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Ecole nationale des chartes - rapport du concours 2003 ECOLE NATIONALE DES CHARTES RAPPORT DU CONCOURS D’ENTREE 2003 20 novembre 2003 Page 1

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ECOLE NATIONALE DES CHARTES

RAPPORT

DU

CONCOURS D’ENTREE 2003

20 novembre 2003

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Ecole nationale des chartes - rapport du concours 2003

Les épreuves écrites du concours d’entrée en première année à l’École des chartes se sont déroulées du mercredi 21 mai au vendredi 23 mai 2003 (épreuves d’admissibilité) et du mercredi 18 juin au mercredi 25 juin 2003 (épreuves d’admission). L’épreuve d’admissibilité du concours d’entrée en deuxième année a eu lieu le jeudi 15 mai 2003 et l’épreuve d’admission le lundi 16 juin 2003.

Pour le concours d’entrée en première année, sur 171 candidats inscrits, dont 77 dans la

section A et 94 en section B, 161 ont composé. 52 ont été déclarés admissibles, soit 33 en section A et 19 en section B. 24 ont été reçus, se répartissant de la manière suivante : 16 pour la section A et 8 pour la section B. Pour le concours d’entrée en deuxième année, sur 20 candidats inscrits, 4 ont été admissibles et un a été reçu.

SOMMAIRE

CONCOURS D’ENTRÉE EN PREMIÈRE ANNÉE

I. Matières communes

1. Composition française.............................................................................. 2. Version latine ........................................................................................... 3. Histoire moderne...................................................................................... 4. Allemand.................................................................................................. 5. Anglais ..................................................................................................... 6. Géographie historique .............................................................................. 7. Version grecque .......................................................................................

II. Matière propres à la section A 8. Histoire du Moyen Âge............................................................................ 9. Thème latin ..............................................................................................

III. Matière propres à la section B 10. Histoire contemporaine ............................................................................ 11. Géographie de la France .......................................................................... 12. Version espagnole .................................................................................... 13. Version portugaise ...................................................................................

CONCOURS D’ENTRÉE EN DEUXIÈME ANNÉE .............................................................. STATISTIQUES .............................................................................................................. N.B : toutes les notes figurant dans les pages suivantes sont exprimées sur 20.

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I - MATIERES COMMUNES 1. COMPOSITION FRANÇAISE

Un des personnages de L'Espoir, roman d'André Malraux (1937), affirme : « L'art n'est pas un problème de sujets. ». Que pensez-vous de cette déclaration ? N. B. Vous prendrez vos exemples aussi bien dans la littérature que dans les arts.

La citation ne présentait aucune difficulté de compréhension et la question posée était sans

ambiguïté. Il n'était pourtant pas inutile de s'interroger, dès l'abord, sur la notion de "sujet". Cette précaution aurait évité à beaucoup de candidats de remplacer ce mot, au fil de la discussion, par "thème", intrigue", voire "message", qui ne sont pas équivalents. A l'inverse, certains ont cru pouvoir, au mépris du bon sens, discuter la citation en donnant au mot "sujet" toutes ses acceptions, y compris celle de "personne" devenue, ensuite "auteur". Ce contresens n'a été le fait que d'une minorité, mais il fournit l'occasion de répéter que le sens des mots du sujet doit être examiné avec rigueur pour éviter tout glissement vers des notions voisines, non pour y découvrir d'improbables jeux de mots.

La plupart des copies se proposait de peser le pour et le contre, puis d'élargir la réflexion

pour définir une position personnelle. Le sujet autorisait ce plan classique qui avait le mérite de la clarté. Cependant, plus soucieux d'accumuler des exemples que de réfléchir à leur portée, beaucoup de candidats se sont trouvés démunis pour nourrir une troisième partie ; ils ont recouru alors à des élargissements excessifs du sujet, qui n'avaient d'autre intérêt que de leur permettre la reprise d'un topos scolaire. A ce point de la dissertation, n'était-il pas bien ambitieux ou naïf de se demander, comme certains, quelle est la nature de l'Art ? Les bonnes copies ont su rester critiques à l'égard des déclarations souvent péremptoires des plus grands auteurs (Peut-on vraiment n'"écrire sur rien" ?) et en tirer matière pour nuancer le jugement de Malraux ; la question du sujet était suffisamment complexe, il était inutile de porter le débat sur un autre terrain. Certains candidats ont cru qu'il suffisait de suivre le fil de l'histoire littéraire pour structurer un exposé ternaire : primauté, remise en cause et mort du sujet. Outre les approximations théoriques qu'il supposait et l'absurdité à laquelle il aboutissait (Dada a-t-il définitivement réglé la question du sujet ?), ce plan chronologique portait, comme toujours, à la récitation de pans d'histoire littéraire et non à la réflexion personnelle, argumentée, que l'on attend de cette épreuve.

A ces défauts malheureusement récurrents, quel que soit le sujet donné, s'est ajoutée, cette

année, une inadmissible désinvolture dans le choix et la présentation des exemples. Le jury encourage les candidats à s'appuyer, quand le sujet s'y prête, sur des exemples empruntés aussi bien à la littérature qu'à des domaines artistiques tels que la musique, les arts plastiques, le cinéma…Son but est d'offrir aux candidats la possibilité d'étendre leur réflexion et de faire la preuve d'une culture personnelle plus large. Encore faut-il respecter une juste mesure et l'absence complète d'exemples littéraires dans certaines copies était inacceptable. Plus grave encore était le nombre de noms mal orthographiés, de confusions entre les artistes. On a

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attribué Madame Bovary à Balzac et Zola ; pour certains, Monet a peint Olympia, pour d'autres, la gare de Lyon, pour d'autres encore, une série de cathédrales de Chartres… La liste des bourdes serait trop longue à faire et prêterait à rire si elle ne dénotait la propension des candidats à parler d'artistes dont ils n'ont, à l'évidence, pas lu une ligne ou vu une œuvre. Il leur semble suffisant d'en avoir entendu parler, parfois même de façon allusive, pour les citer avec assurance. Les artistes contemporains sont particulièrement mal traités : leurs noms sont transcrits de façon approximative et phonétique (Jason Pollock), même quand ils sont aussi simples que celui de Magritte, souvent orthographié Magrit ; les commentaires sont inappropriés, distribuant généreusement le qualificatif d'"abstrait" aux peintres contemporains les plus divers. Le comble du ridicule pour les candidats et de l'exaspération pour le jury est atteint avec l'exemple de Marcel Duchamp et de ses ready-made : s'il a frappé les imaginations, le mot "urinoir" n'a pas été correctement compris et devient "bidet", "pissotière", "toilettes", "cabinet de toilette"… Les candidats doivent être persuadés qu'ils ne trompent pas le jury quand ils s'aventurent à citer des exemples dont ils n'ont pas une connaissance précise et que ce manque de rigueur ne peut leur être pardonné.

Ces critiques ne doivent pas faire oublier que vingt et une copies ont obtenu une note égale

ou supérieure à 12, trois d'entre elles atteignant la note de 16. Elles ont su éviter les écueils évoqués plus haut et présenter avec conviction une argumentation étayée d'exemples originaux, tout en satisfaisant aux exigences de correction formelle de l'épreuve : absence de fautes d'orthographe et de syntaxe, aisance de l'expression. On note, cette année, pour la première fois, un écart de plus d'un point et demi de moyenne en faveur des candidats au concours A (8,35 contre 6,97 pour le concours B). Le nombre des notes égales ou inférieures à 6 a diminué, tandis qu'augmentait celui des notes égales ou supérieures à 14. Les candidats au concours A semblent s'être un peu affranchis de cette frilosité intellectuelle qui leur a été souvent reprochée ; la progression de leurs notes traduit, pour une part, cette évolution dont on ne peut que se féliciter.

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2. VERSION LATINE EPREUVES ECRITES Section A

Tibulle, Elégies, 1,1 Il s’agit ici d’un texte au sujet et à la syntaxe très classiques, où l’on retrouve plusieurs

thèmes communs à l’élégie et à la bucolique : poème « devant la porte close », vie heureuse à la campagne, surtout lorsqu’on se trouve dans les bras de sa maîtresse et que les éléments sont déchaînés. Une incompréhension totale du texte est difficile à admettre dans un cas pareil. Heureusement, la série A nous a donné, cette année, dans l’ensemble, de bonnes traductions, quelques-unes même (2 ou 3) remarquables d’élégance. Le rapport sera donc plus court que d’habitude, les difficultés étant moins nombreuses.

Vers 1 : se pose, comme au v. 5, la question de la traduction des subjonctifs (possim, puis

pudeat). Ces subj. expriment un souhait plus qu’une volonté : on pourrait les traduire par « si je pouvais », le deuxième correspondant plutôt à un conditionnel français : « je n’aurais pas honte. »

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V. 2 : uiae est une allusion aux voyages périlleux du poète, un sujet banal qui reviendra à la fin du texte, où il a souvent été mal compris.

V. 3 : Canis a parfois donné lieu à des traductions cocasses, certains candidats ayant oublié de considérer la majuscule de ce mot. On devait donc aussitôt songer à la constellation du Chien, donc à la canicule, un sujet prémonitoire en mai 2003 ! Ne parlons pas de ceux qui confondent ortus et hortus, et s’égarent à l’ombre d’un jardin, alors qu’il s’agit du lever de la constellation du Chien.

V. 5 et suiv.: on peut souligner çà et là quelques lacunes de vocabulaire. Certains candidats feraient bien de revoir les impersonnels pudet, piget, decet, iuuat, contingit etc. Dans les copies, leur sens est parfois bien flou, voire totalement faux.

V. 7 : de grosses confusions sur le sens de capella, mot bien facile à comprendre dans le contexte (surtout avec fetum et matre), pour qui s’y connaît un peu en étymologie. Comme il est sans cesse question d’animaux dans ce passage, on voit mal ce que vient faire une chapelle ici. De plus, la construction desertum oblita matre n’a pas toujours été saisie. Ne pas faire d’oblita un passif, en oubliant que le verbe est déponent.

V. 9 : mêmes lacunes de vocabulaire à propos de fur et de pecus. V. 11 : quot annis est parfois ignoré. Est-ce si déroutant de le voir écrit en deux mots ? De

même pour spargere et lustrare (ce qui est plus excusable, mais le sens pouvait se déduire du contexte).

V. 13 : plus grave nous paraît le fait de négliger le mode d’adsitis, et encore plus de ne pas connaître le sens de ce composé de sum.

V. 14 : nous avons été surpris de voir plusieurs candidats ignorer le sens de sperno mais connaître celui de ictilia, pourtant plus rare ! f

V. 18 : peu de difficultés ici, mais la construction la plus vraisemblable conduisait à faire d’auo un datif (procurer à mon aïeul) plutôt qu’un ablatif complément d’agent. Condo, ere signifie « engranger ».

V. 20 : leuare, parfois mal traduit a pour racine leuis, « léger » et signifie « reposer ». V. 22 : tenero sinu est un ablatif de lieu plutôt que de qualité, car dans ce dernier cas

continuisse resterait un peu en suspens. Mais on peut discuter, un ablatif de qualité n’étant pas absurde ici. Peu de problèmes dans les vers suivants, sinon sur la traduction d’Auster : mieux valait laisser le mot tel quel que de laisser voir qu’on ignorait qu’il s’agit d’un vent du Sud.

V. 25 : le sens adverbial de iure est parfois méconnu. V. 27 : de même pour celui de quantum + gén. (tout ce qui existe de). V. 27-28 : la disjonction potius… quam a parfois dérouté, ce qui a entraîné des contresens.

Ob a souvent été traduit de manière ambiguë et approximative. Traduire ici « pleure sur notre route » méconnaît le sens causal d’ob. Il faut développer un peu la traduction, pour rendre uias moins elliptique (« pleure à cause de nos voyages, des voyages que nous entreprenons »).

V. 29 : terra marique ont un sens local. V. 30 : praefero signifie « exposer ». Quant à la confusion entre uinctum et uictum, au v.

31, c’est un grand classique qu’il nous fâche de revoir chaque année ! En conclusion, un texte qui comportait peu de difficultés, mais qui demandait des facultés

d’analyse élémentaires et parfois un peu d’intuition.

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Section B

Tibulle, Elégies, 2, 6 Le sujet de ce texte relativement court est bien précisé par son titre. Comme dans le poème

de la série A, les idées sont classiques, avec, en plus, un certain humour, qui consiste à imaginer le dieu Amour prenant les armes et partant pour le camp, ce que menace de faire aussi le poète, pour échapper aux tourments provoqués par sa maîtresse. Or ce sujet si simple n’a tout simplement pas été compris par trop de candidats, sans parler du détail du texte. A croire que certains ne lisent même pas le titre de la version.

V. 1 : on rencontre des difficultés dès castra, parfois pris pour le prénom de Macer (!), mais

trop souvent aussi traduit par un pluriel. Que dire des candidats qui butent ainsi sur des points élémentaires, dès le début de la version, alors que la fatigue n’est pas une excuse ?

V. 2 : attention aux subjonctifs sit et gerat, à traduire par des conditionnels. V. 3 : seu… seu : ce balancement signifie « soit que… soit que » (uirum est le COD de

ducent, verbe commun des deux propositions). Seu est suivi de l’indicatif futur. V. 4 : uolet est le verbe principal (au futur). Cum n’est donc qu’une préposition. V. 5 : ure vient de uro, ere (et n’a rien d’un vocatif). Ferus, adjectif avec une valeur

adverbiale. Puer est l’Amour.

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V. 7 : inflexion du sens des paroles du poète : si Amour épargne les soldats, alors le poète veut bien s’engager, pour échapper aux tourments du dieu. Quod si a la valeur d’une légère opposition, et n’est pas causal. Parces est à rendre par un présent.

