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Saison 2019-20 Mars

Saison 2019-20Mars€¦ · scène comme un moment de rupture entre l’organique et l’intellect. Cela nous a conduit à traiter des catastrophes « non spectaculaires », les contaminations

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Page 1: Saison 2019-20Mars€¦ · scène comme un moment de rupture entre l’organique et l’intellect. Cela nous a conduit à traiter des catastrophes « non spectaculaires », les contaminations

Saison 2019-20 Mars

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« Le 12 juin 2016, le massacre d’Orlando, assassinat homophobe de masse m’a déchiré. Aussi quand certaines chaînes de télévision américaines, très vite relayées par leurs collègues mondiales ont – de manière complètement erronée – laisser entendre que la motivation du tueur serait son homosexualité refoulée, j’ai sauté dans la brèche. J’ai eu besoin de sauter dans cette brèche. Il y avait une explication,un moyen de donner du sens ».

Quatre solis pour une performance coup de poing dans laquelle se pose la question de notre posture face à un monde de plus en plus insaisissable où une angoisse diffuse imprègne nos jours. Que faire, sommes-nous condamnés à subir cette angoisse ou à nous fourvoyer dans des explications données clés en main, existe-t-il une alternative ?

Concept et mise en scène : Fabrice GorgeratDramaturgie : Yoann MoreauAvec : Fiamma Camesi, Cédric Leproust, Ben Fury, Albert Ibokwe KhozaResponsable scientifique et coordination : UNIL Alain KaufmannChorégraphie : Tamara BacciScénographie et direction technique : Yoris Van den HouteCréation lumière et vidéo : Arié van EgmondCréation sonore et musique : Aurélien ChouzenouxCostumes : Anna van BreeCouturière : Dominique ChauvinAdministration : Ivan PittalisProduction : cie Jours tranquilles Co-production : Le Grütli – Centre de production et de diffusion des Arts vivantsSoutiens : Ville de Lausanne, Loterie Romande, Pro-Helvetia, Fondation Leenaards, Pour-cent culturel Migros

Nous/1 Fabrice Gorgerat

cie Jours tranquilles

Salle du Bas / Sous-sol

1h15 (environ)

Lundi-samedi 20h

16-20 &24-28 mars

Contact presse : Esther Jochmans - [email protected] - 022 888 44 78 Informations pratiques : www.grutli.chPhotos HD du spectacle Réservations : 022 888 44 88 / [email protected]

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Le 12 juin 2016, le massacre d’Orlando, premier assassinat homophobe de masse m’a déchiré. Et pas là où on aurait cru. Les tueries s’accumulant aux tueries et attentats, revendiquées par des fanatiques de tout bord, le réflexe d’auto protection opère, un attentat commence à en valoir un autre. J’ai pleuré pour Charlie, j’ai pleuré pour le Bataclan mais je ne veux plus. Aussi quand certaines chaînes de télévision américaines, très vite relayées par leurs consoeurs mondiales ont – de manière complètement erronée – laissé entendre que la motivation du tueur serait son homosexualité refoulée, j’ai sauté dans la brèche. J’ai eu besoin de sauter dans cette brèche. Il y avait une explication, un moyen de donner du sens. Ce n’était pas une abomination de plus mais le fait d’un pauvre type incapable d’assumer son homosexualité. J’ai fait urgemment mienne cette explication. Elle m’arrangeait. N’importe quoi plutôt que l’absurde, une explication à tout prix, une raison.Expliquer l’horreur pour y survivre, à n’importe quel prix. J’ai préféré m’accrocher à cette version simplificatrice parce qu’il m’était impossible d’assimiler une abjection de plus, j’ai préféré « penser faux ».

Aussi se pose la question de notre posture face à un monde de plus en plus insaisissable où une angoisse diffuse imprègne nos jours. Que faire, sommes-nous condamnés à subir cette angoisse ou à nous fourvoyer dans des explications données clés en main ? Y a-t-il une question de vie ou de mort à se tromper soi-même ? A partir de quel moment jouissons-nous de cette tromperie ?

