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2
Editorial 3
Marcher, édifier, confesser . . . 4
Pape François
Qu’est-ce donc la FOI? 6
Jean Simonart
« L’Europe : Terre d’Evangélisation. » 11
Jean Djosir Djobkang
La foi 15
Charles de Foucauld
Corps adorable de Jésus 16
Joumana Khalil
Il est Vivant … pour que l’on Vive 19
Jean-Marc de Terwagne
Maurice : martyr africain devenu saint européen 22
William Frei
Prière du Fantassin à Saint Maurice 26
Maison des familles : une Maison « habitée ». 27
Alain Mattheeuws
Blaise Pascal 33
Philibert Secretan
Sentence des Pères du désert 36
Recension - Au nom d'une passion 37
Vincent Siret
Table des matières
3
EDITORIALEDITORIALEDITORIAL
Bien cher lecteur, chère lectrice,
Voici votre nouvel envoi de « Sanctifier » !
Nous espérons que vous prendrez plaisir à le lire et d’en tirer
le nectar, à l’instar de ce que disait saint François de Sales, lorsqu’il conseillait dans son beau langage de l’époque, de
faire comme les « avettes » (les abeilles).
Elles vont de fleur en fleur pour en tirer tout le nectar et
en faire leur miel.
Le miel est doux, mais aussi très nourrissant.
Dans ce numéro, vous trouverez les deux : La douceur,
par exemple, dans l’article de Joumana Khalil, du substantiel
dans l’article de Alain Mattheeuws.
Mais, pour tous ceux que la foi anime, tous les articles de
ce numéro apporteront consolation, approfondissement et
matière à méditation.
L’ensemble de ses articles, qui abordent des thèmes diffé-
rents, sans bien l’avoir recherché se rejoignent selon trois
pôles qui sont liés entre eux.
On y retrouve comme dominant, le pôle de la foi : ré-
flexions sur la foi, foi en la résurrection, foi en l’incarnation…
Vient s’y greffer tout naturellement celui de l’évangélisation :
L’Europe, terre d’évangélisation, Saint Maurice et ses compa-
gnons… Et enfin comme troisième pôle, intrinsèquement lié
aux deux autres, la réalité de la conversion personnelle.
Tout cela fait de ce numéro une nourriture consistante
pour tous ceux qui ont à cœur de progresser sur le chemin
vers la sainteté.
Faites-en votre miel !
Bonne lecture !
La Rédaction
4
Marcher. « Maison de Jacob, allons, marchons à la lumière
du Seigneur » (Is 2, 5). C’est la première chose que Dieu a dite à
Abraham : Marche en ma présence et sois irrépréhensible. Mar-
cher : notre vie est une marche et quand nous nous arrêtons, cela
ne va plus. Marcher toujours, en présence du Seigneur, à la lu-
mière du Seigneur, cherchant à vivre avec cette irréprochabilité
que Dieu demandait à Abraham, dans sa promesse.
Édifier. Édifier l’Église. On parle de pierres : les pierres ont
une consistance ; mais des pierres vivantes, des pierres ointes par
l’Esprit Saint. Édifier l’Église, l’Épouse du Christ, sur cette pierre
angulaire qui est le Seigneur lui-même. Voici un autre mouvement
de notre vie : édifier.
Troisièmement, confesser. Nous pouvons marcher comme
nous voulons, nous pouvons édifier de nombreuses choses, mais si
nous ne confessons pas Jésus Christ, cela ne va pas. Nous devien-
drons une ONG humanitaire, mais non l’Église, Épouse du Sei-
gneur. Quand on ne marche pas, on s’arrête. Quand on n’édifie
pas sur les pierres qu’est-ce qui arrive ? Il arrive ce qui arrive aux
enfants sur la plage quand ils font des châteaux de sable, tout
s’écroule, c’est sans consistance. Quand on ne confesse pas Jésus
Marcher,Marcher,Marcher,
édifier,édifier,édifier,
confesserconfesserconfesser . . . . . . . . .
Homélie du Pape François
aux cardinaux 14 mars 2013
Magistère
5
Christ, me vient la phrase de Léon Bloy : « Celui qui ne prie pas le
Seigneur, prie le diable ». Quand on ne confesse pas Jésus Christ,
on confesse la mondanité du diable, la mondanité du démon.
Marcher, édifier-construire, confesser. Mais la chose n’est
pas si facile, parce que dans le fait de marcher, de construire, de
confesser, bien des fois il y a des secousses, il y a des mouvements
qui ne sont pas exactement des mouvements de la marche : ce
sont des mouvements qui nous tirent en arrière.
Cet Évangile poursuit avec
une situation spéciale. Le
même Pierre qui a confessé
Jésus Christ lui dit : Tu es
le Christ, le Fils du Dieu vivant. Je te suis, mais ne
parlons pas de Croix. Cela
n’a rien à voir. Je te suis
avec d’autres possibilités,
sans la Croix ; Quand nous
marchons sans la Croix,
quand nous édifions sans la
Croix et quand nous confessons un Christ sans Croix, nous ne
sommes pas disciples du Seigneur : nous sommes mondains, nous
sommes des Évêques, des Prêtres, des Cardinaux, des Papes, mais
pas des disciples du Seigneur.
Je voudrais que tous, après ces jours de grâce, nous ayons le
courage, vraiment le courage, de marcher en présence du Sei-
gneur, avec la Croix du Seigneur ; d’édifier l’Église sur le sang du
Seigneur, qui est versé sur la Croix ; et de confesser l’unique
gloire : le Christ crucifié. Et ainsi l’Église ira de l’avant.
Je souhaite à nous tous que l’Esprit Saint, par la prière de la
Vierge, notre Mère, nous accorde cette grâce : marcher, édifier,
confesser Jésus Christ crucifié. Qu’il en soit ainsi !
6
Quelques définitions
Le dictionnaire « Robert »
définit le mot croire de diffé-
rentes façons. Il précise que
« croire que » désigne une
conviction, une possibilité
généralement nuancée d’un
doute. Quand il parle de
« croire » tout court, il le
définit comme « tenir une
chose pour véritable ou tenir
quelqu’un pour sincère, véri-
dique ». La foi en Dieu, est
pour le même dictionnaire,
une adhésion profonde de
l’esprit et du cœur qui em-
porte la certitude. »
Dans son dictionnaire théo-
logique, le Père Bouyer défi-
nit la foi comme une vertu
surnaturelle qui nous fait ac-
cepter les vérités révélées
sur la parole de Dieu qui
nous les révèle.
Enfin le Catéchisme de l’Eglise
catholique (n° 26) définit la foi
comme une réponse de l’homme
à Dieu qui se révèle et se donne
à lui en apportant en même
temps une lumière surabondante
à l’homme en quête de sens
ultime.
En cette année de la foi, voici quelques réflexions sur la foi
Vie d’Eglise
Qu’estQu’estQu’est---ce doncce doncce donc
la FOI?la FOI?la FOI?
7
La foi est une grâce
La foi est davantage qu’une
simple croyance. Tous les dic-
tionnaires théologiques parlent
de la foi en soulignant qu’il y a
dans l’acte de foi quelque chose
de surnaturel, qu’il est une grâce.
Le Concile Vatican II dans la
Constitution dogmatique sur la
révélation l’explicite admirable-
ment en reprenant la doctrine
des conciles précédents (Concile
d’Orange et de Vatican I).
« Pour exister la foi requiert la
grâce prévenante et aidante de
Dieu ainsi que les secours inté-
rieurs du Saint-Esprit qui touche
le cœur et le tourne vers Dieu,
ouvre les yeux de l’esprit et
donne à tous la douceur de con-
sentir et de croire à la vérité. »
Ainsi le Concile ne fait qu’ex-
pliciter la doctrine évangélique :
« Nul ne vient à Moi, si le Père
ne l’attire » (Jn 6, 44). Et aussi :
« Ce n’est ni la chair, ni le sang
qui t’ont révélé cela, Pierre, mais
mon Père qui est dans les
cieux » (Mt 16,17).
Que la foi soit une grâce pour-
rait paraître désespérant si on
l’interprétait comme une procla-
mation de l’arbitraire de Dieu et
en plus pourrait engendrer une
indifférence paresseuse.
Il faut équilibrer cette affirma-
tion par une autre précision faite
au Concile de Trente (deuz :
794) : « Dieu appelle tous les
hommes à la foi et leur donne la
grâce suffisante pour y parvenir
quelque soit leur fonction dans
l’histoire ou l’espace et il de-
mande à tout homme de se prê-
ter aux inspirations de la grâce,
d’y consentir et de coopérer à sa
propre rédemption. »
La conversion de Paul Claudel,
le 25 décembre 1886 en la cathé-
drale N.D. de Paris illustre bien
ce que l’on vient de dire.
