Upload
vandan
View
231
Download
5
Embed Size (px)
Citation preview
Projet financé par Projet mis en œuvre par l’Union européenne l’Organisation internationale pour les Migrations
Stabiliser les communautés à risque et renforcer la gestion de la migration
en appui aux transitions en Egypte, Tunisie et Libye (START)
RAPPORT DE DIAGNOSTIC DES GOUVERNORATS DE
KAIROUAN, SILIANA, KEF ET JENDOUBA
Jendouba : Fernana, Ain Draham et Oued Meliz
Kef : Nebeur, Sakiet Sidi Youssef et KalaaKhasba
Siliana : Er-rouhia, Kesra et El Aroussa
Kairouan : El Alaa, El Ouselatia et Nasrallah
1
2
A propos de l’association Touensa
L’association Touensa est été initiée le 12 janvier 2011 via un pacte citoyen lancé sur les réseaux sociaux.
Créée par de jeunes quadragénaires, cette initiative vise à contribuer efficacement à la construction de la
démocratie en Tunisie. Les moyens pour y arriver n’étaient pas clairement définis mais l’intention était
ferme : la création d’une opposition citoyenne forte.
Suite à la chute du régime Ben Ali, les fondateurs de cette association décident de renforcer la société civile
naissante et, fortement concernés par la réussite du processus démocratique, ils créent donc l’Association
Touensa pour l’éveil et la vigilance. Le bus citoyen, les cafés citoyens, les forums citoyens, « Lahlouba » -la
bande dessinée citoyenne-, la plateforme d’accès à l’information publique « marsoum41.org » et le projet
Souk Attanmiafont partie des actions menées avec succès par l’association.
Aujourd’hui, les membres de Touensa ont pour objectif de contribuer au développement humain du citoyen
tunisien. L’association œuvre donc pour renforcer les capacités des citoyens en agissant dans le cadre des
droits de l’Hommeuniversels, du droit à une vie digne et du droit à un Etat redevable.
Tél. +216 27 519 515
Adresse Email : [email protected]
Site internet : www.touensa.org
3
4
L’Organisation internationale pour les migrations
L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) croit fermement que les migrations ordonnées,
s’effectuant dans des conditions décentes, profitent à la fois aux migrants et à la société toute entière. En
tant qu’organisme intergouvernemental, l’OIM collabore avec ses partenaires de la communauté
internationale en vue de résoudre les problèmes pratiques de la migration, de mieux faire comprendre les
questions de migration, d’encourager le développement économique et social grâce à la migration et de
promouvoir le respect effectif de la dignité humaine et le bien-être des migrants.
Les opinions et les analyses exprimées dans le présent ouvrage ne reflètent pas nécessairement les vues ou
les politiques officielles de l’Organisation internationale pour les migrations ou celles de la Commission
européenne.
___________
Organisation internationale pour les migrations (OIM) Tunisie
6 bis Passage du Lac le Bourget
Les Berges du Lac, 1053 Tunis
Tunisie
Tel : +216 71.860.312
Fax : +216 71.962.385
Courrier électronique: [email protected]
Internet: http://www.iom.tunisie.org
___________
© 2013 Organisation internationale pour les migrations (OIM)
Juillet 2013
___________
Tous droits réservés. Toute reproduction, même partielle de la présente publication est interdite sans
autorisation écrite préalable de l’éditeur. Elle ne peut être ni enregistrée dans un système d’archives, ni
transmise par voie électronique ou mécanique, par xérographie, par bande magnétique ou autre.
5
6
Remerciements
L’association Touensa présente ses sincères remerciements à toutes les institutions et personnes ayant
contribué à mener à bien ce projet.
L’association Touensa remercie tout particulièrement l’Organisation Internationale pour les Migrations
(OIM), principal partenaire de ce projet, pour lui avoir donné la possibilité de mettre en œuvre cette étude
et pour avoir accueilli le comité de pilotage, de même que pour avoir revu et affiner le rapport. Nous
remercions particulièrement M. Damiano Giampaoli et M. Francesco Lembo pour leur riche collaboration.
Nous tenons aussi à remercier les institutions membres du comité de pilotage du projet START, à savoir :
-le Ministère de la Formation Professionnelle et de l'Emploi ;
-le Ministère du Développement et de la Coopération Internationale ;
- le Ministère des Affaires Etrangères ;
- le Ministère de l’Intérieur ;
-le Ministère de la Santé ;
- le Ministère des Affaires Sociales ;
- l’ANETI (Agence Nationale pour l'Emploi et le Travail Indépendant) ;
- l’ATCT (Agence Tunisienne pour la Coopération Technique) ;
- le Secrétariat d’Etat à la Migration et aux Tunisiens à l’Etranger.
L’association Touensa souhaite également remercier M. HoucineGuermazi (Ministère du développement
régional et de la planification) ; M. Nabil Bargaoui, M. AkrouchSofiene et M. Lemjed Atu (Comité
d'associations Reveduc); M. Nabil Sbeti (UGTT) ; Mme IchrakKhrissi (étudiante en Master à l'ISG) ; M.
SlimTissaoui (Secrétaire général de l'Union régionale du travail) ; AbderraoufEssalah (Directeur régional de
l’APII), M. AbdessatarRabhi(Directeur du développement régional du Ministère du développement régional
et de la planification), M. Samir Rouihem(Gouverneur de Jendouba), M. Belgacem Medini (Premier
Délégué), M. AbdelkarimHamoudi (Délégué de Fernana), M.Zied El Karssi (Délégué d'Oued Meliz), et M.
Hafedh Mansour (Délégué d'Ain Draham) ; Monsieur le directeur régional du développement du Kef ; les
délégués des délégations de Nebeur, Sakiet Sidi Youssef et Kalâat Khasba ; Monsieur le commissaire régional
du développement agricole du Kef ; Monsieur le directeur du bureau régional de l'emploi du Kef ; Monsieur
le responsable des études et de la planification au sein du CRDA de Kairouan ; Monsieur le directeur
régional de l’APIA de Kairouan ; Monsieur le directeur régional de l’API de Kairouan ; Messieurs les maires,
délégués et secrétaires généraux des délégations d’El Alâa, Nasrallah et Ouslatia.
7
Nous remercions tous les représentants de l'administration publique régionale et locale qui ont contribué à
ces enquêtes de même que les membres de la société civile qui ont participé à nos réunions.
L’association Touensa tient également à remercier les services administratifs, logistiques et financiers des
différentes institutions pour leur appui.
Et enfin, l’association Touensa tient à remercier l’OIM et l’UE pour les ressources mises à sa disposition.
8
Table des matières
A propos de l’association Touensa .............................................................................................. 2
L’Organisation internationale pour les migrations ...................................................................... 4
Remerciements .......................................................................................................................... 6
Avant-propos ........................................................................................................................... 10
Liste des abréviations ............................................................................................................... 11
Introduction ............................................................................................................................. 12
Méthodologie .......................................................................................................................... 12
Les 4 étapes mises en œuvre pour le diagnostic participatif ...................................................... 13
I : DIAGNOSTIC DES DÉLÉGATIONS LES PLUS DÉFAVORISÉES ...................................................... 16
DU GOUVERNORAT DE JENDOUBA ........................................................................................... 16
Introduction ..................................................................................................................................... 17
A. La délégation de Fernana ......................................................................................................... 18
B. La délégation de Ain Draham .................................................................................................... 21
C. La délégation de Oued Meliz .................................................................................................... 24
Conclusion ....................................................................................................................................... 26
II : DIAGNOSTIC DES DELEGATIONS LES PLUS DEFAVORISEES DU GOUVERNORAT DU KEF .......... 30
Introduction ..................................................................................................................................... 31
A. La délégation de Nebeur .......................................................................................................... 35 1. Données générales ............................................................................................................. 35 2. Analyse des Potentialités et Limitations de la délégation de Nebeur ............................... 36
B. La délégation de Sakiet Sidi Youssef.......................................................................................... 41 1. Données Générales ............................................................................................................ 41 3. Analyse des potentialités et limitations de la délégation de Sakiet sidi youssef .............. 42
D. La délégation de Kalaât Kashba ................................................................................................ 47 1. Données Générales ............................................................................................................ 47 2. Analyse des potentialités et limitations de la délégation Kalaât Kashba .......................... 48
Conclusion ....................................................................................................................................... 53
III : DIAGNOSTIC DES DELEGATIONS LES PLUS DEFAVORISEES .................................................... 55
DU GOUVERNORAT DE SILIANA ................................................................................................ 55
Introduction ..................................................................................................................................... 56
Situations partagées par les trois délégations ................................................................................... 56 1. L’agriculture et les ressources naturelles .......................................................................... 57 2. Le tissu industriel ............................................................................................................... 58 3. L’artisanat ........................................................................................................................... 59 4. Le tourisme et la culture .................................................................................................... 60 5. L’éducation et la santé ....................................................................................................... 60
A. La délégation de Er-Rouhia ....................................................................................................... 61
B. La délégation de Kesra ............................................................................................................. 64
9
C. La délégation d’El Arroussa ...................................................................................................... 67
IV : ANALYSE DES DÉLÉGATIONS LES PLUS DÉFAVORISÉES ......................................................... 71
DU GOUVERNORAT DE KAIROUAN .......................................................................................... 71
Introduction ..................................................................................................................................... 72
Mise en œuvre de la méthodologie .................................................................................................. 72
Situations partagées par les trois délégations ................................................................................... 73 1. L’agriculture et les ressources naturelles .......................................................................... 73 2. La santé .............................................................................................................................. 74 3. Le chômage et ses conséquences ...................................................................................... 74 4. Le financement de projets ................................................................................................. 76 5. L’éducation, la culture et le sport ...................................................................................... 77 6. La condition des femmes d’origine rurales ........................................................................ 77 7. Les personnes souffrant d’un handicap ............................................................................. 78 8. Projets communautaires partagés par les trois délégations ............................................. 79
A. La délégation d’El Alâa ............................................................................................................. 80 1. Population active ............................................................................................................... 80 2. Contraintes ......................................................................................................................... 81
B. La délégation d’El Oueslatia...................................................................................................... 84 1. Population active ............................................................................................................... 84 2. Contraintes ......................................................................................................................... 85 3. Opportunités de développement ...................................................................................... 87 4. Projets communautaires .................................................................................................... 88
C. La délégation de Nasrallah ....................................................................................................... 89 1. Population active ............................................................................................................... 89 2. Contraintes ......................................................................................................................... 90 3. Projets communautaires .................................................................................................... 93
Conclusion ....................................................................................................................................... 95
IV : ANNEXES ............................................................................................................................ 97
Annexe 1 Données générales sur la délégation de Jendouba ..................................................... 97
- Fernana ............................................................................................................................ 97
Annexe 2 Données générales Kef ............................................................................................ 102
Annexe 3 Emploi et chômage dans la Tunisie post-14 janvier- articles par Karim Mejril ........... 108
Annexe 4 Données générale délégation d’El Alaa ................................................................... 115
Annexe 5 Données générales délégation d’El Oueslatia........................................................... 117 Annexe 6 .................................................................................................................................. 119 - Loi n° 99—57 du 28 juin 1999, relative aux appellations d’origine contrôlée et aux indications de provenance des produits agricoles .................................................................. 119
Annexe 7 ................................................................................................................................ 142
Glossaire ................................................................................................................................ 142
Annexe 8 ................................................................................................................................ 145
Délégation Nasrallah ............................................................................................................. 145
10
Avant-propos
La présente étude a été élaborée par une équipe d’experts et de consultants de l’association Touensa pour
l’éveil et la vigilance et ce, en partenariat avec l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM).
Cette étude, réalisée sous la responsabilité de Mme Selima ABBOU, directrice de l’association Touensa, a
été le fruit du travail d’une équipe d’experts :
- Mme Aïda Boukhris El Majdi, docteur en économie et gestion des ressources humaines et qui a
enquêté sur la région de Kairouan ;
- M. Abdel RahmenLahga, docteur en sciences économiques et qui a mené l’enquête sur la région
de Jendouba ;
- Mme Rim Ben Smail, économiste, a travaillé sur la région de Siliana ;
- Mme Yosr Abid Fourati, titulaire d'un Ph.D. en économie politique de la réforme et qui a mené
l’enquête sur la région d’El Kef.
Trois experts ont collaboré lors de la phase préliminaire du projet visant à identifier les délégations les plus
défavorisées. Il s’agit de :
- M. Racem MEHDI et Mme Salwa TRABELSI, docteurs en sciences économiques et membres-
fondateurs de l’Association pour la Réflexion sur le Développement Economique et Social ;
- M. Lotfi Gammoudi.
La coordination du projet a été réalisée par l’OIM et plus précisément par M. Francesco Lembo, Mme
NawelTounsi et M. DamianoGiampaoli, en collaboration avec M. Francesco Carella, Mme ShirazJerbi, M.
Mohamed AlaaDemnati et Mme Lina Zekri, sous la direction de Mme Lorena Lando.
11
Liste des abréviations
API : Agence de Promotion de l’Investissement
APII:Agence de Promotion de l'Industrie et de l'Innovation
APIA : Agence de Promotion de l’Investissement Agricole
CRDA : Centre Régional de Développement Agricole
GDA: Groupement de Développement Agricole
ODCO : Office de Développement du Centre Ouest
SMIG : Salaire Minimum Interprofessionnel Garantie
SMAG : Salaire minimum agricole garanti.
PDI: Programme de Développement Intégré
PDRI: Programme de Développement Rural Intégré
SOCOPA: Société de Commercialisation des Produits de l'Artisanat
12
Introduction
Cette étude, relative au diagnostic des délégations les plus défavorisées et à l'évaluation de leurs
caractéristiques, rentre dans le cadre du projet global « Stabiliser les communautés à risque et renforcer la
gestion de la migration en appui aux transitions en Egypte, Tunisie et Libye » (START) lancé par l'OIM. Ce
projet a pour principal objectif d'identifier des solutions à la problématique du ralentissement de la
croissance économique d’une part et aux conséquences migratoires des révolutions ayant eu lieu dans les
trois pays d’intervention d’autre part (Egypte, Tunisie, Libye).
En Tunisie, le projet vise à accompagner les gouvernorats ciblés dans la mise en œuvre des mesures visant à
améliorer la gestion des différents aspects de la migration et à redynamiser le marché de l’emploi et ce, en
se focalisant sur les zones les plus affectées par le chômage et par le retour massif dans leur pays d’origne
d’émigrés tunisien.
La première phase de l'étude a permis d’identifier les délégations les plus nécessiteuses au sein des
gouvernorats du Kef, de Siliana, de Jendouba, de Kairouan, de Tozeur et du Grand Tunis. En effet, ces
délégations défavorisées nécessitent une réelle dynamisation de l'emploi basée sur les potentialités et les
problématiques de la zone.
Pour la deuxième phase, les douze communes défavorisées identifiées dans les gouvernorats du Kef
(Nebeur, Sakiet Sidi Youssef et Kalaât Kashba), de Siliana (Er Rouhia, Kesra et El Aroussa), de Jendouba
(Fernana, Ain Draham et Oued Meliz) et de Kairouan (El Alâa, Nasrallah et Ouslatia) ont fait l’objet d’un
diagnostic des contraintes et des potentialités de développement. Ce diagnostic a permis de mettre en
avant les secteurs à forte valeur ajoutée, d’identifier les besoins des communes en termes de potentialités
d’emploi, de déterminer les obstacles à la création d'entreprises et de mettre en exergue l'efficacité des
structures existantes ainsi que les potentialités de formation. Il a également permis de déterminer les
orientations de la population et d’identifier les problématiques des communes.
Les informations issues de cette étude serviront de base de travail à l'OIM afin de développer une initiative
d’encouragement du secteur privé au travers de dons d'appui à l'entrepreneuriat.
Méthodologie
Pour ce diagnostic, l’équipe d’experts a adopté une analyse SWOT1 -un outil d’analyse combinant l'étude
des forces et des faiblesses d’un territoire avec celle des opportunités et des menaces de son
environnement. Cette analyse SWOT a été réalisée en adoptant une démarche participative impliquant les
acteurs concernés par le développement économique et social des délégations étudiées. La population et
les responsables locaux des délégations les plus défavorisées des gouvernorats de Kairouan, du Kef, de
Siliana et de Jendouba ont donc été mis à contribution.
1SWOT :Strengths (forces), Weaknesses (faiblesses), Opportunities (opportunités), Threats (menaces).
13
Cette approche décentralisée, participative, riche en information et en échanges a permis à la population
d’identifier et d’exprimer les difficultés vécues au quotidien (contraintes et problèmes de la commune), de
déterminer les priorités de la délégation, de présenter les solutions les plus pertinentes et d’identifier les
projets les plus durables (potentialités de développement local).
L’information collectée et analysée a porté sur les principales caractéristiques physiques et socio-
économiques des communautés. Le traitement synthétique de ces informations a permis (cfr. annexe 1 :
tableau présentant les étapes mises en œuvre à l’établissement du diagnostic) :
- d’identifier les contraintes et les opportunités au niveau des différentes catégories
socioéconomiques des communautés locales ;
- d’identifier et classer par priorité les besoins communautaires ;
- de faciliter le dialogue et la communication entre les participants de la communauté ;
- de définir des stratégies communes de développement qui sont adaptées aux problèmes d’un site
spécifique et aux priorités de différentes catégories socioéconomiques.
Les 4 étapes mises en œuvre pour le diagnostic participatif
Tableau 1: Les 4 étapes mises en œuvre pour le diagnostic participatif
1
Diagnostic
des
contraintes
2
Diagnostic
des
potentialités
3
Identification préliminaire des
domaines et des stratégies de
développement local
4
Classification et analyse
des contraintes et des
potentialités
ACTIVITES
Collecte de l’information
Phase1-Entretien avec les responsables régionaux
Phase 2-Discussions avec les principaux responsables locaux
Phase 3-Consolidation de l’information recueillie dans la phase 1
Phase 4-Discussions en groupes au sein de la communauté (focusgroup)
Phase 5- Consolidation de l’information (focusgroup) recueilli dans les phases 1
et 2
Phase 6-Consolidation des
stratégies proposées et
récapitulatif des projets
commun proposés par la
communauté et issus des
phases 4 et 5.
RÉSULTATS
ATTENDUS
- Compréhension générale de la situation régionale et locale ;
- Compréhension des différences d’opinion dans la communauté sur les
facteurs qui agissent sur le développement ;
Sélection et validation
participatives des solutions
possibles et des stratégies
potentielles, confirmées,
14
- Compréhension des systèmes familiaux de production ;
- Diagnostic préliminaire des contraintes et des opportunités ;
- Contraintes classées par priorité suivie d’une analyse et
- identification des possibilités pour les résoudre ;
- Confirmation des résultats par la population locale
pouvant être utilisées par la
population locale pour
résoudre les contraintes.
OUTILS
Entretien semi directif pour les phases 1 et 2 ;
Focus group pour la phase 2, 3, 4, 5 et 6.
Analyse des problèmes
AVANTAGES
Sources d’information multiples et variées (unités administratives régionales et locales, propriétaires des
terres, populations locales des deux sexes, louant ou n’ayant pas de terres, association) avec une
consolidation à chaque phase pour réduire les partialités.
Le diagnostic participatif a permis :
- De faire participer toute la communauté dans la collecte de cette information, de son traitement et de
ce qui en découle ;
- L’encouragement de la population à discuter sur les thèmes, plutôt que de répondre simplement aux
questions spécifiques ;
- Une diffusion publique et répétitive de l’information, plutôt qu’une présentation séquentielle ;
- Une validation participative à la fin de chaque focus group pour une restitution de l’information
collectée et une correction des inexactitudes et une validation conjointe des propos ;
- De mettre en place une relation de confiance qui a permis de nouer des relations d’échange basées sur
la transparence et la confiance avec la population locale.
15
16
I : DIAGNOSTIC DES DÉLÉGATIONS LES PLUS DÉFAVORISÉES
DU GOUVERNORAT DE JENDOUBA
Chapitre élaboré par Abdel Rahmen Lahga2
2Docteur en sciences économiques à l’université Louis Pasteur de Strasbourg, Abdel Rahmen Lahga occupe
actuellement le poste d'enseignant chercheur à l’Institut Supérieur de Gestion de l’université de Tunis. Il est aussi l'auteur de plusieurs rapports de recherche et d'articles académiques en économie de la famille et en économie de développement et est également consultant international auprès de plusieurs organismes tels que la Banque mondiale, Unicef et le réseau PEP.
17
Introduction
La première phase de l’étude nous a permis d’identifier les trois délégations les plus défavorisées du
gouvernorat de Jendouba : Fernana, Ain Draham et Oued Meliz (cfr. annexe 1). L’objet de la phase actuelle
est de procéder, pour ces trois délégations, à une évaluation sur le terrain de leurs potentialités et de leurs
principaux besoins pour l’amélioration de l’environnement et, notamment, la dynamisation de l'emploi.
Ainsi, nous avons pu rassembler les recommandations et les diagnostics avancés par des acteurs de terrain
en fonction de leur propre perception et opinion, à la fois des tendances de fond qui traversent l’ensemble
du gouvernorat de Jendouba et qui se font ressentir plus fortement dans les délégations de Fernana, d’Ain
Draham et d’Oued Meliz et aussi des spécificités de chacune de ces trois délégations.
Nos différents interlocuteurs ont systématiquement souligné le fait que la région de Jendouba est
particulièrement riche en ressources naturelles et que celles-ci sont sous ou mal exploitées. En effet, bien
que certaines ressources naturelles fassent l’objet d’une exploitation, il a été souligné à plusieurs reprises
qu’il existe un manque de « volonté politique » de les transformer sur place. Selon certains, ce phénomène
s’explique de par l’héritage historique, alors que d’autres insistent sur le fait que les postes àresponsabilité
de l’administration publique locale soient attribués à des personnes qui ne sont pas natives de la région.
Dans le même ordre d’idée, il nous a souvent été précisé que la région n’est pas suffisamment mise en
valeur et qu’un effort en termes de marketing régional doit être accompli.
Pour nos interlocuteurs, le constat est unanime : il y a, du côté des acteurs publics, un manque
d’infrastructures et une absence de projets structurants et, du côté des acteurs privés, un manque
d’initiative. Ce dernier point est illustré par la référence à l’épargne locale, perçue comme abondante tandis
que les investissements réalisés par les natifs de la région demeurent faibles. La raison systématiquement
avancée pour expliquer ce décalage est le manque de culture entrepreneuriale et, notamment, une certaine
aversion au risque des détenteurs des ressources financières sous forme d’épargne. Pour combler ce
manque et remédier à la pauvreté de l’environnement entrepreneurial, une solution proposée-et qui a
suscité un enthousiasme général- consiste à développer des partenariats avec des entreprises privées afin
de créer des micro-entreprises et des PME.
Etant donné que le tissu économique est incapable d’absorber la main d’œuvre disponible, tous nos
interlocuteurs placent au cœur de leur préoccupation le chômage des jeunes et notamment celui des
diplômés. Une idée récurrente apparaît au cours de nos échanges : la jeunesse de Jendouba est livrée à elle-
même. Les jeunes se heurtent d’abord à des problèmes de financement (incapacité à fournir un apport
personnel ou même une caution solidaire) et à la rigidité du système bancaire. Ils sont ensuite freinés par le
manque d’accès à l’information nécessaire à la poursuite de leurs projets et à des problèmes de lourdeur
administrative. Enfin, ils font l’objet d’un découragement par les membres de leur famille et leur entourage ;
les cas d’échec de jeunes entrepreneurs se multiplient et il n’existe aucune success-story pouvant servir
d’exemple. Deux priorités ciblées sur la jeunesse sont donc communément avancées par nos
18
interlocuteurs : la formation (création d’entreprise, techniques agricoles, gestion des associations et
développement local) ainsi que l’accompagnement et le suivi (parrainage, coaching, etc.). Ils appellent par
ailleurs de leur vœux la création d’une zone franche afin de tirer profits des opportunités d’échange avec
l’Algérie voisine et de réduire ainsi la contrebande (y compris de bétails).
Sachant que l’activité économique de la délégation d’Oued Meliz est principalement agricole et que celle de
Fernana et d’Ain Draham est majoritairement agro-forestière, on peut noter la prépondérance de ces
activités agricoles dans la vie économique de ces délégations. Il est cependant unanimement reconnu que
le secteur agricole reste particulièrement sinistré: l’agriculture est archaïque (productivité limitée), les terres
morcelées (économie d’échelle réduite) et la production basée sur un management encore très traditionnel
(faible valeur ajoutée). De plus, l’absence d’un raisonnement par filière empêche la continuité des projets
et, par conséquent, des activités de transformation (absence de productions agroalimentaires dans toute la
région de Jendouba, bien que l’activité principale soit l’agriculture). Selon nos interlocuteurs, ce phénomène
abouti, d’une part à la création d’emplois précaires, principalement occupés par les populations rurales et
féminines, et, d’autre part à des flux migratoires importants vers la ville de Jendouba, la délégation de
Bousalem et plus généralement vers la capitale et le littoral. Un nombre particulièrement alarmant de
jeunes filles (voire même de préadolescentes) se voient contraintes d’interrompre leurs études pour
travailler en tant que domestiques dans la capitale ou dans les grandes villes du littoral. Cependant, ces flux
migratoires ne font pas l’objet d’un suivi statistique qui permettrait d’évaluer objectivement le phénomène
quantitativement et qualitativement.
A plusieurs reprises, la nécessité de permettre aux populations rurales (prioritairement les femmes et les
jeunes) de se procurer une source de revenu significative et pérenne a été soulignée, en les aidant à se
constituer un cheptel d’ovins ou de caprins de taille suffisante (un minimum d’une dizaine de têtes de
bétail) et en garantissant un suivi vétérinaire.
Signalons également que nos interlocuteurs de la société civile ont exprimé à plusieurs reprises une certaine
exaspération quant aux promesses d’aides internationales (aides bilatérales ou provenant d’organisations
internationales) qui n’ont jusque-là aucune portée concrète malgré les études préalables auxquelles ils ont
participé activement.
A. La délégation de Fernana
Selon nos estimations, la délégation de Fernana est la plus défavorisée du gouvernorat de Jendouba. Elle
connaît notamment les résultats les plus faibles en matière d’analphabétisme (taux s’élevant à 46,8 %3),
d’instruction (part de la population de niveau secondaire et supérieur de 20,6 %2) et de pauvreté (taux de
14,3 %2). Cette délégation se retrouve également désavantagée à l’échelle nationale : Fernana connaît l’un
3 Source : Institut National de la Statistique.
19
des plus faibles taux de raccordement aux réseaux de gaz naturel (0,4 %2), soit le quatrième score le plus
faible), et au réseau de l’eau potable (12,8 %2, soit la cinquième position). Elle se classe par ailleurs parmi
les plus défavorisées en termes de familles nécessiteuses (2 062 familles4, soit la cinquième position) et de
chômage (26 %2, soitla dix-neuvième position).
A partir des entretiens avec les représentants de l’administration publique locale et des enquêtes
qualificatives en focus group, il ressort que les forces de ce territoire correspondent à ses atouts naturels :
- un territoire forestier et montagneux ;
- des ressources hydriques abondantes (un taux de pluviométrie relativement important, des
sources naturelles d’eau chaude et froide et des retenues d’eau de barrage) ;
- des gisements importants de substances utiles ;
- la frontière avec l’Algérie.
En contrepartie, Fernana est victime :
- de son relief accidenté ;
- des difficultés de déplacement en forêt ;
- de l’éloignement du centre ville ;
- d’une dispersion géographique et de l’enclavement de sa population dont une grande partie vit
en milieu forestier.
L’environnement entrepreneurial y est considéré comme pauvre. Il se caractérise par une quasi-absence
d’unités de transformation industrielle. Un investissement a bien été fait dans la production de tomates
séchées (15 employés) mais aucun projet d’investissement n’est déclaré en dehors des activités
traditionnelles de type boulangerie. Pour remédier à cette lacune, la création d’une mini-zone industrielle
de 8 hectares est projetée. Néanmoins, il existe une production artisanale relativement riche qui repose sur
la transformation des matières premières issues de la forêt.
Cette délégation connaît la plus grande concentration de jeunes diplômés après Jendouba et Bousalem.
Mais le niveau d’éducation reste globalement faible et le taux d’analphabétisme élevé compte tenu d’un
abandon scolaire important. Les femmes, les jeunes et les agriculteurs ne disposent pas d’assez de
formations techniques, ce qui se fait également ressentir dans le milieu associatif qui s’est développé
récemment, ce qui conduit à des actions encores inefficaces.
4 Source : Office de Développement du Nord-Ouest.
20
Les obstacles administratifs et financiers sont nombreux à Fernana :
- La réglementation forestière, particulièrement contraignante, constitue un frein à l’exploitation
des produits forestiers ;
- Certaines administrations sont absentes (STEG, SONEDE, etc.) ;
- Sur le plan financier, les banques sont également quasi-absentes et n’offrent pas de services
adaptés aux sollicitations locales.
Le manque d’infrastructures y est criant :
- l’accès à l’eau potable est limité surtout dans les zones forestières ;
- la qualité des routes dans les zones forestières est mauvaise ;
- les capacités en moyens de transport insuffisantes ;
- les centres de formation professionnelle comme les équipements de loisir sont inexistants.
Des menaces s’exercent également sur ce territoire à travers la population du fait de :
- la migration du capital et du travail non qualifié vers Jendouba, vers la capitale et vers l’étranger,
et en particulier la migration des jeunes filles ;
- l’appauvrissement grandissant ;
- les conditions de vie déplorables (logement, santé, éducation) ;
- les conditions climatiques difficiles ;
- un taux de fécondité et une proportion d’handicapés élevée ;
- un taux de suicide de jeunes filles inquiétant.
Cependant, Fernana dispose d’un environnement qui offre de nombreuses opportunités de développement
local et humain. La première est une meilleure exploitation des ressources forestières à travers
l’exploitation, la transformation ou le conditionnement les produits forestiers ligneux (liège et bois) et non
ligneux (gibier, champignons, truffes, plantes aromatiques et médicinales). Ainsi, l’extraction d’huiles
essentielles correspond par exemple à une activité simple et fructueuse pour une population à faible niveau
d’éducation. Par ailleurs, la mise en valeur et la promotion des produits artisanaux fabriqués à partir des
ressources forestières seraient notamment profitables aux femmes travaillant à domicile.
L’élevage en milieu forestier constitue également une activité qu’il est possible de développer étant donné
l’environnement naturel qui caractérise Fernana. Il peut s’agir de l’élevage traditionnel (caprin, ovin) ou hors
sol (lapins, poulets, escargots). Mais, afin d’exploiter pleinement les opportunités dans ce domaine, il
conviendrait également de promouvoir la création d’abattoirs et de fromageries.
21
L’environnement naturel de Fernana permet d’encourager des activités pouvant profiter à toutes les
catégories de population, quel que soit leur niveau d’éducation, comme l’apiculture (production de miel de
forêt) et la pisciculture (élevage de poissons dans les retenues d’eau de barrage).
Il existe une marge de progression importante pour le développement d’une agriculture à forte valeur
ajoutée. Celle-ci peut effectivement reposer sur une population de jeunes diplômés et sur les perspectives
de développement qu’offre l’extension des surfaces irriguées grâce à une meilleure exploitation de l’eau des
barrages.
La meilleure exploitation des sources naturelles d’eau froide et chaude peut aussi conduire à la création de
centres de soins et de thalassothérapie. Ces dernières activités viendraient enrichir le potentiel touristique
de la délégation qui repose principalement sur les paysages et la qualité environnementale des zones
forestières et montagneuses.
La mise en place de centres de formation des jeunes diplômés et non diplômés, et surtout des femmes
rurales, apparaît être une nécessité impérieuse afin de tirer pleinement profit des activités offrant des
opportunités de développement.
B. La délégation de Ain Draham
Nos estimations montrent qu’Ain Draham est la deuxième délégation la plus défavorisée dans le
gouvernorat de Jendouba. Le taux d’analphabétisme y est de 38,4 %, la part de la population ayant un
diplôme de niveau secondaire et supérieur est de 27,7 %4 et le taux de pauvreté y est de 12,7 %4. Au niveau
national, Ain Draham est, à l’instar de Fernana, en queue de peloton en matière de raccordement aux
réseaux de gaz naturel (taux de 0,4 %4, soit le quatrième score le plus faible) et de l'eau potable (taux de
35,4 %4, trente et unième position). Ain Draham est fortement touchée par le chômage, comptabilisant un
taux de chômage de 26,4 %4 et on y dénombre aussi 2 282 familles nécessiteuses5(ce qui la place en
quatrième position à l’échelle nationale en termes absolus)-soit 60 familles pour 1 000 habitants (septième
position dans le classement national en termes relatifs).
Aïn Draham posséde la même configuration géographique, économique et sociale que sa voisine Fernana.
Ses forces proviennent des mêmes atouts naturels :
- des zones forestières et montagneuses qui s’étendent sur l’ensemble du territoire ;
- des ressources hydriques abondantes (un taux de pluviométrie relativement important, des
sources naturelles d’eau chaude et froide et des retenues d’eau de barrage) ;
- des gisements importants de substances utiles ;
- la frontière avec l’Algérie.
5 Source : Office de Développement du Nord-Ouest.
22
Et à l’instar de Fernana, Ain Draham est pénalisée par :
- un relief accidenté ;
- des difficultés de déplacement en forêt ;
- l’éloignement du centre ville ;
- une dispersion géographique et un enclavement de sa population dont une grande partie vit en
milieu forestier et notamment dans des clairières.
L’environnement entrepreneurial y est également considéré comme pauvre. Il ne comporte quasiment pas
d’unités de transformation industrielle à l’exception d’une unité de fabrication de décors floraux pour la
pâtisserie et d’une unité de production de champignons. Mais les deux sites sont actuellement à l’arrêt, mis
en « veilleuse ». Un projet d’extraction d’huiles essentielles (5 employés) est actuellement en cours de
réalisation. La production artisanale, relativement riche, s’appuie sur les matières premières issues de la
forêt.
En matière de ressources humaines, la main d’œuvre disponible est abondante. La délégation possède une
école hôtelière qui ne fonctionne cependant pas actuellement. Il n’en demeure pas moins que les femmes,
les jeunes et les agriculteurs manquent de formation technique. Globalement, le niveau d’éducation
demeure faible et le taux d’analphabétisme élevé. Un abandon scolaire important affecte également Ain
Draham.
La délégation est confrontée à de lourds obstacles administratifs et financiers. Nous retrouvons :
- une réglementation forestière très contraignante qui empêche d’exploiter pleinement les produits
de la forêt ;
- une quasi-absence des administrations publiques et des agences bancaires.
Ain Draham connaît un sous-développement massif de tous les types de ses infrastructures : les
infrastructures de base, de transport, de santé, d’éducation, de culture, etc. A titre d’exemple, l’eau potable
n’est distribuée que dans trois localités et les pistes sont fréquemment détruites par des glissements de
terrain provoqués par les intempéries.
Parmi les menaces pesant sur Ain Draham, on retrouve les conditions naturelles :
- les conditions climatiques difficiles et les risques de glissement de terrain ;
Et, à l’instar de Fernana, des menaces accablent également la population de ce territoire étant donnés :
- la migration du capital et du travail non qualifié vers Jendouba, la capitale et l’étranger, et en
particulier la migration des jeunes filles ;
- l’appauvrissement grandissant ;
- les conditions de vie déplorables (logement, santé, éducation) ;
23
- un taux de fécondité et une proportion d’handicapés élevée ;
- les destructions provoquées par les sangliers et les problèmes de propriété des terres agricoles.
L’environnement naturel qui caractérise Ain Draham est à l’origine de multiples opportunités de
développement local et humain. Une meilleure exploitation des ressources forestières, notamment grâce à
l’extraction, la transformation et le conditionnement des produits forestiers ligneux (liège, bois) et non
ligneux (gibier, champignon, truffes, plantes médicinales, fruits des bois), et des substances utiles qui s’y
trouvent (notamment marbre marron) est primordiale. La délégation pourrait accueillir des unités de
transformation de liège, de bois et des substances précédemment évoquées d’extraction d’huiles
essentielles et de séchage de plantes aromatiques et médicinales. L’exploitation de la biodiversité
permettrait d’implanter sur place une industrie pharmaceutique et parapharmaceutique qui bénéficierait
de la notoriété nationale de la forêt d’Ain Draham en matière de végétation forestière et de qualité de
l’environnement, ainsi que dans le domaine du thermalisme. Le développement de tous ces secteurs
offrirait des opportunités d’emploi importantes pour toutes les catégories de la population étant donné que
ces industries font appel à toute sorte de compétence. Néanmoins, il demeure essentiel de mettre en
valeur et de promouvoir les produits artisanaux fabriqués à partir des ressources forestières (sculpture sur
bois, meuble, rotin, etc.).
L’environnement naturel d’Ain Draham est propice à un élevage de type forestier qui peut correspondre à
un élevage soit traditionnel (caprin, ovin), soit hors sol (lapins, poulets, escargots). La pleine exploitation des
opportunités dans ce domaine nécessite de promouvoir la création d’abattoirs et de fromageries.
