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Séminaire de Michel Magnien L'image littéraire de Rome à la Renaissance 2010 – 2011 Rome dans le Songe de Du Bellay : Périlleux défi de l'humanité au Ciel Phirum Gaillard Master de littérature française « de la Renaissance aux Lumières » Pour citer cet article : GAILLARD Phirum, « Rome dans le Songe de Du Bellay. Périlleux défi de l'humanité au Ciel », Lurens [en ligne], juillet 2011, www.lurens.ens.fr/travaux/litterature-du-xvie-siecle/article/rome-et-du-bellay

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Séminaire de Michel MagnienL'image littéraire de Rome à la Renaissance

2010 – 2011

Rome dans le Songe de Du Bellay : Périlleux défi de l'humanité au Ciel

Phirum GaillardMaster de littérature française « de la Renaissance aux Lumières »

Pour citer cet article : GAILLARD Phirum, « Rome dans le Songe de Du Bellay. Périlleux défi de l'humanité au Ciel », Lurens [en ligne], juillet 2011, www.lurens.ens.fr/travaux/litterature-du-xvie-siecle/article/rome-et-du-bellay

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« Nouveau venu qui cherches Rome en Rome

Et rien de Rome en Rome n’aperçois »

Ces deux vers issus du troisième sonnet des Antiquités illustrent dans leur jeu polysémique

le processus de décristallisation d’un nom qui marque à nouveau l’Europe depuis le 15ème siècle.

De l’enchantement de Pétrarque au scepticisme de Du Bellay, l’image de Rome varie

sensiblement dans la littérature du 16ème siècle. Historiquement, la ville, redevenue cité des papes

avec le retour d’Urbain X en 1378, se transforme sous une ambitieuse politique de rénovation

urbaine de 1450 à 1600, en se nourrissant des découvertes archéologiques qui jalonnent ses

travaux. Cette restauration politique et monumentale ne tarde pas à susciter la défiance de

plusieurs. Du Bellay séjourne de 1553 à 1557 à Rome, au service de son cousin le cardinal Jean

du Bellay. Il y compose simultanément les Antiquités et le Songe, les Regrets, les Poemata et

Divers jeux rustiques, quatre recueils publiés à son retour à Paris en 1558. Les quinze sonnets du

Songe évoquant une série de visions s’imposant au poète endormi près des eaux du Tibre, sont

une variation originale de la poétique des ruines. Il forme l’envers des Antiquités en abordant non

pas un après mélancolique ou désabusé de la ruine, mais un avant de sa splendeur ou de sa

félicité. Plus précisément, il se concentre systématiquement sur la venue foudroyante d’un

désastre, au cœur d’un élan. Sous un jeu de symboles qui sont autant de facettes de Rome,

transparait un discours politico-religieux. Mais au-delà de celui-ci, la peinture animée inspirée de

Rome invite à une méditation plus large sur la brièveté de toute vie humaine.

***

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I. Permanence d’une Rome historique dans les échos de symboliques savantes et souvent obscures

Si l’inspiration antique des 15 sonnets du Songe apparaît à première lecture, la présence

de Rome y semble inégale : des symboles identitaires forts de la Ville côtoient des images plus

indéterminées. Torrent, nacelle n’appartiennent a priori pas au répertoire romain traditionnel. Des

références les plus évidentes aux plus voilées, nous tenterons de voir comment Rome au fil du

Songe transparaît, polymorphe, derrière le sujet de chaque poème.

1. Évocation de monuments, œuvres et symboles de la Rome antique

Son nom passé sous silence, Rome surgit cependant au détour d’un édifice, d’une statue,

d’un mythe ou d’un symbole, émerge d’un arrière fond gréco-latin ou se précise dans l’écho des

autres écrits romains de Du Bellay.

Ainsi, les premières descriptions de monuments, éblouissantes, peuvent puiser leurs

origines dans la réalité des mirabilia de la Rome du XVIème siècle. La vision de la « Fabrique »,

c'est-à-dire du temple1 qui ouvre le Songe touche sans doute au fantastique mais peut être

rapprochée, par ses proportions longilignes et son curieux ordre dorique, du Tempietto de San

Pietro in Montorio, de Donato Bramante.

Tempietto de Bramante

Proximité plus étroite encore pour Gadoffre, par la forme de rotonde commune qu’il

découvre au second vers du poème, « de cent brasses de hault, cent columnes d’un rond »2.

1 “Fabrique” est en effet employé comme un synonyme de “temple” dans le second sonnet des Antiquitez.2 GADOFFRE Gilbert, Du Bellay et le sacré, Paris, Gallimard, 1978, pp.157-158.

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Suivant le guide des Antiquités romaines publiés par Palladio en 1554, il reconnaît dans la

« Poincte aiguisee d’un diamant de dix pieds en carré » au troisième sonnet l’obélisque du

Vatican, au chevet de l’ancienne basilique Saint Pierre, qui présentait à son sommet, à l’égal du

poème, une urne contenant les cendres d’un César1. L’arc à « double front » évoqué au quatrième

sonnet, ne nous semble pas en revanche attaché au seul Janus Quadrifrons, à deux entrées, que

propose Gadoffre2, qui n’y voit pas la structure d’un arc de triomphe simple, à un passage3. Mais

ses sources d’inspirations sont multiples : l’arc de Titus, de Septime Sévère et de Marc Aurèle sont

autant d’arces triumphales encore présents dans la Rome du XVIème siècle. Ces réminiscences

architecturales romaines sont suivies de références sculpturales précises.

Arc de Titus

En effet, les sonnets VI, IX et XV relèvent de l’ekphrasis, ou description animée d’une œuvre d’art,

et rappellent des sculptures célèbres et déjà évoquées dans les précédents écrits du poète qui

avait une connaissance aigüe du patrimoine artistique romain. La Louve du Capitole, Le Tibre

aujourd’hui au Louvre, et la Roma Victrix du Cardinal Cesi aujourd’hui au Palais des

Conservateurs sont évoqués dès les Poemata4 :

Hic Roma, insignis galea uultuque minaci, Victorum Regum colla subacta premit.Hic ludunt Gemini prensantes ubera Nati,

1 Ibid, p.159-160.2 En effet, Gadoffre avance une structure énigmatique du fait du « double front » qu’il comprend comme

double « arche » ou « double entrée ». Or il n’existe d’arcs de triomphe qu’à un passage ou à un passage et deux baies. L’arc quadrifrons propose lui quatre façades et diffère de l’arc de triomphe simple, à double façade.

3 GINOUVES René, Dictionnaire méthodique de l’architecture grecque et romaine. Tome III, Espace architecturaux, bâtiments et ensembles, Rome, école française de Rome, 1992, pp.68-73

4 L’ordre de compositions des 4 recueils romains de Du Bellay, Les Antiquités et le Songe, Les Regrets, Les Poemeta, et les Divers Jeux Rustiques publiés ensemble à son retour à Paris, en 1558 fait encore débat. Geneviève Demerson propose d’identifier les Poemata au début du séjour romain du poète, par l’enthousiasme lumineux qui les caractérise.

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Ubera nutricis officiosa Lupae. […]Quis Tybrim notumque Lupa notumque gemellis.1

La première, portée à l’intérieur du Palais des Conservateurs dans une salle à son nom dès 15442,

représente une louve debout, statique, tête tournée. A ses mamelles pendantes se nourrissent

deux petits jumeaux, assis et à genoux, têtes renversées et mains tendues vers ce lait nourricier.

Ce groupe de bronze illustre un épisode des origines légendaires de Rome, quand abandonnés au

Tibre par leur oncle meurtrier et cupide, Amulius, Rémus et Romulus, jumeaux nouveaux nés et

héritiers légitimes du trône d’Albe sont déposés par le fleuve au pied d’une colline de la future

Rome où une louve s’offrit à les nourrir. Cette scène est encore évoquée en réduction à la tête du

groupe de marbre représentant le Tibre, installé dès février 1512 au milieu de la Cour du

Belvédère avec son pendant, le groupe du Nil3.

