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Sécurité et développement au Sahel-Sahara DÉCEMBRE 2013 Introduction Après les deux graves crises qui ont presque mis le Mali à genoux en janvier 2012, le pays se remet peu à peu des terribles conséquences de ces événements. En août 2013, des élections présidentielles réussies ont permis au Mali d'élire son nouveau président, M. Ibrahim Boubacar Keïta, et de mettre fin à un gouvernement transitionnel qui avait été mis en place pendant dix-huit mois à la suite du coup d'État de mars 2012. Si la violence s'est apaisée et l'espoir semble renaître, les causes structurelles du conflit malien sont toujours bien présentes et leurs conséquences se font encore ressentir chez les pays voisins qui souffrent des mêmes problèmes sous-jacents. La situation au Mali et dans d'autres États de la région a généré un intérêt renouvelé dans la zone sahélo- saharienne et dans les efforts visant à stabiliser cette zone. Cette situation a conduit l’International Peace Institute, le Secrétariat exécutif de la Stratégie de développement et de sécurité dans les zones sahélo-sahariennes du Niger (SDS Sahel Niger) et le Centre des stratégies pour la sécurité du Sahel Sahara (Centre 4S) à organiser un séminaire international sur la sécurité et le développement au Sahel-Sahara les 15 et 16 février 2013 à Niamey, au Niger. Le séminaire visait à permettre aux participants : • de comprendre ensemble et en profondeur la situation en constante évolution de la région sahélo-saharienne, dont les causes et les effets devien- nent de plus en plus transnationaux de par leur nature ; • d'évaluer les ripostes actuelles et prévues visant à résoudre la crise, et d'iden- tifier les moyens de les rendre plus efficaces ; • de développer une stratégie permettant aux acteurs internationaux de s'organiser afin de mieux soutenir les parties prenantes nationales et régionales dans leur recherche de solutions pérennes aux problèmes récurrents affectant cette région fragile ; et • de renforcer les connaissances et de partager l'expérience acquise par le Niger à travers le développement et la mise en œuvre initiale de sa Stratégie de développement et de sécurité dans les zones sahélo-sahariennes du Niger. La réunion a été inaugurée officiellement par M. Brigi Rafini, Premier ministre du Niger. Elle a rassemblé environ quatre-vingts participants, y compris M. Romano Prodi, l'envoyé spécial de l'ONU pour le Sahel, M. Pierre Buyoya, le haut représentant de l'Union africaine (UA) pour le Mali et le Sahel, et M. Said Djinnit, le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU pour l'Afrique de l'Ouest. D'autres participants incluaient des représentants du gouvernement du Niger ; des envoyés pour le Sahel de pays tels que la Norvège, l'Espagne et la Suisse ; des représentants de gouverne- Les 15 et 16 février 2013, l’Inter- national Peace Institute (IPI, Institut international pour la paix), le Secrétariat exécutif de la Stratégie de développement et de sécurité dans les zones sahélo-sahariennes du Niger (SDS Sahel Niger) et le Centre des stratégies pour la sécurité du Sahel Sahara (Centre 4S) ont organisé un séminaire international à Niamey, au Niger, axé sur la sécurité et le développement dans la région sahélo-saharienne. La réunion, inaugurée par M. Brigi Rafini, premier ministre du Niger, a rassemblé environ quatre-vingts participants, dont des représentants de haut niveau des Nations unies, de l'Union africaine, et de gouverne- ments nationaux et régionaux, ainsi que des représentants issus de partenaires intéressés, de pays donateurs, de la société civile et des médias. Cette synthèse de réunion résume les thèmes clés du séminaire et a été rédigée par Mireille Affa'a-Mindzie, chargée de recherche du pro - gramme Afrique à IPI. Elle a été traduite par Christiane Abel. La synthèse reflète l'interprétation du rapporteur et non pas nécessaire- ment les opinions de tous les partic- ipants. L'IPI reconnaît l’importante contribution de l'Organisation internationale de la francophonie, du gouvernement du Luxembourg et du gouvernement des Pays-Bas, ainsi que celle apportée par ses généreux donateurs sans l'appui desquels ce séminaire et cette publication n'auraient pas été possibles.