V. 8 : qui… portet : relative au subj. Le soldat en campagne va puiser l’eau dans son casque. V. 9 : castra peto : cf. v. 1. Valeat, -eant : traduire par « adieu ». V. 10 : mihi sunt : cf. la règle mihi est liber. Vires : « forces » (souvent confondu avec uir,

iri). V. 11 : nouvelle inflexion : les portes closes de sa maîtresse anéantissent les (bonnes)

résolutions martiales du poète. La plainte « devant la porte close » est un classique de l’élégie. Mihi … locuto est un datif, complément de excutiunt, donc clausae fores est le sujet et uerba le COD.

V. 13 : quotiens est un adv. exclamatif (que de fois). Limina reprend le motif de la porte close.

V. 15 : construction des plus classiques : utinam + subj. (puissé-je…) ; fractas est l’attribut du COD (« voir brisées tes flèches ») ; tua tela est une apposition à sagittas. fax, v. 16, Il ne faut s’étonner de voir une torche (fax, v. 16) dans les mains du dieu Cupidon.

V. 17 : mi e um (m ). Me est d’ailleurs exprimé dans la proposition suivante. s r eV. 19 : finissem est un irréel du passé. Credula détermine spes. V. 20 : fore est le verbe dont cras est le sujet (« que demain sera meilleur »). V. 23 : haec a pour antécédent spes (et est donc fém. sg.). Allusion en ce vers à la chasse aux

oiseaux et à la pêche (harundo : canne à pêche). V. 24 : ici une analyse sérieuse est nécessaire. L’espoir de se nourrir fait mordre le poisson à

l’hameçon, que cache l’appât. Ce dernier est donc placé ‘devant’ lui, d’où ante. V. 25 : ualida détermine compede, et est donc un ablatif. Sur uinctum voir version de la série

A, vers 30. V. 26 : allusion au chant des prisonniers ou des bagnards au milieu de l’ouvrage (inter opus). V. 28 : ne uincas deam souvent mal compris. La déesse est l’Espérance (Spes) nommée au v.

27. La maîtresse, Némésis, va vaincre l’espérance à cause de sa dureté (« malheur à moi, ne va pas, cruelle jeune fille, triompher de la déesse »).

Résultats pour les sections A et B : max. 19 ; min. 0 ; sur 104 copies, 42 égales ou

supérieures à la moyenne ; moyenne générale : 8,03.

EPREUVE ORALE

Les textes ont été choisi cette année parmi les lettres de Pline le Jeune. Le concours A nous a donné de bonnes prestations, mais à la différence de l’écrit, nous

avons vu peu de candidats très brillants. Parmi les erreurs importantes, on signalera, à l’usage des futurs candidats et des jeunes chartistes, l’incompréhension de l’impératif négatif ne + subj. parf. De même pour l’impératif passif et déponent sg. en -re (passif et déponent étant parfois confondus). Passif et actif sont parfois confondus, et les déponents mal identifiés, malgré nos questions répétées et insistantes.

Il est conseillé (une fois de plus) de lire le texte avec soin afin d’éviter de graves erreurs de

lecture et de traduction (nunc confondu avec non). De grosses confusions également entre parco et pareo, obsum et offero, audax et audacia, gener et genus.

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Une fois encore des adverbes sont ignorés : perperam, perquam, sedulo. On confond les indéfinis quisque et quisquis, on ne connaît pas l’interrogatif quotus. On

confond quod relatif et quod conjonction. La locution ut qui est ignorée. Les candidats doivent respecter le temps des verbes, qu’ils traitent avec une grande

désinvolture dans leur traduction. L’oral B est assez équilibré. Chez deux candidats pourtant, le manque de vocabulaire était

flagrant ; il n’avaient sans doute pas mesuré leur niveau par rapport aux exigences de l’oral (ignorance de uaco, -are, secedo, -ere, noui, -isti, reddo, -ere, doleo, -ere, piger, sermo traduit sans raison par discours).

Autre point, qui était aussi valable à l’écrit : faire passer à l’actif une phrase passive peut

être parfois élégant, mais, chez certains, l’exercice s’apparente à un travail sans filet : il faut être sûr de soi pour le faire sans erreur dans le cas d’une phrase un peu longue. Si l'on ne maîtrise pas bien le texte, mieux vaut rester au passif, cela évitera parfois des erreurs sur les compléments d’agent et autres compléments.

3. HISTOIRE MODERNE

EPREUVE ECRITE

LE ROYAUME DE FRANCE EN GUERRE, DES ANNÉES 1660 AUX ANNÉES 1780.

La faible moyenne de 6,47 (7,5 pour la section A, 5,6 pour la section B) indique clairement

l’ampleur de la surprise des candidats face à un sujet auquel ils ne s’attendaient visiblement pas. Dans leur préparation, beaucoup ont cru pouvoir ignorer cet aspect de l’ancien régime ainsi que le renouvellement historiographique dont il est l’objet. La parution récente d’un volume de la collection « Nouvelle Clio » (Jean Chagniot, Guerre et société à l’époque moderne, Paris, PUF, 2001) consacré à cette question aurait pourtant dû éveiller quelques curiosités et inciter les candidats à considérer la guerre pour ce qu’elle est : un caractère structurant de la société d’ancien régime. Aucune savante spéculation sur les sujets susceptibles d’être proposés au concours ne saurait justifier les impasses qui s’avèrent toujours être des calculs suicidaires. La mauvaise qualité d’un grand nombre de copies notées en dessous de 5 s’explique donc simplement par une évidente absence de connaissances sur le sujet.

Le jury n’attendait pourtant pas des candidats qu’ils entrent dans de subtiles considérations

sur la vénalité des charges militaires, ni même qu’ils exposent le détail des campagnes et des batailles. En revanche, des institutions comme la milice ou le système des classes (souvent confondu avec son contraire, la « presse » anglaise), qui organisent la participation de nombreux sujets du roi à l’effort de guerre ne pouvaient être ignorées, comme ce fut trop

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souvent le cas. Les grandes réformes militaires de Louvois ou de Choiseul devaient aussi être évoquées, car elles ont constitué des sujets politiques sensibles et ont déterminé une bonne part des relations entre la noblesse (concernée au premier chef) et la monarchie. A défaut d’entrer dans le détail des opérations militaires, il était aussi nécessaire de citer (et de dater) quelques grandes batailles ou campagnes, afin d’en souligner le retentissement, voire la portée symbolique. De ce point de vue, les désastres comme Rossbach sont aussi intéressants que les victoires éclatantes comme Fontenoy. Il ne s’agissait évidemment pas de renouer avec la traditionnelle histoire-bataille (qui a toutefois ses mérites…), mais de rappeler qu’en temps de guerre, la population vit au rythme des nouvelles transmises par les gazettes ou les curés, célébrées, le cas échéant, par des Te Deum. Le désintérêt manifeste des candidats pour ce type de question les a trop souvent entraînés sur la voie de raisonnements anachroniques et de considérations naïves. La guerre, c’est entendu, est un fléau qui n’a épargné aucune période de l’histoire. Ce n’est pas une raison suffisante pour transformer une dissertation en réquisitoire contre la barbarie des combats, l’égoïsme des rois ou leur appétit de conquête. L’image d’une monarchie belliqueuse infligeant le fléau de la guerre à un peuple n’aspirant qu’à la paix est caricaturale et réductrice. Certains candidats ont cru déceler dans le XVIIIe siècle une inexorable montée du pacifisme concourant à la critique de l’absolutisme et aboutissant dans un superbe apogée téléologique à la Révolution française. Comme si les événements qui débutent en 1789 ne racontaient pas l’histoire d’un peuple en armes…

A l’inverse, certaines copies plus réfléchies ont su montrer que la guerre constitue un

élément structurant de la société d’ancien régime puisque, par exemple, le second ordre (que certains nomment celui des Bellatores par une coquetterie superflue…) puise toujours sa légitimité et sa prééminence sociale dans l’exercice du métier des armes et le paiement de l’impôt du sang. En 1756, la réponse du chevalier d’Arc à La Noblesse commerçante de l’abbé Coyer indique bien que le modèle d’une aristocratie militaire ne constitue en rien un idéal passéiste et suranné. N’oublions pas que les premières loges maçonniques ont été fondées dans le milieu de la noblesse militaire…Ces quelques remarques sur le XVIIIe siècle, doivent rappeler aux candidats la nécessité de traiter l’ensemble de la durée couverte par le sujet. Trop de copies ont accordé au règne de Louis XIV une importance démesurée, ignorant parfois totalement les conflits du siècle des Lumières. A ce régime-là, la guerre de Sept Ans a sans doute été la plus maltraitée. Une erreur récurrente a conduit certains à la considérer comme une affaire purement coloniale mobilisant un nombre limité de troupes. Pourtant les conséquences de ce conflit ont été au cœur de la vie politique des années 1760 (au même titre que la question parlementaire d’après le cardinal de Bernis…), provoquant la chute de Choiseul dont les réformes militaires et les positions bellicistes ont été finalement désavouées par Louis XV. Quant au règne de Louis XIV, pourtant largement privilégié dans les copies, il a donné lieu à des développements stéréotypés où la légende noire semble l’avoir emporté sur son opposée dorée. Autres temps, autres mœurs… A ce propos, rappelons aux candidats que l’emploi d’expressions heureusement formulées pars des auteurs inventifs, ne dispense pas d’une réflexion sur leur contenu. Le terme de « roi de guerre » est apparu avec une fréquence propre à combler Joël Cornette, auteur du livre portant ce titre. Toutefois, bien des candidats semblent ignorer que l’ouvrage est aussi sous-titré « Essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle » suggérant ainsi que la question ne saurait réduite à cette formule définitive glanée dans une copie : « Les rois aiment la guerre ».

La guerre sur mer a souvent été oubliée. La contribution des villes, des populations et des

ressources de la façade maritime à l’effort de guerre constituait un aspect important du sujet, hélas souvent négligé. Certains ports tels que Brest, Rochefort ou Toulon vivent au rythme des arsenaux dont l’approvisionnement mobilise des ressources puisées jusqu’au cœur du

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royaume. « Le royaume de France en guerre », c’est aussi des forêts plantées et gérées pour la construction navale, des forges, des manufactures qui contribuent à l’essor économique de certaines provinces ainsi qu’à la constitution de quelques grandes fortunes familiales. Certaines questions telles que les difficultés budgétaires de la monarchie ont, elles aussi, été traitées de façon superficielle et allusive. D’une copie à l’autre, les déficits sont passés du simple au centuple. Les grandes réformes fiscales (capitation, dixième, vingtième, etc.), toutes liées aux conséquences directes ou indirectes d’une guerre, sont trop souvent méconnues. S’il n’était pas question de les étudier en détail, encore fallait-il savoir les dater et en décrire les modalités en quelques mots… On le voit, le sujet ne se réduisait pas à un classique problème d’histoire militaire. L’incapacité des candidats à varier les approches et à mobiliser leurs connaissances pour traiter cette question dans toute son ampleur explique aussi l’insuffisance des résultats. Un bon nombre de copies ont révélé de graves lacunes dans la capacité à organiser de façon cohérente des faits et des données choisis avec pertinence. C’est pourtant là l’exigence fondamentale de l’exercice de la dissertation. Faut-il rappeler la nécessité de réfléchir à la formulation du sujet et aux problématiques qu’elle induit ?

En mettant l’accent sur le « royaume de France », le sujet orientait les candidats vers une

réflexion sur les effets politiques, sociaux, culturels ou économiques de la guerre. En effet, il ne s’agissait pas tant d’étudier les opérations militaires en elles-mêmes que d’en évaluer les conséquences sur les habitants et les structures du royaume. Or, certains candidats ont interprété le sujet comme une invitation à dérouler une fastidieuse chronique militaro-diplomatique (souvent plus diplomatique que militaire…) des trois derniers règnes de l’ancien régime, accumulant sans aucun discernement batailles et traités de paix. Cette démarche était d’autant moins pertinente qu’elle était le plus souvent structurée par un plan chronologique peu imaginatif. Comme souvent, le manque de familiarité des candidats avec les problématiques de l’histoire moderne les a conduits à réduire le sujet à sa dimension politique et à en surévaluer les enjeux étatiques. L’absurdité d’un plan accordant une partie à chacun des trois règnes de la période n’a visiblement pas découragé certains. Le flou volontaire des limites chronologiques était censé inviter les candidats à ne pas rester prisonniers d’une lecture trop politique et trop événementielle du sujet. Hélas, beaucoup se sont crus obligés de débuter en 1661 et de terminer en 1789, sans s’apercevoir que ces dates induisaient une problématique inadaptée à la question posée. La chronique militaro-diplomatique des trois règnes n’était évidemment pas exclue du sujet, mais elle n’en constituait que la trame. Elle représentait la part nécessaire mais non suffisante des connaissances à maîtriser. Faute d’y parvenir, certains ont cru bon d’ignorer le cadre événementiel de la question, tombant dans un excès inverse. La chronologie des guerres était alors soit totalement absente, soit fantaisiste. Or, le sujet couvrait près d’un siècle et demi d’histoire que l’on ne saurait appréhender de façon monolithique. Souvent, l’absence du souci élémentaire de contextualisation a entraîné les candidats dans de vagues considérations sur les malheurs de la guerre applicables à toutes les périodes de l’histoire.