Groupe du Tibre au Louvre

Le Tibre est représenté, selon le schéma de représentation classique des fleuves, comme un

homme d’âge mûr, barbu et à demi-couché. Il tient dans sa main gauche une rame évoquant la

navigation, dans sa main droite une corne d’abondance, symbole des vertus nourricières du

1 DU BELLAY Joachim, « Elégie 2 », dans Ioachimi Bellai Andini Poematum libri Quatuor. Quibus continentur, Elegiae. Varia Epigr. Amores. Tumuli., Paris, Frédéric Morel, 1558, v.81-84 et v. 9. « Ici, Rome avec son casque qui la distingue : son visage menace, elle écrase les nuques courbées des vaincus. Ici jouent les jumeaux : ils pressent les mamelles que leur offre la Louve, obligeante nourrice. […] Et le Tibre ? » ( la Louve et les jumeaux le font reconnaître)

2 PRAY BOBER Phyllis et RUBINSTEIN Ruth, Renaissance artists and antique sculpture : a handbook of sources, Londres, Harvey Miller, 1987, p.218-219

3 Ibid., p.66-67

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fleuve, attributs que Du Bellay n’hésite pas à modifier dans le sonnet correspondant. Enfin, le

dernier sonnet concorde sur plusieurs points avec la Roma Victrix des collections du Cardinal

Cesi.

Roma Cesi au Palais des Conservateurs et gravure de Nicolas Beatrizet

Personnification de Rome victorieuse, cette sculpture monumentale d’une femme en toge coiffée

d’un morion, assise sur un trône surmontant un édicule était alors entourée de rois vaincus et

largement diffusée par les gravures italiennes de l’époque.1 De ces trois évocations vivaces se

rapproche également le septième sonnet, où se matérialise et s’anime un symbole fort de Rome,

l’aigle d’or. « L’Oyseau qui le soleil contemple » fut de fait un emblème de la milice romaine et un

attribut de l’empire romain.

2. Un arrière plan de culture classique gréco-latine

De manière plus diffuse, l’ensemble du Songe se nourrit d’un fond de culture gréco-latine,

où Rome n’apparaît plus dans sa matérialité urbanistique et artistique, mais transparait à travers

de multiples références comme creuset civilisationnel. La mythologie gréco-romaine donne forme

aux principaux sujets des sonnets V et X, éclaire les sonnets X, VIII, et II, et baigne encore

d’autres poèmes. « l’Arbre Dodonien » du cinquième sonnet dans lequel sont déposés différents

trophées était considéré en Epire comme oracles. Le bruissement de ses branches, chêne ou

hêtre, au souffle du vent constituait la réponse du dieu suprême. Sur les cimes étaient placés des

vases d’airains s’entrechoquant au moindre courant d’air et l’ensemble était interprété par des

prêtres.2 C’est une nymphe, c'est-à-dire une jeune femme d’une rare beauté, divinité féminine de

la nature issue de l’union de Zeus et du Ciel qui tient le premier plan du sonnet X. Notons qu’elle

1 GADOFFRE, op.cit., p. 140 2 SCHMIDT Joël, Dictionnaire de la Mythologie grecque et romaine, Paris, Larousse, 1998, p.71

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est identifiée par plusieurs critiques comme l’incarnation de Rome. Bondanella affirme plus

précisément ceci : « in the tenth sonnet, we see a nymph, the imaginative embodiment of the

Roman Republic which had fallen victim to “civile fureur ”1 ». La perte de son honneur, de grandeur

universelle et l’accusation précise de « tant de cruelz Nerons, & tant de Caligules » – règnes de

persécutions et complots - au dernier vers appuient cette interprétation.

La figure du dernier sonnet, dont nous avons dit qu’elle empruntait les traits de la Roma

Cesi, est identifiée par une parenté symbolique, « sœur du grand Typhee ». Fils de Gaia et du

Tartare selon une tradition, ou d’Héra seule selon d’autres sources, il ne possède aucune sœur

dans les deux cas, mais reste celui qui s’en prend aux dieux de l’Olympe, dans une ultime lutte

entre les Cieux et la Terre2. De la même manière, la Rome victorieuse « le ciel encor [guerroye] ».

Au sonnet VIII, le mythe du Phénix inspire la métamorphose de l’aigle foudroyé en hibou, car

selon légende, incapable de perpétuer sa race, il assurait sa descendance en édifiant un nid de

plantes aromatiques et d’herbes magiques, au centre duquel il s’installait après y avoir mis feu. De

ses cendres renaissait un autre phénix3. Selon Bondanella, les différents stades du cycle de

l’oiseau figurent diverses périodes traversées par Rome :

The eagle is a metaphor of Rome destroyer at the height of her power, the phoenix of Rome’s rebirth, and the owl of Rome’s lesser modern state, the corruption of which the poets feels so sharply4.

Des écrits littéraires développant les légendes orales peuvent également éclairer les

sonnets. Le temple, dont la forme générale rappelle le Tempietto de San Pietro in Montorio de

Donato Bramante, dans la première vision, peut se lire par son éclat et la préciosité irréelle de ses

matériaux à l’aune du palais du Soleil, décrit par Ovide dans ses Métamorphoses. C’est la

suggestion judicieuse de Michael Screech qui cite Ovide à l’appui :

Le palais du Soleil s’élevait sur de hautes colonnes, étincelant de l’éclat de l’or et du pyrope, semblable à la flamme; l’ivoire resplendissant en couronnait le faîte; sur la porte à deux battants rayonnait l’argent lumineux.5

1 BONDANELLA Julia Conaway, Petrarch’s Visions and their Renaissance Analogues, Madrid, J. Porrua Turanzas, 1978, p.63

2 SCHMIDT Joël, op.cit., p. 2093 SCHMIDT Joël, ibid., p. 167. Le “vermet” mentionné par Du Bellay n’apparaît pas dans la version de la

légende décrite par Joël Schmidt. Saulnier, dans ses Commentaires sur les Antiquitez de Rome, affirme cependant l’existence d’un petit ver dans les cendres du phénix consumé, duquel renaît le prochain phénix.

4 BONDANELLA, op.cit., p.635 OVIDE, Les Métamorphoses, (Ovid. 37)

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S’éclaire ainsi la teneur fantastique du poème. Un peu plus tard, Ovide décrit le palais comme

étant de l’art de Vulcain.

Enfin, des allusions plus ponctuelles dressent les décors, instaurent une ambiance, ou

précisent des détails d’apparence anodine. La source d’eau naturelle évoquée au sonnet XII est

associée au Pactole, une petite rivière de Lydie, en Asie Mineure, célèbre pour les paillettes qu’elle

roulait, le roi Midas lui ayant accordé le privilège de tout changer en or1. La géographie du sonnet

X prend également un tour légendaire, quand elle se définit au second quatrain par le site du

combat du « Troyen » contre « Turne ». Elle ouvre sur les origines de Rome, et le combat singulier

d’Enée contre Turnus, roi des Rutilies dont le prix est Lavinie, fille du roi Latinus et promise du

Troyen2. C’est sur la victoire de ce dernier que s’achève l’Enéide de Virgile. Les attributs que tient

le Dieu Fleuve dans ce sonnet sont encore des symboles auxquels les grecs et les romains ont

donné leur sens. L’olivier symbolise la paix et la stabilité, le palmier la victoire, et le laurier la gloire

artistique, la vertu, et le triomphe, autant d’échos de la Rome antique.

3. Rome au croisement des Antiquités

Certaines images néanmoins semblent plus opaques à la lumière du seul héritage gréco-

latin mais s’éclaircissent au regard des autres recueils du poète, et Rome à nouveau apparaît en

son fond. Le torrent et l’hydre au sonnet VIII du Songe n’appartiennent pas au courant des

représentations romaines traditionnelles, mais se romanisent à partir du vingtième et du dixième

sonnet des Antiquités. En effet, les deux premiers quatrains du sonnet 20 mêlent les mêmes

éléments que ceux du sonnet 8 :

Non autrement qu’on voit la pluvieuse nueDes vapeurs de la terre en l’air se soulever, Puis se courbant en arc, afin de s’abreuver, Se plonger dans le sein de Téthys la chenue,

Et montant derechef d’où elle était venue, Sous un grand ventre obscur tout le monde couver, Tant que finalement on la voit se crever, Or en pluie, or en neige, or en grêle menue.