Paul Claudel témoigne ainsi de
cet événement. Etant incroyant et
commençant à écrire il se décida
à suivre les offices de Noël à la
cathédrale espérant que ceux-ci
lui donneront un excitant pour
écrire. « J’assistai avec un plaisir
médiocre à la Grand Messe et
n’ayant rien de mieux à faire, je
revins aux vêpres. J’étais moi-
même debout dans la foule, près
du deuxième pilier à l’entrée du
chœur, à droite du côté de la sa-
cristie. Et c’est alors que se pro-
duisit l’événement qui domine
toute ma vie. En un instant, mon
cœur fut touché et je crus. Je
crus d’une telle force d’adhésion,
d’un tel mouvement de tout mon
être, d’une conviction si puis-
sante, d’une telle certitude ne
laissant place à aucune espèce de
doute, que, depuis, tous les libres,
tous les raisonnements, tous les
8
hasards d’une vie agitée n’ont pu
ébranler ma foi, ni à vrai dire la
toucher.
En essayant, comme je l’ai fait
souvent, de reconstituer les mi-
nutes qui suivirent cet instant
extraordinaire, je retrouve les
éléments suivants qui ne for-
maient cependant qu’un seul
éclair (...) : Que les gens qui
croient sont heureux ! Si c’était
vrai pourtant ? C’est vrai ! Dieu
existe, il est là. C’est quelqu’un,
c’est un être aussi personnel que
moi. Il m’aime, Il m’appelle. Les
larmes et les sanglots étaient ve-
nus... » (Convertis du XXème
siècle, vol . II).
Oui, l’acte de foi, est bien sûr
un acte humain mais il est aussi
une grâce.
Le récit de Claudel en té-
moigne : il y eut d’abord le désir
éveillé par l’Esprit. « Que les
gens qui croient sont heureux ! »
Ensuite, il y a l’illumination qui
nous fait (perce-)voir la réalité :
« Dieu existe, c’est quelqu’un, Il
m’appelle, Il m’aime ».
Il y a finalement l’acte humain
d’adhésion où l’homme s’engage
sous la motion de l’Esprit : « Je
crus ».
La foi est une confiance
Si plusieurs dictionnaires
théologiques parlent, quand il
s’agit de la foi, « d’accepter des
vérités » (P. Bouyer) ou
« d’assentiment de l’intelligence à
des vérités » (Dictionnaire Spi-
rit.) en raison du témoignage de
Dieu. Il faut bien reconnaître que
ces définitions n’en n’explicitent
pas la réalité fondamentale.
Croire à ce que dit quel-
qu’un c’est toujours croire en
quelqu’un. C’est faire confiance à
une personne. Au creux de l’acte
de foi, il y a toujours cette di-
mension fondamentalement per-
sonnaliste.
Saint Thomas jadis, écri-
vait : « Tout croyant adhère
aux dires de quelqu’un. Ainsi,
ce qui apparait comme principal
et comme ayant, en quelque
sorte, valeur de fin en tout acte
de croyance, c’est la personne
à la parole de qui on donne son
adhésion. Quant aux détails des
vérités affirmées dans cette
volonté qu’on a d’adhérer à
quelqu’un, il se présente alors
comme secondaire ».
Croire, c’est finalement
accorder sa foi à quelqu’un.
L’acte de foi nous établit dans
une relation (de confiance)
avec Dieu. Il est de soi une re-
lation de personne à personne.
C’est pourquoi elle est insépa-
rable de l’amour.
Cet aspect de confiance a
été dénommé « foi subjective »
par opposition à la « foi dite ob-
jective ».
9
Foi subjective et foi objective
Cette foi confiance est sur-
tout soulignée et vécue par la
tradition protestante. Dans cer-
tains courants protestants, le pié-
tisme, les dogmes, les vérités de
foi n’ont presque plus aucune im-
portance. L’attitude personnelle
et intérieure envers Dieu est
l’élément le plus important et
presque exclusif.
Au contraire, les catholiques
et les orthodoxes insistent depuis
toujours sur les vérités de foi. Et
au fil du temps, le problème des
vérités à croire a pris le dessus
sur l’aspect personnel et subjectif
du croire. La réaction protestante
à ce développement a fait que
l’Eglise catholique a encore davan-
tage insisté sur cet aspect objectif
de la foi : la foi devient une adhé-
sion au Credo.
L’on comprend aisément que
l’insistance unilatérale sur l’un des
aspects au détriment de l’autre ne
peut que mener à une impasse.
La foi purement subjective
conduira à ce que la norme de la
foi devienne ce que je pense, mon
expérience personnelle. Mais la
foi purement objective ne suffit
pas non plus, si elle ne conduit
pas au contact personnel avec le
Christ, à l’intimité avec Lui.
La foi au sens complet du mot
est l’union des deux : croire de
manière personnelle dans une
relation (de confiance, person-
nelle au Dieu qui se révèle et se
donne en Jésus-Christ) et en
même temps avoir foi en l’Eglise
qui nous précise les données de
la foi. L’Eglise nous préserve ainsi
de réduire les réalités de foi et
nous maintient dans une perspec-
tive toujours plus large que
notre expérience subjective;
toujours limitée (cfr Cantala-
messa ; in Marie, p.58-60).
La foi, source de salut
La foi est donc une grâce de
l’Esprit « qui nous éclaire et, non
seulement, nous attire vers le
Christ mais nous unit à Lui. Dans l’Evangile, nous est dit
que celui qui croit en Jésus sera
sauvé. Cfr Jn 3 : « Comme Moïse
éleva le serpent au désert, ainsi
faut-il que soit élevé le Fils de
l’Homme, afin que tout homme
qui croit ait par Lui la vie éter-
nelle ».
Le salut, la vie éternelle, nous
n’avons pas à l’obtenir par nos
efforts et nos mérites. Elle est un
don gratuit. Saint Paul le répète à
l’envi dans ses Epîtres.
Ce salut, cette vie éternelle
que nous ne parvenons pas à
conquérir par nos propres
forces, nous est offert par le
Christ qui l’a « mérité » pour
nous.
La foi c’est dire oui, j’ac-
cueille ce don. C’est dire oui
avec mes lèvres, c’est dire oui
10
avec mon cœur, avec toute
l’aspiration profonde de mon
être, avec toute ma vie.
Je crois, j’ouvre mon cœur,
mon esprit, ma vie pour que la
Vie (éternelle) puisse y être re-
çue et vécue.
La foi est tout cela : mon
acquiescement et l’écoulement
en moi d’une vie qui vient de
Dieu. C’est une nouvelle nais-
sance. En ce sens la foi est
‘transformante’. Saint Thomas
écrivait : « L’humanité du Christ
dans sa passion est cause instru-
mentale de la justification et
cette cause nous est appliquée
spirituellement par la foi ».
La foi est le canal par lequel
les biens du salut nous sont
transmis (Gal 3 ;26 ; Eph 8,8),
elle nous unit au Christ.
La foi est une vie
La foi ne peut être limitée à
une simple adhésion de l’esprit...
C’est une vie nouvelle, une nou-
velle manière de vivre.
« Si elle ne produit pas des
œuvres, les bonnes œuvres,
notre foi est morte » écrit saint
Jacques.
Pour revenir à Claudel.
Nous savons qu’après l’événe-
ment vécu en la cathédrale de
Paris, à Noël 1886, la manière
de vivre de Claudel n’était pas
pour autant transformée.
Toutes ses manières de penser
et d’agir héritées d’un passé in-
croyant restaient encore bien
présentes en lui.
Il lui fallait ensuite les trans-
former à la lumière et sous l’im-
pulsion de ce qu’il avait reçu en la
cathédrale et qu’il exprimait en
disant : « Je crus ».
La foi conduit l’homme à la
conversion… jamais achevée. Au
sens plénier du mot, le croyant
est celui qui imprègne toujours
davantage son mode de penser,
de sentir, de vivre de cette vie
nouvelle.
Et la grâce de Dieu est à
l’œuvre pour amener l’homme à
une foi toujours plus totale, plus
pure et plus parfaite.