Entre l’absence totale d’éléments de contextualisation et la soumission à une chronologie

inadaptée, il existait une voie moyenne qui constituait sans doute la clé du sujet. Les bonnes copies, trop rares, sont celles qui ont su développer l’analyse des effets structuraux de la guerre dans un cadre événementiel précis. Certains plans astucieux ont permis à quelques candidats d’exprimer de réelles capacités d’analyse et de synthèse. Faisant le choix d’une démarche chronologique, quelques-uns ont compris que les guerres de Louis XIV pouvaient difficilement être traitées en bloc, consacrant une première partie aux guerres glorieuses (Dévolution et Hollande) des années 1660-70, une deuxième aux conflits épuisants de la fin du règne (Ligue d’Augsbourg, Succession d’Espagne et même guerre des Camisards) et une

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troisième aux guerres du XVIIIe siècle. Certes les tranches chronologiques ainsi constituées ne sont pas équilibrées en durée, mais chacune possède une unité problématique qui traduit un véritable effort de réflexion. Sur un autre mode, certains plans thématiques ont déjoué le piège de l’atemporalité en sachant distinguer, à l’intérieur de chaque thème, les facteurs d’évolution et de continuité. Face à un sujet qui ne se réduisait pas à une question de cours, la capacité des candidats à mener une véritable réflexion et à organiser une synthèse complexe s’est ainsi avérée déterminante.

EPREUVE ORALE

À paraître prochainement 4. ALLEMAND

EPREUVES ECRITES

Version allemande (1ère langue, Sections A et B)

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Hans Erich Nossack (1901-1977), auteur du récit < Das CARE-Paket >, interdit de publication à partir de 1933, revient aux lettres après la débâcle hitlérienne et reprend alors une vie normale qui lui fait connaître assez tard un franc succès. Les élèves des classes préparatoires doivent avoir retenu quelque chose des événements que rapporte le texte de version. La note 1 expliquait le titre. Les colis CARE - le terme possède une double valeur, le sens intrinsèque anglais de <care>, qui révèle le souci d’une aide matérielle, en particulier aux enfants néerlandais, autrichiens, allemands, et le sigle de Cooperative for American Remittances in Europe - ont débuté dès 1946, se sont multipliés surtout après 1948, puis étendus à d’autres parties du monde en 1958, et prolongés pour Berlin jusqu’en 1963. Structure du texte : - 1 - 12 : arrivée du colis mystérieux - 13 – 21 : relations de deux familles voisines - 22 – 30 : départ des L. Aspects grammaticaux : A repérer avant toute traduction : - deux passifs, l. 3 et 26 - un pronom indéfini, einem (l.2) : en fait, il s’agit d’un datif de einer, sorte de complément à man ; le français possède un équivalent, souvent explétif, comme chez La Fontaine (Le meunier, son fils et l’âne : on vous le suspendit) - une série de particules, introduisant des nuances : ausgehändigt (2) : remis en mains propres ausschreiben (4) : écrire en entier knien et nierderknien (5-6) : l’un statique, l’autre dynamique (s’agenouiller) verschlossen (8) : langage des postes et des messageries, <paquet clos> aufblicken (11) : lever les yeux verstohlen (11) : à la dérobée (radicaux parallèles dans les deux langues) * entkommen (22) : exprime l’évasion Haussuchungen (20) et untersuchen (27) : plusieurs candidats ont employé des mots justes : perquisitions domiciliaires, examiner, contrôler sich entsinnen + G (25) : se souvenir, dans la langue soignée her (17) : a déconcerté certains candidats. La traduction était pourtant simple : être très bruyant; on faisait grand bruit. Lexique : der Zettel (2) : bout de papier, fiche, héritage lointain du grec et du latin (en français cédule) der Rabbiner (3) : venu de l’araméen par le grec (= mon maître), apparu au 16ème siècle en allemand comme en français der Kupferdraht (7) : radical commun à la plupart des langues européennes, Kupfer renvoie à Chypre (Zypern en allemand, principal fournisseur du cuivre dans l’Antiquité) der Draht (7) : le fil, dérive normalement de drehen, tourner (fil <retordu>) ; le jury n’a pas refusé <bande de cuivre>, selon l’usage courant (au lieu de fil) die Zange (9) : pince coupante ; à signaler de nombreuses erreurs à cause de l’anglais knife (?) ou du français canif (radical commun allemand, anglais néerlandais, français…) der Kantor : ont été admis chantre, chanteur, maître du chœur ou des chœurs, Kantor (on désigne couramment J.S.Bach par Thomaskantor, puisqu’il dirigeait Saint-Thomas)

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die Auffassung (14) : avis, façon de voir, conception sich beschweren (17) : se plaindre (radical schwer, schwerer machen, belasten, belästigen) ; comparer das Beschwerdenbuch / registre des réclamations) unselige (18) : contraire de selige, lequel a repris tous les contenus religieux de beatus ; unselig englobe donc un vaste champ : funeste, détestable der ou das Pogrom (18) fait et mot venu de l’Est, avec le sens d’exactions, de destructions; gagne l’Occident vers 1880-1900 (Kluge ne donne aucune datation ; en France 1907 ?) die Lage (25) : mot élémentaire tiré de liegen, lag, gelegen, indique la situation. Plusieurs candidats maladroits ont confondu Lage/Lager, pour inventer une sombre histoire de KZ (camps de concentration) bedenklich(24-25) : qui donne à penser, douteux, inquiétant, sujet à caution, préoccupant. die Kiste, der Koffer (26) : caisse (voire malle) et valise ; un candidat a fait des deux mots… des patronymes ! das Handgepäck (28) : le bagage à main ; mais en aucun cas sac à main (Handtasche) auf den Weg gebracht (26): acheminés, expédiés Classement : La plupart des candidats ont compris le texte, dans son ensemble au moins. Le classement prend donc en compte :

- la correction du langage (emploi des modes et des temps, par ex. 26-27) - l’habileté des solutions (sich abmühen (7) : s’efforcer, s’évertuer, s’escrimer) - la perception des tours elliptiques comme Wie kommen wir dazu ? ou das ist ja der und der (5 et

10) - la restitution complète des petits mots trop souvent escamotés (ins Haus, nur, gar nicht so leicht,

damals, noch nicht wieder, reichlich laut, zuweilen, erst, auch sie)

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Version allemande (2e Langue, Section B)

Né en avril 1944 dans l’ancienne province de Silésie (Pologne actuelle), Christoph Hein a

fourni le sujet de version allemande, bref passage autobiographique (1997). Depuis 1989/1990 son audience va croissant : romans, théâtre, essais, discours, films. Son enfance chrétienne l’a marqué (le père est pasteur) ; elle s’est déroulée dans un milieu modeste (les trois œillets de la ligne 29 viennent du petit jardin familial ; transfuge à l’Ouest pour accéder aux études supérieures, Christoph Hein poursuit son œuvre de témoin attentif et critique, qui donne une certaine idée du climat régnant en République démocratique allemande vers 1955.

La grammaire, d’une simplicité constante, ne pouvait dérouter les candidats : phrases courtes, syntaxe sans piège, un seul passif (1-2), trois discours indirects élémentaires (11-13-21), verbes de modalité (23-24).

Le lexique relève de la vie courante actuelle. Après correction des copies, que seuls les plus

maladroits n’ont pas su traiter comme on l’espérait, on constate que deux points ont décontenancé : S-Bahn (12) et le rôle actuel de Potsdam (32 Landesjugendpfarramt).

Il existe à Berlin et dans plusieurs grandes villes un réseau de communication rapide

(Schnell), à structure variable, mais le plus souvent municipale (Stadt) ; connue sous le nom de S-Bahn, elle permet des liaisons faciles.

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Potsdam, capitale historique du Brandebourg, a connu bien des vicissitudes en une soixantaine d’années : détrônée, honnie, puis délaissée - parce que compromise sous Guillaume II puis à l’époque hitlérienne - elle a repris en partie son rang de capitale régionale ; restaurée, devenue une sorte de vitrine frédéricienne, jugée digne du palmarès Unesco, la ville pourrait retrouver un rôle éminent.

Le mot composé Landesjugendpfarramt, qui, fatalement, posait problème aux candidats

(31-32) indiquait diverses solutions – indication géographique (Land est à bannir), jeunesse, paroisse chrétienne, office, que les correcteurs ont admises, sauf ânerie colossale (vélodrome ? ? ?).

En dehors de la liste classique des <petits mots usuels> à traiter congrûment : hinter (1),

dann (5), schliesslich (9), noch immer (10), und fügte dann hinzu (16-17), selbstverständlich (18), nur (24,27,34), manchmal(24), genau(24), gleich (33), unterwegs (34), les termes suivants appellent un commentaire succint : -l. 2 der Posten : deux valeurs, s’applique à l’individu (sentinelle, agent) comme au poste occupé -l. 2 der Beamte : terme très général dans un service public : employé, fonctionnaire, agent, préposé ; vaut aussi pour une collectivité territoriale (voir aussi l.34) -l. 3 die Personalausweise : les pièces d’identité -l. 5 sich bücken : se pencher -l. 5 anschauen : regarder (+ 36) -l. 6 er bat Vater : il pria Papa (nuance de politesse) -l. 8 bedeutete uns : nous signifia (de nous tenir tranquilles) -l. 14 in welchem Berlin ? : dans quelle partie de Berlin ? -l. 15 und fügte hinzu : <et d’ajouter> -l. 21 er lachte, als er … : il riait en disant à… mais -l. 26 er lachte auf… : il s’esclaffa, rit de bon cœur -l. 23 man sollte nie lügen : on ne devrait jamais mentir ; man muss nie lügen : on n’est jamais forcé/obligé de mentir ; man muss sich überlegen : il faut seulement songer à ce qu’on dit -l. 26 blickte demonstrativ lange : il eut un long regard significatif -l. 26 kamen : montèrent (mieux qu’entrèrent) -l. 27 zeigen : présenter -l. 27 Bruchstücke : de quelque fractions de secondes -l. 28 strafend : d’un air réprobateur -l. 30 friedlich gestimmt : apaisé -l. 34 um diese Zeit : à cette heure-là

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Thème allemand (Section B)

La lettre quatorzième, écrite de Saint Goar (1842), associe le voyage avec les Nodier vers

les Alpes (1825) pour un projet de publication collective, vite abandonné, et les souvenirs, plus tardifs, d’Allemagne rhénane (escapades avec Juliette Drouet).

Le passage proposé reproduit le texte du bel album qu’a publié La Renaissance du livre en

novembre 2001.

Les candidats n’avaient nul besoin de s’attarder sur des points d’histoire littéraire. Ils avaient simplement à rendre le texte original, assez <hugolien> (oppositions, redondances), à cerner d’abord le sens précis de certains mots ou tours, afin de fournir une solution non seulement correcte – dictionnaire à l’appui - mais pertinente dans ses choix lexicaux.

Selon le numérotage de la feuille distribuée, devaient ainsi retenir l’attention :

1 fleuves : cartes et encyclopédies emploient Ströme ou Flüsse (les deux s facilitent la diction, le ü est bref)

- charrier : mit sich führen - idées : Ideen ou Gedanken 2 marchandises : Waren, plutôt que Güter 3 clairons : vieux terme, mais instrument nouveau, réglementaire alors depuis peu dans

l’infanterie française ; il remplace alors le <cornet> (Horn) ; en 1824 Hugo s’empare du mot, qu’il emploie pour le Sacre de Charles X (<Sonnez, clairons…>)

4 immenses : riesig, unermesslich - champs (cultivés !) : Äcker, ou, dans une langue relevée, Fluren (méridional, littéraire,

en pays catholique)

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- hommes : seul Menschen , très général, convient 5 entre : unter +D

- La première fois que j’ai vu le Rhin : au mot à mot, substituer une subordonnée temporelle en als (dont on peut éviter la reprise en recourant à beim Passieren)

6 à Kehl : in de rigueur. La ville de Kehl a publié (1989) un ouvrage entier, <Die lange Bruck>, consacré à l’histoire de ses ponts (histoire mouvementée des ponts de bateaux, fin XVIIIème, début XIXème).

