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L’actualité sahélo-saharienne au Mali : une invitation à penser l’espace mobile Conceptualizing the mobility of space through the Malian conflict Denis Retaillé Professeur en géographie, UMR ADESS, CNRS-Université de Bordeaux, France, et Senior Fellow CEPS/INSTEAD Luxembourg – [email protected]. Olivier Walther Visiting Assistant Professor,Division of Global Affaires, Rutgers University, USA, et CEPS/INSTEAD, Luxembourg – [email protected]. Résumé L’actualité saharienne des années 2012-2013 au Mali a permis de replacer le Sahel dans le vocabulaire d’appel des médias et des commentateurs de l’actualité. La confusion des deux régions géographiques appelle quelques explications qui permettent aussi d’éclairer la manière dont les différents acteurs mobilisés, les États, les indépendantistes touareg, les terroristes islamistes se croisent sur une scène qui est mobile et non dans un théâtre d’opérations dont les décors seraient posés a priori comme en géopolitique. En exposant le résultat de deux enquêtes sur le temps long de l’espace sahélo-saharien et sur le temps court du branchement des réseaux activistes qui s’y déploient, l’article veut proposer l’usage d’un autre espace méthodologique, l’espace mobile, qui convient mieux aux situations contemporaines du mouvement que la référence fixe d’une surface terrestre épurée. Abstract The ongoing Malian conflict has sparked renewed media and academic interest in the Sahel. This article shows how the various actors involved in the conflict, including nation-states, Touareg rebels and Islamist terrorists have adopted mobile strategies, which are not effectively explained using traditional geopolitical analysis. Combining a long-term geographical analysis of the Sahelo-Saharan space and a social network analysis of the main actors involved in the conflict, our objective is to develop an alternative methodological approach primordially based on movement. This mobile space approach, we argue, is probably better suited for grasping the complexity of contemporary conflicts in the Sahel-Sahara than the traditional approach based on territories. Mots-clés Sahara-Sahel, Mali, islamistes, Touareg, espace mobile. Keywords Sahara-Sahel, Mali, Islamists, Touareg, mobile space Introduction Dans les premiers jours de janvier 2013, une intervention conjointe des forces armées françaises et de leurs alliés régionaux – connue sous le nom d’Opération Serval – a repoussé l’avancée de groupes islamistes se dirigeant vers le sud du Mali. Quelques semaines de combats ont suffi à reprendre le contrôle de la quasi-totalité Ann. Géo., n° 694, 2013, pages 595-618, Armand Colin

Retaille Walther 2013 Actualite Mali

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Mobilidad geográfica.

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  • Lactualit sahlo-saharienne au Mali :une invitation penser lespace mobile

    Conceptualizing the mobility of space through theMalian conflict

    Denis Retaill

    Professeur en gographie, UMR ADESS, CNRS-Universit de Bordeaux, France, et Senior FellowCEPS/INSTEAD Luxembourg [email protected].

    Olivier Walther

    Visiting Assistant Professor, Division of Global Affaires, Rutgers University, USA, et CEPS/INSTEAD,Luxembourg [email protected].

    Rsum Lactualit saharienne des annes 2012-2013 au Mali a permis de replacer leSahel dans le vocabulaire dappel des mdias et des commentateurs de lactualit.La confusion des deux rgions gographiques appelle quelques explicationsqui permettent aussi dclairer la manire dont les diffrents acteurs mobiliss,les tats, les indpendantistes touareg, les terroristes islamistes se croisent surune scne qui est mobile et non dans un thtre doprations dont les dcorsseraient poss a priori comme en gopolitique. En exposant le rsultat de deuxenqutes sur le temps long de lespace sahlo-saharien et sur le temps courtdu branchement des rseaux activistes qui sy dploient, larticle veut proposerlusage dun autre espace mthodologique, lespace mobile, qui convient mieuxaux situations contemporaines du mouvement que la rfrence fixe dune surfaceterrestre pure.

    Abstract The ongoing Malian conflict has sparked renewed media and academic interestin the Sahel. This article shows how the various actors involved in the conflict,including nation-states, Touareg rebels and Islamist terrorists have adopted mobilestrategies, which are not effectively explained using traditional geopoliticalanalysis. Combining a long-term geographical analysis of the Sahelo-Saharanspace and a social network analysis of the main actors involved in the conflict,our objective is to develop an alternative methodological approach primordiallybased on movement. This mobile space approach, we argue, is probably bettersuited for grasping the complexity of contemporary conflicts in the Sahel-Saharathan the traditional approach based on territories.

    Mots-cls Sahara-Sahel, Mali, islamistes, Touareg, espace mobile.

    Keywords Sahara-Sahel, Mali, Islamists, Touareg, mobile space

    Introduction

    Dans les premiers jours de janvier 2013, une intervention conjointe des forcesarmes franaises et de leurs allis rgionaux connue sous le nom dOprationServal a repouss lavance de groupes islamistes se dirigeant vers le sud du Mali.Quelques semaines de combats ont suffi reprendre le contrle de la quasi-totalit

    Ann. Go., n 694, 2013, pages 595-618, Armand Colin

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    des villes qui avaient chapp au pouvoir de Bamako dans le courant de lanne2012, la faveur dune alliance circonstancielle entre groupes islamistes dsireuxdimposer la sharia et de contrler les trafics dune part, et rebelles touareg enqute dindpendance dautre part. Il faut dire quil ny avait plus de pouvoir Bamako et que loccasion se prsentait davancer dans le dessin dun autre espacepolitique (ou de plusieurs quand ont t rvles les contradictions internes aumouvement de conqute !).

    La complexit des rapports entretenus par les acteurs de ce conflit arm etlantagonisme de leurs motivations politiques, a conduit nombre danalystes choisir lexpertise chaud dune situation de guerre dans les termes admis dela gopolitique. Dans cet article, nous soutenons que la situation malienne ouplus globalement saharo-sahlienne, rclame dautres arguments et une remontethorique qui trouve difficilement sa place dans un commentaire fond sur leterritoire des tats-nations1. Pour lclairer, deux enqutes ont t menes selonune thorie de lespace qui place le mouvement en premier, avant mme dedsigner les lieux et les territoires comme sils taient l, depuis toujours etpour toujours. Par la mobilit ravive, un autre hritage sest impos, celui de la route qui nest pas quun support matriel de la circulation, mais dabord unlien virtuel qui peut tre activ tout moment dans un espace incertain des lieux.Lespace gographique des sites ne dit rien de ces lieux qui surgissent danslautre espace de reprsentation auquel nous invitons : lespace mobile.