Ces nuages menaçants, explicitement désignés ensuite comme semblables à la ville de Rome,

rappellent « l’obscure bruine qui s’eslevoit par l’air en tourbillons fumeux » du Songe, et leur

masque sur l’ensemble de l’espace évoque le pouvoir couvrant et hégémonique du fleuve « qui

villes & chasteaux couvoit sous sa poitrine ». La métamorphose en hydre ou « corps a sept chefz

1 SCHMIDT Joël, op.cit., p. 1572 SCHMIDT Joël, ibid., p. 77-78

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merveilleux » prend sens par une expression du sonnet 10 des Antiquités, « cette ville qui fut en

sa jeune saison un hydre de guerriers ». Par un jeu intertextuel, nous voilà à nouveau en présence

de la Ville Eternelle. Notons simplement l’ambigüité de l’animal, aux résonnances à la fois

païennes et chrétiennes, puisqu’il évoque simultanément l’hydre de Lerne au corps de chien et

têtes de serpents1, abattue par Hercule et le dragon à « sept têtes et dix cornes » décrit par Saint

Jean dans l’Apocalypse2. Les expressions employées pour décrire la ville merveilleuse du sonnet

XIV sont proches de certains vers des poèmes des Antiquités prenant clairement pour sujet Rome.

Notamment, la faiblesse de ses fondements, cause certaine de son effondrement est développée

dans les deux derniers tercets du sonnet 24 des Antiquités :

Etait-ce point, Romains, votre cruel destin, Ou quelques vieux péché qui d’un discord mutinExerçait contre vous sa vengeance éternelle ?

Ne permettant des dieux le plus juste jugement,Vos murs ensanglantés par la main fraternelleSe pouvoir assurer d’un ferme fondement.

Ce motif du fondement, très important, est repris par trois fois dans le sonnet XIV du Songe. Elle

s’oppose et contraste avec les sommets de la ville qui plongent dans le ciel, qui permettent à

nouveau par le filtre des Antiquités d’identifier la capitale du monde. En effet, celle-ci est décrite

au sonnet 4 comme « celle qui de son chef les étoiles passait ». A nouveau, l’endroit paradisiaque

dépeint au sonnet XII du Songe où « Là sembloit que nature & art eussent pris peine/ D’assembler

en un lieu tous les plaisirs de l’œil » est nommé à l’ouverture du sonnet 5 des Antiquités « Qui

voudra voir tout ce qu’ont pu nature / L’art et le ciel, Rome, te vienne voir ».

***

1 Une lecture stricte de la légende ne nous permettrait pas en réalité d’identifier le monstre du sonnet VIII à l’hydre de Lerne, à 9 têtes et non pas 7. Cf. SCHMIDT Joël, op.cit. p.108. Cependant, Du Bellay définit au sonnet X « Cet Hydre nouveau, digne de cent Hercules/ Foisonnant en sept chefz de vices monstrueux ». Or le dragon à 7 têtes décrit par Saint Jean dans l’Apocalypse représente l’esprit du mal. La fusion des deux images, hydre et dragon, et l’ambigüité qui en résulte semble volontaire et s’inscrit dans la problématique d’une Rome païenne/ Rome chrétienne d’autant plus aigue au 16ème siècle que redevenue cité des Papes, elle est aussi un foyer de la Renaissance et d’un intérêt intense pour l’Antiquité.

2 SAINT JEAN, Apocalypse, 12.3 dans La Bible Ancien et Nouveau Testament trad. Société biblique française, Paris, Alliance Biblique universelle, 2001. En 12.9 est explicité son sens :« Ce dragon, c’est le serpent des premiers jours, il est appelé l’esprit du mal et Satan, il trompe le monde entier ».

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II. Quelle clé, quelle Rome pour le Songe ?

Il convient après avoir établi un retour régulier de l’image de Rome dans le Songe, de

s’interroger sur son sens. Le contexte renaissant, vivement intéressé par l’oniromancie, y invite de

lui-même. De la fin du 15ème au début du 17ème siècle se multiplient de très brèves clés des songes

destinées à un public assez vaste qui offrent autant de versions différentes du Livre de Daniel en

parallèle des éditions savantes des traités d’Aristote, Hippocrate ou Galien, tandis que se perpétue

jusqu’à la France du 16ème siècle la tradition du songe royal, héritée de la Bible, ou plus

précisément des civilisations assyro-babylonienne et égyptienne. En même temps s’établit

officiellement pour les grands l’usage de posséder un interprète des songes.1 Car le songe,

« cache sous des symboles et voile sous des énigmes la signification, incompréhensible sans

interprétation, de ce qu’il montre2 ». Un décryptage attentif s’impose.

1. Une interprétation historico-politique : Rome impuissante

Certaines allusions sont assez explicites pour permettre des éclairages historiques.

Divisions et invasions sont deux motifs récurrents qui parcourent toute l’histoire de Rome et son

empire, des origines aux trois années où y séjourne Du Bellay, et fournissent de la ville une image

durablement affaiblie ou brusquement anéantie.

Les règnes de Néron et Caligula, mentionnés au dixième sonnet rappellent les périodes les

plus noires et cruelles de Rome au milieu du Ier siècle ap. JC, celles des assassinats familiaux,

conspirations, persécutions, et despotisme. Archétypes des « empereurs fous », pour avoir

incendié Rome ou s’être pris pour Jupiter, ils sont aussi parmi les premiers à succéder à la

République romaine et à ouvrir l’ère de l’Empire romain, caractérisé par un gouvernement

autocratique et une grande expansion territoriale en Europe et autour de la Méditerranée. Ces

perturbations politiques internes, « discord mutin » se transforment en véritable division au

sonnet V quand la souche d’un arbre immense reverdit « en deux arbres jumeaux ». Saulnier y lit

1 BERRIOT François, « Clés des songes françaises à la Renaissance » dans Le Songe à la Renaissance / Colloque international de Cannes 29-31 mai 1987 par l’Association d’études sur l’humanisme, la Réforme et la Renaissance, éd. par Françoise Charpentier, Lyon, Association d’études sur l’humanisme, la Réforme et la Renaissance, 1990, p.21-31

2 MACROBE, Commentaire au “Songe de Scipion”, Paris, les Belles Lettres, 2001, p. 10. Macrobe distingue chez les Grecs, 5 types de sommeil, dont trois seulement possède un pouvoir divinatoire. Le όνειρο -somnium ou songe, le χρηµατισµό−οraculum ou oracle et enfin la όραµα /visio ou vision. Si le Songe n’est pas exactement « le rêve d’une chose qui se produira de la façon dont on l’avait rêvée » ainsi que Macrobe définit la vision, nous verrons dans un tiers temps l’importance que celle-ci acquiert néanmoins au sein du Songe.

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la décomposition de l’Empire Romain1, qui finit par se scinder entre Rome et Constantinople,

Empire d’Orient et Empire d’Occident tandis que Gadoffre hésite sur la division chrétienne entre

Saint Empire et Papauté2.

Face à cet affaiblissement intérieur sont brossées les pressions extérieures, fatalement

exercées sur la Ville. Ainsi, les « mille veneurs » des « Lombardes montagnes » au sonnet VI

peuvent renvoyer aux invasions barbares du VIème siècle ap. JC, qui ont conduit à la chute de

l’Empire Romain. Appelés « rapaces » pour leur cruauté, les Lombards ont humilié et massacré les

populations romaines avant de fonder un état puissant dont la capitale était Pavie. Mutins,

impétueux, cruels, ces trois adjectifs appliqués à l’Aquilon, la tempête et l’orage du sonnet XIII

peuvent également les désigner, et le naufrage de la nef romaine, la destruction de Rome sous

leurs coups. L’issue du sonnet XII, où une suite de faunes venues des montagnes saccage un lieu

paradisiaque et épouvante les nymphes qui s’y délassaient, pourrait insensiblement se rapporter à

cet épisode ou se rapprocher du sac de Rome en 1527 par les troupes de Charles Quint, qui fut un

terrible coup porté à l’orgueil romain. Clément VII et ses cardinaux furent humiliés et assiégés

devant leur palais, les murs de certains palais et église dégradés de graffitis, l’orfèvrerie pillée, les

œuvres d’art revendues, la population massacrée pour le plus grand traumatisme de l’Europe

entière. Gadoffre interprète la scène d’une manière plus générale et plus tardive, sous le pontificat

de Paul III, premier pape de la Réforme catholique.