- tomber (s’agissant de la nuit) : einbrechen, hereinbrechen 7 voiture : Wagen, Pferdewagen, Kutsche, selon le cas ; Auto constitue un bel

anachronisme - éprouver : empfinden 8 ce n’est jamais sans émotion que : placer en tête de subordonnée le complément

circonstanciel <nie trete ich … ohne Erregung in Verbindung, … in Übereinstimmung mit …>

9 ces grandes choses : démonstratif classique, jene, de même l.17 11 disparat existe certes en allemand, mais beaucoup plus rare que verschieden(artig) - me présentent : weisen für mich … auf (mieux que le simple datif mir) 12 et 14 - se souvenir, se rappeler : afin de garder aussi deux verbes différents, comme

l’original, songer à sich entsinnen + G suivi de Erinnerung et de sich erinnern (15) - en 1825 : les participants ont des âges très différents : Charles Nodier est de 1780, sa fille Marie de 1811, Hugo a 22 ans, Adèle à peine moins, Léopoldine est un bébé (dans la collection de la Pléiade, l’album Hugo –1964- mentionne quelques détails sur ces voyages littéraires)

13 - ensemble : gemeinsam - doux voyage en Suisse : liebenswürdig <passe> mieux que süss (celui-ci tient-il à la jeunesse des enfants, à la transfiguration du souvenir ?) ; correct, sans doute, durch die Schweiz a le défaut d’orienter vers un programme ambitieux (en fait Chamonix pour des raisons … économiques) ; un nom composé permet d’échapper à la critique

16 se précipiter : stürzen ou sich stürzen (le Duden donne un exemple comparable) - frêle : gebrechlich s’applique uniquement aux humains ; zerbrechlich ouvre un champ

plus vaste ; à moins de préférer le mot très <alpin> der Steg - trembler : erzittern et son aspect inchoatif paraissent appropriés ; zittern ne possède

pas le même avantage, beben est excessif ; plusieurs candidats ont proposé schwanken Remarque géographique : la construction du barrage de Génissiat a transformé le site

célèbre dit <perte du Rhône> 17 éveillait : soit wachrufen, hervorrufen, soit erwecken

- dans mon esprit, que le français reprend par un simple adverbe y ; on peut hésiter : répétition de in meinem Geist, ou, si l’on préfère in meiner Vorstellung, recours à letzterer

EPREUVE ORALE (Sections A et B) Les examinateurs enregistrent objectivement les qualités dont témoignent les étudiants bien

entraînés : débit soutenu, virtuosité parfois, choix judicieux des termes, et, dans la seconde partie de l’épreuve, aptitude à rectifier, préciser, résoudre ce que le <premier jet> a présenté de manière imparfaite. Globalement, en 2003, les prestations se révèlent honorables, encourageantes, sauf dans de rares cas isolés ; les moyennes, qui atteignent un bon niveau, ne peuvent néanmoins lever tous les doutes. On ne saurait en effet passer sous silence :

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• l’existence de lacunes lexicales regrettables : a) nomenclature géographique : Köln/Cologne Ostsee/Mer Baltique b) vocabulaire de l’histoire politique : Gewerkschaften/syndicats Klassenkampf/Klassengegner/lutte des classes verweigern/refuser(l’obéissance) Genosse/<camarade> Aufstand/insurrection c) vie quotidienne : Sender/émetteur

Funk/radio Dozent/chargé de cours Erklärung/déclaration (mais explication aussi) aufstehen/se dresser, qui s’oppose à stehen/se tenir debout Dachboden/grenier

Heft/cahier d) confusions hélas classiques, bien des fois signalées :

- fordern/exiger fördern/favoriser, promouvoir auffordern/inviter à - reizen/charmer /exciter, irriter, sans lien avec reissen/déchirer ou reisen/voyager - Beruf/métier ou profession, selon les circonstances - selten/rarement seltsam/étrange - entschieden/décidé, déterminé verschieden/différent - leiden/souffrir leiten/mener - brauchen/avoir besoin de gebrauchen/utiliser

- bringen/apporter

• les faiblesses grammaticales et stylistiques: a) traitement des modes et des temps :

avant que + subjonctif – après que + indicatif certains candidats maîtrisent mal le passé simple

b) compréhension des subjonctifs allemands qui utilisent ce procédé pour exprimer le discours indirect ; encore faut-il savoir le restituer. Contenu réel des würde, hätte, sollte, d’après le contexte c) mépris des <mots-outils> (stets, zumal, wegen +D ou postposé, zuweilen, mittlerweile, immer wieder) et des petits mots doch, und zwar… d) subtilités d’emploi (ceci, cela), langue quotidienne (<la télé>), nuances (Bilder : images, peintures, portraits, tableaux, toiles) e) jeu complexe des particules :

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beabsichtigen, sur Absicht/intention Aussichten/perspectives durchschauen/lire dans le jeu de zunehmen ≠ abnehmen/croître, décroître umgehend/par retour du courrier herstellen/fabriquer industriellement stellvertretend/représentant, adjoint Ansprache/allocution wissen um/être informé de Abstand/intervalle verhaften/arrêter, mettre sous les verrous Avant de conclure, soulignons deux faits significatifs : 1- En 2003, des erreurs relevées à l’écrit subsistent à l’oral :

Confusion Lage = situation / Lager = camp, S-Bahn, usuel pour Schnellbahn ou Stadtbahn / liaison rapide, surtout en banlieue, à peu près un RER parisien

2- De même, si le rapport 2002 dénonce des lacunes (Vorlesung = conférence, cours magistral <lu jadis à haute voix par les universitaires allemands> ; Anwalt = avocat, mais Staatsanwalt = procureur, Sachanwalt = avoué) force est de constater qu’on les voit reparaître l’année suivante …

Textes proposés : empruntés soit à Christoph Hein (livre daté de 1997), soit au grand journal francfortois F.A.Z. (passages d’un éloge que la mort du célèbre éditeur Siegfried Unseld inspirait récemment à Marcel Reich-Rainicki, critique notoire).

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5. ANGLAIS EPREUVES ECRITES Version (1ère langue, Sections A et B)

Le passage proposé est extrait du roman de l’écrivain américain Michael Cunningham, The

Hours (1999), récemment adapté à l’écran par Stephen Daldry sur un scénario de David Hare. Un narrateur anonyme à la troisième personne suit pas à pas le flux de conscience d’un personnage féminin qui se réfère à son passé hors de Londres où elle souhaite revenir avec Leonard après une longue cure de sommeil. Le texte se termine par une méditation sur les pouvoirs de l’écriture. Un minimum de culture générale permettait d’identifier facilement le personnage comme étant Virginia Woolf. L’extrait se termine par l’incipit de l’un de ses romans les plus connus : Mrs Dalloway (1925), dont le premier titre était "The Hours" : "Mrs Dalloway dit qu’elle se chargerait d’acheter les fleurs". Plusieurs lectures de cet extrait avant

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de se lancer dans sa traduction permettent d’en repérer aisément la logique interne si l’on veut bien se souvenir qu’un texte littéraire, comme un tableau, une sculpture ou une symphonie, est un objet d’art requérant du lecteur autant de sensibilité que d’intelligence.

Le style de ce passage est soutenu sans jamais être pédant ni jargonnant. Nulle familiarité

contemporaine, donc pas de "en pleine forme" pour she will be deemed fit again "on l’estimera de nouveau en bonne santé". Certains candidats ont vite compris que ce texte, publié en 1999, cherchait à reproduire l’écriture du début du siècle, voire à pasticher le célèbre style indirect libre du courant de conscience souvent utilisé par Virginia Woolf : Lunch, yes ; she will have lunch. She should have breakfast but she can’t bear the interruption it would entail "Le déjeuner ? Oui, elle déjeunera. Elle ne devrait pas se passer de petit déjeuner, mais elle ne peut supporter le contretemps qui s’ensuivrait". On croirait presque entendre la voix intérieure d’un personnage qui, au réveil, "s’étire" (stretches her arms), " prend quelques gorgées de café" (sips her coffee), "se sent énergique, sans taches, l’esprit clair, prête à se battre" (she feels quick and clean, clear-headed, ready for a fight), "son esprit tourne rond" (Her mind hums).

Pourtant le passage suivant évoque les points noirs dont souffre le personnage, déjà

annoncés par cette cure de sommeil (rest cure) qui avait entraîné son éloignement de Londres, "ces années passées entre ces parterres de delphiniums et ces pavillons rouges de la banlieue" (these years among the delphinium beds and the red suburban villas). "L’aube d’une journée qui s’annonce bien" (what feels like a good day) ne parvient pas à lui faire oublier ses tourments intérieurs (qui conduiront Virginia Woolf au suicide), même si elle garde espoir "d’accéder peut-être à l’intérieur de cette obscurité, de ces tuyaux obstrués, pour atteindre l’or" (she may penetrate the obfuscation, the clogged pipes, to reach the gold).

Cet "autre moi presque impossible à décrire, moi parallèle plutôt, moi plus pur" (an all but

indescribable self, or rather a parallel, purer self ), Virginia espère le trouver dans l’écriture et le passage s’achève sur un de ces moments de vie "moments of being", petite épiphanie dont l’auteur avait le secret : "Ecrire dans cet état lui procure l’assouvissement le plus profond qu’elle connaisse" (W iting in that state is the most profound satisfaction she knows…). Le lecteur est alors le témoin privilégié de la création spontanée de la première phrase de Mrs Dalloway au moment où "il arrive que, prenant sa plume, sa main la suive à mesure qu’elle avance sur le papier ou que, prenant sa plume, elle se découvre n’être qu’elle même : une femme en robe d’intérieur, une plume à la main, effrayée et hésitante, sans talents exceptionnels et ne sachant pas du tout par où commencer ni quoi écrire."(She may pick up her pen and follow it with her hand as it moves across the paper ; she may pick up her pen and find that she’s merely herself, a woman in a housecoat holding a pen, afraid and uncertain, only mildly competent, with no idea about where to begin or what to write.").

r

Le jury a eu le plaisir de lire quelques bonnes copies de candidats manifestement bien

préparés à cette épreuve pendant l’année. Comprendre un texte n’est jamais suffisant pour le traducteur, il s’agit avant tout d’en repérer les teintes et les nuances et d’essayer de les transmettre au lecteur de la langue cible afin de lui donner l’illusion qu’il est en présence de la version originale.

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Version (2e langue, Section B)

Le titre du livre d’Alain de Botton dont est extrait le passage à traduire : Comment Proust

peut changer votre vie (1997) en souligne immédiatement l’aspect ludique. L’auteur souhaite divertir son lecteur tout en l’informant en lui racontant la vie de Proust. Alain de Botton en a résumé ainsi le contenu et la forme : "un guide de lecture basé sur la vie et l’œuvre de Proust".

Il s’agit ici d’un portrait, celui du docteur Proust, père de l’écrivain comme on en trouve

dans les grandes biographies ou dans les romans réalistes du XIXème siècle. Les zones lexicales sont aisément repérables : celle des termes médicaux, souvent d’étymologie gréco-latine, ne présente guère de difficulté pour le traducteur : ruptured appendix : "rupture d’appendice", softening of the brain : "ramollissement du cerveau", infectuous diseases : "maladies contagieuses", the once cholera-prone port of Toulon : "la ville de Toulon, jadis infestée par le choléra", quarantined victims : "les malades mis en quarantaine", tickly cough : "toux irritante", bubonic plague : "peste bubonique. La peste, sous sa forme littéraire de bane, réapparaît dans l’extrait et le contexte permet d’en retrouver le sens figuré : Marcel feared that

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he had been the bane of this contented life : "Marcel craignait d’avoir empoisonné l’existence heureuse (de son père)". De la même manière, le registre médical de exuded ("suinter", "exsuder"), dans he exsuded the moral superiority available to the medical profession : "il émanait de lui toute l’autorité morale due (conférée) à la profession médicale" est plus dicret dans la langue cible.

La syntaxe nécessitait peu de bouleversements, à quelques exceptions près, comme dans

les nombreuses formes à valeur d’appositions, qui impliquent un effacement de l’article en français : His father was a doctor, a vast bearded man : "son père, médecin, était un homme corpulent et barbu", the medical profession, a group whose value … "la profession médicale, groupe dont la valeur…, Dr Adrien Proust, the son of a provincial grocer : "le docteur Adrien Proust, fils d’un épicier de province".

La traduction de ce passage permettait d’obtenir une première mouture "au fil du texte",

qui devait être relue soigneusement plusieurs fois pour l’adapter légèrement aux normes de la langue d’arrivée sans en changer le sens. Certains des quelques candidats ayant choisi cette option ont utilisé cette technique et ont ainsi récolté les fruits d’une préparation sérieuse tout au long de l’année.

Thème anglais (Section B)

Andreï Makine, Le ciel et la terre de Jacques Dorme, 2003.

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Nous avons corrigé 33 copies, quatre de plus qu’au concours précédent, et avons constaté un progrès notable en qualité. La moyenne de l’ensemble (10,19) a, toutefois, peu augmenté, du fait de six très mauvaises copies : de 0 à 5 ; mais il n’y a eu que trois copies médiocres : de 6 à 8. Les copies honorables (dix : de 9 à 12) sont en nombre comparable à l’an passé, tandis que les bonnes et très bonnes (quatorze : de 13 à 17) forment plus de 42% de l’ensemble ; ce qui est très satisfaisant, d’autant que le texte d’Andreï Makine que nous avions proposé, avec ses retours dans le passé et la variété de ses images, demandait une attention vigilante et une certaine sensibilité.

Mémoire et transfert : Le narrateur, qui parle à la première personne, jette d’abord un regard en aval de

l’événement qu’il va décrire. Cela produit le conditionnel de la ligne 1, où, examinant le contenu de sa mémoire, il résume ce trait permanent de son expérience : « le français évoquerait toujours pour moi… » / French (non pas *the French) would still (non pas *always) be evocative for me of… On observe, ensuite, que le narrateur se situe dans le présent : lignes 9 et 10, « je ne m’en souviens plus. Je me rappelle cependant très bien le jour où… » / I forget . I remember quite well, however, the day when. Assez peu rencontré dans les copies, I forget était plus idiomatique que I do not remember et rendait simple la suite, en évitant de légers faux sens tel que I have good memories of. Le présent réapparaît ligne 29 : « Je ne sais pas. Seul cet instant me revient aujourd’hui :… » / I don’t know. Only this moment come back to me now :…Traduire par this le « cet » dans « cet instant » était capital. C’est ce this qui va introduire l’objet du « transfert » / transfer ou transference/ indiqué par le titre, en projetant dans le présent le souvenir, actualisé, du reflet aperçu dans le miroir. Tout le récit qui précède vise à donner toutes les qualités d’un incident actuel à cette image; ce qui justifie de traduire les présents qui la décrivent, mieux que par des présents simples. Quoique possible, le présent simple était ici, à cause de son sens abstrait, en retrait de l’effet recherché. Mieux valait, donc, recourir, comme beaucoup l’ont fait, au présent ‘progressif’ : ligne 30, « je m’aplatis contre les rondins noirs, je tends la main… » / I am pressing myself flat against the dark logs, holding out my hand…. Bien sûr, les deux verbes qui suivent , lignes 31 et 32, imposent le présent simple : « je vois mon reflet… » et « je comprends que le vide… » / I see my reflection… I realise that the drop… Puis, bref retour souhaitable au ‘progressif’ : ligne 33, « le vide au bord duquel je glisse… / the drop along the edge of which I am gliding (non pas slipping qui suggère une chute). Quel réconfort de noter, en passant, que along the edge of which a été la traduction donnée, pour ainsi dire, par tous.

s

Toutefois, le rapport d’antériorité à ce présent de l’image finale a été moins bien traité :

ligne 33, « le vide (…) a été autrefois une pièce habitée ». Il y a eu, ici, plus d’une traduction fautive : des had been à qui manque une articulation dans le passé, des *has been *formerly, contradiction interne, des was in the past, vaine tautologie ; alors que le cas est d’école : the drop (…) used to be a lived-in room, traduction heureusement donnée, tout de même, par plusieurs.