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Sécurité et développement auSahel-Sahara

DÉCEMBRE 2013

Introduction

Après les deux graves crises qui ont presque mis le Mali à genoux en janvier2012, le pays se remet peu à peu des terribles conséquences de ces événements.En août 2013, des élections présidentielles réussies ont permis au Mali d'élireson nouveau président, M. Ibrahim Boubacar Keïta, et de mettre fin à ungouvernement transitionnel qui avait été mis en place pendant dix-huit moisà la suite du coup d'État de mars 2012. Si la violence s'est apaisée et l'espoirsemble renaître, les causes structurelles du conflit malien sont toujours bienprésentes et leurs conséquences se font encore ressentir chez les pays voisinsqui souffrent des mêmes problèmes sous-jacents. La situation au Mali et dansd'autres États de la région a généré un intérêt renouvelé dans la zone sahélo-saharienne et dans les efforts visant à stabiliser cette zone. Cette situation aconduit l’International Peace Institute, le Secrétariat exécutif de la Stratégie dedéveloppement et de sécurité dans les zones sahélo-sahariennes du Niger (SDSSahel Niger) et le Centre des stratégies pour la sécurité du Sahel Sahara(Centre 4S) à organiser un séminaire international sur la sécurité et ledéveloppement au Sahel-Sahara les 15 et 16 février 2013 à Niamey, au Niger.Le séminaire visait à permettre aux participants : • de comprendre ensemble et en profondeur la situation en constante

évolution de la région sahélo-saharienne, dont les causes et les effets devien-nent de plus en plus transnationaux de par leur nature ;

• d'évaluer les ripostes actuelles et prévues visant à résoudre la crise, et d'iden-tifier les moyens de les rendre plus efficaces ;

• de développer une stratégie permettant aux acteurs internationaux des'organiser afin de mieux soutenir les parties prenantes nationales etrégionales dans leur recherche de solutions pérennes aux problèmesrécurrents affectant cette région fragile ; et

• de renforcer les connaissances et de partager l'expérience acquise par leNiger à travers le développement et la mise en œuvre initiale de sa Stratégiede développement et de sécurité dans les zones sahélo-sahariennes du Niger.

La réunion a été inaugurée officiellement par M. Brigi Rafini, Premierministre du Niger. Elle a rassemblé environ quatre-vingts participants, ycompris M. Romano Prodi, l'envoyé spécial de l'ONU pour le Sahel, M. PierreBuyoya, le haut représentant de l'Union africaine (UA) pour le Mali et leSahel, et M. Said Djinnit, le représentant spécial du secrétaire général del'ONU pour l'Afrique de l'Ouest. D'autres participants incluaient desreprésentants du gouvernement du Niger ; des envoyés pour le Sahel de paystels que la Norvège, l'Espagne et la Suisse ; des représentants de gouverne-

Les 15 et 16 février 2013, l’Inter -national Peace Institute (IPI, Institutinternational pour la paix), leSecrétariat exécutif de la Stratégiede développement et de sécuritédans les zones sahélo-sahariennesdu Niger (SDS Sahel Niger) et leCentre des stratégies pour lasécurité du Sahel Sahara (Centre4S) ont organisé un séminaireinternational à Niamey, au Niger, axésur la sécurité et le développementdans la région sahélo-saharienne. Laréunion, inaugurée par M. BrigiRafini, premier ministre du Niger, arassemblé environ quatre-vingtsparticipants, dont des représentantsde haut niveau des Nations unies, del'Union africaine, et de gouverne-ments nationaux et régionaux, ainsique des représentants issus departenaires intéressés, de paysdonateurs, de la société civile et desmédias.

Cette synthèse de réunion résumeles thèmes clés du séminaire et a étérédigée par Mireille Affa'a-Mindzie,chargée de recherche du pro -gramme Afrique à IPI. Elle a ététraduite par Christiane Abel. Lasynthèse reflète l'interprétation durapporteur et non pas nécessaire-ment les opinions de tous les partic-ipants. L'IPI reconnaît l’importantecontribution de l'Organisationinternationale de la francophonie, dugouvernement du Luxembourg etdu gouvernement des Pays-Bas,ainsi que celle apportée par sesgénéreux donateurs sans l'appuidesquels ce séminaire et cettepublication n'auraient pas étépossibles.