D’un côté les nymphes – muses, inspirations d’un pontife qui a pris enfin les décisions depuis si longtemps attendues (réformes et conciles), de l’autre les forces du mal ( Pierluigi, la guerre, la peste) qui ont fait sombrer dans le chaos les premières ébauches de la Contre-Réforme3.

En effet, Paul III avait engagé des mesures d’assainissement et les premières sessions du Concile

de Trente, qui furent interrompues par la peste, la guerre. Les scandales de son fils naturel

Pierluigi ternirent la fin de son pontificat. Plus contemporaines du poète, les métamorphoses de

l’hydre-torrent au sonnet VIII s’inscrivent pour Chamard dans la rupture de la trêve de Vaucelles

entre la France et Charles Quint en octobre 1556 suite à des manœuvres de Paul IV, violemment

anti Habsbourg, et l’invasion conséquente des états pontificaux par les impériaux. L’expression

« le monstre changer en 100 effroyables formes» renvoie selon lui aux atrocités alors commises à

Rome et aux agressions perpétrées contre ses habitants, jusque par ses propres défenseurs :

Les soldats étrangers qui campaient dans ses murs la traitaient en ville conquise. Les Gascons volaient et violaient les femmes. Les Allemands luthériens soldés par Henri II affectaient de manger de la viande les jours consacrés au jeûne, et criblaient de coups de poignards les

1 SAULNIER Verdun Louis, Commentaires sur les « Antiquitez de Rome », Genève, 1950, p.1212 GADOFFRE, op.cit., p.1643 GADOFFRE, op.cit., p. 178-179

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images du Christ. Les Suisses se grisaient et leur lourde gaieté se traduisait par des bastonnades qu’ils faisaient pleuvoir sur des citoyens inoffensifs.1

Suivant cette logique historique, le « vent impétueux » venant d’un « antre Scythien » - de très loin

correspond à l’intervention étrangère du duc de Guise et son armée, prompte à rétablir l’ordre et la

paix, salut inespérée pour la ville à la situation si détériorée2.

La Rome présentée à travers ces lectures n’est plus l’ombre d’elle-même : dégénérée,

déchirée ou envahie, elle est en tous les cas dégradée, diminuée et inapte à restaurer sa

splendeur antique, comme elle prétendrait le faire. Non seulement « Rome n’est plus Rome » mais

Rome ne sera plus Rome. La translatio imperii et studii doit s’opérer vers un autre pays, la

France, propre à instaurer un nouvel âge d’or et légitime aspirant à l’Empire Universel. Rôle

accepté par Henri II dont la devise était « Donec totum impleat orbem » - jusqu’à ce qu’il remplisse

le monde entier. C’est pour Demerson le sens profond du Songe :

La grandeur de Rome ne peut plus apparaître comme un idéal à restaurer, mais simplement comme un relais entre les civilisations antiques, disparues les unes après les autres, et la plénitude glorieuse de la France actuelle3

Rappelons qu’en 1549 Joachim Du Bellay publiait sa Défense et Illustration de la langue

française, manifeste des poètes de la Pléiade, qui soutenait l’égale dignité du français du latin et

du grec, et aspirait à en faire une langue de référence et d’enseignement. Son séjour en Italie

s’organise également autour d’enjeux politiques puisqu’il suit et sert son cousin Jean du Bellay,

ambassadeur d’Henri II et cardinal. Sans doute sa position lui permet elle d’entrer assez dans le

quotidien de la réalité vaticane pour que nous puissions concentrer notre attention sur une

interprétation religieuse du Songe.

2. Une interprétation religieuse : Rome Babylone

Chargé de l’intendance et de la gestion financière du palais du cardinal, Joachim Du Bellay

l’accompagnait aussi lors des cérémonies publiques, et put, pendant 4 ans, voir à ce titre bien des

choses. « la Rome des cardinaux et la Rome des courtisanes 4» qui revit dans les Regrets , trouve

ses prémisses dans le Songe. Règne de l’hypocrisie, âpre désir du pouvoir sont cependant moins

1 CHAMARD Henri, “la vie de Joachim à Rome” dans Joachim Du Bellay 1552-1560, Genève, Slatikine Reprints, 1978, p.332

2 CHAMARD Henri, ibid., p.3333 DEMERSON Guy, « Le Songe de J. Du Bellay et le sens des recueils romains » dans Le Songe à la

Renaissance / Colloque international de Cannes 29-31 mai 1987 par l’Association d’études sur l’humanisme, la Réforme et la Renaissance, éd. par Françoise Charpentier, Lyon, Association d’études sur l’humanisme, la Réforme et la Renaissance, 1990 p. 177

4 CHAMARD, op.cit., p.372

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présents que le luxe et la luxure qui enivraient la cour des papes. Le sonnet XII mettrait en scène

ces vices secrets. Tandis que les sièges en ivoire blanc représenteraient les prélats catholiques à

Rome sous leur dehors de pureté et de sainteté, les nymphes ne seraient pas tant des Muses

comme le pense Gadoffre1 que des courtisanes qui leur feraient la cour. L’ambigüité érotique est là

quand le lieu décrit est celui de « tous les plaisirs ». Les « cent Nymphes » « flanc à flanc »

rappellent en outre les « milles appas amoureux » de la Vénus dissimulée des Regrets au sonnet

80 : Si je monte au Palais, je n’y trouve qu’orgueil, Que vice déguisé, qu’une cérémonie, Qu’un bruit de tambourins, qu’une étrange harmonie, Et de rouges habits un superbe appareil : […]Si je vais plus avant, quelque part où j’arrive, Je trouve de Vénus la grande bande lasciveDressant de tous côtés mille appas amoureux.

Les courtisanes à Rome se comptaient alors par milliers et occupaient depuis la fin du XVème siècle

les quartiers les plus prisés de la Ville, autant de tentations pour le clergé romain, dont les mœurs,

après le pontificat de Paul III, laissaient beaucoup à désirer2. Le luxe serait un autre des sept

péchés capitaux rapporté à Rome dans le sonnet XIII à travers l’image de la nef somptueuse. Elle

a déjà été utilisée, comme le fait remarquer Screech, pour évoquer le Saint Siège et les difficultés

qu’il rencontrait dans un poème écrit sur la papauté de Paul IV3. Par les richesses qu’elle

transporte, Gadoffre se propose de l’identifier plus précisément au règne de Jules III, dernier pape

de la Renaissance, pour son mécénat et les fastes dont il s’entourait4.

Dans ce tableau paradoxal, l’élection de Marcel II en avril 1555, à laquelle assiste Du

Bellay, soulève un grand espoir après le pontificat de Jules III accusé de corruption et de vice.