    1 Deux enqutes gographiques

    La premire enqute, sur la trs longue dure de la recherche et des temps de lagographie, rappelle dans quel espace de reprsentation dominant se sont droulsles vnements de mars 2012 mars 2013, jusqu proposer que la guerre napeut-tre pas eu lieu au Mali, que ce ntait peut-tre pas une guerre, et que lenjeuntait pas le territoire. Ce sont l trois propositions de rponses dissonantesaux questions minemment gographiques : o, qui et quoi, comment ? Lesrponses la question de savoir pourquoi le conflit a clat l et pas ailleurs nenressortiront pas avec assurance du fait mme que le rsultat de lenqute conclut la saillance alatoire des lieux.

    La seconde enqute sest attache aux vnements de lanne 2012, systmati-quement replacs dans cet espace mobile de reprsentation qui ne visait ni le Mali,

    1 Ce texte donne une suite plusieurs publications des auteurs consacres au conflit malien (Walther etRetaill 2010, Retaill et Walther 2011b, Walther et Christopoulos 2013). Il est encore une vrificationdes thses proposes par Denis Retaill dans deux publications rtrospectives sous presse (Retaill2013a, b). Ces retours thoriques sur une exprience sahlienne remontent des dmonstrations tayesentre 1984 et 1989, pour finir par la proposition de prendre en compte la mobilit de lespace lui-mme(2005-2009), ce qui a donn lieu une premire esquisse (Retaill et Walther 2011a). Il est enfin unereprise dun texte mixte rdig en aot 2012 mais non publi, replaant lactualit dans le problmeplus gnral de lintroduction du temps dans lespace et sur la place faite au mouvement dans notregographie de sdentaires.

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    ni le territoire, ni mme la guerre de front. La localisation des vnements lisau conflit malien semble-t-elle ramener la topographie dun territoire disput ?Il nen est rien. Lactualit du conflit montre que les combats qui eurent lieu Konna et Diabali, au Mali (10-18 janvier 2013), puis In Amenas, enAlgrie (16-19 janvier 2013), sont situs 2000 km de distance, sans que lonsache bien qui en taient les organisateurs pourtant issus de la campagne duNord-Mali en 2012. Les prises dotages survenues au Nord du Cameroun et duNigeria (19 fvrier 2013) rappellent aussi que la violence arme lie aux groupesterroristes peut se manifester partout o passent les rseaux que nous dcrivons,ce qui ne constitue pas un plan de conqute des villes du Nord-Mali qui nest,finalement, que de circonstance, encore moins de ltat malien !

    Le repli probable des animateurs de la campagne malienne au sud de la Libye,dans la rgion du Fezzan (Sebha), souligne que ce nouveau sanctuaire chappelui aussi toute forme de souverainet tatique. Comme Kidal au Mali les oasisdu sud de la Libye, sont les nuds par lesquels passe une route transsaharienne.Celle-ci conduit Maduguri, berceau de Boko Haram qui est la mouvanceislamiste syncrtiste hritire du travail de longue dure entam, ds les annes1990, autour de la medersa de la capitale du Bornou. La vieille route bornouanetraverse le Tnr du nord au sud et rejoint le Nigeria islamiste par Boultoum,puis Zinder ou Diffa au Niger (Retaill, 1983, 1986, 1989 a et b, 1993). Cetteligne est la rplique de celle qui, plus louest, fut le thtre des vnementsde lanne 2012-2013. Et il en est dautres. Notons, cependant, que la routebornouane passe par Agadem, qui est le nouveau site dextraction du ptroleau Niger, ptrole raffin Zinder, lensemble de la filire tant contrl par lachinoise CNPC. Voil une belle piste dont le contrle importe linstar de laroute de luranium, au Niger galement, entre Arlit et Tahoua.

    Les territoires et les frontires ne guident en rien la circulation des acteursimpliqus au Sahara-Sahel, sinon travers les dclarations de ceux qui se trouventfinalement dpossds de leur propre intelligence de lespace en rclamantet proclamant le territoire . Les Touareg , autre fantasme partag pourdsigner des positions et des partis qui peuvent sopposer farouchement, le saventdsormais. Certains dentre eux qui croyaient pouvoir sallier aux islamistes pourfaire avancer la cause de lindpendance de lAzawad, ne sont pas parvenus raliser leurs objectifs territoriaux. Lillusion de lespace continu par extensiontopographique autour des nuds commandant la mobilit, a vol en clats.Autant dire que les rfrences gographiques qui sont habituellement les ntresatteignent le simplisme quand elles associent les identits mobilises desterritoires revendiqus. Les deux enqutes sur la longue dure de lespace et desvnements de lanne 2012-2013 se rejoignent l pour montrer que lassociationde lidentit collective et du territoire relve de lidologie ou, au moins, dunprincipe daction. Azawad : un slogan !

    Ds le dbut des annes 2000, dj, deux initiatives amricaines destines renforcer les capacits des forces armes ouest-africaines sonnaient lalarme :lespace territorialis des tats tait totalement subverti. Pourtant, elles taient

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    elles-mmes fondes sur une conception territoriale de lespace. Il leur manquaitde se situer dans le bon espace de reprsentation, celui des adversaires terro-ristes . Cest ce genre de faille que voudrait montrer ce court texte, et du mmecoup la ncessit de penser lespace autrement pour faire face un terrorisme quine se rduit pas la figure islamiste, mme si l rside laffichage mobilisateur.

    Pour rpondre la demande des Annales concernant lactualit saharienne,le parti a t pris den rester au conflit malien durant le premier semestre 2012,en le replaant dans un cadre qui permette de le comprendre, alors que lexpertisegopolitique ne la pas saisi de manire tout fait satisfaisante. Cela, quitte chercher quelques vrifications dans le semestre suivant, jusqu janvier 2013. Letexte reprend donc le droulement des oprations (le temps court de lactualit),en voquant la ncessit denvisager un autre espace de reprsentation que celuiqui encadre nos savoirs disciplinaires (le temps long de lexpertise scientifique).Cest le principe que nous retenons a posteriori aprs que ce qui tait dcelablea priori, depuis 25 ou 30 ans, sest trouv confort. Un retournement delaxiomatique commune est mme propos : admettre que le mouvement estpremier, et non pas les lieux avec leurs attributs. Ce retournement dcoule duconstat selon lequel lhritage dun espace organis autour du mouvement at rendu actif par le rseau social constitu autour de la mobilisation islamiqueinstrumentalisant la mobilisation touareg. Loccasion malienne est donc prendrecomme telle, qui sest prsente quand le masque du modle de la transitiondmocratique et de la dcentralisation entreprises au Mali est tomb le 22 mars2012, avec le coup dtat.

