dialogue » etles notions qu’il véhiculeest, depuis un demi siècleen tout cas, très en voguedans l’ensemble de lachrétienté. Proche de laquestion de la tolérance, ilrecueille des perceptionsdifférentes. Pour les uns, leconcept de dialogue entreEglises ou confessions dif-férentes est considéré posi-tivement, car il signifieintérêt, ouverture, entente.Chez d’autres, il éveilleune certaine crainte pourne pas dire suspicion, car ilimplique concession, com-promission, confusion.Cette double connotationest liée à la nature et à lafinalité du rapport établientre les personnes qui«entrent en dialogue» et dece qu’elles poursuivent en«dialoguant». Un vraidialogue n’est jamaisneutre. L’évolution desusages dans le langage esttout à fait significative.

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1) Origine du mot L’origine du mot est latine (dialogus),

elle-même enracinée dans le grec (dunom dia-logos, et des verbes dia-lego :trier, distinguer, et dia-legesthai : conver-ser). Au départ il s’agissait d’une dis-cussion entre deux personnes ou deuxparties selon la méthode pratiquée parles anciens philosophes, la dialectique,consistant à partir du particulier pouraboutir au général. Le terme françaisexiste dès le 12e siècle, mais entre vrai-ment en usage à partir du 16e siècle.

Le dictionnaire1 nous apprend que lesens général de dialoguer est converser,s’entretenir, échanger des propos entredes personnes. Dans un dialogue, cha-cun tour à tour a tout loisir d’exposer sesidées, ses arguments, ses opinions. Onappelle aussi dialogue l’ensemble desparoles échangées mis en forme dans unrécit, une pièce de théâtre, un film.

Le sens spécial, évoqué en introduc-tion, de dialogue-concertation seraitassez récent, mais de plus en plus cou-rant.2 Il s’agit de la discussion entredeux groupes ayant des intérêts diver-gents dans la perspective d’un accord,ou au moins d’un consensus.

C’est bien cette connotation qui sou-lève le problème. En effet, jusqu’oùpeut aller la tolérance ? Où se situe letémoignage par rapport au «dialogue» ?Comment situer le dialogue par rapportà l’évangélisation ?

2) Usage bibliqueLe mot «dialoguer» n’apparaît en

français qu’une seule fois dans une tra-duction de la Bible, la TOB (Traductionœcuménique de la Bible) en Proverbes6.22 (les autres traductions courantesdonnent ‘parler’ ou ‘s’entretenir’). Il est

question des instructions du père et dela mère qui «parlent » au fils attentif. Lemot hébreu (une vingtaine d’utilisationsdans l’Ancien Testament) signifie «dire »avec un sens de répétition (redire, racon-ter, rappeler, méditer, réfléchir).

Cela dit, les exemples de dialogues nemanquent pas dans l’Ancien Testament.Dieu lui-même engage le dialogue avecl’homme3. De même, que de fois Jésusest entré en dialogue avec des hommeset des femmes, écoutant et questionnant(Lc 2.46), interpellant des disciples inté-ressés et parfois étonnés (Mt 16.13) oudes délaissés en détresse et souffrants,s’opposant à des responsables religieuxméfiants et malveillants (Mt 21.24 ;22.20. Jn 7 ; 8, etc.)4.

Si les mots dialoguer et dialogue ne figu-rent pas dans nos traductions de la Bible,le Nouveau Testament grec emploie unverbe dont le sens et la forme sont assezproches : dialegomai. Il est généralementtraduit par «s’entretenir, discuter, débattre».En chemin ils avaient discuté pour savoirqui était le plus grand (Mc 9.34)5.

L’emploi qui nous intéresse particu-lièrement est celui qu’en fait Luc à dixreprises dans le livre des Actes (17.2, 17;

1 Le Robert en sept volumes, tome 3, Paris, 1973.2 Le Robert, supplément, Paris, 1973. Les éditions suivantes du PetitRobert donnent régulièrement les deux sens.3 Où es-tu ? (Gn 3.9) ; Où est ton frère ? (Gn 4.9) ; Quel est ton nom ?(Gn 32.28 : l’ange luttant avec Jacob) ; avec ses serviteurs : Va, je t’en-voie (Ex 3.10 et ss.; 4.1,2 : Dieu dit, demande et Moïse répond, objecte) ;Que fais-tu ici, Elie ? (1 R 19.9) ; Qui enverrai-je ? (Es 6.8 et ss. : je répon-dis…, il me dit…) ; Tiens-toi prêt, sois un homme : je vais t’interrogeret tu me répondras (Jb 38.3) ; avec son peuple : Venez et plaidons ! (Es1.18); Pourquoi plaidez-vous contre moi ? (Jr 2.29) ; Je vais parler àson cœur… et tu me diras… (Os 2.16 ss.) ; etc.4 Que veux-tu que je te fasse ? (Lc 18.41) ; Que vous en semble ? (Mt17.25; 18.12; 21.28); Lequel, à ton avis…? (Lc 10.36) ; Que pensez-vous du Christ ? (Mt 22.41,42). On ne peut omettre de mentionner lesentretiens avec Nicodème, la Samaritaine, le paralysé, l’aveugle-né (Jn3; 4; 5; 9), ou avec les disciples d’Emmaüs (Lc 24), etc.5 Le verset précédent (9.33) contient un autre verbe de la même famille(dialogizomai), qui a le sens de penser, raisonner, se demander : Queruminiez-vous en chemin ?, traduit A. Chouraqui.

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18.4,19; 19.8,9; 20.7,9; 24.12,25).6 Leverbe décrit la démarche et la méthodede l’apôtre Paul dans la communicationde l’Evangile à ses auditeurs. Probable-ment n’avait-il pas le sens que nous don-nons aujourd’hui à dialoguer, mais s’ap-pliquait à la manière particulière dediscuter et d’enseigner, suivant l’usagedes intellectuels de l’époque. Il est inté-ressant également de signaler que le motest associé à plusieurs reprises à un autreverbe (peitho) signifiant «persuader,convaincre» (17.4; 18.4; 19.8; voirencore 18.13; 19.26; 26.28; 28.23, 24).On imagine que les «discours» de Pauln’étaient pas des cours magistraux ou deshomélies construites selon nos règlesactuelles, mais des «entretiens» animés,visant et suscitant une certaine réactiondu public (voir d’autres associations :expliquer et établir : 17.3; échanger :17.18). Surtout, le dialogue qu’engageaitPaul était toujours orienté vers la pro-clamation de l’Evangile et comportait unaspect apologétique7 indéniable.

Dans la même ligne, il faut mention-ner deux conseils d’apôtre, qui concer-nent tous les chrétiens, sans distinction,en «dialogue» avec leur entourage. L’unde Paul, qui fait appel à un esprit de sen-sibilité et d’ouverture : Que vos parolessoient toujours agréables et pleines d’in-térêt ; sachez répondre à chacun de labonne manière (Col. 4.6 ; BFC). L’autrede Pierre, qui met en évidence le mobileprofond de cette disponibilité : Honorezdans vos cœurs le Christ, comme votreSeigneur. Soyez toujours prêts à vousdéfendre face à tous ceux qui vousdemandent de justifier l’espérance qui esten vous. Mais faites-le avec douceur etrespect (1 P 3.15, 16a ; BFC).

Dans un parcours à travers l’Ecritureen quête de dialogues, on s’aperçoit que

les situations de dialogues sont légion.8

Partout où des hommes se côtoient ouvivent en commun ou sont confrontés, deséchanges s’établissent tôt ou tard entre eux

au travers de la parole,le moyen de commu-nication par excellenceentre humains. Notrepropos ici n’est pasd’analyser le contenu etles motifs de ces dia-logues, ni d’évaluer leurbien-fondé ou leursdangers, leur qualité

ou leurs effets, encore moins d’en tirer une«technique» du dialogue. Pour le moment,il nous suffit d’observer que le dialogue,au sens de communication entre despersonnes ou des groupes, est une don-née universelle de la vie humaine.

Pour illustrer la place du dialoguecomme démarche et moyen de recherched’un accord, nous évoquerons quelquesexemples du Nouveau Testament. Envoici trois : la controverse entre les chré-tiens d’origine judaïque et ceux d’originepaïenne (Ac 15.1-35 et le développementdans l’épître aux Galates), la cohabitationdans la même assemblée des «forts» et des«faibles» (Rm 14-15.7), la question des dis-cordes mettant à mal l’unité de l’Eglise parl’oubli de la diversité des dons et des ser-vices (1 Co 1.10ss ; 3.3ss ;12.4ss ; etc.).Il est évident que l’intention des auteursn’était pas de souligner le dialogue en tant

D I A L O G U ED I A L O G U E

6 Les autres emplois de dialegomai sont : Jude 9 qui évoque une mys-térieuse discussion entre l’archange Michel et Satan ; Hb 12.5 qui rap-pelle l’encouragement adressé par le Père céleste à ses fils.7 De défense et de démonstration de la foi.8 Quelques exemples de l’Ancien Testament, très divers, évoquent toutessortes de dialogues : entre Moïse et le peuple d’Israël dans le désert, entreJosué et les tribus Israélites, entre David et Goliath, entre Salomon et leroi de Tyr, entre Elie et le roi Achab, entre Elisée et Naaman, entre Esaïeet le roi Ezéchias, entre Néhémie et les responsables de Jérusalem…L’exemple phare est évidemment le long dialogue entre Job et ses amis.

« Où réside ledialogue si l'onne parle, en fait,qu'à d'autressoi-même ? »Jean BAUBEROT, tribunelibre de l'hebdomadaireRéforme, n° 3019

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que tel, comme on tend à le faire aujour-d’hui. Nous n’abordons pas ici le fond desquestions. Mais il nous semble que les situa-tions relatées et les problèmes soulevés pré-sumaient quelque part la nécessité etl’utilité du dialogue entre les «partis» poursortir de l’impasse, sans que ce soit au détri-ment de la vérité, dans un esprit de paixet d’amour. Un dialogue remarquable estcelui de Pierre avec Corneille (Ac 10), quimontre le cheminement au fil de l’entre-tien de l’un vers l’autre.