La présence de forêts et de barrages rend les activités liées respectivement à l’apiculture et la pisciculture
attractives sachant que celles-ci peuvent être bénéfiques à toutes les catégories de population.
Une agriculture à forte valeur ajoutée peut également se développer compte tenu des compétences
offertes par les jeunes diplômés et les possibilités d’étendre les surfaces irriguées grâce à une meilleure
exploitation de l’eau des barrages.
Ain Draham a un potentiel important dans le secteur du tourisme. Cette délégation a déjà une grande
notoriété nationale qui repose sur sa forêt, ses paysages, son environnement sain, son calme et son charme
particulier. De nombreuses activités touristiques peuvent y être développées générant ainsi des
opportunités d’emploi et de développement considérables. Encore faut-il pour cela mettre en valeur le
patrimoine naturel (source d’eau, sites classés) et architectural du territoire et promouvoir un tourisme à
taille humaine qui repose sur le contact avec la nature et une population locale au mode de vie spécifique :
écotourisme, tourisme de santé, randonnée et chasse.
24
C. La délégation de Oued Meliz
La délégation d’Oued Meliz est la troisième délégation la plus défavorisée du gouvernorat de Jendouba. Le
taux d’analphabétisme y est de 36 %6, la part de la population de niveau secondaire et supérieur de 26,7 %6
et le taux de pauvreté de 10,8 %6. Comme les délégations de Fernana et Ain Draham, la délégation d’Oued
Meliz connaît, sur le plan national, l’un des plus faibles taux de raccordement au réseau de gaz naturel (0,4
%6, quatrième score le plus faible). Bien que mieux lotie que les deux premières délégations en matière de
chômage et de familles nécessiteuses, elle se trouve parmi les 11 % des délégations tunisiennes les plus
défavorisées avec un taux de chômage de 23,5 %6 (vingt-neuvième position) et 42,3 familles nécessiteuses
pour 1 000 habitants7 (vingt-huitième position).
Oued Meliz correspond à une zone agricole qui bénéficie :
- d’une terre agricole très fertile (rive de la Medjerda) ;
- de ressources hydriques importantes (taux de pluviométrie relativement élevé, passage de la
Medjerda) ;
- de la présence de terrains appartenant aux domaines de l’Etat.
Cependant, l’agriculture et l’élevage à Oued Meliz sont pénalisés par :
- un modèle de production archaïque de type familial ;
- le morcellement des terres ;
- des exploitations agricoles généralement de petites tailles ;
- des problèmes de propriété foncière (dus aux héritages) ;
- une production agricole aléatoire ;
- des coûts de production élevés bien que les inputs soient localement abondants (eau et
fourrage) ;
- un endettement important des agriculteurs.
Malgré la place prépondérante de l’agriculture et de l’élevage, il existe seulement trois réfrigérés (dont un
appartenant à l’Etat) et deux huileries. La faible capacité de stockage et de transformation de la production
agricole illustre un environnement entrepreneurial pauvre. De plus, aucun projet d’investissement n’est
déclaré en dehors de projets traditionnels tels que les boulangeries. La création d’une zone industrielle est
envisagée afin d’encourager les projets industriels. Oued Meliz peut néanmoins se targuer d’une production
artisanale importante.
6 Source : Institut National de la Statistique. 7 Source : Office de Développement du Nord-Ouest.
25
La main d’œuvre y est abondante et les compétences disponibles encore sous-utilisées mais, comme pour
les deux précédentes délégations, le niveau d’éducation reste globalement faible et le taux
d’analphabétisme élevé compte tenu d’un abandon scolaire important. Les femmes, les jeunes et les
agriculteurs connaissent un déficit de formations techniques.
Au niveau administratif et financier, Oued Meliz est victime de la petite taille de sa population : le chef-lieu
lui-même compte un peu plus de 2 000 habitants8. Et à l’exception d’un bureau de poste, d’une municipalité
et de l’administration de la délégation, les services publics sont absents et les agences bancaires
inexistantes.
Le manque d’infrastructures se fait ressentir sous différentes formes :
- accès à l’eau potable limité ;
- réseau routier insuffisant ;
- infrastructure scolaire très peu développée ;
- absence d’équipements de loisir ;
- absence de centre de formation professionnelle ;
- absence de locaux pour accueillir les activités de la société civile.
Les principales menaces qui pèsent sur le territoire à travers sa population sont :
- le manque de culture entrepreneuriale ;
- le rejet des travaux agricoles par les jeunes ;
- l’exode d’une main d’œuvre agricole ;
- les conditions de logement défavorables et notamment la construction de logements sur des lits
de rivière ;
- l’épargne qui n’est pas investie sur place.
Les opportunités de développement qui se déploient sur le territoire sont principalement liées à
l’agriculture et l’élevage. L’amélioration de l’efficacité, la modernisation et la diversification de la production
agricole est une nécessité qui permettrait d’améliorer le niveau de vie des femmes rurales et des jeunes
dépourvus de diplôme. Le potentiel de développement d’une agriculture à forte valeur ajoutée et
respectant des principes écologiques (agriculture bio) est élevé étant donnée la disponibilité de jeunes
diplômés et la possibilité d’étendre les surfaces irriguées et de réaffecter les terres appartenant au domaine
de l’Etat en fonction des compétences.
8 Source : Institut National de la Statistique.
26
La délégation d’Oued Meliz est donc dotée des conditions nécessaires afin debâtir une industrie
agroalimentaire qui pourrait générer des opportunités d’emploi considérables pour toutes les catégories de
la population étant donnée l’importance de la production agricole qui peut faire l’objet de transformation et
de conditionnement. La mise en place de minoteries ou d’unités de raffinage de sucre et l’implantation
d’unités de congélation, de séchage, de déshydratation, de lyophilisation, de conservation et semi-
conservation sont autant de possibilités qui s’imposent étant donnés les atouts de ce territoire.
L’industrie agroalimentaire peut également reposer sur un fort potentiel de développement dans le
domaine de l’élevage de bétails et notamment l’élevage de bovins laitiers. Ainsi, l’installation d’abattoirs et
de fromageries peut être encouragée auprès d’une population non diplômée masculine comme féminine.
Les femmes en particulier peuvent bénéficier de la mise en valeur de l’artisanat notamment grâce à
l’établissement d’une filière de commerce équitable pour la commercialisation des tapisseries locales.
Le potentiel touristique d’Oued Meliz est moins important que celui de Fernana et d’Ain Draham.
Cependant, cette délégation accueille le site archéologique de Chemtou qui peut être mis en valeur au
travers d’un circuit touristique régional. Les jeunes diplômés dans les domaines de l’histoire, de la culture,
des arts et des langues pourraient mettre à profit leurs compétences en offrant des services de guide
touristique et d’hébergement chez l’habitant (gastronomie locale, produits du terroir, produits artisanaux,
soins du corps traditionnels, etc.).
La pleine exploitation de ces opportunités suppose au préalable la mise en place de centres de formation
technique au profit des jeunes non diplômés et des femmes rurales pour parfaire un savoir-faire local et
accroître l’efficacité et la diversification de la production agricole et artisanale, et des jeunes diplômés pour
acquérir des compétences dans la création et la gestion de leur propre entreprise.
Conclusion
Cette étude consiste à analyser la situation des trois délégations les plus défavorisées de Jendouba, à savoir
Ain Draham, Oued Meliz et Fernana. Une analyse a été menée sur les forces et les faiblesses, mais aussi sur
les opportunités et les menaces. Certes, Jendouba compte parmi les régions les mieux dotées en
ressources naturelles étant donnés la fertilité de la terre, une forêt étendue, une abondance de substances
utiles mais aussi un positionnement géographique privilégié, notamment grâce à son ouverture sur la
Méditerranée et sa frontière avec l’Algérie. Toutefois, elle se trouve aussi être l’une des plus pauvres de la
Tunisie. La quasi-totalité de ses richesses est soit mal exploitée (puisqu’elle est extraite puis transformée
dans d’autres régions qui en tirent un profit important), soit encore très peu exploitée compte tenu des
réglementations jugées très strictes à l’instar de celles qui régissent l’exploitation des ressources forestières.
A l’issue de nos rencontres avec les responsables de l’administration publique locale et la société civile, il
ressort que la population jeune est la plus menacée, que ce soit à Ain Draham, à Fernana ou à Oued Meliz.
27
Les opportunités d’emploi particulièrement réduites et la grande pauvreté dans leur région natale poussent
les jeunes à rechercher de meilleures alternatives à l’extérieur. Les jeunes, hommes comme femmes,
migrent principalement vers la capitale et le littoral ou simplement vers les villes de Jendouba et de
Bousalem.
Les jeunes non diplômés, qui constituent une grande partie de la jeunesse, se sont trouvés pour la plupart
obligés de quitter l’école précocement pour travailler, généralement dans le secteur du bâtiment pour les
hommes et en tant que domestiques pour les femmes. Cette migration a appauvri la région de sa main
d’œuvre en mettant en danger son avenir ainsi que celui de ses secteurs clés, principalement l’agriculture.
L’absence d’un système d’information sur les migrations internationales, tant du côté de l’administration
publique que de celui de la société civile, rend difficile le ciblage d’une population correspondant à des
migrants de retour.
Les jeunes diplômés sont livrés à eux-mêmes. Ils sont confrontés à un marché du travail très restreint et à
de lourds obstacles financiers et administratifs qui rendent difficile la concrétisation des projets.
En plus de la jeunesse, les femmes originaires de régions rurales sont une population particulièrement
vulnérable, dans le sens où elles se trouvent accablées par la précarité de leurs sources de revenu et ne
peuvent, par conséquent, aider à améliorer le bien-être de leur famille en empêchant l’abandon scolaire de
leurs enfants et la migration de ceux-ci.
Pourtant, Ain Draham, Oued Meliz et Fernana présentent plusieurs atouts et potentialités à la fois pour les
jeunes originaires de la région, mais aussi pour les autres investisseurs tunisiens et étrangers. Plusieurs
activités sont jugées prometteuses ; par exemple, à Oued Meliz, l’agriculture et l’élevage (notamment bovin
laitier) correspondent aux principales activités pouvant générer des sources de revenu substantiel pour
toutes les catégories de la population ciblée. A Ain Draham et à Fernana, l’agriculture et l’élevage
(notamment caprin et ovin) offrent également les opportunités les plus importantes. Mais c’est surtout
l’exploitation des produits forestiers non ligneux ainsi que des substances utiles qui offrent des perspectives
de revenu spécifiques à ces territoires montagneux et forestiers. Cependant, la réglementation forestière
demeure répressive et agit comme une forte contrainte sur le développement socioéconomique de ces
territoires. Il est de notoriété publique que le code forestier n’intègre pas suffisamment la dimension
sociale de l’environnement forestier.
Dans les cas de ces trois délégations, les activités du secteur primaire peuvent être à la base d’un
développement local et humain probant dès lors que des moyens substantiels sont mis au service d’un
développement quantitatif et qualitatif. Un tel développement peut se réaliser au travers de la
modernisation et de la diversification de la production, mais aussi au travers de sa transformation sur place
grâce notamment à la mise en place d’une industrie qui est aujourd’hui inexistante, aussi bien dans le
secteur agroalimentaire que dans celui de la transformation des substances utiles. Les femmes originaires
de régions rurales peuvent faire l’objet d’une aide et d’un soutien destinés à leur permettre d’obtenir des
28
sources de revenu significatives et pérennes. Il s’agirait notamment de favoriser l’extension des surfaces
irriguées et de fournir d’une part les inputs nécessaires à une production agricole plus efficace et, d’autre
part, des têtes de bétail en nombre suffisamment important. En plus de ces mesures, l’action sur les jeunes
non diplômés devrait également prévoir des formations dans les techniques agricoles modernes qui leur
permettraient d’améliorer la rentabilité et la diversification de la production restée jusque-là archaïque et
traditionnelle. Un accompagnement et un suivi leur seraient grandement bénéfiques que ce soit au niveau
technique, sanitaire et phytosanitaire ou financier. De cette façon, l’agriculture redeviendrait attractive pour
cette catégorie de la population. Les jeunes diplômés devraient aussi pouvoir bénéficier d’un
accompagnement et d’un suivi particulier pour la réalisation de projets à forte valeur ajoutée (agriculture
bio). Les aides et les soutiens à leur apporter pourraient s’orienter vers la conception de projet, la création
d’entreprise, la modernisation de la gestion des exploitations agricoles ou d’autres unités de production et
la commercialisation des produits. Au-delà des formations complémentaires, d’une assistance technique ou
d’un système de parrainage et de coaching, indispensables pour assurer la viabilité des projets des jeunes
diplômés, des sources de financement, plus larges et moins rigides que celles existant actuellement,
devraient être déployées à leur intention.
Dans les trois délégations, l’exploitation et la mise en valeur des richesses naturelles ne devraient pas se
limiter aux seules activités du secteur primaire. Le tourisme offre également des perspectives prometteuses
de développement local et humain en s’appuyant sur des atouts d’ordre naturel, climatique, culturel et
historique. Ain Draham et Fernana offrent des paysages forestiers et montagneux remarquables, une
architecture pittoresque, des sources d’eau froide et chaude et des retenues d’eau de barrage. Oued Meliz
abrite notamment le site archéologique de Chemtou qui jouit d’une grande notoriété. Ainsi, ces trois
délégations peuvent accueillir une grande variété de produits touristiques intégrés qui reposent sur leurs
spécificités : écotourisme, thermalisme, excursions culturelles, gastronomie, randonnée, chasse et sports
nautiques. Elles peuvent également tirer profit des atouts de l’ensemble de la région en s’insérant dans un
circuit touristique de type « quatre saisons » qui se composerait, en plus des activités citées
précédemment, de la pêche, de la plongée sous-marine et des activités traditionnelles du tourisme
balnéaire, grâce à la façade maritime qui s’ouvre à Tabarka (cfr. annexe 3).
Le développement du tourisme permettrait de créer des activités et des emplois au profit des différentes
catégories de la population. Les jeunes diplômés pourraient mettre à profit leurs connaissances dans les
domaines de l’histoire, la culture, les langues étrangères mais aussi des sciences naturelles pour offrir des
services de guide spécialisé et d’hébergements raffinés. Mais une formation complémentaire devrait alors
leur être destinée afin de répondre aux exigences de qualité du métier et de se conformer aux normes et
réglementations en vigueur. Cela permettrait aux jeunes non diplômés et, en particulier aux jeunes filles,
d’accéder à des opportunités d’emplois accessibles grâce à des formations en hôtellerie et à des
opportunités de développement des activités artisanales délaissées jusque-là par les jeunes, ce qui
profiterait également aux femmes au foyer et aux personnes handicapées.
29
L’essor du tourisme devrait également favoriser le développement des infrastructures routières et des
moyens de transport. En la matière, les besoins sont considérables. A Oued Meliz, et surtout à Fernana et à
Ain Draham, il existe une forte dispersion géographique et un enclavement des populations tels que la
population y est particulièrement vulnérable. Les conditions de vie pourraient progresser substantiellement
si la mobilité de la population se trouvait améliorée. Un effort prioritaire doit être fait dans le domaine des
transports scolaires afin de faciliter l’accès à l’école pour les enfants. L’objectif primordial est de relever le
niveau d’éducation et de lutter contre l’échec et l’abandon scolaire, notamment celui des jeunes filles qui se
voient contraintes d’interrompre leurs études pour travailler en tant que domestiques dans les grandes
villes du littoral tunisien.
30
II : DIAGNOSTIC DES DELEGATIONS LES PLUS DEFAVORISEES DU
GOUVERNORAT DU KEF
Chapitre élaboré par Yosr Abid Fourat9
9Yosr Abid Fourati est titulaire d'un Ph.D en économie politique de la réforme à la National University of Ireland,
Galway (NUIG). Yosr est actuellement chercheur associée à l'EconomicResearch Forum (ERF) et NUIG. Elle est consultante en économie au sein du bureau d'études TPAD (Technical and Practical Assistance to Development) travaillant essentiellement dans les domaines du développement régional et la gouvernance locale. Yosr est spécialisée dans la préparation, la conduite et l’analyse des enquêtes de préférences(Stated preferences Discrete Choice experiments techniques).
31
Introduction
Lors de la première phase de l'étude, trois délégations ont été identifiées comme étant les plus défavorisées
du gouvernorat du Kef : Nebeur, Sakiet Sidi Youssef et Kalâat Khasba.
Dans cette partie, nous présentons les trois délégations les plus défavorisées du gouvernorat du Kef. Tout
d’abord, une analyse SWOT10(dont la matrice est présentée en annexe) comprenant un diagnostic externe
global de l’environnement entrepreneurial et un diagnostic interne du gouvernorat dans son ensemble ont
été élaborés en identifiant les forces et les faiblesses des secteurs et filières clés. Une analyse SWOT pour
chaque délégation identifiée a ensuite été élaborée et les résultats sont présentés dans la présente section.
Etant donné que le contexte de l’étude vise à impliquer les différents acteurs économiques dans le
développement économique et social de leurs régions et la nécessité de prendre en compte la vraie
perception qu’ont ces acteurs de leurs régions, ainsi que leur implication dans l’impulsion de
l’investissement, il a été convenu que la démarche à suivre pour identifier les opportunités de
développement dans les délégations de Nebeur, Sakiet Sidi Youssef et Kalaât Khasba dans le gouvernorat du
Kef serait une démarche essentiellement participative dans laquelle les acteurs concernés seraient
fortement impliqués. Cette approche participative est essentielle dans l’effort d’analyse SWOT des régions
et la proposition d’idées de projets de développement réalisables et concrets.
Ces principaux groupes d’acteurs sont les institutions de l'administration régionale et locale et les
organisations de la société civile.
Au-delà de la prise en compte des informations fournies par les différents acteurs économiques impliqués
dans les délégations du Kef, la rédaction de ce rapport a impliqué l’investigation de différentes études
régionales, rapports nationaux, articles scientifiques et documents sectoriels stratégiques.
La démarche suivie pour cette phase de diagnostic (phase 2) des trois délégations (dont l’identification avait
été menée lors de la phase 1) est détaillée dans les documents en annexe.
10Comme son nom l’indique, les résultats de l’analyse SWOT permettront de lister les forces (Strengths), faiblesses
(Weaknesses), opportunités (Opportunities) et menaces (Threats) de la région étudiée.
32
Tableau 1 : Méthodologie
Étape Description Activité(s)
1 Entretien individuel avec un représentant de l’ODNO (9 novembre 2012)
• Information des acteurs sur la démarche ;
• Précision de nos attentes ;
• Discussion des spécificités du gouvernorat du Kef.
2 Entretien individuel avec le Directeur du Développement Régional du Kef (6/12/2012)
• Information des acteurs sur la démarche ;
• Précision de nos attentes ;
• Discussion des objectifs de l’étude ;
• Discussion des spécificités de chaque délégation de l'étude ;
• Organisation des réunions et entretiens à venir.
3 Entretien avec la directrice de l'APII du Kef (6/12/2012)
• Présentation de l’étude ;
• Précision des attentes ;
• Discussion de l’environnement entrepreneurial au Kef et dans les délégations de l'étude.
4 Entretien au CRDA avec le Commissaire et d'autres cadres du CRDA (6/12/2012)
• Présentation de l’étude ;
• Précision des attentes ;
• Discussion des caractéristiques agricoles au Kef et dans les délégations de l'étude.
5 Réunion au bureau de l'emploi du Kef avec le directeur et un cadre (6/12/2012)
• Présentation de l’étude ;
• Précision des attentes ;
• Discussion du marché de l'emploi au Kef et dans les délégations de l'étude.
6
Focus group au siège de la délégation de Nebeur avec les représentants de l'administration locale, des représentants de la société civile et de partis politiques
(11 décembre 2012)
• Présentation de l’étude ;
• Précision des attentes ;
• Discussion de l’environnement entrepreneurial à Nebeur ;
• Discussion des principales potentialités et limitations de Nebeur.
7
Focus group à la maison de culture de Sakiet Sidi Youssef avec les représentants de l'administration locale, des représentants de la société civile et de partis politiques et visite de la ville (12 décembre 2012)
• Présentation de l’étude ;
• Précision des attentes ;
• Discussion sur l’environnement entrepreneurial à Sakiet Sidi Youssef ;
• Discussion des principales potentialités et limitations de Sakiet Sidi Youssef.
33
8
Des entretiens individuels dans la délégation de Kalaât Khasba avec le délégué et le secrétaire général de la municipalité et une visite de la ville et des principales structures publiques: direction locale agricole, municipalité et dispensaire (26/12/2012)11
• Présentation de l’étude ;
• Précision des attentes ;
• Discussion de l’environnement entrepreneurial à Kalâat Khasba ;
• Discussion des principales potentialités et limitations de KalâatKhasba ;
Une première série de constatations, commune aux trois délégations de l'étude, a tout d'abord été
élaborée:
- d'après nos divers entretiens, les jeunes représentent la population cible prioritaire dans les trois
délégations, suivis par les femmes originaires de régions rurales et par les femmes artisanes à
Sakiet Sidi Youssef. La femme originaire de région rurale est reconnue par l'ensemble des acteurs
locaux comme étant une cible importante. Aussi bien les représentants de l'administration locale
que de la société civile reconnaissent la capacité des femmes à s’accrocher à leurs projets. En
effet, il apparaît que les femmes sont plus courageuses et combatives et qu’elles ont une
motivation qui va au-delà de la mise en place de leur projet, qui vise à contribuer à l’amélioration
de leur région, à créer un projet à long terme. De fait, la femme rurale est aujourd'hui
responsable d'une partie importante de l'activité agricole dans le gouvernorat du Kef ;
- dans les trois délégations, les quelques promoteurs qui ont des idées de projet se heurtent à deux
principaux problèmes: le financement et l'écoulement de la marchandise;
- les zones rurales sont actuellement en décroissance en raison d'un exode important (voir Figure
1). De manière générale, le taux de croissance de la population est négatif. Par ailleurs, les zones
rurales souffrent de diverses défaillances, notamment un manque d'accès à l'eau potable;
- la migration la plus importante se fait en direction du littoral;
- le chômage est assez important en comparaison aux autres régions du pays (plus de 24 % en 2004
en comparaison à 15 % pour l'ensemble du pays pour la même année);
- le gouvernorat du Kef est caractérisé par l'importance de l'agriculture, essentiellement la culture
des céréales, l'élevage et les forêts. Le Kef dispose également de plus de 4 000 puits. Or
l'agriculture n'est ni diversifiée, ni extensive. Ceci explique en partie que les agriculteurs ne vivent
pas sur leurs fermes mais dans les villes. Dans les trois délégations, il y a la forêt, la bonne terre et
l'eau: des ingrédients qui représentent donc un potentiel agricole important;
11Nous n'avons pas pu organiser de focus group à Kalaât Kashba en raison des contestations sociales qu'a connues la délégation durant les semaines précédant la visite et l'impossibilité pour le délégué d'organiser des réunions dans de bonnes conditions.
34
- les responsables du CRDA Kef mettent l'accent sur le fait qu'il faille encourager les projets intégrés
qui permettent d'assurer la continuité des projets, et ce, à travers un raisonnement par filière. Par
ailleurs, la campagne du gouvernorat du Kef devrait être mise en valeur car il s'agit d'une
potentialité importante;
- le modèle de développement du Nord-Ouest doit être revu avec un accent particulier sur le
développement agricole et agroalimentaire, mais également au travers du développement de
l'industrie et des services;
- la transformation des produits se fait ailleurs qu'au Kef, ce qui représente un manque à gagner
considérable pour la région;
- il est difficile de développer des projets communs dans les zones rurales du Kef car celles-ci sont
très vastes;
- l'agriculture n'est plus un secteur recherché, il s'agit plutôt d'une activité familiale, ce qui explique
le manque d'innovation, et le non recrutement des diplômés de l'enseignement supérieur;
- l'agriculture est caractérisée par un manque de coopératives et trop d'individualisme;
- le tissu économique est très étroit et ne permet pas d'absorber les diplômés de l'enseignement
supérieur. Il faudrait des success stories pour dynamiser l'activité économique dans la région;
- on observe un manque d'infrastructures à tous les niveaux. Par ailleurs, l'infrastructure est
inégalement répartie au niveau du gouvernorat du Kef;
- il est important de développer des projets non individuels si l'on veut lutter contre la migration et
surtout contre la migration des jeunes filles du Nord-Ouest qui préfèrent partir travailler dans les
maisons sur la côte plutôt que de rester dans leurs lieux de naissance;
- globalement, il est important que les subventions soient adaptées à la région et que les
programmes mis en place aient aussi bien un retour économique que social.
Figure 1: Solde migratoire (2004)
Source: INS, 2004.
-7000
-6000
-5000
-4000
-3000
-2000
-1000
0
1000
35
A. La délégation de Nebeur
1. Données générales La délégation de Nebeur témoigne d'indicateurs souvent bien plus défavorables que la moyenne régionale.
A titre d'exemple, les taux d'analphabétisme varient de 22 % à Kef Ouest à plus de 39 % à Nebeur. D'après
les données fournies par l’INS en 2004, le taux de raccordement au réseau d'assainissement varie entre 11
% à Nebeur et plus de 80 % à Kef Ouest. La situation de l'emploi est également assez défavorable comme le
montre la différence entre les demandes et les offres d'emploi (cfr. figure 2).
Figure 2: Offre et demande d'emploi (avril 2012)
Source: INS, 2012.
Tableau 2: Quelques chiffres12
Superficie 72 940 ha
Division administrative 2 municipalités (Nebeur et Touiref)
13 Imadats (dont 11 non communales)
4 conseils ruraux
Frontières administratives Au nord: gouvernorat de Jendouba
Au sud: les délégations du Kef
Est: Gouvernorat de Siliana
Ouest: Sakiet Sidi Youssef
Habitants: 28 328
Distribution de la population 22,34 % (milieu communal)
Moyenne taille de la famille 4,52
Nombre d'habitats 6 766
12 Les données figurant dans le Tableau 1 ont été fournies par la Direction Régionale du Développement Régional du
Kef.
493
36
Demandes d'emplois enregistrées Avril 2012
Offres d'emplois reçus Avril 2012
36
Solde migratoire (1994-2004) -578
Taux de chômage 25 %
Problématiques du développement - augmentation du taux de chômage depuis les 10 dernières années;
- migration continue vers les zones économiquement dynamiques, essentiellement la capitale;
- une agriculture non adaptée aux nouvelles évolutions du secteur et multiplication des propriétés;
- de grandes superficies menacées d'érosion.
2. Analyse des Potentialités et Limitations de la délégation de Nebeur Forces et Faiblesses
Tout d’abord, la délégation de Nebeur se caractérise par un potentiel agricole et environnemental
important. Ces potentialités se traduisent en:
- une abondance d'eau avec une pluviométrie supérieure à 400 mm/an, la présence du barrage
Mellag, etc. ;
- l'existence de deux périmètres irrigués;
- la richesse des ressources agricoles (lait, viande, etc.);
- 28 500 hectares de forêts riches en faune et flore;
- un environnement sain.
Ces caractéristiques environnementales et agricoles font de Nebeur une région attractive aussi bien pour les
agriculteurs que pour les visiteurs recherchant un environnement naturel bénéfique.
Par ailleurs, l'administration locale de l'agriculture a déjà organisé des formations aux femmes originaires de
région rurale et des formations pour la taille des arbres, ce qui signifie donc que cette administration
pourrait répéter l’expérience si l’occasion s’en présentait.
L'environnement entrepreneurial de Nebeur, même si peu diversifié, représente une force pour certaines
activités. Le tissu économique est essentiellement caractérisé par:
- deux huileries;
- l'atelier Kinderfashion: atelier de confection et de fabrication de casquettes;
- une entreprise de confection;
- une unité de transformation de lait;
- plusieurs marchés (souks).
37
D’autre part, Nebeur (comme quasiment toutes les délégations du gouvernorat du Kef) a été délaissée
pendant plus de 50 ans par les gouvernements successifs. Ceci explique les différentes faiblesses et freins
rencontrés actuellement au sein de la délégation. Preuve en étant, les responsables régionaux de
Nebeur dénoncent l'absence des projets PDI (Projets de Développement Intégrés) au sein de leur
délégation. Les responsables régionaux observent également un manque de participation aux prises de
décisions tant sur le plan régional que national. Par ailleurs, les freins administratifs représentent une
limitation importante au développement de la délégation. Nous pouvons en l'occurrence noter que:
- les deux municipalités de Nebeur ne disposent pas de délégation spéciale;
- les deux municipalités de Nebeur ne fonctionnement pas de façon autonome, elles sont
totalement subventionnées par l'Etat;
- la bureaucratie et la lourdeur des démarches administratives découragent souvent la réalisation
de petits projets bénéfiques pour la région;
- un certain nombre d'administrations, telles que CNSS, STEG, SONEDE n'ont pas de représentation.
En plus des lourdeurs administratives, on observe le manque de plusieurs services, notamment la BNA
(Banque Nationale Agricole), et ce, malgré le caractère agricole de Nebeur. D'autres défaillances telles que
l'accès limité à l'électricité posent problèmes essentiellement aux agriculteurs.
Comme nous l'avons mentionné dans les forces de la délégation de Nebeur, le secteur agricole représente
une force majeure de la région. Cependant, ce dernier souffre de plusieurs défaillances rendant son
développement limité. Les principales défaillances reconnues sont :
- l'agriculture qui est réalisée de façon classique;
- l’absence de possibilités de formation des agriculteurs à Nebeur à travers des structures
pérennes;
- l’absence d'une nappe profonde;
- l’absence de coopératives fonctionnelles.
Ces défaillances touchant le secteur agricole confirment l'observation selon laquelle les potentialités de la
délégation ne sont pas valorisées.
38
De plus, en termes d'infrastructure, les habitants de Nebeur observent que la qualité des routes est souvent
mauvaise et sur un plan purement économique, les promoteurs potentiels (jeunes et moins jeunes)
déplorent un tissu économique assez restreint caractérisé par:
- l'absence de zones industrielles,
- le tissu économique actuel ne permet pas d'absorber les jeunes ayant émigré,
- il y a seulement deux idées de projets déposées à l'API pour l'année 2012: une unité de création
et confection de pièces mécaniques et une entreprise de transports de marchandises.
De surcroît, comme nous l'avons noté pour le secteur agricole, il n'existe pas de centres de formation
professionnelle à Nebeur ce qui limite ainsi la possibilité de formations des jeunes de la région.
Enfin, la géographie de Nebeur n'est pas toujours propice au développement de la région pour diverses
raisons:
- cette superficie étant très grande, elle limite ainsi les possibilités d'échanges et de projets
communs;
- la population est très dispersée ;
- Nebeur se trouve entre deux gouvernorats, ce qui lui est défavorable.
Menaces et Opportunités
Les communautés locales font face à diverses menaces limitant les perspectives de réalisation de projets de
développement pour leur région.
La première menace perçue par les habitants-aussi bien par les jeunes que par les femmes et les
agriculteurs-de Nebeur, est le manque de financement à tous les niveaux qui représente une entrave
majeure aux perspectives de réalisation de projets générateurs d'emploi pour les jeunes, de développement
des projets existants ou de réalisation de projets communautaires.
Par ailleurs, Nebeur fait face à des problèmes liés au marché (notamment l'écoulement de tout type de
marchandises) limitant ainsi les possibilités de développement de projets.
Concernant le secteur clé de la délégation de Nebeur, à savoir l'agriculture, la première des menaces
relevées concerne l'utilisation de l'eau, qui est loin d'être optimale:
- les périmètres irrigués ne sont pas utilisés pleinement (évalués à 13 % de leur capacité totale) en
raison de problèmes techniques;
- ces périmètres ont été construits comme projet politique (pour répondre à des réclamations de la
population locale et non comme projet économique);
39
- l'eau n'est libérée que 3 mois sur 12 ce qui a engendré beaucoup de problèmes sociaux entre les
agriculteurs;
- le barrage Mellag connaît un taux de salinité et il témoigne aussi de problèmes
environnementaux en raison des déchets des municipalités et des hôpitaux;
- problèmes de disponibilité d’eau potable à venir.
De surcroît, les agriculteurs font face à divers problèmes:
- les agriculteurs ont contracté beaucoup de crédits;
- les agriculteurs font face à un problème foncier majeur et les économies d'échelle ne sont pas
possibles puisque la superficie moyenne des terres est de 3 hectares (morcellement des terres);
- les agriculteurs bénéficient de peu d'expérience leur permettant d'innover;
- la main d'œuvre agricole de Nebeur migre vers d'autres endroits, notamment Jendouba.
De façon générale, et cela a été mentionné à maintes reprises par les représentants de la société civile, la
migration des jeunes est importante d'abord en raison du manque d'activité économique et ensuite en
raison de l'infrastructure souvent manquante.
Les limitations administratives jouent également un rôle négatif sur l'activité économique, puisqu'à titre
d'exemple, il existe des locaux industriels non utilisés en raison d'absence d'autorisations.
Une autre menace au développement économique et social de Nebeur est liée au manque de coopération
entre les associations, partis politiques et administration. Toutes les parties prenantes témoignent en effet
de relations assez conflictuelles. Ce manque de coopération est essentiellement dû au fait que
l'administration publique est perçue par les associations, et surtout les partis politiques, comme étant le
responsable principal de l'échec de développement de la délégation de Nebeur. De plus, il existe des
problèmes relationnels parmi la population impliquant que toute subvention ou aide accordée à une
population donnée soit contestée par une autre partie de la population. Cela bloque de fait certaines
initiatives qui pourraient bénéficier à un nombre restreint de la population.
D'un point de vue purement social, il a été relevé par des représentants de l'administration locale que la
pauvreté était assez élevée (18 % en 2005). L'exclusion sociale est également de mise, puisque certains
groupes marginalisés, comme par exemple les handicapés, ne sont pas pris en charge.
La scolarité des enfants, et plus particulièrement celle des écoliers, est menacée par l'état des routes (voir
supra). Le problème des routes est de ce point de vue assez sérieux étant donné que dès qu'il pleut les
enfants ne peuvent plus aller à l'école.
Même si le niveau d'instruction est globalement bon, certaines personnes-notamment dans les zones
rurales- rencontrent de nombreuses difficultés à remplir des demandes et dossiers administratifs.
40
D’un autre côté, malgré les différentes menaces citées plus haut, la délégation de Nebeur offre certaines
opportunités qui pourraient être exploitées pour des projets économiques et des projets communautaires.
D'un point de vue économique, et même si le projet est loin de la concrétisation, les discussions font
mention d’un programme de zone industrielle, ainsi que d’ un programme de développement intégré (PDI)
est également prévu pouvant mener à dynamiser l'activité économique de la région.
Un autre secteur pouvant être développé est celui du tourisme, et ce, grâce aux paysages, aux richesses
naturelles et aux caractéristiques environnementales de Nebeur qui peuvent être améliorées et valorisées.
Par exemple, il existe une source d'eau chaude qui pourrait être exploitée et il est également possible de
développer les parcours touristiques grâce aux différentes potentialités naturelles de Nebeur.
Sur le plan de la santé publique, la construction d’un hôpital est prévue et de nombreuses opportunités et
potentialités de développement existent aussi dans le secteur de l’agriculture. Ces opportunités peuvent
être résumées comme suit:
- activités liées à l'agriculture à travers l'intensification des périmètres irrigués;
- activités agricoles innovatrices (élevage des espèces aquatiques surtout au niveau du barrage
Mellag);
- exploitation des produits forestiers ;
- certaines terres domaniales pourraient être mieux exploitées.
En réalité, plusieurs secteurs peuvent être développés dans la délégation de Nebeur: l’agriculture, le
tourisme, la santé et l’agroalimentaire.
Enfin, les associations sont assez récentes et ne bénéficient pas de suffisamment d'expérience pour
collaborer avec l'administration mais elles sont néanmoins nombreuses et pourraient être formées afin de
devenir réellement actives. En effet, de nombreuses associations existent à Nebeur et pourraient devenir
effectives dans la facilitation de mise en place de projets communautaires générateurs d'emploi si elles
avaient plus de moyens financiers et surtout plus de capacités organisationnelles et fonctionnelles.