Nous pensons que l’expérience racontée ci-dessus a quelque chose d’universel. Elle exprime la prise de conscience d’un biais d’interprétation qui menace chacun de nous, parce que nous tenons absolument – en dépit de tout – à conférer un sens à ce qui nous arrive. Le caractère sémiopathe de l’humain, « malade de signes » qui recherche un sens à tout prix, même au détriment du bon sens et de la rationalité, est d’autant plus évident que les temps sont troubles et mal vécus. Cette sémiopathie suscite l’adhésion immédiate et irréfléchie à des récits « clés en main » qui, dans le contexte actuel, tendent à se multiplier. Nous avons de plus en plus recours, bien malgré nous et sans y penser, à des explications vides pour combler l’absurdité des tragédies humaines dont les médias sont le relais : terrorisme, meurtres de masses et tueries dans des lieux publics, actes racistes et homophobes, multiplication des catastrophes naturelles, viols, immolations, décapitations.

Il nous faut urgemment penser les mises en sens de ces actes qui, au fond, n’en ont pas. Mais comment les penser sans leur conférer un sens ? Comment rester en suspend sur cet abîme d’aberrations sans sombrer ?

Nous pensons que l’absurde ne peut pas être pensé de manière positive. En dernière instance, il est impossible de conférer un sens à ce qui se trame dans le monde moderne contemporain. Mais nous pensons qu’il est possible de mettre en oppositions les différents régimes d’absurdité, de telle sorte qu’ils se tiennent en joue les uns les autres. Nous pensons en effet, à la suite de Robert Musil dans L’homme sans qualité (1933), que « ce qui distingue un homme sain d’un aliéné, c’est précisément que l’homme sain a toutes les maladies mentales, et que l’aliéné n’en a qu’une. »

Nous continuons à rechercher un apaisement. Un apaisement qui consisterait à bien vivre l’intranquille. Mais tout en sachant que l’intranquillité n’est pas la crainte, la phobie ou la peur, mais l’hésitation, le doute quant à ce que je me raconte des autres et de ce qui arrive dans le monde. L’intranquillité heureuse de celui qui voit dans l’impossibilité de maîtrise la possibilité d’assister à de nouvelles créations et à de nouvelles naissances. L’intranquillité existentielle qui fait l’humanité de l’humain.

Le projet

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Fiamma ©cie Jours tranquilles

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Depuis sa création, la compagnie Jours tranquilles est à la recherche d’un langage qui parle différemment au spectateur. Il s’agit d’établir une relation avec lui d’un autre ordre que celui de la description, en choisissant de travailler dans un ensemble éloigné de la simple narration, engageant un rapport plus complexe à nos réalités : la scène et ses énergies le permette.

Notre démarche interroge le thème, l’explore, souvent au travers de personnages confrontés à un sentiment d’irréalité et d’étrangeté face à eux-mêmes, disloqués, en quête de reconstruction. Pour cela je choisis d’exploiter tous les moyens scéniques (corps, lumière, son, matières), en fédérant chaque créateur du projet autour de la recherche de la poétique voulue, ne recourant au texte que s’il est indispensable. Préférant l’organique et la « sensation de » au concret et à l’identifiable, comme Flaubert « préférer à l’événement son reflet dans la conscience, à la passion le rêve de la passion...à l’action, l’absence d’action et à toute présence un vide »1.

Nous voulons parler au corps du spectateur autant qu’à son intellect pour qu’il ressente et comprenne de manière intuitive, qu’il côtoie des personnages dans ce qu’ils ont d’organique, qu’il se retrouve dans leurs états et leurs envies, jusqu’à les refuser. Nous envisageons la scène comme un moment de rupture entre l’organique et l’intellect.

Cela nous a conduit à traiter des catastrophes « non spectaculaires », les contaminations radioactives (Médée/Fukushima, 2012), l’explosion démographique des personnes obèses (Manger Seul, 2014), le changement climatique (Blanche/Katrina, 2016), la dépression (Bachowski, 2017).

1 Jean Rousset, forme et signification, Paris : José Corti, 1989.

La compagnie

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Portrait de Fabrice Gorgerat par Marie-Pierre Genecand

Fabrice Grogerat, metteur en scène, est né à Lausanne le 10 mars 1971 ou il vit aujourd’hui. Il est diplômé de l’Institut Nationale des Arts du Spectacle (INSAS) de Bruxelles, section mise en scène.