3) Qu’est-ce quedialoguer ? Ou, vers undialogue authentique

Arrivés à ce point, nous retiendronsde ce qui précède comme d’un bon sensbiblique quelques principes ou repèresméthodologiques valables généralementpour tout dialogue pris au sens large(simple discussion), comme au sens res-treint (avec la connotation de négocia-tion-tractation).• Le dialogue est d’abord une rencontre

de personnes qui, dans la communica-tion réciproque, sont amenées àapprendre à se connaître et à se respecter.

• La qualité et le sérieux du dialoguedépend de la sincérité des interlocuteursdans leurs convictions respectives et durespect mutuel de la liberté de chacun.

• Le chrétien qui parle de vérité dans undialogue doit garder à l’esprit qu’il esttémoin et non juge.

• Il peut y avoir dialogue même dans laconfrontation. Le dialogue peut êtreconstructif même s’il n’aboutit pas à unaccord ou à une unité de vues.

• Le dialogue est nécessaire dans larecherche de résolution d’un conflit. Lafin visée n’est pas forcément la sou-mission d’une partie à une autre, mais

la paix (Rm. 12.18; 13.10).• Il n’y a pas de dialogue vrai si, au nom

d’une recherche de paix et d’unité «àtout prix», on met entre parenthèses sesconvictions, on fuit les difficultés et onrefuse le constat humble et honnête desdivergences.

• Il n’y a pas de dialogue dans l’indiffé-rence ou dans l’hostilité. Le discoursautoritaire ou agressif, le refus d’écouteet de compréhension, le soupçon oule procès d’intentions, le rejet péremp-toire, le comportement méprisant oula fuite dans le ressentiment, enlèventtoute valeur et toute raison d’être dudialogue entre les personnes.

En fait, le dialogue est une réalitéhumaine même plus une nécessitéhumaine. Dieu en nous créant à sonimage, a fait de nous des êtres de dia-logue. C’est la chute due au péché quia corrompu ce dialogue essentiel avecle créateur et entre les créatures.

L’évolution actuelle des relations etdes situations nous place dans une doubletension : d’une part entre l’impossibilitéd’échapper à tout dialogue et la nécessitéd’affirmer notre identité, d’autre partentre une position de repli et de défensiveet un esprit de recherche et d’ouverture.

Les défis ont une double dimension :d’un côté il y a les questions posées, del’autre côté, la démarche de dialogue elle-même. Les premières mettent en jeu desconvictions spirituelles et théologiques,des problèmes d’éthique, de conscienceet de fidélité…, elles nous renvoient à nosfondements et notre identité. Ladeuxième nous interpelle sur nos moti-vations et notre disponibilité, car elle meten évidence des divergences d’approche,de sensibilité, de compréhension.

Commission Théologique des CAEF

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C’est la question dud i a l o g u e e n t r ecroyants en l’Eternel

et non-croyants en l’Eterneldonc du dialogue interreli-gieux qui s’est posée d’abordet très tôt, avant d’être unproblème entre «confessions»chrétiennes.

Temps bibliques Déjà dans l’Ancien Tes-

tament nous avons le témoi-gnage de confrontations ausujet desquelles on peut sedemander si, au plan reli-gieux, à côté des nécessitéspolitiques, il n’y avait pas unesorte de «dialogue» entreIsraël et les nations envi-ronnantes.

Dans le contexte del’Alliance avec le Seigneur(Yahvé), l’impératif était de

se démarquer radicalementet de se garder de toute ido-lâtrie. Mais des contacts ontexisté, non sans poser degros problèmes internes etexternes2.

L’entrée en contact desapôtres avec les païens, rela-tée dans le livre des Actes,place le dialogue dans unnouvel éclairage : ils sontporteurs d’un message dedimension universelle. Ledialogue est alors engagéavec des hommes de toutesreligions, mais il était bien dif-férent de ce qu’on entendaujourd’hui sous ce terme. Ilfaisait partie d’une méthoded’approche connue deshommes de l’époque. Lesapôtres la pratiquèrent avecune intention missionnaire,déterminée par l’ordre de

La question du

dialogue n’est pas

simple et ne l’a

jamais été. Il vaut

donc la peine de

voir comment les

choses ont évolué

au cours du temps.

Il nous faudra

ensuite faire l’effort

d’analyser

honnêtement et

sans crainte les

situations,

d’apprécier les

nouvelles donnes,

afin de discerner les

véritables enjeux.

D I A L O G U ED I A L O G U E

Évolutions du typede dialogueÉvolutions du typede dialogue1

E S Q U I S S E H I S T O R I Q U E

1 Deux colloques ont eu lieu en 1999 sur ce sujet, l’un à la Faculté Libre de ThéologieEvangélique de Vaux-sur-Seine, l’autre à l’Institut Biblique Emmaüs, en Suisse. Lelivre Conviction et Dialogue (Editions Edifac et Excelsis, 2000) qui en donne lesactes peut être considéré comme une des meilleures références évangéliques actuelles. 2 Nous nous bornons à mentionner quelques exemples sans les traiter, pour direque le problème du dialogue est plus ancien qu’il n’y paraît : Jacob et les téraphim,Salomon et ses épouses païennes, Naaman le Syrien, les rois et les alliances avecles grandes puissances, les débats entre les prophètes et les rois dans la société israé-lite, etc.).

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l’annonce3 de l’Evangile de Jésus-Christ :Vous serez mes témoins… (Ac 1.8).Nous ne devrions pas avoir de difficultéà adhérer pleinement à cette conceptiondu dialogue avec des non-chrétiens.

Moyen Age La longue période qui s’étend depuis

le 4e siècle jusqu’au 17e siècle ne révèlepas une grande préoccupation pour le«dialogue» avec d’autres croyances.

C’est plutôt la conquête de territoireset leur défense, les luttes de pouvoirs, quimarquent les événements et les menta-lités de la chrétienté dominante4. On peutdéplorer la carence grave des Eglises dansla vision et l’action missionnaires dansle même esprit que les apôtres. Et pour-tant, tout au long de cette période leSeigneur n’a pas été privé de témoins.Des percées missionnaires dans le mondeentier ont été réalisées.5

Temps modernesLes grandes découvertes de la

Renaissance, dès le 15e siècle, vontentraîner un formidable développementpolitique, économique, artistique, scien-tifique et technique. La diffusion des idées

modernes au cours des trois siècles sui-vants, favorisant une certaine émanci-pation des esprits, va progressivementmodifier la manière de concevoir les rela-tions humaines. On entre dans un mondepluraliste et, en dépit de violents à-coups, on prône des idées de tolérance.C’est aussi à cette époque que, grâce àl’action souveraine de l’Esprit de Dieu,les Eglises «redécouvrent» la vocation mis-sionnaire du christianisme «au-delà desmers», à cause de la force contenue dansl’Evangile unique et universel de Jésus,Seigneur et Sauveur.

Inévitablement cette évolution aurades répercussions sur la conception dudialogue avec les autres religions.Plusieurs facteurs entrecroisés contri-buèrent à pousser la réflexion dans cedomaine : la confrontation constante etrépétée de l’œuvre missionnaire avec le

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3 La proclamation ou «kérygme»; cf. Rm 16.25 ; 1 Co 2.4…4 4e–5e siècles : début de l’ère constantinienne avec l’officialisation duchristianisme. Moyen-âge : domination de l’Eglise de Rome, avènementde l’Islam, schisme des Eglises orthodoxes, Croisades et Inquisition,persécution des juifs. 15e–17e siècles : Mouvements de Réforme,Contre-réforme, Guerres de religions, …5 Voir Jacques A. BLOCHER et Jacques BLANDENIER, L’évangélisation dumonde, vol 1, Des origines au 18e siècle (Editions IBN et GroupesMissionnaires, 1998).

CONCILE

DE NICÉE

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monde païen, la rencontre des missionsentre elles, aussi bien au sommet(Conférence d’Edimbourg en 1910)6, quesur le champ missionnaire (sociétésinterdénominationnelles), etc. Puis, dansun climat de sécularisation envahis-sante, éclatèrent les terribles chocs poli-tiques et humains sans précédents de lapremière moitié du 20e siècle (guerresmondiales, montée des fascismes et destotalitarismes, génocides…) provoquantun douloureux questionnement de fond.

Dans le sillage de ces profonds bou-leversements moraux, spirituels et intel-lectuels, des doutes surgirent affectantthéologiens, pasteurs et fidèles au pointque «mission», «évangélisation» et«conversion» deviennent des notionssuspectes. Le «dialogue totalementouvert», serait un «moyen de progresservers une vérité dans une recherche autravers des vérités apportées par chacunde ceux qui dialoguent». Il y a là, sansconteste, un glissement grave vers l’aban-don de toute notion d’absolu, le seulabsolu étant la relativisation elle-mêmede tout absolu. C’est la vérité del’Evangile qui est remise en question.Certes, le problème est complexe et nepeut se résoudre par des réponses sim-plistes.7

La position évangélique est bien résu-mée dans les articles 3 et 4 de laDéclaration de Lausanne du Congrèsinternational sur l’évangélisation dumonde, en 1974 : «Nous rejetons touteespèce de syncrétisme et de dialogue quisous-entend que le Christ parle de façonéquivalente au travers de toutes les reli-gions et idéologies…» et «Evangéliser,c’est répandre la Bonne Nouvelle deJésus-Christ… Notre présence chré-tienne dans le monde est indispensable

à l’évangélisation, de même qu’un dia-logue ouvert dans l’amour afin de mieuxcomprendre le prochain…»

Dans son prolongement, quinze ansplus tard, le Manifeste de Manille précise,dans son article 3 : «… Il arrive que lesdiverses religions comportent des élé-ments de vérité et de beauté. Elles n’of-frent pas pour autant d’autres évangiles,des évangiles de rechange… Rien nenous permet d’affirmer que le salut peutse trouver en dehors du Christ et sansune reconnaissance explicite, par la foi,de son œuvre… Nous rejetons donc àla fois le relativisme, qui considère touteles religions et spiritualités comme éga-lement valables pour s’approcher deDieu, et le syncrétisme qui voudraitmêler la foi au Christ et les autrescroyances… Dans le passé, nous avonsparfois adopté à l’égard des adeptesd’autres croyances une attitude cou-pable : méconnaissance, arrogance,mépris et parfois même hostilité. Nousnous en repentons… Nous sommesrésolus à rendre un témoignage positifet sans compromission aucune au carac-tère unique de notre Seigneur, à sa vie,sa mort et sa résurrection, dans tous lesaspects de notre évangélisation, y com-pris dans le dialogue avec les autres reli-gions».