Conclusion
Oui, comme le disait Claudel,
« ils ont de la chance, heureux
sont-ils,ceux qui croient ». Ils ne
peuvent que remercier Dieu
pour ce don immense, le sauve-
garder, le nourrir et en vivre tou-
jours davantage et en témoigner
aussi longtemps qu’ils sont sur
cette terre car, comme l’écrivait
la Petite Thérèse, « nous n’avons
que cette vie ici-bas, pour vivre
de foi. »
Jean Simonart
11
D’emblée, il serait intéressant
voire impératif de noter déjà ici
que la vocation et la mission pri-
mordiale de l’Église est celle de
l’annonce de la Bonne Nouvelle
d’où, l’Évangélisation. C’est une
tâche que l’Eglise ne s’est pas sim-
plement arrogée mais c’est plutôt
la mission que Jésus-Christ lui-
même confia à la communauté
des hommes et des femmes qui
revendiqueraient leur apparte-
nance et leur attachement à Lui.
Très explicitement, Il déclare :
« Allez dans la monde entier, an-
noncer la Bonne Nouvelle ! » (cf.
Mc 16 :15) Cette fameuse mis-
sion est supposée être constante
et perpétuelle. Elle peut changer
de forme mais le fond restera
toujours le même : que Dieu
nous aime et que nous devons
nous aimer les uns les autres. (cf.
Jn 15 :9&17)
L’amour, tout le monde en a
besoin à tout moment de la vie,
surtout l’amour saint et incondi-
tionnel comme celui de Dieu
notre père. Malheureusement,
beaucoup d’entre nous aujourd’hui
donnent l’impression de tourner
le dos à ce message par nos ma-
nières de faire, d’agir et de vivre.
Notre fameux thème de la Nou-
velle Évangélisation « Europe :
Terre d’Évangélisation », ne serait
rien d’autre qu’un vivant (r)-appel
au premier continent Évangélisa-
teur de renouveler son amour en
renouant avec sa foi en Jésus-
Christ. En d’autre terme, c’est
inviter l’Europe à se rappeler, et à
re-témoigner de sa foi à l’exemple
d’un couple fidèle qui renouvelle
sans cesse son leitmotiv d’amour.
Selon les statistiques, ce n’est
qu’en Occident qu’on observe une
déclinaison nette de la pratique
religieuse chrétienne. « En 2010,
le nombre global de catholiques
dans le monde a atteint 1,2 mil-
liard. En 20 ans, l´augmentation a
été de 29%. L´Europe est le seul
continent à enregistrer une baisse
Evangélisation
« L’Europe : Terre
d’Evangélisation. »
Réflexion et Témoignage personnel
sur la question
de la Nouvelle Evangélisation.
12
de 1%. » . Alors, peut-on
déjà affirmer que le désa-
mour a commencé en Eu-
rope ? Peut-être que oui !
Peut être que non ; puisque
jusqu’aujourd’hui bon
nombre sont encore ceux
qui se réclament de cette
identité Catholique. Et le
langage à la mode qu’on
peut entendre aujourd’hui
de part et d’autre est donc
celui-ci : Je suis chrétien mais je
ne pratique pas. Alors, peut-on
dire vraiment qu’une foi peut se
vivre sans se pratiquer ? Sans ad-
hésion concrète et visible ? Com-
ment peut-elle être exprimée en
terme concret et vivant ?
D’une part, croire en Jésus-
Christ comme Messie du Dieu
d’amour, c’est être disposé à aller
vers l’autre comme Jésus lui-
même est venu vers les humains
en prenant la condition humaine.
En d’autre terme, la Nouvelle
Évangélisation serait donc cette
manière nouvelle d’aller vers
l’autre et on doit le faire, sur-
tout dans notre société ac-
tuelle où tout un chacun
cherche égoïstement à se réa-
liser ou bien à se suffire sans
l’autre, parfois même sans
celle ou celui qu’on aime. Etre
disciple du Christ (chrétien) c’est
en fait être avec les autres, et
c’est ce au nom de quoi l’Église
nous rassemble.
Par ailleurs, il y a cette com-
munauté des croyants car l’Église
doit être prise en son sens pro-
phétique et sacramentel du
terme comme le souhaite le
Concile du Vatican II, comment
peut-on envisager alors notre
appartenance au Christ sans ad-
hésion à l’ensemble de cette
communauté ? « L’Église comme
sacrement est à fois le signe et le
moyen de l’union intime avec
Dieu et de l’unité de tout le
genre humain. » (cf. LG, 1).
Cependant, la tentation serait
forte pour moi de dire tout de
suite qu’une foi qui ne se pratique
pas est une foi qui ne se vit pas,
et une foi qui ne se vit pas n’est
rien d’autre qu’une foi qui n’an-
nonce pas la Bonne Nouvelle,
parce qu’elle ne va pas vers
l’autre. La foi, c’est quelque chose
qui se partage ; et c’est dans ce
partage avec les autres qu’elle
grandit et s’affermit. Parler au-
jourd’hui de l’Europe comme
13
Terre d’Évangélisation,
c’est d’une part con-
fronter les défis et/ou
obstacles qui empêchent
que la foi chrétienne
grandisse, s’affermisse
en Europe, bref c’est
confronter tout ce qui
obstrue le chrétien
d’Europe d’aller vers
l’autre pour être en-
semble et parler de leur
commune et joyeuse
aventure vers le
Royaume de Dieu.
Il est évident que la
société dans laquelle
nous vivons a une em-
prise très forte sur les gens.
Cette société se révèlerait parfois
même un peu trop envahissante
et possessive. D’habitude, sous
l’effet de (masse) foule, beaucoup
de personnes se retrouvent sou-
vent embarquées dans des
barques sans aucune conviction
réelle et profonde et toute per-
sonne qui entend ne pas suivre
les mouvements de masse est
souvent considérée comme étant
en train de vouloir naviguer à
contre-courant ou bien en marge
de la société. Mais pourtant, navi-
guer à contre-courant n’est abso-
lument pas une chose insensée. Il
existe des valeurs incontestables
comme celles véhiculées par
l’Évangile, mais qui pourraient
quelques fois se voir submergées
et noyées par d’autres valeurs
éphémères.
Sans surprise donc, beaucoup de
choix chrétiens ont été très sou-
vent considérés comme étant en
décalage ou bien en marge de la
société. Lorsque les individus
sont tentés comme beaucoup
aujourd’hui de se barricader, de
s’isoler et chercher seul son che-
min, il revient à ceux et celles qui
se réclament chrétiens de mon-
trer le contraire en témoignant
du bien-fondé de la communion,
le « Être avec les autres. » Faire
ainsi ce serait sans doute aller à
contre-courant mais cela mérite
vraiment d’être fait. Les chrétiens
d’Europe doivent redécouvrir la
joie d’être ensemble comme
communauté des croyants. Un tel
14
choix demande vraiment du cou-
rage et surtout de la détermina-
tion. En somme, on pourrait affir-
mer que la nouvelle Évangélisa-
tion en Europe serait de faire le
choix de naviguer à contre-
courant de l’effet de la masse.
La question de la Nouvelle
Évangélisation est sans doute con-
frontée aux défis théologiques,
mais je trouve que dans le con-
texte européen, elle est beaucoup
plus d’ordre pastoral que théolo-
gique. Comme pour toucher du
doigt la réalité de l’Europe mais
aussi celle d’ailleurs, je me per-
mettrai d’affirmer que les réalités
sociales et culturelles sont d’une
influence non négligeable sur le
choix et le comportement des
personnes. Certaines pratiques et
idéologies actuelles sont sans
doute en train d’œuvrer contre
l’esprit de communion en créant
une fausse idée d’autosuffisance
démesurée ou bien d’une cer-
taine forme d’individualisme exu-
bérant. La Nouvelle Evangélisa-
tion devra répondre à la question
suivante : comment faut-il at-
teindre les hommes et les
femmes qui semblent donner
l’impression de ne plus avoir
(trop) besoin de quelque chose
ou bien peut-être même de quel-
qu’un ? Et pourtant, il est évident
pour beaucoup de personnes que
pour mieux vivre et bien s’épa-
nouir dans la vie, on a besoin les
uns des autres, on a besoin d’être
ensemble, et lorsqu’on se réunit
librement au nom de l’amour,
nous confessons que c’est Dieu
qui nous rassemble, puisqu’Il est
Lui-même Amour.
P. Jean-Djosir Djopkang
(smmm)
Étudiant KUL - Belgique
15
Prière
La vertu que Notre Seigneur récompense, la vertu qu’il
loue, c’est presque toujours la foi.
Quelquefois, il loue l’amour, comme dans Magdeleine (Lc
7,47) ; quelquefois l’humilité, mais ces exemples sont rares ;
c’est presque toujours la foi qui reçoit de lui récompense et
louanges… Pourquoi ? Sans doute parce que la foi est la ver-
tu, sinon la plus haute (la charité passe avant), du moins la
plus importante, car elle est le fondement de toutes les autres,
y compris la charité, et aussi parce qu’elle est la plus rare.