En termes d'idées de projets communautaires générateurs d'emploi, plusieurs idées ont été proposées:
- développement d'un centre de thalassothérapie: ce projet pourrait rentrer dans le cadre d'un
projet plus global de développement du secteur du tourisme à Nebeur. La délégation est
actuellement connue pour le tourisme de chasse mais elle ne dispose pas de suffisamment de
structures touristiques (seule une auberge pour accueillir les touristes). Nebeur bénéficie
cependant d'innombrables atouts lui permettant d'accueillir des visiteurs, aussi bien nationaux
qu'internationaux. Un centre de thalassothérapie rentre parfaitement dans ce cadre et pourrait
valoriser à la fois les ressources en eau de la région et employer un nombre important de
personnes, notamment des jeunes et des femmes ;
41
- centre de soins pour personnes âgées: les caractéristiques environnementales de Nebeur lui
permettent également de développer des projets dans le secteur du tourisme médical. Le projet
d'un centre de soins pour personnes âgées pourrait absorber un certain nombre de chômeurs
qualifiés et a de fortes chances de réussir, aussi en raison de la rareté de tels projets dans le pays ;
- un centre sportif : ce projet a de fortes chances de réussir en raison du climat de Nebeur, et de
son environnement sain. Ce projet, d'une envergure nationale, pourrait contribuer à améliorer
l'attractivité de la région et d'employer des jeunes chômeurs ;
- centre de formation ambulant pour les agriculteurs: comme indiqué plus haut, Nebeur est une
zone agricole (et forestière) par excellence. L'agriculture demeure cependant peu modernisée et
les capacités d'amélioration de la production sont limitées par le manque de spécialisation des
agriculteurs de la région. Un tel projet, qui pourrait être un projet commun entre l'administration
et les associations locales, contribuerait à améliorer les perspectives de développement du
secteur et notamment le développement de nouvelles activités en relation avec l'exploitation des
forêts. Ce projet pourrait bénéficier de façon prioritaire aux femmes rurales qui pour beaucoup
n'ont pas eu l'occasion d'étudier et de partager leurs expériences;
- un projet de vaches laitières et un centre de collecte de lait géré par les femmes originaires de
régions rurales;
- projet d'exploitation de l'Aloe Vera.
B. La délégation de Sakiet Sidi Youssef
1. Données Générales A l'image de Nebeur, la délégation de Sakiet Sidi Youssef est considérée comme étant défavorisée par
rapport à la plupart des délégations du gouvernorat du Kef. Par exemple, la distance qui sépare la
délégation des différents services est parmi les plus élevées de la région. La part de l'emploi salarié
correspond à 5,89 % à Sakiet Sidi Youssef alors qu'il atteint 36 % à El ksour. Selon les données publiées par
l'Institut National de Statistique en 2010, les taux de réussite au baccalauréat sont également faibles par
rapport à la moyenne régionale (0,48 % et 0,60 % respectivement).
42
Tableau 3: Quelques Chiffres13
Superficie 70 000 ha
Division administrative 1 municipalité 8 Imadat (dont 6 frontalières) 2 conseils ruraux
Frontières administratives Au nord: gouvernorat de Jendouba Au sud: les délégations du Kef Est: les délégations du Kef Ouest: Algérie
Habitants 20 527
Distribution de la population 30 % milieu communal
Moyenne taille de la famille 4,19
Nombre d'habitats 5 144
Solde migratoire (1994-2004)
Taux de chômage 22,1%
Problématiques du développement
- augmentation du taux de chômage en comparaison à la moyenne régionale même s'il est en baisse par rapport aux années 1994 et 2004; - migration continue vers la ville du Kef et les zones économiquement dynamiques; - développement continue du commerce parallèle essentiellement avec l'Algérie.
3. Analyse des potentialités et limitations de la délégation de Sakiet sidi
youssef14
Forces et Faiblesses
La délégation de Sakiet Sidi Youssef témoigne de deux forces majeures. D'abord les potentialités agricoles et
ensuite la frontière avec l'Algérie.
Concernant les forces émanant du secteur agricole, celles-ci sont essentiellement dues à la grande
superficie de forêts existantes. La zone est en effet essentiellement forestière (Tahrouna) avec l'existence de
l'élevage de montagne. La délégation abrite également des projets PDI, y compris les PDRI (Programmes de
Développement Rural Intégrés) de 3ème génération.
La deuxième principale force de la zone est la frontière avec l'Algérie. De fait, il y a des milliers d'Algériens
qui passent par Sakiet Sidi Youssef durant l'année, essentiellement durant le mois de décembre.
13 Les données figurant dans le Tableau 2 ont été fournies par la Direction Régionale du Développement Régional du
Kef. 14La réunion a été une occasion privilégiée pour le délégué de Sakiet Sidi Youssef pour faire la connaissance des
organisations de la société civile de sa localisation.
43
Les membres de la société civile présents au focus group ont mentionné qu'il y a un minimum
d'infrastructure et de bonnes routes pour développer certaines activités dans la région.
Enfin, un autre élément pouvant encourager le développement du tourisme est la présence d'un site
archéologique –le site de Gargour- dans la délégation.
Mais l'une des principales forces de Sakiet Sidi Youssef représente également sa principale faiblesse. En
effet, de par sa proximité avec l'Algérie, le secteur informel est très développé et la contrebande constitue
un revenu important pour des dizaines de personnes des deux côtés de la frontière.
Les freins administratifs sont également de mise, puisque la municipalité de Sakiet Sidi Youssef ne dispose
pas de délégation spéciale et le siège de la délégation n'est pas encore fonctionnel.
Comme pour plusieurs communes dans le gouvernorat du Kef, l'activité économique est réduite:
- la SOCOPA (Société de Commercialisation des Produits de l'Artisanat) -qui offrait des formations à
l'artisanat aux femmes- a fermé. Cette usine faisait travailler 400 femmes;
- la société maghrébine de fabrication de moteurs thermiques SACMO a également fermé en 2011
pour être transférée en Algérie;
- il y avait un centre de distillation qui a fermé pour des raisons qui sont inconnues des participants
à la réunion;
- seuls trois projets ont été déposés à l'APII pour l'année 2012 : deux projets de transport de
marchandises et une entreprise de bâtiments.
Les responsables régionaux ont mis l'accent sur le fait que la plupart des projets étaient d'ordre politique
qui avaient été annoncés le 8 février (fête de commémoration) et qui ne se sont généralement pas
concrétisé.
Les associations spécialisées dans la culture et le sport ont mentionné l'absence d'espaces sportifs, surtout
un espace couvert nécessaire étant donné le climat pluvieux de la région. De façon générale, les possibilités
de loisirs sont assez limitées. Ceci est une faiblesse d'abord pour les habitants de la délégation, mais
également pour les possibilités de tourisme. En effet, l'absence de structures de loisir, de restaurants,
d'artisanat n'encourage pas les visiteurs -surtout les Algériens- à s'arrêter, ce qui représente un considérable
manque à gagner pour la zone.
Sur le plan de l’éducation, il n'existe pas de formations adaptées aux métiers de la forêt et l'exploitation des
différentes variétés existantes, alors même que ces formations sont nécessaires pour exploiter les richesses
de la délégation. De manière générale, les responsables locaux observent un manque de qualifications dans
différents corps de métier.
Enfin, la population perçoit une absence de la volonté de l'Etat de développer la région.
44
Menaces et Opportunités Les mauvaises expériences du passé représentent une menace importante quant aux possibilités
d'entreprendre dans la région et notamment suite à la fermeture de deux principales entreprises de la zone
(voir plus haut).
De manière générale les possibilités de création de projets générateurs d'emplois sont menacées par divers
éléments:
- manque de promoteurs;
- manque de financements;
- problèmes liés au marché.
De plus, le savoir-faire dans certains secteurs, notamment l'artisanat, risque de disparaitre (tapis,
menuiserie, peinture).
Les sentiments d'insécurité et d'instabilité représentent également un frein - aussi bien pour les jeunes de la
région que pour les investisseurs nationaux et internationaux- à investir dans la délégation. S'ajoute à cela
le sentiment d'isolement ressenti par les habitants de Sakiet Sidi Youssef.
Comme indiqué plus haut, la contrebande représente une menace pour le développement de métiers
formels. En effet, cette source d'argent illégale et facile permet de contourner toutes les démarches
administratives et les besoins en financements nécessaires pour le développement d'un projet pérenne.
Les jeunes (enfants et adolescents) n'ont accès à aucune activité extra-scolaire, ce problème est d'autant
plus important qu'il y a deux internats à Sakiet Sidi Youssef et que les jeunes sont souvent livrés à eux-
mêmes durant les périodes de repos.
Sur le plan environnemental, une grande partie de la forêt a été brulée après la révolution et on observe
divers dépassements de la population qui coupent les arbres sans autorisation.
Le secteur de la santé est également menacé par le manque de moyens. Aujourd'hui, Sakiet Sidi Youssef ne
dispose que d'une seule ambulance qui a été empruntée à Dahmani. Si cette ambulance est reprise, la
délégation n'aura plus aucun moyen pour emmener les malades au Kef.
Enfin, les risques de soulèvements sociaux sont importants puisque les habitants et les organisations de la
société civile ont observé que l'Etat n'a jusque-là pas tenu ses promesses jusqu'aux dernières annoncées
lors de la commémoration du 8 février 2012. Ce manque de confiance envers les autorités publiques
nationales est de mise comme l'ont confirmé les évènements survenus récemment à El Kef et plus
particulièrement à Sakiet Sidi Youssef (quelques temps après notre visite des lieux).
Malgré les faiblesses et menaces citées plus haut, Sakiet Sidi Youssef offre plusieurs opportunités et
potentialités de développement. Tout d'abord, une zone franche est prévue dans le budget complémentaire
45
2012. De plus, étant donnée l’expérience des femmes dans le domaine de l'artisanat (en témoigne un show-
room à la maison de la culture) pouvant être exploité pour de futurs projets.
Aussi, il y a un fort potentiel agricole qui peut également être exploité:
- la forêt offre diverses richesses: possibilités d'exploiter le bois de la forêt de façon organisée et
règlementaire et possibilité d'exploiter les graines du pin d'Alep;
- il est possible de développer des projets de transformation agroalimentaire sur place;
- possibilités de spécialisation agricole, par exemple dans la culture de l'olivier.
La localisation géographique de la délégation (située à plus de 800 m d’altitude) et la pureté de l'air
permettent le développement des activités sportives pour les équipes nationales notamment.
De nombreuses associations sportives et culturelles existent mais elles ne disposent pas de financements
suffisants pour lancer des activités. Il est possible de développer des activités dans la maison de la culture,
même si celle-ci n'est pas équipée pour offrir certaines activités comme la danse par exemple.
La population est assez proche géographiquement, ce qui facilite le développement de la délégation et la
mise en place potentielle de projets communautaires. Dans le même sens, la population, les organisations
de la société civile et l'administration montrent une forte volonté de coopération qui se traduit par:
- une forte volonté de coopération parmi la population locale;
- la délégation montre une forte volonté de travailler avec la société civile;
- tous les participants sont d'accord pour éviter les problèmes et les conflits politiques.
Cette coopération est d'autant facilitée qu'il existe beaucoup d'associations à Sakiet Sidi Youssef qui
peuvent être appuyées dans la mise en place de diverses activités.
En termes d'espaces industriels, il existe des locaux industriels pouvant être exploités pour des projets
futurs ; par exemple, les locaux de la SOCOPA existent toujours et pourraient être réutilisés pour une autre
activité. Les locaux de la SACMO ne sont pas non plus exploités. De plus, plusieurs projets ont la possibilité
d'être réhabilités.
Sakiet Sidi Youssef offre ainsi plusieurs secteurs à forte potentialité de développement, notamment:
- la possibilité de mettre en valeur des sites archéologiques;
- la possibilité d'harmoniser l'architecture de la région pour construire des maisons adaptées au
climat et au style de la zone;
- le développement de plusieurs secteurs: exploitation de la forêt, tourisme sportif et de santé,
tourisme de chasse; agriculture;
46
- la possibilité d'exploiter le marché algérien par exemple à travers la zone franche. Sakiet Sidi
Youssef pourrait avoir le statut de ville franche;
- la possibilité de développer l'industrie lourde car la population a une certaine expérience dans le
secteur;
- la possible d'intégrer Sakiet Sidi Youssef dans le circuit touristique proposé.
Enfin, quelques idées communautaires ont été citées par les différents participants au focus group:
- un appui à l'association de l'artisanat des femmes, surtout pour la fabrication de tapis: toutes les
parties prenantes au focus group de Sakiet Sidi Youssef semblent fortement tenir à ce projet, à
juste titre. L'expertise existe dans la délégation (il suffit de visiter l'artisanat installé à la maison de
la culture) mais risque de disparaitre si les femmes artisanes n'arrivent plus à écouler leurs
marchandises et n'ont plus accès aux financements nécessaires pour fabriquer leurs produits. Les
femmes rencontrées sont fortement motivées pour développer l'artisanat de leur région, et elles
sont nombreuses. Un tel projet devra cependant s'inscrire dans un plan marketing de Sakiet Sidi
Youssef;
- un appui à une association sportive dans la réhabilitation d'un terrain et fourniture du transport
pour permettre aux habitants de poursuivre des activités sportives: comme indiqué auparavant, il
y a beaucoup de jeunes à Sakiet Sidi Youssef, mais très peu de loisirs. Un tel projet pourrait
faciliter l'accès au sport des jeunes de la région et limiter ainsi les problèmes rencontrés par
certains lycéens de la commune. Ce projet pourrait également rentrer dans le cadre du
renforcement des capacités des associations locales et créer des emplois pour les chômeurs
(jeunes et moins jeunes) de la région ;
- le lycée de Sakiet dispose d'un grand espace qui pourrait être utilisé notamment pour donner des
formations techniques ciblées;
- des formations en langues pour développer le secteur du tourisme: étant données ses
potentialités naturelles, sa frontière avec l'Algérie, son climat et ses ressources historiques, la
délégation de Sajiet Sidi Youssef pourrait représenter une halte parfaite pour les touristes
(Tunisiens, Algériens et autres étrangers). Il manque, cependant, des formations adaptées
notamment pour les guides touristiques (problème pour tout le gouvernorat du Kef). Ce projet de
formation n'est certes pas générateur de beaucoup d'emplois mais il pourrait contribuer à
améliorer l'attractivité de la région.
47
D. La délégation de Kalaât Kashba
1. Données Générales La délégation de Kalaât Khasba est connue pour être une ancienne ville minière. Il existait une mine de
phosphate qui a été fermée en 1993 car le phosphate est épuisé. La première impression que nous avons en
arrivant à Kalaât Kashba est celle d'une ville oubliée et délaissée. L'évolution de la situation économique et
sociale dans la délégation de Kalaât Kashba est typiquement celle d'une zone minière au sein de laquelle
l'activité était concentrée sur la mine et qui ne s’est pas renouvelée économiquement depuis la fermeture
de la mine. Cette caractéristique a résulté en une délégation beaucoup moins bien lotie que les autres
délégations du gouvernorat du Kef. A titre d'exemple, les taux de réussite au baccalauréat varient entre
moins de 40 % à Kalaât Kashba et près de 80 % à Dahmani. Le taux de raccordement au réseau de gaz
naturel est très faible à Kalaât Kashba (10 %). Il est à près de 80 % à Kef Est et Kalâat Snan. Enfin, le nombre
de familles nécessiteuses pour 1 000 habitants varie de 18 à Kef Ouest à plus de 71 à Kalaât Kashba.
Tableau 4: Quelques Chiffres15
Superficie 21 760 ha
Division administrative 1 municipalité
4 Imadat (dont 3 non communales)
1 conseil rural
Frontières administratives Au nord: les délégations du Kef
Au sud: Gouvernorat de Kasserine
Est: KallaatSnan
Ouest: Jrissa et Kasserine
Habitants: 7 353
Distribution de la population 39% milieu communal
Moyenne taille de la famille 4.18
Nombre d'habitats 1 905
Solde migratoire (1994-2004) -1 577
Taux de chômage 35.3%
Problématiques du développement - augmentation du taux de chômage en comparaison à la moyenne régionale;
- migration continue vers la ville du Kef et les zones économiquement dynamiques, essentiellement la capitale;
- faiblesse de l'entrepreneuriat.
15 Les données figurant dans le tableau 3 ont été fournies par la Direction Régionale du Développement Régional du
Kef.
48
2. Analyse des potentialités et limitations de la délégation Kalaât Kashba
Forces et faiblesses Comme pour les autres délégations visitées au Kef, la délégation de Kalaât Kashba offre diverses
potentialités agricoles, mais qui sont néanmoins inférieures aux potentialités de Nebeur par exemple.
Cependant, le secteur agricole à Kalaât Kashba est caractérisé par:
- l’existence de périmètres irrigués sur forage;
- une quantité d'eau intéressante et abondance de l’eau superficielle;
- des Cultures maraichères;
- des raisins de tables en développement.
De surcroît, il existe dans la délégation des projets PDI y compris les PDRI 3ème génération.
Kalaât Kashba est encore une zone vierge où différentes idées de projet peuvent être mises en place.
Comme souligné plus haut, la délégation était connue comme étant une zone minière où l'activité
économique était essentiellement concentrée sur l'exploitation de la mine. Aujourd'hui, le champ est libre
pour développer diverses idées de projets, en l'occurrence dans le secteur agricole.
Malheureusement, les faiblesses dont témoigne Kalaât Kashba sont de loin plus nombreuses que les
avantages qu'elle offre. Kalaât Kashba a en effet toutes les caractéristiques d'une ancienne zone minière qui
ne fonctionne plus.
De fait, la délégation fait aujourd'hui face à un grand problème de migration. Les responsables régionaux
diraient que la délégation s'est vidée de sa population. De surcroît, les déchets miniers laissés par l'activité
minière représentent un obstacle important au développement selon les autorités locales.
En plus des faiblesses liées au fait que Kalaât Kashba est une ancienne zone minière, la région témoigne
d'importants freins administratifs:
- comme dans les deux autres délégations de l'étude, la municipalité de Kalaât Kashba ne dispose
pas de délégation spéciale et se trouve dans un local vétuste datant de la colonisation française;
- il y a très peu d'organismes publics présents dans la délégation.
En ce qui concerne le dynamisme de la société civile, il existe peu d'associations dans la délégation. Les
seules connues, mais pour la plupart inactives, sont l'association des retraités, l'association des amoureux
des enfants, l'association de développement de Kalaât Kashba, l'association de pétanque,les Groupements
de Développement Agricole GDA. Il a été noté par les habitants de la ville qu’il y a une absence totale
d'actions de sensibilisation et de travail associatif.
49
Le secteur agricole témoigne également d'un certain nombre de faiblesses limitant son potentiel de
développement:
- l'agriculture n'est pas exploitée de façon efficiente;
- l'agriculture est dominée par la mono culture des céréales;
- les agriculteurs font face à des problèmes fonciers importants;
- les agriculteurs font face à des difficultés pour l'obtention de crédits;
- il y a de l'eau mais les équipements sont défaillants, notamment les équipements de sondages.
L'environnement entrepreneurial est également très peu favorable à la promotion de l'initiative privée. En
effet, les responsables régionaux et locaux ont mis l'accent sur deux principales observations:
- le tissu économique et industriel est très limité (il existe en tout 3 petites usines, chacune d’elle
employant un maximum de 20 personnes);
- aucune déclaration de projets pour l'année 2012 déposée à l'Agence de Promotion de l'Industrie
et de l'Innovation (APII).
De surcroît, Kalaât Kashba dispose de très peu de services: ni banques, ni recette des finances, etc.
De manière générale, la délégation manque de dynamisme de tous les points de vue:
- pas de potentiel touristique;
- absence d'artisanat propre à la région;
- la localisation de Kalaât Kashba lui est défavorable: les gens s'arrêtent à Tajerouine où l'on trouve
ce dont on a besoin;
- absence totale de loisirs et de possibilités de divertissement;
- absence de l’Etat.
Enfin, ce qui est frappant lorsqu'on visite Kalaât Kashba est qu'il s'agit d'une zone qui a été construite il y a
plus de 50 ans et qui n'a pas évolué depuis. Pour preuve, toutes les principales constructions -même la
mosquée- existant datent de la période coloniale depuis laquelle rien n'a été fait pour aménager la ville. Par
exemple, le siège de la municipalité date de 1907 et n'a pas été rénové depuis, avec tout ce que cela
comporte comme problèmes de fuite d'eau, de froid durant l'hiver, etc.
50
Menaces et opportunités Les menaces entravant les possibilités de développement communautaire de la délégation de Kalaât Kashba
sont nombreuses.
Tout d'abord, les jeunes promoteurs originaires de la région manquent d'esprit d'initiative et n'ont pas
suffisamment de moyens pour se lancer dans des projets personnels. Ce manque d'initiative personnelle
(des jeunes et moins jeunes) est également dû au manque de financements à tous les niveaux
(autofinancement et financement public).
Les investisseurs potentiels et les entrepreneurs déjà installés (y compris les agriculteurs) font face à
d’importants problèmes liés à l'écoulement de la marchandise de toute sorte, essentiellement la
marchandise agricole. Certains projets ont été lancés dans le domaine de l'agroalimentaire, cependant, les
entrepreneurs ont fait face à des problèmes d'écoulement de marchandise et leurs projets n'ont pas pu
aboutir.
Le manque de confiance dans l'avenir de la région a également un impact négatif sur les initiatives
personnelles et communautaires, et ce, en raison du sentiment d'insécurité et d'instabilité partagé par un
grand nombre d'habitants. Par ailleurs, nous notons que le climat social est défavorable à la coopération:
- la relation entre l'administration et les organisations de la société civile, les partis politiques et la
population est très mauvaise. Comme à Nebeur, l'administration est tenue pour responsable de la
situation économique et sociale de la région. Elle ne bénéficie par conséquent d'aucune confiance
de la part d'une tranche importante de la population ;
- il est quasi impossible d'organiser des réunions, celles-ci sont constamment perturbées par les
revendications de la population. A cet effet, le délégué de Kalaât Kashba évite d'organiser des
réunions avec un grand nombre de personne car il sait, par expérience, que des gens viendront
perturber la réunion et exiger d'être présents, et ce, quel que soit le thème abordé;
- il existe beaucoup de problèmes avec les travailleurs de chantier;
- à titre d'exemple, le délégué passe son temps à gérer les problèmes des citoyens.
En réalité, les principales menaces touchant à Kalaât Kashba trouvent leur origine dans son histoire. Comme
nous l'avons mentionné à plusieurs reprises, l'exploitation du phosphate représentait la principale activité
de la délégation jusqu'en 1993 et par la même occasion sa principale source de revenu et surtout d'emploi.
51
Or, depuis la fermeture de la mine, nous observons que:
- la délégation s'est beaucoup vidée de sa population. La mine employait en effet plus de 3 000
personnes qui se sont retrouvé sans emploi après la fermeture de la mine;
- après la fermeture de la mine, une quantité importante de phosphate est restée sous forme
d'amas dans la ville ne pouvant être déplacée pour des problèmes de stockage;
- l'activité économique n'a pas été renouvelée depuis la fermeture de la mine de phosphate.
En plus d'une activité économique réduite, l'infrastructure représente également une menace importante,
notamment en raison d'un transport inefficace. Ainsi, les populations rurales font face à de grands
problèmes de transport, surtout pour les écoliers et les lycéens. Ces derniers rencontrent beaucoup de
difficultés pour aller à l'école puisqu'il y a un seul bus qui transporte tous les enfants de la délégation (15 à
20 km à la ronde).
Ces mêmes jeunes ont un accès très limité aux loisirs, par exemple, la durée du festival Mohamed Ben Khlifa
a été réduite à un maximum de 3 jours en raison du manque de moyens. Dans le passé, la municipalité et
les usines finançaient en partie ce festival, aujourd'hui, il y a très peu d'usines et la municipalité a même du
mal à rémunérer ses employés (en raison du non-paiement des taxes locales). Ce festival risque de
disparaitre peu à peu mettant ainsi en péril la seule activité culturelle dont jouit la commune.
De plus, les structures éducatives existantes sont en mauvais état, ne disposent pas de suffisamment
d'équipements et font face au problème de fuite d'eau.
Sur le plan de la santé, les responsables du dispensaire ont noté une qualité médiocre des services de santé:
- la seule structure de santé existante est un dispensaire qui manque de tout: une seule ambulance
basique (type A), seulement deux généralistes, pas de médecins spécialistes, pas de maternité,
etc. ;
- le Ministère de la Santé s'est depuis longtemps déchargé d'améliorer les conditions du
dispensaire et les promesses qui ont été exprimées en 2011 et 2012 n'ont pas été tenues;
- aucune formation disponible pour le personnel soignant;
- absence de station d'assainissement menant aux risques de pollution et de maladies etc.
Enfin, le médecin généraliste a indiqué que le nombre d'handicapés mentaux était assez important à Kalaât
Kashba, pour la plupart des adultes jeunes, sans aucun moyen de les prendre en charge.
Kalaât Kashba offre tout de même certaines opportunités de développement, quoi que limitées par le
manque de moyens et de dynamisme dont témoigne la région.
52
Parmi les potentialités génératrices d'emploi et ayant un intérêt pour la communauté locale, nous pouvons
citer les suivantes:
- un projet de valorisation de ressources minières en cours de financement auprès de la BFPME et qui
pourrait à terme employer 36 personnes;
- une maison de la culture non fonctionnelle qu'il est possible d'exploiter;
- la pétanque est un sport très apprécié dans la délégation de Kalaât Kashba. Il s'agit carrément d'une
passion locale. Il existe à ce sujet une association de pétanque qui fait face à de gros problèmes de
financement et ne peut donc pas promouvoir l'activité ou encourager les joueurs à participer aux
concours nationaux à Ksar Said;
- certains projets agricoles pourraient être développés et promus, comme par exemple la plantation
de vignes de table et l'élevage;
- l'eau se trouvant dans les anciennes mines de phosphate pourrait être exploitée pour l'irrigation.
En dehors du projet cité plus haut, les responsables locaux et régionaux ont noté la possibilité de valoriser
des déchets miniers à travers l'exploitation des galeries de la mine (par exemple pour l'élevage d'escargots)
et la possibilité de développer les énergies renouvelables. Tout projet de valorisation des déchets miniers
ou d'exploitation des anciennes mines devra bien entendu faire l'objet d'une expertise préliminaire qui
définira les possibilités d'exploitation.
Sur le plan agricole, il est possible d'envisager la plantation de nouvelles variétés en arboriculture (vignes de
table).
Il est également possible d'améliorer le fonctionnement de la santé en formant le personnel soignant du
dispensaire.
Etant donnée la faiblesse du tissu associatif et le climat social assez tendu, il est possible de concevoir un
travail de médiation entre la population et l'administration publique (surtout la délégation et la
municipalité) et ce, afin d'expliquer le rôle de chaque partie prenante et de faciliter une coopération
constructive pour la zone de l'étude.
Au vu de ces potentialités, certaines idées de projets, dont deux à caractère social, et générateurs d'emploi
ont été citées:
- l’aménagement d'un petit terrain pour la pétanque en collaboration avec l'association de la
pétanque de Kalaât Kashba: quoi que la capacité de création d'emplois de ce projet est assez
limitée, il s'agit d'un projet très intéressant d'un point de vue communautaire et social car il
pourrait permettre d'atteindre trois objectifs: (i) l'accompagnement d'une association à la
concrétisation d'une idée de projet, chose très rare dans la délégation de Kalaât Kashba,
(ii) la fourniture de possibilités de loisir à la population locale qui ne bénéficie actuellement
53
d'aucun accès aux loisirs, (iii) l'apaisement de l'ambiance locale à travers l'accès à un sport fort
apprécié dans la région, et (iv) la mobilisation des jeunes autour d'un projet commun;
- la mise en place d'une unité frigorifique pour la conservation des produits agricoles: ce projet,
quoique coûteux, pourrait contribuer à résoudre les problèmes d'écoulement de la marchandise
auxquels fait face la zone agricole de Kalaât Kashba. Des agriculteurs sont installés dans cette
zone mais ils rencontrent d'énormes difficultés à accéder aux financements et surtout au marché
national. Ce projet devrait cependant être conçu dans le cadre plus global d'un projet agricole
intégré;
- des petits projets de culture de champignons dans les anciennes mines de phosphate: comme
indiqué plus haut, il existe plusieurs possibilités d'exploiter les anciennes mines de phosphate.
Bien qu'aucune étude n'ait été faite à ce sujet, ce projet, s'il est faisable, pourrait employer des
agriculteurs de la région et intégrer par la même occasion la composante environnementale;
- une société de transport d'écoliers et de lycéens: ce projet, d'une grande importance pour la
délégation, serait d'une grande utilité pour les jeunes écoliers et les lycéens car ils souffrent
aujourd'hui de conditions de transports assez défavorables. Au-delà d'un intérêt économique
limité, ce projet a une portée sociale considérable et pourrait contribuer à améliorer le bien-être
des jeunes de la région et de leurs parents.
Conclusion Ce rapport de la deuxième phase a permis de dresser une analyse des avantages comparatifs et des
limitations des trois délégations identifiées comme étant les plus défavorisées du gouvernorat du Kef:
Nebeur, Sakiet Sidi Youssef et Kalaât Kashba.
La région du Kef est encore à ce jour considérée comme l’une des régions les plus pauvres du pays alors
qu’elle bénéficie d’incontestables atouts qui sont peu, pour ne pas dire pas, exploités. L’objectif actuel est
qu’à terme, la région se développe de sorte qu’il n’y ait plus d’hémorragie de la main d’œuvre vers les
grandes villes côtières beaucoup plus dynamiques.
Plusieurs secteurs, y compris l'agriculture, l'agroalimentaire et le tourisme, semblent être très propices au
développement de la région et plus particulièrement à celui des trois délégations étudiées. Il reste que,
pour ce faire, les investissements doivent être pertinemment mobilisés. Par exemple, pour le secteur du
tourisme, il faudrait développer, plutôt que de construire d’immenses hôtels comme il a été fait sur la côte,
des maisons d’hôtes, des gîtes qui respecteraient le style architectural de la région. De plus, le tourisme
peut être accompagné de diverses activités accessibles dans la région, telles que la randonnée, le
thermalisme, les excursions culturelles et historiques.
54
Les délégations de l'étude offrent plusieurs avantages et potentialités aussi bien pour les investisseurs
privés que pour les jeunes originaires de la région, et ce, à moindre degré pour Kalaât Kashba, mais
essentiellement pour Nebeur et Sakiet Sidi Youssef.
De manière générale, le principal avantage du Kef se trouve dans son environnement climatique et naturel.
Le climat de la région et son air pur sont en effet réputés pour leurs bienfaits sur la santé et l’existence de
sources d’eau représentent des forces majeures quant à la qualité de vie et les potentialités
d’entrepreneuriat. De par sa position géographique, la région du Kef représente également des
opportunités intéressantes grâce à la proximité du marché algérien (pour Sakiet Sidi Youssef en particulier).
Le Kef est une zone agricole par excellence, essentiellement grâce à son taux élevé de pluviométrie et à ses
nombreuses terres agricoles, ceci est vrai pour les trois délégations étudiées dans ce rapport. Les forêts
représentent également une superficie importante de la région et fournissent diverses productions
forestières prêtes à être cueillies et exploitées. Généralement, l’agriculture est un secteur porteur (dans les
trois délégations) et l’agriculture biologique et les industries agroalimentaires pourraient avoir un énorme
potentiel dans cette zone, tout comme les ressources naturelles non exploitées. Ces éléments de
l’environnement naturel de la région jouent en faveur du développement du tourisme, en plus de la
présence de sites historiques et archéologiques dans la région.
Suite aux conclusions de cette étude et aux enseignements du travail de terrain dans les délégations
étudiées, il est recommandé d’orienter les nouveaux travaux vers l’élaboration d’idées pour des petits
projets qui soient adaptés aux potentialités des délégations étudiées (voir analyses SWOT ci-dessus). Des
formations adaptées, même ponctuelles, pourraient être envisagées pour accompagner la mise en place
d'idées de projets génératrices d'emploi et utiles à la communauté dans son ensemble.
Par ailleurs, les nouveaux acteurs du développement qui sont les organisations de la société civile et plus
particulièrement les associations, peuvent jouer un rôle important dans la dynamisation de la délégation de
l'étude. Ces dernières souffrent d'un manque considérable en termes de loisir, culture et sport. Un appui
destiné à certaines associations pourrait contribuer à l’amélioration de la vie quotidienne des habitants,
surtout des plus jeunes.
55
III : DIAGNOSTIC DES DELEGATIONS LES PLUS DEFAVORISEES
DU GOUVERNORAT DE SILIANA
Chapitre élaboré par Rim Ben Ismail16
16 Rim Ben Ismail est docteur en Finance de l’Université de Lyon 1. Elle est Maitre assistante à l’Institut Supérieur de Gestion de Tunis. Rim est également psychologue, de ce fait elle travaille beaucoup sur le terrain et comme consultante dans le domaine du développement régional. Ses travaux de recherche portent essentiellement sur l’étude des comportements des investisseurs.
56
Introduction L'objectif de cette étude est d'évaluer les potentialités de chaque délégation, les secteurs à forte valeur
ajoutée, les obstacles à la création d'entreprise, l'efficacité des structures existantes et ce par le biais d’une
approche participative.
Dans un premier temps, nous avons procédé à une étude qualitative réalisée sur base d’entretiens semi-
directifs avec les représentants de l'administration publique régionale (Ministère du développement
régional, CRDA, APIA, Bureau National de l’Emploi, Centre d’affaires, etc.) mais également avec des
responsables locaux (maires, délégués syndicaux, responsables des associations de la société civile,
population locale). Ces entretiens nous ont permis de déterminer les besoins et les orientations de la
population et d’identifier les problématiques spécifiques à chaque délégation. Ils nous ont également
permis de prendre connaissance des études menées antérieurement sur la région et en particulier sur les
trois délégations qui nous intéressent.
Dans un second temps, nous avons procédé à des entretiens via des focus group. Cette approche qui repose
sur une démarche participative impliquant une partie de la population locale a rencontré une forte
adhésion au sein de la population concernée. Les personnes ayant participé aux focus group étaient fières
de se voir consultées sur les problématiques de développement de leur région. De ce fait, la population
locale a partagé les difficultés qu’elle rencontre et les opportunités dans lesquelles elle se projette.
Toutefois, certaines personnes regrettent d’avoir été consultées à maintes reprises par différents
organismes qui leur ont laissé miroiter des projets restés sans suite. La concrétisation de leurs idées en
actions et en projets pourvoyeurs de développement dans la région leur paraît essentielle. La population a
exprimé des attentes importantes.
Cette approche participative a facilité le dialogue et la communication entre les habitants de la
communauté et a permis d’envisager ensemble des stratégies communes de développement. Des idées de
projets communautaires ont souvent émergé spontanément de ces discussions.
Ainsi, à partir des études antérieures et des propos recueillis lors des entretiens et des focus group, nous
mettrons en évidence dans ce rapport les forces et faiblesses de chaque délégation, ainsi que les
opportunités et les menaces pour les différentes catégories socio-économiques.
Situations partagées par les trois délégations Il nous a paru important de mettre en exergue dans cette première partie les problématiques communes
aux trois délégations.
D'après nos divers entretiens, les jeunes représentent la population cible prioritaire dans les trois
délégations, suivis par les femmes originaires de régions rurales. Malgré une présence à majorité masculine
57
dans les divers focus group, ils sont tous en faveur du développement de projets pour la femme originaire
de région rurale et ils voient dans cette population comme un facteur de développement important.
Le taux d’analphabétisme régional est de 33 % et tandis que le taux national est de 25 %, deux délégations,
Kesra et Er-Rouhia, ont des taux d’analphabétisme supérieurs à 40 %. Nous verrons que ce taux
d’analphabétisme, ainsi que le faible niveau d’éducation dans ces régions, constituent un frein important au
développement. En effet, ce faible niveau d’éducation explique en partie l’absence de projets innovants
dans ces délégations.
1. L’agriculture et les ressources naturelles Dans ces trois délégations, comme dans l’ensemble du Gouvernorat de Siliana, il s’agit de régions à vocation
agricole où les zones irriguées sont assez importantes. Ces terres sont propices aux plantations arboricoles,
aux cultures maraîchères, aux grandes cultures et à la culture des plantes médicinales, aromatiques,
ornementales et la floriculture. L’ODNO regrette une insuffisance de l’occupation de l’arboriculture.
L’agriculture demeure assez classique, peu de formations étant proposées aux agriculteurs afin de palier à
cette insuffisance. Le manque d'innovation explique le fait que ces activités agricoles ne contribuent pas au
recrutement des diplômés de l'enseignement supérieur.
Les massifs montagneux et forestiers sont riches en faune et flore variées, et notamment en plantes
aromatiques et médicinales.
Le responsable de l’APIA pense qu’il faut encourager dans ces délégations :
- l’élevage intensif et extensif (tel que le transport et la collecte de lait) ;
- les projets de services tel que le machinisme agricole, les projets vétérinaires, les magasins de
stockage, chambres frigorifiques, installation d’unités plus importantes pour la collecte, le
stockage-conditionnement ;
- les projets agricoles intégrés : actuellement la transformation des produits se fait dans d’autres
villes situées assez loin de Siliana (Tunis, Bizerte…). Ceci constitue un manque à gagner important
en termes de revenus et d’emploi dans la région ;
- la diversification de la production agricole et le développement de la culture biologique ;
- la formation et l’encadrement.
La richesse naturelle qui caractérise également ces délégations réside aussi dans les sites de réserves en
substances minérales utiles (roche marbrière, roche argileuse,...). Les transformations qui ont été citées
lors de focus group concernaient uniquement l’éventuelle ouverture d’une usine de fabrication de verres.
Mais l’important coût de financement de ces projets ne les faits pas rentrer dans le cadre de cette étude.
58
2. Le tissu industriel Ces trois délégations sont caractérisées par la faiblesse de l’investissement privé, très peu d’entreprises
étant implantées dans ces délégations. La majorité des projets développés sont des petits métiers qui
emploient peu de personnes, produisent en petites quantités et rencontrent des problèmes dans la
commercialisation de leurs produits.