Commission Théologique des CAEF

D I A L O G U ED I A L O G U E

6 Cette grande conférence missionnaire s’appuyait sur l’essor dessociétés missionnaires au 19e siècle et sur les espoirs que laissaient entre-voir les grands progrès, optique chère à ce siècle. En fait, cette confé-rence fut précédée par plusieurs autres congrès, en 1860, 1885, 1900,mais elle les surpassa tous par son ampleur et la qualité de la réflexionmenée.7 Voir John STOTT, Mission chrétienne dans le monde moderne, cha-pitre 3, (Editions Groupes Missionnaires, 1975) ; Michael GREEN,L’évangélisation dans l’Eglise primitive, chapitre 6, (Editions GroupesMissionnaire et Emmaüs, 1981).

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Dialogueinterconfessionnel

Certes, il ne convient guère deparler ici de «confessions» diffé-rentes. Mais la crise fut profondeet devait marquer durablementbien des communautés issues dela première expansion mission-naire du christianisme. L’unité nepouvait être maintenue qu’auprix de contacts suivis, donc de«dialogues» entre les différentsapôtres et anciens ou «épiscopes»(Ac 20.28). Pareillement, les signesavant-coureurs du gnosticisme,surtout vers la fin du premiersiècle, ont exercé un certain attraitet touché les fondements de la foi :les mises en garde que l’on dis-cerne dans plusieurs écrits sont,

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D I A L O G U ED I A L O G U E

Du dialogueinterconfessionnelau dialogueœcuménique

Du dialogueinterconfessionnelau dialogueœcuménique

1 Notamment celles de Paul aux Galates, aux Corinthiens, auxRomains.2 Epîtres Pastorales, Lettres de Jean, les 7 lettres aux Eglises dansl’Apocalypse et déjà la Lettre aux Colossiens.

E S Q U I S S E H I S T O R I Q U E

Des divergences sont apparues dèsl’époque apostolique entre les«judéo-chrétiens» restés attachés auxprescriptions de la loi et de la tradi-tion, et les «pagano-chrétiens»,émancipés de celles-ci. Les épîtresdu Nouveau Testament en portenttémoignage.1

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dans un premier temps, des argumen-tations dans le «dialogue» en vue duretour à la foi transmise.2

Les grandes «confessions» n’émergentque progressivement au cours des sièclessuivants avec le développement de doc-trines et de pratiques de plus en plusdiversifiées et sous la pression de cou-rants hérétiques. Alors des schismesimportants vont se produire: dès les 4e

et 5e siècles, entre différentes Eglisesd’Orient, et plus tard au 11e siècle, entrel’Eglise d’Occident, dite catholiqueromaine, et l’Eglise d’Orient, dite catho-lique orthodoxe. On doit considérer lesgrands Conciles qui jalonnent la premièrepériode comme des lieux de «dialogues»- parfois bien âpres et tendus.3

Les mouvements de la Réforme des15e et 16e siècles vont déclencher de nou-velles luttes et controverses, entre les pro-testants et Rome. Le «dialogue» estmanifestement plus conflictuel queconsensuel (persécutions, …). On peutcependant mentionner les disputes théo-logiques lors de rencontres entre théo-

logiens, en particulier protestants etcatholiques (Luther, Huss,…).

Le protestantisme lui-même se divi-sera en de nombreux courants divergentsoù la «dispute» se transforme plutôt enaffrontements, hélas parfois violents.Cependant, malgré les positions raidiesdes uns contre les autres, des contactsinterconfessionnels n’ont pas cessé d’exis-ter du 17e au 18e siècle, mais on ne peutguère parler de dialogue au sensmoderne, étant donné le peu d’impactlaissé.

Les réveils du 18e siècle (piétiste,morave, méthodiste…) eurent pour pre-mier effet la création de nouvelles déno-minations, mais aussi un remarquableessor missionnaire. Au 19e siècle, cet élanprit une ampleur sans précédent, aussibien en Europe qu’aux Etats-Unis. Denouvelles Eglises naquirent et de nom-breuses œuvres dans leur sillage4.

En présence de l’émiettement enmultiples fractions et dissidences émergealors une nouvelle prise de conscience.Elle part du constat maintes fois expé-rimenté lors de rencontres fraternelles oude collaborations entre chrétiens, del’existence d’une véritable unité évan-gélique transversale. Elle débouchera surle désir et le besoin ressentis par beau-coup de pasteurs et de laïcs de nom-breuses Eglises, dénominations, mis-sions, œuvres, de se rencontrer. Ainsi naît,en 1846, l ’Al l iance Evangél ique

D I A L O G U ED I A L O G U E

3 Nous citons les quatre premiers : Nicée (325), Constantinople (381),Ephèse (431), Chalcédoine (451), universellement reconnus, car ils ontposé les bases d’une saine christologie. 4 Nous relèverons quelques faits saillants parmi beaucoup d’autres :l’éclosion de très nombreuses Sociétés missionnaires qui, à la faveur desempires coloniaux, assurèrent la pénétration du christianisme dans tousles continents, la création de Sociétés Bibliques (actuellement unies dansl’Alliance Biblique Universelle), le lancement de l’Union Chrétienne deJeunes Gens (à caractère laïque et interdénominationnel), le dévelop-pement d’œuvres sociales débordant les cadres ecclésiaux, l’Armée duSalut, etc.

Entrece que je pense,

ce que je veux dire,ce que je crois dire,

ce que je dis,ce que vous voulez entendre

ce que vous entendezce que vous croyez comprendre

et ce que vous comprenez,

il y a bien des possibilités de ne pas s’entendre…

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Universelle dont l’intention est d’expri-mer et de manifester cette communion.Le terme dialoguer ne connaissait pasencore la fortune d’aujourd’hui, il n’estdonc pas étonnant qu’on ne trouve pasde mention explicite de «dialogues»préalables à sa fondation, entre les ins-tances des dénominations protestanteset évangéliques. Mais des dia-logues et des discussions, il yen eut, déjà avant cetteAssemblée : le projet d’uneréunion universelle fut lancédès 1843 ; il y en eut pendantl’Assemblée5 et il y en eutencore après : débats autourde certains problèmes et com-bats, comme la question del’esclavage...6

On peut dire que l’AllianceEvangélique fut le premiermouvement de rapproche-ment «œcuménique» sur labase de l’Evangile, avec d’em-blée une ampleur mondiale.7

Il ne s’agissait pas de rassembler lesEglises, ni de se substituer à elles, ni dediminuer la vocation particulière d’uneEglise (union nationale ou communautélocale). L’unité ne se fonde pas sur desdéclarations de principes et d’intentionset ne s’acquiert pas au moyen de trac-tations et de compromis entre états-majors ecclésiastiques. Il s’agissait plu-tôt d’encourager les Eglises à s’ouvrir lesunes aux autres pour découvrir et appro-fondir la communion voulue par leSeigneur et d’entrer dans un dyna-misme et une dimension qu’elles ne pou-vaient pas embrasser toutes seules. Dansla pratique, on allait se parler mutuelle-ment, prier sincèrement ensemble (ins-tauration de la Semaine Universelle dePrière dès 1847), se concerter utile-

ment pour agir ensemble. Entrer enrelation suppose bien dialoguer.

Dialogue œcuméniqueLe besoin d’une plus grande unité sur-

gira autrement encore, surtout dans lecontexte missionnaire, dans la lancée du

grand congrès mondial missionnaired’Edimbourg. En raison de l’expansiondu christianisme dans le monde entieret au contact de presque toutes les cul-tures, on en vint à se poser la questions’il était légitime d’exporter et de repro-duire sur tous les continents le mêmeschéma de division des Eglises euro-péennes (en tout cas protestantes etévangéliques), alors qu’il y avait accord

5 Discussions sur les grandes orientations, la déclaration de foi, le posi-tionnement à l’égard de l’Eglise catholique6 Voir André Thobois, Une conviction qui fait son chemin, (EditionsDécision France, 1996). Esquisse historique de 150 ans de l’Alliance dansle monde et en France. Dans le même siècle vont se former aussi d’autresalliances mondiales : luthérienne, réformée, méthodiste…7 En grec oikumenè : la terre habitée, et par extension le monde entier,l’univers (Mt 24.14; Ac 17.6; Rm 10.18…)

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sur les points fondamentaux de l’Evangileà annoncer. Par ailleurs, on nourrissaitl’espoir de voir reculer les autres religionsdans un avenir proche. Ne pouvait-onpas alors envisager un rapprochemententre les différentes dénominations, dansle prolongement d’une certaine ententedéjà pratiquée en terre missionnaire ?Ainsi naquit le mouvement œcuménique.La notion et la pratique d’un dialogueentre confessions différentes prirent doncde l’importance surtout dans les cerclespréoccupés par ces questions8. Après lecoup de frein dû à la première guerremondiale, d’autres congrès eurent lieuentre les deux guerres, où furent élabo-rés les grands domaines de « dialogue »pour l’unité, essentiellement sur deuxplans : « Christianisme pratique » et« Foi et Constitution ».

Le mouvement s’est structuré avecl’institution officielle du ConseilŒcuménique des Eglises (C.O.E.), en1948, lors de la Première Assemblée àAmsterdam. D’une Assemblée à l’autre,le nombre de membres s’élargit. Laprésence catholique date de 1968(Uppsala), soit après le Concile VaticanII. Le courant évangélique s’en était déta-ché dès 1937 pour des raisons théolo-giques, mais en 1975 (Nairobi) il fut ànouveau représenté.