Avoir vraiment la foi, la foi qui inspire toutes les actions,
cette foi au surnaturel qui dépouille le monde de son masque
et montre Dieu en toutes choses ; qui fait disparaître toute
impossibilité ; qui fait que ces mots d’inquiétude, de péril, de
crainte, n’ont plus de sens ; qui fait marcher dans la vie avec
un calme, une paix, une joie profonde, comme un enfant à la
main de sa mère ; qui établit l’âme dans un détachement si
absolu de toutes les choses sensibles dont elle voit clairement
le néant et la puérilité ; qui donne une telle confiance dans la
prière, la confiance de l’enfant demandant une chose juste à
son père ; cette foi qui nous montre que, « hors faire ce qui est
agréable à Dieu, toute est mensonge » ; cette foi qui fait voir
tout sous un autre jour – les hommes comme des images de
Dieu – mon Dieu, donnez-la moi !
Bienheureux Charles de Foucauld
La foiLa foiLa foi
16
1 Lc 2,7. 2 Ct 8,1. 3 Jn 1,10b. 4 cfr Ac 10,38.
Comment se fait-il que tu aies voulu être un « plus pauvre parmi les
pauvres », un presque rien, une cellule, fragile comme un souffle ? Habiter
le corps d'une femme, devenir chair, inscrit dans la chair, corps embryon-
naire, gravé dans une filiation humaine, et recevoir dans ta fragilité la vie
des entrailles d'une mère. Et un nom. Et un visage.
Comment se fait-il que tu te sois soumis aux lois du temps qui fait
grandir ? Comment Celui qui est devient-il ? Le Donateur devient Don. De
qui se reçoit-il, Celui qui donne tout ?
“Et elle enfanta son fils premier-né. Elle l'emmaillota, et le coucha dans
une crèche,”1
Comme tu nous ressembles, petit ! Ou plutôt... comme nous te res-
semblons...!
« Que ne m'es-tu un frère, allaité aux seins de ma mère » 2! N'avons-nous
point goûté les mêmes angoisses, les mêmes fatigues, les mêmes souf-
frances, les mêmes joies ? Presque...
Comment se fait-il, par quel mystère, dans quelle folie es-tu devenu
chair ?...
« Il est venu dans le monde, mais le monde ne l’a pas reconnu »3. Il y a eu
le parfum de la myrrhe, l’or et l’encens, et des étrangers venus de loin
pour t’adorer, mais les tiens ? Les tiens, comment n’ont-ils pas deviné ?
Pourtant partout où tu passais, tu faisais le bien4. Saisi de compassion,
tu guérissais les corps et les âmes, ressuscitais les morts, chassant les dé-
mons et répandant ta Parole dans les cœurs et les vies. La Loi et les pro-
phètes : tout était en train de s'accomplir.
Spiritualité
Corps adorableCorps adorableCorps adorable
de Jésusde Jésusde Jésus
Le mystère de l'Incarnation
dans le tourbillon
des enjeux bioéthiques
17
Mais alors, ...le donateur de la Loi pouvait-il être soumis aux lois ?
Comment as-tu couru le risque de la vie, alors que ta mère aurait pu être
lapidée à cause de son « oui » ? Et puis devant l'autre, celui qui pensait
avoir autorité sur ta vie, pourquoi ne t'es-tu pas défendu, pourquoi n'as-
tu pas répondu que tu étais la Vie, et cette Vérité qu'il cherchait dans tes
yeux ?
« Sans un mot, sans un cri, l'Agneau s'est laissé lier »5...
Tu t'es laissé lier par l'amour d'abord, et “ayant aimé les (tiens) qui
étaient dans le monde, (tu) les (aimas) jusqu'à la fin”6.
Avec quelle tendresse tu leur as lavé les pieds, à ces pécheurs incons-
tants qui allaient cette nuit-même t'abandonner : comme une mère le
corps de son bébé...
Et comment se fait-il que tu aies ainsi livré ton corps, comme une
transplantation de cœur à chaque fois et pour chacun : prenez et mangez-
en tous...
Et comme si devenir un frère ne te suffisait pas, tu as voulu devenir
« un époux de sang »7 toi qui fais alliance dans ton Sang... et tu l'as versé,
dans un don sponsal, comme une transfusion d'amour et de vie dans nos
vies vidées : prenez et buvez-en tous...
Mais Celui qui s’est tout donné, « il est venu chez les siens, et les siens
ne l’ont pas reçu »8.
Comment se fait-il que tu choisisses cette humanité pour épouse,
avais-tu les yeux bandés ?
On te les a bandés, ces yeux qui ont vu naître l'univers, et ton corps
immaculé, on l'a roué d'une insatiable violence. Comme ces tout-petits à
qui on refuse la vie. Et ta tête, qui est d'or pur fut couverte d'une rosée
de sang9 mêlée de la sueur de l'agonie.
Et toi, Verbe incréé, tu n'as pas ouvert la bouche ! Oh si, tu l'as ou-
verte... mais pour crier vers Dieu au nom de cette humanité blessée,
pour lui donner ta mère, le paradis, et lui pardonner.... et tu as enfanté en
ton corps crucifié et par ta parole, celle née de ton côté transpercé,
comme Eve de la côte d'Adam. Chair de ma chair, os de mes os, elle sera
appelée Eglise, celle-là...
Et tu remis l'Esprit.
Et « le noble Joseph ayant descendu du bois ton corps immaculé, l'envelop-
pa d'un linceul bien blanc, avec des aromates, lui ayant rendu les derniers de-
5 Hymne du vendredi Saint. Liturgie de la Communauté des Béatitudes 6 Jn 13,1. 7 Ex 4,25. 8 Jn 1,11. 9Ct 5,2-3.
18
voirs, il le déposa dans un tombeau neuf »10. De quels soins t'a-t-il donc en-
touré...
Mais le shabbat commençant à luire, il n'a pas eu le temps de te laver.
Heureusement qu'il y a eu les larmes de la pécheresse, et le nard pur de
Marie. Ces femmes, elles t'avaient reconnu.
Tu as été jusqu'au bout, et au-delà.
Même dans l'extrême angoisse, tu n'as pas refusé l'agonie et la mort.
Quelle dignité que cette vie que personne n'a pu prendre, mais qui a été
donnée, livrée, jusque dans les bras de ce Joseph, qui, comme le charpen-
tier, t'a recueilli et porté.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là.
« Quels sont donc ces propos que vous échangez en marchant ? » Et ils
s'arrêtèrent, le visage sombre. « Tu es bien le seul habitant de Jérusalem à
ignorer ce qui y est arrivé ces jours-ci ! »11: Avortements, gender, lois contre
le droit naturel, relativisme, manipulations génétiques, expérimentations
sur les cellules souche embryonnaires, mariage pour tous, PMA, NMF,
euthanasies et autres violences de tout genre.
Alors il leur dit : « O cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce
qu'ont annoncé les Prophètes »!12. Ayez la paix en moi. « Dans le monde vous
aurez à souffrir. Mais gardez courage ! J'ai vaincu le monde. »13.
Le troisième jour, il ressuscita des morts…
Et en ton corps glorifié qui sent encore la myrrhe vierge, tu es monté
au Ciel, Jésus, tu t’es assis à la droite du Père.
Et puis, -oh ! Comment se fait-il?- tu as envoyé l'Esprit Saint pour que
désormais toute chair devienne «temple de l'Esprit » et qu'en Lui tout
homme enfin se reçoive, se donne, et se répande -ô mystère – comme la
bonne odeur du Christ, le parfum ineffable d’un amour autre, d’un autre
Christ parmi les siens...
« Et moi je serai avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps ».14
Joumana Khalil.
Communauté des Béatitudes
10 Hymne Byzantine. 11 Lc 24,17-18. 12 Lc 24,25. 13 Jn 16,33. 14Mt 28,20
19
Au terme de notre chemin
de carême, nous voici arrivé au
jour de Pâques. La résurrection !
La Vie plus forte que tout. Les
forces du mal et les souffrances
auraient bien voulu anéantir la
vie dans la mort. Mais non, oh
mort, où est ta victoire ? Certes,
le Vendredi Saint, la victoire de la
mort semblait bien réelle et pré-
sente … mais à présent, où est
cette victoire ? Si le mal rem-
porte un combat, il ne remporte
pas la guerre. Le combat final
c’est Dieu qui le remporte et
Dieu est toujours du côté du
bien et de la Vie. C’est Pâques !