Nous relevons l’inexistence de grandes unités industrielles mais la population locale considère que cela
s’explique aussi par l’absence de volonté des institutions publiques encourageant les investissements dans
ces délégations. Cependant, il semble que la région ait bénéficié d’avantages fiscaux et financiers donnés
par l’Etat et visant à encourager les investisseurs. La population a également le sentiment que ces régions
sont considérées par les institutions financières comme des zones à risque élevé, ce qui expliquerait pour
quelles raisons elles bénéficient de peu de crédits. En effet, les expériences antérieures se sont souvent
soldées par des échecs, ce qui mena les institutions financières à mal noter les projets dans ces délégations.
L’analyse de ces échecs relève en partie d’un manque de suivi et d’accompagnement des projets.
Le centre d’affaires relève pour ces trois délégations un nombre assez faible de projets soumis (2 à 4 projets
par délégation). De plus, le projet Souk At-Tanmia, n’a pas non plus permis le soutien de nombreux projets
dans ces délégations, même si un des lauréats de Souk At-Tanmia, originaire d’El Arroussa, a lancé une unité
de traitement des eaux développée par une femme ingénieur agronome. Ce projet devrait être accompagné
par une structure de formation pour les agriculteurs et de sensibilisation au développement des techniques
d’exploitation.
Malgré les efforts fournis par le centre d’affaires et les structures d’appui, la population pense que la
formation en entreprenariat n’est pas suffisante pour les jeunes porteurs de projets, considérant que les
projets devraient aussi être suivis par des programmes d’accompagnement. Au cours de nos entretiens,
nous avons été sollicités en tant qu’association Touensa afin de lancer des programmes de soutien et
d’encadrement des projets lancés par de jeunes entrepreneurs. Ces populations sont en effet à la recherche
d’associations extérieures capables de coacher les jeunes dans le développement de leurs idées, au moins
au cours des deux premières années de lancement de projet Nous pensons qu’il serait opportun
d’encourager dans ce cadre des structures associatives qui auraient pour objectif d’accompagner les
porteurs de projets au-delà du plan d’affaires. Ces investisseurs potentiels sont en demande d’un
accompagnement durant les deux premières années du projet.
Les échecs d’entreprenariat de leurs prédécesseurs ont créé un manque de confiance de ces populations en
leur capacité à gérer et à mener à bien un projet. Ils rapportent qu’une simple success story, le fait de voir
un projet mené par un jeune réussir dans la délégation, pourrait redonner de l’espoir.
La population ne participe plus aux programmes proposés car ils n’ont pas été suivis de projets ou de
réalisations ; elle aimerait participer à des programmes d’aide au financement afin de pallier au manque de
59
fonds existant, mais elle exprime surtout un besoin en coaching et en accompagnement afin de pouvoir
démarrer des projets. Ils expliquent la réticence des banques telles que la BTS à financer des projets dans la
région de par les échecs des initiatives antérieures qui se sont avérées non rentables et insolvables. Un
meilleur accompagnement et suivi des projets par des structures associatives ou autre permettrait de
rétablir la confiance et pourrait également avoir pour objectif de mettre en adéquation les potentialités
productives et la demande du marché.
Nous avons relevé une réelle prise de conscience quant à la richesse et à l’importance de la valorisation des
produits régionaux. Mais au manque de moyens de financement (endettement excessif et manque des
fonds propres) s’ajoute un manque de confiance en soi et un besoin d’accompagnement des projets.
Les projets qui seraient en mesure d’améliorer le secteur industriel pourraient être :
- l’encouragement du travail associatif dans la région afin d’encadrer et de développer l’esprit
entrepreneurial ;
- l’amélioration de la qualité du produit ;
- l’encouragement d’unités de transformations des produits agricoles telles que les entreprises de
préparation de plats cuisinés, de surgelés ou de conditionnement des produits agricoles.
3. L’artisanat Dans ces trois délégations, il a été évoqué que dans le passé les femmes travaillaient dans le tissage des
tapis qui étaient ensuite commercialisés par l’office de l’artisanat. Mais compte tenu des difficultés connues
par l’office, ces femmes ne peuvent plus commercialiser leur production. Hormis la production du tapis et
de margoum, on y trouve également la gravure sur bois et sur marbre ainsi que la production de mosaïques.
Ainsi, il a été exprimé le besoin de :
- procéder à une remise à niveau de ces petites entreprises artisanales existantes ;
- encourager la création d’un centre de vente ou d’un espace d’exposition des produits d’artisanat ;
- encourager toute initiative ayant pour objectif la commercialisation voire l’exportation des
produits artisanaux.
60
4. Le tourisme et la culture Le gouvernorat de Siliana est une région qui a un potentiel tant sur le plan du tourisme culturel
qu’écologique. Au travers de la topographie, les sommets, les plaines, les cours d’eau, les plans d’eaux, les
sources thermales, la nature offre d’éléments qui pourraient être utilisés en faveur du développement de
projets tels que :
- le thermalisme ;
- le tourisme de chasse ;
- les randonnées pédestres.
La région compte également de nombreux sites archéologiques datantdes civilisations antiques. Des projets
pouvant contribuer au développement du tourisme culturel consisteraient en :
- la valorisation des vestiges ;
- l ‘aménagement d’unités hôtelières, gîtes, restauration.
Il convient de préciser ici que ces projets ont été évoqués et proposés par les représentants locaux et non
pas spontanément par les focus group. Lorsque que nous avons sollicité les personnes à ce sujet, ils ont
exprimés leur réserves : « comment pensez-vous que les personnes penseraient à se rendre sur nos sites, il
s’agit d’investissements risqués ». Un accompagnement et une campagne de sensibilisation au potentiel de
la région pourraient être envisagés. En effet, la population locale vit dans un tel état de pauvreté qu’elle ne
peut imaginer ou concevoir le développement de gîtes. Il en est de même quant à la valorisation des sites
archéologiques. Par ailleurs, l’absence d’ouverture vers le monde extérieur l’empêche d’envisager une
quelconque commercialisation via des réseaux alternatifs.
5. L’éducation et la santé Dans les délégations d’Er-Rouhia et de Kesra le taux d’analphabétisme avoisine les 43 % (2004) et il est de
34,5 % à Laaroussa. La part de la population instruite est de 31 %, ce qui est inférieur au niveau national. Les
personnes interrogées expliquent ces taux par la précarité.
Si l’infrastructure sanitaire sur le gouvernorat de Siliana accuse une insuffisance d’équipement et de
personnel qualifié, il convient de remarquer que les délégations de Kesra et Er-Rouhia sont les moins bien
loties.
61
A. La délégation de Er-Rouhia17 Le recensement de 2009 estime la population de la délégation d’Er-Rouhia à 30 900 habitants, parmi
laquelle 25 500 vivent en zone rurale. Er-Rouhia est la délégation la plus peuplée du gouvernorat mais elle
reste cependant la délégation la moins desservie en eau potable (le taux de raccordement à l’eau potable
avoisine les 20 %). Une importante partie de la population vit dans une grande précarité. Les habitants d’Er-
Rouhia nous ont rappelé que malgré le lancement du programme de solidarité 26-26 suivant une visite du
président Ben Ali dans cette délégation, celle-ci demeure à ce jour l’une des délégations tunisiennes les plus
pauvres. La société civile évoque des problèmes de lenteur et une absence de volonté des autorités locales
d’œuvrer pour le développement de la délégation.
Cette pauvreté peut être expliquée par l’absence d’entreprises créatrices d’emplois. En effet, la population
d’Er-Rouhia n’a pu compter que sur des petits projets privés visant essentiellement le commerce. La société
civile ainsi que les représentants de l’UGTT considèrent qu’il n’y a pas de soutien des autorités pour le
développement d’initiatives privées.
La plaine de Rouhia s’étend de part et d’autre de la route régionale RR71 jusqu’à Sbiba. C’est une région à
vocation agricole mais qui n’a pas connu de projet de mise en valeur ou de développement de l’agriculture.
A partir des enquêtes qualificatives en focus group, les points suivants sont ressortis :
Forces et faiblesses Er-Rouhia est une zone agricole caractérisée en l’occurrence par les plantations arboricoles telles que les
pommiers, plantations pour lesquelles elle est en concurrence avec Sbiba, et les oliviers. On y trouve
également des cultures maraîchères.
Compte tenu du potentiel agricole, le taux de pauvreté peut être expliqué par une exploitation non
optimale des ressources. L’agriculture y est menée de manière traditionnelle et ne permet pas de dégager
une productivité suffisante. La délégation d’Er-Rouhia ne compte pas de centre de formation
professionnelle et peu de formations ont été proposées jusqu’à présent. Ainsi, la population locale est en
demande de formation dans le domaine agricole afin de pouvoir diversifier leur production. Cette formation
doit pouvoir accueillir des personnes dont le niveau d’éducation est faible, voire même des personnes
analphabètes. Nous rappelons ici que cette délégation compte le plus fort taux analphabétisme.
Elle compte également 700 jeunes diplômés qui n’ont pas trouvé d’emploi, ce qui constitue une grande
frustration pour tous ces jeunes étant donnés tous les sacrifices (au niveau financier, personnel, etc.) qu’ils
ont fait pour réaliser leurs études et finalement se retrouver sans emploi, ce qui justifie l’exode de ces
jeunes diplômés vers les régions côtières.
17 Le Focus Groupe à Er Rouhia s'est globalement bien passé malgré la tension ambiante entre les représentants de
l'administration et la société civile.
62
De plus, le tissu industriel est faible voire même inexistant. Er-Rouhia compte une usine de confection
(sous-traitant de la marque Benetton) qui emploie environ 90 personnes et dans laquelle les habitants
regrettent le non-respect des droits de travail. En effet, les ouvrières sont payées des salaires souvent
inférieurs au SMIG.
Er-Rouhia est donc une zone vierge en ce qui concerne l’initiative privée. Le marché est encore ouvert à de
nouvelles idées. La concurrence est faible.
Menaces et opportunités Les diplômés chômeurs expriment le souhait de pouvoir développer des projets de transformation des
produits agricoles tels que :
- une unité de production de jus de fruits, de vinaigre ou de confitures ;
- unité de conditionnement d’huile d’olive ;
- une unité de distillation des huiles essentielles ;
- une unité de production et de transformation des plantes aromatiques et médicinales.
Selon les représentants de l’ODNO, l’étendue du couvert forestier, ainsi que la conduite en extensif pour la
majorité des cultures, offrent des opportunités d’investissement dans les domaines de production et de
transformation sous la rubrique biologique. Les exploitations conventionnelles utilisent actuellement des
techniques de production proches du mode biologique (peu d’intrants chimiques). Ainsi, la conversion en
agriculture biologique est aisément envisageable. Un projet d’agriculture biologique existe dans la
délégation -notamment à Jmilet- et d’autres projets peuvent être développés dans ce domaine d’autant plus
qu’il existe des avantages financiers attractifs pour ce type d’agriculture (25 à 30 % du coût
d’investissement). Les agriculteurs expriment :
- le besoin d’être formé en ce qui concerne l’agriculture biologique ;
- le besoin d’encadrement pour pouvoir labéliser et travailler dans le cadre des normes requises
pour une agriculture biologique ;
- le besoin d’accompagnement pour la commercialisation de ces produits.
Une association de protection de l’environnement œuvrant à Er-Rouhia évoque également les pertes
importantes dont souffrent les agriculteurs lors du stockage. Selon ses membres, le potentiel agricole de la
région n’est pas exploité de manière efficiente. Cette association juge utile d’encourager les projets pouvant
remédier à ce problème, comme par exemple les entrepôts frigorifiques pour les fruits.
Cette association met en exergue la richesse des produits de la forêt et propose de développer dans le
cadre d’un projet communautaire, une société ou une association qui se chargerait de la collecte, du
conditionnement et de la commercialisation des produits forestiers. Cette société ou association pourrait
63
également travailler sur l’étude d’un label qualité et la valorisation de la production de miel. Cette structure
sera en mesure de faire respecter la réglementation forestière afin de protéger cette richesse naturelle.
Cette association évoque également le potentiel de production que peut générer la transformation des
figues de barbarie de même que l’élevage ovin et caprin qui peuvent être conduits de façon extensive, son
alimentation étant basée essentiellement sur les parcours forestiers. D’après les chiffres du CRDA de 2012,
nous constatons que l’élevage bovin est assez faible comparativement aux autres délégations du
gouvernorat. Alors que la région présente un potentiel de production de viande rouge biologique.
Dans le domaine de l’artisanat, il nous été rapporté que les femmes travaillent traditionnellement dans le
tissage de tapis mais elles rencontrent des difficultés de commercialisation. Cette activité pourrait être
développée dans le cadre d’un projet communautaire qui consisterait en l’assistance et l’aide à la
commercialisation.
Sur le plan de la santé, il est vrai que les structures existantes sont insuffisantes mais le problème se pose
de manière plus urgente pour les zones rurales qui n’ont même pas accès à des structures d’infirmeries
pour ses soins d’urgence. Les intervenants ont envisagé :
- la création d’une structure médicale ou même d’une structure de soins d’infirmerie mobile qui
pourrait faire le tour des zones rurales de la délégation ;
- l’ouverture d’un centre de physiothérapie. Actuellement la population est contrainte à faire au
minimum 70 kilomètres plusieurs fois par semaine, ce qui engendre des frais supplémentaires.
Les compétences existent mais n’ont pas les fonds propres nécessaires pour exercer leur activité.
De plus, la population locale regrette l’absence d’associations d’aide aux personnes handicapées. Nous
avons envisagé la création d’une ferme thérapeutique ou d’un autre type de projet agricole, toutefois ces
projets posent le problème du déplacement des personnes handicapées.
Nous avons aussi relevé l’absence de centre de loisir. Une maison de jeune existe, mais peu d’activités y sont
proposées. Toutefois, la population n’a pas considéré cette problématique comme essentielle. Nous
rapportons cela à la précarité importante dans laquelle vivent les habitants d’Er-Rouhia mais également au
fait que les habitants se refusent de penser à des activités de loisirs telles que la musique ou autres. Or,
nous pensons que de tels projets pourraient être des vecteurs de développement, notamment s’ils sont
adressés à une population jeune. Ce type d’activité pourrait favoriser la créativité et donner à ces jeunes
des possibilités de s’exprimer à travers l’art.
Compte tenu de la faiblesse du tissu industriel et de l’abondance de la main d’œuvre disponible non
qualifiée, nous relevons l’importance de la demande d’aide et de soutien visant les projets à vocation
agricole ou artisanale dans un cadre communautaire répondant à un besoin d’accompagnement.
La population la plus affectée par la précarité étant la femme originaire de région rurale, un souci de
développement de projets pour cette communauté leur paraît prioritaire.
64
Nous proposons ici, comme levier pour l’émancipation économique des femmes, le développement de
structures de commerce équitable qui permettraient d’établir des relations commerciales équitables avec
les petits producteurs organisés en coopératives. Il s’agira donc d’encourager le développement d’un réseau
de distribution qui bénéficierait de l’appui associatif. Ce réseau devrait permettre de travailler à la fois sur la
qualité du produit, le conditionnement et les circuits de distribution. Il est toutefois à noter que les
populations locales ont une méconnaissance totale des mécanismes régissant le secteur du commerce
équitable et qu’elles ne peuvent donc envisager par elles-mêmes un tel développement.
B. La délégation de Kesra18 Le recensement de 2009 estime la population de la délégation Kesra à 17 500 habitants et estime le taux
d’urbanisation de ce gouvernorat comme le plus faible, soit14 % (sachant que le taux d’urbanisation est lui-
même faible (36,02 %) par rapport au taux national (64,9 %)).
Les personnes participant au focus group étaient unanimes sur le grand potentiel lié à la biodiversité de la
région qui malheureusement reste inexploité.
Ces jeunes diplômés, une fois installés sur les côtes, ont tendance à ramener leurs parents vivre avec eux en
ville. De nombreuses exploitations sont alors louées ou abandonnées. Ils souhaitent vivement que cette
immigration cesse.
Forces et faiblesses La valorisation des sites, des vestiges et des différents éléments de la culture régionale peut contribuer au
développement de la région à travers le tourisme culturel.
En ce qui concerne les témoignages archéologiques, on peut encore voir des éléments d’architecture
réemployés dans la construction des édifices modernes et surtout les vestiges d’une citadelle d’époque
byzantine. De plus, l’emplacement en altitude de ces sites (environ 1 000 m) laisse place à un paysage
naturel vu des hauteurs assez spectaculaire : plaines, forêts. Les habitants de la région, conscients du
patrimoine historique et naturel, ont toutefois du mal à imaginer le développement d’activités touristiques
telles que des gîtes ruraux ou des circuits touristiques avec des haltes chez l’habitant. C’est une région dont
le relief est accidenté, le point culminant se situant à 1 358m. Une étude géologique approfondie réalisée
au plateau de Kesra relève la présence de réserves importantes en pierres marbrières. Ces pierres peuvent
être utilisées dans le bâtiment (revêtement, dallage, escaliers, sculpture,...). Selon l’ODNO, compte tenu de
la grande superficie, trois carrières peuvent être exploitées au sein du plateau de Kesra. Les habitants de la
région expriment le sentiment de marginalisation des personnes originaires de Kesra dans l’exploitation des
ressources. L’ODNO nous précise également l’existence d’un site important de sable siliceux (avec un
18 La réunion a été une occasion privilégiée pour le délégué de Kesra de prendre connaissance d’une nouvelle initiative
de constitution d’une nouvelle association pour le développement. TOUENSA s’est engagée à soutenir ces personnes pour la réalisation de leur projet.
65
pourcentage de silice supérieur à 98 %) à El Garia (Kesra). Ce sable peut être utilisé pour la fabrication du
verre creux. Selon les personnes présentes une usine de verre pourrait employer jusqu’à 350 personnes.
La région compte également trois sources d’eaux minérales dont l’exploitation pourrait également créer de
l’emploi dans la région.
Nous avons cité ces projets bien que n’entrant pas dans le cadre de cette étude afin de montrer que la
demande des habitants de la région est en faveur de la création de grandes unités de production au sein
desquelles ils se projettent comme salariés.
De nombreux jeunes promoteurs présentent des compétences dans les domaines de l’industrie, de
l’agriculture, du textile. Il semble que dans la région la main d’œuvre spécialisée et prête à l’adaptation soit
abondante. Des projets tels qu’une usine de plastique ou d’élevage d’escargots ne cessent d’accuser des
refus ou restent sans réponse de la BTS, la zone étant selon eux considérée comme trop risquée. Ces jeunes
disent subir l’insolvabilité des projets de leurs prédécesseurs.
La région ne compte pas de zone industrielle et l’agriculture demeure le principal secteur pourvoyeur de
revenu. Cependant, le secteur agricole est non structuré. Les exploitants agricoles se plaignent des
difficultés d’accès aux crédits. Ils soulignent l’absence des associations de développement accordant les
microcrédits dans un environnement où les capacités d’autofinancement des promoteurs sont faibles.
Menaces et opportunités Compte tenu de sa situation géographique et de ses richesses archéologiques, le développement de projets
en écotourisme nous semble important. Dès lors, il apparaît nécessaire d’ :
- encourager et le soutenir des initiatives visant à former les habitants de la région en matière de
tourisme écologique et culturel ;
- aménager sous forme de petites unités hôtelières ou de gîtes ruraux ;
- encourager des initiatives portant sur le développement de circuits de randonnée.
Il est vrai que la région est caractérisée par la fertilité de ses terres, par une nappe phréatique importante,
par l’existence d’une zone d’agriculture biologique et par la possibilité de production spécifique (tel que les
figues de Kesra, les figues de barbarie et les cerises), toutefois elle requiert :
- l’amélioration de la productivité et de la qualité de la production agricole ;
- le développement d’une industrie de transformation des produits agricoles tels qu’une unité de
préparation des plats cuisinés (un projet de fabrication de cake est en cours…) et semi-cuisinés,
une unité de surgélation des légumes ou une unité de fabrication de semi-conserves.
66
L’exploitation des plantes médicinales est un créneau porteur mais qui n’arrive pas à obtenir de
financement auprès de la BTS. Les raisons invoquées par la BTS seraient la protection des forêts alors que
les représentants du Ministère de l’agriculture démentent cet argument.
Une unité de transformation des pépins des figues de barbarie commence à se développer mais elle souffre
de problèmes de financement. Pour l’instant, cette unité se charge uniquement de la fabrication de l’huile,
or, pour être rentable elle doit pouvoir exploiter tous les éléments de la figue à savoir la raquette.
La femme rurale présente un potentiel de développement. Les jeunes femmes sont sujettes au fléau
migratoire. En effet, elles partent souvent rechercher du travail dans le textile dans la région de Kairouan.
Or, elles possèdent des compétences dans la poterie, le tissage ou la sculpture de la pierre. Il s’agit de
développer des projets communautaires tels que :
- regrouper des femmes potières et les former pour leur permettre d’adapter leur production aux
exigences du marché. Ce groupement pourrait envisager l’achat d’un four pour l’ensemble des
potières afin d’améliorer le produit. Il en est de même pour le tissage de la laine ;
- le travail de la pierre de revêtement est un travail que peuvent faire les femmes chez elles. Ceci
requiert toutefois une formation préalable.
Sur le plan social, on constate à Kesra une absence de tissu associatif. Ils ont exprimé un besoin important
d’aide et de soutien pour développer des associations dans la région. Le peu de clubs sportifs existants ne
sont pas structurés et souffrent de l’absence d’infrastructures sportives. Un projet d’une première
association de développement a été soumis dans l’assistance. Toutefois des associations d’insertion et de
promotion des handicapés méritent d’être créées. Il en est de même pour les personnes âgées. Les jeunes
nous ont fait part de leur retour après les études par crainte de laisser leurs parents sans soutien. Les
personnes âgées ici n’ont personne, elles sont livrées au froid, à la maladie et à des conditions de vie
difficiles (pas de raccordement à l’eau potable pour plus de 60% de la population, pas de raccordement aux
assainissements pour plus de 80% de la population).
Sur le plan de l’éducation, on constate un taux d’analphabétisme élevé dû à un abandon des études à l’école
primaire. Pour pallier à ce problème, il serait possible d’envisager le développement de projet contribuant à
résoudre le problème de transport des écoliers et des lycéens.
Nous retiendrons ici que la population interviewée a exprimé une demande de soutien de projets
pourvoyeurs d’emplois et qui ne soient pas du microcrédit. Nous ramenons ce constat à deux arguments :
- le premier est qu’il s’agit d’une population en grande majorité peu éduquée et qui cherche un
emploi en tant qu’ouvrier dans une structure plus large. Cette population n’est pas en mesure
d’être directement porteuse de projet. La population interrogée fait référence à des programmes
antérieurs de formation et de financement de petits projets qui n’ont pu être pérennes étant
donnée l’absence de structure pour l’accompagnement de ces projets ;
67
- le second argument fait référence aux personnes qui ont les formations requises mais qui ont
assistés à un trop grand nombre de réunions de ce type avec des associations, des ONG ou autres
qui sont restées sans suite. Elles sont donc demandeuses d’actions efficaces. Ces jeunes estiment
qu’ils sont victimes des mauvaises expériences passées que la région a connu en matière
d’investissement. Les quelques compétences qui existent expriment un manque de confiance en
soi. Ils sont en demande de coaching. L’inexistence d’un tissu associatif dans la région explique
quelque peu ce manque d’esprit d’initiative. Une demande de soutien du tissu associatif ayant
pour objectif l’encadrement et le suivi de projet est une requête largement partagée .Cependant,
les opportunités au niveau agricole ainsi que l’importance des ressources naturelles non
exploitées ne peuvent que présenter un potentiel de développement considérable pour le futur.
C. La délégation d’El Arroussa19 La délégation s’étend sur une superficie 250 ha et selon le recensement de 2009, elle regroupe 9 600
habitants dont 6 800 en zone rurale. Cette délégation souffre d’un exode rural important. Les jeunes
préfèrent aller travailler dans les banlieues de Tunis dans le secteur du bâtiment ou en tant que marchands
ambulants, compte tenu du fait qu’El Aroussa n’offre aucune perspective d’emploi.
En 2012, on comptait deux offres d’emploi reçues pour 152 demandes.
Forces et faiblesses La proximité de Tunis est un inconvénient pour cette région car elle permet aux habitants d'El Aroussa
d’aller travailler près de la capitale en tant qu’ouvrier à la journée ou en tant que marchand ambulant. Mais
cette proximité pourrait aussi constituer un facteur de développement compte tenu des avantages
compétitifs que cette région pourrait tirer, notamment pour la distribution et la commercialisation des
produits.
La région d’El Arroussa est caractérisée par la présence d’une nappe d’eau importante et d’importantes
zones irriguées. La région dispose de toutes les conditions permettant une production agricole élevée
pouvant garantir des revenus et des emplois pour les habitants de la région. Or aujourd’hui, ce secteur
agricole est non structuré et recrute peu, voire pas du tout. L'agriculture est caractérisée par un manque de
coopératives. Il est important de développer des projets non individuels si l'on veut lutter contre la
migration des forces de travail et des compétences vers d’autres villes et régions.
La délégation d’El Arroussa se distingue également par l’importance de la production de bois en 2010.
19 La réunion a été une occasion privilégiée pour le chef de la délégation d’ ElAroussa pour faire la connaissance de
jeunes porteurs de projets.
68
Menaces et opportunités L’aide de l’Etat a permis à 160 jeunes agriculteurs de la région d’obtenir une terre de 2,5 ha et un petit crédit
pour en permettre l’exploitation. Un tel morcellement des terres a rendu les économies d’échelle
impossibles et a eu pour conséquence une mauvaise exploitation de celles-ci. La plupart de ces jeunes
agriculteurs n’a pas su gérer son exploitation et ils n’ont aujourd’hui plus les moyens de l’exploiter et
souffrent tous d’un niveau d’endettement trop élevé qui les poussent à louer leur terre. De plus, les
agriculteurs bénéficient de peu d'expérience leur permettant d'innover.
Le représentant du Ministère du développent pense que leurs difficultés reposent sur des problèmes de
mauvaise gestion. Certains agriculteurs présents lors des focus proposent toutefois de se rassembler autour
de « coopératives » ou « groupements » pour développer leur activité. Ils expriment leur souhait de pouvoir
obtenir :
- le soutien de structures associatives ou autre, pour travailler sur le programme de travail des
terres en commun ;
- le soutien de formation pour ces jeunes agriculteurs pour pouvoir restructurer leur activité ;
- des financements accordés à ces « groupements » pour mettre en place des serres, aménager des
pépinières ;
- le soutien pour développer le concept de ferme biologique afin de produire des poulets de ferme.
Ce projet consisterait en l’élevage et la commercialisation de volailles entières (poulets, pintades,
lapins) ou en découpe. Cette unité pourrait même commercialiser le compost de poulailler
naturel ;
- le développement d’une unité de transformation qui travaillerait à partir de la production de ces
terres. Le problème est l’absence de courant électrique sans lequel la création d’unités de
production sur ces terres n’est pas envisageable ;
- un centre de collecte de lait est en construction dans la délégation d’El Arroussa. L’élevage bovin
est donc une activité à développer sur ces terres. Les « jeunes agriculteurs » pourraient envisager
un projet communautaire qui consisterait en la construction d’une ferme pour un projet d’élevage
à grande échelle. Cette idée suppose la construction une étable et l’aménagement de zones de
pâturage ;
- encourager les projets d’élevage de moutons car il s’agir d’une activité longtemps exercée dans la
région.
Les participants au focus group ont également évoqué que compte tenu de l’emplacement géographique
(proximité du Gouvernorat de Tunis), il serait intéressant de pouvoir développer un projet de
transformation qui consisterait en une usine de légumes surgelés ou de plats cuisinés.
69
Quant à l’exploitation des sources d’eaux minérales existantes, le problème qui a été soulevé est
l’accessibilité. Il n’y a en effet pas d’infrastructure permettant d’accéder à la source d’Ain Boussaadia.
Sur le plan environnemental, la région semble avoir souffert de nombreux incendies. Les habitants de la
région pensent qu’il serait opportun d’encourager tout projet incitant à la plantation d’eucalyptus dans la
région ; ce qui serait profitable à l’ensemble des exploitants de la forêt, et notamment aux apiculteurs.
Les femmes peuvent être un vecteur de développement important dans la région notamment au travers
d’activités plus artisanales, telles que la sculpture sur bois, le tissage de tapis. La demande exprimée
consiste également en :
- un soutien des associations ou d’organismes qui aurait pour objectif de développer cet artisanat
local tant sur le plan du design produit que sur le plan de la commercialisation. Un circuit de
vente de type « commerce équitable » pourrait être envisagé ;
- une assistance tout au long du démarrage du projet.
Sur le plan des loisirs, les habitants d’El Arroussa regrettent le manque d’infrastructures sportives et ils
estiment que le soutien d’un projet de salle de sport permettrait à plusieurs professeurs de sport diplômés
de trouver du travail.
Les freins au développement des projets évoqués sont essentiellement liés à l’absence des organismes
gouvernementaux au sein de la délégation, la bureaucratie et la lenteur des procédures. Les participants
regrettent l’inexistence de procédures participatives pour l’implication des citoyens dans les projets et dans
la réflexion afin de développer des activités communes.
Les participants au focus group évoquent les difficultés rencontrées par les Tunisiens de retour de Lybie,
notamment en ce qui concerne les conditions d’accès aux crédits. Les immigrés à la retraite, de retour à El
Arroussa, sont tous des personnes originaires de la région qui ont souvent une propriété agricole mais qui
sont généralement expérimentés. Ils devraient être capables de créer des entreprises et des emplois mais
ne peuvent le faire étant donnés les problèmes fonciers et l’inaccessibilité au financement classique.
Le gouvernorat de Siliana regroupe plusieurs sites archéologiques spectaculaires de part leur superficie et
l’état de conservation de leurs monuments. Ils sont le témoignage d’une présence humaine très ancienne et
d’une parfaite organisation territoriale. Toutes les périodes y sont représentées : la Préhistoire, la
Protohistoire, les époques romaine, chrétienne, vandale et byzantine et quelques témoignages de la
première période arabe. Aujourd’hui, ce même gouvernorat souffre d’une grande précarité et d’un flux
migratoire élevé. La structure de la population favorise l’implantation des activités touristiques, la
population jeune est abondante mais nécessite une formation professionnelle. Le tourisme peut jouer un
rôle prépondérant aussi bien dans la lutte contre le chômage que dans la lutte contre l’exode rural et la
migration vers les zones côtières. Toutefois, il convient de préciser que le développement de ce secteur n’a
pas été évoqué spontanément par les participants.
70
L’évolution du solde migratoire dans ces trois délégations peut s’expliquer par le manque d’infrastructure,
mais également par le manque d’opportunités d’emplois. Les situations économiques de ces trois
délégations montrent un degré de diversification faible et un volume et une qualité d’offre d’emploi limitée.
Les trois délégations étudiées sont d’importantes zones agricoles. Il convient d’y développer l’agriculture
biologique et les industries agroalimentaires. Les forêts sont un grand potentiel qui doit être exploité.
Dans les trois délégations, de nombreux projets ont été soumis par des jeunes promoteurs qui se heurtent
essentiellement à trois difficultés: le financement (fonds propres et lourdeurs administratives des banques),
les problèmes fonciers et l'écoulement de la marchandise.
Il est vrai que la plupart des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur exprime le souhait d’intégrer la
fonction publique, mais il semble y avoir une prise de conscience sur l’impossibilité du secteur public à
absorber la demande. Les focus groups nous ont permis de constater une forte volonté de coopération au
sein dela population locale, de même qu’une volonté de travailler avec la société civile. La demande porte
essentiellement sur le coaching et l’accompagnement des projets. Les personnes présentes lors des focus
groups relèvent une inadéquation entre les potentialités productives et la demande du marché, ce qui
pourrait être surmonté grâce au soutien de la société civile.
Les participants déplorent un manque d’implication des pouvoirs publics (rigidité du système bancaire) dans
le développement des projets et de nombreux obstacles administratifs. L’encouragement d’initiatives
privées est essentiel pour la région : les jeunes ont accusé tellement de refus qu’ils ont perdu toute
confiance en eux. Ils nous ont demandé à maintes reprises d’intervenir en tant qu’association Touensa pour
l’accompagnement de projet. Nous pensons qu’il est essentiel d’aider des associations locales à amorcer ce
travail au sein de groupes communautaires (jeunes agriculteurs, artisanes). Dans ces délégations,
l’agriculture repose sur des petits paysans précaires et marginalisés alors qu’elle pourrait devenir
économiquement viable si elle bénéficiait de conditions favorables, comme par exemple le commerce
équitable. Le développement d’un tissu associatif devrait permettre, en plus de la commercialisation, un
travail de terrain avec des organisations de producteurs permettant de diversifier les sources de revenus et
de développer la transformation des produits sur place. Nous notons par ailleurs, l’absence des salles de
cinéma et le peu de musées dans une région dotée d’un riche patrimoine archéologique et historique. Mais,
la population locale n’invoque pas ce manque. Les quelques projets en relation avec les activités culturelles
ou de loisir portent sur le sport et la musique.
71
IV : ANALYSE DES DÉLÉGATIONS LES PLUS DÉFAVORISÉES
DU GOUVERNORAT DE KAIROUAN
Chapitre élaboré par Aïda BOUKHRIS20
20Aïda Boukhris El Majdi est docteur en économie et gestion des ressources humaines de l’Université Paris I, Panthéon
Sorbonne. Elle est actuellement universitaire à l’ISCAE, Université de la Manouba. Elle a été consultante sénior auprès de l’IIPE-UNESCO pour la préparation du matériel de formation destiné à la formation de hauts cadres du ministère de l’enseignement supérieur tunisien. Elle a été également consultante sénior auprès de la banque mondiale pour une mission d’évaluation de la qualité de l’enseignement supérieur.
72
Introduction La première phase de l’étude nous a permis d’identifier les trois délégations les plus défavorisées du
gouvernorat de Kairouan : El Alâa, Nasrallah et Ouslatia. L’objet de la phase actuelle consiste à procéder à
l’évaluation sur le terrain de leurs potentialités et de leurs principaux besoins pour améliorer notamment
l’environnement et la dynamisation de l'emploi.
Le présent rapport a pu être réalisé grâce à la population locale qui a bien voulu offrir de son temps et de
son énergie pour participer à nos focus group, au responsable des études et de la planification au sein de
CRDA de Kairouan, au directeur régional de l’APIA de Kairouan, au directeur régional de l’API de Kairouan,
aux maires, aux délégués et aux Secrétaires Généraux des délégations d’El Alâa, Nasrallah et Ouslatia, ainsi
qu’à l’ensemble du personnel de ces administrations, et aux présidents d’associations.
Mise en œuvre de la méthodologie La mission de terrain a été réalisée du 26 novembre au 30 décembre 2012 (mission préparatoire, démarrage
du diagnostic et début des focus groups) et du 17 au 21 décembre 2012 (enquête qualitative par focus
groups et restitution). Sur le plan méthodologique, la réalisation de l’étude a nécessité des entrevues à
plusieurs niveaux:
- des entretiens semi-directifs avec les responsables régionaux (CRDA, API, APIA, ODCO) à l’aide
d’un guide d’entretien ;
- une enquête qualitative par focus groups (1) de petite taille (jusqu’à 10 individus) avec les
responsables locaux (maires, délégués, secrétaires généraux, responsables d’association,
personnel des mairies et des délégations s’occupant d’un sujet particulier (jeunes chômeurs,
exploitants agricoles, familles en difficultés, etc.);
- une enquête qualitative par focus group (2) de plus grande taille (jusqu’à 20 individus) avec la
population locale (ouvriers agricoles, femmes actives (secteur formel ou informel) et inactives de
tout âge, chômeurs diplômés de l’enseignement supérieur ou peu ou pas éduqués et de tout âge,
des jeunes, agriculteurs, éleveurs de bétail, apiculteurs …) ;
- une séance de restitution des données collectées a été organisée avec la participation de la
plupart des participants aux focus group 1 et 2 et ceci pour chaque délégation.
73
Situations partagées par les trois délégations Malgré leur diversité, des points communs existent entre ces trois délégations. La majeure partie de
l’économie de ces délégations est basée sur l’activité agricole et leur population est principalement rurale.
1. L’agriculture et les ressources naturelles D’après les personnes rencontrées au CRDA et à l’APIA, l’agriculture en sec couvre l’immense majorité des
terres cultivées de la délégation. Les secteurs irrigués prennent de plus en plus d’importance mais sont
confrontés au problème de distribution des eaux d’irrigation. Ainsi, l’agriculture a été développée en ayant
recours à une mobilisation intense des ressources naturelles qui semble, aujourd’hui, avoir atteint ses
limites.
D’ailleurs, la production a cru plus lentement ces dernières années et n’est due, pour l’essentiel, qu’à
l’accroissement des superficies cultivées et non pas à l’amélioration de la productivité. Toutefois le
gouvernorat, bien que riche en ressources naturelles (sol, eau, et couvert végétal), présente des signes de
dégradation très avancés ayant entrainé une modification de l’ensemble de l’écosystème.