    En vrit, la mise en mouvement de lespace du pouvoir avait commenc dsla mi-janvier 2012 par loffensive touareg visant Mnaka, Tessalit, Tin Zaouatene ;ds 2006 si lon prend en compte le discours de Kadhafi Tombouctou danslequel il annonait que les nations occidentales devraient accepter de devenirmusulmanes avec le temps ou bien de dclarer la guerre aux musulmans ; ou dsle milieu des annes 1980 si lon se souvient des rseaux de rsistance aux effetsde lajustement structurel et aux annes de scheresse que furent 1984 et 1987 ;cela sans compter les rvoltes des premires annes de lindpendance. Au Mali,tout sest trouv occult par les dithyrambes consacrs la dmocratie et ladcentralisation russies (Hugueux 2012). Le temps long de lenqute replacealors la jonction des rseaux actuels et la mobilit de lespace qui est au fondementde la dfinition du Sahel, dans une mme perspective qui inverse la gographiespontane des savants experts en gopolitique. Il est bon de pouvoir suggrerque les savoir-penser lespace des autres (les savoirs que les autres produisent etutilisent) pourraient avantageusement alimenter le corpus dune discipline maldcolonise : la gographie.

    Les suites mthodologiques et thoriques de la critique dresse ici ne serontcependant quvoques, et nous ne tenterons pas de rgler le problme dela figuration de lespace mobile qui est beaucoup plus quune reprsentationdes mouvements. Cest le problme du passage dun espace anthropologique observ (nomade) un espace mthodologique gnralisable, porteur de

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    modles en puissance. Quelques pages ne suffiraient pas dmontrer la difficult corner les paradigmes bien tablis, comme celui de lanalyse spatiale ou, pisencore, celui des dterminismes de milieu, sans mme tenter, non plus, unecritique en rgle de la monolangue du territoire (Ben Arrous 2012). Lactualitmalienne du premier semestre 2012 sera simplement utilise pour suggrer lebesoin de prendre la question autrement et souligner la faiblesse des commentairesconvenus.

    2 Rappel de lactualit

    Dans le conflit malien, le mouvement est premier, dans la mesure o linstallationdes islamistes au Mali, loin de rsulter uniquement de larrive dex-combattantsrevenus de Libye partir de lt 2011, sexplique avant tout par la tolrance quileur a t accorde ds le dbut des annes 2000 par les autorits de Bamako. En2003, sous la pression de larme et des services de renseignement algriens, lesterroristes du Groupement Salafiste pour la Prdication et le Combat (GSPC) quideviendra Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) en 2007, se rfugient dansle dsert malien aprs avoir kidnapp une trentaine de touristes europens dansle sud algrien. Ces groupes commencent alors nouer des alliances politiqueset matrimoniales avec les tribus touareg et arabes (Retaill et Walther, 2011b).Refoul des bastions densment peupls de Kabylie, le rseau mobile du terrorismecircule de part et dautre des deux versants sahariens hrits de la colonisation(Graham, 2011 ; Larmont, 2011), transformant la frontire Algrie-Mali enconfins indcis puis en espace mobile.

    Au tournant des annes 2010, les conditions sont particulirement favorablesau dveloppement dautres groupes extrmistes comme le Mouvement pourlUnicit et le djihad en Afrique de lOuest (MUJAO, cr en 2011) et AnsarDine (2012) qui comptent aussi bien des Touareg maliens que des Arabes etdes Algriens (Grgoire, 2013). Enlvements et trafics transfrontaliers alimententles ressources des terroristes (Pham, 2011) et leur permettent, la faveur de lachute de Mouammar Kadhafi en Libye en 2011 et dAmadou Toumani Tourau Mali en 2012, de mener une offensive de grande ampleur contre larmemalienne, particulirement dsorganise et manquant de moyens (Lecocq et al.,2013). Dans les premiers mois du conflit, une alliance provisoire entre islamisteset rebelles touareg du Mouvement National de Libration de lAzawad (MNLA)permet lavance rapide des troupes sur le terrain et la prise des villes de Kidal,Tombouctou et Gao aprs Menaka, Tessalit et Tin Zaouatene dont le MNLAstait seul empar en janvier, comme pour un test de rsistance. Trs vite,cependant, les islamistes dAQMI, dAnsar Dine et du MUJAO vincent lesindpendantistes touareg du MNLA, allant jusqu les chasser des villes quilsoccupaient prcdemment (Carte 1).

    Que sest-il donc pass ? Oublieux de leur espace de reprsentation, lesTouaregs ont cru voir dans la nbuleuse islamique terroriste le moyen de former

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    Carte 1 Autour de lAzawad : frontires, routes, villes et mouvements

    Around Azawad territory : borders, roads, towns and movement patterns

    un territoire dtat, lAzawad. Ctait sans compter que la force et la surviedes rseaux terroristes tiennent dans le mouvement permanent. Les territoirescirculatoires des Touareg en portent tmoignage travers les nomadisationsmatrielles mais aussi travers les associations distance qui font, cest le propredu nomadisme, quon peut tre partout chez soi. Ayant su utiliser les savoirsnomades et leurs rseaux pour aboutir au contrle des routes et des lieux, AQMIet Ansar Dine ont finalement chass les Touaregs du MNLA et dtruit les hautslieux fixes de Tombouctou, par exemple, qutaient les tombeaux des saints.Il ntait pas question, pour eux, de sencombrer de territoire et de consommersa force dans la matrise de la surface. Le contrle du mouvement et des lieuxde croisement suffit au pouvoir dans un espace mobile, les lieux tant eux-mmes mobiles. Les outils pour le comprendre sont ceux dun autre espace dereprsentation. Il nest pas facile de rpondre la question o ? de manireprdictive quand prside la saillance des bonnes occasions.

    La dfinition de lAzawad devient alors pour le moins problmatique. Enbonne gopolitique, lAzawad est avant tout la tentative de cration dun tat-nation qui revendique, par la force, son inscription dans la mosaque territoriale

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    des autres tats du monde. Cette interprtation est trs proche de celle duprojet politique du MNLA (2012), qui vise lunit nationale entre les fils delAzawad au-del des diffrences ethniques. Le projet voque notamment lancessit de parvenir un tat indpendant ; pour cela, la terre confisque est larevendication principale ; tant quelle nest pas recouvre, toute autre rclamationest inutile car on ne peut pas parler de la souverainet sans entire autogestiondes affaires de gens sur leur terre natale (Art. 2). Cela implique ncessairement,selon le projet politique toujours, de rejeter diamtralement toute prsenceillgale sur [la] terre, y compris surtout la prsence militaire malienne et touteautre prsence quelle a permise ou facilite (Art. 3).