Le mouvement avance très lente-ment. L’optimisme enthousiaste des pre-mières générations a fait place à un cer-tain pragmatisme. Mais ces vingt à trentedernières années de nombreux entre-tiens à caractère œcuménique se sontdéveloppés : luthéro-réformé9 et protes-tant-catholique10, mais aussi luthéro-mennonite11, catholique-baptiste12, évan-géliques-catholiques13, etc.

Dans plusieurs situations concrètes, laquestion du dialogue interconfessionnel

semble aujourd’hui inévitable, notam-ment là où une coexistence rapprochéeet parfois durable a pu aboutir à une cer-taine interpénétration sans conflits :

couples mixtes,aumôneries, actionsd’aide caritative,prises de positionsur des problèmeséthiques... Le “dia-logue“ n’est paschose aisée. S’agit-il de pourparlersd’institution à insti-

tution, entre les instances dirigeantes desEglises ? S’agit-il de relations entre despersonnes, ou entre des communautéslocales, coopérant momentanément dansun projet précis ? La représentativité desinterlocuteurs est un préalable importantà ne pas traiter à la légère, de même lesrègles convenues, les buts poursuivis etles intentions déclarées.

Commission Théologique des CAEF

D I A L O G U ED I A L O G U E

8 La semaine de prière dite «Semaine de l’Unité», fixée du 18 au 25janvier, en est un pôle important. Lancée en 1941 sous l’impulsion del’abbé Couturier, elle est pratiquée par un grand nombre d’Eglises ins-tituées dans de nombreux pays.9 Concorde de Leuenberg, en 1973.10 Accords de Lima, en 1982, sur “Baptême - Eucharistie - Ministère“(document B.E.M.). 11 Voir Marc LIENHARD et Pierre WIDMER, «Les entretiens luthéro-men-nonites (1981-1984)», Les Cahiers de Christ Seul, N° 16, 1984.12 Voir Rendre témoignage au Christ, travail du comité mixte baptiste-catholique en France, Editions du Cerf, Paris,1992.14 Un colloque a eu lieu à la Faculté Evangélique à Vaux-sur-Seine en2001, précédé de plusieurs autres rencontres régionales. Les principauxtextes ont été reproduits dans Le dialogue catholiques-évangéliques, débatset documents, (Editions Edifac et Excelsis, 2002). Voir également AlainNISUS, De quoi la vérité aurait-elle peur ?, in Construire ensemble, N°40, 2002 (Mensuel de la Fédération des Eglise évangéliques baptistes).Voir encore la série des Notices ‘Connaître les évangéliques’ et ‘Des catho-liques et des évangéliques se questionnent mutuellement’, publiées sousforme polycopiée conjointement par l’Entente des Eglises EvangéliquesLibres de la Communauté Urbaine de Strasbourg et l’antenne ‘EvolutionsReligieuse et Nouvelles Religiosités’ du service pastoral de l’Eglise catho-lique en Alsace.

« Le dialoguevéritable consiste às’appuyer sur l’idéede son interlocuteur,non à la démolir. »

Edward G. Bulwer-Lytton

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Sans doute la connotation que le terme ‘dialogue’ agénéralement prise dans les sphères œcuméniquesle fait-il considérer avec une certaine réticence.

L’idée d’une concertation interdénominationnelle en vued’un rapprochement n’est pas clairement perçue. Desséparations subsistent pour des raisons d’ignorance, deconcurrence, de prédominance de la vision locale, deréflexe minoritaire, de méfiance des structures, etc. Pour-tant on est plutôt proche les uns des autres sur le plan doc-

trinal et ecclésiologique. De plus, par la forcedes choses, on voit s’établir ici et là, à diffé-rents niveaux, des contacts où sont négociésles rapports entre personnes et communau-tés amenées à collaborer dans une actioncommune d’évangélisation par exemple ouen vue d’adhérer à certaines structures.

Un exemple tout récent d’aboutissement d’undialogue interne nécessaire entre chrétiensévangéliques de sensibilités, et parfois de

convictions différentes, est celui de la création du ConseilNational des Evangéliques de France. Son lancement, en2001, fut précédé de plusieurs rencontres, depuis 1997,entre les comités de l’A.E.F. et de la F.E.F., où le dialoguea ouvert les esprits et les cœurs à un chemin de plusgrande unité : partage d’objectifs, d’intérêts, de dons…

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D I A L O G U ED I A L O G U EE S Q U I S S E H I S T O R I Q U E

1 Voir la Charte de Fondationdu C.N.E.F. publiée dans IDEA,bulletin mensuel de l’AllianceEvangél ique Française,N° 2/2003.

Dans les cercles

évangéliques, il

faut reconnaître

que le terme

«dialogue» n’est

pas tellement

utilisé.

Le dialogue inter-évangélique

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Le dialogue est unquestionnement etune écoute réci -

proques. Le dialogue per-met de mieux connaîtrel’autre, ses convictions, sesmotivat ions ; i l peutconduire à un nouveauregard sur soi-même, surses propres certitudes, sespropres pratiques. On yapprend à se considérer autravers du regard de l’autre.Ainsi dialoguer n’est paschercher obligatoirementun consensus.

Il est possible que le dia-logue nous amène à modi-fier et à renouveler notrefaçon de témoigner. Celanous permettra d’êtremieux compris par notreprochain. Peut-être même,certains points de notrefoi seront-ils mis en ques-tion, ce qui peut être désta-bilisant.

Il ne s’agit ni de braderdes pans de la doctrineévangélique devant lesassauts ou les suggestions

subtiles de théologiens, nid’abandonner les fonde-ments de la foi affirmésdans l’Ecriture Sainte. Il nes’agit pas de remettre à platnotre foi, comme si notreconviction évangéliqueétait une conviction sub-jective, susceptible d’êtremise en doute, modifiéedans ses fondements, rem-placée par une autre révé-lation : nous la croyonsfondée sur l’Ecriture Saintequi ne varie pas. Cepen-dant, même dans nosÉglises évangéliques, destraditions se sont établies,sous forme d’enseigne-ments ou de pratiquescompréhensibles dans laculture où nous vivons.Dans quelle mesure nepourrait-on pas les dire oules vivre autrement ?

Dans ce qui suit, nousprésenterons les fonde-ments intangibles de la foichrétienne, évangélique,puis des points secondairesmais non sans importance.

Une des

conditions pour

entrer dans un

dialogue

interconfessionnel

sans crainte de

l’autre, c’est de

l’aborder en étant

au clair sur son

identité, sur ses

propres

convictions et en

ayant discerné ce

qui, dans la foi

chrétienne, est

«négociable» de ce

qui ne l’est pas.

D I A L O G U ED I A L O G U E

L’identité évangéliqueL’identité évangélique

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A) LES FONDEMENTS DENOTRE FOI

Les différents articles de la confes-sion de foi de nos Eglises1 sont des points«non négociables» dans tout dialogueinterconfessionnel.

La Bible est la Parole de DieuL’épître aux Hébreux (5.12) fait allu-sion aux «oracles de Dieu», expres-sion qu’Etienne utilise pour désignerla loi et les enseignements donnéspar Moïse (Ac 7.38) ; chez Pierre,ces paroles de Dieu (logia) sontrévélées dans l’Evangile (1P 1.25). L’ensemblede la révélat ionconcernant le Christconstitue la Parole,qui est non seule-ment enseignementconduisant au salut(2.2), mais «puissanceactuel lement agissante»(1.23)2.

La Bible est fiableL’ensemble de cette parole prophé-tique constitue l’Ecriture, écrite sousl’inspiration du Saint-Esprit (2 P 1.20-21). Nous affirmons la Bible, «entiè-rement Parole de Dieu, exempte d’er-reur dans les originaux, ultimeautorité en matière de foi et de viechrétienne.» C’est ce que la théolo-gie appelle «l’inerrance» de l’Ecriture.Son texte ne se perd pas dans deserrances hypothétiques, des mythes,des légendes et des fables, voire deserreurs théologiques. Le doute sur lafiabilité de l’Ecriture, ne fût-ce quedans une minorité de textes, ouvre la

porte à de trop nombreuses inter-prétations ou critiques subjectives.

La Bible est écrite par des hommes etinspirée par le Saint-Esprit

C’est ce que Pierre affirme en 2 P2.20-21. Tout en conservant le stylepersonnel de l’auteur, le génie deslangues hébraïques et grecques, autravers d’une grande variété de styles

littéraires (poétique, pro-phétique, didac-

tique, apoca-lyptique,

c h r o -nique

h i s -torique,

fable,…),le Saint-Esprit

a su guider lesauteurs pour nous révéler

la pensée de Dieu sans la déformer.L’harmonie et la convergence entredes textes écrits sur un laps de tempsde plus de 1500 ans est un fait uniqueau monde.

Les textes bibliques nous sont parvenusintacts

L’observation et l’étude textuelle desmanuscrits anciens montrent avec

1 Les C.A.E.F., édité par l’Entente Evangélique, 19972 Samuel BÉNÉTREAU, La Première Epître de Pierre, Edifac, 1984, p. 247.

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évidence que le texte a été transmisavec une fidélité sans faille siècleaprès siècle : d’abord l’Ancien Testa-ment, puis le Nouveau Testament.

L’homme et le péché L’homme ne peut que périr loin deDieu, incapable de se repentir et decroire sans l’aide du Saint-Esprit.

Le salut est un don gratuit de Dieu,totalement immérité et parfait.

Cette réconciliation commence avecla repentance (metanoia), l’abandondes actes qui mènent à la mort. Parla foi personnelle en l’œuvre expia-toire du Christ, l’homme est libéréde la condamnation du péché. L’Es-prit de Dieu le rend alors capable deressembler de plus en plus au Christen manifestant dans sa vie des «fruitsspirituels» (l’amour, la patience, etc.),d’acquérir une maturité et uneconnaissance de la volonté de Christ,d’attendre la pleine rédemption deson être avec une espérance ferme.

L’Eglise Appelée le Corps de Christ, elle ras-semble tous les hommes nés de nou-veau, morts et ressuscités spirituelle-ment avec Christ, décédés ou vivantsencore sur la terre. Les Églises locales,formées de croyants véritables, ensont une manifestation visible par-tielle.Le baptême des croyants est imagede la mort et de la résurrection avecChrist de celui qui est immergé dansl’eau. La cène est un acte de mémoirerappelant la mort de Christ, la Nou-velle Alliance établie par Dieu entre

lui et les croyants nés de nouveau. Nil’un ni l’autre n’accordent de grâcesparticulières en vue du salut.