Pour en finir avec cette ultime image, notons qu’il fallait apporter quelque soin à

l’intelligence de ce que voit le narrateur : ligne 34, « j’ai le temps de fixer mon visage, une seconde de ma vie… ». Si on était d’ abord tenté de voir un complément de temps dans cette « seconde », la construction de la suite montrait l’erreur. Au même titre que, ligne 35, « l’extrême singularité de cette seconde, le ciel où plane une neige très lente, presque immobile. », cette « seconde » est quelque chose que le narrateur « fixe ». Stare ou fix ou fix on étaient trop visuels, s’agissant de la « seconde » et, surtout, de sa « singularité » ; focus,

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souvent donné, est acceptable. Un petit nombre de candidats sont allés, avec raison, jusqu’à fasten on ou register : I have (the) time to fasten on / register / my face, a second in my life, the utter singularity of such a second, the sky where swims slow-moving, all but motionless snow.

Nécessaire concision : Slow-moving, c’est « lente », nécessairement ‘étoffé’ pour le contexte. Deux autres

‘étoffements’, dont l’idée n’est malheureusement pas venue au très grand nombre, auraient dû être employés pour la comparaison, belle mais hétérogène, des lignes 2 et 3 : « un lieu et un temps semblables à l’atmosphère d’une maison d’enfance que je n’avais jamais connue » / a time and place that fe tl like the atmosphere of a childhood house never so far known to me. La phrase sans verbe principal, aux lignes 6, 7 et 8, offrait une occasion semblable : « Une soirée, de temps à autre, me donnant l’illusion d’une vie en famille, et cette langue ». Suggérons : On the occasional evening (non pas *one evening) I was given the illusion of a amily life, and this (il s’en sert ici) language. L’‘étoffement’ sert l’intelligibilité du texte ;

contrairement à la glose plate, trop souvent rencontrée ; par exemple pour la ligne 17 : « la fenêtre du palier » / *the window that was on the landing, au lieu de the landing window. Autres exemples : lignes 19 et 20, « la plinthe d’un plancher disparu » / *the board running round a floor that was gone, au lieu de the skirting board of missing flooring ; ligne 32, « un miroir au cadre d’étain » / *a mirror with a frame of tin, au lieu de a pewter-framed mirror. Cette fâcheuse tendance a fait, en maints endroits, allonger la traduction par d’inutiles complétives ; ainsi, ligne 22, « des piles de livres abîmés par le feu » / piles of books *(that were) damaged by fire. Ces manques de concision desservent le texte.

f

Exercice de mémoire et emploi des temps : Revenons aux temps qu’emploie Makine. Pour produire le transfert, dans le présent, du

souvenir qui anime la fin du texte, il semble que le narrateur mette, auparavant, sa mémoire au travail dans un va-et-vient entre plus-que-parfait et imparfait. Au plus-que-parfait est donné un rôle d’investigation, de tentative d’élucidation du passé : ligne 4, « Elle avait commencé à m’apprendre sa langue car,… » / She had begun teaching m her language, for… ; ligne 8, « Il y avait eu probablement le premier déclic » / There must have been a triggering factor. A l’imparfait est donné d’énoncer les situations du passé : lignes 5 et 6, « c’était la dernière richesse qui lui restait » / it was the last possession she could treasure ; ligne 15, « La porte de cette chambrette s’ouvrait sur le dehors » / The door of this tiny room opened on the outside. Toutefois le procédé n’est pas systématique. Il y a simple antériorité ligne 14 : « les grosses planches que les habitants avaient clouées… » / the thick planks the inhabitants had nailed together. Hésitations et maladresses sont apparues dans l’emploi de ces temps. En revanche, on a noté avec plaisir, dans presque toutes les copies, l’imparfait, ligne 13, justement rendu par le plus-que-parfait : « Depuis vingt ans, ce réduit sous les toits

e

demeurait inaccessible » / For twenty years this diminutive attic had remained inaccessible.

Conclusion : Il serait possible, avant de conclure, de donner une courte liste de bévues plus ou moins

grossières rencontrées dans des copies autres que les mauvaises. Nous la passerons sous silence ; d’abord parce que nous sommes persuadés qu’une relecture attentive, faite après un temps de repos, les aurait fait disparaître toutes ou presque : ce conseil, souvent donné, est simple, plutôt agréable à mettre en pratique ; mais se donne-t-on les moyens de le suivre ?

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Donner cette liste semblerait, d’autre part, démentir l’impression de satisfaction que, dans son ensemble, nous a laissée la lecture des copies de ce concours.

EPREUVE ORALE (Sections A et B)

Maîtrise des conditions de l’épreuve et maîtrise de soi ont été montrées par tous.

Rappelons toutefois l’importance de la lecture. Lisant devant le jury, le candidat doit comprendre, ou s’efforcer de comprendre ce qu’il lit, s’adressant au jury comme pour lui en exposer le sens. Les textes proposés à l’oral contiennent généralement plus d’idiomes de la langue parlée que les textes d’écrit. Ces idiomes sont souvent d’apparence anodine ; mais en voici quatre, parmi d’autres, que nos candidats n’ont pas su bien rendre et qui pourrons exercer la sagacité des candidats futurs : 1-Something’s come over you. - 2- making her own breakfast. - 3- too clever by half. - 4- I should have thought .

Les textes présentés aux candidats étaient tirés de : Jane Austen, Persuasion, 1818. -

William Boyd, Any human Heart, 2002. - Joseph Conrad, Lord Jim, 1900. - Michael Cunningham, The Hours, 1999. - Jonathan Franzen, The Corrections, 2001. - Kazuo Ishiguro, The Unconsoled, 1995. - Pico Iyer, Abandon, 2003. - Alfred Kessler, The eighth Day of the Week, 2000. - Hanif Kureishi, The Body, 2002. - Alison Light, Wh t lark , Pip in The Guardian, 21 sept. 2002. - Penelope Lively, The Photograph, 2003. - George Meredith, The Ordeal of Richard Feveral, 1859. - George Packer, ‘Why Orwell Matters’ : The Independent of London in The New York Times, 29 sept. 2002. - Philip Roth, The human Stain, 2000. - Laurence Sterne, The Life and Opinions of Tristram Shandy, 1760. - Graham Swift, The Light of Day, 2003.

a s

6. GEOGRAPHIE HISTORIQUE

L’AUVERGNE : ÉVOLUTION DU TERRITOIRE ET DE SON ORGANISATION,

DE LA GAULE ROMAINE À NOS JOURS (carte muette jointe) Le retour, de temps à autre, d’une question portant sur la géographie historique d’une

province ou d’une région – cette année, l’Auvergne – tient à ce que ce type de sujet se rattache par de nombreux aspects à l’une des problématiques récurrentes de la discipline, la constitution du territoire français. Personne donc n’aurait dû se trouver vraiment dérouté par l’épreuve et, de fait, les candidats de 2003 s’en sont tirés honorablement, puisque la moyenne générale s’établit à 9,35 (10,23 dans la section A ; 8,47 dans la section B). De l’examen des résultats chiffrés se dégage une constatation encourageante pour les candidats de la section B : cinq des onze candidats admissibles mais non admis définitivement ont obtenu des notes supérieures ou égales à la moyenne (entre 14 et 10), insuffisantes néanmoins pour compenser le total des autres épreuves.

Mises à part quelques prestations indigentes ou totalement erronées, le jury a relevé avec

satisfaction le maintien de l’effort autour de l’usage d’une carte destinée – mais est-ce vraiment nécessaire de le rappeler ? – à servir de support pour la mémoire et de moyen d’expression, et à insérer la temporalité des faits dans une dimension spatiale et visuelle. Le fond de carte fourni cette année aux candidats correspondait aux quatre départements qui constituent de nos jours la région Auvergne, avec leurs abords immédiats. Les limites départementales n’y avaient pas été figurées mais, pour faciliter la lecture, des symboles

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graphiques différents distinguaient les chefs-lieux de département des « autres villes » (en l’occurrence, les sous-préfectures actuelles). Le réseau hydrographique et quelques sommets complétaient ce cadre, qui en a incité plus d’un à évoquer, soit dans l’introduction, soit au tout début de sa composition, les traits géographiques dominants (Massif central). Dans l’ensemble, les divers éléments proposés ont assez bien joué leur rôle de repères et il s’est rencontré un certain nombre de cartes à la fois exactes, nourries, claires et dans un rapport équilibré avec le texte ; leur qualité a parfois contribué à faire remonter la note attribuée au seul exposé écrit ( il est aussi arrivé que l’inverse se produise).

En règle générale, les meilleures compositions ont mis en évidence que leurs auteurs non

seulement possédaient des connaissances précises et bien assimilées, mais que, au prix d’un effort de réflexion, ils étaient capables d’ordonner les faits territoriaux selon des lignes de force (identité/morcellement/unité, ruptures ou continuités, poids ou effacement des particularismes centrés autour de petites capitales) et, à l’occasion, de confronter réalités actuelles et héritage historique.

Le plan chronologique a prédominé dans toutes les copies, avec des articulations

diversifiées pour rythmer une longue durée qui menait des Arvernes à la région administrative actuelle. Faut-il rappeler, à ce propos, qu’il ne suffit pas d’annoncer dans l’introduction les parties dont va se composer l’exposé ? Encore faut-il par la suite s’en tenir fermement à la construction prévue : il y a eu cette année quelques fléchissements dans la présentation, surprenants chez des candidats en principe bien entraînés aux techniques formelles.

Le destin des entités qui ont constitué l’Auvergne médiévale (comté d’Auvergne, vicomtés

et seigneuries, ville de Clermont aux mains de l’évêque, Terre d’Auvergne, Dauphiné d’Auvergne, …), ne semble pas avoir effrayé outre mesure les candidats, quelque inégal qu’en ait été le traitement. Alors que pour le haut Moyen Age, les rapports avec l’Aquitaine ont en général été bien vus, que les phénomènes de dislocation du comté intervenus depuis le XIe siècle ont été grosso modo retracés convenablement, que la formation du Bourbonnais s’est révélée connue de façon assez détaillée (de même que, à l’aube de l’ « époque moderne », la réunion à la couronne du duché d’Auvergne sous François Ier), on a, en contrepartie, trop souvent mal compris la nature des avancées territoriales du pouvoir royal (en ce qui concerne notamment Philippe Auguste et Louis IX), faute d’une notion nette des concepts de « suzeraineté », « mouvance », « domaine », « apanage ».

Cette méconnaissance du domaine des institutions a contribué aux faiblesses constatées

dans l’approche des époques moderne et contemporaine. On ne saurait réduire la présentation de ces siècles aux seuls faits économiques et sociaux (et parfois au développement excessif de simples anecdotes ), au détriment de l’armature administrative, escamotée ou sommairement effleurée. Il est en effet tout à fait insuffisant de constater que, sous l’Ancien Régime, l’organisation de l’Auvergne est « semblable à celle des autres provinces, avec des intendances et des présidiaux », ou des gouvernements et des généralités, sans citer les sièges de ceux-ci ni les faire figurer sur la carte ; il en va de même pour des mentions telles que celle de la création, à l’époque révolutionnaire, de « quatre départements » tout aussi anonymes (plusieurs copies). Ce sont heureusement des cas limites, compensés ici par la préoccupation de retrouver, au milieu de structurations nouvelles, antécédents et permanences dans une situation donnée (rivalité entre Clermont et Riom comme centres administratifs et judiciaires ; rattachement du Velay au gouvernement du Languedoc et à la généralité de Montpellier ; intégration du Bourbonnais dans la région actuelle, etc), là par de bons développements sur la création de la région Auvergne et sur les débats qui la précédèrent, ou ailleurs par des

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notations originales, révélant une information ou un intérêt personnels, par exemple sur des modifications administratives récentes dans le domaine militaire (régions de défense) ou ecclésiastique (refonte de décembre 2002), sur les limites linguistiques, ou sur l’actualité de l’aménagement du territoire (tracé d’autoroute). Il n’en reste pas moins que même des auteurs de copies par ailleurs de bonne tenue n’ont pas toujours compris l’importance des structures locales de gouvernement et d’administration, et n’en ont tracé qu’un tableau lacunaire ou imparfait.

C’est pourquoi, et constatant que les recommandations formulées d’année en année ne

restent jamais tout à fait lettre morte, le jury, cette fois-ci, va insister particulièrement sur l’importance de la connaissance des institutions de l’Ancien Régime et de leur ressort territorial. A aucun moment de sa carrière, le chercheur ou le conservateur ne regrettera la peine dépensée pour acquérir cette clé qui lui facilitera non seulement l’accès des sources documentaires, mais aussi leur compréhension et leur exploitation.

Eviter le vague et les truismes passe-partout: évoquer la « division en plusieurs diocèses

avec certains changements au fil des siècles » appelle une précision. Id. la création « de quatre départements aux noms inspirés par la géographie physique », mais lesquels ?