    La vision gopolitique et celle du MNLA peuvent tre reprsentes de manireclassique, comme sur la Carte 2 qui dlimite lemprise territoriale du nouveltat. Laire de peuplement touareg y figure pour rappeler que lAzawad politiquene recouvre que trs partiellement ce quon appelle laire culturelle touareg,stendant des confins mauritaniens la Libye. LAzawad est par surcrot dlimitpar des frontires de lordre intertatique dj tabli, si ce nest une nouvelledlimitation avec le Mali mridional . En outre, bien quorient par la stratgiepolitique des Touareg du Mali, lAzawad comprend dautres groupes ethniques,dont les Songhay, les Arabes, les Peul, les Dogon, les Bozo ou les Somonoqui, pris tous ensemble, sont majoritaires dmographiquement mais souventoublis des commentaires. Certains de ces groupes ont dailleurs produit desprojets politiques concurrents de celui du MNLA, comme les milices songhayet peul Gando Izo et Ganda Koy, prcdemment mobilises pour combattre lesdiverses rbellions touareg, ou le Front national de libration de lAzawad (FNLA)compos principalement dArabes de Tombouctou. Cette diversit oublie dansles tableaux rductionnistes, constitue autant dirrdentismes possibles dans lalogique territoriale, ce dont les groupes islamistes ne veulent pas sencombrer, ilfaut le rpter. La rponse qui (ou quoi) de la gographie est suffisammentembrouille pour choisir dviter les simplifications en catgories. Lesalliances noues et dnoues trs rapidement ne supportent pas les simplifications :nomades, islamistes en sont, bien qutant encore utilises dans ce texte pourviter quelques difficults supplmentaires.

    3 Le Sahel en cartes

    Pour comprendre comment lespace des reprsentations peut varier selon lesacteurs du conflit malien, nous proposons de partir dun chantillon de cartes.

    La premire reprsente les zones formellement dconseilles aux voyageurspar le Ministre franais des Affaires trangres (Carte 3). Elle est tablie surun fond dtats, insistant par l mme sur le fait que ces tats-l ne contrlentpas rellement leur territoire. De vastes zones, y compris en Algrie, chappent la fiction gopolitique de lunit nationale et de la continuit territoriale. Ilfaut alors saisir que les prolongements hors le domaine bioclimatique devenu

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    Carte 2 Les peuplements de lAzawad revendiqu

    Populations involved in claimed Azawad territory

    ponyme de la situation rapporte par les mdias Sahel ne sont que les imagesde ramifications dbordantes. Le rhizome, mtaphore heureuse propose parDeleuze et Guattari (1982), est trs utile dans la qualification dun rseau nonhirarchis dont les drageons peuvent surgir partout o ils ne sont pas attendus ;surtout l o ils ne sont pas attendus. Dans lespace mobile la prdiction nestgure possible. Seuls des principes peuvent en tre dgags.

    Quest-il arriv au Sahel des gographes pour subir une telle dformation ?Il est arriv que la dfinition-dlimitation doublement naturaliste avait manqulessentiel de la nature des lieux. En sattachant au modle bioclimatique, entraant une limite entre les genres de vie , en opposant frontalement nomadeset sdentaires, puis, plus tard, en entonnant le couplet de la frontire colonialetrace sur la carte travers les ralits, les premiers gographes de la rgionavaient objectivement fait leur travail dobservateurs extrieurs. Sauf que pourbien comprendre les situations, il aurait fallu tre lintrieur et se mfier deshritages antiques plus ou moins lis la thorie des climats. Sans remonteraussi loin, cest limprieuse ncessit de procder des dcoupages et descatgorisations qui est en cause. Les limites bioclimatiques et les frontires sontde ceux-l, trop aisment cartographiables, ce qui nest pas le cas des espaces

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    Carte 3 Le Sahel comme espace du terrorisme selon le MAE

    The Sahel as space for terrorist activity, Source : French Ministry for Foreign Affairs,July 2013.

    ethniques qui nont en gnral pas la forme daires dlimites. Gographie etethnographie leur en ont fourni conjointement les proprits, rendant possible cequil faut bien appeler une ethnopolitique. Or, la ralisation dune fiction utile est toujours possible ou craindre. Lopposition ethnique des nomades et dessdentaires a t particulirement commode puis efficace, mais singulirementfausse et dangereuse.

    Pour sen rendre compte plus en dtail, considrons la Carte 4. La zonationbioclimatique ouest-africaine y prsente toute la rgularit du modle. Lesisohytes sont parallles aux parallles et lirrgularit pluviomtrique se traduit parun balancement de lensemble du systme vers le nord les annes pluvieuses, versle sud les annes sches. La moyenne, qui na pas beaucoup de sens, place le Sahelentre 600 mm annuels au sud et 200 mm (ou 150) au nord. Une observationapproximative mais rgulire elle aussi, montre la descente de lisohyte 400 desmauvaises annes vers lisohyte 600 de la moyenne normale . Or 400 mmde prcipitations constituent la condition minimale de possibilit de lagriculturesous pluie, sans irrigation, par 26 de temprature moyenne annuelle. La mmeobservation, ct nord, montre la descente de lisohyte 150 (ou 200) verslisohyte moyenne normale 400. 150 ou 200 mm de prcipitations sont leminimum ncessaire la reconstitution du pturage naturel gramines.

    La dfinition gographique du Sahel est donc dabord note par une dlimita-tion fonde sur lagriculture sous pluie et llevage pastoral rapprochs entre 600

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    et 400 mm de pluviomtrie normale2. Lirrgularit interannuelle et priodiquedes prcipitations ajoute un caractre mobile qui se traduit par une poussetendancielle paysanne vers le nord pendant les bonnes priodes pluviomtriqueset, linverse, par une pousse tendancielle des pasteurs vers le sud pendant lespriodes sches. Il en rsulte, pour le Sahel, un item gographique rcurrent : lse trace la limite entre nomades et sdentaires. Encore faut-il admettre la validitdu concept de genre de vie, ngliger les diffrenciations sociales qui sparent lesmatres trs mobiles quils soient nomades ou sdentaires , et les dpendantstrs lis la terre ou leau l o elle est, quils soient eux aussi rputs sdentairesou nomades.

    Carte 4 La zone sahlienne

    The Sahel zone

    En vrit, par inertie, il sagit plutt dune mle, les deux modes doccupationde lespace et dexploitation du milieu voisinant au plus prs et variant selonlalternance saisonnire le long des valles, autour des mares et lacs, des massifsdans leur pimont, autour des villes surtout et de plus en plus. Les identificationsethniques plutt que sociales durcissent le trait pour transformer cette limiteen un front : cest une simplification outrageuse quand la mle simpose. Quefaire des agriculteurs classs comme nomades ethniquement ? Que faire des

    2 La trs grande irrgularit des prcipitations te tout sens la moyenne et la normale mais soulignelincertitude climatique laquelle la mobilit de lespace est une rponse.

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    sdentaires ethniques grands caravaniers et voyageurs ? Et que faire des famillesqui sont composes de nomades et de sdentaires, ou mme des individus quisont tantt dun ct, tantt de lautre ? Peut-tre se dire que les catgoriesdescriptives de la gographie hrite et de la description ethnographique ne sontpas les bonnes.