L’intégrité de sa vie, son zèle pour la réforme, l’ardeur de sa piété accordent les cardinaux et

éveillent l’enthousiasme du poète. Réduisant les dépenses par une cérémonie d’intronisation

simplifiée au bénéfice des pauvres, refusant de privilégier sa famille au Vatican, purifiant la Curie

romaine de tout scandale, il lance encore des projets d’éditions des Pères Grecs de l’Eglise et des

auteurs chrétiens anciens mais ne survit pas à son 10ème jour de pontificat, succombant à la

maladie5. Sa disparition fut brutale. Les spécialistes voient répercutés dans les sonnets XI et XIV

ce court épisode. Feghali décrypte la nouvelle opposition d’une « odeur embasmee » et une

1 GADOFFRE, op.cit. p.1782 CHAMARD, op.cit.p.3753 SCREECH, 190.n.14. Il cite « Ainsi la saincte Nef Romaine, / Qui dessus ceste mer mondaine/ S’est

veüe agiter si souvent, / Par l’effort d’un contraire vent »4 GADOFFRE, op.cit. « Jules III n’avait-il pas été le dernier pape de la Renaissance, le mécène de

Palestrina, de Michel-Ange, de Paolo Giovio, de l’Aretin, le Pape de la villa Giulia avec ses statues antiques, ses fresques, ses rocailles, ses marbres polychromes et ses Gitons ? », p.174-175

5 DYKMANS Marc, “Marcel II” dans LEVILLAIN Philippe, Dictionnaire historique de la papauté, Paris, Fayard, 1994, p.1088-1089

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« odeur sulphuree » à la lumière du sonnet 109 des Regrets comme celle des vertus de Marcel II

aux vices de Jules III :

Comme un, qui veut curer quelque cloaque immonde, S’il n’a le nez armé d’une contresenteur, Etouffé bien souvent dans la grand puanteurDemeure enseveli dans l’ordure profonde :

Ainsi le bon Marcel ayant levé la bonde, Pour laisser écouler la fangeuse épaisseurDes vices entassés, dont son prédécesseurAvait six ans devant empoisonné le monde :

Se trouvant le pauvret de telle odeur surpris, Tomba mort au milieu de son œuvre entrepris, N’ayant pas à demi cette ordure purgée.

Mais quiconque rendra tel ouvrage parfait, Se pourra bien vanter d’avoir beaucoup plus fait, Que celui qui purgea les étables d’Auge.

Cette piste lui permet une relecture détaillée du sonnet et une réorganisation de sa symbolique: la

flamme à triple pointe représenterait la papauté de Marcel II, l’odeur embaumée l’image de ses

vertus, l’oiseau blanc et la fumée s’élevant l’ascension de son âme vers les cieux, et le dégoût de

la pluie dorée qui éteint brusquement la flamme serait la corruption que Marcel II n’a pu empêcher1. Le soufre serait à apparenter à la « pluie de feu et de poussière brûlante » (Genèse XIX, 24) que

Dieu envoie sur Sodome et Gomorrhe pour châtier une population moralement corrompue. De la

même manière, le sonnet XIV en ses deux tercets serait une résonnance de la déception à

l’annonce de sa mort. L’élan céleste de l’extraordinaire cité, semblable à la nouvelle Jérusalem,

symboliserait les réformes et la Renovatio attendus de lui, et son effondrement sa fin brutale.

Gadoffre avance également cette hypothèse :

On connaît la suite : une maladie étrange, la mort en peu de temps, des funérailles solennelles. La Jérusalem entrevue n’avait été qu’un mirage du désert : … Il est permis de voir dans la seconde partie du 14ème sonnet l’écho d’une déception partagée par tous ceux qui s’étaient crus à l’heure de la Renovatio. 2

La Rome qui apparaît dans cette lecture est celle de la cour papale, magnificente et licencieuse,

appréciant l’or et les plaisirs : une cour païenne. Ce prisme religieux cristallise au moins deux

problématiques, liées entre elles : l’hybridité d’une Rome à la fois païenne et chrétienne et la

remise en question de sa légitimité à diriger le monde chrétien. En effet depuis le XVème siècle et le

1 FEGHALI Maksoud Nayef, Le phénomène de construction et de destruction dans le “Songe” de Du Bellay, Potomac, Scripta humanistica, cop. 1991, p.94

2 GADOFFRE, op.cit., p.171-172

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retour du Pape Urbain X Rome est redevenue le lieu prestigieux où s’exerce le pouvoir pontifical,

mais le Pape, fort du retour à l’Antique prôné par les milieux culturels humanistes se voit, à

mesure que progressent les découvertes archéologiques, un nouvel auguste, un nouvel empereur.

L’immense politique de reconstruction de la Ville fait paradoxalement ressurgir la ville antique qui

avait vu mourir Saint Pierre à l’heure où le elle se doit d’être la capitale d’un monde chrétien. Au

même moment, certains catholiques prennent leur distance avec l’Eglise romaine. Dès le XVème

siècle, le mouvement gallican en France recherche une certaine autonomie dans la conduite de

l’Eglise française, à laquelle souscrit Du Bellay. Les poèmes des Regrets s’en ressentent quand,

en présentant Rome comme un lieu de débauche et la courtisane comme un symbole de la cour

papale, il sape l’autorité romaine et la vocation de la Ville à régenter le monde. Le Songe est sans

doute moins orienté, mais les illustrations de Jan Van Der Noot dans un sens anti-papal révèlent

au moins la présence d’un esprit gallican, à la teneur non négligeable.

Quelques gravures anti-papales de Jan Van Der Noot

Sonnet IX Sonnet X Sonnet XII

C’est la réforme protestante, initiée par Luther dès la fin du XVème siècle, qui dénonce Rome

comme lieu absolu de la perdition. Dénonçant les indulgences, la primauté de l’Eglise de Rome et

le rôle du Pape, il expose ses thèses en latin en 1519 à destination de Rome, et publie ensuite

parallèlement des livrets de textes anti papaux dès 1521, illustrés par Lucas Cranach. Le Pape est

violemment associé à l’Antéchrist dans l’antichambre des Enfers, Rome, la Nouvelle Babylone1.

1 Nouvelle Babylone, Rome est l’incarnation du mal et doit être à nouveau détruite. Un passage du jugement de Babylone de l’apocalypse de Saint Jean (17,3) pourrait éclairer deux sonnets. La ville est ainsi décrite « Alors je vois une femme assise sur une bête rouge. Cette bête a sept têtes et dix cornes et elle est couverte de noms qu insultent Dieu. » Et l’ange explique le symbolisme : « Les sept têtes sont les sept collines où la femme habite »(17,9) et « Et la femme que tu as vue, c’est la grande ville qui dirige les rois de la terre » (17,18). Ces images croisent celles de l’effroyable torrent hydre « à sept chefz merveilleux » du sonnet VIII et de la nymphe éplorée du sonnet X autrefois adorée des hommes et des dieux.

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3. Une interprétation biographique : Rome, un Parnasse

Plus près encore de Du Bellay, Feghali propose de voir dans la gloire éphémère de la

Rome du Songe, un parallèle avec les prétentions artistiques déçues du poète. La série des

quinze sonnets est réinterprétée selon cette hypothèse. La flamme à triple pointe du sonnet XI

représenterait ainsi le poète consumé pendant trois ans par la flamme de ses aspirations

immortelles, l’oiseau son âme mélodieuse ailée d’ambition vers le séjour des dieux et l’odeur

sulfurée ses espoirs trompés. Le naufrage de la nef renverrait celui de ses ambitions, l’aigle

transformé en hibou la fin de son séjour romain mélancolique et obscure, le flétrissement du laurier

à l’amertume de sa déception.

Les visions sont l’exemplum de la colère divine et le code de la séquence est à chercher

dans ce vers du dernier sonnet « fasché de voir l’inconstence des cieux »1. Non pas la gloire

mondaine, mais l’injustice des cieux est objet du Songe en ce qu’elle refuse sans cesse la

réalisation de son désir d’immortalité poétique. Le Songe révèle l’ambivalence de Du Bellay : une

gloire à la fois méprisée et recherchée, un pessimisme religieux mêlé d’optimisme.

***

III. Rome, ou la puissance poétique d’une image vivante au service d’une méditation métaphysique

Les éclairages historiques, religieux et biographiques abordés précédemment sensibilisent

à la profondeur des jeux symboliques et aux enjeux contextuels du Songe, mais ne sauraient selon

nous, en révéler la teneur. La recherche d’une clé symbolique forçant la cohérence mimétique des

sonnets occulte la construction proprement sémiotique de la séquence2. Les images élaborées par

Du Bellay, s’inspirent certes d’une réalité romaine mais n’en dépendent pas, et apparaissent en

une succession autonome de visions animées qui se détachent du temps humain pour entrer dans

un temps visionnaire. Ainsi est rehaussée la qualité visuelle de chacune d’elle, importante car

c’est l’image qui est ici génératrice de sens et donne une portée intemporelle à l’ensemble du

Songe.