7. VERSION GRECQUE SECTION A

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SECTION B

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II - MATIERES PROPRES A LA SECTION A

8. HISTOIRE DU MOYEN AGE EPREUVE ECRITE

LA « CRISE » DE L’ÉGLISE

EN FRANCE (XIVe-XVe SIÈCLES). Nombre de remarques peuvent être reprises, qui avaient été présentées l’an dernier. En tout

premier lieu pour les résultats notés : si la moyenne de la notation des 74 copies (7,93) est légèrement meilleure qu’en 2002 (7,43), cela tient surtout à l’absence de devoirs catastrophiques, aucun n’ayant été au-dessous de 03 (contre cinq 01 ou 02 l’an passé). La répartition des notes fait clairement apparaître trois groupes : 41% de 03 à 06 ; 28% entre 07 et 09 ; 31% de 10 à 16, dont quelques copies qui marient connaissances, réflexion et entrain (deux 14, deux 15, un 16). Autre trait reproduit, et de plus longtemps encore, les notes d’histoire médiévale montrent une très large adéquation aux résultats généraux du concours : sur les vingt-trois candidats ayant obtenu 10 ou plus en histoire médiévale, quatre seulement n’ont pas été admissibles, et deux seulement des trente-trois admissibles avaient obtenu moins de 07.

Comme l’an dernier, on note, mis à part un petit nombre de copies au style désastreux, les

résultats très généraux d’une excellente préparation technique dans la rédaction d’une introduction bien délimitée et l’annonce claire du plan, la tenue de route de celui-ci et la fraîcheur de la conclusion étant davantage liées à la maîtrise du temps par le candidat. Un effort spécial doit être toujours fait en matière de précision lexicale et institutionnelle, sur les subdivisions à l’intérieur du clergé comme sur la fiscalité pontificale.

Comme l’an dernier aussi, le jury avait eu la volonté (et le sentiment) de proposer un sujet

classique, permettant de ratisser large dans les connaissances, exigeant d’organiser la réflexion autour d’un débat, car le sujet appelait aussi une ébauche de discussion historiographique, qui pouvait être aussi bien fournie par l’histoire moderne (problématique de la « pré-réforme »). Le jury avait sciemment mis des guillemets au mot « crise » pour attirer l’attention des candidats sur une indispensable mise en question de ce vocable. La déconvenue a donc été grande de ne voir qu’une petite minorité des candidats saisir cette perche ; quelques autres croyant bon de reproduire par prudence les guillemets tout au long du devoir sans jamais discuter le terme ; la grande majorité les ignorant totalement.

Il fallait donc, avant de se lancer dans l’aventure, prendre le temps de réfléchir au libellé :

si le cadrage chronologique et géographique était sans ambiguïté (le « royaume de France » était là pour éviter les annales pontificales), il était impérieux de réfléchir à ce qu’est une « crise » (les quatre cinquièmes des candidats ont confondu « crise » et « déclin », alors même que le monde contemporain montre que la crise peut s’installer dans la prospérité, et que toute l’Église médiévale les incitait à penser en terme de cycle et de réforme des gauchissements, ou évolutions censées telles). Mais il fallait encore prendre le temps de se demander ce qu’est l’Église : celle du pape, celle des évêques, celle des curés, celle des clercs, celle des séculiers et celle des réguliers, du côté de l’Église-institution prise au plus large (ce que certains

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candidats ont fort bien vu, y incluant même judicieusement, parfois au risque du hors-sujet, l’université) ; mais l’Église était tout autant celle aussi des fidèles.

Faute de cette réflexion préalable, la fougue des candidats qui craignaient de ne pas tout

livrer de leurs connaissances factuelles, les lacunes de connaissances chez d’autres, ont abouti à des devoirs très proches dans le fond et le champ, par-delà une très grande variété dans la précision des fastes pontificaux (jusqu’à l’élection d’un Paul VII en 1376), ou dans le nombre d’erreurs : un plan chronologique, parfois camouflé (les origines, la révélation, les effets, la fin de la crise) ; un traitement limité à la chronique des rapports entre roi de France et papauté, du conflit entre Boniface VIII et Philippe le Bel à la Pragmatique sanction de Bourges voire aux concordats, ignorant l’époque d’Avignon au motif que les relations se sont alors améliorées ; l’absence de la moindre allusion à la vie religieuse du peuple chrétien, liée à cette étrange et fréquente affirmation que le Grand Schisme aurait été une affaire d’intellectuels.

On n’en a que davantage apprécié les copies qui, au contraire, ont pensé à évoquer des

questions comme l’encadrement paroissial et la qualité du clergé, l’amélioration de sa formation (quelque nuances que l’on puisse mettre à la question), les exigences nouvelles de la vie spirituelle (thème mieux abordé, à la confluence des « Origines de la Réforme ») jusque dans leurs manifestations littéraires et artistiques. Plusieurs candidats se sont ici montrés habiles à lier en faisceau des notations diverses, des danses macabres aux aperçus sur les croyances et dévotions révélés par les interrogatoires de Jeanne d’Arc ; quelques-uns, mais trop peu nombreux, ont réussi à poser la problématique cruciale des sources (suppliques au pape, procès-verbaux de visite…) et des prétendues « évidences » documentaires de la crise et de la « désolation » de l’Église de France, et du coup au débat historiographique central : « crise » de la foi ou « crise » de l’institution ? Décadence après le « beau » XIIIe siècle, ou difficultés à répondre à des exigences nouvelles, et parfois exacerbées ? Ici en bref, comme les années passées, on ne peut que rappeler l’intérêt de compléter la préparation au concours par une ouverture à l’historiographie.

EPREUVE ORALE Comme le montre la liste des sujets donnée ci-dessous, le jury de l’épreuve d’oral

d’histoire du Moyen Age n’a nullement cherché à désarçonner les candidats en renouvelant complètement les questions posées. Il a néanmoins choisi de donner une place plus importante à des thèmes qui ont émergé dans l’historiographie des décennies récentes. De plus, il a décidé, dans le prolongement des premières tentatives faites en ce sens l’an dernier, de proposer des sujets visant à tester la capacité de synthèse des candidats plus que leur simple aptitude à réciter une « question de cours ».

Ces sujets sont parfois abordés dans la longue durée, mais pas toujours ; ils exigent en tout

cas que les candidats sachent réunir, dans le temps de la préparation, des données qu’ils ont abordées de manière dispersée dans les cours, ils exigent également que ces mêmes candidats sachent déceler derrière un énoncé non traditionnel un ensemble de thèmes qu’ils connaissent parfaitement. On songe ainsi au sujet portant sur « l’écrit au haut Moyen Age », qui a apparemment été jugé difficile et pour lequel il suffisait de réunir un ensemble de connaissances classiques sur les chancelleries, l’église et les évolutions culturelles des temps mérovingiens et carolingiens - qui sont des sujets bien connus (mais on n’avait certes pas posé la question sous la forme « le gouvernement des rois mérovingiens », la culture à l’époque mérovingienne ou « la renaissance carolingienne »).

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Il nous semble toutefois que cette faculté d’adaptation et cette gymnastique intellectuelle

élémentaires peuvent légitimement être testées chez des candidats à un concours de ce niveau, destinés à devenir les cadres des politiques scientifiques patrimoniales, donc des chercheurs qui devront faire preuve d’inventivité devant les fonds documentaires qu’ils auront à traiter. Le jury est également toujours sensible à l’intelligence des réactions des candidats dans la discussion qui suit l’exposé, plus qu’à l’accumulation de savoirs ponctuels. Il va de soi que la notation tient compte de l’ensemble de ces paramètres, et en particulier des difficultés, ne serait-ce que d’ordre psychologique, produites par les sujets inédits.

Comme l’an dernier, le jury a du reste relevé avec plaisir et intérêt que ces derniers ont

suscité de très bons exposés, alors même que le « classicisme » de certaines questions n’a nullement aidé des candidats à qui le sort les avait attribuées. Quelques exemples : « les princes du royaume de France » noté 17 ; « la théologie dans la France médiévale, XIIe-XIIIe s. », noté 16 ; « l’aristocratie carolingienne » noté 15 ; « le livre manuscrit en France, XIIe-XVe s.» noté 14, tout comme « l’impôt en France aux XIVe et XVe s. » ou « la royauté mérovingienne ». En revanche, « Cluny, Xe-XIIe s. » a obtenu 9 ; « Philippe Auguste », 7 ; « l’art roman en France » 6, « la christianisation en Gaule, Ve-IXe s. » 4.

Liste des sujets : Les cités en gaule du IIIe au VIe siècle. - Clovis. - La royauté mérovingienne. - Le

monachisme bénédictin. - La christianisation des campagnes (Ve-IXe siècle). - Palais et capitales à l’époque carolingienne. - L’aristocratie carolingienne. - La parenté (VIe-XIIe siècle). - La paysannerie dépendante (VIIIe-XIe siècle). - L’écrit dans la société du haut Moyen Age. - La femme dans la société aristocratique (VIe-Xe siècle).

Cluny (Xe-XIIe siècle). - Les marchands en France (XIe-XIIIe siècle). - Le gouvernement des villes en France (XIe-XIIIe siècle). - La Champagne (XIIe-XIIIe siècles). - La théologie dans la France médiévale (XIe-XIIIe s.) : doctrine et enseignement. - Les cours féodales en France (XIIe-XIIIe siècles). - L’art roman en France. - La vigne et le vin en France (XIe-XVe siècle). - La prédication en France aux XIIe et XIIIe siècles. - Le livre manuscrit en France (XIIe-XVe siècle). - Philippe Auguste.

La forêt en France (début du XIe s.-fin du XVe s.). - Le gouvernement des derniers Capétiens (1314-1328). - Les révoltes à Paris aux XIVe et XVe siècles. - Les formes de sociabilité urbaine en France (XIVe-XVe siècles). - L’impôt en France (XIVe-XVe siècles). - Les princes du royaume de France (XIVe-XVe siècles). - Le parti bourguignon (vers 1384-vers 1435). - Jacques Cœur. - Lois et pouvoir législatif en France (XIIIe-XVe siècle). - La mise en défense du royaume de France pendant la guerre de Cent ans. - Les assemblées représentatives en France (XIVe-XVe siècles).

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9. THEME LATIN

Pourcentages et statistiques : 64 candidats ont composé en thème latin (soit une baisse d’effectif d’environ 17% par

rapport à l’an dernier). L’éventail des notes s’étend de 0,5 à 17,5. La moyenne s’établit à 7,01 (2002 : 6,97), la médiane est 6 .

Si la moyenne générale reste vraiment très proche de ce qu’elle était l’an dernier, avec une

amélioration non significative, la répartition des résultats est très différente. Plus du tiers des copies obtient moins de 4 ; inversement, près d’un tiers des copies obtient la moyenne et on a même noté huit copies très satisfaisantes. On voit donc que la notation (sans doute était-ce un effet du texte) a été centrifuge.

La moyenne des points-fautes par copie se monte à 16,59 (2003 : 21,65) : on apprécie

l’amélioration sensible sur ce critère, sans méconnaître que la moindre densité d’erreurs observée est sans doute due à la relative facilité du texte.

Commentaires : Cette facilité n’est, justement, que relative. Si le texte, moderne, ne pose aucun problème

de compréhension ni d’interprétation, il offre plusieurs difficultés, notamment sur le statut discursif de tel ou tel passage. Les opinions attribuées aux Anciens sont parfois indiquées au

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style direct («sans se demander : « est-ce vrai ? »»), parfois au style indirect («ils présumaient que le prédécesseur disait vrai»), parfois à l’indirect libre.

En effet, que penser du segment «ils ne s’en souciaient guère : la tradition était là et elle

était la vérité, voilà tout». L’étrange expression «voilà tout», marque du dialogue plutôt que du récit, est à mettre au compte des Anciens, non à celui de Paul Veyne. C’est un équivalent de «‘la tradition est là, et elle est la vérité, voilà tout’, disaient-ils». Il faut donc traduire le segment qui se trouve derrière les deux points au moyen d’un discours indirect sans verbe introducteur : ces propositions doivent être par conséquent des infinitives. Les présenter à l’indicatif imparfait, c’est leur donner un statut de première énonciation émanant de l’auteur moderne, ce qui constitue une regrettable entorse au vrai. Bien peu de candidats l’ont remarqué.

Beaucoup ont achoppé aussi sur un passage plutôt facile : «ils supposaient que ce

prédécesseur avait eu lui-même des prédécesseurs, dont le premier avait été contemporain des événements eux-mêmes». La relative qui clôture cette phrase est indéniablement un élément de discours indirect. L’opinion des Antiques supposée (puis récusée dans la phrase suivante, mais cela ne change rien au propos : ce que l’on pourrait avoir dit ou ce que l’on n’a pas dit, dès lors qu’on l’exprime, devient du discours, direct ou indirect) est la suivante : «ce prédécesseur a eu lui-même des prédécesseurs, dont le premier a été contemporain des événements eux-mêmes». Il en résulte que la relative, dès lors qu’elle passe au style indirect, doit se mettre au subjonctif imparfait.

On ne cesse de le dire : il faut faire très attention à ces détails énonciatifs qui jalonnent très

souvent les thèmes de concours. Le candidat est attendu sur ce point ; il lui appartient de repérer tout le style indirect (libre) et de déterminer précisément ses frontières exactes.

À propos de discours, l’usage veut qu’on conserve les données énonciatives du texte à

traduire. Toutefois, dans le cas présent, la question mérite d’être posée s’il faut vraiment laisser au discours direct la minuscule question « est-ce vrai ? ». Comme c’est conforme au dogme, on a accepté cette solution, mais on a, pour une fois, préféré une interrogative indirecte, nettement plus latine pour un énoncé aussi court. Mais alors, il était indispensable de suivre la concordance au passé (par exemple numquam dubitauerunt num uerum esset).