L’au-delà Le Christ reviendra pour chercher lescroyants ; ceux qui sont décédés res-susciteront, les autres verront leurcorps transformé, pour être tousréunis en présence de Dieu. Lespécheurs impénitents seront jugés etcondamnés à une séparation éter-nelle d’avec Dieu.

Tous ces points sont clairement décritset enseignés dans l’Ecriture. Ils ne peu-vent être mis en doute.

B) QUELQUES POINTSSECONDS

D’autres points de l’enseignementbiblique sont parfois interprétés de façondiverse même au sein de nos ÉglisesCAEF. Il peut y avoir légitimement unediversité sur ces points seconds même ausein d’une Eglise locale. Cela ne devraitnormalement pas poser de problèmesdans la mesure où il y a une attitude res-pectueuse réciproque, dans la limite desenseignements de l’Écriture.

Le terme second ne signifie pas queleur importance est négligeable. La per-sonnalité du chrétien, l’histoire person-nelle ou celle des communautés, la cul-ture du lieu ou du moment, les traditionsreçues peuvent en donner une percep-tion et une pratique différentes. C’est lecas pour les points suivants :

D I A L O G U ED I A L O G U E

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L’eschatologie Sans remettre en question ce qui nepeut l’être (le retour de Christ, lesjugements, le ciel, l’enfer…), la chro-nologie des événements de la fin a étédiversement décrite au cours dessiècles et encore aujourd’hui. Parexemple : la façon dont le milléniumse réalisera, le déroulement d’une«grande tribulation», l’espacementdes jugements...

Les structures, les formes et lespratiques de l’Eglise locale

Des modes de fonctionnementcongrégationnaliste différents sevivent dans nos Églises. Dans la com-munauté locale, l’ordre et la disci-pline s’exercent parfois différemment,plus ou moins exigeants selon lesconvictions et les pratiques habi-tuelles.La mise en valeur et la gestion desdons dont certains peuvent êtreappréciés différemment, s’exprimentde façon variée dans nos Eglises.Cette diversité peut être liée aux per-sonnalités, à l’éducation ou la cul-ture d’origine.

Les implications sociales et politiques Elles correspondent à des engage-ments variés dans un monde com-plexe. En particulier sur : - les questions éthiques liées à l’indi-

vidu ou à la famille,- les questions éthiques en rapport

avec la société environnante (pau-vreté, xénophobie, extrémismes),

- les rapports Nord-Sud,- les enjeux écologiques.

Les points d’actualité récurrentsCertains points d’actualité reviennentpériodiquement sous des formes dif-férentes, tels que les débats sur :- les origines,- les différents types de médecine,- les multiples courants de psycholo-

gie,- les écoles de pédagogie,- l’utilisation du fantastique par les

médias.

N’est-il pas souhaitable que l’onpuisse apprendre à connaître la façondont d’autres frères et sœurs vivent cesaspects de la vie chrétienne et de mieuxcomprendre leurs motivations et leursarguments ? N’est-il pas souhaitable defaire taire la critique et de manifesterl’unité qui lie tous ceux qui sont rache-tés par Jésus-Christ au-delà des bar-rières dénominationnelles et confes-sionnelles sans pour autant devoir lesabolir ?

N’est-il pas concevable que l’on soitamené à réviser certaines certitudes quinous sont propres parce que nous com-prenons leur relativité ou leur faiblessepar rapport à ce qu’ont découvert ou ceque vivent d’autres frères ? Pour autantbien sûr que cela ne mette pas en causeles fondements intangibles de la foibiblique.

Commission Théologique des CAEF

3 La foi en l’inerrance de l’Ecriture n’impose pas une lecture mécaniquedu texte ; au contraire, l’Ecriture invite elle-même a une lecture intelli-gente, capable de discerner le sens derrière la lettre. Un lecteur avertidistinguera les œuvres littéraires, et les formes stylistiques.4 Nous n’ignorons pas le problème des leçons diverses ; cependant cesleçons diverses ne changent pas, l’essentiel de la doctrine évangélique.5 Voir développement sur le texte complet sur le site CAEF

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1) Les apports dudialogue

Nous avons vu sa nécessité en vued’une meilleure compréhension et d’unmeilleur témoignage de l’Eglise dans lemonde. Mais il y a infiniment plusimportant :

Les membres du Corps deChrist sont unis … ou nesont pas

Ils sont devenus membres, à l’éche-lon de la terre entière, d’une même Eglise,grâce à l’Esprit qui les anime (1 Co 12.13)et cet esprit est unique (Ep 4.4). C’estune exigence théologique. Peut-on conce-voir l’unité sans que l’on se parle les unsaux autres, sans dialogue ? La paraboledu corps que développe longuement

l’apôtre Paul en 1 Co 14 n’est-elle passuffisamment éloquente pour démon-

trer qu’aucun membre de l’Eglisene peut vivre seul et sans une rela-

tion vitale avec son frère ? C’est uneévidence dans les relations indivi-

duelles. Mais Jésus-Christ nousmontre que c’est tout aussi vraià l’échelon des groupes :

L’unité des croyantsest l’objet de lavolonté de Jésus-

Christ lui-mêmeElle est normale (conforme à lanorme de Christ) et inhérente ànotre état de disciple de Christ :

peut-on concevoir que le commandementd’amour mutuel que donne Jésus à sesdisciples en Jn 15 puisse se vivre à

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D I A L O G U ED I A L O G U E

Utilités et difficultésdu dialogueUtilités et difficultésdu dialogue

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l’échelon individuel et tolère une inimi-tié entre des groupes de disciples, entredes Eglises voisines ? Et comment est-ilpossible de témoigner publiquement, àtous, de cet état de disciple de Christ (Jn13.34-35) s’il n’y a ni relation, ni coopé-ration, aucun témoignage de fraternité,aucun «dialogue», aucun amour les unspour les autres entre les diverses Eglisesévangéliques d’une ville ?

Souvenons-nous que la prise deconscience de cette exigence est à l’ori-gine du mouvement des Frères, de lanaissance des Assemblées au début du19e siècle : c’est un trait de notre iden-tité initiale.

Le dialogue permet laconnaissance de l’autre…et de soi

Comment connaître l’autre sans com-muniquer ? Comment le comprendre etl’aimer sans le connaître ? Le partageavec l’autre permet de comprendre cequ’il croit sincèrement être juste, et per-met de lui communiquer ce que l’on saitet croit soi-même être juste. Le regardsur l’autre, le regard de l’autre conduità une meilleure connaissance de soi. Letémoignage est utile pour mieux définirses propres convictions, et conduit à seremettre en question, ce qui peut êtrenécessaire. Le psalmiste se savait vul-nérable (enseigne-moi, instruis-moi lavoie - Ps 119). Le manque de relation,de communication met en danger (Jg18.28).

Le dialogue permet lepardon

Le dialogue, la communication met-tent en lumière les obstacles à la com-munion. Ce peut être un désaccord théo-logique, ce peut aussi très souvent être une

blessure causée ou reçue. En prendreconscience ouvre la voie à la repen-tance et au pardon si l’on peut reconnaîtreson tort, si l’on peut dire sa faute. Le par-don est impossible si l’on demeure dansl’ignorance. Une meilleure connaissancemutuelle éliminera les racines de cri-tiques, si elle est suivie d’une acceptationde l’autre tel qu’il est. Elle coupera courtaux critiques non fondées. La parole del’autre est un miroir qui permet un plusjuste regard sur soi-même, qui éclaire lafaçon dont on est perçu, l’image que l’ondonne, et ouvre encore une fois la voieà un changement d’attitude, de langage,de pensée, à un redressement spirituel,à un chemin commun : cela s’appliqueà la relation individuelle, comme à la rela-tion entre Eglises. Le dialogue intercom-munautaire permet un retour sur les divi-sions que l’histoire a pu créer.

La peur de l’autre naît parfois sim-plement de l’ignorance de l’autre : le dia-logue peut la remplacer par la confiance.

2) Les conditionsinternes d’undialogue constructif

On a vu que tout dialogue entraîneune remise en question de soi-même enmême temps qu’une découverte del’autre. Cette double démarche ne peutse faire qu’à une première conditiond’ordre spirituel :

Adopter une attitude personnelleouverte qui refuse les a priori, les pré-jugés au sujet de l’autre, les idées reçues.Il faut accepter l’éventualité d’une remiseen question de certaines opinions, dejugements qui se révéleront non fondés.Il faut aussi l’humilité nécessaire pourreconnaître ces erreurs de jugement, les

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remettre en cause, les changer, endemander pardon éventuellement (indi-viduellement, ou communautairementdans une relation inter Eglises). Cette dis-position spirituelle personnelle ou com-munautaire est un préalable indispensableà tout dialogue qui veut aboutir.

La condition suivante est d’ordreintellectuel :

Avoir conscience de ce qu’est un vraidialogue, en avoir donné la bonne défi-nition, en avoir fixé les justes objectifs quel’on s’engage à atteindre, avoir aussiaccepté les règles permettant à un dia-logue d’être non seulement possiblemais d’aboutir, de parvenir aux objectifsvisés. Il faut avoir compris et accepté luci-dement la démarche intellectuelle quirisque d’ébranler et de remettre en ques-tion des opinions estimées justes jusqu’ici,de briser des schémas qui créaient desbarrières sécurisantes peut-être : accep-ter de les laisser abattre crée tout à coupun vide déstabilisant qu’il faut comblerpar une autre façon de considérer les rap-ports de soi aux autres et des autres à soi-même. L’Eglise elle-même devra faire cettemême démarche et accepter de remettreen question ses opinions et types de rela-tions pour en apprendre de nouvelles.