Par ailleurs, les éleveurs rencontrés affirment que l’élevage d’ovins et de bovins, même s’il demeure
important dans certaines délégations, est en nette diminution vu la faiblesse des cultures fourragères, de
l’épuisement des ressources pastorales et du prix élevé des produits d’alimentation du bétail.
Les populations locales, les agriculteurs, les jeunes chômeurs diplômés et également les ouvriers agricoles
soulignent le manque d’eau et la faiblesse des circuits de distribution pour expliquer le manque de
diversification de la production. De plus, l’agriculture n’a pas été en mesure de créer une dynamique
suffisante pour développer les secteurs en amont ou en aval dans la chaîne de production, de
transformation et de distribution, car rien ne se fait localement.
Le CRDA, conscient de toutes ces dégradations et de la faible productivité (par exemple, en Europe une
vache produit près de 120 litres de lait alors que dans la région elle ne produit que 10 à 15 litres), souhaite
lancer différents projets pilotes d’élevage intensif dans les périmètres irrigués avec un nombre limité de
têtes de bétail par éleveur et soumises à un encadrement et un contrôle sanitaire et alimentaire très strict.
Les jeunes fils de propriétaires fonciers, contrairement aux anciens éleveurs, semblaient plus ouverts à ces
nouvelles méthodes et étaient demandeurs d’une telle expérience. Certains de ces jeunes ont évoqué les
problèmes fonciers des terrains « de leurs parents » qui les empêchent de bénéficier d’un crédit
quelconque.
74
2. La santé Quelle que soit la délégation, il existe un grand déficit au niveau du secteur de la santé et ce, tant en
ressources humaines que matérielles. Les femmes semblent plus concernées par ces problèmes que les
hommes. Même si, une fois le problème évoqué, ils partagent tout à fait le constat.
En effet, pour la population, le remplacement des médecins et des infirmiers est très problématique, les
délégations ne les attirant pas. Ceux qui sont nommés dans la région sont généralement peu qualifiés ou
exclus d'autres hôpitaux, ou résident rarement dans les communes où ils sont nommés, ce qui crée dès lors
une surcharge de travail pour les médecins sur place. Avec près de 65 consultations par jour, les temps
d’attente sont interminables pour les malades. Par ailleurs, le matériel est souvent vétuste et plus souvent
en panne qu’en état de marche. Les hôpitaux reçoivent du matériel (des appareils échographiques par
exemple) sans qu’il n’y ait les compétences requises pour les utiliser.
Tout ceci fait que les patients sont souvent acheminés vers Kairouan et se pose alors le problème du
manque d’ambulances et de moyens de transport. D’ailleurs, les personnes présentes attribuent plusieurs
cas de décès à des erreurs de diagnostic ou à des retards dans la prise en charge des patients.
3. Le chômage et ses conséquences La quasi-totalité des jeunes présents, diplômés de l’enseignement supérieur, désirent intégrer la fonction
publique. Pourtant, d’après les responsables locaux –qui sont souvent sollicités, voire « harcelés » sur ce
sujet-, cette demande a de très faibles chances d’aboutir. Cependant, les discours politiques, au lieu d’être
réalistes, laissent les « portes ouvertes à l’espoir ». D’après une étude intitulée « Emploi et chômage dans la
Tunisie post-14 janvier » réalisée par Karim Mejri au niveau national, en 201121, et dans un contexte de crise
générale sans précédent, l’Etat a fourni un effort quantitatif et qualitatif important visant à atténuer
l’ampleur du chômage qui s'était aggravé cette année-là22. Malgré cela, « la quasi-totalité des demandeurs
d'emploi a pour seul espoir l'obtention d'un poste dans le secteur public, considérée comme la seule
véritable voie de sortie pour échapper au chômage». Ces demandeurs d'emploi en veulent à l'Etat pour ne
pas avoir ouvert plus de places. Certains alimentent la frustration en déclarant que l'Etat peut, s'il le veut,
embaucher 70000 personnes en une seule année. Alors que la situation actuelle ne permet pas à l’Etat
(surtout financièrement) de le faire et que de toutes les manières la grande majorité de ces emplois
seraient des emplois fictifs.
21 Une partie de l’étude est en annexe 1. 22 L'effort quantitatif s'est traduit par un volume de recrutement de 24.000 personnes dans la fonction publique, en
plus de 10.000 personnes dans les entreprises publiques. Le chiffre total de 34.000 places ne représente que 4,9 % du nombre total des chômeurs, ce qui veut dire que 95,1 % des chômeurs n’ont pas pu être recrutés dans le secteur public en 2011.
75
Si le secteur public est incapable de répondre à toutes les demandes d'emploi, le secteur privé devrait
absorber le plus gros nombre de demandeurs d'emploi. Or, ce secteur ne jouit pas d'une très bonne
réputation auprès des demandeurs d'emploi et certains parmi eux considèrent qu'il n'y a pas de différence
réelle entre travailler dans le privé et être au chômage. D’ailleurs, beaucoup pensent que les différents
mécanismes d'insertion professionnelle ne garantissent pas d’être recruté dans l'entreprise et au contraire,
ils sont assimilés à des calmants permettant à certains chômeurs de patienter quelques mois ou quelques
années, au bout desquels il n'est pas rare de se retrouver à la case départ. En conséquence, rien n’incite le
demandeur d'emploi à donner le meilleur de lui-même pendant la période du stage d'insertion ; au
contraire, les demandeurs d’emploi ont dès lors plus tendance à faire perdurer la période de transition
entre la fin des études et l'entrée effective dans le monde professionnel.
Pour ceux qui ont la chance d’être recrutés sous contrat à durée indéterminée dans le secteur privé, le
Ministère de l'emploi note un ressenti négatif de certains employés qui continuent d'affluer au Bureau de
l'emploi et au Ministère pour essayer de décrocher un poste dans le secteur public. Le mot qui revient
souvent dans le discours des demandeurs d’emploi, lorsqu’il s’agit du secteur privé, est « la dignité ». En
effet, beaucoup parmi eux ne considèrent pas le travail dans le secteur privé comme un travail permettant
de préserver la dignité du salarié. Quoi qu’il en soit, il est clair que travailler dans le secteur privé n’est
jamais rentré dans les mœurs en Tunisie. Dans ce cas, comment faire pour décourager les jeunes à attendre
un emploi dans le secteur public ? Il est clair qu’il faut du courage et une volonté de rupture politique claire
avec le passé ainsi qu’un discours réaliste. Or, le message politique ressenti actuellement par des personnes
interrogées est plutôt « l’espoir fait vivre », alors qu’il faudrait en fait veiller à ce que les demandeurs
d’emploi n’aient pas de faux-espoirs. « Il n’est rien de plus dévastateur que les espoirs trahis, et plusieurs
responsables, notamment des gouverneurs, ont payé cher le prix des promesses qu’ils ne pouvaient pas
tenir en 201123». La confiance se gagne aussi par la communication avec le grand public à travers un
discours de vérité. Pour le moment, face à un secteur public faiblement créateur d’emploi et face à un
secteur privé « boudé », une autre solution pour combattre le chômage consiste en la promotion de
l’entreprenariat, ce qui est d’ailleurs la deuxième demande des populations jeunes de nos focus groups.
La deuxième requête des jeunes chômeurs est en effet une formation à l’entreprenariat et un
accompagnement lors du démarrage de projets. Toutefois, les sans-diplômes attendent avec impatience la
création de zones industrielles qui tardent à se concrétiser. Ils craignent que ce ne soit que des promesses
sans lendemain. Ils attendent aussi la redistribution des terres, sujet que nous détaillerons par la suite,
notamment au niveau des délégations de Nasrallah et El Oueslatia. Ils espèrent pouvoir travailler grâce à
cette distribution de propriétés.
23Emploi et chômage dans la Tunisie post-14 janvier- articles par Karim MEJRIL (article en annexe 1)
76
Les pères de familles dénoncent le faible nombre d’emplois locaux, phénomène qui conduit leurs enfants en
âge de travailler (aussi bien les hommes que les femmes) à émigrer pour travailler. Les mères sont très
inquiètes pour leurs filles qui partent car lorsqu’elles quittent la région, elles rencontrent des difficultés
d’intégration. En effet, les parents semblent s’accorder sur le fait que ce flux migratoire entraine de
nouveaux problèmes sociaux tels que des divorces par exemple.
Les filles, qui vont chercher un emploi dans les régions côtières, travaillent souvent pour la constitution de
leur trousseau de mariage et se marient ensuite la plupart du temps avec des hommes issus de leur région.
Une fois qu’elles se réinstallent dans la région, elles arrêtent de travailler faute d'emploi sur place mais ne
se contentent plus de leur situation.
La perspective pour les hommes est quant à elle relativement différente : ils commencent par se marier
avant d’émigrer sans leur famille dans une autre région ou en Lybie.
Ces deux types de situation se soldent généralement par des divorces et les familles ont du mal à assumer
les conséquences sociales (une femme divorcée est très mal vue) et économiques car ils n’ont pas les
moyens d’entretenir une autre famille. D’ailleurs, dans certains cas, les femmes n’hésitent plus à laisser
leurs enfants chez les grands parents pour retourner travailler et ainsi améliorer le quotidien de leurs
enfants, même si elles ne les voient plus beaucoup.
Ainsi, pour les parents aussi bien que pour les jeunes, seul le développement d’activités agricoles ou
industrielles permettrait de résoudre le problème d’inactivité et de chômage des jeunes ainsi que les
problèmes sociaux engendrés par les allers et retours de ceux qui émigrent.
4. Le financement de projets Les jeunes et les hommes mûrs (d’environ 40 ans) surtout, reconnaissent que des microcrédits ont été
débloqués mais qu’aucun encadrement ni suivi n’a été mis en place. D’après eux, les sommes allouées sont
d'environ 60 % du montant demandé, ce qui fait avorter un certain nombre de projets. Ils se trouvent
obligés d’annuler l'acquisition d’un matériel souvent nécessaire à la viabilité du projet (pas de systèmes de
climatisation ni de chauffage pour un élevage de poules par exemple). De plus, le remboursement
commence le mois suivant l'octroi du crédit alors que l'activité, elle, n'a pas réellement démarré. Les
autorités locales reconnaissent cet état de fait et avouent que malgré leur appui pour certains dossiers, les
choses n’évoluent pas. Selon elles, les projets ne sont généralement pas sérieux et dans beaucoup de cas,
ce microcrédit se transforme en crédit de consommation ou de remboursement des dettes.
77
5. L’éducation, la culture et le sport L’éducation ne semble pas poser de problème particulier, selon les dires des parents. Ils semblent
globalement satisfaits de la qualité de l’éducation à tous les niveaux.En revanche, ils désirent des
infrastructures pour les plus jeunes enfants (telles que des jardins d’enfants par exemple) et le
développement d’activités culturelles et sportives plus régulières pour les enfants en dehors du temps
scolaire.
6. La condition des femmes d’origine rurales En dépit du développement de la société tunisienne, les femmes d’origine rurale subissent encore les
répercussions du conservatisme. L'analphabétisme et l'abandon précoce des études scolaires à cause des
difficultés financières ne sont que quelques handicaps que subissent les femmes d’origine rurale. En effet,
plusieurs parents refusent que leurs filles poursuivent une formation scolaire ou professionnelle. Car si la
population jeune semble éduquée, les femmes d’âge moyen ne sont pour la plupart pas éduquées et
aucune formation n’existe dans les délégations, ni même à Kairouan, dans des spécialités susceptibles de les
intéresser. Pourtant, la présence de ressources naturelles telles que l’argile « de haute et de différente
qualité » pourrait servir à la poterie, à la fabrication de produits cosmétiques. La présence d’un élevage de
chèvres pourrait aussi engendrer une activité fromagère diversifiée et aromatisée, et la présence de
« Halfa » pourrait servir la fabrication de paillasson, de paniers et pourrait offrir aux citoyens un
complément de revenu. Or, non seulement les femmes ont du mal à se regrouper, à obtenir des
financements mais de plus, elles ne bénéficient d’aucune formation ce qui a pour conséquence que, pour
des raisons économiques, elles acceptent des activités saisonnières (telles que la cueillette des tomates, des
olives, etc.).
Cette main d’œuvre ayant le sentiment d’être laissée pour compte a une farouche volonté de changer les
choses et, même si elles paraissent résigner, ces femmes continuent malgré tout à chercher des solutions.
Pour elles, pouvoir « travailler en coopératives », « proches de leur domicile », moyennant un
« regroupement et une formation » leur semble un idéal ou presque un rêve, qui n’est pourtant pas
irréalisable et jouera sans doute un rôle capital dans l'autonomisation des femmes dans le milieu rural. La
commercialisation du produit semble être le plus grand défi à relever pour ces femmes (comme d’ailleurs
pour tout promoteur débutant), d’où la nécessité de multiplier les groupements de développement féminin,
cadre idoine pour assurer l’autonomisation des femmes d’origine rurales.
Conscientes de la grande volonté des femmes et des difficultés qu’elles rencontrent, les autorités
régionales semblent prêtes avec le concours des associations locales, des comités de développement rural
local, des groupements de développement agricole (GDA) et pourquoi pas un concours extérieur technique
à organiser des unités mobiles pluridisciplinaires de formation. Leurs rôles seraient d'aplanir les difficultés
78
d'apprentissages des femmes d’origine rurales pour les aider à prendre connaissance des mécanismes de
financement, à acquérir les compétences nécessaires à l’installation de leurs projets et à la
commercialisation commune de leurs produits.
7. Les personnes souffrant d’un handicap Dans les délégations étudiées, les personnes handicapées sont plus de 3 000, surtout des jeunes hommes.
Tableau 5 : Répartition des personnes handicapées par délégation et type de handicap
Personnes souffrant d’un handicap
moteurs
mal
entendants
non-
voyants
Sous
total % mentaux
polyhandi
capés
Total
général
El Alaa 489 99 86 674 66 284 62 1 020
Nasrallah 476 99 122 697 70 245 50 992
Oueslatia 480 205 109 794 71 284 41 1 119
Source : CRDA, Affaires sociale, janvier 2013.
D’après le responsable du CRDA que nous avons rencontré et les responsables locaux, il n’existe aucune
structure de formation ni d’aide à l’emploi pour les personnes souffrant d’un handicap. Ces personnes sont
abandonnées à leurs familles, souvent très pauvres, qui à leur tour les délaissent -sans pour autant les
abandonner-, faute de moyens pour pouvoir les sortir de leurs situations. Certaines familles ont jusqu’à 6
enfants handicapés et vivent dans des zones montagneuses où même le déplacement en fauteuil roulant,
quand ils en ont, est impossible. A ces déplacements particulièrement difficiles (certains se roulant et se
trainant pour se déplacer) s’ajoutent les mauvais traitements infligés par les habitants des villages.
La situation de cette population est donc particulièrement difficile. Mais les personnes rencontrées
considèrent tout de même que malgré tout, une intégration économique et sociale des personnes souffrant
d’un handicap moteur, les personnes mal voyantes et non voyantes (qui représentent 70 % des personnes
souffrant d’un handicap) est tout à fait possible.
Une des propositions lancées consiste à faire travailler ces personnes pour les plantations isotoniques -des
plantations hors sol, à étage, développées dans des chambres dotées du microclimat de la plantation
(tomates, poivrons, laitues…). L’accès à ces plantations est tout à fait possible pour ces personnes,
moyennant parfois quelques aménagements. Ceci étant, le plus difficile à faire consiste d’abord à établir
79
une étude au cas-par-cas pour évaluer les réelles possibilités de travail de ces personnes et d’ensuite
organiser des formations spécifiques en fonction de l’activité qu’ils seraient en mesure d’exercer.
8. Projets communautaires partagés par les trois délégations Si généralement un projet communautaire réalisé dans un objectif socio-économique orienté vers la
satisfaction d'un besoin collectif de base est plutôt tourné vers des projets alimentaires, éducatifs, de santé,
d’infrastructures, il est ressorti de nos focus group que les besoins urgents de la population sont
principalement le travail -la création d’activités productives, notamment au travers de modalités
coopératives- et la formation, et notamment la formation à l’entreprenariat.
Cette vision locale du développement indique donc bien la prise de conscience des populations locales et
leur responsabilisation dans la gestion de leur propre développement. Il s’agit donc bien de propositions
concrètes de développement local, de gestion des terroirs et de développement rural décentralisé. Ces
requêtes sont notamment dues au fait que les populations ne considèrent plus que les autorités et
institutions nationales et régionales leur permettront de se développer. Elles veulent être à la base des
conceptions et de la mise en œuvre des actions de développement de leur commune tout en évoquant des
conditions sine qua non, à savoir un financement, une formation et une assistance technique tout au long
de leurs projets.
Plus précisément, les jeunes en fonction de leurs niveaux scolaires désirent développer deux types
d’activité :
- les diplômés de l’enseignement supérieur n’ayant pas trouvé d’emploi désirent monter des
projets industriels de type agricole, plutôt individuels, mais ils ne rejettent pas l’idée de
coopératives. Nous détaillerons ces projets pour chaque délégation ;
- alors que les jeunes hommes, ayant suivi une formation professionnelle dans des petits métiers
telles que la menuiserie, la ferronnerie, le travail du plâtre, etc. désirent se regrouper afin de
créer un « ensemble de petits métiers ». D’autres désirent développer des activités plus
artisanales, toujours dans les mêmes domaines (la menuiserie, la ferronnerie, la poterie, le travail
du cuivre, la broderie, etc.), avec la participation des jeunes femmes. Et là aussi, une volonté de
regroupement pourrait prendre la forme d’un « ensemble artisanal ». Tous ces jeunes désirent,
outre un financement pour démarrer, une formation et surtout une assistance tout au long du
démarrage du projet.
De leurs côtés, les femmes désirent développer des activités productives à domicile, dans un cadre qui
pourraient s’appeler « les familles productives », en se regroupant sous forme de coopérative. Elles désirent
élever des poulets fermiers (des œufs fermiers), de la dinde fermière, des lapins, mais elles ne savent pas
toujours comment faire, ni comment s’organiser et souhaitent vendre leurs produits en commun, avec un
80
label propre qui mettrait leurs produits en valeur. Les femmes les plus éduquées, souvent jeunes, semblent
très actives dans le lancement et le suivi des différentes démarches nécessaires à ce type d’activité. Mais
comme nous l’avons vu plus haut, les difficultés sont nombreuses.
Quant aux agriculteurs, ils tiennent absolument à avoir une « coopérative de service agricole » qui leur
permettraient d’acheter en commun des semences, des engrais, du fourrage, etc.
A ce stade de l’étude, l’identification précise des populations cibles est évidemment prématurée.
Cependant, nous avons ici un aperçu concret, mais non exhaustif, des projets que les populations désirent
mettre en place.
A. La délégation d’El Alâa El Alâa est la délégation la plus défavorisée des trois délégations étudiées dans la région de Kairouan. Cette
délégation ne compte que 14 km24 de routes bitumées et un taux de raccordement au réseau
d’assainissement et à l’eau potable très faible25. Le nombre de lit d’hôpital par habitants est aussi le plus
faible26 et on y retrouve également un nombre élevé de famille nécessiteuse par habitant, de même qu’un
taux de pauvreté27et de chômage très important28.
1. Population active
Les actifs occupés Selon les autorités locales, les habitants vivent essentiellement de l'agriculture et subissent la saisonnalité
de ce secteur, étant donné que pratiquement aucune culture maraîchère n’est produite. Les autres
habitants ont quitté la délégation pour travailler ailleurs en Tunisie ou en Lybie.
Les ouvriers agricoles rencontrés se plaignent des mauvaises conditions de vie dues à leur faible salaire. En
effet, tous disent être payés en dessous du SMAG29et n’avoir aucune couverture sociale.
24 ODCO, Gouvernorat de Kairouan en Chiffres, 2010 p 26 25 ODCO, Gouvernorat de Kairouan en Chiffres, 2010, eau potable p 20, assainissement p 25 26 ODCO, Gouvernorat de Kairouan en Chiffres, 2010 p 52 27 ODCO, Gouvernorat de Kairouan en Chiffres, 2010 p 64 28 ODCO, Gouvernorat de Kairouan en Chiffres, 2010 p 48 29 - Le salaire minimum agricole garanti est fixé à 7,749 dinars par journée de travail effectif pour les travailleurs des
deux sexes âgés de 18 ans au moins. - Il est octroyé aux travailleurs agricoles spécialisés et qualifiés une prime dénommée « prime de technicité » dont le montant est uniformément fixé et qui s’ajoute au montant du salaire minimum agricole garanti, et ce, pour chaque journée au cours de laquelle l’ouvrier accomplit un travail nécessitant une spécialisation ou une qualification.
81
Les inoccupés D’après les autorités locales30, 80 % de la population est au chômage. Parmi toutes ces personnes sans
emploi, 1 700 sont diplômées de l’enseignement supérieur et sont généralement au chômage depuis près
de 10 ans et disent vouloir travailler dans la fonction publique. Ils sont tous extrêmement amers mais
demeurent tout de même assez optimistes et ont été la source d’un grand nombre d’idées de projets qui
seront présentés ci-dessous.
2. Contraintes
Agriculture Les agriculteurs masculins (d’âge moyen et élevé entre 35 et 60 ans environ), soutenus par les femmes,
regrettent l’absence de périmètres irrigués et de forage. Par ailleurs, ils n’ont aucun moyen financier de
développer de nouvelles cultures sur leur terre. L’Etat n’a en effet mis en place aucun système de drainage
des eaux pluviales. Aucun soutien et aucune réflexion n’ont été développés afin d’encourager et encadrer
les initiatives de développement agricole.
Santé La délégation possède un nouvel hôpital, considéré comme très correct par la population féminine locale.
Cependant, les hommes considèrent que « les murs ne soignent pas » et tout le monde s’accorde à dire que
cet établissement est sous-équipé tant en ressources matérielles qu'en ressources humaines.
Éducation Les mères de familles se plaignent d’un nouveau phénomène : l’abandon scolaire de leurs enfants. Elles
attribuent ce phénomène à la mauvaise qualité des enseignants. En effet, les jeunes quittent l’école à la fin
de la septième et huitième année (première et deuxième année de collège) et ne bénéficient pas de
formation professionnelle complémentaire étant donné qu’il n'y a pas de centre de formation à El Alâa. De
plus, de nombreux pères s’opposent à ce que leurs jeunes enfants aillent étudier ailleurs, que ça soit dans
une autre délégation ou même à Kairouan.
Les autorités locales attribuent cela plus à des problématiques culturelles qu'économiques étant donné que
des aides sont prévues à cet effet. De plus, elles confirment le phénomène d’abandon scolaire et son
accentuation depuis 3 ans et attribuent cela à un recul du rôle des parents et notamment de celui du père,
tout en ne semblant pas s’accorder sur les causes de ce phénomène.
30 Entretien en focus group avec le délégué d’El Alaa et d’autres responsables locaux, dans les locaux de délégation le
4 décembre 2012.
82
Quant aux quelques très jeunes personnes rencontrées, peu ou pas diplômés, elles ne veulent
généralement même plus travailler la terre. En effet, face aux déboires des diplômés, les plus jeunes ne sont
absolument pas encouragés à continuer leurs études. Leur seule volonté est de quitter la région voire le
pays, bien plus que leurs ainés. Et ce futur migratoire n’est pas vraiment envisagé vers la Libye mais plutôt
vers l’Europe via l’Italie, de façon irrégulière.
Infrastructure (demandes effectuées auprès des autorités régionales et nationales)
Les autorités locales, soutenues par les femmes qui souhaitent s’investir dans des projets de coopératives
« fabrication – vente », demandent urgemment que la GP3 soit reliée à la RN12 afin de désenclaver la
délégation et de faire d’El Alâa une zone de passage et de faciliter la circulation, et l’accès à une route
passante qui permettrait aux femmes de faire connaitre et commercialiser leurs produits artisanaux et
agricoles.
Les habitants, aussi bien hommes que femmes, des localités de Ouledmassaoud, Ouesseltia, Hay Rzaïguia, El
Gerhia expliquent qu’ils sont considérés comme des habitants de zones communales alors qu’ils ne
bénéficient ni d’électrification, ni d’assainissement des eaux usées, ni même de chaussées. Les autorités
locales confirment la nécessité d’aménager ces quatre localités et demandent l’appui de la part des régions
et les jeunes hommes attendent quant à eux la concrétisation de l’aménagement d'une zone industrielle.
La population rencontrée a fait part de son impatience à voir la création d'un centre de recettes des
finances. D’après eux, le local existe, de même que le logement de fonction mais ils sont tout de même
actuellement obligés d'aller à Haffouz (délégation limitrophe) pour acheter ne serait-ce qu'un timbre fiscal
d’1 DT ; la mise en place d’une telle administration serait donc particulièrement soulageant. Lors de la
séance de restitution, les autorités locales ont bien confirmé cet état de fait.
Les parents se plaignent de l’absence d’activités parascolaires car, malgré le fait que la maison des jeunes
emploie sept diplômés de l’enseignement supérieurs, aucune activité n'est mise en place. Ils demandent
donc à la délégation de la culture de réactiver ce lieu.
Les propriétaires d’huileries (parmi lesquels trois ont été rencontrés) demandent, quant à eux, de disposer
urgemment de réparateurs des machines des huileries car les compétences locales sont rares et ils sont
obligés de faire appel à des compétences extérieures alors que cela engendre des coûts élevés.
83
Opportunités de développement Les populations locales sont tout à fait conscientes des faiblesses de leurs délégations tout en déclinant
avec fierté les opportunités offertes par leur région.
En effet, ils ne tarissent pas d’éloges sur les oliviers très productifs d’El Alâa. En effet, un olivier d’El Alâa
produit à lui seul cent litres d’huile, soit la même quantité que celle produite par un hectare d’oliviers
d’autres régions tunisiennes.
Ils sont aussi fiers des plantations importantes d’amandiers biologiques, mais avouent ne pas savoir en tirer
réellement profit. Ils affirment également bénéficier d’une densité et d’une quantité importante de figues
de barbarie complètement sauvages (production sans technique d'éclaircissage) mais ne s’en occupent pas
car ils estiment que dans l’état actuel des choses, l’exploitation de ces ressources ne leur rapporterait rien.
Pourtant, certains jeunes, pour la plupart diplômés évoquent la possibilité de tirer largement profit de ce
que « Dieu leur a offert31».
Projets Communautaires Cependant, ces propositions de projet ont surtout émané des hommes, agriculteurs ou pas, jeunes ou
moins jeunes, diplômés ou pas.
Nous serons un peu long sur El Alâa, pas parce qu’il y plus de projets à mettre en place qu’ailleurs, mais
parce que des points de méthodologie s’imposent et ne seront pas repris pour les deux autres délégations.
L’agriculture, l’élevage et l’artisanat Il ressort très clairement que les participants au focus group désirent tout d’abord établir une
différenciation et une labellisation des produits agricoles et notamment de l’huile d’olive romane, ce qui
leur permettrait de vendre leur huile plus cher et de faire connaître leur région. Ils désirent également
développer l’agriculture biologique, notamment celle de l’amandier grâce, là aussi, à une labellisation de la
production. Mais les démarches de labellisation ou d’AOC sont longues et très rigoureuses (voir annexes 4
et 5).
D’une part, ils désirent aussi disposer des unités de broyage « en commun » pour piler les branches
élaguées des oliviers ce qui fournirait un engrais organique quasi gratuit et « propre » permettant de
doubler la production d’olives. Et d’autre part, pour écraser des branches de cactus « raquettes » servant à
l’alimentation du bétail.
L’élevage des poules et des lapins fermier, est une activité plutôt exercée par les femmes qui désirent se
regrouper pour augmenter la taille de leur élevage et pour avoir une « force de négociation » au moment
de la vente.
31 Propos émis lors du focus group du 5 Décembre 2012.
84
L’industrie et l’agro-alimentaire Tous les projets cités ci-après nécessitent que la population préconise une organisation sous forme de
coopérative où l'État jouerait éventuellement un rôle de chef d'orchestre. Les projets proposés sont divisés
en deux parties : ceux proposés plutôt par les hommes et ceux proposés plutôt par les femmes.
Les projets proposés plutôt par les jeunes hommes sont une unité de conditionnement d'huile d'olive, une
unité de fabrication de shampoing, une unité de distillation d'huile de romarin, une unité d'extraction
d'huile de barbarie, une unité de fabrication de savon domestique et cosmétique. Ils souhaitent également
la réouverture des mines de zinc et de plomb, d’oxyde de fer, mines qui sont fermées depuis le départ que
les Français ont quitté la Tunisie, lors de l'indépendance. Des recherches de terrain avaient été réalisées sur
ce sujet par un bureau d’étude canadien, il y a quatre ans, mais les résultats de celui-ci sont introuvables.
Les projets proposés plutôt par les jeunes femmes sont : une unité confection de pâte d'amande, une unité
de fabrication de cosmétiques à base d'huile d'olive, de figues de barbarie ou de romain.
Le Tourisme D’après les participants, les ressources forestières et paysagères offrent de grandes opportunités de
développement éco-touristique. En conclusion, les focus group d’El Alaa se résument en deux mots:
désenclavement et labellisation.
B. La délégation d’El Oueslatia El Oueslatia se situe au milieu de notre classement (voir annexe 2), mais elle détient cependant le nombre
de familles nécessiteuses par 1000h le plus élevé et le solde migratoire négatif le plus élevé des trois
délégations retenues. Tout comme les autres délégations, El Oueslatia a un taux de chômage important32.
1. Population active
Les actifs occupés33 Comme pour Nasrallah et El Alâa, il n’y a aucune industrie au niveau local. Les habitants sont agriculteurs,
apiculteurs ou fonctionnaires (environ 1 500) et le reste de la population travaille à l'extérieur de la
délégation, voire même très souvent hors du gouvernorat ; et même environ 300 hommes travaillent en
Lybie, dans les secteurs de l'agriculture ou du bâtiment.
32Idem, ODCO, même source et même page que pour El Alaa. 33Tous les chiffres de cette section (Les actifs occupés et Les inoccupés sont issus du focus group avec les responsables locaux de la municipalité d’El Oueslatia, dans les locaux de délégation le 11 décembre 2012.
85
Les filles qui travaillent ne le font pas dans leur délégation ni même dans le gouvernorat mais bien dans les
industries textiles et de câblerie du Sahel ou en tant qu’aide-ménagère pour 90 % d’entre elles. Ce
phénomène est nouveau, mais d’après les personnes présentes dans les focus group, ce travail, quoi que
peu valorisant, est plus sûr et économiquement plus intéressant. En effet, les futurs employeurs se
déplacent chez eux pour recruter leur personnel de maison, ce qui permet au père de famille de connaître
les employeurs de leurs filles. De plus, elles sont logées et nourries et ne grèvent dès lors pas leur salaire.
Si les familles semblent contentes de ce nouveau créneau, les autorités locales estiment que cela porte
préjudice à la notoriété de la région. Ainsi, la délégation, au lieu d’être reconnue pour ses richesses
agricoles, devient connue comme étant le bassin de femmes de ménage au sein duquel les intermédiaires
sillonnent la région à la recherche de la personne qui satisfera leurs employeurs. De plus, les autorités
locales, s’inquiètent du fait que les filles partent de plus en plus jeunes et que les pères de familles soient
de plus en plus tentés de faire travailler celles-ci.
Les inoccupés D’après les autorités locales, El Oueslatia compte 1 600 diplômés de l'enseignement supérieur chômeurs
(soit 10 % de la population en recherche d'emploi). De plus certains d'entre eux n'ont jamais travaillé et
sont au chômage depuis 10 ou 11 ans.
Les chômeurs rencontrés lors des focus group, demandent en priorité une formation à l'auto-
développement et une unité d'aide à la recherche d'emploi. Ils demandent également des financements
plus importants et correspondants au montant total du projet. Une fois le projet approuvé, ils demandent
une aide tout au long de la phase de lancement du projet. Cette aide leur paraît aussi nécessaire pour
commercialiser leur produit étant donné que beaucoup de projets ont échoué à cause de difficultés de
commercialisation.
2. Contraintes
Agriculture La population, notamment les éleveurs, disent ne plus s’en sortir, à cause de la sécheresse et du prix élevé
du fourrage. Ils ne peuvent plus vivre de l’élevage mais ne savent que faire pour avoir des revenus.
D’ailleurs, d’après les autorités locales, même les villageois qui ont reçu des aides pour acheter du bétail
vendent rapidement leur élevage par nécessité économique, avant même qu'il n'arrive à maturité, pour se
reproduire ou avoir du lait. De ce fait, le nombre de bovins est passé de 1 700 à 200 en moins de trois ans.
Lors des focus group avec la population locale, les femmes ont insisté sur le fait qu’elles auraient aimé
s’investir dans des activités laitières et fromagères artisanales mais qu’elles ne disposaient pas de circuits de
commercialisation en dehors de la région et que la population locale est trop pauvre pour s’offrir de tels
produits et que dès lors, elles se contentent de produire pour leur propre usage domestique.
86
L’apiculture au djebel Oueslat est une activité entièrement privée (propriétaires privés qui disposent de 5 à
2 700 ruches d’après les autorités locales), Les personnes concernées par cette activité, ou du moins qui en
savent quelque chose, regrettent que le miel de cette région, riche en herbe aromatique, ne soit pas
valorisé. Elles regrettent aussi l’absence de structure de collecte (notamment une coopérative) permettant
aux petits producteurs d’avoir une force commerciale et une capacité de négociation plus importante avec
les acheteurs.
Santé Comme dans les autres délégations, et même avec plus d’acuité, le problème de la santé se pose. La
population dispose d’un hôpital local et d’une section urgence mais de peu de médecins (3 médecins pour
56 000 habitants34) et peu voire pas d’équipements. La population demande, et ceci depuis longtemps
d’ailleurs, un hôpital régional étant donné que les hôpitaux les plus proches sont ceux de Kairouan (60 km)
et de Siliana (36 km).
Industrie La population locale, qui réclame l’installation d’entreprises industrielles, râle contre le fait qu’il n’y ait
qu’une seule entreprise présente sur le territoire. En effet, seule la société « Fourat », qui exploite l’eau
minérale, est implantée dans la région. D’après, les participants du focus group et elle n'emploie que 60
personnes durant les périodes de fortes activités alors que l’eau qu’elle exploite est considérée par les
habitants de la région comme une richesse locale rare et importante.
Artisanat L'artisanat, qui constituait un complément de revenu conséquent, et qui consistait notamment en la
fabrication des tapis, a quasiment disparu d’après les femmes rencontrées. Le prix de vente du tapis serait
ainsi égal, inférieur ou de rares fois légèrement supérieur à son coût de revient alors qu'il est vendu en
magasin 4 à 5 fois son prix d'achat. Aussi, elles demandent une organisation de leurs métiers qui leur
permettrait de vivre de leur activité.
34 ODCO, Gouvernorat de Kairouan en Chiffres, 2010 p. 52.
87
3. Opportunités de développement
Infrastructure La population ne paraît pas se plaindre de l’infrastructure dont elle dispose et ceci a été confirmé et chiffré
par les autorités locales. En effet, le raccordement à l’eau potable est effectué à 98 %35, tout comme celui
aux eaux usés ONAS36. En ce qui concerne les routes, 50 %37 d’entre elles sont régionales, 20 % sont
enrobées et 80 % sont en tri-couches et praticables en tout temps38.
La maison de la culture est fortement appréciée, la fréquentation y est bonne et les activités proposées
jugées satisfaisantes.
Les autorités locales paraissent fières de l’existence d’un centre d'études de plantation de 1 800 hectares.
Mais la population présente juge que c’est un grand gâchis puisque seule une petite partie de cette
superficie est exploitée. Ces mêmes autorités confirment ce constat (60 hectares sont exploités pour le
développement des semences) et ajoutent que le centre dispose d'un matériel agricole non utilisé depuis
dix ans et laissé à l’extérieur à la merci des intempéries.
Le Centre de Formation Professionnelle Agricole, ancien palais de Bourguiba, qui s’étend sur une surface de
375 hectares, est lui aussi sujet à polémique. Ce centre propose trois spécialités : l’élevage bovin,
l’apiculture et l’élagage des arbres. D’après la population locale, les jeunes issus de ce centre ne savent
« rien faire » et ne sont donc pas recrutés. Les parents sont également déçus de voir que leurs enfants
fraichement diplômés ne sont pas finalement pas recrutés. En fait, ce centre semble d’une part, avoir une
piètre qualité de formation et d’autre part, ne pas répondre aux besoins réels des employeurs. Ainsi il y
aurait une insuffisance des emplois crées dans ce type de secteur et les employeurs ne mesurent pas le plus
que pourrait apporter une personne formée. D’après les autorités locales, une restructuration de ce centre
est en cours d’étude tant sur le plan des spécialités proposées que du contenu de ces spécialités.