1 FEGHALI, op.cit. p.142-1432 L. AMPRIMOZ Alexandre , « Du blason et du songe : sémiotique riffaterrienne et Renaissance » dans

Etudes littéraires, vol.20,n°2, 1987, p.101-116. Nous reprenons la distinction qu’il établit entre mimésis et sémiosis dans le Songe : « le Songe comme procédé sémiotique ne peut s’expliquer en fonction d’analyses qui, comme celle de Richard A. Katz, forcent la main à la cohérence mimétique », p.107.

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1. Rome ou la puissance d’une image vivante

Si le Songe ne peut être défini comme visio au sens où l’entend Macrobe, la vision en

occupe néanmoins le premier plan. A l’injonction réitérée du Démon dans le premier sonnet

« Voy », répondent en tête de chaque sonnet « je vis » ou « m’apparut » pour le troisième sonnet

et « je vois » pour le sonnet de clôture. Seuls les sonnets X et XI, de la nymphe éplorée et la

flamme à triple pointe parfumée qui cèdent à la parole et aux senteurs une partie de leurs vers en

sont dépourvus, sans que soit rompue pour autant cette primauté de la vision. La plainte de la

nymphe invoque l’image de l’hydre et l’altération de l’odeur embaumée en odeur sulfurée se

double des images d’un oiseau et d’une flamme ascendante puis d’une pluie d’or. Au contraire des

Antiquités et des Regrets, mêlés de rêveries, ou d’indignation, d’amertume ou d’enthousiasme,

jouant de comparaisons, et d’invocations nulle place n’est laissée ici au poète, au lecteur, à un

quelconque interlocuteur : la vision s’impose littéralement d’elle-même, sans nul autre

commentaire que celui, lapidaire, donné par le Démon en son commencement.

C’est pourquoi il nous semble pertinent d’affirmer que Rome n’est pas tant importante en

son symbolisme diffracté que par son potentiel visuel. L’animation systématique à laquelle procède

Du Bellay vise à renforcer son impact et constitue une solution originale pour traiter le thème de la

grandeur et de la décadence autrement que par le seul souvenir mélancolique ou résigné. Rome

en ce sens est un répertoire d’images, de motifs dans lequel puise le poète pour créer tour à tour

une image vive de la Puissance, de la Richesse et des Plaisirs emportées par un élan vital aux

limites de l’humain. Si des nombres illimités « cent brasses », « cent columnes », « mille rayz » au

sonnet 2 impulsent un élan à l’élévation du temple, il ne s’amplifie qu’avec l’essor de l’aigle au

sonnet VII et l’envolée de l’oiseau blanc au sonnet XII. Autre lancée verticale, celle de la flamme

au sonnet XI dont la stylisation en trois pointes souligne l’élégance et dont la fumée poursuit

l’ascension. Ces élans verticaux oscillent entre aspiration spirituelle et démonstration de force. Le

mouvement d’expansion horizontale génère plus clairement une image de Puissance. La chasse

de la Louve hors de son antre au sonnet VI, le déploiement hyperbolique de l’Arbre Dodonien sur

les 7 collines au sonnet V, l’extension infinie d’une hydre de brumes au sonnet VIII, sous le signe

de la cruauté, de la victoire ou de l’effroi prennent un tour guerrier et conquérant. Au repos, cette

énergie a la solidité d’une colonne dorique, sobre et pleine, du sonnet II ou la force sereine et

inaltérable d’un lion d’or couché à l’image des sculptures ornementales du sonnet III. La

monumentalité se substitue au mouvement dans une égale manifestation de puissance : l’arc

triomphal couronné de deux Victoires sur leur char au sonnet IV en impose tout autant que le

Torrent aux flots écumeux au sonnet VIII.

Les matériaux précieux systématiquement employés dans les architectures ou objets d’art

suggèrent une idée de Richesse fabuleuse tout en relayant l’idée de Puissance. Or, gemmes,

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cristal, ivoire et albâtre pour un temple, un obélisque, un arc de triomphe, un siège et une urne

entraînent un vertige somptuaire et éblouissant. En effet, leurs lumières jouent un rôle aussi

important que leur pureté et leur rareté. La gamme, restreinte, des matériaux retenus est

splendide, c'est-à-dire éclatante – nulle place pour la profondeur sombre d’un rouge rubis ou d’un

bleu améthyste. La lumière naturelle est exaltée dans la luisance candide de l’ivoire, la

translucidité blanche de l’albâtre ou la transparence pure du cristal, nuancée par la vigueur

minérale du jade et de l’émeraude et l’incorruptible soleil d’or. Rayonnantes, ces richesses sont

autant une expression de raffinement que d’une vitalité à nouveau transformée, spiritualisée.

Notons que le feu du sonnet XI comme la fontaine du sonnet XII, sources de vie, se distinguent

par leur éclat singulier : l’un lançant « par tout mille & mille clartez », l’autre « claire comme crystal

aux rayons du soleil ». Seule l’image de la nef chargée d’un trésor à nul autre pareil, dont les

superlatifs remplacent la description, offre une acception plus classique de cette notion de richesse

: une concentration inouïe de biens rares.

Si cette ardeur qui parcourt le Songe ne s’éteint pas dans l’immobilité de la matière pure,

magnifiée par sa forme ou par ses propriétés, elle s’alanguit cependant en moments de délices.

Au premier quatrain du sonnet VI, l’image de la louve maternelle léchant les deux jumeaux blottis

en son love ne manque ni de tendresse ni de charme : insouciants, ceux-ci jouent

« mignardement » à sa mamelle. La courbe de la louve protectrice au « col allongé » définit un

espace privilégié autour des deux nouveau-nés1, un foyer de régals et d’agréments qui s’épanouit

pleinement dans le sonnet XII. Autour d’une source merveilleuse est invoqué un séjour de délices

de l’œil et de l’esprit, où s’harmonisent art et nature dans une exquise perfection. L’éclat doré de la

source, le doux murmure des lieux au charme de sirène, la ronde paisible des jeunes et

ravissantes nymphes invitent au délassement. Il est davantage de l’ordre de la délectation que de

la volupté, les sièges d’ivoire, ouvrages de grande finesse, rappellent un certain ordonnancement

du lieu et une médiation2. Finalement, de cet équilibre suave, sans trouble aucun, affleure un

sentiment d’éternité qui semble placer cet endroit hors du temps.

En privilégiant une analyse visuelle à une reconnaissance symbolique et en

choisissant d’adhérer pleinement au premier mouvement enthousiaste de chaque sonnet, nous

voyons désormais le Songe épuré de jugements politiques, moraux ou religieux a priori, étape

nécessaire pour aborder au plus près sa chute et son sens global. Ainsi restauré, il nous apparaît

comme traversé d’une vitalité prodigieuse, d’un splendide et immense élan jusqu’aux confins du

possible.

1 Le sonnet VI indique en effet « Je vis à sa mamelle/ Mignardement joüer/ceste couple jumelle, / Et d’un col allongé / La louve les lécher ». Cette image, plus probablement inspirée de la scène en réduction du groupe sculptural du Tibre au Louvre que celle de la Louve du Capitole, suggère une louve couchée et non debout, courbant le flanc pour lécher les deux nourrissons qu’elle allaite.

2 La présence d’un mobilier dans ce lieu naturel et merveilleux écarte la possibilité d’un réel retour à un paradis perdu ou d’un âge d’or d’où serait absente la culture. En conséquence, le rapport de l’homme à la nature ne peut être à nouveau « immédiat ».

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2. Au service d’une méditation sur la condition humaine

A l’exception du sonnet X, longue déploration d’une nymphe sur son sort et du premier

sonnet introductif, l’ensemble des sonnets du Songe suivent le même schéma d’un élan brisé. Du

Bellay réinvente à cet escient le sonnet pétrarquiste à destination amoureuse pour en faire

l’instrument par excellence de la réversibilité. Celle-ci, conséquence directe d’un orgueil ou d’une

hybris qui souvent vise le ciel et son éternité, renvoie l’homme à sa condition de mortel et à la

fragilité de toute vie terrestre.