Un dialogue serein, abordé sans peurni appréhension, nécessite en troisièmelieu, une assise théologique réfléchieet solidement enracinée dans l’Ecriture :

Il faut avoir acquis des convictionssolides étayées par une bonne connais-sance de la Bible et une saine réflexionthéologique qui permettent de discernerl’essentiel (les bases fondamentales de lafoi, les éléments «non négociables») dece qui est second et qui peut être vécuou compris différemment. Le manque de

précautions et de rigueur peut conduireà la confusion sur le plan théologique, àdes déviations préjudiciables pour soi-même ou pour l’Eglise, à des compro-missions inacceptables.

3) Deux préalablesnécessaires

Précisons deux éléments objectifs quinous paraissent causes inévitables dedifficultés si l’on n’en a pas pris conscienceet si on ne les a pas acceptés.

Le problème de la«hiérarchie des vérités»1

Les différentes confessions de la chré-tienté n’ont pas la même définition despriorités dans leur compréhension de lafoi, leur «hiérarchie des vérités» diffère.

On peut, quand on ne tient pascompte de cet ordre des vérités, aboutirà des consensus sur certaines questionsqui sont un leurre total parce qu’on n’apas précisé la place que les uns et lesautres accordent au point examiné dansl’ensemble de leur compréhension et deleur expression de la foi.

Prenons un exemple typique : L’EgliseCatholique Romaine peut accepter la for-mulation luthérienne du salut par grâce.Elle le fait et l’écrit. Mais pour elle, ce n’estpas le seul moyen : par exemple dansle Nouveau Catéchisme de l’EgliseCatholique, publié en 1992 sous la res-ponsabilité de Jean-Paul II, les para-graphes 2006 à 2011 sur les œuvresméritoires suivent immédiatement lesparagraphes 1996 à 2005 sur la grâce(«Dieu a librement disposé d’associerl’homme à l’œuvre de la grâce» § 2008 ;

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1 C’est une expression couramment employée dans le cadre des dia-logues interconfessionnels.

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par ailleurs «les sacrements sont néces-saires au salut» § 1129).

Encore, faudrait-il définir ce qu’onentend par certains mots et comment onles comprend dans chaque confession.Quel sens donne-t-on au mot «grâce» ?Si les œuvres, aussi bien que les sacre-ments, sont la manifestation d’une grâceaccordée par Dieu, on peut souscrire àla formulation commune que «le salut deshommes est œuvre de la grâce de Dieu».

Autre exemple, au sujet de l’autoritéde la Parole, l’absence du mot «seule»permet à toutes les Eglises de la chrétientéd’affirmer que la Parole de Dieu est l’au-torité en matière de foi et de vie. Maisquelle priorité attache-t-on à cette for-mulation dans l’Eglise CatholiqueRomaine ou dans l’Eglise Orthodoxe parrapport à l’autorité de la tradition ou àcelle de leur magistère ? De même,quel sens accorde-t-on à cette Parole dansles Eglises protestantes qui refusent l’ins-piration plénière et l’inerrance desEcritures ?

En faisant de l’unité, la priorité pre-mière, ne ferme-t-on pas les yeux sur cetteréalité de la «hiérarchie des vérités» ?

Le problème d’une absenced’état des lieux des diversdialogues2

Quand les Réformés sont en dia-logue étroit avec les Catholiques Romains,les Anglicans de la High Church, lesOrthodoxes, et qu’ils le sont ou souhai-tent l’être avec nous, cela nous pose pro-blème. C’est le droit entier des Réformésd’être en dialogue avec qui ils veulent,mais notre responsabilité dans l’établis-sement d’un dialogue qui nous concerneest entière. Ces dialogues nous interpel-lent quand ils aboutissent à des défini-

tions telles qu’elles sont en contradictionflagrante avec la foi évangélique (parexemple : la reconnaissance mutuelledu baptême, de l’eucharistie, et desministères3 signé par l’Eglise catholiqueet une Eglise luthérienne).

On devrait tirer des conséquences dela juxtaposition de divers dialogues. Ondoit se poser des questions sur le discoursqui est tenu par une confession avec plu-sieurs partenaires différents en diverslieux et à des moments divers. Pourqu’un dialogue ne soit pas un dialoguede sourds, pour ne pas dire un dialoguede dupes, il faut s’assurer que les termesemployés recouvrent le même concept,aient le même contenu, qu’ils aient lemême sens pour chacun des partenaires.Ce préalable nécessitera un pré-dialogue,des rencontres préparatoires inévitableset capitales pour que le dialogue lui-mêmepuisse effectivement avoir lieu sans quece ne soit qu’un simulacre, car les groupesen présence ne parlent pas le même lan-gage : comment pourraient-ils arriver rai-sonnablement à une compréhensionmutuelle et, dans le cas d’un dialogue entreEglises possédant une foi évangéliquecommune, à une conclusion constitutivede liens et de collaboration ?

Il n’est point question ici de soup-çonner d’hypocrisie qui que ce soit. Ledésir d’unité fort louable, et conçucomme prioritaire, n’a-t-il pas conduit àmultiplier les dialogues, et ce faisant, unemeilleure connaissance mutuelle, unmeilleur respect, des échanges de vuesriches en réflexion ?

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2 L’expression couramment employée dans le cadre des dialoguesinterconfessionnels est la «comptabilité des divers dialogues».3 B.E.M. Texte de Lima.

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Des sujets dereconnaissance

On peut se réjouir de voir les Eglisesévangéliques, et parmi elles les CAEF, retrou-ver leurs liens avec l’histoire de l’Eglise,reprendre conscience que leurs racines plon-gent dans la Réforme et se reconnaître dansla famille protestante. En effet, on trouvedans les écrits des Réformateurs des valeursfondamentales auxquelles nous sommesattachés : celle de l’affirmation de la pleineautorité de l’Ecriture seule (sola scriptura), dela foi seule (sola fide), de la grâce seule (solagratia), tout cela en Christ Jésus et pour laseule gloire de Dieu (soli deo gloria), et aussicelle d’une Eglise toujours se réformant(ecclesia semper reformanda).

Dans ce sens, on peut se réjouir de lacréation du Conseil National des Evangé-liques en France, un lieu privilégié de dia-logue national entre Eglises évangéliques,auquel participe l’Entente Evangélique desCAEF.

Une attitude de prudenceTout cela est vrai, mais ne peut cacher un

certain nombre de faiblesses : les membresde nos Eglises lisent de moins en moins laBible, leur herméneutique est parfois loind’être rigoureuse, nos Assemblées souffrent

De nos jours, on peut parler

librement de l’unité ! Un

grand progrès !

Mais peut-on oser le

dialogue, voire la

collaboration, sans risquer,

selon certains, d’ouvrir des

pistes dangereuses vers des

compromissions qui

trahiraient la «saine

doctrine» du Christ ?

Et peut-on d’autre part

exprimer son désaccord,

refuser certaines

collaborations, confesser sa

foi et dire qu’il n’existe

qu’une vérité sans être taxé

d’esprit étroit, de

fondamentaliste, de trahir le

corps universel du Christ ?

D I A L O G U ED I A L O G U E

Le dialogue ? Oui, … mais !Le dialogue ? Oui, … mais !

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d’un manque de responsables formés etdisponibles. Nos Eglises restent fragiles,elles sont tentées par des dérives pro-posant une lecture «nouvelle» de l’Evan-gile (Col 2.4, 8 et 20 à 23), la recherched’une délivrance sans effort, une spiri-tualité assise sur l’expérience davantageque sur la Parole.

On ne soulignera jamais assez l’im-portance d’un attachement ferme etdéterminé aux vérités bibliques fonda-mentales.

On doit être vigilant vis-à-vis dediverses pratiques qui s’installent dansles Eglises. Est-on suffisamment préparéà aborder certains dialogues et à envi-sager certaines collaborations ? Mesure-t-on le risque de confusion doctrinale àplus long terme ? Est-ce que les res-ponsables sont suffisamment armésthéologiquement ?

Le besoin d’unitéLes réactions de minoritaire, les

craintes du rejet et de l’accusation desectaire, ne sont-elles pas des pièges ?Elles accroissent le besoin de recon-naissance, de respectabilité, le désird’avoir pignon sur rue. Pourtant cesbesoins rejoignent le désir de se montrerfraternels et ouverts. Cela s’appuie surune affirmation de notre foi : l’unité ducorps de Christ qui dépasse les étiquettesecclésiastiques et doit pouvoir être vécuepratiquement dans les relations frater-nelles et dans la communion.

La question qui se pose est donc desavoir comment et jusqu’où il est pos-sible et juste de manifester cette unité.

Le séparatisme qui a marqué l’his-toire de nos Assemblées ne devrait pas,dans un mouvement de balancier, nousentraîner à minimiser ou à gommer la

nécessité de certaines distinctions ouséparations. Nos Eglises ont-elles fon-damentalement besoin d’un certificatde respectabilité de la part du «monde»(Jn 15.18-20) ?

Le dialogue, mais à quelprix ?

L’unité ne peut être comprise et êtrevécue dissociée des autres qualités del’Eglise, en particulier la vérité et l’amour(Ep 4.2-3 et 15).

L’unité souvent recherchée aujour-d’hui est-elle une unité conforme à l’es-prit de l’Ecriture ? Il existe un langage

ambigu et d’apparenceorthodoxe dans le libéra-

lisme théologique.1

«Chacun a sonimage de Jésus, sacompréhension dusalut, de la croix, de

la résurrection, duretour de Christ, sa doc-

trine de l’Ecriture et safaçon de la lire, et toutesces images et compréhen-

sions peuvent aller jusqu’à être contra-dictoires, si l’on prend la peine de véri-fier en allant au fond des choses.»2 «Uneréflexion théologique sans fausse com-plaisance, qui n’a pas peur de nommerles différences, est le premier service quel’on puisse rendre à la recherche de dia-logue…»3

De nombreux frères et sœurs ne sontpas conscients de ce besoin de réflexion

1 Principes d’interprétation du texte.2 Cf. Paul WELLS, «Epilogue 1943-1993 ; si Lecerf revenait» (La RevueRéformée n° 180/1-2 janvier 1994 Tome XLV), p. 80.3 Paul WELLS, ibid. p. 80.4 J.-P. BORY et F.-J. MARTIN : «CAEF - FPF», (Servir en L’attendant, n°1Janvier-Février 1994), p.16

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et avancent dans certains dialogues sansen mesurer les conséquences. D’autress’accommodent du pluralisme, se figu-rant que leur présence entraînera unchangement dans les autres mouve-ments. D’autres encore se réjouissentde ces différences qui seraient «enri-chissantes». Ne se font-ils pas des illu-sions ? Car si le pluralisme peut admettreen son sein l’orthodoxie comme unevérité parmi les autres, un chemin parmiles autres, il n’en va pas de même pourl’orthodoxie, par rapport au pluralisme.