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2 SYNTHÈSE DE RÉUNION

ments de la région sahélo-saharienne et del'Afrique de l'Ouest ; des représentants de parte -naires intéressés et de pays donateurs ; deschercheurs et des analystes de la région et del'extérieur ; ainsi que des représentants de lasociété civile et des médias. Ce rapport résume les points clés tirés de laréunion, avec tout d'abord une présentation desprincipaux facteurs qui ont contribué auxproblèmes pluridimensionnels répandus dans larégion sahélo-saharienne. Ensuite, le rapportaborde les stratégies de réponses développées oumises en œuvre par les institutions aux niveauxinternational, régional et national. Puis, le rapportidentifie les mesures de politique clés visant àrésoudre la crise. Enfin, le rapport aborde uncertain nombre de défis en matière de coordina-tion et offre des suggestions sur la manière de lessurmonter.

Facteurs de la crise dans larégion sahélo-saharienne

La région du Sahel a été décrite comme un lieu deconflits qui explosent de manière épisodique à laplus petite des étincelles. Plusieurs facteursprofonds et multiformes, dont une mauvaisegouvernance, un népotisme rampant, une politiqued'impunité et une légitimité limitée du gouverne-ment, ont conduit à la dernière crise dans la régionet à l'effondrement temporaire de l'État malien en2012. Au Nord du Mali, la faiblesse de l'État et uneopposition croissante entre les autorités civiles etmilitaires ont contribué à l'abandon de ce territoirependant une longue période de temps, pour finale-ment aboutir à son occupation par les djihadistes etau coup d'État militaire de mars 2012 à Bamako. Deplus, le corporatisme tribal et ethnique, lesdivisions traditionnelles raciales et ethniques entreles Maliens noirs et les communautés touarègues,et l’absence de sens du service public ont aussi étécités parmi les facteurs sous-jacents de la crise. Au Mali et dans d'autres pays du Sahel, le sous-développement représente la cause profonde denombreux problèmes sécuritaires. La fragilitééconomique du pays, sa vulnérabilité socio-démographique, et un mauvais accès aux services

sociaux ont contribué à un grand nombre de griefsqui ont sous-tendu la rébellion dans le Nord duMali. Cette situation a été aggravée par lesproblèmes climatiques et géostratégiques menaçantla région. Les participants au séminaire ontsouligné la nécessité pour les autres pays de larégion, dont le Niger qui a développé une Stratégiede développement et de sécurité dans ses zonessahélo-sahariennes, de tirer les leçons de l'expéri-ence malienne. Les relations conflictuelles entre lesdirigeants élus et les populations ont été présentéescomme un autre sujet de préoccupation. Outre des défis liés à la pauvreté et au sous-développement, l’insécurité dans la région sahélo-saharienne a été alimentée par l'implantation degroupes islamistes radicaux et de la criminalitétransfrontière, laquelle a été facilitée par l’immen-sité des territoires, la porosité des frontières, ainsique la nature dysfonctionnelle et les capacitéslimitées des États de la région. Il a été observé quele Nord du Mali n'avait pas vraiment été administrépar le gouvernement central depuis une décennie,et que même lorsque cette région était contrôléepar le gouvernement, les trafiquants étaientcapables d'influencer les nominations des fonction-naires locaux. La circulation d'armes à la suite del'effondrement du régime libyen et l'emploi de cesarmes pour mener des activités criminelles, ycompris l'enlèvement lucratif d'otages étrangers,ont été utilisés pour déstabiliser les États de larégion. La transformation du Sahel en une voie detransit pour le trafic de drogue et en une zone où lapopulation, en particulier les jeunes, consomme deplus en plus de drogue, est une autre source depréoccupation. Les participants au séminaire ont noté l'impor-tance de reconnaître la responsabilité des Étatsconcernés dans la crise, dans la mesure où ces Etatsont laissé pendant toute une décennie des groupesterroristes s'installer et étendre leur influence,groupes qui ont fini par déstabiliser toute la régiondu Sahel. La responsabilité de la communautéinternationale a aussi fait l’objet de discussions. Parexemple, une partie des 700 millions de dollarsdépensés par le gouvernement américain pourlutter contre le terrorisme au Sahel a été affectée àl’entraînement de l'armée malienne1, y compris à la

1 Peter Tinti, « What Has the US Already Tried in Mali? », Christian Science Monitor, 20 novembre 2012, disponible àwww.csmonitor.com/World/Africa/2012/1120/What-has-the-US-already-tried-in-Mali .