    Adapt du modle bioclimatique et des modes doccupation de lespace etdexploitation du milieu, un deuxime plan gographique a t cal sur le premier :celui des tats sahliens qui prsentent tous la mme configuration (Carte 5).Le couple Mauritanie-Sngal, le Mali, le Niger et le Tchad sont constitusdun noyau de peuplement sdentaire stable sur la longue dure, au sud, etsouvrent en secteur vers le dsert. Cette forme nest pas anodine. Elle conserveune structure spatiale prcoloniale qui tait appuye sur les routes transsahariennesmajeures. La rptition du mme dispositif douest en est vient alors soulignerce quavait exclu la dfinition bioclimatique : les tats sahliens sont fonds surla complmentarit bioclimatique. En vrit, ils reproduisent le schma de lacirculation et sont comme la rptition quatre fois (et plus) dun carrefour marqupar les villes et les marchs de la circulation mridienne et de la circulation zonale.Ces tats sont proprement parler soudano-sahlo-sahariens . Le carrefoursahlien peut se dplacer vers le nord ou vers le sud sans perdre sa proprit, car lesroutes ne sarrtent pas aux frontires mridionales des tats, mais les traversentcomme elles traversent les frontires septentrionales. Le Sahel est ce carrefourdespaces ramifis de circulation qui stendent autrement quen surfaces commeen attestent les dformations du Sahel conu par le MAE. La charnire sahliennenest pas ncessairement zonale ; elle peut alors se dplacer, se dformer commele montre la migration des marchs qui se sont cals progressivement sur lafrontire mridionale des tats concerns. Cette migration de 100 200 km sansmotif climatique est une adaptation au contexte dcoulant de linvention desfrontires (Walther, 2008).

    Le mme schma invers vaut pour le versant nord du Sahara avec plusou moins damplitude vers le dsert : la Tunisie est coince entre Algrie etLibye tandis que le Maroc sapproprie le Sahara occidental au nom de lhistoiregographique prcoloniale. Lassociation ou mme la confusion du Sahara et duSahel y trouvent leur source. Ce qui est distingu par le tableau gographiqueclassique, et en premier lieu les deux versants du Sahara, est bel et bien runien un espace de circulation rsistant aux assignations. La rponse la question comment de la gographie : par le dcoupage, nest pas approprie. Cest lelien qui prvaut et plus encore la consquence de ce lien. Le lieu peut se dplacerpour tre reproduit le long de ces lignes qui assurent la jonction du nord ausud, selon les circonstances climatiques pour ce qui est le plus simple mais aussivital, selon les circonstances politiques et gopolitiques comme les vnementsrcents lont montr (infra). La carte 5 et le modle du balancement zonal deslieux (figure 1) montrent ce dpassement des dcoupages par des rseaux qui lesprcdent et leur rsistent.

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  • 606 Denis Retaill, Olivier Walther ANNALES DE GOGRAPHIE, N 694 2013

    Carte 5 Les tats sahlo-sahariens la charnire de lespace de circulation

    The Sahelo-Saharan nation-states at the crossroads of mobile space

    La carte du ministre franais des Affaires trangres est donc juste en cequelle voque le prolongement des rseaux loin au nord et au sud et mmeloin lest ou louest du thtre des oprations de 2012. Mais elle est illusoireen ce quelle dsigne des territoires dtats qui ne sont pas tous dans la vacuitgopolitique du Nord-Mali aprs le coup dtat du 21-22 mars 2012. Ou bienalors faut-il considrer toute lAfrique au nord de lquateur et, plus loin encore,le monde entier. Si les trafics qui passent l en permettant laccumulation derichesses et dun arsenal sont mondiaux, leurs rseaux le sont aussi.

    Par surcrot, la mme carte 5 rappelle, par superposition, comment cet espacede circulation auquel les territoires des tats sont conformes, reproduisent detrs vieux espaces politiques, les Empires de la route, qui ont tenu le Saharaet le Sahel du IXe sicle de lre conventionnelle au XIXe. Ce nest pas le lieuden refaire la gohistoire. Il est bon, cependant, de rappeler que ces tats ntaient pas territoriaux, mais fonds sur le contrle de la mobilit et que leurcentre tait justement la charnire sahlienne, l o elle se trouvait selon lescirconstances historiques. Le centre tait mobile comme la route elle-mme.Ces centres successifs ou contemporains sont toujours marqus par des densitsrelativement fortes de peuplement sdentaire, malgr la mobilit de lensemble.

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  • Sommaire Lactualit sahlo-saharienne au Mali 607

    Fig. 1 Le modle du lien mridien

    The meridian link model

    4 Diversion : le territoire comme alibi

    Aprs le 11 septembre 2001, les tats-Unis prennent au srieux tous les foyersislamistes susceptibles de former des terroristes. Il faut alors se rappeler que depuisles lections algriennes de 1990 qui avaient vu la victoire du FIS, son annulationpuis la guerre civile, les islamistes algriens ont t repousss au dsert et loin deszones dexploitation minire (Cline, 2007). Mais l passent toujours des routeset le GSPC est cr en 1998, juste aprs lchec des rbellions touareg au Nigeret au Mali (1991-1996). Comme le Ministre franais des Affaires trangres, ledispositif antiterroriste amricain, ds les annes 2000, produit un certain nombrede reprsentations du risque au Sahara-Sahel. La Carte 6 rapproche de la carte5 montre ce propos que Sahara et Sahel sont lis aussi bien par les corridorsterroristes de la Pan-Sahel Initiative (PSI, 2002) que par laire terroristelargie de la Trans-Saharan Counterterrorism Initiative (TSCTI, 2005) dontles reprsentations se rapprochent de la ralit spatiale sahlo-saharienne. Cene sont pas les frontires ni les territoires des tats qui structurent lespacedu terrorisme, mais le quadrillage des routes anciennes toujours virtuellementdisponibles comme trame des rseaux sociaux extrmement mobiles travers la

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  • 608 Denis Retaill, Olivier Walther ANNALES DE GOGRAPHIE, N 694 2013

    rgion. Cest sur quoi Kadhafi comptait sappuyer en crant la Ligue populaire etsociale des tribus du Grand Sahara (2006), forant la main des tats comme leNiger, le Mali, la Mauritanie et le Sngal et sappuyant sur la piste transsahariennetransversale centrale, une des deux variantes almoravides du XIe sicle de lreconventionnelle (Carte 7). Lespace vis par les deux initiatives amricaines nesinscrit pas rellement dans le vide des sanctuaires inaccessibles, mais bien dansla trame transsaharienne trs connue, mais oublie du fait de lusage exclusif desrfrences territoriales. Ces routes qui apparaissent comme des lignes ne sontcependant jamais aussi fermes que le trait trac sur une carte. Dinnombrablesvariantes devraient tre rendues par un chevelu en fuseau.