Le texte offrait commodément de quoi montrer ses connaissances en grammaire

fondamentale du latin : on y trouvait nombre de pièges habituels de l’exercice : -le complément de temps qui s’apparente à l’instrumental («postérieur de plusieurs

siècles») ; -la question de l’interprétation du gérondif français («en réunissant (…), en se

bornant…») : participe ou gérondif ? Eh bien il n’est pas sûr que la réponse soit uniforme. On peut admettre que le fait de réunir la documentation soit un moyen d’écrire l’histoire, ce qui semble autoriser le gérondif à l’ablatif pour traduire «en réunissant» ; mais cela paraît farfelu dans le deuxième cas, car le fait de se borner à faire quelque chose n’est pas un moyen d’écrire l’histoire, mais une attitude concomitante de l’écriture. Ainsi, bien qu’ils figurent tous deux dans la même phrase, avec un parallélisme troublant, ils ne doivent peut-être pas se traduire tous deux de la même façon ;

-la question, récurrente, du réfléchi de troisième personne ; il s’agit d’appliquer simplement la règle : dans la relative «<en réunissant> tout ce qu’avaient affirmé leurs prédécesseurs», le sujet est prédécesseurs, le possesseur représenté par l’adjectif possessif est «Tite-Live et Denys» et ce(s) possesseur(s) ne figure(nt) pas, dans cette phrase, en position

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d’énonciateur(s) d’un discours indirect. Donc eorum, car il n’y a là place ni pour un réfléchi direct ni pour un réfléchi indirect. De même pour «quelles légendes s’étaient fondus en leur creuset» : le sujet («légendes») et le possesseur («les premiers historiens de Rome») sont différents et le possesseur n’est pas l’énonciateur (ce sont Denys et Tite-Live les sources du discours indirect de cette dernière phrase). Il faut donc eorum.

Pour «en se bornant à ôter les détails qui leur ont semblé faux ou plutôt invraisemblables et

fabuleux», le raisonnement est le même si l’on considère que la relative est neutre sur le plan énonciatif : quae eis falsa uisa sunt ; si, en revanche, on estime finement que cette relative est un soupçon de discours indirect («détails qui, selon eux, leur ont semblé faux ou plutôt invraisemblables et fabuleux»), alors cela va avoir deux conséquences : l’emploi du réfléchi indirect et, conjointement, du subjonctif : quae sibi falsa uisa essent (avec concordance). Les deux solutions sont valides, avec peut-être une petite préférence pour la seconde, qui insiste sur l’intention des historiens anciens. Mais toute solution mixte (du type *quae sibi uisa sunt ou *quae eis uisa essent) est un solécisme (ou un contresens : la première fausse solution signifie que ce sont les détails qui se donnent à eux-mêmes l’impression d’être faux !). Deux copies sur trois l’ont pourtant pratiquée, en englobant celles qui, en ne statuant pas, donc en ne traduisant pas leur, ont été sanctionnées par défaut ;

-l’interprétation rhétorique des interrogations totales ; par exemple, il convenait de marquer une différence entre la question « est-ce vrai ? » (si, conformément à l’usage, on l’avait traitée au discours direct) et «Serait-ce qu’ils supposaient que…». La première est vraiment ouverte, même si elle induit un peu de doute ; la seconde est franchement fermée, et la réponse est explicite dès la phrase suivante : «Nullement». La première doit donc se tourner avec -ne, la seconde avec num ; naturellement, le nonne que nous avons occasionnellement trouvé à sa place est un pur contresens.

-système hypothétique : la dernière phrase offre un irréel du passé, qui n’a, au demeurant, pas posé de difficulté insurmontable.

-et ne pas : «et, du reste, ils ne s’en souciaient guère » appelle automatiquement neque : qu’on ne nous fasse pas croire que ce n’est pas là une évidence maintes fois réitérée.

Ces questions de grammaire sont vraiment récurrentes. Il faut que les candidats se trouvent

mécaniquement au clair avec elles. On a plusieurs fois remarqué dans des rapports récents que des jeunes gens qui se destinent

à des filières philologiques devraient être scrupuleux à l’égard de la simple copie. On constate une nouvelle fois que les candidats se soucient convenablement de ce qu’ils produisent, tâchant d’éviter au mieux les barbarismes, mais traitent à la légère les éléments qui leur sont pour ainsi dire offerts clé en main : pour tel énoncé, une note donnant une solution terminologique qu’il n’y a plus qu’à recopier ; ici des noms propres. Si le nom latin de Tite-Live n’a guère posé de problème (on a accepté Liuius, Titus Liuius et T. Liuius), tel n’est pas le cas de celui de Denys d’Halicarnasse ; il suffisait pourtant de chercher dans les dictionnaires pour trouver la bonne solution. À cet égard, signalons que Denys n’est pas un mot latin, que Dionysus est un dieu grec, que D. abrège le praenomen Decimus et que, puisqu’il existe un nom en latin pour cet auteur antique, on ne peut tolérer une simple initiale qu’on tolèrerait (sauf note intégrée à l’énoncé) pour Napoléon ou pour Thiers. En outre, c’est méconnaître l’usage antique que d’écrire Dionysius Halicarnassi, qui ne semble guère pouvoir s’interpréter que comme «Denys, à Halicarnasse» : pour ces indications géographiques, qui font quasiment partie de l’appareil onomastique, les latins ont recours à des adjectifs ethniques (Arpinas, Atheniensis, Abderites, Neapolitanus, etc.) ; en outre Halicarnassius n’existe pas… La seule bonne leçon devait donc être Dionysius Halicarnasseus (qu’on

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pouvait ensuite, comme Paul Veyne, simplifier en Dionysius). Aussi, s’il y a lieu de se réjouir de la (provisoire ?) disparition de ces monstrueux passifs du perfectum en *-uerantur, contre lesquels nous avions tiré le signal d’alarme l’an dernier, il y a lieu aussi, malheureusement, de déplorer des barbarismes stupides et facilement évitables sur des noms propres d’historiens antiques.

Mais ne soyons pas stérilement négatifs. La cuvée 2003 s’en est, somme toute, bien sortie.

Beaucoup de copies ont donné une bonne impression. La plupart des candidats, par tel bon réflexe ou même par telle erreur réfléchie, ont montré qu’il y avait un travail régulier en amont. Le jury se déclare donc plutôt satisfait et encourage les prochains candidats et leurs professeurs préparateurs à persévérer dans cette voie.

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III - MATIERES PROPRES A LA SECTION B

10. HISTOIRE CONTEMPORAINE

EPREUVE ECRITE

POUVOIR EXÉCUTIF ET POUVOIR LÉGISLATIF DANS LES INSTITUTIONS DE LA FRANCE DE 1815 À 1940

Le jury a corrigé 85 copies (comme en 2002, 62 en 2001 et 83 en 2000). Les notes

s’échelonnent de 0 à 16. 18 copies ont obtenu une note égale ou supérieure à 10, soit 19% (21% en 2002, 19% en 2001 et 29% en 2000), et 44 (54%) une note égale ou inférieure à 5 (41% en 2002, 71% en 2001 et 51% en 2000). La moyenne générale de l’écrit (6,09) est un peu inférieure à celle de l’an dernier (6,51 en 2002, 5,39 en 2001 et 7,06 en 2000) et il en est de même de la moyenne de l’écrit des candidats admissibles 11 (11,52 en 2002, 9,88 en 2001 et 11,38 en 2000).

S’étendant sur une aussi vaste période, le sujet incitait à un plan chronologique, qui a

d’ailleurs été choisi par la très grande majorité des candidats. Les coupures les plus souvent retenues ont été 1848 et 1870, mais on pouvait préférer, ce qui a parfois été le cas, 1851, le coup d’État marquant une rupture avec une longue période où les assemblées délibératives avaient joué, sinon toujours le premier rôle, du moins un rôle important, et 1877, la crise du 16 mai débouchant assez rapidement sur le « parlementarisme absolu » qui, selon Carré de Malberg, caractérise la IIIe République. Il fallait bien sûr dans l’introduction attacher une importance aux bornes du sujet. L’effondrement des Cent Jours après Waterloo marque le retour à la Charte de 1814 (souvent datée de 1815 par les candidats), malgré un climat de réaction politique ; il fallait noter que l’Acte additionnel aux constitutions de l’Empire n’instaurait pas un régime très différent. 1940, avec les pleins pouvoirs accordés au Maréchal Pétain, marque au contraire une franche rupture, et rejette sur le régime la responsabilité de la défaite militaire. Il fallait également penser à discuter les termes du sujet, à définir rapidement les pouvoirs exécutif et législatif ; on pouvait bien sûr évoquer Montesquieu.

De manière générale, les candidats ont eu du mal à « cadrer » le problème institutionnel du

fait de la méconnaissance d’un vocabulaire juridique de base et d’une difficulté à saisir l’articulation de la théorie et de la pratique. C’est ainsi que l’initiative des lois est parfois confondue avec le vote de celles-ci, que l’irresponsabilité du roi ou du président par rapport aux Chambres est parfois perçue comme un signe de faiblesse de l’exécutif. Plus rares sont les erreurs concernant la définition du régime parlementaire, dont on sait généralement que le trait le plus caractéristique est la responsabilité du gouvernement devant les chambres. Mais il faut savoir distinguer le vécu politique et les textes. De ce que ni la Charte de 1814, ni la Charte révisée de 1830 n’instituent une responsabilité des ministres devant les chambres, de ce que le monarque partage avec les Chambres le pouvoir législatif, on ne peut déduire que nous avons là des régimes où l’exécutif « écrase » les assemblées délibérantes. La nécessité de trouver une majorité fait de la Restauration et de la Monarchie de Juillet des époques fondatrices pour le parlementarisme français et plus généralement pour la délibération politique. D’une manière générale, on sous-estime particulièrement ce vécu parlementaire pour la Restauration, souvent réduite à la crise de 1830, alors que la Monarchie de Juillet est souvent réduite à ses huit dernières années, celles où l’implication du roi est telle que toute possibilité d’alternance réelle paraît bloquée. L’évolution des dernières années du Second

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Empire est souvent mal connue. Les problèmes liés à l’articulation de la théorie et de la pratique apparaissent particulièrement quand les candidats se penchent sur la IIIe République. On sait en effet qu’à partir de 1879 (« Constitution Grévy »), l’un des acteurs du système constitutionnel des lois de 1875, le président de la République, renonce à la ressource du droit de dissolution et choisit de pratiquer une « abstention républicaine ». Cela est souvent présenté comme une « interprétation » possible parmi d’autres des textes, alors qu’il s’agit de la substitution d’une coutume à une règle écrite. Autant on peut admettre qu’il y avait un certain flou dans les textes sur la manière dont s’articulait l’irresponsabilité du président et la responsabilité des ministres devant la chambre, d’autant plus qu’un président du Conseil n’est pas prévu dans les lois constitutionnelles, autant il est certain que la restriction du pouvoir présidentiel à un ministère d’influence va franchement contre lesdites lois.

Ajoutons que certaines périodes du XXe siècle sont souvent très méconnues sur le plan de

l’histoire politique : la première guerre mondiale et les années 1920. Mais il y a eu des candidats pour évoquer de manière satisfaisante la tentative de Millerand et l’expérience Daladier.

EPREUVE ORALE Le jury a interrogé 19 candidats. Les notes obtenues s’échelonnent de 1 à 17, avec 11 notes

égales ou supérieures à 10. La moyenne générale de l’oral est stable : 8,89 (9,95 en 2002, 8,88 en 2001 et 8,95 en 2000) et la moyenne des 8 admis de 12,88, assez comparable à celle de l’année dernière (12,62 en 2002, 12,28 en 2001 et 14,14 en 2000). La moyenne des onze refusés est de 6, sensiblement inférieure à celle des années précédentes (respectivement 8, 6,50 et 6,84).

Sur la forme, les candidats doivent accorder une grande importance à la construction de

leur oral. Les mauvaises performances sont presque toujours liées à la non préparation d’un plan. D’autre part, il importe de savoir « tenir » le temps imparti pour traiter le sujet. Notons que ces deux exigences sont liées : un oral trop long est le plus souvent un oral mal construit. Le jury a dû à de nombreuses reprises demander aux candidats de conclure plus vite qu’il n’étaient partis pour le faire, ce qui a conduit ceux-ci à être rapides sur certains aspects, alors qu’ils avaient perdu un temps considérable en répétitions, et a laissé moins de temps pour les questions. En particulier, les introductions sont souvent trop longues. On pourrait dire que l’ « introduction-type » souhaitable devrait tenir en deux minutes, ce qui est suffisant pour :

- une citation et/ou une phrase générale montrant qu’on a compris l’enjeu pour pour « lancer » le sujet ;

- une présentation rapide des bornes chronologiques et une définition des termes (le sujet « les libertés au XIXe siècle » réclame au moins une énumération desdites « libertés ») ;

- une, deux ou trois questions constituant une problématique (si elles ne servent pas à organiser le plan, il faudra penser à répondre à ces questions en conclusion) ;

- l’annonce du plan. La « petite question » a donné lieu à des performances très contrastées. Plusieurs candidats

sont restés absolument secs et sont apparus démotivés. Profitons de ce rapport pour leur rappeler qu’il faut se battre sur tous les points, même s’il apparaît que l’on n’est pas parti pour en gagner beaucoup, et donc ne jamais baisser les bras en cours d’oral. Il importe donc de rester concentré pendant l’ensemble de la demi-heure.