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formation d'unités dans le Nord du pays qui ontensuite rejoint la rébellion pendant la crise. Lesparticipants au séminaire ont convenu que de telsefforts auraient pu être mieux coordonnés et queles ressources qui ont été investies dans cesprogrammes auraient pu être utilisées avec plusd'efficacité. Par ailleurs, le conflit a été lié à une dynamiquerégionale marquée par le rôle ambigu de l'Algérieau Sahel et par ses relations difficiles avec le Maroc.En dépit de sa position stratégique essentielle dansla région, l'Algérie s'est montrée réticente à utiliserson influence pour résoudre la crise. L'ambiguïté del'Algérie s'explique, entre autres, par des stratégiescontradictoires développées par divers centres dedécisions nationaux, par des luttes de pouvoir etdes dissensions au plus haut niveau de l'État, et pardes luttes visant à contrôler les ressourcesnationales en pétrole et en gaz naturel. De plus,l’histoire même de l'Algérie, à savoir la violenteguerre d'indépendance, l'annulation des électionsde 1991 gagnées par le Front islamique du salut(FIS), et la transformation en 2007 du Groupesalafiste pour la prédication et le combat, uneramification du FIS, en Al Qaïda au Maghrebislamique (AQMI), ainsi que ses relations partic-ulières avec les communautés touarègues de larégion, semblent avoir empêché ce pays nord-africain de s'impliquer dans la crise. L'Algérie a étécritiquée pour son adoption de la tactique du « pompier pyromane », illustrée aussi par l'ineffi-cacité du Comité d’état-major opérationnelconjoint (CEMOC) de la région sahélienne.Regroupant le Mali, le Niger et la Mauritanie enplus de l'Algérie, le CEMOC a été établi pour luttercontre la menace du terrorisme dans la région2.Pour certains participants au séminaire, lacomplexité de la situation sécuritaire au Sahelpourrait demeurer sans solution tant que l'Étatalgérien ne fait pas face à ses contradictionspolitiques internes. Mises à part les ambiguïtés algériennes, il est deplus en plus craint que la Libye ne soit au centred'une instabilité régionale croissante. Le gouverne-ment central semble incapable d'établir son

autorité sur les vastes territoires du Sud où denouvelles menaces sont en train de naître, à savoirle développement d'un sanctuaire djihadiste et unecrise potentielle entre les tribus Touboues etArabes. La proximité entre la Libye et le Darfourainsi que le Nord du Tchad, où vivent les Toubous,prédispose ce pays nord-africain à se retrouver aucœur du prochain conflit dans la région. Cettenouvelle crise pourrait présenter des risquessupplémentaires pour la région du Sahel, étantdonné les liens étroits entre la Libye et le Maghreb.

Stratégies internationales,régionales et nationales deréponse

Aucun pays du Sahel n'est capable de faire face à cesdéfis tout seul. Avec le soutien de la communautéinternationale, une combinaison d'efforts nation -aux et régionaux peut contribuer à mettre au pointune réponse crédible et pérenne face aux défisrécurrents en matière de sécurité et de développe-ment dans cette région chroniquement perturbée.Une telle stratégie exige une vision intégrée allantau-delà des analyses, des perspectives et desréactions actuelles. PROJET DE STRATÉGIE INTÉGRÉE DEL'ONU POUR LE SAHEL

La stratégie intégrée pour le Sahel proposée parl'ONU représente une réponse globale qui prend encompte le contexte actuel africain. Même s'il estimpossible de parler du Sahel sans aborder la criseau Mali, aucune solution pérenne au conflit malienn'est possible sans une riposte régionale général-isée. La préparation de la stratégie intégrée proposéepar l'ONU pour le Sahel a été rendue possible grâceà toute une série d'efforts internationaux3.Préoccupés par le terrorisme, les membres duConseil de sécurité ont convenu de la nécessité delutter ensemble contre cette nouvelle menace.L'intervention française, qui a contribué à résoudrerapidement la crise au Mali, a donné un élansupplémentaire à la lutte contre la menace terror-

SÉCURITÉ ET DÉVELOPPEMENT AU SAHEL-SAHARA 3

2 Bérangère Rouppert, « The European Strategy for the Sahel », Bruxelles : Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la Sécurité (GRIP), 2011, disponible àwww.culturaldiplomacy.org/academy/content/pdf/participant-papers/2012-01-eaac/The_European_strategy_for_the_Sahel_Berangere_Rouppert.pdf .

3 Romano Prodi, l’envoyé spécial de l’ONU pour le Sahel, a présenté une stratégie très attendue en juin 2013 dans l’annexe du Conseil de sécurité, Rapport duSecrétaire général sur la situation dans la région du Sahel, S/2013/354, 14 juin 2013, disponible à www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/s_2013_354.pdf .