Il est nécessaire que les évangéliquessoient sages et prudents dans les dia-logues qu’ils entreprennent. Qu’ils n’oc-cultent pas les points fondamentaux dela foi, uniquement pour sauvegarder undialogue !

L’histoire montre que les unionsd’Eglises ayant choisi la voie du libéra-lisme sont aujourd’hui des Eglises oùl’appel à la nouvelle naissance, à laconscience de la nature pécheresse del’homme et à la nécessité d’une foivivante en Jésus-Christ seul Seigneur etSauveur a disparu des prédications.

Un seul cheminNombreux sont nos contemporains

qui considèrent que toutes les confes-sions chrétiennes, «au fond, c’est lamême chose : n’avons-nous pas lemême Dieu ?» Une telle position peutamener la confusion dans la discussionavec les autres religions monothéistes ;les musulmans n’ont-ils pas lancé l’idéed’une relation privilégiée entre «les reli-gions du Livre», celles qui se réfèrent àl’Ancien Testament : musulmane, juiveet chrétienne ?

Nous voulons dire ici : oui nouscroyons avec les autres confessions chré-

tiennes au même Dieu, comme le dit lesymbole des Apôtres que nous accep-tons tous. Mais nous affirmons avecforce : non, toutes les confessions de foine se valent pas. Non, il n’y a pas plu-sieurs vérités mais une seule. Non, nousn’acceptons pas le pluralisme de la théo-logie moderniste et du mode de penserde la société actuelle.

Nous croyons qu’il existe une véritébiblique objective qui permet de distin-guer la vérité de l’erreur.

Alors, le dialogue ?Oui à un dialogue qui permet une

meilleure connaissance réciproque, à unéchange d’informations dans le respectdes personnes.

Oui au dialogue qui ouvre la voie àune communication entre personnes,Eglises, confessions diverses, mais à cer-taines conditions.

Oui à un dialogue qui permet deretrouver une unité spirituelle avec desfrères en Christ dont on était séparé.

Non à un dialogue qui fait l’impassesur les points fondamentaux de la foibiblique.

Il faut être toujours prêt à l’écoute, audialogue, à se laisser questionner etréformer par l’Esprit illuminant la Parolede Dieu. Etre prêt à écouter des autrescroyances en sachant discerner ce quijuste de ce qui ne l’est pas dans le res-pect de la personne. Mais il faut se sou-venir que la limite du tolérable nes’écarte jamais de l’œuvre de Jésus-Christ seul Seigneur et Sauveur, de l’af-firmation des grandes vérités bibliquesque les premiers Réformateurs ont redé-couvertes dans la Bible.

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tation : Serais-tu d’accord d’être par-rain de notre petite fille ? «Nousaimerions que tu interviennes dansle mariage de notre garçon. Veux-tu te joindre à notre groupe deprière ? Je te sais lecteur de la Bible,pourrais-tu venir animer une étudesur l’Evangile de Marc que nousv e n o n s d e c o m m e n c e r ?Participeras-tu à la semaine deprière universelle ? Dans le cadrede notre pastorale, nous aimerionsprocéder à des échanges de chaire.Etc.

Autant de situations concrètesauxquelles il faut donner uneréponse avant d’agir. Ces démarchesdiverses dépassent le dialogue pro-prement dit et mais l’impliquent tou-jours préalablement.

Rappelons que le dialogue peutviser la paix mais pas la soumissionde l’autre, la compréhension maispas le consensus, l’écoute descroyances de l’interlocuteur sansl’abandon de sa propre foi. Il s’ensuivra que la réponse à l’invitationpourra être positive ou négativeselon les éclairages apportés dansle dialogue préliminaire. Prenonsquelques exemples :

Situations concrètes :dialogues et actionsSituations concrètes :dialogues et actions

Un chrétien évangélique, va se trouvertout au long de sa vie en contact avecd’autres personnes, donc en situationde dialogue !

Il a un voisin luthérien, réformé, catho-lique,… des amitiés se créent, on parle,on s’invite. Le temps passant, des liens

se tissent et voilà qu’un jour arrive une invi-

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Invitation à devenirparrain du bébé de sonvoisin catholique

Passé le premier instant de surprise,on peut refuser tout net en mettant enopposition le salut gratuit biblique augeste sacramentel romain, au risque debriser une amitié qui aurait permis peut-être de parler plus tard de Jésus-Christ.Ou alors on accepte avec enthousiasme,ce qui entretient une confusion dom-mageable sur le sens de cet engagement.

Il faut plutôt,dans un dialogueavec les parents,définir d’abord depart et d’autre ceque s igni f ie le«baptême chré-tien» : les parentsc a t h o l i q u e sdevraient se référerau Catéchisme del’Eglise Catholique1

qui explique bienles effets du baptême catholique : il«donne la grâce du Christ en effaçant lepéché originel», fait du bébé une «créa-ture nouvelle», «l’incorpore à l’Eglise» ;le sacrement du baptême agit par-lui-même ( indépendamment de laconscience de la personne, simplementpar le fait qu’il est administré), «la foi doitcroître après le baptême» ; la formule tri-nitaire, l’eau baptismale et le saintchrême pour l’onction sont nécessaires.Peut-être les parents catholiques ne sont-ils même pas conscients de tout cela : lebaptême ne représente peut-être pour euxqu’un geste traditionnel bénéfique pourl’enfant… Il faudra expliquer en retource que la Bible dit du baptême d’eau.

L’antinomie des deux conceptions ne

permet pas à un chrétien évangélique dejouer le rôle de «parrain», de celui quidevrait ensuite veiller à ce que le bébéqu’il aurait porté sur les fonts baptismauxsoit ancré dans la foi catholique.

Avec tact et dans un vrai dialogue,cette invitation peut devenir une occa-sion de dire ce que l’Ecriture enseignesur le baptême biblique et le salut par lafoi en Christ.

Toutefois, si on désire s’engager dansune responsabilité vis-à-vis de cet enfanton peut décider d’accueillir cet enfant et

de l’élever dans le respect deDieu si ses parents venaientà décéder : engagement surpapier libre avec les parentsou démarche devant unnotaire.

Participation àune cérémonie demariageQuel est le sens et le but dela cérémonie ? Est-ce unedemande de bénédictionde Dieu ? Ceux qui la

demandent ont-ils choisi une vie queDieu approuve ? Sont-ils eux-mêmes encommunion avec Christ ?

C’est dans un dialogue ouvert, sincère,respectueux, avec les fiancés d’une partet avec les parents d’autre part, qu’il serapossible d’évaluer la possibilité ou nonde participer. Les fiancés pourront expri-mer la qualité de leur relation mutuelle,leur compréhension de l’engagementqu’ils prennent, le point où ils en sontdans leur relation avec Dieu.

D I A L O G U ED I A L O G U E

1 Catéchisme de l’Eglise Catholique (Edit. Mame Plon, 1992), § 1213à 1284. 2 Voir le livret Mariage-divorce-remariage, rédigé par la commission théo-logique des CAEF, Edition Excelsis, 2004

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Dans certains cas, en toute clarté, onpeut envisager d’intervenir2, par amouret par intérêt pour ceux qui le deman-dent. Toutefois, si cette participationsuggère l’approbation ou la toléranced’une situation que l’Ecriture condamne,ou si elle laisse penser que l’on est enaccord avec un enseignement erroné, onne peut que s’abstenir.

Participation à un groupede prière catholique ouœcuménique

Un dialogue préliminaire avec lesresponsables permettra à chacun d’ex-primer ses convictions. Les situations peu-vent être très diverses. Mais là oùdemeure la confusion, on ne peut ques’abstenir. Comment pourrait-on parti-ciper à un groupe de prière avec des amiscatholiques qui croient en l’interventionet l’intercession efficaces de Marie et dessaints même s’ils ne s’adressent pardirectement à Marie au cours de la soi-rée ? Le fait d’être avec eux, de témoi-gner d’une union avec eux dans laprière implique une reconnaissancetacite de l’adresse de leur adoration oude leurs supplications.

Ou comment pourrait-on s’unir dansla prière avec des amis libéraux qui nientla divinité ou la résurrection de Jésus-Christ ? Comment dire «amen» à leurprière s’ils ont exprimé leur refus de croireà la nécessité de la repentance et de lanouvelle naissance telles que les ensei-gnent Jésus et les apôtres ?

Participation à une séance« Découverte de la Bible »

Le cas est très différent du précédent :pourquoi un chrétien évangélique refu-serait-il de participer à une telle rencontre

s’il a reçu l’assurance qu’il pourra libre-ment exprimer la façon dont il comprendl’Ecriture ? Dans une telle rencontre, laParole de Dieu lue et écoutée, ne res-tera pas sans effet. N’est-ce pas ce quenous croyons ?

Des précautions cependant demeurentnécessaires : le chrétien qui s’engage dansune telle aventure doit être lui-même unbon connaisseur de la Bible et au clairsur les fondements de la foi. Et il fautveiller à ce que ceux qui organisent larencontre respectent et fassent respecterle cadre qui a été défini en commun, defaçon à éviter des dérives ou de seretrouver dans des situations de com-promission ingérables.