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Sur le fond, deux types de faiblesse sont assez répandus. Le premier consiste en une

tendance à la caricature concernant le XIXe siècle. Il ne suffit pas de juger celui-ci avec les yeux du début du XXIe siècle, il faut le comprendre. Tout d’abord dans son pluralisme et ses débats : il n’est pas exact, par exemple, d’affirmer que la politique coloniale de la France n’a pas suscité de débats dans les années 1880, ou que tous les Français sont protectionnistes sous la Monarchie de Juillet. On ne peut reprocher aux républicains dits opportunistes d’avoir « une mentalité du XIXe siècle en matière d’enseignement », puisque l’enjeu est précisément de comprendre cette mentalité. Il ne sert à rien de pratiquer l’indignation rétrospective, et il est plus utile de reconstituer les motivations des uns et des autres. Notons cependant de belles performances et un sens des nuances méritoire, par exemple sur un sujet comme « Bourgeoisie et aristocratie sous la Restauration et la Monarchie de Juillet », grâce à un souci typologique qui seul permet une approche nuancée.

Le second type concerne les années de la Ve République. Si la mise en place du régime est

connue, si des éléments sur mai 1968 sont présents, le jury s’est heurté, à une ou deux exceptions près, à un mur d’ignorance pour les débats politiques et la vie économique et sociale des années 1960 et 1970, correspondant à une ignorance fondamentale de la période. Un sujet sur « le septennat de Valéry Giscard d’Estaing » ne devrait pas présenter de difficulté majeure ; il s’est transformé en un véritable piège. On peut d’ailleurs en dire autant d’une bonne part des questions consacrées aux grandes formations politiques, pour lesquelles il est curieux que certains n’aient pas fait de fiches.

Le jury recommande aux candidats de charpenter leurs connaissances chronologiques.

Seule la mise en place de chronologies continues pour la France contemporaine permet de ne pas laisser de « trous » qui les fragilisent considérablement. De même, on a pu voir d’excellentes performances rendues possibles par une préparation qui incluait manifestement la rédaction de fiches biographiques sur des personnages saillants.

Sujets d’oral : Les libertés au XIXe siècle. - La population française au XIXe siècle. - Les

campagnes françaises au XIXe siècle. - Bourgeoisie et aristocratie sous la Restauration et la Monarchie de Juillet. - La guerre de 1870. - Les débats sur l’enseignement en France de 1879 à 1905. - La France et sa politique coloniale de 1879 à 1914. - Le syndicalisme en France de 1884 à la seconde guerre mondiale – La France et l’Algérie 1830-1962. - La politique extérieure de la France pendant l’Entre-deux-guerres. - La France et la crise de 1929. - L’effondrement de 1940 et ses causes. - La question énergétique dans la France contemporaine. - Le communisme en France de 1920 à 1940. - La France et la crise de 1929. - Les partis politiques de la Libération aux débuts de la Cinquième République. - Le gaullisme de 1958 à 1969. - La gauche en France de 1958 à 1981. - L’année 1968. - Le septennat de Valéry Giscard d’Estaing.

Petites questions : Crimes et attentats politiques en France au XIXe siècle. - Le

Romantisme en France. - Le légitimisme. - Les catholiques en France sous la Restauration. - France et Grande-Bretagne sous la Monarchie de Juillet. - Louis-Philippe. - Les ateliers nationaux. - Le parti de l’ordre. - Le traité de libre-échange franco-anglais de 1860. - L’entourage de Napoléon III. - Gambetta. - Louis Pasteur. - L’arrière pendant la première guerre mondiale. - Marcel Déat et le néo-socialisme. - Pierre Laval. - Les mutations du chemin de fer en France depuis la seconde guerre mondiale. - Pierre Mendès-France et Guy Mollet. - La crise de Suez. - Maurice Couve de Murville et Pierre Messmer.

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11. GEOGRAPHIE DE LA FRANCE

EPREUVE ECRITE

LA MONTAGNE DANS L’ESPACE FRANÇAIS : ÉTUDE DE GÉOGRAPHIE HUMAINE

(Carte obligatoire)

NB : les quatre documents joints sont destinés à fournir un appui à la réflexion et n’ont pas à être commentés par eux-mêmes.

Le sujet posé est à la fois très classique et suffisamment vaste pour pouvoir apprécier les

qualités de synthèse d’un candidat sur un thème concernant 1/5e du territoire français. Traiter correctement ce thème demandait la mobilisation de multiples aspects de la géographie générale. Ces territoires étaient à envisager dans toutes leurs composantes - économiques, urbaines et rurales - mais le sujet demandait aussi d’aborder le thème des potentialités du cadre physique, des relations/liaisons avec le bas-pays, des représentations de l’espace montagnard, saisies au travers d’images, de valeurs qui ont fortement changé depuis le milieu du 20e siècle.

Le traitement du sujet demandait de replacer l’évolution des espaces montagnards dans

l’évolution économique et sociale de l’espace national : • déprise agricole et recomposition de l’agriculture, développement des formes

de multiactivités, • évolution de l’industrie et spécialisation de certains massifs, passage à des

industries de pointe, • développement des pratiques et des aménagements touristiques, • évolution des communications et des liaisons avec les bas-pays. Croissance

urbaine. • évolution des politiques d’aménagement du territoire, marquée par le passage

d’une politique de la montagne (Loi Montagne de 1985) à une politique ne considérant pas la montagne en tant que telle,

• évolution des formes d’intégration à l’économie régionale et nationale etc.

On attendait également des candidats une aptitude à manier les échelles spatiales, à mobiliser certains concepts (enclavement, barrière, marginalité/intégration), à faire une typologie élaborée à partir d’une combinaison de critères, et à traduire cette typologie et les principales évolutions sous forme de croquis.

Dans l’ensemble, les copies ont été décevantes (sur 44 copies, la moyenne obtenue est de 6,25 et seules 8 copies ont plus de 10), ce qui n’exclut pas la présence de bonnes ou très bonnes copies (une copie à 15 ; une autre à 14). Trop de lacunes sont relevées dans les copies. La géographie humaine est souvent vue de façon trop restrictive, limitée à l’étude de la population et du peuplement, sans aborder l’étude urbaine ou celle des voies de communication, entre autres thèmes. Les concepts (enclavement, intégration …) sont peu ou mal employés (les hauts sommets alpins considérés comme des « isolats »..). Les connaissances sont souvent trop légères. Un candidat doit être capable, à propos de chacun des thèmes abordés, de citer des exemples situés dans plusieurs massifs, sans se restreindre

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aux Alpes. Un vague commentaire des documents joints au sujet se substitue trop souvent aux connaissances. Les plans proposés ont souvent été inadéquats (plans purement chronologiques ou « à tiroirs », par secteurs d’activité), et la typologie insuffisamment pensée, bâtie parfois sur des catégories arbitraires amenant à des regroupements fantaisistes (la Corse et les sommets des hautes montagnes alpines du fait de leur faible densité de peuplement !) .

Il était essentiel de souligner que les montagnes sont des espaces complexes où les

contraintes de mise en valeur entraînent systématiquement des oppositions/complémentarités entre vallées, moyens versants et zones sommitales et, à une échelle plus petite, qu’il n’est guère réaliste de considérer sans simplification excessive qu’un massif constitue une entité monolithique. La diversité des situations des massifs montagneux pouvait faire l’objet d’une typologie élaborée à partir de quatre critères simples et pertinents : le dynamisme (démographique et économique), l’importance de la présence humaine, la structure des activités, les spécificités naturelles et historiques. On pouvait ajouter le positionnement par rapport aux grands pôles nationaux et régionaux.

Sans entrer dans le détail de la typologie, celle-ci pouvait être construite de la façon

suivante : • les Alpes du Nord : plus peuplées aujourd’hui qu’autrefois, mais avec une

distribution spatiale radicalement différente ; montagne « ouverte » par les axes de communication, les échanges ; dynamisées par le tourisme mais aux activités diversifiées ; influences urbaines importantes.

• Jura et Vosges : moyennes montagnes industrielles mais aux dynamismes inégaux. Il faudrait montrer les ressemblances (peuplement important, industrialisation traditionnelle connaissant des difficultés, place considérable de la forêt etc. ) et les différences de dynamisme (les Vosges plus peuplées et industrielles évoluant nettement moins favorablement que le Jura).

• le reste des massifs montagneux : possède une économie moins diversifiée, est en voie de délaissement plus ou moins marqué, mais connaît aussi des contrastes internes souvent très forts.

• Les meilleures copies ont réussi à faire ressortir les types de dynamique régionale en

évoquant les éléments d’intégration/exclusion des massifs dans l’espace français. Quant à la carte, on peut se réjouir de voir que les grands principes du croquis régional sont

relativement assimilés, avec en particulier un effort pour construire une légende raisonnée. Pourtant les massifs sont trop souvent considérés comme des entités sans que soient soulignées les différenciations internes.

EPREUVE ORALE

Trois candidats admissibles avaient choisi cette année l’épreuve de la géographie de la France. Les trois sujets tirés ont été :

• L’ouverture européenne et la géographie des transports en France, avec un document d’appui. L’exposé présenté a souffert du manque de capacité de synthèse de la candidate, pénalisée par le plan choisi, historique, et le manque de raisonnement géographique (la centralisation a été à peine évoquée). Les connaissances se sont avérées trop fragmentaires.

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• Le « rural » : quels sens ce mot a -t-il dans la France d’aujourd’hui ? L’exposé du candidat a montré de bonnes qualités d’analyse et une vision assez large du phénomène rural. Les problèmes de discontinuité rural/urbain et de superposition des fonctions dans l’espace rural ont été correctement abordés.

• Les espaces de faible densité en France. Le candidat a développé des éléments d’analyse portant sur l’espace rural sans mener une réflexion sur la définition du sujet. Surtout, la typologie présentée en troisième partie était plus un classement des espaces par échelles (nationale, régionale, locale) qu’une véritable typologie.

12. VERSION ESPAGNOLE

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Dix-neuf candidats se sont présentés cette année à l’épreuve de version espagnole. Le texte proposé offrait une situation d’ensemble peu difficile à saisir. Néanmoins la traduction exigeait une analyse précise des formes verbales qui scandent les différentes étapes de l’émergence du souvenir. La phrase longue et souple de Múñoz Molina requérait aussi une bonne maîtrise de l’expression en langue française.

De nombreuses copies (11 sur 19) ont été gâchées par des contresens, surprenants souvent ;

ces erreurs graves proviennent avant tout d’une connaissance insuffisante du lexique espagnol. C’est ainsi que « hojas… rellenadas a lápiz » a pu donner « des feuilles reliées de turquoise », ou bien « me estremeció de congoja » devient un non-sens : « me faisait ressembler à une perdrix » ; « envueltos en harapos » se transforme en « emmenés dans des camions » ; confusion entre « el asombro » et « la sombra » ; « pronto », « en seguida » restent mal connus. Le manque de rigueur sur les formes verbales et syntaxiques (sens de « aunque » + indicatif, par exemple) a dû être sanctionné fréquemment. En outre, la qualité de la langue française laisse à désirer trop souvent ; les fautes d’accord (en particulier des participes passés) ou les formes fantaisistes du passé simple (« je regarda », « je trouvis ») nous ont semblé difficilement tolérables.

En revanche, les huit autres candidats ont su éviter les écueils et le jury a pu leur attribuer

des notes au-dessus de la moyenne, allant jusqu’à 16 sur 20. Une petite erreur s’est glissée dans le texte mais elle n’était pas de nature à poser des problèmes de compréhension ni de traduction ; aucun candidat n’en a été pénalisé.

Trois candidats ont été admissibles lors de cette session. Un seul a manifesté à l’oral les

qualités déjà reconnues par le bon résultat écrit. Les deux autres candidats ont éprouvé beaucoup de difficultés à mobiliser rapidement leurs connaissances pour présenter une traduction convenable, qui demande une certaine vivacité et de la présence d’esprit.

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13. VERSION PORTUGAISE

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CONCOURS D’ENTRÉE EN DEUXIÈME ANNÉE En 2003, vingt candidats ont déposé un dossier au concours d’entrée directe en deuxième

année. Ils étaient, pour la plupart d’entre eux, inscrits dans un cursus universitaire en histoire, quelques-uns avaient suivi une formation en lettres classiques, lettres modernes ou histoire de l’art. Douze de ces candidats étaient titulaires de la maîtrise et inscrits en DEA ; sept étaient titulaires du DEA, dont trois étaient en cours de doctorat.

Le niveau a paru excellent au jury, qui a auditionné quatre admissibles ; un candidat a été

déclaré admis, deux ont été inscrits sur liste complémentaire. L’épreuve d’admission, d’une durée d’une demi-heure devant le jury, comporte, rappelons-

le, deux parties : la première est consacrée au commentaire historique, préparé pendant une demi-heure, d’un document choisi par le jury en fonction de la spécialité des candidats (période chronologique et discipline) ; la seconde partie permet un entretien du candidat avec le jury, qui porte à la fois sur le document retenu et sur les motivations d’une candidature à l’Ecole des chartes.

Comme on l’a dit l’an dernier, le jury est attentif à la capacité qu’ont les candidats

d’aborder le commentaire de documents avec un minimum de compétences historiennes ; sans ces dernières, on ne voit pas très bien comment ils pourraient suivre avec succès un cursus qui est consacré à l’apprentissage des méthodes de traitement scientifique des documents historiques et qui suppose maîtrisée une culture historique d’un bon niveau.

Par ailleurs, il est éminemment souhaitable que les candidats éprouvent un intérêt pour les

métiers de la conservation patrimoniale, qui restent un débouché majeur de l’Ecole nationale des chartes.

Documents commentés : - deux extraits du Roman de Rou de Wace et des Gesta Guillelmi ducis Normannorum et

regis Anglorum de Guillaume de Poitiers. - un extrait de Journal et mémoires du marquis d’Argenson (décembre 1751). - un Projet d’article pour les journaux anglais pendant les négociations franco-allemandes

(1870) d’Hippolyte Taine. - le texte de la loi du 25 février 1875 relative à l’organisation des pouvoirs publics.