Dans cette restructuration, une formation à l’entreprenariat pourrait être envisagée. Ceci constitue une
forte demande des jeunes, mais la direction de ce centre ne peut prendre ce type de décision bien que ce
type d’idée lui paraisse très intéressant. C’est en effet à la Direction Générale de l’Agence de Vulgarisation et
de Formation Agricole, qui se trouve à Tunis, que ce type de demande doit être formulé.
En parallèle, ces jeunes attendent la création d’une zone industrielle et la concrétisation de multiples
promesses. C’est d’après eux la « première et la seule possibilité d'attirer les investisseurs Tunisiens et
étrangers 39 » pour les faire travailler puisque selon eux la priorité de recrutement leur sera accordé. D’ores
et déjà, certains jeunes, et quelques moins jeunes, sont attirés par un projet d'investissement tuniso-libano-
35 ODCO, Gouvernorat de Kairouan en Chiffres, 2010 p. 20. 36 ODCO, Gouvernorat de Kairouan en Chiffres, 2010 p. 25. 37 ODCO, Gouvernorat de Kairouan en Chiffres, 2010 p. 26. 38ODCO, Gouvernorat de Kairouan en Chiffres, 2010 p. 26. 39 Focus group avec la population locale d’El Oueslatia responsables locaux 12 décembre 2012.
88
suisse doté d'un budget de 100 millions de dinars qui devrait bientôt se concrétiser40. Ce projet de
production d'eau oxygénée créerait entre 600 et 800 emplois. L'eau en question ne contient que 7 % de
nitrates, ce qui est tout à fait exceptionnel puisque la teneur habituelle en nitrates est de 27%41.Il n’y aurait
donc pas besoin d'adjonction de produits supplémentaires. Cette entreprise serait la troisième de ce type à
voir le jour dans le monde et la première à l'échelle africaine. Les données évoquées ont été confirmées et
développées par les autorités locales.
Par ailleurs, toutes les personnes rencontrées sont unanimes sur la richesse que présentent les carrières de
silicium et certains regrettent l’existence de plusieurs carrières non exploitées. D’autres, au contraire,
regrettent que le peu de carrières exploitées ne leur rapportent rien localement et ne souhaitent pas voir la
carrière exploitée si cela n’apporte pas de bénéfices conséquents à la population locale.
En effet, toujours selon la population présente au focus group, les quelques gisements de sable silicique en
activité sont destinés à l'exportation notamment vers l'Italie. Deux usines travaillent dans ce sens. Ce sable
est paraît-il le plus riche au monde en silicium puisqu'il en contient 98%42, et pourtant la région n’en tire
aucun bénéfice car selon eux le prix de vente est très bas. Les jeunes sont sur ce sujet très virulent, et ils
attendent là aussi une réorganisation de l’activité.
4. Projets communautaires
Industrie et industrie agro-alimentaire Là aussi, la population locale subdivise ces propositions de projets en deux parties : celles qu’elle pourrait
gérer elle-même et celles qui leur offrirait du travail.
Pour la première catégorie de projets, la population locale préconise la mise en placede stations de tri, de
conditionnement d’emballage et d’industrialisation des produits agricoles, d’une unité de transformation et
de conditionnement de pin d'Alep, d’une distillerie et d’une unité de conditionnement d’huiles et herbes
aromatiques, d’une usine de céramique.
Pour la seconde catégorie de projet, la population locale envisage la création une centrale laitière, d’ une
usine de fabrication du verre pour fabriquer les conditionnements de l'huile d'olive et des huiles
aromatiques, d’une unité de production pharmaceutique et cosmétique à base d’huiles aromatiques pour
valoriser le produit, d’une briqueterie avec les déchets du sable dont a été extrait le silicium et pour finir
une entreprise de fabrication des prismes photovoltaïques grâce au gisement de silicium.
40 Focus group avec les responsables locaux de la municipalité d’El Oueslatia, dans les locaux de délégation le 11
décembre 2012. 41Idem source précédente. 42Idem source précédente.
89
Agriculture, élevage et artisanat Les agriculteurs désirent développer l’agriculture biologique. Les plus jeunes d’entre eux évoquent le
développement de l’élevage extensif avec 2 ou 3 vaches pour chacun d’entre eux car ils ne se sentent pas en
mesure de démarrer avec plus de bêtes. Cet élevage fera l’objet d’un contrôle très strict de l'alimentation,
de la santé et des conditions de vie des animaux. D’autres, désirent monter une unité de collecte et de
ramassage des herbes aromatiques. On retrouve là aussi la volonté de mettre en place des élevages de
poules et de lapins, mais aussi d'escargots (héliciculture).
Tourisme et Sport Les jeunes, comme les moins jeunes, souhaiteraient voir se développer le secteur du tourisme culturel,
écologique et de santé. Ce tourisme intégrerait à la fois les aspects écologiques (forêts et montagnes), les
aspects archéologiques, la découverte, l’observation, l’aventure, le sport (grottes et spéléologie, marche,
promenade équestre) et la gastronomie (miel de djebel Oueslat, Caroube, pin d’Alep, agneau, etc.).
Ces projets sont réalisables car Oueslatia compte de nombreux sites qui peuvent être valorisés de la sorte
(Ain Jloula, Ksar Nimsa, Sidi Amara, Jbel Oueslat et Jbel Essarj) et la montagne et l'air pur sont de réels
atouts dans cette région.
La conclusion des focus group de la délégation d’Oueslatia se résument en ces termes :terre et nature, don
et protection.
C. La délégation de Nasrallah
C’est la délégation qui se porte le mieux en comparaison aux autres délégations étudiées (annexe 3). Il n’en
demeure pas moins qu’elle présente énormément de faiblesses. En effet, les taux de raccordement au
réseau d’assainissement et à l’eau potable sont très faibles. Le nombre de familles nécessiteuses est très
élevé et les taux de pauvreté et chômage sont importants. D’ailleurs, l’emploi salarié dans les entreprises
privées est quasi inexistant à Nasrallah43.
1. Population active
Les actifs occupés D’après les autorités locales, il n’y a aucune industrie dans cette délégation : les habitants sont soit
agriculteurs, soit fonctionnaires (environ 80044) et le reste de la population travaille à l'extérieur de la
délégation et même très souvent du gouvernorat.
43 Idem, ODCO, même source et même page que pour El Alaa et El Oueslatia. 44 Tous les chiffres de cette section (Les actifs occupés et Les inoccupés sont issus du focus group avec les
responsables locaux de la municipalité de Nasrallah dans les locaux de la municipalité le 17 décembre 2012.
90
La population présente (surtout des hommes, apparemment des pères) regrettent que les jeunes filles
soient obligés de quitter leurs villes pour travailler dans le textile, le conditionnement des dates ou de la
câblerie dans la région du Sahel et du Cap Bon. Pour eux, ce phénomène récent (qui date depuis moins de
dix ans), même s’il est nécessaire voir vital économiquement, n’engendre rien de positif si ce n’est une
sensible amélioration de la vie quotidienne.
Par contre, ils sont assez fiers de leurs garçons qui vont travailler en Lybie dans le secteur du bâtiment ou
dans l'agriculture et reviennent ponctuellement au moment de la cueillette des olives et de la moisson.
Beaucoup affirment que leurs enfants sont revenus de Lybie pendant la révolution, mais que ceux qui sont
partis sont encore plus nombreux. Ces travailleurs rapatrient leurs économies et les utilisent pour aider leur
famille ou construire des maisons, mais ils n'investissent pas dans des activités productives. D’ailleurs, les
personnes présentent ne les encouragent pas dans ce sens, car pour eux tant qu’il n’y pas une réelle
organisation économique dans la région, tout est risqué.
Les inoccupés 1 400 diplômés de l'enseignement supérieur sont au chômage, soit 20 % des chômeurs du gouvernorat de
Kairouan, alors que la délégation ne compte que 12 % de la population. Face à ce phénomène, les réactions
ainsi que les attentes sont du même ordre qu’à El Alâa.
2. Contraintes
Agriculture Situation du cadastre : deux situations foncières problématiques
Pour ce point particulièrement, nous avons bien noté les différences de langages entre les parties
rencontrées. En effet, le CRDA de son coté, fait un constat, tente d’expliquer ces phénomènes et d’y trouver
des solutions. De l’autre côté, les autorités locales sont elles aussi conscientes du phénomène, tentent
d’alerter les autorités régionales et accusent cette organisation d’être à l’origine de l’appauvrissement
permanent de leur délégation. La population locale, de son côté, essentiellement représentée dans notre
focus group par des hommes, parle de « vol», de « pillages », « d’injustice », « de passe-droit », « de
volonté politique de les laisser dans la misère45».
Aussi, dans la partie suivante, nous tenterons de résumer les faits des trois parties interrogées, de la
manière la plus objective et la plus synthétique possible car les discussions autour de cette situation
foncière, particulièrement explosive, a mobilisé beaucoup d’énergie et de temps surtout pendant les focus
group avec la population locale.
45 Propos tenus par les présents du focus group avec la population locale qui s’est tenu le 18 décembre 2012.
91
Il est important de constater que lors de la séance de restitution, les autorités locales présentes ainsi que la
population se sont écoutés et approuvés et ont semblé d’accords sur les constats, les problématiques, mais
pas sur la rapidité attendue du changement :
- 80 %46 des terres sont des terres domaniales. Les agriculteurs n’ont aucun titre de propriété (ce qui
est normal puisque les terres appartiennent à l’État) mais ils demandent tout de même la cession
des terres par l’État à leur profit, ce qui leur a été refusé. L’État leur propose la location de ces
terres mais ils refusent cette solution du fait qu’ils considèrent celle-ci comme la leur, étant donné
qu’ils l’exploitent depuis 2 ou 3 générations et qu’ils refusent de louer des terres qui sont déjà de
leur propriété ;
- les Sociétés de Mise en Valeur et de Développement Agricole(SMVDA) possèdent sept fermes de 10
00047hectares qui comptent en moyenne 33 000 oliviers48 et ils ont l’obligation de recruter
seulement 17 ouvriers dont 1 technicien par ferme et d’investir une partie des bénéfices. La
population de Nasrallah demande la redistribution de ces terres en plus petites parcelles, car elle
estime n’en tirer quasiment aucun bénéfice étant donné qu’ils considèrent que les exploitants ne
réinvestissent rien, n’emploient personne et ne font que piller une terre qui leur appartient. De
plus, d’après eux, l’octroi des titres d’exploitation à ces sociétés n’a bénéficié d’aucun critère
objectif.
Les domaines de l’État ne peuvent pas revenir sur ces contrats sauf en cas de manquement à l’exécution de
celui-ci. Ils commencent d’ailleurs à regarder de plus près ce qui s’y passe, et, dans la localité de Touilla de la
délégation de Nasrallah, une décision de déchéance de droit d’une SMVDA a été ordonnée car plusieurs
manquements aux clauses mentionnées dans le cahier des charges ainsi que du contrat de location ont été
enregistrés. Cette société n’aurait implémenté aucun système de couverture sociale pour les travailleurs et
se serait approprié les bénéfices de la récolte des olives d’une manière illégale, sans honorer ses dettes.
Cette déchéance de droit a eu un impact très positif sur la population qui commence à croire dans
l’arbitrage étatique car ceci entrainerait une multiplication par 10 des sociétés, avec des contrôles plus
stricts tant en ce qui concerne les recrutements que dans la distribution des terres qui, cette fois, seraient
distribuées aux exploitants locaux. Cette redistribution serait assortie d’une obligation de réinvestir une
partie des bénéfices dans le développement local.
46Chiffres issus du focus group avec les responsables locaux de la municipalité de Nasrallah dans les locaux de la
municipalité le 17 décembre 2012. 47Idem source précédente. 48 Idem source précédente.
92
Qualité des terres, et de l’eau
La population locale rencontrée déplore le manque d’eau et le peu de forages existants. De plus, d’après le
CRDA et le délégué de la délégation de Nasrallah, le surpâturage des montagnes (chaînes Chrahil et Mnara)
entraîne une dégradation du sol de 97 % malgré la proximité du barrage de Sidi Saâd.
Assistance, commercialisation
La population, et surtout les jeunes hommes, se sent complètement abandonnée. En effet, ils ne
bénéficient quasiment pas d'assistance technique, ont du mal à écouler leurs produits agricoles, qu’ils
doivent dès lors souvent brader. De plus, les crédits leurs sont systématiquement refusés car d’après eux, ils
ne connaissent personne d’influent. Or, d’après l'APIA, la faiblesse des financements s’explique d’une part,
par les problèmes constatés au niveau des titres fonciers de propriété des terres et d’autre part, par
l’absence des points d'eau et de sa mauvaise qualité (salinité de plus en plus importante). L’APIA affirme
donc qu’elle ne peut pas financer des projets dont les deux conditions essentielles ne sont pas remplies.
Infrastructure
Là aussi, les hommes, mais cette fois de tout âge, et de toutes conditions, décrient le très mauvais état des
routes entre les communes de la délégation et les pistes agricoles. Celles-ci deviennent dangereuses et
impraticables, « même en tracteur 49», par mauvais temps. Ils ne disposent pas de station d'épuration, et,
toujours d’après eux, des fosses sont creusées partout, parfois proches de sources d'eau potable, ce qui les
fait douter quant à la qualité de l’eau qu’ils consomment.
Santé Les femmes sont plus volubiles en ce qui concerne la santé, comme si elles étaient les seules bénéficiaires
des services de santé. Pour elles, le système de santé de base est déficient et présente de gros problèmes
dans la gestion des urgences. Il y a quatre médecins au lieu des sept prévus, notamment à cause de la
grande difficulté à trouver des remplaçants. Elles constatent également un manque criant de matériel et la
vétusté de l’existant. Tout ceci fait qu’il y a beaucoup de passation de patients sur Kairouan. Cela leur pose
de gros problèmes financiers et familiaux.
Opportunités de développement La population locale attend la création d'une zone industrielle qui d’après les responsables locaux a pris du
retard à cause de la pesanteur administrative. Ils affirment également que la population qualifiée est
présente et mobilisable à tout moment et que la situation des terres est en cours de régularisation.
49 Propos tenus par les présents du focus group avec la population locale qui s’est tenu le 18 décembre 2012.
93
Les jeunes rencontrés -pour la plupart chômeurs de tous niveaux d’éducation- se disent prêts et très
motivés à travailler à leur compte –surtout les diplômés- ou dans des futures entreprises, car pour eux, ils
ne peuvent s’en sortir qu’en travaillant. Les plus âgés n’ont quant à eux pas l’air d’y croire, ils pensent que
tout changement est difficile. Il s’agit d’une « question de mentalité »50.
3. Projets communautaires
Pour l’industrie et l’agro-alimentaire Les jeunes hommes désirent la réouverture en commun d’une unité de recyclage de plastique utilisée par
les serres agricoles. L'activité existait auparavant mais, faute de moyens de transport pour ramasser les
déchets, l'entreprise a fermé. Elle employait huit personnes.
Ils souhaitent également le développement d’une industrie agro-alimentaire de base car tout se fait à
l’extérieur de la délégation et même du gouvernorat. La salaison des olives se fait à Korba, et le pressage de
l'huile à Sfax.
Ils veulent également, la mise en place d’une usine de céramique car il y a une présence d'argile
importante. Les jeunes femmes présentes souhaiteraient reprendre une usine de confection qui a fait faillite
ou du moins a été mal gérée dès le départ. D’ailleurs son gérant, étranger, a disparu sans laisser de traces ni
payer ceux qui travaillaient dans son entreprise. Là aussi, le personnel est présent et peut à tout moment
être remobilisé pour reprendre l’activité.
Ils désirent aussi l’installation d’une usine de ciment, mais pour cette unité, ils ne s’estiment pas capables de
la gérer seuls, seulement d’y travailler. Cette usine utiliserait le gravier, le calcaire et le sable extrait
localement.
Agriculture, élevage et artisanat Là aussi, les propositions viennent plutôt des hommes jeunes, ils désirent développer l’apiculture ne serait-
ce que pour faciliter la pollinisation des terres qui ne cessent de s’appauvrir, introduire un élevage intensif
de bovins et d’ovins, récupérer du grignon et le transformer en cube pour la vente, ce qui rapporterait une
plus-value importante par rapport à la vente en vrac.
Les femmes proposent plutôt l’exploitation d’un élevage sous forme de coopérative de lapins et
d’autruches. Elles souhaitent également la création de coopératives féminines pour de développement de
productions artisanales, à savoir, la laine, la poterie (fabrication et décoration), la peinture sur verre ou sur
soie, etc.
50 Propos tenus par un des présents, approuvé par d’autres, du focus group avec la population locale qui s’est tenu
le 18 décembre 2012.
94
Tourisme Le développement d’un tourisme écologique autour de sites naturels et écologiques fait l’unanimité des
participants, tous y sont favorables car ce type de tourisme ferait connaître leur localité et entraînerait le
dynamisme économique de la région. En fait, le tourisme ferait « tout marcher51» : l’artisanat, la vente de
produits fermiers. Les sites envisagés pour le développement de l’activité sont le parc de Touatti et le
barrage. En ce qui concerne les activités, ils proposent des randonnées en hiver et au printemps, des
balades à dos d’âne, des ballades en barque dans le barrage, de la pêche dans le barrage. Des petits gîtes
pourraient être développés tout au long de parcours. Des formations dans le domaine touristique, des
langues (même si certains sont diplômés en langues) sont fortement demandées.
Le développement d’un complexe sportif autour d’une piscine non couverte déjà existante est envisagé. La
prise en charge de cette structure par le Ministère des sports de cette infrastructure devrait permettre de la
faire évoluer vers la création d’un complexe sportif avec des terrains de sport et une piscine couverte. Les
demandes actuelles se font pour l’extension des activités et des équipements sportifs.
51 Propos tenus par les présents du focus group avec la population locale qui s’est tenu le 18 décembre 2012.
95
Conclusion Pour beaucoup, jeunes et moins jeunes, le manque de ressources les pousse à abandonner les idées de
projets qu'ils seraient disposés à entreprendre. Le difficile accès au financement classique les pousse vers le
microcrédit qui, de par les montants alloués, le manque d’aide et de suivi rend les différents projets peu
viables, entraîne souvent un surendettement et devient à son tour une source de pauvreté supplémentaire.
Outre les difficultés d'accès au financement, l’environnement ne favorise pas l’entreprenariat. Il existe en
effet, un grand déficit d’appui institutionnel et technique et des difficultés de commercialisation qui ne
peuvent être gérées de façon individuelle. Cet état de fait impacte négativement et durablement la
rentabilité des projets et retarde d'autant les progrès en matière de développement local et de recul de la
pauvreté.
Aussi, la recherche d'un emploi pour les chômeurs ou d'une meilleure situation pour les ouvriers devient la
seule solution de subsistance. Cette recherche est souvent vouée à l’échec car les opportunités locales sont
quasi nulles. En effet, les trois délégations souffrent d'une absence totale d'unité industrielle génératrice de
revenus et d'emplois. L'activité économique principale de la population relève du secteur primaire, qui est
dans la plus plupart des cas une activité saisonnière et dépendante de la pluviométrie et des aléas
climatiques.
Tout ceci fait que certaines catégories de population, notamment les plus jeunes, sont poussées vers une
émigration à destination des villes du Sahel, du Cap Bon, ou de la capitale, quand ce n’est pas vers la Lybie.
D’autres jeunes, victimes de l’abandon scolaire précoce ou même diplômés de l’enseignement supérieur,
sont en déshérence et se sentent perdus devant des perspectives d’avenir fermées et des chances limitées
de retrouver un travail. Le reste de la population bénéficie d’une aide sociale, jugée très insuffisante.
Toutefois, une partie non négligeable de ces populations (les femmes notamment) entreprennent quelques
activités localement, très souvent faiblement rémunératrices. D’ailleurs pour elles, un regroupement
associatif ou en coopérative est nécessaire. Mais s’organiser par elle-même sans une intervention
extérieure semble très difficile. Aussi, une des volontés clairement affichée par un certain nombre de
femmes est l’augmentation de leurs revenus – et donc la condition de vie de leur ménage – en réussissant à
s’insérer dans une activité économique viable.
Certes, les sentiments de marginalisation et d'exclusion causés par les insuffisances, de programmes et
d'infrastructures autorisant l'accès à des services sociaux économiques est important voire grandissant.
Certes, les résultats des différents programmes et mesures publics sont mitigés. Certes, les premières
réunions des focus group ont été relativement difficiles, à cause du sentiment de frustration qui pousse tant
de participants à laisser éclater leur colère avant de tenir un propos plus constructif. Certes, un changement
crédible malgré les échecs passés prend du temps.
96
Cependant, la volonté des populations, notamment les jeunes et les femmes, de vouloir jouer un rôle, en
tant que partenaires actifs, est réelle et pleine d’enthousiasme. Ils souhaitent être partie prenante de
l’exploitation des richesses locales dont ils ne voient pour l’instant pas l’impact local.
D’ailleurs, les projets proposés, souvent réfléchis en adéquation avec le milieu, nous montre bien la lucidité
et la parfaite connaissance qu’ont les populations de leur environnement. L’adoption d'une démarche
participative, qualitative, assure, sans nul doute, de meilleures orientations pour rechercher l'efficience,
l’efficacité et le ciblage adéquat des populations et des projets visant un développement économique et
social durable.
97
IV : ANNEXES
Annexe 1
Données générales sur la délégation de Jendouba
- Fernana
Superficie 40 800 ha. (13,2 % de la superficie du gouvernorat)
Division administrative
1 municipalité (Fernana)
15 secteurs (Imadat dont 13 dans des zones non communales et 2 dans des zones communales)
Frontières administratives
Au nord : Ain Draham
Au sud : Jendouba et Ghardimaou
A l’est : Balta Bou Aouen
A l’ouest : Algérie
Population (2009)
52 900 habitants dont :
- zones non communales : 49 700 (93 %)
- zones communales : 3 200 (7 %)
Nombre de ménages (2004)
11 600 ménages dont :
- zone non communale : 11000 (98,4 %)
- zone communale : 600 (1,6 %)
Nombre d’habitats (2004)
12 400 logements dont :
- zones non communales : 11500 (92,7 %)
- zones communales : 900 (6,3 %)
Solde migratoire (2004) -1 221 habitants
Problématiques de développement
- De grandes zones forestières difficilement accessibles
- Taux de chômage élevé des diplômés (troisième position après Jendouba et Bousalem) et des non-diplômés
- Non-raccordement en eau potable dans les zones forestières
- Taux d’analphabétisme relativement élevé
- Migration vers la ville de Jendouba, vers les régions côtières et vers l’étranger
Source: Ministère de développement régional et de la planification et Office de développement du Nord-Ouest (Gouvernorat de Jendouba en Chiffres, 2010).
98
- Ain Draham
Superficie 50 100 ha. (16,2 % de la superficie du gouvernorat)
Division administrative
1 municipalité (Ain Draham)
12 secteurs (Imadat dont 10 dans des zones non communales et 2 dans des zones communales)
1 conseil rural (Hammam Bourguiba)
Frontières administratives
Au nord : Tabarka
Au sud : Fernana
A l’est : Balta Bou Aouane et Gouvernorat de Béja
A l’ouest : Algérie
Population (2009)
38 200 habitants dont :
- zone non communale : 29 500 (77,2 %)
- zone communale : 8 700 (22,8 %)
Nombre de ménages (2004)
9 200 ménages dont :
- zone non communale : 7 000(76,1 %)
- zone communale : 2 200 (23,9 %)
Nombre d’habitats (2004)
10 700 logements dont :
- zone non communale : 7 900(73,8 %)
- zone communale : 2 800 (26,2 %)
Solde migratoire (2004) -2 276 habitants
Problématiques du développement
- Territoire forestier et montagneux
- Forte dispersion et enclavement de la population vivant dans la forêt
- Condition climatique difficile qui accentue l’enclavement de la population
- Infrastructures particulièrement sous-développés (pistes, routes, dispensaires, eau potable, etc.)
- Pauvreté étendue et profonde
- Taux de chômage des diplômés élevé
- Taux d’analphabétisme élevé
- Migration vers la ville de Jendouba, vers les régions côtières et vers l’étranger.
Sources: Ministère de développement régional et de la planification et Office de développement du Nord-Ouest (Gouvernorat de Jendouba en Chiffres, 2010.)
99
- Oued Meliz
Superficie 19 327 ha. (6,2 % de la superficie du gouvernorat)
Division administrative 1 municipalité (Oued Meliz)
5 secteurs (Imadat dont 3 dans des zones non communales et 2 dans des zones communales)
1 conseil rural (Dkhailia)
Frontières administratives Au nord : Jendouba
Au sud : Gouvernorat du Kef
A l’est : Jendouba et Jendouba Nord
A l’ouest : Ghardimaou
Population 18 400 habitants dont :
- zone non communale : 16 200 (88 %)
- zone communale : 2 200 (12 %)
Nombre de ménages 4 400 ménages dont :
- zone non communale : 3 800 (86 %)
- zone communale : 600(14 %)
Nombre d’habitats 4 800 logements dont :
- zone non communale : 4000 (83 %)
- zone communale : 800 (17 %)
Solde migratoire (2004) -96 habitants
Problématiques du développement - Région agricole inefficacement exploitée
- Présence de terres agricoles appartenant aux domaines de l’Etat qui sont faiblement productifs et jusque-là répartis en fonction de critères autres que la compétence
- L’eau d’irrigation est très chère (prix le plus élevé du pays avec Kairouan) et sa qualité est médiocre (les impuretés finissent par obstruer les conduits d’irrigation)
- Taux d’analphabétisme relativement élevé
- Absence d’industrie de transformation de la production agricole
Sources: Ministère de développement régional et de la planification et Office de développement du Nord-Ouest
(Gouvernorat de Jendouba en Chiffres, 2010).
100
Etude sur le terrain
La démarche suivie pour réaliser notre étude sur le terrain a consisté à réaliser :
- des entretiens individuels avec les représentants de l’administration publique locale et régionale
(le Gouverneur de Jendouba, le Premier Délégué de Jendouba, les délégués de Fernana, Oued
Meliz et Ain Draham, le Directeur de l’Agence de Promotion de l’Investissement et de l’Innovation
de Jendouba, le Directeur du Développement Régional de Jendouba) ;
- des focus groups réunissant les associations actives dans le domaine du développement régional
(Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme, Association Medinati, Union des Diplômés Chômeurs,
ABRAR-réseau associatif) et du développement local (Association de développement de Fernana,
Association KollnaTwansa de Fernana, Association Ennour Charité d’Oued Meliz, Association de
développement et d’égalité Ain Sallam-Ain Draham).
Compte tenu du faible nombre d’associations actives et spécifiques à chaque délégation, nous avons
organisé deux focus groups dans la ville de Jendouba : l’un dans les locaux de la Ligue Tunisienne des Droits
de l’Homme (LTDH) et l’autre dans les locaux du siège du Gouvernorat.
101
Potentialités naturelles et écologiques
PPI : Périmètre public irrigué
IAA : Industries agroalimentaires
Source : Schéma Directeur d'Aménagement de la Région Economique du Nord-Ouest.
102
Annexe 2
Données générales Kef
Guide d’entretien pour les entretiens individuels du Kef : Identification des
potentialités et obstacles rencontrés dans les délégations de Nebeur, Sakiet, Sidi
Youssef et Kalâat Khasba
Présentation de l’Etude
Titre: Diagnostic de l’environnement économique et social des délégations de Nebeur, Sakiet Sidi
Youssef et Kalaât Khasba dans le gouvernorat du Kef
Objectif: Identification des potentialités et obstacles à la dynamisation économique et sociale des
délégations de Nebeur, Sakiet Sidi Youssef et Kalaât Khasba
Objectifs de l’Etude
I: Analyse SWOT (Strengths, Weakenesses, opportunities, Threats) de la région et des 3 délégations
identifiées
II: Identification des opportunités d’investissement
III: Identification des secteurs à forte valeur ajoutée
IV: Identification des obstacles à la dynamisation économique
V: Analyse de l'accès à l'emploi par groupes d'âge, genre
VI: identification des services existants pour les groupes marginalisés (handicapés, etc.)
Analyse SWOT
Pouvez-vous présenter rapidement votre gouvernorat ?
Comment se positionne ce gouvernorat par rapport aux autres gouvernorats du pays ?
Pourriez-vous résumer brièvement l’environnement entrepreneurial dans les trois délégations de
l'étude?
Les conditions initiales dans ces délégations sont-elles favorables à la production de certains types
d’activités (secteurs) plus que d’autres? Si oui quelles sont les activités (biens et services) qui sont
les plus adaptées? Et pourquoi?
Quels sont les principaux investisseurs (type et secteurs) dans les délégations de l'étude?
103
Quelles sont les principales forces (points forts) des délégations identifiées ?
Quelles sont les faiblesses (points faibles) des délégations identifiées?
Quelles sont les composantes de l’environnement pouvant favoriser le développement de ces
délégations?
Quelles sont les composantes de l’environnement pouvant freiner le développement de ces
délégations?
Quelles sont à votre avis les principales difficultés rencontrées par les investisseurs dans ces
délégations?
Quelles sont selon vous les opportunités présentées aux jeunes (ou chômeurs en général) dans les
délégations de l'étude pour créer leurs propres entreprises ?
En matière d’activité culturelle et sportive, que pensez-vous de ces délégations. Êtes-vous satisfait
de l’existant? De quoi avez besoin dans l’immédiat?
Analyse sectorielle
Parmi les secteurs cités ci-dessous, quel est le secteur qui offre le plus d’opportunités de marché dans les
délégations de l'étude:
Le secteur du tourisme
Le secteur de l’agriculture
Le secteur de l’agroalimentaire
L'industrie (précisez)
Le secteur des services
Les services sociaux
Auriez-vous des idées de projets que vous aimeriez voir réalisés dans les délégations identifiées comme
étant les plus défavorisées?
Environnement global
Quelle est selon vous la population qui est la plus concernée par cette étude (par délégation): les diplômés
de l’enseignement supérieur, les jeunes chômeurs sans qualification ou les jeunes bénéficiant d’une
formation professionnelle, les chômeurs en général, les migrants de retour, les femmes, les groupes
marginalisés (handicapés, etc.)?
104
Quels sont selon vous les principaux problèmes liés à l’emploi?
Quels seraient les efforts à faire afin d’améliorer l’attractivité de l’économie locale et générer de
nouveaux emplois?
Hormis l’initiative privée à l’investissement, quelles seraient les autres efforts à entreprendre pour
diminuer le chômage?
Quel rôle peuvent jouer les entrepreneurs déjà installés dans l’encouragement de l’initiative privée?
Quel rôle peut jouer l’administration locale pour dynamiser les délégations?
Finalement, pensez-vous que les acteurs (politique, structures d’appui, banques, UTICA,
entreprises) de votre gouvernorat pourraient accepter de collaborer pour relever le défis de la
compétitivité de la région ? Comment ?
105
Analyse SWOT de la Région du Kef
Forces Faiblesses
• L’environnement global propice à l’investissement
– les moyens sont en faveur de l’initiative privée ;
– le climat et l’existence de sources d’eau ;
– le Kef est une zone agricole ;
– la frontière avec l’Algérie ;
– un effort au niveau du Marketing de la région.
• Le Kef est une zone de développement prioritaire avec des projets de développement importants ;
– toutes les délégations du gouvernorat du Kef sont classées « zones de développement régional prioritaire » ;
– deux zones industrielles existantes ;
– des espaces pour accueillir des projets ;
– le cyber parc, la pépinière existante et celle en cours (à l’institut d’agriculture) ;
– le tissu industriel est en cours de diversification.
• Aide à l’investissement
– sensibilisation auprès des jeunes pour encourager l’initiative privée ;
– le centre d’affaires peut aider les jeunes promoteurs.
• Le Kef : zone vierge
– le Kef est une zone vierge en ce qui concerne l’initiative privée ;
– le marché est encore ouvert à de nouvelles idées ;
– la concurrence est faible.
• Abondance des ressources humaines
– plusieurs institutions d’enseignement supérieur et 6 centres de formation professionnelle ;
– dans toutes les institutions universitaires, il y a un module « création d’entreprises » ;
• Faiblesses environnementales
– l’éloignement du gouvernorat du Kef de la côte, des centres urbains, ports et aéroports, autoroute, etc. ;
– l’éloignement de la capitale ;
– manque d’attractivité ;
– les atouts et avantages de la région sont sous-exploités ;
– relativement aux autres gouvernorats, la région du Kef est frontalière, loin des institutions de base telles que les ministères.
• Infrastructure industrielle limitée
– la capacité d’accueil des zones industrielles est très limitée.
• Esprit d’initiative peu développé
– mentalité peu propice à l’initiative privée ;
– l’entreprenariat est faible ;
– les nouvelles idées de projets sont peu nombreuses ;
– généralement les jeunes cherchent un projet facile sans aucune difficulté ;
– l’idée que rien ne marche au Kef est essentiellement basée sur de mauvaises expériences et faillites passées.
• Qualification insuffisante de la main d’œuvre
– la qualification des jeunes représente un problème important ;
– le chômage est élevé.
• Problèmes de financement
– il existe un problème au niveau du financement et surtout l’autofinancement ;
– plus généralement, le frein le plus important se trouve au niveau des financements bancaires ;
– lorsqu’un groupe de jeunes s’associe pour créer une entreprise, ce n’est plus la BTS qui prend en charge le dossier.
106
– les centres de formation professionnelle peuvent être exploités pour les jeunes non qualifiés.
• Insuffisances administratives
– problèmes administratifs ;
– les idées existent mais elles ne sont pas concrétisées notamment à cause de la lenteur administrative et à cause de problèmes au niveau des banques ;
– la qualité de l’accueil est faible.
• Problèmes industriels
– l’éloignement du Kef des centres de consommation ;
– manque de locaux couverts ;
– une rencontre entre hommes d’affaire tunisiens et algériens eut lieu le 8 février. Cependant, il n’y a pas de réalisations observées ;
– il y a un problème au niveau des fournisseurs ;
– le nombre de grandes entreprises qui emploient des gens au Kef est assez limité ;
– le tissu industriel est peu diversifié.
107
Opportunités Menaces
• Opportunités offertes par l’environnement
global
– L’infrastructure est en cours d’amélioration ;
– La frontière avec l’Algérie représente une opportunité d’échanges ;
– La frontière avec l’Algérie représente un avantage insuffisamment exploité.
• Potentiel de développement important
– Les locaux de la pépinière d’entreprises ;
– Extension de deux autres zones industrielles en cours d’aménagement ;
– L’infrastructure est en cours d’amélioration.
• Ressources naturelles à valoriser
– Les opportunités au niveau agricole présentent une perspective positive ;
– Les ressources naturelles non exploitées peuvent représenter du potentiel pour le futur.
• Dynamique récente et soutenue de développement économique
– La situation commence à changer tant sur le plan des mentalités que sur le plan administratif, représentant une base pour les évolutions futures en faveur de la dynamisation de la région ;
– Améliorations au niveau de l’accueil ;
– Efforts de démarchage de la région ;
– Il existe d’autres créneaux porteurs qui pourraient être exploités ;
– L’avenir se trouve dans la région du Nord-Ouest en raison des potentialités existantes et le fait que les régions côtières soient saturées.
• Types d’investissements/Projets
– Les investissements dépendant des avantages actuels qui sont temporaires.
• Menaces liées aux problèmes de financement
– Nécessité de mise à niveau des structures de financement pour s’aligner aux nouvelles conditions ;
– L’autofinancement des jeunes représente une vraie menace à l’investissement privé ;
– Il existe des difficultés liées à l’accueil dans les banques qui découragent les jeunes promoteurs ;
– Les pratiques des banques sont inadaptées : demande de garanties par la BTS et la BFPME.
• Volonté limitée à l’initiative privée de la part des jeunes
– Le manque de volonté de la part des jeunes est également une vraie menace.
• Qualifications insuffisantes
– Il n’y a pas suffisamment de spécialisations universitaires ;
– L’émigration des jeunes vers les autres villes de Tunisie est assez importante.
108
Annexe 3
Emploi et chômage dans la Tunisie post-14 janvier- articles par Karim Mejril
Le secteur public, objet de toutes les convoitises
Pour être recruté dans le secteur public en 2011, les mesures exceptionnelles promulguées dans le décret-
loi 2011-32 exigeaient d’être en situation de chômage afin d’effectuer les recrutements exclusivement
parmi les chômeurs.
L’Etat est le plus gros employeur du pays et, au lendemain de l’indépendance, être embauché par l’Etat
constituait la conclusion logique du parcours d’un étudiant de l’enseignement supérieur. Certains étaient
même embauchés avant l’obtention de leur diplôme qui était pendant longtemps la garantie d’obtenir un
emploi et aussi un gage de réussite sociale assurée. Des générations de Tunisiens ont été éduquées dans le
but de réussir leurs études supérieures et d’avoir un emploi au sein des institutions étatiques.
Malheureusement, ce modèle de réussite et de promotion sociale a tourné au cauchemar avec l’explosion
du nombre des diplômés du supérieur et la stagnation des besoins de l’Etat et de ses structures. Notons
que, paradoxalement, les meilleurs éléments issus de nos facultés ainsi que ceux qui partent dans les
meilleures écoles à l'étranger fuient désormais l’Etat et ne veulent plus travailler dans l'administration ni
même dans les entreprises publiques.