En effet, Du Bellay réinvestit le sonnet pétrarquiste, surtout utilisé alors en littérature

amoureuse, et l’adapte à son propos. Tout en jouant de l’ampleur du décasyllabe, il renforce

l’opposition entre quatrains et tercets en la systématisant entre un élan et sa rupture, le plus

souvent, brutale. L’élancement glorieux de la pierre s’effondre anéanti aux sonnets II, III, IV et XIV,

l’ascension majestueuse de l’aigle bascule en chute ou infernale au sonnet VI, le déploiement

hégémonique de l’arbre et du torrent est bloqué et ravalé au sonnet V et VIII, De manière un peu

moins spectaculaire, l’élévation de l’oiseau blanc cède à une pluie de soufre au sonnet XI, la

chasse de la louve à son propre carnage au sonnet VI, l’aspiration à l’harmonie à une invasion

importune au sonnet XII, la navigation pesante à un allègement au sonnet XIV. Les sonnets IX et

X se situent déjà sur le versant du déclin : la lente décrépitude du Tibre et son laurier flétri pour

l’un, la longue lamentation de Rome personnifiée de l’autre. Cette rupture se situe rarement plus

tôt dans le sonnet, comme pour la nacelle du sonnet XIII secouée dès le second quatrain, souvent

plus tard à partir du second tercet pour un effet de précipitation et de foudroiement ainsi qu’il en va

des sonnets II et III. Un jeu d’oppositions lexicales finement tressé accentue ce sentiment de

réversibilité. A seul titre d’exemple sont manifestes la volonté de symétrie entre « l’Oyseau, qui le

soleil contemple » au premier vers du sonnet VII, devenu « l’oiseau qui la lumière fuit » au dernier

tercet ou encore celle, en parlant de la louve, entre « ensanglanter la dent & et patte cruelle sur

les menus troppeaux » devenu « sur la plaine estendue, poussant mille sanglotz, se veautrer dans

son sang » au sonnet VI. L’étude des rimes de fin de tercets révèle un laconisme significatif :

joindre « forte » et « morte » au sonnet IX, « Hercules » et « Caligules » au sonnet X, « dorée » et

« sulphurée » au sonnet XI permet de penser et dévoiler ces doublons comme les deux faces

d’une même réalité. Toute force, aussi grande soit elle, est mortelle ; une force exceptionnelle peut

engendrer une tyrannie sans nom ; et le pouvoir et la richesse ont parti lié avec le diable.

Quel sens à cette réversibilité ? Des forces naturelles, terrestres - séismes – et célestes -

tempête, foudre, vent, orage, soleil-, des attaques ennemies - troupes barbares, faunes – ou dans

une moindre mesure des dissensions internes – mauvais empereurs – sont les agents d’un

retournement systématique. Faut-il voir dans les premiers le signe d’une intervention et d’une

colère divine ? Les éléments naturels ont souvent été associés dans les textes religieux et

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mythologiques anciens à l’expression des dieux. L’hybris dans la tradition gréco-romaine, l’orgueil

dans la tradition chrétienne constituent des fautes fondamentales. Sentiment violent inspiré par les

passions, l’hybris est démesure, c'est-à-dire le fait de désirer plus que ce que la juste mesure du

destin accorde à chacun. Péché capital, l’orgueil, est un sentiment de supériorité et de suffisance

conduisant à un mépris des autres et un rejet de la miséricorde divine. Or les sonnets offrent à

plusieurs reprises l’exemple du dépassement fautif d’une limite et d’une confiance excessive, mais

à un niveau supérieur. Ils sont le fait de l’humanité toute entière en regard de la divinité : édifices

de cristal, envolée « jusqu’au séjour des dieux », ville dont le chef semble toucher « au

firmament » en sont autant de facettes. Le dernier sonnet, évoquant la « sœur de Typhée », celui

qui s’est attaqué à l’Olympe, ouvrant une guerre contre le ciel est la plus explicite. Elle trouve

divers échos dans l’Ancien Testament, notamment en la personne du roi de Babylone1. Le

châtiment est la némésis, « destruction » qu’illustre Hérodote en rapportant comment ceux qui

dépassent la mesure sont frappés par la foudre. Mais l’invasion par des peuples ennemis est

également une peine inspirée par Dieu, comme il en est advenu du roi de Tyr dans l’Ancien

Testament, pour s’être cru l’égal d’un dieu2. Dans cette optique, le commandement du démon en

début du Songe est à prendre au sérieux : « Puisque Dieu seul au temps fait resistence/N’espere

rien qu’en la divinité ». Dès lors, une rédemption est possible. La foi et l’humilité indiquent la voie

d’un salut. Ainsi, certaines destructions n’en sont pas tout à fait - l’arbre abattu reverdit en deux

arbrisseaux, la nef coulée réapparait à la surface de l’eau, l’aigle renait en hibou - mais

s’apparentent à des purifications – un élagage, un déchargement et une transformation radicaux.

Le Songe tient de la vanité en ce qu’il illustre la fragilité de la vie humaine, mais ne s’y

résume pas. Il est essentiellement prise de conscience douloureuse, parfois terrible de cette

fragilité et ouverture sur la méditation. Loin des conclusions moroses de l’Ecclesiaste et de son

mépris de la vie, cette découverte n’annule pas l’émerveillement ou l’effroi ressenti à la première

vue d’une œuvre extraordinaire ou d’un monstre hideux. Ces émotions originelles sont au contraire

accusées par le désespoir du poète qui résonne ensuite dans de rares exclamations telles « Las

rien ne dure au monde que torment ! » au sonnet III. Le poème se concentre moins sur une

critique politique, sociale ou religieuse que sur la mortalité de l’homme, de ses entreprises et plus

généralement de tout ce qui est terrestre. Aucune gloire posthume taillée dans un monument ou

1 ESAIE, « chant sur la mort du roi de Babylone dans Livre des Prophètes, » (14,13-15) – discours prêté au roi de Babylone: « Je monterai jusqu’au ciel, je dresserai mon siège royal au-dessus des étoiles de Dieu. Je m’installerai sur la montagne où les dieux se réunissent, à l’extrême nord. Je monterai au sommet des nuages, je serai comme le Dieu très haut ».

2 EZEKIEL, « Paroles du Seigneur contre le roi de Tyr », (28, 6-8). « C’est pourquoi voici ce que je dis, moi, le Seigneur Dieu : Tu te crois égal à un dieu. A cause de cela, je vais envoyer contre toi des étrangers, le peuple plus violent de tous. Ils détruiront par l’épée les plus beaux produits de ta sagesse, ils mépriseront ta grandeur. Ils te feront descendre dans la tombe, tu mourras d’une mort violente en pleine mer ». Notons par ailleurs dans le chant de deuil sur Tyr un naufrage des richesses et marins de la ville prédit par Dieu présentant de fortes similarités avec le sonnet XIII.

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étalée sur un arbre, aucune merveille architecturale bâtie dans la pierre, aucune conquête, aucune

possession, aucune prétention n’échappe à la menace du temps qui finit par tout emporter. Tout

passe, comme le Tibre. Aucun fondement possible pour construire de l’éternel. Aucune immortalité

sous la lune.