    Carte 6 Corridor et aire terroriste au Sahara-Sahel (2002-2005)

    Corridor and area of terrorist activity in Sahara-Sahel zone (2002-2005)

    Les routes majeures reproduites sur la Carte 7 dessinent cette trame rgulirejoignant les chapelets doasis qui sont presque quidistants. Les carrefours serpondent travers le dsert parcouru en tous sens (Brachet et al. 2011, Scheele2012), sans quil y ait isolement dans le vide ou sanctuaire. Autrement dit, ledessin des pistes peut ou non renvoyer au dessin des liens sociaux qui passent travers les dcoupages tablis mais forcs, comme les dcoupages ethniques parexemple. Ce sont les liens qui produisent les lieux et non linverse ; les lieux quicomptent sont ceux o stablissent les croisements. La centralit se dplace travers le dsert selon les flux anims par les rseaux sociaux.

    La carte des routes ne donne alors quune ide de la possibilit de circuler travers le dsert. Cest une carte des sites dont la trace a pris une paisseur

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  • Sommaire Lactualit sahlo-saharienne au Mali 609

    historique force dtre souligne : les noms des localits qui y sont fixes parlentdeux-mmes. Mais ce ne sont cependant pas les seuls lieux possibles, loin senfaut, mme si les infrastructures et un peuplement prsent rendent plus commodesles tapes du croisement. Dans un espace mobile de circulation continuelle, larponse la question pourquoi l et pas ailleurs ne peut tre que totalementcontingente. La circonstance dcide et les plans stablissent souvent au derniermoment selon linformation recueillie. Mais pour que lespace soit parfaitementfluide, toutes les possibilits de choix doivent tre entretenues.

    Carte 7 Les routes transsahariennes prcoloniales, 800-1900

    Precolonial Trans-Saharan movement routes, 800-1900

    Le problme dune gographie adapte lespace local des reprsentationsconsiste donc considrer que le mouvement, plutt que le territoire, est premier.Dans cet espace port par les flux, les alliances et les conflits sociaux prennentconsistance autour de lieux qui sont eux aussi phmres, et dont la trame dessites et des localits sahlo-sahariennes nest que le support potentiel, activ ounon. Le travail des extrmistes religieux pendant la longue dcennie 1992-2006a consist tisser ces liens. Une circulation incessante leur a permis de se fondredans la population en sy alliant, y compris par des mariages qui sincrmententen rseaux enchevtrs avec ceux du commerce et du trafic, jusquaux curs destats. La cration par Kadhafi de la Ligue populaire et sociale des tribus du GrandSahara, mentionne prcdemment, recouvre dun voile gopolitique ce qui esten place dsormais. Bien que la pense territoriale se trouve mise en avant par lesnomades eux-mmes (Grmont 2011, 2012) par les rbellions revendicatives quireprennent au Niger avec le Mouvement des Nigriens pour la Justice (MNJ)

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  • 610 Denis Retaill, Olivier Walther ANNALES DE GOGRAPHIE, N 694 2013

    et au Mali par le Mouvement national de libration de lAzawad (MNLA), leuractivation nest possible que dans un espace plus vaste de manipulation qui estmobile, fond justement sur la possibilit du surgissement quoffre le rhizome.

    chapper lespace de reprsentation gopolitique largement comment, pourlui prfrer un autre cadre plus adapt la ralit des processus masqus de mobi-lisation, relve dune prise de distance trs thorique a priori et apparemment peuraliste, les nomades eux-mmes rclamant le territoire jusqu le proclamer.Il faut, malgr tout, persister dans lhypothse pour la conduire aussi loin que lesvnements la rendent soutenable.

    LAzawad, proclam en mars 2012, est laboutissement dune rbellion larvedepuis les indpendances, cela au moins au Mali. Ltat de guerre plus ou moinsattis par la Libye depuis 1969 na jamais t totalement suspendu. Alors que lesdernires rsistances la colonisation avaient t le fait des nomades (les Touaregde Kaocen en 1917 dans lAr) ou de confrries religieuses (la Senoussia entrefutur Tchad et future Libye, 1919), le dcoupage colonial a attribu lespace des segments didentits jusqualors associs par la route, selon des principesterritoriaux par lesquels la majorit efface la minorit. Leffet du dcoupage enterritoires y supplante la conformit aux empires de la route . Et de chaquect du Sahara dcoup en deux versants, le contrle de la base productive sdentaire devient la seule lgitimation des pouvoirs : le pouvoir colonialdabord puis les tats indpendants.

    qui alors les nouvelles ressources fixes du sous-sol, aprs que la route et sonexploitation avaient autrefois constitu la base du pouvoir ? Ds les indpendances,les territoires malien, nigrien et tchadien ont t contests, les deux premiers parles Touareg et le troisime par les Toubous 3. Mais au Tchad, les nordistes ontpris le pouvoir et le Tchad na pas t dmantel : il est simplement au pouvoirdes Toubous et de leurs allis. Cest dire si la revendication de lAzawadcontre le Mali est surprenante. Linvention qui enferme la lutte touareg dans unerevendication territoriale limite au dsert na gure de sens, quand bien mmeil girait l quelques ressources insouponnes dans le sous-sol, car cest bienle contrle de lchange transsaharien, aujourdhui frauduleux , qui compte.Sans exprimer de revendication territoriale, mais appuys sur lalibi religieuxet sur la terreur, les groupes dits islamistes lont bien compris. Leur ressource,cest le contrle de la route et de tout ce qui passe, de la mme manire quefonctionnaient les vieux empires. Eux disposent de la mobilit relle tandis queles Touareg connaissent le terrain et sont branchs sur les rseaux qui laniment,ceux qui font lieu, mais se perdent en revendiquant du territoire. Ce sont ces deuxtypes de rseaux sociaux lis qui ont produit des lieux de pouvoir, le contrledu mouvement par le croisement ditinraires ou dintentions. Ce fut lactualitde fvrier-avril 2012 qui permet de comprendre comment sest forme lallianceentre rebelles du MNLA et extrmistes affilis Al Qaeda. Fragile et dsquilibre,

    3 La catgorie coloniale Toubou est traverse de nombreux clivages que souligne la succession despouvoirs nordistes au Tchad.

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  • Sommaire Lactualit sahlo-saharienne au Mali 611

    cette alliance a permis la conqute du nord du Mali mais na pas survcu auxrivalits apparues aprs la prise des villes principales (Grgoire 2013).

    5 Les rseaux sont les vritables ressources

    En acceptant dabandonner la monolangue du territoire malgr la revendicationtouareg, en replaant lespace de circulation au devant et en en tirant lesconsquences thoriques dun espace de reprsentation autre (lespace mobile),force est daller chercher lautorit qui impose un tel cadre daction. La faiblesseterritoriale de ltat malien en fut loccasion, cela dautant plus que tous lesdiscours taient aveugls par la russite exemplaire de la dcentralisation, sansy reprer la fabrication dune fiction. Un aperu peut en tre donn par lanalysedes rseaux sociaux. Vingt ans de fils tisss ont eu raison des dcoupages tracs la ligne claire sur les cartes du peuplement, de la reprsentation politique etmme des revendications territoriales.