L’eau, l’encre, le sang, la poussière, des grains de riz, des clous, du lait, des cheveux, du verre brisé, de la terre… Fabrice Gorgerat aime la matière. Et les personnages féminins. Dans ses spectacles, qui sont autant d’immersions sensorielles, le metteur en scène lausannois confie souvent aux figures féminines le soin de réveiller ses fantômes. Car Fabrice Gorgerat est un fou de l’inconscient, cette part enfouie qui raconte l’être humain dans ce qui échappe, résiste, dérape et surprend. Qu’il se penche sur les conséquences d’une catastrophe nucléaire (Médée-Fukushima), le rapport père-fille (Poiscaille Paradis), le spleen provincial (Emma), le rituel du lever (Au matin) ou l’obésité (Manger seul), l’artiste aime voir au-delà du miroir, dans cette zone grise où s’agitent les non-dits, entre élans et tourments.

Son théâtre n’est pas un théâtre de boudoir ou d’alcôve pour autant. Fabrice Gorgerat ne plébiscite pas forcément la vitesse, ses tableaux peuvent se développer à un rythme très lent, comme si le temps arrêté permettait d’aller au cœur des sensations. Mais le metteur en scène ose l’excès, l’outrance, pour dire à plein l’outrage vécu par ses personnages. Emma à Payerne, double romand d’Emma Bovary, crève de solitude et d’ennui ? Les trois comédiennes qui restituent cette errance intérieure vomissent de l’encre noire après avoir ingurgité des litres de lait. Les spectres de Fukushima enragent de ne pouvoir montrer au grand jour la balafre nucléaire, cette catastrophe qui lamine sans bruit, ni odeur? Les trois comédiennes, témoins de cette horreur, se hérissent de piques, crachent des clous, se scotchent les seins, s’arrachent les cheveux ou soufflent de la poussière sur une ville-cimetière. Formé à l’INSAS (Institut national supérieur des arts du spectacle), à Bruxelles, Fabrice Gorgerat utilise la scène comme un autel de la beauté furieuse, débordant de liquides organiques et d’éléments vivants. Les pièces de l’artiste lausannois sont des parcours où le travail sonore d’Aurélien Chouzenoux et les images d’Estelle Rullier tracent une direction, indiquent une intention. Peu, voire pas de texte, dans le travail de Gorgerat, ces dernières années. Comme si, pour lui, les mots étaient essorés, vidés de leur intensité, à force d’être utilisés. Ou alors, il faut que les mots soient dits en majesté. Comme cette conférence inaugurale dans Médée/Fukushima où Yoann Moreau, dramaturge associé, dresse le portrait de l’accident nucléaire, qui n’est pas la fin de quelque chose, mais le début lancinant d’une nouvelle et néfaste ère.

Fabrice Gorgerat aime la matière. Le théâtre de Gorgerat est une danse au profit du sens où l’humain est pisté dans ses recoins les plus secrets.

Fabrice Gorgerat - concept et mise en scène

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Yoann Moreau, anthropologue, maitre-assistant au Centre de Recherches sur les Risques et les Crises (Mines ParisTech), est également dramaturge pour la Cie Jours tranquilles (Lausanne-CH). Ses recherches portent sur les catastrophes, les modes d’existence en situations extrêmes et les façons de déployer des connaissances et des savoir-faire de la déprise. Depuis 2011, il s’attache à décrire, documenter, mettre en scène et « mettre en science » des catastrophes qu’il qualifie de « spectraculaires» phénomènes « aux impacts considérables mais de faible intensité dramaturgique tout en étant inscris dans la longue durée ».

Yoann Moreau aborde concrètement ce questionnement avec les accidents nucléaires de Tchernobyl et de Fukushima, l’exode rural à l’échelle mondiale, les troubles de l’alimentation (obésité, anorexie), du bien vivre (dépression, burn out) et de l’écologie globale. Il est l’auteur de Vivre avec les catastrophes (PUF, Coll. L’écologie en questions ; 2017).

Yoann Moreau - dramaturgie

A voir : Le teaser ECAL : « Nous » par Pauline Perret (graphic design)

A écouter :France Culture, La Dispute (à 36’05), par Marie Sorbier (I/O Gazette)

A lire : Le massacre d’Orlando métabolisé sur un plateau, par Marie-Pierre Genecand (Le Temps)

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Général Dufour 16 CH - 1204 Genève

+41 (0)22 88 44 88 [email protected]