***

Conclusion

Continuellement présente au long du Songe, Rome est moins le code crypté d’une histoire

politique, religieuse ou biographique, qu’un riche répertoire d’images à partir desquelles le poète

compose une succession de visions saisissantes. Elle constitue moins une fin qu’un moyen, et ses

symboles ne valent que dans leur acception et leur convergence la plus générale : celle d’un

puissant Empire qui a voulu défier le temps, et le ciel. Il est significatif de voir à ce propos qu’elle

n’est pas la seule source d’inspiration de Du Bellay. Certains critiques ont noté une telle proximité

avec la Canzone CXXXI de Pétrarque, notamment dans la reprise des thèmes de la fontaine claire

lieu de plaisirs ou la riche nacelle abimée en mer, qu’ils considèrent le Songe comme une simple

imitation du poète italien. On peut simplement le comprendre comme la manifestation d’une même

préoccupation humaniste, la définition de la place de l’Homme dans la Création. Finalement, Du

Bellay poursuit dans le Songe de ce qui avait déjà été initié par Janus Vitalis, une méditation sur la

Fortune, sur la fragilité humaine, plus que sur la faiblesse de la ville de Rome. Le sujet est la

faiblesse de l’homme, et non pas de Rome, qu’annonçait le sonnet 9 des Antiquités :

Je ne dis plus la sentence commune, Que toute chose au-dessous de la luneEst corrompable et sujette à mourir :Mais bien, je dis ( et n’en veuille déplaireA qui s’efforce enseigner le contraire )Que ce grand Tout doit quelque fois périr.

***

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Annexe

la canzone CXXXIII de Pétrarque

Un iour eftans feulet à la feneftre

Vy tant de cas nouueaulx deuant mes yeulx

Que de tant veoir faché me conuint eftre

Si m’aparut une biche à main dextre

Belle pour plaire au fouuuerain des dieux

Chaffee eftoit de deux chiens enuyeux

Un blanc, un noir, qui par mortel effort

La gente befte aux flancs mordoient fi fort

Qu’au dernier pas en brief temps l’ont mené,

Cheoir fur un roch, & là par cruauté

De mort vainquift une grande beauté,

Et foufpirer me fift la deftinée :

Puis en mer haute un Nauire auifoit

Qui tout d’Hebene & blanc Yvoire eftoit

A voilles d’or, & à cordes defoye

Doux fut le vent, la mer paifible & coye,

Le Ciel par tout clair fe manifeftoit.

La belle Nef pour fa charge portoit

Riches trefors : mais tempefte subite

En troublant l’air cefte mer tant irrite

Que la nef heurte un roc caché fouz l’onde

O grand fortune, ό creuecueur trop grief,

De veoir perir en un moment fi brief

La grande richeffe à nulle autre feconde,

Apres ie vey fortir diuins rameaux

D’un Laurier ieune en un nouueau bofcage

Et me semblea veoir un des arbriffeaux

Pour citer cet article : GAILLARD Phirum, « Rome dans le Songe de Du Bellay. Périlleux défi de l'humanité au Ciel », Lurens [en ligne], juillet 2011, www.lurens.ens.fr/travaux/litterature-du-xvie-siecle/article/rome-et-du-bellay

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De paradis, tant y avoit d’oyfeaux,

Diuerfement chantans à fon umbrage :

Ces grands delictz rauirent mon courage,

Etayant l’œil fiché fur ce laurier,

Le ciel entour commence à varier

Et à noircir, dont la foudre grand erre

Vint arracher celuy plant bien heureux

Qui me fait eftre à iamais langoureux

Car plus tel umbre on te recouvre en terre,

Au mefme boys fourdoit d’un vif rocher

Fontaine d’eau murmurement foëfuement,

Standomi un giorno solo a la fenestra,

onde cose vedea tante, et sí nove,

ch'era sol di mirar quasi già stancho,

una fera m'apparve da man destra

con fronte humana, da far arder Giove,

cacciata da duo veltri, un nero, un biancho;

che l'un et l'altro fiancho

de la fera gentil mordean sí forte,

che 'n poco tempo la menaro al passo

ove, chiusa in un sasso,

vinse molta bellezza acerba morte:

et mi fe' sospirar sua dura sorte.

Indi per alto mar vidi una nave,

con le sarte di seta, et d'òr la vela,

tutta d'avorio et d'ebeno contesta;

e 'l mar tranquillo, et l'aura era soave,

e 'l ciel qual è se nulla nube il vela

ella carca di ricca merce honesta:

poi repente tempesta

oriental turbò sí l'aere et l'onde,

che la nave percosse ad uno scoglio.

O che grave cordoglio!

Breve hora oppresse, et poco spatio asconde,

l'alte ricchezze a nul'altre seconde.

In un boschetto novo, i rami santi

fiorian d'un lauro giovenetto et schietto,

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ch'un delli arbor' parea di paradiso;

et di sua ombra uscian sí dolci canti

di vari augelli, et tant'altro diletto,

che dal mondo m'avean tutto diviso;

et mirandol io fiso,

cangiossi 'l cielo intorno, et tinto in vista,

folgorando 'l percosse, et da radice

quella pianta felice

súbito svelse: onde mia vita è trista,

ché simile ombra mai non si racquista.

Chiara fontana in quel medesmo bosco

sorgea d'un sasso, et acque fresche et dolci

spargea, soavemente mormorando;

De ce lieu fraiz tant excellent & cher

N’ofoient pafteurs ne bouuiers aprocher

Mais mainte Mufe & Nymphes feulement

Qui de leurs voix acordoient doucement

Au fon de l’eau, Là i’afsis mon defir,

Et lors que plus y prenois de plaifir

Ie vey (helas) de terre ouvrir un gouffre

Qui la fontaine & le lieu devora,

Dont le mien cueur grand regret encor a

En y penfant du feul penfer ie fouffre.

Au boys ie vey le feul Phenix portant

Aelles de pourpre, & le chef tout deuoré

Eftrange eftoit, dont penfay en l’inftant

Veoir quelques corps celefte, iufques à tant

Qu’il vint à l’arbre en pieces démouré

Et au ruiffeau que terre à deuoré :

Que diray plus ? Toute chofe en fin paffe.

Quand ce Phenix vit les rameaux par place

Le tronc rompu, leau feche d’autre part,

Comme en defdain de fon bec s’eft feru

Et des humains fur l’heure difparu,

Dont de pitié, & d’amour mon cueur ard,

En fin je vey une Dame fi belle

Qu’en y fongeanr toufiours ie brufle &tteble

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Entre herbe & fleurs penfiue marchoit elle

Humble de foy : mais contre amour rebelle,

Et blanche cotte auoit comme il me femble

Faite en tel art que neige & or enfemble ;

Sembloient meflez : mais en fur la ceinture

Couuerte eftoit d’une grande nue obscure,

Et au talon un ferpenteau la bleffe.

Dont languiffoit comme une fleur cueillie,

Puis affeurée en lieffe eft faillie,

Las riens ne dure au monde que trifteffe,

O chanson mienne en tes conclufions

Dy hardiment ces fix grands vifions

A mon feigneur, donnant un doux defir

De briefuement fouz la terre gefir.

al bel seggio, riposto, ombroso et fosco,

né pastori appressavan né bifolci,

ma nimphe et muse a quel tenor cantando:

ivi m'assisi, et quando

piú dolcezza prendea di tal concento

et di tal vista, aprir vidi uno speco,

et portarsene seco

la fonte e 'l loco: ond'anchor doglia sento,

et sol de la memoria mi sgomento.

Una strania fenice, ambedue l'ale

di porpora vestita, e 'l capo d'oro,

vedendo per la selva altera et sola,

veder forma celeste et immortale

prima pensai, fin ch'a lo svelto alloro

giunse, et al fonte che la terra invola:

ogni cosa al fin vola;

ché, mirando le frondi a terra sparse,

e 'l troncon rotto, et quel vivo humor secco,

volse in se stessa il becco,

quasi sdegnando, e 'n un punto disparse:

onde 'l cor di pietate et d'amor m'arse.

Alfin vid'io per entro i fiori et l'erba

pensosa ir sí leggiadra et bella donna,

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che mai nol penso ch'i' non arda et treme:

humile in sé, ma 'ncontra Amor superba;

et avea indosso sí candida gonna,

sí texta, ch'oro et neve parea inseme;

ma le parti supreme

eran avolte d'una nebbia oscura:

punta poi nel tallon d'un picciol angue,

come fior colto langue,

lieta si dipartio, nonché secura.

Ahi, nulla, altro che pianto, al mondo dura!

Canzon, tu puoi ben dire:

- Queste sei visioni al signor mio

àn fatto un dolce di morir desio. -

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