    La centralit dun acteur social peut tre mesure de diverses manires, les pluscourantes tant la centralit de degr qui mesure le nombre de liens sociaux entrechaque acteur et le reste du rseau, et la centralit dintermdiarit qui indiquedans quelle mesure un acteur occupe une position dintermdiaire entre deuxautres acteurs du rseau. Ces deux mesures permettent de donner une ide trsdiffrente de limportance des acteurs sociaux : un acteur central est importantparce quil est reli un grand nombre dautres acteurs, ce qui lui donne lepouvoir de les influencer ou de leur transmettre des ordres ou des ressources. linverse, lacteur possdant une forte centralit dintermdiarit (un broker)tire son pouvoir du fait que les autres acteurs sont obligs de passer par lui pourcommuniquer.

    Une analyse des rseaux sociaux conduite de 2010 2012 sur lensembledes acteurs du conflit malien mentionns dans la presse francophone, montreque les rebelles touareg et les terroristes sont connects par un petit nombre de brokers , dont le plus important est Iyad Ag Ghaly (Walther et Christopoulos2013). La Figure 2 qui reprsente les connexions entre rebelles et islamistes,avant lintervention militaire conduite par la France en 2013, permet de mettreen vidence la singularit de ce Touareg aujourdhui activement recherch,devenu chef du groupe islamiste Ansar Dine. Ag Ghaly assure la jonction entre lanbuleuse islamique comme lon dit (en fait un rseau trs clair) et la mobilisationtouareg qui nest pas exclusivement celle du MNLA (Mahmoud Ag Aghaly). Ilexiste aussi une mobilisation touareg islamiste et non territoriale (Ahmada AgBibi). Le nud sest fait ailleurs, autour de Iyad Ag Ghaly qui est galement liaux deux sphres, sans occuper de position centrale dans aucune des deux. Maisil est aussi celui qui tient Kidal, la capitale des Ifoghas . Cest la prise conjointede cette ville qui lance la grande offensive davril, mme si trs vite les forces duMNLA (laques) sont expulses par Ansar Dine (touareg islamiste).

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  • 612 Denis Retaill, Olivier Walther ANNALES DE GOGRAPHIE, N 694 2013

    Fig. 2 Centralit dintermdiarit des rebelles (points blancs) et islamistes (points noirs),2010-2012

    Centrality of the intermediarity of rebels (white spots) and Islamists (black spots),2010-2012

    A ce moment du rcit, nous proposons, par la carte 8, une autre gographiede lespace convoit. En considrant le mouvement comme premier, lAzawad yapparat comme un espace mobile interstitiel situ entre la centralit forte portepar lAlgrie au nord et la centralit faible porte par le Mali au sud, prenantde la consistance avec les captures de lieux, puis en en perdant avec lexpulsiondes porteurs du rve territorial que sont paradoxalement les Touareg. Aux deuxmarges, les formes de la limite varient : les territoires du sud algrien forment desconfins contrls militairement et borns par une frontire dtat, alors que lesterritoires maliens situs au nord de Mopti-Douentza forment des confins malcontrls qui ont longtemps chapp au pouvoir de Bamako, rvlant lasymtrieentre les territoires de lAlgrie et du Mali, diffrenciant les deux bords de lafrontire commune et ouvrant un espace mobile.

    Entre le front fort algrien et le front faible malien, lespace mobile delAzawad ne peut pas prendre dexpression territoriale. La collusion provisoiredes rebelles touareg et des groupes islamistes, eux-mmes trs divers, na pustablir que sur le moment du mouvement visant une cible. Kidal a t le lieude cette premire vritable convergence. Les villes du fleuve furent ensuite lescibles de loffensive. Entre Sahel et Sahara, ces villes appartiennent lordre dumouvement. Il faut se rappeler quil ny aurait pas, dans ces contres, de villes

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  • Sommaire Lactualit sahlo-saharienne au Mali 613

    Carte 8 Conflit malien : une gographie par lespace mobile

    Malian conflict : a mobile-space based geographical approach

    sans le mouvement permanent, faute de terroirs ou de territoires exploiter :il ny a rien autour ! Le conflit de lAzawad ne doit donc pas tre considrcomme la conqute dun territoire, mais comme la prise de contrle des sites etdes localits qui polarisent et permettent la mobilit, donc la possibilit de surviedans un espace discontinu ; les mouvements convergents et divergents sont largle dans de telles circonstances spatiales.

    La divergence observe, qui pourrait tre talement ou diffusion ailleurs, relveplutt de lexploration des possibles. La dispersion des islamistes dans le dsertdepuis le dbut des annes 1990, rencontre la dispersion virtuelle des Touaergdans lAzawad revendiqu comme territoire (ils sont en fait trs concentrsdans les villes). La frontire a cristallis lparpillement en une convergenceprpare par les prises de Menaka, puis surtout Tessalit et Tin Zaouetene avant

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  • 614 Denis Retaill, Olivier Walther ANNALES DE GOGRAPHIE, N 694 2013

    Kidal. De l, tous les nuds du rseau des villes du fleuve, qui sont autantdimplantations nomades, ont t touchs. Au fur et mesure de ces prises, leterritoire revendiqu semble prendre de la consistance. Mais depuis les lieux deconvergence du mouvement islamiste et du mouvement touareg, il nous fautencore figurer les effets de divergence quils nont pas manqu de produire dansun espace mobile : ce fut lviction des Touareg et leffacement progressif durve territorial. Il ne restait plus que les villes tenues par les activistes islamistesdes divers groupes provisoirement associs.

    Lexpulsion des nomades touareg par les terroristes islamistes anantit totale-ment le territoire imagin, en mme temps quil conforte lide que le territoirefut imagin partir dun nombre rduit de lieux, ou plutt de sites qui taientaussi des localits emblmatiques. Les islamistes ont instrumentalis les nomadeset leur savoir sur lespace, tandis que les nomades ont oubli leur espace dereprsentation en se moulant dans le modle du territoire national. Ainsi les mani-pulateurs des symboles du territoire chez les nomades ont-ils, pour lheure, perdula partie : lAzawad ne peut plus tre que lauto-proclamation de minoritairesdoubls par plus manipulateurs queux, ceux-l mmes qui nient le territoiremalgr une alliance de circonstance.

    Au moment o la rfrence territoriale perd sa force face la mobilit et lacapacit imposer depuis les lieux variables et circonstanciels, le sens et la formede lespace en cours de production, nous saisissons la mobilit de lespace lui-mme selon les convergences qui font lieu, selon les divergences qui produisentde la limite, et selon la vigueur relative du fixe et du mobile. Une limite simposedans cette apparente confusion. Elle na pas de bord : cest lhorizon.