En 2011, dans un contexte de crise générale sans précédent, l’Etat a fourni un effort quantitatif et qualitatif
visant à atténuer l’ampleur du chômage qui s'était aggravé cette année-là. L'effort quantitatif s'est traduit
par le recrutement de 24 000 personnes dans la fonction publique, en plus des 10 000 personnes recrutées
dans les entreprises publiques. Le chiffre total de 34 000 places ne représente que 4,9 % du nombre total
des chômeurs, ce qui veut dire que 95,1 % des chômeurs n’ont pas pu être recrutés dans le secteur public
en 2011. Malgré cela, la quasi-totalité des demandeurs d'emploi ont pour seul espoir l'obtention d'un poste
dans le secteur public qui est considéré comme la seule véritable voie de sortie pour échapper au chômage.
Ces demandeurs d'emploi en veulent à l'Etat pour ne pas avoir ouvert plus de places et certains alimentent
la frustration en déclarant que l'Etat peut, s'il le veut, embaucher 70 000 personnes en une seule année. Il
est inutile d'argumenter que dans l'état actuel des choses, l'Etat n'a pas les moyens (surtout financiers)
pour le faire et que de toutes les manières, s’ils étaient créés, la grande majorité de ces emplois seraient
alors des emplois fictifs.
L’effort qualitatif pendant l'année 2011 s'est traduit par la mise en application des principes de
transparence, de rapidité et de simplicité des procédures de recrutement. Pour ce faire, un site internet
centralisant pour la première fois les concours de recrutement dans le secteur public et permettant aux
candidats de postuler en ligne a été créé. La sélection des candidats s'est faite sur la base de critères
harmonisés, basés sur des données objectives vérifiables, permettant d’attribuer un score à chaque
109
candidat et d’effectuer un classement et une sélection en toute transparence. Aussi, les délais ont été
réduits, grâce notamment à des procédures allégées (environ 5 mois contre 14 auparavant).
Mais étant placés sous l'autorité de chaque ministère ou administration souhaitant recruter, ces concours
n'ont pas manqué de susciter des protestations de la part des demandeurs d'emploi. L'appréhension de
l'administration face à la nouveauté, la pression des délais en plus de la persistance de certaines pratiques
douteuses peuvent expliquer le mécontentement constaté chez beaucoup de chômeurs. Il est toutefois
utile de rappeler que plusieurs concours se sont déroulés dans des conditions exemplaires, donnant lieu à
l'embauche de plusieurs chômeurs de longue durée.
Les concours de 2011 ont surtout révélé la grande difficulté pour les administrations publiques à gérer des
concours dans lesquels des milliers de candidats postulent pour quelques postes ouverts. On le sait depuis
longtemps, le secteur public est l'objet de toutes les convoitises et les places s'arrachent comme des petits
pains. Cette pression a engendré des retards faramineux dans le traitement des dossiers des candidats.
Ainsi, en septembre 2011, certaines entreprises publiques ont informé le Ministère de l'emploi que leur
programme de recrutement pour les années 2009 et 2010 était encore en cours ! Les dates annoncées pour
l'annonce des résultats des concours 2011 ont rarement été respectées. Et à la difficulté de la tâche (étudier
les dossiers selon les nouveaux critères) s’ajoute l’incapacité structurelle de l'administration à répondre à
l'urgence et à s'organiser en mode projet ou en mode « Task Force ».
Pour les prochains concours -dont le gouvernement vient d'annoncer l’ouverture imminente-, il est urgent
de renforcer les directions de ressources humaines des administrations publiques, de professionnaliser leur
personnel et d'opter pour des procédures de plus en plus allégées. Dans ce sens, il est recommandé que
l’administration se fixe un délai de 3 mois maximum entre l’annonce du concours et la proclamation des
résultats. Ce délai peut être atteint avec l’utilisation croissante des nouvelles technologies et notamment au
travers du site Web, qui devra remplacer l’envoi des dossiers papiers. La sélection pourra ainsi se faire sur
base des données que le candidat a déclarées sur le site. Des règles rigoureuses doivent être appliquées
afin de prévoir les cas où le candidat sera pénalisé pour fausse déclaration.
De façon plus générale, il faut généraliser le mode de recrutement sur concours. Le recrutement au titre des
familles nécessiteuses, qui a donné lieu à plusieurs dépassements de par le passé, devra être remplacé par
des mécanismes plus transparents qui ciblent les populations les plus vulnérables : les familles
nécessiteuses, mais aussi les handicapés qui n'ont jamais pu profiter des lois en leur faveur qui obligent en
théorie les recruteurs à embaucher 1% des effectifs parmi cette population. Ces quotas devront s'ajouter
aux quotas spéciaux déjà alloués par le nouveau gouvernement aux familles desmartyrs et aux blessés de la
révolution.
Bien qu'il concerne a priori toutes les catégories de chômeurs, l'emploi dans le secteur public intéresse
davantage les diplômés du supérieur. Ces derniers, quand ils n'ont pas de débouchés réels dans le secteur
privé, se tournent vers l'Etat et se disent être « prêts à attendre » le nombre d'années qu'il faut avant
110
qu'une place ne se libère dans le lycée ou l'école primaire de leur quartier (les titulaires de maîtrise
considèrent qu'ils devraient obtenir leur place dans l'enseignement si ce n'est cette année, alors l'année
prochaine). L'Etat, qui n'a pas su anticiper cette explosion du chômage, se retrouve à devoir gérer un CAPES
où 100 000 candidats postulent pour 3 000 postes. Avec un taux de réussite de 3%, il ne faut pas s'étonner
que la frustration soit grande parmi les recalés. L'annulation du CAPES ne résoudra rien et au-delà de l'effet
d'annonce, il va falloir trouver un moyen pour sélectionner 3 000 personnes parmi les100 000 se portant
candidates. La reconversion des diplômés du supérieur vers d'autres spécialités se pose donc aujourd'hui
comme une urgence (ce sujet sera traité dans un autre article).
Enfin, il est utile de rappeler que les diplômés du supérieur de plus de 45 ans ne peuvent pas intégrer la
fonction publique en vertu des lois en vigueur. Cette population très vulnérable (que j'estime
personnellement à plus de 1 000 personnes) devra bénéficier de mesures exceptionnelles : soit le
gouvernement est prêt à les intégrer de façon exceptionnelle dans la fonction publique, soit il leur accorde
un accompagnement spécifique afin de leur assurer des activités d'autonomie, auquel cas il fautleur
épargner la condition rédhibitoire de disposer d'un autofinancement. En l'absence de toutes mesures en
leur faveur ainsi qu'en faveur des autres populations vulnérables (handicapés, familles nécessiteuses, etc.),
la frustration ne fera qu'augmenter et les espoirs soulevés par la révolution seront vite oubliés.
Le rôle déterminant du secteur privé
Si le secteur public est incapable de répondre à toutes les demandes d'emploi, le secteur privé, qui devrait
absorber le plus gros nombre de demandeurs d'emploi, ne jouit pas d'une très bonne réputation auprès des
demandeurs d'emploi. Certains parmi eux considèrent qu'il n'y a pas de différence réelle entre travailler
dans le privé et être au chômage.
Pourtant, beaucoup de demandeurs d'emploi trouvent leur compte dans le privé. L'économie souterraine
(non déclarée) emploie une bonne partie des jeunes et moins jeunes qui restent considérés dans les
statistiques comme des chômeurs. La part de l'informel dans l'économie nationale, évaluée à 30 % par le
Fonds Monétaire International, semble être aujourd'hui la zone de décompression qui évite au pays une
deuxième explosion sociale. Ceci dit, la chasse au travail au noir et à toutes les activités qui échappent à la
réglementation devrait profiter à tout le monde : cela augmente les recettes de l'Etat (impôts, taxes,...),
fiabilise les statistiques sur l'emploi et offre aux salariés clandestins une couverture sociale et des garanties
réelles. Beaucoup de demandeurs d'emploi font leur entrée sur le marché du travail par un contrat SIVP (45
000 bénéficiaires en 2010), un contrat CAIP, (35 000 bénéficiaires en 2010) ou encore par l'un des
instruments du fonds national de l'emploi 21-21 (111 000 bénéficiaires en 2010). Au total, plus de 191 000
bénéficiaires en 2010. Ces mécanismes représentent autant de zones tampon qui réduisent la tension
sociale qu'engendre le chômage, mais qui au même temps ponctionnent les ressources de l'Etat de manière
non rationalisée. La révision en profondeur de ces mécanismes s’impose aujourd'hui comme une urgence.
111
Du point de vue du demandeur d'emploi, ces différents mécanismes d'insertion professionnelle ne
garantissent pas d’être recruté dans l'entreprise. Au contraire, ils sont assimilés à des calmants qui
permettent à certains chômeurs de patienter quelques mois ou quelques années, au bout desquels il n'est
pas rare de se retrouver à la case départ. En conséquence, rien n’incite le demandeur d'emploi à donner le
meilleur de lui-même pendant la période du stage d'insertion et fait perdurer la période de transition entre
la fin des études et l'entrée effective dans le monde professionnel.
Pour ceux qui ont la chance d’être recrutés sous contrat à durée indéterminée dans le secteur privé, nous
avons constaté (au sein du Ministère de l'emploi) un ressenti négatif de certains employés, qui, pour
certains, continuent d'affluer au bureau de l'emploi et au Ministère pour essayer de décrocher un poste
dans le secteur public. Le mot qui revient souvent dans le discours des demandeurs d’emploi lorsqu’il s’agit
du secteur privé est : « la dignité ». En effet, beaucoup parmi eux ne considèrent pas le travail dans le
secteur privé comme un travail permettant de préserver la dignité du salarié. Quoi qu’il en soit, il est clair
que travailler dans le secteur privé n’est jamais rentré dans les mœurs en Tunisie. Bien entendu je ne parle
pas des sociétés employant des jeunes hautement qualifiés, souvent basées dans les quartiers huppés des
grandes villes. Je parle de la majorité de la population qui est à la recherche d’un travail décent et stable.
Le défi aujourd'hui consiste à faire du travail dans le secteur privé une question de droit. Cette culture,
terriblement manquante dans notre pays, passe d’abord par la revalorisation du travail, seule garantie de la
dignité de l’individu et par le respect strict du code du travail et des droits des employés par l’employeur. Le
code du travail gagnerait à être réformé en profondeur. Là-dessus, les partenaires sociaux, UGTT en tête,
sont attendus. Un code du travail moderne, consensuel, avec des garanties réelles et des mécanismes de
contrôle et de sanction donnera vie au slogan de la révolution « Travail, Liberté, Dignité nationale ». Un
débat national entre les organisations professionnelles et les syndicats permettrait de jeter les bases d'une
nouvelle Tunisie où les droits du travailleur ne sont pas bafoués et où l'employeur peut envisager avec
sérénité un développement équilibré et sain de sa société. A terme, l’Etat doit consacrer au travail un
ministère distinct de celui des affaires sociales. Le travail n’est pas une « affaire sociale » au même titre que
l’exclusion ou la pauvreté, il est « affaire de droit » qui doit être traitée selon ce nouveau code du travail.
Malheureusement, je crains qu'une telle révolution au sein du secteur privé ne soit possible dans les
conditions actuelles. Les employeurs ont été trop habitués aux subventions de l’Etat sous toutes ses formes
ainsi qu'à un laxisme déconcertant dans l'application de la loi. Ils ont été trop habitués à une main d’œuvre
bon marché et abondante, et au même temps mal adaptée à leurs besoins, ce qui justifiait tous les abus
possibles et imaginables. Beaucoup trop d’employeurs ont été habitués à un Etat qui ne contrôle pas (ne
veut / peut pas contrôler?) ou qui contrôle mais ne sanctionne pas.
112
La révolution du secteur privé n’est possible que lorsque plusieurs conditions de succès se réunissent :
- une volonté politique claire de rupture avec le passé, et une action politique farouche dans le
sens de la réforme, accompagnée d’un discours de vérité qui ne tombe pas dans le populisme ;
- une volonté de tous les partenaires sociaux à changer les règles du jeu, et parfois, renoncer à
certains privilèges ;
- l’apparition d’une nouvelle génération d’entrepreneurs qui prend le contre-pied des employeurs
actuels et qui sera un véritable catalyseur de la transformation de l’économie nationale.
Concernant les mécanismes d'insertion professionnelle offerts par l'Etat, notons que pendant la période de
transition en 2011 plusieurs conventions ont été signées entre le ministère de l'emploi et les acteurs du
secteur privé. Ces conventions conditionnent les subventions du Ministère par un objectif chiffré en termes
de recrutements au terme de la période de stage ou de formation financées par l'Etat. Bien qu’œuvrant
essentiellement sur des niches (le secteur de l’Offshoring, par exemple), ces conventions constituent un
modèle qui pourra être généralisé à des secteurs qui recourent massivement à la main d’œuvre qualifiée.
L'Etat pourra appliquer à l'avenir le principe de sanctionner les sociétés qui ne respectent pas leurs
engagements signés dans ces conventions. Pour une nouvelle génération d'entrepreneurs.
Pour une nouvelle génération d’entrepreneurs
Face à un secteur public à faible capacité de création d’emploi et face à un secteur privé en perte de vitesse,
une autre solution pour combattre le chômage consiste dans la promotion de l’entreprenariat.
Mais l’Etat ne fait-il pas déjà beaucoup de choses dans ce sens ? Des formations prodiguées par les bureaux
d’emploi et autres «espaces initiatives», à la Banque Tunisienne de Solidarité (BTS), l’Etat favorise les
entrepreneurs et garantit leur encadrement. Déjà, en 2011, année de crise, la BTS avait financé plus de
11 500 entrepreneurs permettant de créer près de 20 000 postes d’emploi. Le Fonds National de Promotion
de l'Artisanat et des Petits Métiers a financé quant à lui des projets qui ont permis de créer près de 74 000
postes d’emploi pendant le onzième plan, donc avec une moyenne annuelle qui avoisine les 18 500 postes
d’emploi.
Mais en vérité cela n’est guère suffisant. Aujourd’hui, notre pays a besoin d’une nouvelle génération
d’entrepreneurs qui donne une nouvelle impulsion à l’économie nationale et qui change les règles du jeu
dans le secteur privé. Nous vivons aujourd’hui avec une génération de chefs d’entreprises qui étaient
entrepreneurs dans les années 60 ou 70. Les créateurs d’entreprises ont beaucoup de mal à se renouveler,
et surtout, un entrepreneur appartenant aux classes les plus pauvres ou même à la classe moyenne a
toutes les chances d’échouer dans sa tentative de lancer sa propre affaire. Le parcours de l’entrepreneur est
un parcours du combattant et nombreux sont ceux qui abandonnent en milieu de chemin.
113
Il ne s’agit pas seulement d’augmenter quantitativement le nombre d’entrepreneurs dans le pays. En effet,
même si l’entreprenariat peut générer 40 000 emplois par an, il faut étudier la pérennité de ces emplois et
en plus, les secteurs dans lesquels ils sont créés. Nous devrions chercher aujourd’hui à promouvoir un
entrepreneur nouveau qui investit dans les secteurs à haute valeur ajoutée, qu’ils soient exportateurs ou
pas ; des entrepreneurs qui misent sur l’intelligence de leurs employés et optent pour un développement
équilibré de leurs entreprises, basé sur le développement des ressources humaines et l’épanouissement de
chaque individu. L’entrepreneur nouveau ne doit pas faire appel à l’Etat que pour les tâches qui sont du
ressort de l’Etat : formation initiale et continue des ressources humaines, infrastructures,
télécommunications.
Il est nécessaire de revenir aux fondamentaux de la droite comme à ceux de la gauche : la juste rétribution
du travail fourni, la promotion de l’initiative et de l’innovation, la garantie des droits des travailleurs selon la
loi et dans le respect de la dignité humaine. Ceux qui ont des idées novatrices pourront bénéficier par
exemple des études gratuites prodiguées par des centres d’étude financés par l’Etat et des bailleurs de
fonds étrangers. Les porteurs d’idées devront être accompagnés pourstructurer leurs projets et mener à
bien des études techniques et économiques. Les professeurs universitaires devront se porter volontaires
afin de coacher cette nouvelle génération qui se plaint d’être délaissée et qui sombre déjà dans un
désespoir sans fond. Pourquoi ne pas généraliser un module d’entreprenariat à toutes les filières
universitaires qui permettrait à chaque étudiant de comprendre ce qu’est un business plan ?
Pendant 8 mois passés au Ministère de l’emploi j’ai vu défiler des dizaines d’entrepreneurs ratés. Les
contentieux avec la BTS ou avec telle ou telle administration n’en finissent pas. Les prêts deviennent un
fardeau et les mauvais exemples sont légions. Je n’ai pas entendu de success storycapable de remotiver les
entrepreneurs potentiels. Aucun nouvel entrepreneur ne pourra émerger dans un environnement aussi peu
propice à la création et à l’entreprenariat dans lequel nous vivons actuellement. La question du
financement des projets devra se poser au plus haut niveau de l’Etat, et bien que le problème puisse se
poser en termes techniques, il n’en reste pas moins un problème qui touche l’économie nationale, donc le
pays dans son ensemble. Ainsi, comment peut-on attendre que de nouveaux projets fleurissent alors que
nos SICAR acceptent rarement de prendre une part du risque inhérent à tout projet et se contentent de
contracter des prêts déguisés, à taux d’intérêt garanti ?
Comment comprendre que ces mêmes SICAR qui devront financer l’innovation là où elle se manifeste se
contentent généralement de financer de grands groupes, déjà bien installés, pour des projets à faible
portée technologique ?
La promotion de l’entreprenariat doit se transformer en une priorité nationale. Il est désolant à quel point
cette question est absente des déclarations de nos gouvernants. Il n’y a qu’à voir les pays développés, ou
encore les pays émergents, pour comprendre que c’est une condition nécessaire pour soutenir l’économie
et créer de l’emploi. Mais malheureusement, aujourd’hui, plusieurs maillons manquent dans la chaîne qui
114
va de l’idée émergeant dans la tête d’un jeune jusqu’à la PME solide qui emploie des dizaines de personnes.
La construction d’un chemin solide menant de l’idée à la PME devra devenir une priorité. Certaines lois
obsolètes devront être révisées de toute urgence afin de faciliter le financement des projets et surtout, de
ne pas punir à vie ceux qui ne réussissent pas.
Parallèlement, l’Etat, avec éventuellement l’aide de la société civile, doit se pencher sur le lourd héritage
légué par les anciennes pratiques. Des milliers de jeunes ont contracté des prêts qu’ils ne peuvent
rembourser. Plusieurs se sont lancés dans des projets mal étudiés, ont obtenu des financements bon gré
mal gré et se retrouvent aujourd'hui toujours sans emploi, avec des dettes à rembourser. Que l’Etat n’ait pas
de mécanismes permettant d’aider ces promoteurs ne fait qu’accentuer leur sentiment d’être des
promoteurs ratés, d’être délaissés par l’Etat et cela contribue en définitive à la mauvaise image dont jouit
l’entreprenariat parmi les jeunes et ne les incite pas à la prise de risque. Un circuit de « recyclage » doit être
envisagé et mis en place en prévision des inévitables échecs.
115
Annexe 4
Données générale délégation d’El Alaa
Situation géographique et socioéconomique de la délégation
La délégation compte 9 secteurs, 1 communal et 8 non communaux, qui comptent chacun respectivement
environ 2 300 et 27 500 habitants soit environ 29 900 personnes dans la délégation.
- Terre et culture
Montagnes non végétales mais présence de nappe d’alpha de montagne à Djebel Troza. Les terres sont
plutôt privées 70 % de l'arboriculture est constituée d'oliviers dont plus de la moitié sont des oliviers
romains.
Cette délégation compte 300 000 oliviers romains abandonnés, sans aucun entretien, alors que ceux-ci
produisent une huile rare et exceptionnelle –peu mise en valeur- qui est d’ailleurs utilisée comme
correcteur des autres huiles pourtant cette huile est peu mise en valeur.
Production de légumes assez moyenne : 4 800 tonnes52.
52 ODCO, Gouvernorat de Kairouan en Chiffres, 2010 p 68-72.
1772012711
18655536 37832
Terres cultivables
Forêts
Total
Occupation du sol
1 847
25 480
1 987
29 314
Caprins Ovins Bovins Total
CHEPTEL
Baisse de moitié caprins et du tiers des ovins en deux ans, même s’ils constituent 90% du cheptel.
116
Production de céreales en
irriguée (quintal)
Production de céreales en sec (quintal)
Total céréales Surface de fourage
(hectare)
560
40 000 40 560
50
Production de céréales et surfaces de fourage
Production de céréales plutôt en sec et les surfaces de fourrages très faibles.
117
Annexe 5
Données générales délégation d’El Oueslatia
- Situation géographique et socioéconomique de la délégation
La délégation compte 11 secteurs, 3 communaux et 11 non communaux, qui comptent chacun
respectivement environ 9 000 et 24 000 habitants soit environ 33 000 personnes dans la délégation.
- Terre et culture
• Zone montagneuse ;
• Grande superficie : 91 000 hectares ;
• Pas de terres domaniales mais des terres vendues ou "transférées" aux familles de l'ex
président. Il y a une forte demande de redistribution de ses terres, qui malgré leurs richesses n'ont
quasiment pas eu d'impact sur la région ;
• Exploitation de petite taille : 1 à 2 hectares ;
• Culture prépondérante : oliviers et céréales (blé, orge et foin) ;
• Culture fruitière : pomme, figues et pêches ;
• Production de légumes : 2 220 tonnes ;
• Plantes aromatiques en quantité et variété importante, plusieurs grands types de massifs
forestiers : Romarin, Marrubium, Ciste, Caroubier, Oléastre et Genévrier, Pin d'Alep sur les crêtes53.
53Détail de ses plantes issues du focus group avec les responsables locaux de la délégation d’El Oueslatia.
23991
39429
24632
2676
90728
Terres cultivables
Parcours
Forêts
Autres
Total
Occupation du sol
118
15069
80600
774
96443
Caprins Ovins Bovins Total
CHEPTEL
Production de céreales en irriguée
(quintal)
Production de céreales en sec
(quintal)
Total céréales Surface de fourage (hectare)
5520
276900
282420
540
Production de céréales et surfaces de fourage
Baisse de moitié des bovins, qui sont en nombre très limité. Les ovins représentent plus de 80% du cheptel.
Production de céréales faible, mais plutôt en sec et les surfaces de fourrages moyennes.
119
Annexe 6
- Loi n° 99—57 du 28 juin 1999, relative aux appellations d’origine contrôlée et aux
indications de provenance des produits agricoles
TABLE DES MATIERES
Au nom du peuple,
La chambre des députés ayant adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Chapitre premier
Dispositions générales et définitions
1. La présente loi vise la protection des particularités et des spécificités des produits agricoles et leur
valorisation en leur octroyant une appellation d’origine contrôlée et une indication de provenance. Elle
s’applique aux produits agricoles et alimentaires naturels ou transformés, qu’ils soient végétaux ou animaux
et répondant aux conditions fixées par la présente loi.
2. L’appellation d’origine contrôlée est le nom du pays, d’une région naturelle ou parties de régions d’où
provient tout produit et qui puise sa valeur et ses particularités par référence à son environnement
géographique constitué d’éléments naturels et humains.
Les éléments naturels comprennent d’une façon générale le milieu géographique de provenance du produit
avec ses particularités se rapportant au sol, à l’eau, à la couverture végétale et au climat.
120
Les éléments humains comprennent notamment les méthodes de production, de fabrication ou de
transformation et les techniques spécifiques acquises par les producteurs ou les fabricants dans la région
concernée. Les méthodes de production doivent découler de traditions locales anciennes, stables et
notoires.
3. L’indication de provenance désigne le nom du pays, d’une région naturelle ou parties de régions dont le
produit tire sa particularité et sa renommée et où il est produit, transformé ou fabriqué.
4. L’autorité compétente désigne les services de la production agricole et animale relevant du ministère de
l’agriculture.
Chapitre II
De la délimitation des appellations d’origine contrôlée et des indications de provenance
5. La délimitation du pays, des régions et des parties de régions conférant l’octroi d’une appellation
d’origine contrôlée ou d’une indication de provenance aux produits qui en sont originaires est effectuée par
arrêté du ministre chargé de l’agriculture.
L’arrêté fixe particulièrement l’aire géographique de production et ses méthodes. Il fixe également la nature
du produit et les caractéristiques qu’il doit comporter pour bénéficier de l’appellation d’origine contrôlée ou
de l’indication de provenance.
6. La délimitation est effectuée sur demande du ou des producteurs concernés ou des organismes dont ils
dépendent et après avis de la commission technique consultative des appellations d’origine contrôlée et des
indications de provenance prévue à l’article 7 de la présente loi.
7. Il est créé une commission technique consultative des appellations d’origine contrôlée et des indications
de provenance chargée du suivi de ces appellations et indications.
Elle est appelée notamment à :
– examiner les demandes de délimitation du pays, des régions ou parties de régions susceptibles de
conférer une appellation d’origine contrôlée ou une indication de provenance et de leur utilisation.
– avancer les propositions susceptibles de valoriser les produits agricoles par la sauvegarde de leurs
particularités.
– émettre l’avis sur la création des aires des appellations d’origine contrôlée et des indications de
provenance.
– émettre l’avis sur la désignation des organismes de contrôle et sur la certification prévues à l’article 23 de
la présente loi.
121
La composition de la commission technique consultative et les modalités de son fonctionnement sont fixées
par décret sur proposition du ministre chargé de l’agriculture. Ses membres sont désignés par décision du
ministre chargé de l’agriculture.
8. L’autorité compétente doit émettre son avis sur la demande de délimitation d’une appellation d’origine
contrôlée ou d’une indication de provenance dans un délai de six mois à compter de la date de sa réception.
Passé ce délai, son silence vaut acceptation du principe de délimitation de l’aire de l’appellation ou de
l’indication demandées. Le refus doit être motivé.
Chapitre III
Du bénéfice des appellations d’origine contrôlée et des indications de provenance
9. Dès la parution de l’arrêté prévu à l’article 5 de la présente loi, chaque producteur, transformateur ou
fabricant d’un produit exerçant son activité dans l’aire géographique de l’appellation d’origine contrôlée ou
de l’indication de provenance et désirant bénéficier de cette appellation ou indication doit se soumettre aux
conditions de production, de transformation et de fabrication fixées par le cahier des charges prévu à
l’article 10 de la présente loi.
10. Nul producteur, transformateur ou fabricant ne peut bénéficier d’une appellation d’origine contrôlée ou
d’une indication géographique que s’il remplit les conditions fixées par un cahier des charges type approuvé
par arrêté du ministre chargé de l’agriculture.
Ce cahier des charges type doit comprendre les éléments suivants :
– le nom du produit provenant de l’aire de l’appellation d’origine contrôlée ou de l’indication de
provenance.
– la définition du produit avec indication de ses matières premières et ses principales caractéristiques
naturelles, chimiques, microbiologiques et organoleptiques.
– la délimitation de son aire de production.
– les éléments prouvant la provenance du produit de l’aire de l’appellation d’origine contrôlée ou de
l’indication de provenance.
– la description de la méthode de production, de transformation ou de fabrication du produit et
notamment les méthodes et traditions locales adoptées dans le domaine le cas échéant.
– la possibilité de fixer des quantités annuelles pour certains produits bénéficiant d’une appellation
d’origine contrôlée ou d’une indication de provenance.
122
11. Le bénéfice d’une appellation d’origine contrôlée ou d’une indication de provenance est subordonné à
la présentation d’une demande, à cet effet, au ministre chargé de l’agriculture comprenant notamment le
cahier des charges prévu à l’article 10 de la présente loi dûment signé par le demandeur ou son
représentant légal.
12. Le ministre chargé de l’agriculture soumet la demande visée à l’article 11 de la présente loi à l’avis de la
commission technique consultative des appellations d’origine contrôlée et des indications de provenance.
Cette commission procède à :
– la vérification de la conformité des informations contenues dans le cahier des charges présenté à celles
contenues dans le cahier des charges type.
– la vérification de l’application de toutes les conditions relatives à l’appellation d’origine contrôlée ou à
l’indication de provenance au produit concerné.
13. Le ministre chargé de l’agriculture publie un avis relatif à ladite demande au journal officiel de la
République Tunisienne dans le cas où le rapport de la commission est concluant.
Cet avis comprend le nom du demandeur et son adresse, le nom du produit, son aire de provenance et les
méthodes de sa production, transformation ou fabrication.
14. En cas de non opposition à l’avis prévu à l’article 13 de la présente loi dans un délai de 6 mois à partir
de sa publication, le ministre chargé de l’agriculture attribue le bénéfice de l’appellation d’origine contrôlée
ou l’indication de provenance au produit objet de la demande et ordonne l’enregistrement au registre
officiel des appellations d’origine contrôlée et des indications de provenance.
La forme du registre et les modalités d’inscription sont fixées par décret sur proposition du ministre chargé
de l’agriculture.
15. Le ministre chargé de l’agriculture publie les appellations d’origine contrôlée et les indications de
provenance au journal officiel de la République Tunisienne.
123
Chapitre IV
De la protection des produits bénéficiant d’une appellation d’origine contrôlée ou d’une indication de
provenance
16. Est interdit, à partir de la date d’acceptation de l’appellation d’origine contrôlée ou de l’indication de
provenance :
– l’usage commercial de cette appellation ou indication sur tout produit similaire provenant du dehors de
l’aire géographique de l’appellation ou l’indication de provenance ;
– l’imitation de l’appellation ou de l’indication et la référence à elles-mêmes dans le cas où il est indiqué
que le produit concerné n’appartient pas à l’aire géographique de l’appellation et de l’indication ;
– la référence à l’appellation ou à l’indication sur les enveloppes, les récipients et les emballages, les
documents ou la publicité d’un produit n’appartenant pas à l’aire géographique de l’appellation ou de
l’indication ;
– l’usage de récipients pour la transformation du produit ou sa mise à la vente susceptibles de créer la
confusion quant à son origine ;
– l’usage de tout signe susceptible d’induire le consommateur en erreur ou de créer la confusion chez lui.
17. L’appellation d’origine contrôlée et l’indication de provenance sont des droits pour tous les exploitants
agricoles au pays, à la région ou parties de régions à condition de se conformer aux règles de production
exigées par cette appellation ou indication et qui sont fixées par le cahier des charges type prévu à l’article
10 de la présente loi.
18. La prescription n’a pas d’effets sur l’appellation d’origine contrôlée ni sur l’indication de provenance.
À ce titre, nul ne peut les utiliser pour cause de domanialité publique.
19. Les appellations dont l’usage est devenu public ne peuvent être enregistrées comme appellations
d’origine contrôlée ou comme indications de provenance.
Elles ne peuvent, également, être utilisées à une origine ou indication fausses des produits.
20. Les organismes de normalisation ne peuvent pas attribuer aucune marque de fabrique ou de commerce
similaire à une appellation d’origine contrôlée ou à une indication de provenance lorsque la demande de la
marque est introduite après la publication de la délimitation de l’appellation d’origine contrôlée ou de
l’indication de provenance conformément aux procédures fixées à l’article 15 de la présente loi.
21. Toute personne dont l’usage d’une appellation d’origine contrôlée ou d’une indication de provenance
contrairement aux exigences qui leurs sont propres porte atteinte à ses droits, directement ou
indirectement, peut introduire une action devant le tribunal territorialement compétent pour interdire
l’usage de cette appellation ou indication.
124
Chapitre V
Du contrôle technique des appellations d’origine contrôlée et des indications de provenance
22. Les appellations d’origine contrôlée et les indications de provenance sont soumises au contrôle
technique de l’autorité compétente.
Ce contrôle vise à s’assurer que les produits portant l’appellation d’origine contrôlée ou l’indication de
provenance répondent aux conditions prévues par le cahier des charges visé à l’article 10 de la présente loi.
23. Sous réserve des dispositions particulières à l’établissement d’un système national d’accréditation des
organismes de conformité, il est désigné, pour chaque appellation d’origine contrôlée ou indication de
provenance dûment approuvées, un organisme de contrôle technique et de certification.
La composition de l’organisme de contrôle et de certification ainsi que les conditions de sa désignation sont
fixées par décret sur proposition du ministre chargé de l’agriculture.
24. L’organisme de contrôle et de certification garantit, par déclaration qu’il remet au producteur, fabricant,
transformateur ou commerçant du produit concerné par l’appellation d’origine contrôlée ou l’indication de
provenance, que le produit en question est conforme aux stipulations du cahier des charges visé à l’article
10 de la présente loi.
25. L’organisme de contrôle et de certification doit disposer de tous les moyens techniques nécessaires au
contrôle des produits objet de l’appellation d’origine contrôlée ou de l’indication de provenance
L’inobservation de cette obligation entraîne le retrait de compétences de contrôle et de certification après
son audition; les droits des bénéficiaires de l’appellation ou de l’indication demeurant préservés en matière
de dédommagement de préjudices subis.
26. Les producteurs, fabricants et transformateurs de produits objets d’appellation d’origine contrôlée ou
d’indication de provenance doivent permettre à l’organisme de contrôle et de certification dont ils relèvent
de visionner, pour inspection, les lieux de production, de stockage, de transformation et de fabrication et les
éléments prouvant l’origine du produit et les méthodes de sa production.
27. L’organisme de contrôle et de certification qui constate la non-conformité du produit concerné par
l’appellation d’origine contrôlée ou par l’indication de provenance aux exigences fixées par le cahier des
charges prévu à l’article 10 de la présente loi, doit en informer l’autorité compétente immédiatement.
125
Chapitre VI
De la constatation des crimes et des sanctions
Section première
De la constatation
28. Le ministre chargé de l’agriculture désigne les agents chargés de contrôler les appellations d’origine
contrôlée et les indications de provenance.
Ces agents doivent être assermentés.
29. Les agents visés à l’article 28 de la présente loi sont habilités, pour l’exercice de leurs missions, à
accéder à toutes les exploitations, locaux et lieux renfermant des produits provenant d’aires de production
bénéficiant d’appellations d’origine contrôlée et d’indications de provenance.
Toutefois, l’accès aux locaux d’habitation en vue d’effectuer le contrôle visé à l’article 28 de la présente loi,
s’effectue conformément aux procédures prévues au code de procédure pénale en matière de perquisition.
Sont considérés des locaux d’habitation, les locaux réservés effectivement à l’habitation même s’ils se
trouvent dans les exploitations agricoles.
30. Les agents visés à l’article 28 de la présente loi peuvent saisir les produits mis en vente sous le titre
d’appellations d’origine contrôlée ou d’indications de provenance et présumés ne pas provenir de l’aire
géographique de l’appellation ou de l’indication.
Ils peuvent également saisir les produits provenant de l’aire géographique de l’appellation ou de l’indication
mais ne répondant pas aux conditions techniques de production fixées au cahier des charges prévu à
l’article 10 de la présente loi.
La saisie s’effectue conformément aux procédures prévues par la législation en vigueur en matière de
protection du consommateur.
31. Les agents de l’ordre public doivent, en cas de besoin, prêter main forte aux agents visés à l’article 28 de
la présente loi lors de l’exercice de leurs missions.
32. Les crimes relatifs aux appellations d’origine contrôlée et aux indications de provenance sont constatés
dans des procès-verbaux établis par les officiers de la police judiciaire visés à l’article 10 du code de
procédures pénales, par les agents de l’autorité compétente visés à l’article 28 de la présente loi et par les
agents du contrôle économique.
33. Tous les procès-verbaux, établis et signés par les agents visés à l’article 32 de la présente loi, sont
adressés au ministre chargé de l’agriculture qui les transmet au ministère public.
126
Section II
Des sanctions
34. Nonobstant les peines prévues par le décret du 10 octobre 1919 sur la répression des fraudes dans le
commerce des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires ou des produits agricoles ou
naturels, par la loi n° 91—44 du 1er juillet 1991 relative à l’organisation du commerce de distribution telle
que modifiée par la loi n° 94—38 du 24 février 1994, par la loi n° 92—117 du 7 décembre 1992 relative à la
protection du consommateur et de la saisie prévue à l’article 30 de la présente loi, tout contrevenant aux
dispositions des articles 9, 16, 19 (paragraphe 2), 26 et 27 de la présente loi est puni d’une amende allant
de 1 000 à 20 000 dinars.
En cas de récidive, cette peine est portée au double.
Chapitre VII
Dispositions transitoires et diverses
35. À partir de l’entrée en vigueur de la présente loi et pendant un délai n’excédant pas trois ans, la
commercialisation de produits portant des références à des régions géographiques particulières et
susceptibles de faire allusion à une appellation d’origine contrôlée ou à une indication de provenance peut
être autorisée à condition que ces produits aient été commercialisés sous ces références durant 3 ans au
moins et que leurs étiquettes prouvent clairement leur origine réelle.
Passé ce délai, les concernés doivent se conformer aux dispositions de la présente loi.