Déjà dès le livre de la Ge-
nèse au chapitre 3 verset 15, cela
se trouve inscrit lorsque YHWH
s’adresse au serpent après la
‘chute’ : « Je mettrai une hostilité
entre toi et la femme, entre ton
lignage et le sien. Il t’écrasera la
tête, et tu l’atteindras au talon ».
Qui est la nouvelle Eve ? Ma-
rie. Qui trouve-t-on dans son
lignage ? Jésus.
Oui, Jésus au matin de
Pâques, par sa résurrection,
écrase le mal et sa conséquence
ultime qu’est la mort, à la tête, à
la racine. Certes, nous expéri-
mentons combien, si le mal est
vaincu, il en reste des traces bien
présentes au cœur de notre
monde et en nous-mêmes ; il
nous atteint au talon. Mais vaincu
une fois pour toutes, jamais il
n’aura le dernier mot. Nous
sommes invités à mettre notre
Temps Liturgique
Il estIl estIl est
Vivant ...Vivant ...Vivant ...
pour que l’on Vivepour que l’on Vivepour que l’on Vive
20
foi en un Dieu qui est Dieu de
Vie jusque-là, au-delà des appa-
rences de victoire du mal telles
qu’on peut parfois les consta-
ter. Exactement comme nous
sommes invités à mettre
notre foi en la résurrection
du Christ au-delà des appa-
rences trompeuses qui sem-
blent donner la victoire de la
guerre au mal et à la mort, sem-
blant être définitive, de Jésus sur
la croix !
Confiance et espérance
Quelle source de confiance
et d’espérance pour vous, pour
moi, pour notre monde, notre
société. La Vie plus forte que
tout ! Certes, ce n’est pas une
invitation à nous ‘laisser aller’ en
se disant que de toute façon
Dieu rattrapera tout cela ! Non,
n’oublions pas que la fête de
Pâques se vit après un carême
de 40 jours. Temps qui revient
chaque année et nous rappelle
combien le chrétien que nous
sommes est invité, conduit par
l’Esprit, à se laisser toujours
davantage convertir par le Sei-
gneur. Nous sommes donc,
avec nos richesses et pauvretés,
conviés à vivre tout notre che-
min de vie dans un incessant
mouvement de conversion nous
détournant, avec l’aide de Dieu,
du vieil homme afin de revêtir
l’homme nouveau. Mais revêtir
l’homme nouveau n’est-ce pas
aussi revêtir l’Homme nouveau
en la personne du Fils de Dieu
ressuscité. Le laisser nous re-
joindre et nous ‘habiller’ de sa
présence, n’est-ce pas le signe
du vêtement baptismal.
Se laisser habiller de la pré-
sence du ressuscité, c’est ce à
quoi seront invités les disciples
au soir de la résurrection, lors-
qu’ils sont rejoints par Jésus alors
qu’ils avaient verrouillés toutes
les portes par peur des juifs. Jn
20, 19 : « Jésus vint, il se tint au
milieu d’eux … ».
Ainsi le Ressuscité est celui
qui fait sauter les verrous de nos
peurs, il nous rejoint dans l’au-
jourd’hui de notre vie et le pre-
mier don qu’il nous accorde,
comme à ses disciples de
l’époque, c’est sa paix. Jn 20,
19 : « … et il leur dit : ‘la PAIX
soit avec vous’ ».
Cette paix, Jésus sait que
nous en avons un tel besoin au
cœur de ce que nous vivons dans
nos parcours de vies pas tou-
jours faciles, parfois stressants et
angoissants.
Comme pour les disciples de
l’époque, n’oublions jamais que si
Jésus ressuscité nous rejoint,
c’est toujours pour nous appor-
ter un surcroît de vie, c’est pour-
21
quoi au cœur de ce que l’on vit il
nous offre sa paix. Mais il fait
encore deux autres cadeaux à
ses disciples à ce moment-là : il
leur confie une mission. Jn 20,
21 : « Comme le Père m’a en-
voyé, à mon tour je vous en-
voie ». Le Ressuscité nous fait
donc sortir de nos enferme-
ments pour ‘aller vers’. Il leur
donne ensuite le nécessaire
pour accomplir cette mission :
« Ayant ainsi parlé il souffla sur
eux et leur dit ‘recevez l’Esprit-
Saint’ » Jn 20,22. Au baptême
et à la confirmation nous avons
non seulement reçu l’Esprit-
Saint mais en avons été mar-
qués, comme d’un don de Dieu
qui est présence et force en
vue de notre agir et mission de
chrétien.
Remarquons que la teneur
de la mission qui leur est con-
fiée est précisément de témoi-
gner de la miséricorde de Dieu
auprès de ceux qui sont englués
dans le péché, et de cette res-
ponsabilité d’offrir cette miséri-
corde : « ceux à qui vous re-
mettrez les péchés, ils leur se-
ront remis. Ceux à qui vous les
retiendrez, ils leur seront rete-
nus » Jn 20, 23.
Que tes œuvres sont
grandes, Seigneur, Dieu de l’uni-
vers. Et quel prix chaque être
humain a pour Toi ! « Qui donc
est l’homme pour que tu penses à
lui ; le fils d’un homme que tu en
prennes souci ? »
Jean-Marc de Terwangne
22
Les Suisses aiment pratiquer
la randonnée ou skier sur les
pentes des Alpes dans le beau
canton du Valais. Combien savent
-ils du drame qui se déroulait il y
a 1500 ans au fond de la vallée, à
son entrée, là où la montagne se
resserre et la rivière du Rhône
arrive juste à passer entre les
pentes rocheuses ? Juste là, sur
les prés qui s’ouvrent après le
passage difficile, les 6600
hommes d’une légion romaine,
avec à leur tête Maurice, secondé
par deux officiers, Exupère et
Candide, tous africains, tous
chrétiens, tous sont passés par le
fil de l’épée car ils ont refusé d’ab-
jurer leur foi au Christ.1 Dans sa
fureur, Maximilien ignore que son
geste sanctifie cette terre helvé-
tique au cœur de l’Europe, cette
terre maintenant gorgée de tant
de sang, d’un sang chrétien, venu
d’Afrique, du Haut Nil, de Thèbes.
La date exacte n’est pas connue,
mais c’est probablement après
l’Edit de persécution des chré-
tiens en 303 (il y a juste 1700
ans2). Ces valeureux guerriers
avaient-ils refusé de persécuter
d’autres chrétiens ou de sacrifier
aux dieux païens avant le combat,
l’on ne le sait exactement.
devenu saint européendevenu saint européendevenu saint européen
Hagiographie
Maurice :Maurice :Maurice :
martyr africainmartyr africainmartyr africain
1 Voir le récit de Saint Eucher, évêque de Lyon, vers 435, à lire : http://www.patristique.org/
Passion-des-martyrs-d-Agaune.html 2 http://www.abbaye1500.ch/
23
Ce qui est sûr c’est que, vers
370, Théodore, évêque d’Octo-
dure (aujourd’hui Martigny), a
institué le culte en l’honneur des
martyrs thébains. Le 22 sep-
tembre 515, un monastère fut
fondé à l’emplacement du mar-
tyre par Saint Sigismond, fils du
roi des burgondes. L’Abbé saint
Ambroise y édifia une basilique
contiguë au sanctuaire primitif.
L’on y inaugura pour la première
fois en Occident la « Laus pe-
rennis », la louange perpétuelle,
chantée sur le tombeau des
martyrs. Cela dura deux siècles.
Au IX siècle, les chanoines suc-
cèdent aux moines pour garder
le sanctuaire et accueillir les
nombreux pèlerins. Dès l’an
1128, ils adoptent la règle de
Saint Augustin, un autre saint
africain. Centre spirituel renom-
mé, l’Abbaye abrite une congré-
gation de chanoines réguliers de
Saint Augustin, active dans la litur-
gie, le ministère des paroisses,
l’enseignement et les missions. La
communauté compte actuelle-
ment 48 religieux. L’Abbaye abrite
un Trésor, un site archéologique
et d’inestimables archives, riches
de milliers de documents3. Fleu-
ron de l’Abbaye, le Collège de
Saint-Maurice accueille aujour-
d’hui près de 1000 étudiants qui
se préparent aux études universi-
taires par l’obtention d’un certifi-
cat de maturité. L’abbé y a rang
d’évêque. Cette charge est revê-
tue depuis 1999 par Monseigneur
Joseph Roduit qui écrit sur le site
de l’Abbaye : « Au compte du
temps qui passe, il y aura 547.875
jours, le 22 septembre 2015, que
notre Abbaye n’a jamais fermé ses
portes. Veilleur humble et fragile
dans un monde en continuelle
mutation, l’Abbaye de Saint-
Maurice est le témoin vivant et
vivace, à travers l’histoire, de la
vitalité, de l’actualité du message
chrétien ».4
Ce qui est particulier et qui
frappe lorsque l’on se penche sur
Saint Maurice et ses compagnons,
c’est le dramatique de cet événe-
ment, de cette foule de soldats
qui se laissent massacrer, comme
un troupeau d’agneaux que l’on
3http://www.abbaye-stmaurice.ch/abbaye.html 4 http://www.abbaye-stmaurice.ch/
24
égorge, sans un cri, cette déter-
mination à ne pas faiblir, ce cou-
rage et ce calme devant la fureur
et la rage d’un Empereur tout
puissant. Ce carnage impitoyable,
barbare, qui par vagues de déci-
mations laisse de plus en plus à
ceux qui attendent leur tour le
temps de l’épreuve, qui peut con-
duire à l’hésitation, la peur, le
recul. Mais c’est au contraire la
détermination qui se renforce,
l’exemple des premiers stimule
les derniers, rendant le romain
fou de rage. C’est long de tuer
plus de 6600 hommes et en
même temps cela se fait si vite.