    Ce modle de lespace mobile prend en compte lordre sdentaire par leslocalits partages. Mais il tente surtout de suggrer la transformation de lespacepar la mutation de la forme de la limite. partir de lexpulsion de la revendicationterritoriale, lorsque la convergence Touareg-Islamistes explose depuis quelqueslieux qui peuvent bouger, lhorizon, cette autre forme de la limite, souvre, ycompris vers lAlgrie, mais plus srement vers les confins faibles que reprsentela boucle du Niger. Pourtant, cette fois, sans la convergence Touareg-Islamistes,Mopti na pu tre prise et Douentza a t relche prcocement. Dans lespacemobile, limportant est de saisir ou de produire des lieux dans un mouvementconserv, de dtruire liconographie territoriale qui fixe, de replacer la mobilitau premier rang et de prendre le pouvoir par son contrle. On remarquera alorsque les islamistes se sont fixs dans les villes du fleuve perdant l ce quifaisait leur force et sexposant une rplique possible de type territorial. Cestprobablement leur erreur, moins quils ne se rapproprient et ne visent que leurseule ressource spatiale qui est lhorizon. Les ultimes tentatives visant Diabali etTin Amenas lont montr. Les Touareg revendicatifs sont retourns lespace decirculation sans ancrage, invisibles et inaudibles jusqu un nouveau surgissement,alors que la majorit reprenait place dans le cadre de ltat et de la ngociation.

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  • Sommaire Lactualit sahlo-saharienne au Mali 615

    Les lections prsidentielles du 28 juillet se sont droules sans incidents au Mali,mme Kidal pourtant place dans une position quasiment extra-territoriale4.

    Conclusion

    La mobilit croissante du monde mondialis impose de rflchir de nouvellesapproches du mouvement qui ne considrent pas uniquement les lieux commedes attributs fixes, mais comme rsultant du croisement de trajets et de flux.La structuration des savoirs sur lespace qui est propose ici, part du principeque le mouvement est premier et aboutit au lieu, en prenant prcisment lecontre-pied de lanalyse gographique qui part du lieu toujours dj l pourarriver au mouvement comme rachat des diffrences de potentiel.

    travers le conflit du nord du Mali, ce sont deux conceptions de lespacequi saffrontent. Du ct des islamistes, lespace de circulation anim par unmouvement continuel est privilgi. Cest sur ce type despace quils ont basleur stratgie militaire depuis le dbut des annes 2000, dabord en quittant lesmaquis du nord de lAlgrie, puis en parcourant les immenses tendues sahlo-sahariennes, de la Mauritanie la Libye. Du ct des indpendantistes touareg,lespace territorialis de ltat a pu apparatre comme un objectif raliste. Larevendication territoriale des populations nomades , en fait majoritairementsdentarises mais en lutte contre ltat malien (et aussi algrien et nigrien)depuis lindpendance, sest alors exprime en faveur dun tat national quipuisse rassembler lensemble ethnique . Cependant, comme la montr lvo-lution rcente du conflit, le niveau ethnique daffichage et la tentative demobilisation identitaire autour dun territoire dtenu en propre ne correspondentpas aux vritables paliers dallgeance qui se situent bien plus au niveau de la tribuet de ses alliances mouvantes quau niveau dune nation qui nest pas encoreconstitue, cela sans compter lpuration laquelle il faudrait procder pouroublier la population majoritaire et dense, non touareg, du fleuve Niger ! La rf-rence lespace born des ressources appropries sinscrit alors en contradictionavec lespace ouvert des circulations.

    Lexemple sahlo-saharien sur lequel reposent les fondements de cetteapproche a certes ses particularits. Du fait des incertitudes climatiques, politiqueset conomiques qui psent sur laction humaine, les dynamiques de mobilit ysont particulirement dveloppes depuis des sicles, pour aboutir cette vritablemle des identits politiques difficilement cartographiables, sinon par rduction ethnique . De la mme faon, le cot du franchissement de la distance conduitsans doute ce que la dfinition du lieu comme tape du croisement sy impose.Le conflit au nord du Mali souligne alors, avec une acuit particulire, lutilitde contrler la distance entre les lieux comme y sont parvenus les islamistes,

    4 Aprs sa libration par larme franaise, Kidal a t remise la gestion du MNLA plutt qu larmedu Mali. Cela na pas empch le retour du gouverneur organisateur des lections nationales .

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  • 616 Denis Retaill, Olivier Walther ANNALES DE GOGRAPHIE, N 694 2013

    plutt que de vouloir matriser les territoires entiers, comme le souhaitaientles indpendantistes touareg. Cest un retour aux sources par lequel les savoirsnomades ont t ractivs jusqu ce moment limite o les islamistes eux-mmesse sont fixs, devenant les cibles dune possible intervention militaire classique ,et cela malgr la fusion dans la population locale.

    Hors le drame sahlo-saharien, cest tout lespace mondial soumis la mobilitet la saillance des lieux qui peut ainsi tre rinterprt. Les acteurs qui symeuvent utilisent des espaces de reprsentation discordants et peinent serencontrer sinon en des quiproquos spatiaux appels lieux. Ce quil faudraitobserver daussi prs que Tombouctou.

    Le monde est en crise, dit-on, cest la fin des territoires et mme de ltat.Mais il est possible aussi que nos outils dvaluation aient vieilli. On le saisit, lagographie doit semparer dun problme occult pour avoir longtemps privilgiles traces matrielles repres la surface de la terre, ou transform en tracessur la carte ce qui rsultait de linventaire des activits humaines, y compris entermes culturels, sociaux et politiques. Il sagit de loccultation de la mobilit quiest soit dcrite comme errance des origines, soit retrouve en fin de parcours decivilisation par la technique qui permet de dpasser la distance. Or la mobilit estau dpart de lespace que lon appelle gographique, tout au long de lhistoirehumaine de la terre.

    La mutation paradigmatique qui place le mouvement au fondement de lespacedes reprsentations aboutit la proposition mthodologique dun espace mobilequil reste travailler. Il ne faudrait surtout pas en confiner la rflexion unevolution du nomadisme. Si le nomadisme a t le point de dpart duneexprience thorique (Retaill 2013), lespace gographique est produit par lemouvement autrement que par mtaphore. Ce nomadisme branch que prsenteMichel Maffesoli (1997) et que dnonce Jean-Loup Amselle (2010) pourraitmme brouiller luniversalit de la mobilit et son rapport la territorialit qui,comme nous le montrions ailleurs (Retaill 1998), passe par la diffrenciationsociale et par des hirarchies trs affirmes qui se constituent lintrieur desrseaux sociaux. Il semble ds lors que la rflexion sur lespace mobile ne puissefaire lconomie dune vritable spatialisation de ces rseaux qui soit en mesure dereprsenter la centralit et lintermdiarit changeantes des acteurs tout autant queleur spatialit. Cest la suite du programme qui doit aussi semparer du traitementde lespace comprenant la dimension du temps sans lcraser dans la synchronie,sans non plus la rduire la superposition des couches dun palimpseste. Tousles temps de lespace travaillent ensemble et la saillance imprvisible des lieux quien est la consquence laisse lhorizon ouvert la gographie de lespace mobile.

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