36. Le bénéfice d’une appellation d’origine contrôlée ou d’une indication de provenance est soumis au
paiement d’une contribution dont le montant et les modalités de perception et d’utilisation sont fixés par
décret sur proposition du ministre chargé de l’agriculture. En outre, tout producteur, transformateur ou
fabricant ayant bénéficié d’une appellation d’origine contrôlée ou d’une indication de provenance doit
payer une redevance à l’organisme de contrôle et de certification au titre des services rendus et prévus à
l’article 24 de la présente loi. Cette redevance sera fixée d’un commun accord entre l’organisme de
contrôle et de certification et le bénéficiaire de ses services.
37. Le décret du 10 janvier 1957 portant réglementation des appellations d’origine pour les vins, vins
liqueurs et eaux de vie est abrogé.
Toutefois, les textes pris pour son application restent en vigueur jusqu’à leur remplacement par les
dispositions prévues par la présente loi.
La présente loi sera publiée au Journal Officiel de la République Tunisienne et exécutée comme loi de l’État.
Tunis, le 28 juin 1999. Zine El Abidine Ben Ali Discussion et adoption par la chambre des députés dans sa séance du 24 juin 1999.
127
- Guide pour le demandeur d’une indication de provenance ou d’une appellation
d’origine contrôlée
République de Tunisie
MINISTERE DE L'AGRICULTURE ET DES RESSOURCES HYDRAULIQUES ET DE LA PECHE
Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation
Direction générale de la production agricole
Appui au développement et à la mise en place d’un système de contrôle des produits de qualité liée à
l’origine
Guide pour le demandeur d’une indication de provenance
ou d’une appellation d’origine contrôlée
1-Introduction
2-Les préalables à la demande de
reconnaissance
2.1 Cohérence du projet
2.2 Les principes guidant à l’élaboration du
cahier des charges
2.3 Le demandeur
3- Le contenu du dossier à constituer
3.1. La description du Signe de Qualité lié à
l’Origine
3.2 Éléments justifiant le lien au terroir
3.3 Le demandeur
3.4 Système de garantie : plan et organisme de
contrôle
4- Les étapes de la procédure de reconnaissance
5- Reconnaissance et enregistrement sur le
marché européen
Glossaire
1-Introduction
Ce guide est destiné aux opérateurs pour faciliter leurs démarches de demande de reconnaissance d’un
signe de qualité liée à l’origine (SOQ) en Tunisie, à savoir l’appellation d’origine contrôlée (AOC) ou
l’indication de provenance (IP) qui s’applique aux produits agricoles et alimentaires naturels et transformés,
qu’ils soient végétaux ou animaux, y compris les vins.
128
Les Signes de Qualité liée à l’Origine (SQO) sont des signes distinctifs qui associent les produits de qualité et
de renommée à leur lieu de production et qui permettent ainsi aux consommateurs et acheteurs
d’identifier ces produits du terroir et aux producteurs de différencier ces produits sur le marché en
obtenant une plus-value et de protéger leur réputation. En effet l’indication géographique que comporte le
SOQ correspond à un droit de propriété intellectuelle collectif réservé aux producteurs du territoire
concerné et respectant le cahier des charges reconnu avec le SOQ.
La condition fondamentale est que la qualité, la réputation ou d’autres caractéristiques spécifiques du
produit soient liées à l’origine géographique, en vertu des ressources locales naturelles (par exemple du
climat, les spécificités du sol, altitude, etc.…) et du savoir-faire, des pratiques ou d’autres connaissances
profondément (historiquement) enracinées dans un territoire donné.
Ce guide du demandeur définit les préalables à une telle demande pour s’assurer de la pertinence de la
demande et l’ensemble des exigences prévues par la loi 99-57 du 28 juin 1999 et la règlementation
afférente pour solliciter et obtenir un signe de qualité liée à l’origine. La loi tunisienne 99-57 de 1999 vise à
protéger et valoriser les particularités et spécificités des productions agricoles. Elle prévoit à cet effet les
conditions d’attribution, de contrôle et de protection de deux SOQ des produits qui tirent des
caractéristiques particulières de leur origine géographique : l’appellation d’origine contrôlée d’une part et
l’indication de provenance d’autre part, définis comme suit :
- l’Appellation d’Origine Contrôlée : dénomination d’un pays, d’une région naturelle ou parties de
régions d’où provient le produit concerné et qui puise sa valeur et ses particularités dans son
environnement naturel et humain ;
- l’Indication de Provenance : nom d’un pays, d’une région naturelle ou parties de région dont le
produit qui en est issu tire sa particularité et sa renommée et où il est produit, transformé ou
fabriqué.
Une fois reconnues, les appellations d’origine contrôlées et indications de provenance ne peuvent être
prescrites et tomber dans le domaine public. Elles constituent des signes collectifs accessibles à tous les
exploitants qui remplissent les conditions de production prévues pour en bénéficier.
Une demande de reconnaissance en AOC ou IP suppose l’existence de liens étroits entre le terroir et la
typicité du produit. Le terroir représente l’espace géographique délimité où une communauté humaine
ayant construit au cours de son histoire un savoir intellectuel collectif de production, fondé sur un système
d’interactions entre un milieu physique et biologique et un ensemble de facteurs humains. Les savoir-faire
mis en jeu révèlent une originalité, confèrent une typicité et engendrent une réputation pour un produit
originaire de ce terroir. La typicité est le caractère spécifique reconnaissable dû au terroir qui différencie le
produit par rapport aux autres produits de même catégorie.
Le cahier des charges représente un élément clef pour définir et faire reconnaître la qualité, les
caractéristiques et la réputation d’un produit portant une SOQ: il permet de définir des règles de production
129
communes à tous les producteurs garantissant la qualité et la spécificité du produit. Le cahier des charges
est un document public qui constitue un engagement vis-à-vis du consommateur et est associé à un plan de
contrôle permettant d’offrir les garanties sur la conformité des produits SOQ au cahier des charges. Ce
guide du demandeur décrit chaque composante du cahier des charges.
Les demandeurs des SQO doivent chercher en priorité à mettre en avant les spécificités du produit faisant
l’objet de la demande en l’explicitant dans les documents qui doivent accompagner la demande.
Avant d’entamer la procédure, il convient que les opérateurs concernés par le produit SOQ s’interrogent au
préalable sur le bienfondé d’une telle démarche et effectuent un travail collectif de réflexion sur le potentiel
du produit pour obtenir un SQO et l’élaboration du cahier des charges correspondant. Mais une réflexion
sur la commercialisation, l’organisation de la filière et la stratégie à mettre en place pour se servir du signe
de qualité pour gagner en termes de marché, de plus-value, de volumes ou de protection, est nécessaire.
Le choix d’adhérer à ce signe de qualité est volontaire, c'est-à-dire libre, mais ce choix fait, il entraîne des
contraintes pour assurer la conformité du produit au cahier des charges, et pour la viabilité du processus, il
faut donc que ces contraintes soient compensées économiquement.
2-Les préalables à la demande de reconnaissance
2.1. Cohérence du projet
Avant de préparer et déposer la demande de reconnaissance, le demandeur doit s’assurer de la cohérence
de son projet. Cette cohérence peut être vérifiée au travers des 4 étapes successives du « cercle vertueux
de la qualité liée à l’origine» :
2.1.1Identification
La reconnaissance d’une AOC ou IP consacre l’existence d’un produit de qualité spécifique, dont la qualité,
les caractéristiques ou la réputation sont liées à une origine géographique. Il faut donc vérifier que le
produit possède bien de tels attributs, ceci au travers de questions telles que : S’agit-il d’un produit du
terroir ? A-t-il des caractéristiques, une réputation, une qualité liées à l’origine ? Est-il différent des autres
produits de même catégorie ? Est-ce un produit brut ou transformé ? Est-il porteur d’une indication
géographique à protéger? S’agit-il plutôt d’une appellation d’origine ou d’une indication de provenance?
Quel nom devrait être envisagé?
2.1.2 Qualification
La qualification correspond à la mise en place des règles permettant d’obtenir le produit de qualité
spécifique, c'est-à-dire l’élaboration du cahier des charges. Pour cela, il est nécessaire de s’appuyer sur
toutes les données permettant de caractériser la qualité spécifique du produit (physique, chimique,
organoleptique…) et de son lien avec le territoire, au travers de son histoire, des ressources naturelles, des
130
savoir-faire locaux, etc. Cela suppose donc de justifier les liens étroits entre le milieu géographique (qui
comprend les facteurs naturels et humains) et les caractéristiques du produit afin de démontrer que le
produit AOC ou IP présente une typicité liée à son terroir. La typicité ne doit pas être entendue comme la
conformité à une norme, elle admet au contraire une certaine variété interne au type.
2.1.3 Rémunération
La rémunération correspond à l’organisation de la filière et la commercialisation du produit pour générer les
revenus suffisants pour la viabilité du système. Les questions à se poser sont :
Quels sont les marchés visés avec le SQO ? Dispose-t-on d’une étude de marché ? Quelles sont les attentes
des consommateurs et des commerçants sur ces marchés ? Quelles sont les exigences à prendre en compte
pour la commercialisation ? A-t-on intégré les agents de distribution dans la démarche ? Quelles retombées
attend-on ? Comment améliorer la valeur ajoutée ? Comment s’assurer de la conformité du produit au
cahier des charges pour la confiance des consommateurs?
2.1.4 Reproduction des ressources locales
C’est le renforcement de la durabilité du système ; comment grâce aux règles que l’on se donne peut-on
préserver la ressource et la qualité du produit concerné, sur le long terme ?
2.2 Les principes guidant à l’élaboration du cahier des charges
Le cahier des charges définit le produit et les règles de production communes à tous les producteurs pour
garantir la qualité et la spécificité du produit. Il est donc important que ce cahier des charges soit défini
collectivement avec tous les producteurs concernés. Le cahier des charges est un document public, il
constitue un engagement vis-à-vis du consommateur et est associé à un plan de contrôle permettant
d’offrir les garanties sur la conformité des produits SOQ au cahier des charges.
Le cahier des charges est le fruit d’une démarche volontaire pour différencier et protéger la réputation du
produit. Une fois le SOQ enregistré, les producteurs doivent se conformer aux exigences du cahier des
charges lorsqu’ils utilisent le SOQ. C’est pourquoi ces exigences doivent être rigoureusement étudiées pour
131
assurer la qualité spécifique du produit tout en étant accessibles pour les producteurs et contrôlables. Les
principes suivants doivent donc être pris en compte pour l’élaboration du cahier des charges.
Le cahier des charges doit être structuré.
Il faut structurer le cahier des charges en reprenant les éléments requis par la loi (le nom du produit, la
définition du produit, la délimitation de son aire de production, les éléments prouvant la provenance du
produit ; la description de la méthode de production). Il faut également différencier ces éléments requis par
la loi, des autres informations nécessaires (dans le cahier des charges ou dans les documents accompagnant
la demande de reconnaissance) :
- relatives au demandeur ;
- pour justifier le lien entre le produit et son terroir ;
- relatives au plan de contrôle.
Le cahier des charges doit être précis.
Il constitue la règle du jeu pour le producteur. Il n’est pas nécessaire que ces règles soient très complexes ou
très nombreuses, mais elles doivent porter très précisément sur les éléments qui donnent au produit son
originalité et sa typicité et être formulées de manière claire, en distinguant ce qui relève :
- de l’information ou recommandations d’une part ;
- les mentions informatives servent à renseigner et justifier le lien à l’origine (par exemple, les
données historiques, la réputation etc.) ;
- les recommandations ne sont pas obligatoires par définition mais les pratiques doivent tendre
vers ses recommandations ;
- et des exigences (obligations ou interdictions) d’autre part, qui seront vérifiées par le système de
contrôle, leur inobservance entraînant des sanctions (par exemple le produit ne pourra pas porter
le SOQ). Les obligations et interdictions peuvent porter sur le processus (obligation de moyens)
ou sur le produit final (obligation de résultats).
Le cahier des charges doit être contrôlable
Les exigences doivent être formulées de manière à être contrôlables techniquement et financièrement. De
plus, il faut penser que plus on multiplie les obligations et les interdictions, plus on multiplie les points de
contrôle et cela a donc un coût. Par exemple, si les critères organoleptiques sont déterminants, il faut les
mesurer et des coûts d’analyse sont alors à prévoir, mais ils peuvent aussi être évalués au travers de
dégustations par des experts lors de jurys annuels par exemple.
Le cahier des charges doit être empreint de qualité
Un SOQ reconnaît la qualité spécifique d’un produit liée à son origine, c’est à dire une spécificité par
rapport aux produits de même catégorie (unicité) mais aussi un niveau de qualité intégrant au minimum la
132
qualité basique (qualité générique ou implicite) requise pour la mise sur le marché du produit, en
respectant les exigences en termes de sécurité sanitaire (hygiène) et normes de commercialisation.
Le cahier des charges peut être évolutif
Le cahier des charges peut être considéré comme un outil pour améliorer la qualité des produits sur le
territoire. Dans ce cas, certains producteurs ne pourront pas être immédiatement conformes aux exigences
prévues et au cahier des charges notamment s’il est nécessaire de faire des investissements. Plutôt que de
modifier le cahier des charges –ce qui peut représenter une procédure lourde-, il est peut être envisagé de
prévoir son évolution à l’intérieur des exigences en mentionnant des échéances (par exemple,les cuves
devront être en acier inoxydable au 1er janvier 2011).
Le cahier des charges devrait prendre en compte les principes du développement durable.
Les ressources naturelles sont épuisables : terre, sol, eau, minerais, biodiversité, etc.. Face à ce constat, la
viabilité économique d’un système de production, dépend de la reproduction de ces ressources. C’est
pourquoi les exigences et recommandations relatives aux pratiques dans le cahier des charges doivent
prendre en compte cette durabilité pour préserver l’avenir des terroirs (par exemple, si un territoire voit sa
ressource en eau s’appauvrir, il ne pourrait être exigé dans le cahier des charges un niveau d’irrigation
supérieur aux possibilités).
2.3 Le demandeur
Dans la mesure où une appellation d’origine ou une indication de provenance sont des biens collectifs, et
constituent un patrimoine collectif qui ne peut donc pas être la propriété d’opérateurs économiques privés
(contrairement à une marque commerciale), il est vivement conseillé d’établir la demande collectivement à
l’intérieur d’une structure ou organisation.
Différents statuts existent en Tunisie, on peut mentionner par exemple les groupements de développement
agricole, associations de producteurs, etc.
3- Le contenu du dossier à constituer
a) La loi tunisienne sur les AOC et IP de 1999 requiert les éléments suivants pour la description de la
SQO dans le cahier des charges :
- le nom du produit provenant de l’aire d’appellation d’origine contrôlée ou de l’indication de
provenance ;
- la définition du produit avec l’indication de ses matières premières et ses principales
caractéristiques naturelles chimiques, microbiologiques et organoleptiques ;
- la délimitation de son aire de production ;
133
- les éléments prouvant la provenance du produit de l’aire délimitée de l’appellation d’origine
contrôlée ou de l’indication de provenance ;
- la description de la méthode de production, de transformation ou de fabrication du produit et
notamment les méthodes et traditions locales adoptées dans le domaine le
- cas échéant ;
- la possibilité de fixer des quantités annuelles de production pour certains produits bénéficiant
d’une appellation d’origine contrôlée ou d’une indication de provenance.
b) Les éléments additionnels à prévoir dans la demande de reconnaissance :
- les informations relatives au demandeur ;
- les éléments justifiant le lien entre la qualité, la réputation ou une autre caractéristique du
produit et le milieu géographique.
c) Les éléments également à prévoir en vue de l’inscription au registre:
- le nom et l'adresse des autorités ou organismes vérifiant le respect des dispositions du cahier des
charges, ainsi que leur mission précise ;
- toute règle spécifique d'étiquetage pour le produit en question ;
- tous ces éléments sont donc décrits ci-après.
3.1. La description du Signe de Qualité lié à l’Origine
a) Le nom du produit
A faire figurer dans cette partie :
o Nom du produit tel qu’il sera disponible pour le consommateur final, selon qu’il soit
un produit brut et/ou transformé
o Le type du SQO : appellation d’origine contrôlée ou indication de provenance
Une fois l’AOC ou l’IP reconnue, le nom de celle-ci est réservé aux opérateurs respectant les conditions de
production définies dans le cahier des charges. Pour justifier la réservation d’un nom à un certain produit,
les porteurs de projet doivent apporter les éléments et les pièces justificatives permettant d’apprécier :
- l’antériorité de l’usage de ce nom pour ce type de produit ;
- l’usage actuel qui est fait de ce nom ;
- la notoriété du produit vendu sous ce nom.
134
Eléments de réflexion
Il doit être prouvé que le nom du SOQ est spécifique au produit du territoire défini dans le cahier des
charges, qu’il n’est donc pas générique (c’est à dire utilisé ailleurs et pour d’autres produits que celui faisant
l’objet d’une demande). Par exemple, la dénomination « Brie » n’est pas réservée aux appellations d’origine
« Brie de Meaux » et « Brie de Melun » enregistrées par l’Union européenne, seules les dénominations
géographiques « Meaux » et « Melun » sont réservées à ces AO.
Le choix entre le type AOC et IP s’appuie sur leurs définitions respectives:
b) La description détaillée du produit
La description correspond aux caractéristiques spécifiques du produit final (qui différencient le produit par
rapport aux autres), et peuvent être de nature :
- organoleptiques (apparence, forme, couleur, saveur, texture,…) ;
- physico-chimiques (dimensions, taux de matière sèche, taux de sucre, taux de composé
aromatique, etc.) ;
- microbiologiques (ferments, etc.).
Concernant le mode de présentation, il convient d’indiquer si l’AOC ou l’IP est demandée sur le produit frais
ou transformé, entier ou découpé, surgelé ou non, conditionné ou non, etc. Ceci permet au demandeur de
déterminer à partir de quel stade de transformation et/ou jusqu’à quel stade de transformation le produit
présente les caractéristiques de l’AOC ou IP.
135
Le descriptif du produit doit amener à montrer les caractéristiques du produit permettant de le distinguer
objectivement d’autres produits de même catégorie. Ces éléments conditionnent l’étendue de la protection
et les contrôles sur le produit concerné. Dans cette partie, il s’agit donc de mettre en avant les spécificités
du produit, mais aussi les spécificités du producteur car leur savoir-faire contribue à forger l’identité du
produit.
c) La délimitation de l’aire géographique
A faire figurer dans cette partie:
Description précise de l’aire géographique de production et/ou de transformation selon le
type de SQO (cf tableau précédent), en argumentant avec :
- la liste des opérations devant impérativement se dérouler dans l’aire géographique
considérée, ainsi que les sous zones spécialisées éventuelles qui la composent ;
- une carte géographique montrant les limites de l’aire géographique de production ;
- et/ou la liste des unités administratives concernées (ville, localité, provinces, etc.).
La délimitation de la zone géographique dépend des caractéristiques du milieu physique et humain
influençant sur la qualité spécifique du produit. La zone peut donc être décrite au travers de ces facteurs
locaux qui justifient le lien entre la qualité spécifique et le territoire, dans le cahier des charges ou le
document accompagnant la demande de reconnaissance (cfr. point 3.2).
d) Les méthodes de production
A faire figurer dans cette partie :
La description précisedu produit et ses formes de présentation.
Quand il s’agit d’un produit transformé, la description inclut la description des matières premières
utilisées.
Il ne s’agit pas de reprendre les données de la réglementation générale, sauf si certains aspects ont des
conséquences directes sur la typicité des produits et doivent être prévus dans le cahier des charges et le
plan d’inspection ou de contrôle.
Cette description peut être utilement accompagnée d’un schéma synthétique.
136
Cette rubrique doit mettre l’accent sur les éléments qui ont une incidence sur les spécificités du produit en
lien avec son mode de production particulier ou traditionnel, et qui le différencient par rapport à d’autres
produits de même catégorie. Les conditions de production doivent garantir le maintien du lien du produit
avec son terroir. Par exemple :
- identification des espèces ou des variétés, principales et secondaires, et des pourcentages
respectifs entre elles, s’il y a lieu ;
- densité culturale ;
- itinéraire technique précis, incluant la récolte et la transformation «au champ» ;
- méthodes de stockage, transformation et conditionnement.
La définition de l’AOC suppose un lien étroit entre le produit et son origine géographique. Par exemple,
dans le cas de produits d’origine animale, il est attendu une alimentation animale majoritairement
provenant de l’aire géographique.
e) Les éléments prouvant que le produit est originaire de l’aire géographique délimitée
A faire figurer dans cette partie :
Les modalités de traçabilité mises en place pour assurer le suivi du produit et ses ingrédients depuis
la production de la matière première jusqu’à la mise en marché.
La traçabilité utilise deux types de modalités:
- les enregistrements qui vont permettre à chaque mouvement d’enregistrer le produit, la quantité,
son origine et sa destination. Ils peuvent utiliser des registres à chaque étape, tels que : cahier de
culture, registre de commercialisation, cahier de fromagerie, etc. ;
- le système technique de traçabilité qui permet de retrouver les éléments répertoriés dans les
enregistrements choisi, au travers par exemple de numéro de lots, ou code barre.
Éléments de réflexion :
- le système de traçabilité doit aussi porter sur tous les intrants et donc notamment sur
l’alimentation des animaux, dans le cas de produits d’origine animale ;
- cette partie doit être suffisamment précise pour s’assurer qu’une traçabilité descendante et
ascendante du produit est garantie (de l’amont vers l’aval de la filière et réciproquement).
3.2 Éléments justifiant le lien au terroir
Cette partie informative et argumentée, incluse dans le cahier des charges ou le document
d’accompagnement, doit permettre de montrer en quoi les facteurs naturels et humains de l’aire
contribuent à la qualité spécifique et à la réputation du produit et ainsi de justifier la réservation du nom au
137
groupe de producteurs situés sur le territoire et respectant les exigences du cahier des charges. De cette
démonstration résulte les exigences du cahier des charges portant sur la description et le mode d’obtention
du produit.
Le lien au terroir se démontre au travers des facteurs du milieu physique et humain localisés sur le territoire
et qui influencent la qualité spécifique du produit et au travers de la dimension historique de ce lien et qui
peuvent être :
- des caractéristiques du milieu influençant les techniques et usages ou conférant à la matière
première des caractéristiques particulières ;
- types de sous-sol, type de sol ;
- géographie de la zone (reliefs, pentes, etc.) ;
- climat, micro-climat ;
- végétation, paysages ;
- des caractéristiques du milieu adaptées au type de transformation utilisé, à la conservation du
produit, etc.
Les facteurs humains et historiques se démontrent en fournissant des références historiques et/ou des
informations liées au savoir-faire, au patrimoine culturel qui permettent de situer le projet dans sa
dimension traditionnelle et de documenter sa réputation et qui permettent d’apprécier :
- l’antériorité de l’usage de ce nom pour ce type de produit ;
- l’usage actuel qui est fait de ce nom ;
- la notoriété passée du produit ;
- les usages du produit, de consommation et de valorisation en détaillant l’organisation sociale de
la filière (les différents métiers) et du territoire (qui valorise le produit, quelles fêtes locales, etc.).
3.3 Le demandeur
A faire figurer dans cette partie :
- nom de la structure porteuse du projet,
- coordonnées : adresse, téléphone, fax,
- nature juridique
- composition : quels sont ses membres : producteurs, transformateurs, conditionneurs,
commerçants, etc.
138
3.4 Système de garantie : plan et organisme de contrôle
Lors de l’élaboration du cahier des charges, il est nécessaire de prendre en considération le plan de contrôle
qui permettra d’assurer la conformité des pratiques des producteurs avec le cahier des charges et ainsi
d’offrir une garantie aux consommateurs et des conditions de concurrence loyales entre producteurs.
Le plan de contrôle est un document qui spécifie la manière dont les exigences stipulées dans le cahier des
charges doivent être vérifiées : à chaque exigence, est associé un indicateur et des moyens de contrôle.
Le demandeur doit considérer les contrôles internes (autocontrôles que chaque producteur s’engage à faire,
en particulier au travers des enregistrements de ses pratiques, et contrôles effectués par l’organisation des
producteurs) et contrôle externe, par l’organisme de certification et contrôle identifié pour le produit.
La mention de l’organisme de contrôle et certification est requise pour l’enregistrement du signe de qualité
au registre prévu par le Décret 2008-1003.
4- Les étapes de la procédure de reconnaissance
Voir schéma ci-après.
4.1 Réunion de toutes les pièces et réflexion
Le demandeur doit se tourner vers l’autorité compétente, le Ministère de l’agriculture et des ressources
hydrauliques ou ses représentants dans les régions, pour obtenir les informations et pièces nécessaires,
ainsi qu’un appui pour l’élaboration du dossier de demande.
4.2 Rédaction du cahier des charges
Le cahier des charges et le dossier associé permettant de justifier le lien au terroir et la délimitation de l’aire
sont préparés et discutés avec tous les acteurs concernés, en particulier au sein de la filière. Le demandeur
est désigné (il est recommandé de constituer un groupement qui sera le représentant des producteurs
auprès de l’administration pour déposer la demande, interagir si besoin pendant le processus et gérer le
SOQ une fois que celui-ci sera enregistré).
139
Schéma de la procédure pour le demandeur
4.3 Dépôt du dossier de demande de reconnaissance
La demande de reconnaissance est déposée à « l’autorité compétente », à savoir les services de la
production agricole et animale relevant du Ministère de l’agriculture. L’autorité compétente est tenue
d’émettre son avis sur cette demande dans un délai de 6 mois à compter de la date de sa réception. La
demande est soumise à une commission ad hoc dénommée « commission technique consultative des
appellations d’origine contrôlée et des indications de provenance ». Le dossier à déposer auprès de la DGPA
pour une demande de reconnaissance en AOC ou IP doit être signé par le demandeur et est composé des
documents suivants :
- le dossier technique permettant de justifier le lien au terroir et la délimitation ;
- la proposition de délimitation ;
- le cahier des charges précisant les conditions de production ;
- la liste nominative des demandeurs.
140
4.4 Instruction du dossier par l’Autorité compétente et la commission technique consultative
L’autorité compétente doit instruire le dossier et le présenter pour avis à la Commission technique
consultative qui est chargée de procéder à la vérification de la conformité des informations contenues dans
le cahier des charges et à l’application de toutes les conditions propres à l’appellation d’origine ou à
l’indication de provenance. L’administration a 6 mois pour apporter une réponse, au-delà de ce délai et sans
réponse de celle-ci, le dossier est accepté. La réponse de l’administration peut être un refus définitif du
dossier, une demande de complément en vue d’une décision ultérieure (la commission peut demander de
retravailler le dossier sur certains points et proroger à cet effet le délai d’instruction) ou une acceptation
immédiate de la reconnaissance.
4.5 Consultation publique
Si l’avis de la commission technique consultative conclut à la reconnaissance du SOQ, monsieur le Ministre
de l’agriculture organise une consultation publique et publie à cet effet la demande de reconnaissance au
journal officiel de la République tunisienne (JORT) : la publication comprend les noms et adresse du
demandeur, le nom du produit, sa zone géographique de production et ses conditions de production. Cette
publication ouvre un délai d’opposition de 6 mois. Si dans un délai de 6 mois personne ne s’oppose
valablement à la demande qui est déposée, la reconnaissance du SOQ est considérée comme acceptée.
4.6 Enregistrement et publication
Lorsque la demande de reconnaissance d’une appellation d’origine contrôlée ou d’une indication de
provenance a fait l’objet d’un avis favorable de la commission consultative et qu’elle n’a pas fait l’objet d’une
opposition, jugée justifiée, dans le délai de 6 mois imparti à cet effet, le Ministre de l’agriculture ordonne
son enregistrement au registre officiel des appellations d’origine contrôlées et des indications de
provenance, qui est tenu par la direction générale de la production agricole. Ce registre contient les
informations suivantes :
- le nom du produit ;
- les coordonnées du demandeur ;
- les caractéristiques du produit ;
- la délimitation et les spécificités de sa zone géographique de production ;
- ses conditions de traçabilité ;
- ses conditions de production et, le cas échéant, de transformation ;
- ses conditions de certification et le ou les organismes chargés du contrôle et de la certification ;
- les conditions spécifiques d’étiquetage.
141
Le Ministre chargé de l’agriculture publie au journal officiel de la République tunisienne l’arrêté portant
reconnaissance de l’appellation d’origine contrôlée ou de l’indication de provenance. Cet arrêté délimite
l’aire géographique de production et porte approbation du cahier des charges qui y est reproduit.
5- Reconnaissance et enregistrement sur le marché européen
Les définitions retenues par la Tunisie concernant l’AOC sont relativement proches de celles retenues :
- dans l’Arrangement de Lisbonne dont la Tunisie est partie depuis 1973 ;
- dans les règlements européens.
Cette correspondance des définitions devrait par conséquent permettre à la Tunisie d’envisager de faire
enregistrer les appellations d’origine contrôlées qu’elle reconnaît sur son territoire dans le registre
communautaire des appellations d’origine protégées (pour autant que toutes les autres conditions posées
par la réglementation européenne pour un tel enregistrement soient remplies, notamment en matière de
contrôle) afin qu’elles puissent bénéficier de la protection mise en place par la réglementation européenne
sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne. Compte tenu des exigences européennes, les
producteurs devront s’organiser en groupement pour faire faire la demande de reconnaissance et la gestion
du signe.
Si le demandeur envisage de se servir du signe de qualité dans le cadre de ses exportationsvers l’Union
européenne, deux modalités sont possibles :
- la reconnaissance bilatérale du registre tunisien des AOC-IP dans le cadre d’un accord
international entre la République de Tunisie et l’Union Européenne ;
- l’enregistrement au cas par cas à la demande du groupement de défense d’une AO ou IP auprès
de la Commission européenne (cette demande peut être introduite directement par le
groupement ou par le biais des autorités tunisiennes compétentes).
Concernant l’IP, la définition tunisienne rejoint celle de l’Indication géographique protégée (IGP) en Europe
(tandis que le terme IP est plutôt associé à une indication de source sans spécification d’une qualité
particulière). Dans la perspective d’une demande d’enregistrement dans le registre communautaire, les
indications de provenance de la loi de 1999 devront solliciter leur enregistrement dans le registre des
indications géographiques protégées. Elles seraient donc « indication de provenance » sur le territoire
tunisien et « indication géographique » sur le territoire communautaire.
142
Annexe 7
Glossaire
Appellation d’origine contrôlée selon la loi tunisienne de 1999
L’appellation d’origine contrôlée est le nom d’un pays, d’une région naturelle ou parties des régions d’où
provient tout produit et qui puise sa valeur et ses particularités dans son environnement naturel et humain.
Les éléments naturels comprennent d’une façon générale le milieu géographique de provenance du produit
avec ses particularités se rapportant au sol, à l’eau, à la couverture végétale et au climat. Les éléments
humains comprennent notamment les méthodes de production, de fabrication ou de transformation et les
techniques spécifiques acquises par les producteurs ou les fabricants dans la région concernée. Les
méthodes de production doivent découler de traditions locales anciennes stables et notoires.
Appellation d’origine (AO) selon l’Arrangement de Lisbonne
Dénomination géographique d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à désigner un produit qui en
est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus exclusivement ou essentiellement au milieu
géographique, comprenant les facteurs naturels et les facteurs humains.
Appellation d’origine protégée (UE) – AOP
Selon le règlement CE n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 relatif à la protection des indications
géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, on entend
par « appellation d’origine » le nom d’une région, d’un lieu déterminé ou, dans certains cas exceptionnels,
d’un pays, utilisé qui sert à désigner un produit agricole ou une denrée alimentaire a) originaire de cette
région, de ce lieu déterminé ou de ce pays, b) dont la qualité ou les caractères sont essentiellement ou
exclusivement dus au milieu géographique comprenant les facteurs naturels et humains, et c) dont la
production, la transformation et l’élaboration ont lieu dans l’aire géographique délimitée.
Cahier des charges
Document qui décrit les attributs spécifiques du produit IG en lien avec son origine géographique, au travers
de la description du produit et de son mode d’obtention, fournissant les exigences en termes de modes de
production mais aussi de transformation, conditionnement, étiquetage, etc., le cas échéant. Toute personne
utilisant l’IG doit respecter les dispositions de ce cahier des charges. Le cahier des charges résulte du
consensus obtenu par les acteurs de la filière concernée par l’IG.
143
Générique
Une dénomination est considérée comme « générique » quand elle est si couramment utilisée que les
consommateurs la considèrent comme un nom de classe ou de catégorie pour tous les produits/services du
même type, plutôt qu’une référence particulière à l’origine géographique.
Indication de provenance – selon la loi tunisienne de 1999
Le nom du pays, d’une région naturelle ou parties de régions dont le produit tire sa particularité et sa
renommée et où il est produit, transformé ou fabriqué
Indication géographique (IG)
L’accord de l'OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC)
de 1994, définit l’IG comme un droit de propriété intellectuelle, de la même manière que les brevets,
marques commerciales ou les logiciels, selon ces termes : les IG sont «des indications qui servent à
identifier un produit comme étant originaire du territoire d’un Membre, ou d’une région ou localité de ce
territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être
attribuée essentiellement à cette origine géographique».
Indication géographique protégée (UE) – IGP
Selon le règlement CE n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 relatif à la protection des indications
géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, on entend
par « indication géographique » le nom d’une région, d’un lieu déterminé ou, dans certains cas
exceptionnels, d’un pays, qui sert à désigner un produit agricole ou une denrée alimentaire a) originaire de
cette région, de ce lieu déterminé ou de ce pays et, b) dont une qualité déterminée, la réputation ou
d’autres caractéristiques peuvent être attribuées à cette origine, et c) dont la production et/ou la
transformation et/ou l’élaboration ont lieu dans la zone géographique définie.
Plan de contrôle
Le plan de contrôle est un document spécifique qui spécifie la manière dont les exigences stipulées dans le
cahier des charges doivent être vérifiées. Il s’agit d’un outil de gestion identifiant les points de contrôle qui
sont les points critiques du processus de production et les moyens pour vérifier leur conformité aux
exigences.
144
Terroir
Un terroir est un espace géographique délimité, où une communauté humaine a construit au cours de
l’histoire un savoir intellectuel ou tacite collectif de production fondé sur un système d’interactions entre un
milieu physique et biologique et un ensemble de facteurs humains dans lequel les itinéraires
sociotechniques mis en jeu révèlent une originalité, confèrent une typicité, et engendrent une réputation,
pour un produit originaire de ce terroir.
Traçabilité
L’Organisation internationale de normalisation (ISO) définit la traçabilité comme l’«aptitude à retrouver
l’historique, la mise en œuvre ou l’emplacement de ce qui est examiné». Dans le cas des produits IG, un
système de traçabilité est un système plus ou moins complexe (dépendant des décisions prises par les
acteurs et/ou par le cadre normatif) qui permet d’identifier clairement les différents points de provenance
et passage du produit et de ses ingrédients, tout au long de la chaîne alimentaire jusqu’aux clients et
consommateurs, incluant toutes les entreprises qui ont été impliquées dans le processus de production,
transformation, distribution, etc., pour s’assurer que le cahier des charges a été correctement appliqué et
pour intervenir en cas de non-respect.
Typicité
La typicité d’un produit agricole ou alimentaire est une caractéristique appartenant à une catégorie de
produits qui peut être reconnue par des experts, sur la base des attributs spécifiques communs à ces
produits. La typicité exprime la possibilité de distinguer le produit du terroir des autres produits similaires
ou comparables. Elle fonde donc l’identité du produit.
La typicité comprend un degré de variabilité interne au type de produit, mais qui ne remet pas en cause son
identité. Les propriétés types sont décrites par un ensemble de caractéristiques (techniques, sociales,
culturelles) identifiées et définies par un groupe de personnes faisant référence et qui s’appuient sur des
savoirs partagés entre les différents acteurs de la chaîne alimentaire: les producteurs de matières
premières, les transformateurs, les régulateurs et les consommateurs.
145
Annexe 8
Délégation Nasrallah
- Situation géographique et socioéconomique de la délégation
La délégation compte 8 secteurs, 1 communal et 7 non communaux, qui comptent chacun respectivement
environ 8 400 et 28 000 habitants soit environ 36 400 personnes dans la délégation54.
- Terre et culture
54 ODCO, Gouvernorat de Kairouan en Chiffres, 2010 p 14-15.
1896
21450
746
24092
Caprins Ovins Bovins Total
CHEPTEL
38301
23919111
762769958
Terres cultivablesParcours
ForêtsAutres
Total
Occupation du sol
Baisse des deux tiers des caprins et du tiers des ovins en une année. Les ovins restent là aussi les plus présents dans la constitution du cheptel.
Terres pour la plupart domaniales, les terres individuelles sont de petites superficies, au pied des montagnes avec un sol de plus en plus pauvre et de moins en moins d’eau.
Principale culture : oliviers. Des nappes alfatière sont présentent sur de grandes surfaces.
Production de légumes en quantité importante : 8617 tonnes
146
Production de céreales en irriguée
(quintal)
Production de céreales en sec
(quintal)
Total céréales Surface de fourage (hectare)
117130
41600
158730
1360
Production de céréales et surfaces de fourage
Production de céréales plutôt en irriguée et les surfaces de fourrages moyennes.