Une légion d’hommes jeunes et
plein de vie, puis plus rien, le si-
lence… Folie et scandale de la
croix.
Et puis, pendant des siècles,
cette forêt de bois mort donne
tant de si beaux fruits.
Comment comprendre que
des soldats, armés, faits pour
combattre, blesser et tuer, en
quelques heures donnent pacifi-
quement leur vie ? Pouvaient-ils
imaginer lorsqu’ils quittaient leur
terre natale le sort qui les atten-
daient tous dans ce défilé helvé-
tique ? Il leur a d’abord fallu partir
de chez eux, quitter les leurs, se
lancer dans une longue marche,
tant de distance à parcourir, et
puis tout a basculé d’un coup.
C’est contre l’Empereur qu’ils
servent qu’il faut se rebeller, paci-
fiquement : abandonner l’Empire
et ses idoles pour le Paradis et ses
anges. Quelle leçon pour notre
monde d’aujourd’hui. Tous ces
légionnaires donnent leur vie sans
gloire ni récompense, dans un
anonymat parfait. Pas d’exaltation
de l’individu, seul le nom Maurice
est resté qui exhortait ses soldats
à résister vaillamment aux me-
naces de Maximilien et attendait
de mourir en dernier. Mais le sa-
crifice des 6600 autres n’a pas été
moindre. Ils ont partagé la même
foi, la même obéissance à l’appel
au dépassement et tous se sont
sacrifiés « d’un même cœur ».
L’ennemi n’est pas l’Empereur, la
montagne qui nous domine, mais
la vallée, le fond de notre cœur,
où se tapit la peur, la lâcheté, le
calcul, les aspirations humaines.
Nous aussi nous sommes appelés
à la longue marche de notre vie.
Nous aussi servons l’Empereur de
ce monde. Nous aussi devons
quitter les nôtres et toutes nos
certitudes, toutes les idoles,
quand l’appel de l’au delà se fait
25
entendre, un appel à nous dépas-
ser en abandonnant tout ce que
nous avons ici, sans avoir le temps
de dire au revoir aux nôtres, à
suivre le Christ, à le rejoindre, à
mourir à nous-mêmes, à livrer ce
combat de la vie, avec d’autres,
être une petite pierre dans l’édi-
fice chrétien, dans l’anonymat.
Saint Maurice est aujourd’hui
un lieu de mémoire de ce que la
Suisse mais aussi l’Europe doit à
l’Afrique. Car il y a dans la divine
Providence, le mystère de la fra-
ternité universelle. C’est par des
africains venus du Haut Nil que les
semences du christianisme sont
parvenues en Helvétie. Les histo-
riens ont toujours relevé combien
l’empire romain a été favorable
pour la dissémination du christia-
nisme, mais n’oublions pas que ce
fut pendant longtemps par le biais
des persécutions. Cette légion
thébaine, passée chez nous, en
serait repartie sans que rien ne se
passe, si la folie barbare n’avait pas
fait couler leur sang sur notre
terre. Et que se serait-il passé si
Maurice et ses compagnons
s’étaient dérobés à l’épreuve et
avaient apostasié ? Nous n’aurions
pas reçu, si tôt et pour si long-
temps, la connaissance et les fruits
de la Passion du Christ... Le bien-
heureux John Henry Newman n’a-
t-il pas relevé que « dès le début,
le sang des martyrs fut la se-
mence de l’Eglise »5.
Par le sacrifice de leurs vies,
ces chrétiens africains ont été
alors les porteurs d’une foi que
les missionnaires européens ont
bien plus tard disséminée en
Afrique. Les africains sont venus
les premiers en Europe et, en
martyrs, ils nous sont restés. Ils
nous reviennent aujourd’hui.
Dans tant de nos paroisses, nous
voyons de plus en plus le visage
de prêtres africains. Nous vou-
lons ici leur manifester toute
notre reconnaissance.
Saint Maurice est le saint pa-
tron des gardes suisses du Pape.
Il est le saint militaire par excel-
lence. Il est fêté le 22 septembre.
Représenté souvent avec une
lance, il apparaît comme un vrai
guerrier du Christ. Car c’est un
véritable combat spirituel qu’il a
accompli et dont il est sorti grand
vainqueur avec ses 6600 fantas-
sins !
Si, vous aussi, vous voulez
vous enrôler comme fantassin du
Christ, n’hésitez pas à prier Saint
Maurice !
William Frei
Ancien élève
du Collège Saint Maurice
5 Sermons paroissiaux, Paris, Cerf, t.2, 1993, « le martyre », p. 47-54
26
Ô Saint Maurice
valeureux officier de la légion thébaine,
tu n'as pas craint d'affronter la mort
plutôt que de renoncer à ta foi.
Tu as su conforter le courage
de tes compagnons d'arme,
qui t'ont suivi sur le chemin des martyrs.
Ecoute aujourd'hui notre prière
et daigne intercéder en notre faveur auprès
du Christ-Seigneur,
toi qui est le saint patron des fantassins :
Que le Christ nous fortifie afin que nous soyons
endurants dans les longues marches,
ardents au combats,
calmes et déterminés dans l'action.
Que le Christ nous éclaire afin que nous gardions
un cœur radieux avec les ennemis,
paisible face à la mort,
reconnaissant face au don de la vie,
toujours espérant et fidèle,
rempli de la joie de servir.
Amen
Prière du FantassinPrière du FantassinPrière du Fantassin
à Saint Mauriceà Saint Mauriceà Saint Maurice
27
1 Co 6, 12-20 : “Tout m'est
permis” ; mais tout n'est pas pro-
fitable. “Tout m'est permis” ;
mais je ne me laisserai, moi, do-
miner par rien.13 Les aliments
sont pour le ventre et le ventre
pour les aliments, et Dieu détrui-
ra ceux-ci comme celui-là. Mais
le corps n'est pas pour la fornica-
tion ; il est pour le Seigneur,
et le Seigneur pour le corps. 14 Et Dieu, qui a ressuscité le Sei-
gneur, nous ressuscitera, nous
aussi, par sa puissance. 15 Ne sa-
vez-vous pas que vos corps
sont des membres du
Christ ? Et j'irais prendre les
membres du Christ pour en faire
des membres de prostituée !
Jamais de la vie ! 16 Ou bien ne
savez-vous pas que celui qui s'unit
à la prostituée n'est avec elle
qu'un seul corps ? Car il est dit :
Les deux ne seront qu'une seule
chair. 17 Celui qui s'unit au Sei-
gneur, au contraire, n'est avec lui
qu'un seul esprit. 18 Fuyez la forni-
cation ! Tout péché que l'homme
peut commettre est extérieur à
son corps ; celui qui fornique,
lui, pèche contre son propre
corps. 19 Ou bien ne savez-
vous pas que votre corps
est un temple du Saint Es-
prit, qui est en vous et que
vous tenez de Dieu ? Et que
vous ne vous appartenez pas ? 20 Vous avez été bel et bien ache-
Spiritualité
Maison des familles :Maison des familles :Maison des familles :
une une une Maison Maison Maison « habitée habitée habitée ».