Participation auxexpositions de la Bible

L’objectif d’une collaboration inter-confessionnelle pour une expo-Bible estune plus grande audience dans la ville.Encore faut-il définir avec soin les détailsde la manifestation : qui sera responsablede la forme de présentation et ducontenu de l’exposition ? Qu’est-ce quisera présenté sur les panneaux, dans lesvitrines ou proposé à la vente ? Qu’est-ce qui en sera exclu ? Comment s’or-ganiseront les visites3 ? Sans oublier lesaspects financiers…

La collaboration dans desactions sociales

La participation avec la paroissecatholique ou protestante à un ves-tiaire, à la banque alimentaire, per-mettront certes de bons dialogues. Ils

3 Visites libres ou guidées ? Il faut un grand engagement, une forte per-manence de chrétiens évangéliques ! Si la majorité des «guides» sontcatholiques ou libéraux, quelle image de la Bible les visiteurs emporte-ront-ils ?

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n’auront pas pour objectif de faire du pro-sélytisme chez les autres confessions ! Ils’agit cependant d’évaluer au final si letemps et l’énergie consacrés à ces effortsont permis un meilleur témoignage del’Evangile.

Les échanges de chaireLeur objectif n’est pas un échange de

vue théologique pour les membres del’Eglise ! Dans le cadre d’une AllianceEvangélique ou d’une Pastorale évan-gélique régionale, l’échange de prédica-teurs peut être un enrichissement pourchaque Eglise si chacun adhère auxvérités essentielles de la foi évangéliqueet parle dans le respect des points secondset des règlements intérieurs des Eglisesinvitantes. Cependant ces échanges nepeuvent se faire qu’après un dialogue pré-liminaire entre prédicateurs.

La participation auxsemaines universelles deprière

L’Alliance Evangélique Mondiale (crééeen 1847) organise une SemaineUniverselle de Prière chaqueannée4. Les bases théologiques del’Alliance Evangélique sont claires et onne peut qu’encourager les membres denos assemblées à rejoindre les autresEglises évangéliques dans cet effort.

Il n’en est pas de même de LaSemaine Universelle de Prièrepour l’unité des chrétiens5, initiéepar l’Eglise catholique en 1935. Depuis1966, elle est organisée conjointementpar la Commission Foi et Constitution duConseil Œcuménique des Eglises (COE)et le Conseil pontifical. Cette semaine estclairement placée dans le cadre d’un largeœcuménisme qui inclut toutes les confes-

sions chrétiennes et se situe dans la lignethéologique du COE dont les positionssont très loin des nôtres6. Une partici-pation à cette semaine de prière ne paraîtpas envisageable.

Colloques et rencontresdiverses entreresponsables deconfessions différentes

Ils concernent les présidents d’unionsd’Eglises, les théologiens, des spécialistesen divers domaines (islamologie, mis-siologie…).

Ils sont utiles, car ils permettent unemeilleure connaissance mutuelle desconfessions représentées : les informa-tions données le sont par des personnesqualifiées pour cela, ils sont à la source !

Mais le résultat final n’est pas toujoursaussi positif que ce que l’on en attendait.

Des colloques ont été à plusieursreprises organisés lors du CentreEvangélique d’Information et d’Action quia lieu chaque année à Lognes ou à lafaculté de Vaux-sur-Seine.

Ces colloques, ces dialogues de niveauthéologique, menés par des théologiensévangéliques n’ont pas pour objectifd’aboutir à un consensus, à une unité devue, mais simplement à une meilleureconnaissance mutuelle, afin d’éviter, parignorance, des critiques ou des craintesnon fondées de la part des uns ou desautres.

Commission Théologique des CAEF

D I A L O G U ED I A L O G U E

4 En principe c’est la première semaine entière de janvier.5 Elle se situe généralement dans la 3ème semaine de janvier.6 Voir les accords avec l’Eglise catholique définis dans le document«B.E.M.» qui exprime une reconnaissance mutuelle entre ces confessionsde la valeur du Baptême, de l’Eucharistie et des Ministères qu’elles pra-tiquent ; et la Déclaration Luthéro-catholique sur la justification par lagrâce. Or sur ces sujets fondamentaux et bien d’autres, nos Eglises nepeuvent approuver la position du COE.

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Depuis une dizaine d’années, nous accom-pagnons des couples en vue de les pré-parer à une vie commune la plus har-

monieuse possible, mais surtout, nous l’espérons,solidement construite et capable de faire face auxdéfis qu’elle leur réserve.

Notre expérience nous montre que les jeunescouples se basent souvent sur beaucoup d’idéesreçues. Celles-ci ne reflètent pas toutes la réalité.La vie de couple appartenant au domaine stric-tement privé, l’entourage en a souvent uneconception erronée. A moins qu’un couple soitau bord de la rupture, il va s’efforcer, dans la plu-part des cas, de donner de lui-même une imagepositive et harmonieuse. Les médias, la littéra-ture, le cinéma tendent également à donner uneimage tronquée des réalités qui se rencontrent ausein d’un couple. Cela constitue un réel pro-blème si le couple, lorsque la difficulté survient,n’ayant pas conscience qu’il fait face à quelquechose de normal, ne réunit pas ses forces poursurmonter cette difficulté. Ce qui aurait dû êtreun défi est d’emblée considéré comme un échec,le signe que le choix de se marier était erroné.Le risque de rupture est bien présent.

Pour qu’un couple puisse non seulementdurer, mais aussi s’épanouir, une prise deconscience doit avoir lieu. Vivre ensemblerequiert des efforts de part et d’autre, la qualitédes relations de couple dépendra pour beaucoup

de la volonté de chacun des partenaires à y tra-vailler.

Pour cela, nous vous proposons quelques pistes :1) La communication2) Le respect mutuel3) Une claire définition des rôles

La communicationToute vie sociale s’organise en communiquant.

Un fait n’est clairement établi que lorsqu’il a été ditou écrit. Penser que l’autre « sait » est une erreur.Si nous n’avons jamais fait part d’un désir, d’uneremarque, d’un compliment, d’un sentiment, il ya fort à parier que « l’autre ne sait pas ».

Lorsque deux personnes communiquent, celamet en jeu différents processus :

a) l’émetteur se révèle :• on va percevoir son humeur, son avis, etc.

b) ce que le récepteur reçoit varie :• il n’est pas disponible et n’écoute pas• ce qu’il entend le dérange par rapport à

une situation vécue précédemment• il n’est pas d’accord avec ce qu’il entend• il est disposé à entendre, etc.

Savoir parler ensemble, savoir s’écouter, nepas entendre ce que l’autre dit au travers de sonpropre ressenti mais bien comme il a voulu ledire, est déjà tout un exercice. Ce dernierdemande de la disponibilité, il requiert la volonté

Bien se préparer au

Le mariage a subi de profondes transformations au cours des dernières décennies. Au cœur d’une société où prévautl’individualisme, la conception que chacun a du mariage varieconsidérablement selon son éducation, son arrière-plan culturel et spirituel, et le milieu dans lequel il évolue.

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de se mettre un peu de côté pour faire toute laplace à l’autre. Il sous-entend que l’on refuse lesaccusations qui enferment l’autre : « Tu râles tou-jours », « Tu ne penses qu’à toi », etc.

Il va de soi que la communication n’est réelleque si elle est réciproque. Elle requiert cettequalité que l’on trouve dans l’épître de Jacques(1.19) : être prompt à écouter, lent à parler et lentà se mettre en colère. Elle requiert avant tout lerespect mutuel.

Le respect mutuelRespecter l’autre c’est l’accepter tel qu’il est.

Il n’est ni un tremplin pour réaliser mes propresambitions, ni le bouc émissaire de mes sautesd’humeur.

Quand le respect est mutuel, il n’y a plusbesoin d’être sur la défensive, plus besoin de sejustifier sans arrêt, plus besoin de prouver ce quel’on peut. Pour pouvoir pleinement respecterautrui, il faut probablement avoir appris à se res-pecter soi-même. Se respecter, c’est savoir recon-naître ses propres forces et faiblesses en toutehumilité. Les accepter comme le don inesti-mable de notre Créateur qui nous a voulus etaimés de toute éternité.

Se sentir respecté, c’est se savoir aimé. Sur cefondement, on pourra construire une relationsaine et solide.

Une claire définition des rôlesAujourd’hui, la distinction entre l’homme et la

femme, au point de vue des rôles, n’est plusaussi marquée que par le passé. Cela comportebeaucoup d’avantages, mais peut aussi générerdes conflits ou induire une certaine compétitionentre les époux. Si l’homme et la femme peuventmerveilleusement se compléter ou se remplacerdans certains domaines de la vie courante, recon-naître leurs différences, leurs rôles spécifiques etleurs aptitudes particulières ne pourra être qu’ungain pour le couple et les futurs enfants.

Comment se préparer au mariage ?Si la possibilité se présente, une préparation

au mariage peut avoir un rôle déterminant. Lespasteurs ou responsables d’églises peuvent dis-poser de différents outils pour cela comme parexemple le classeur de « Mission Vie et Famille ».Un autre outil pourrait être le « Parcours de Pré-paration au Mariage » (PPM) conçu pour accom-pagner les couples en vue du mariage.

Les couples ainsi accompagnés trouverontun espace protégé où ils pourront aborder la plu-part des questions qui se posent au cours d’unevie de couple. Ils apprendront à se dévoiler l’unà l’autre et aborder des thèmes qu’ils auraientpeut-être fuis a priori.

Ils auront pris conscience des éventuelles dif-ficultés auxquelles ils auront peut-être à faireface au cours de leur vie commune et seront plusà même de les surmonter.

Enfin, ils ne verront pas leur mariage commeun aboutissement, mais comme une feuilleblanche à écrire désormais à deux. Un bondémarrage dansla vie de coupleest un soclesolide sur lequelon pourra conti-nuer de bâtir, savie durant.

T’AS VU COMMENT TU M’PARLES ?Formation d’une journée – ou deuxsoirées – sur le thème de la communication :

Comprendre les implications lorsque deuxpersonnes se parlent, en vue d’apprendreà mieux communiquer.

PPM – Parcours de Préparation au Mariageaccompagnement – conseil - formation

Pour pouvoir proposer le « Parcours de Préparation au Mariage », il faut avoir suiviune journée de formation préalable.La formation peut être organisée danschaque région de France métropolitaine,sur demande.

Contact : Association Objectif CoupleAndré et Myriam Letzel21 rue de Mouy60370 [email protected]

ANDRÉ ET MYRIAM LETZEL

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