28
tés ! Glorifiez donc Dieu dans
votre corps. »
Les épitres adressées aux
membres de la communauté de
Corinthe sont très directes. Le
langage n’est pas feutré, surtout
quand Paul parle des relations
sexuelles et quand il parle de
rendre gloire à Dieu dans notre
corps. Le contexte culturel et
religieux explique cette rudesse
car les chrétiens étaient confron-
tés à la prostitution sacrée. Ils
étaient également confrontés à
un certain hédonisme ou à
une relativisation du corps
et de la sexualité :
« Jouissons de tous les
plaisirs du corps puisque
ce n’est pas lui que nous
emporterons dans la vie
éternelle ». Telle était la
mentalité de certains. Au
contraire, dira Paul ! Le
corps est un lieu incon-
tournable de l’action pour
Dieu ou de l’action de
Dieu : et la sexualité a des signifi-
cations à intégrer dans le plan de
salut. Les formules qui nous disent
ce qu’est le corps pour Paul n’en
ont que plus de valeur et de force
(v. 13.15.19). Paul cherche à mon-
trer que le corps n’est pas fait
pour ce qui est éphémère et sans
valeur, que le corps n’est pas fina-
lisé à de pures passions et à la
débauche. Non ! Le corps est
« ordonné » au Seigneur. Il a une
signification. Il a un poids histo-
rique. Il est finalisé à l’amour.
Au livre de la Genèse, il est
dit que l’homme est créé à
l’image et à la ressemblance de
Dieu. Homme et femme, il les
créa (Gn 2, 27). Lorsque l’on af-
firme dans la tradition judéo-
chrétienne que l’homme trans-
cende le monde animal et qu’en
lui nous avons une image de
Dieu, il convient de comprendre
deux choses : l’homme est le seul
à donner dans l’univers une telle
image de Dieu. Il a
une mission unique,
privilégiée, incompa-
rable à tout autre
être dans la création.
Cette image, c’est
l’homme ou la
femme dans leur
individualité. Mais
c’est aussi l’homme
et la femme : dans
leur union, dans
l’unité d’un couple.
Cette image et cette ressem-
blance se voient dans l’unité de la
personne individuelle, masculine
et féminine. Bien sûr, la diffé-
rence entre l’homme et l’animal
s’atteste dans sa capacité ré-
flexive qui lui permet de réfléchir
et de nommer les animaux, mais
aussi dans la manière dont sa
personne est à la fois « corps et
esprit » et se distingue ainsi du
29
milieu qui l’environne. Nous res-
semblons de près ou de loin aux
animaux qui nous entourent, mais
tous les phénomènes physiques,
psychiques de notre corps sont
qualifiés par le cœur et l’âme
propre à chaque personne. Le
manger et le boire, le sexué et le
sexuel suivent des règles biolo-
giques, mais ils sont transformés
dans l’unité personnelle : dans la
conscience et la liberté que
chaque être humain est. Nous ne
sommes pas que « nature », mais
aussi « culture ». Nous ne man-
geons pas seulement pour sur-
vivre, mais pour faire amitié et
pour accueillir autrui. Nous ne
sommes pas soumis uniquement
aux pulsions et à l’instinct, mais
nous aimons à travers la beauté
de la sexualité.
Paul va encore plus loin dans
son enseignement. Le corps est
pour lui un lieu éthique : Il est fait
pour aimer, pour glorifier Dieu,
pour faire le bien. Car
nous sommes libres
d’aimer comme Dieu
nous a aimés. Et nous
aimons toujours en
notre corps sexué.
Notre corps a acquis
un statut « nouveau »
par la venue du Christ
en notre chair. Le
Christ lui a donné un
statut particulier
puisque Dieu s’est fait homme.
L’incarnation inscrit une
« nouveauté » dans l’histoire des
hommes et de leurs relations
avec Dieu. Le corps humain de-
vient non seulement un lieu de
ressemblance mais de présence
divine. Le Christ habite le corps.
Nous sommes dans le corps du
Christ. Nous habitons en son
corps, par notre corps. Nous
sommes ses « membres ». Paul
nous l’indique de manière sobre
et brève : le corps n’est pas que
pour le plaisir ni pour l’éphé-
mère. Il est pour la résurrection
puisque le Christ nous a montré
le chemin en ressuscitant (« vous
avez été bel et bien rachetés »).
Déjà, de manière naturelle, nous
ressentons que la vie est en nos
corps : éveil, force, sexualité,
désirs, santé. Mais plus encore, la
vie éternelle est déjà là par la
puissance du ressuscité en notre
corps personnel.
30
En notre unité personnelle,
nous sommes « membres » du
Christ : nous agissons avec Lui,
par Lui, en Lui (v.15). Nous le
représentons en quelque sorte
dans l’univers créé, et dans l’his-
toire. Rappelons-nous ces divers
modes de la présence divine du
Christ auprès de nous. La per-
sonne de Jésus est à la fois pré-
sente au ciel (corps glorifié), sur
la terre (corps historique), dans
le pain et le vin (corps sacramen-
tel) mais aussi dans le corps que
nous sommes et que nous for-
mons (l’Eglise des baptisés). Ainsi
ce qui nous arrive en notre corps
personnel et dans la communau-
té familiale par exemple, touche
le corps du Christ et le con-
cerne. Avec raison, nous proté-
geons notre intimité par la pu-
deur, le respect, le souci de la
santé car nous savons que l’inti-
mité sexuée dit quelque chose de
nous-mêmes, mais elle dit
quelque chose aussi de notre
appartenance au Christ. Ce qui
est privé et intérieur, discrète-
ment, n’est pas en dehors du
Christ. Les décisions person-
nelles que nous prenons en
couple pour nous aimer, pour
nous ouvrir à la fécondité, pour
nous respecter et admirer dans
la différence sexuelle concerne le
corps du Christ.
D’où, chez Paul, l’argumenta-
tion forte de la prostituée : com-
ment et pourquoi s’unir par la
chair, sans amour, avec une
femme qui n’est pas la sienne et
pour ne pas aimer (v. 16) ? Alors
que nous sommes appelés à ai-
mer en notre corps ? Pour Paul,
c’est absurde et dangereux pour
l’identité de la personne. D’où la
question qui interpelle : quel
type d’union sexuelle, corpo-
relle, et donc spirituelle et ecclé-
siale voulons-nous et pouvons-
nous vivre : être unis au Christ
ou à une prostituée ? Le corps
est le lieu de l’intériorité : il dit
l’amour mutuel ou pas. Il dit
l’union au Christ ou pas. Car
l’horizon d’une telle réflexion est
le suivant : ils ne feront qu’une
seule chair (Gn 2,24). Ce rappel
de la Création et de la Genèse
est décisif : le projet de Dieu
vise une union et une unité pré-
cieuse entre l’homme et la
31
femme. L’acte conju-
gal est un lieu d’unité,
une preuve d’un
amour qui construit
et qui fait du bien.
L’acte conjugal est le
lieu d’une présence
particulière des
époux au Christ et d’une pré-
sence particulière du Christ aux
époux.
Il est gracieux non pas parce
qu’il est bien fait et posé par des
corps jeunes et beaux, mais parce
qu’il est le lieu d’une grâce, d’un
don, d’une vérité de l’amour. Sa
fécondité est large et dépasse le
nombre des enfants. L’amour est
ample et passe par la mise en
communion dans les corps et
aussi par l’abstention de l’union
des corps. Car les personnes ne
sont pas toujours prêtes à se
donner de cette manière, même
dans un couple. De fait, le critère
reste la liberté interpersonnelle
qui perçoit, qui désire communier
au Christ par le corps. On peut
s’aimer en s’unissant charnelle-
ment. On peut s’aimer en s’abste-
nant de s’unir charnellement
parce que cela ne convient pas ou
parce que, dirait Jean-Paul II, il
convient d’harmoniser le langage
du corps féminin, le langage du
corps masculin et les intentions
des époux.
Paul procède par interroga-
tion, comme pour
rappeler vigoureuse-
ment ce que savent
déjà les corinthiens :
ne savez-vous pas
(v.15.16.19) ? Bien
sûr, il y a des vérités
de l’amour qui sont
inscrites comme naturellement
dans les corps. Mais parfois, nous
les négligeons ou bien nous n’en
avons plus la même conscience
vive. Ainsi cette interrogation
pour aboutir à une merveil-
leuse et forte affirmation :
votre corps est un temple de
l’Esprit qui est en vous et que
vous tenez de Dieu (v.19).
Le vocabulaire peut déjà nous
surprendre et nous enseigner. Le
mot « temple » nous dit la valeur
attachée au corps personnel. Le
corps est une maison particu-
lière : habité par nous, mais aussi
habitée par Dieu. C’est l’Esprit,
qui discrètement, est le locataire
plein d’amour qui nous maintient
dans la vie de Dieu. Et cette mai-
son particulière est un lieu de
prière, d’offrande, de communion
entre l’homme et Dieu. Le
temple est le lieu où l’on honore
la présence d’un plus grand que
soi. Ainsi, nous aimons et nous
prions Dieu par notre corps, en
chacun de ses actes. Et les actes
qui engagent notre sexualité ont
une valeur particulière : ils sont
32
offrandes d’amour, vulnérabilité,
transparence, ouverture à l’autre
mais particulièrement à l’Autre
qu’est Dieu.
Nous pensons spontanément
que nous pouvons prier par notre
corps, en joignant les mains, en
nous mettant à genoux : les
gestes explicites d’une prière.
Mais tout en notre corps peut
être prière puisque toutes nos
actions de la vie ordinaire mani-
festent une présence de Dieu
dans l’histoire des hommes. Les
gestes de tendresse, les paroles
et les gestes qui sont liées à notre
sexualité, sont également des
lieux d’offrande, de prière, de
sanctification mutuelle. Il n’y a pas
un « no mans land » de l’absence
de Dieu dans ce qu’il y a de plus
beau, de plus intime, de plus signi-
ficatif pour nous du lien conjugal :
Dieu est présent également dans
cette intime union. Paul insiste
sur ce point : il y a des choses
extérieures qui n’atteignent pas
l’homme de la même manière que
ce qui touche la sexualité (v.18).
Mais ce qui nous lie au masculin,
au féminin, au conjugal de la pro-
messe du mariage, est un lieu où
nous disons « oui » ou « non »
au plan de Dieu. Ce n’est pas
extérieur à nous ou purement
superficiel. Le corps et la sexuali-
té, pour Paul qui traduit pour
nous le plan de Dieu, ne sont pas
des lieux « neutres » ou
« indifférents ». Ils sont toujours
des lieux d’engagements de
notre liberté.
Cette vision profonde et po-
sitive du corps comme « lieu
habité » nous indique une mis-
sion et une aptitude. Les couples,
dans l’union du mariage et dans
les actes qui engagent leur corps,
peuvent honorer Dieu, le glori-
fier, lui rendre grâce. Ce n’est
pas le couvent ou le monastère
ou l’église paroissiale, qui sont
les lieux les plus proches et les
plus immédiats pour se sancti-
fier : c’est la petite église qu’ils
forment ensemble en leur corps,
dans le respect de leurs diffé-
rences, quel que soit leur âge. Le
chemin de sanctification mutuelle
n’est pas très loin. Le plus
proche prochain d’un homme
marié, c’est sa femme, et réci-
proquement. Il y a là comme une
ouverture, un chemin, une piste
de lumière pour de nombreux
couples et familles.
Père Alain Mattheeuws, j.s.
33
On ne voit souvent en Pascal
que le mathématicien, ou le mo-
raliste ou le Janséniste. En vérité,
oui, Blaise Pascal a laissé diffé-
rents traités scientifiques, les
« Pensées » regorgent de consi-
dérations sur la condition hu-
maine, et les fameuses
« Provinciales » sont une dé-
fense d’un familier des Port-
Royal et des Jansénistes, Antoine
Arnauld, contre les attaques des
Jésuites. Mais cela ne donne
qu’une série d’affiches. De fait, la
science, la philosophie, la polé-
mique même, à quoi il faut ajou-
ter la dimension proprement
spirituelle, voire mystique, du
« Mémorial », sont diverses fa-
cettes de la personnalité de
Blaise. Pascal est tout cela. Il a
vécu la contention d’esprit
qu’exige au fils d’Etienne la décou-
verte des points de départ de la
géométrie d’Euclide. Il a ressenti
un premier ébranlement spirituel
au contact de deux fervents jansé-
nistes ; il a vécu le divertissement
qui l’éloignait de la « religion » ; il
a vraiment accompagné sa sœur
Jacqueline au couvent de Port-
Royal ; il a débordé de ferveur
religieuse tout est restant un re-
doutable argumentateur.
Pascal est parfaitement cons-
cient de l’état de la société de son
temps mais défend le Pouvoir
dans son principe de réalité. Pas-
cal est tout sauf un utopiste ni un
révolutionnaire, et pourtant il
reste intérieurement libre. Son
obéissance va à Dieu et à son
confesseur ; sa loyauté va aux
Témoins
BlaiseBlaiseBlaise
PascalPascalPascal
162316231623---166216621662
34
autorités légitimes. Mais les scru-
ter, chicaner sur le fondement de
leur légitimité est déjà une source
de troubles.
Pascal est fameux pour ces
traits de génie que sont le
« roseau pensant », le « silence
éternel des espaces infinis » ; il ne
l’est pas moins pour les longues
tirades qui rappellent Descartes
et ses ondoiements de pensée ; il
est indépassables dans sa théorie
de l’imagination : «partie déce-
vante dans l’homme, cette maî-
tresse d’erreur et de fausse-
té… » (Br. 82). Mais on est sou-
vent passé à côté de ce qui est le
noyau structurant de la philosophie
pascalienne : la théorie des trois
ordres.
Il y a trois ordres de choses :
les corps physiques, les esprits, la
charité : il y a l’inclination de
l’homme vers les choses maté-
rielles et charnelles ; puis son
goût pour les choses de l’intelli-
gence et pour la spéculation ra-
tionnelle ; il y a enfin le désir des
choses spirituelles, de
la religion. Voilà, en
quelque sorte le conte-
nu des trois ordres et
leur traduction en
terme de psychologie.
Mais il y a, plus formel-
lement pourrait-on
dire, que les corps et
l’esprit sont tout à la fois incom-
parables et qu’ils forment en-
semble le monde fini, infiniment
distant des choses divines. Et le
monde fini recèle à son tour les
deux infinis physiques de l’infini-
ment petit des particules subato-
miques et de l’infiniment grand
des galaxies inexplorables ; et, en
l’homme, les contraires de la mi-
sère sans Dieu et du bonheur avec
Dieu ; et en Dieu, les deux ex-
trêmes de son Abscondité et de
sa très visible Incarnation.
L’homme est comme l’abrégé
de ses divers infinis. Il n’est ni ange
ni bête, ni esprit pur ni purement
animal. Mais non seulement il est
l’un et l’autre : il a un corps char-
nel, il possède un esprit intelligent,
et il est doué d’une âme faite par
et pour Dieu. Mais par un Dieu
qui lui-même se fait chaire et nous
enseigne des choses qui donnent à
penser. Pascal se fait théologien,
exégète, lorsqu’il réfléchit sur les
Ecritures, la Loi et les Prophètes.
Il met son intelligence au service
de sa foi comme il mettra ses der-
35
nières forces au service des
pauvres.
La raison n’est donc jamais
écartée sous la pression de la
grâce. Pascal en fait un usage cri-
tique lorsqu’il s’agit des habitudes
humaines et du cours des opi-
nions ; il en fait un usage réglé
dans les choses de la science
(mathématique ou physique) ; il
en fait un usage d’obéissance dans
l’interprétation des Ecritures.
Seul l’orgueil et la présomption
méritent cette injonction cin-
glante : « Abêtissez-vous… », qui
s’attira les foudres mouillées de
Voltaire.
Il y a un bon usage de la rai-
son comme il y a un bon usage
des maladies… Et il y a des mi-
sères qui prouvent la grandeur :
« Ce sont misères de grand sei-
gneur, misères d’un roi dépossé-
dé. » (Br. 398) Fabuleux para-
doxes qui torturent la raison
sans jamais la congédier.
P
Philibert Secretan
36
Un ancien allait vendre
ses corbeilles.
Le démon l’ayant rencontré,
les fit disparaître.
L’ancien se mit en prière
et dit :
« Je te remercie, ô Dieu,
de m’avoir délivré
de la tentation. »
Le démon ne supportant
pas la philosophie
de l’ancien
se mit à crier et à dire :
« Voilà tes corbeilles,
mauvais vieillard ! »
L’ancien les prit
et les vendit.
Sentence des Pères du désert
37
Au nom d'une passion est un collectif sous la direction de Mme
Thérèse Nadeau-Lacour; les auteurs ont tenté de montrer com-
ment vie spirituelle et évangélisation sont la face et l'envers d'une
même pièce. L'évangélisation est spirituelle dès sa source, dans
son développement et dans ses fruits!
Après une première partie sur saint Paul, l'apôtre des nations, une
série de notices sur de grandes figures de sainteté (avec des états
de vie, des époques et des milieux différents) traversent les
siècles. On retrouve constamment les thèmes fondamentaux que
résume l'épilogue de l'ouvrage.
N'hésitez pas à faire connaître autour de vous la parution de cet
ouvrage tonique !
Vincent Siret
Recension
Au nom d'une passion
de Thérèse Nadeau-Lacour
Editions Artège,
288 pages, 24 €