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4 SYNTHÈSE DE RÉUNION

iste au Sahel. A l’avenir, ces efforts pourraient êtreexploités pour améliorer la coopération au Mali etdans la région. En effet, la crise a facilité les effortsconjoints des pays concernés qui ont promis lesressources financières et économiques nécessaires àl’appui du rétablissement dans la région. Les effortsd'intervention visant à compléter la coopérationrégionale et les ressources limitées disponibles auniveau de chaque pays à travers la stratégie intégréeont nécessité la création d'un fonds d'action pour leSahel. Après l'adoption de la stratégie intégréeproposée par l'ONU, il est essentiel d'évaluer lacontribution réelle des pays donateurs et desinstitutions au fonds proposé. Un mécanismesouple de coordination pour ce fonds doit êtreétabli afin de faire face à toute lourdeur bureaucra-tique éventuelle. Les participants ont noté que la stratégie del'ONU devrait considérer les problèmes de gouver-nance au Sahel comme une autre priorité. À cetégard et afin de garantir un succès minimum dansla résolution de ces défis, trois actions ont étéidentifiées : la participation des populations à ladéfinition et à la résolution des problèmes affectantleurs communautés, l’implication de la sociétécivile, et la coordination de l'action du gouverne-ment dans la région avec celle de l'ONU. La stratégie a de plus envisagé d’intervenir surquatre fronts différents : • promouvoir la sécurité et le développement ; • faire comprendre aux gouvernements l’urgence

qu’il y a à répondre aux besoins de leurs citoyens ; • garantir la responsabilité des pays concernés de

faire face à leurs diverses fonctions ; et• rappeler qu'aucun développement durable ou

réussi ne peut naître de l'isolation ou du manquede coopération.LA RÉPONSE DE L'UE

La crise au Sahel doit être comprise commeaffectant les deux côtés de la Méditerranée au-delàdu désert du Sahara. En dehors de son soutien auxacteurs nationaux et régionaux, l'Europe estconcernée par l'impact de la crise au Sahel sur sapropre sécurité, y compris des problèmes comme letrafic de drogue, l'immigration clandestine, le

terrorisme et la sécurité énergétique. Ces facteurssoulignent le besoin d'une réponse globale, et l'UEa adopté sa propre stratégie pour le Sahel4 quis’articule autour de quatre grands axes : • développement, bonne gouvernance et résolu-

tion des conflits internes ; • actions politiques et diplomatiques ; • sécurité et État de droit ; et • lutte contre l'extrémisme violent et la radicalisa-

tion. Si la réponse de l’UE ne visait à l'origine que leMali, le Niger et la Mauritanie, des projets supplé-mentaires ont été mis en œuvre au Burkina Faso etau Tchad. Après la mobilisation d'un budget initialde 150 millions d'euros pour la mise en œuvre de lastratégie, un budget supplémentaire de 600millions d'euros a été engagé pour la réalisation desobjectifs stratégiques. La stratégie de l'UE a identifié un certain nombred'objectifs qui ciblent les causes profondes de lacrise au Sahel. Ces conditions préalables pourl'amélioration de la stabilité, de la sécurité et dudéveloppement dans la région incluent la mise enplace de gouvernements légitimes qui soientreprésentatifs et inclusifs, le rétablissement del'autorité de l'État et du monopole de sa force surl’ensemble du territoire national, un systèmejudiciaire impartial et fonctionnel, et la réforme desforces de sécurité et de l'administration publique.De plus, il est essentiel de promouvoir une gestionpacifique des conflits et une coopérationtransfrontalière efficace dans les domaines de lapolice et de la justice. D'autres objectifs identifiésessayent de faciliter la participation efficace desacteurs nationaux et locaux aux processus de prisede décision, de garantir l’accès aux servicestechniques et sociaux essentiels, de développer etsoutenir le secteur privé, de garantir la sécuritépersonnelle des acteurs humanitaires et dudéveloppement, et de mobiliser des ressourcesnationales et extérieures suffisantes, ainsi que lescapacités adéquates visant à absorber cesressources. Au Niger, où le contexte était favorable à uneplanification intégrale, une stratégie nationale de

4 Service européen pour l’action extérieure, « Strategy for Security and Development in the Sahel », mars 2011, disponible àwww.eeas.europa.eu/africa/docs/sahel_strategy_en.pdf .

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sécurité et de développement a été préparée enconformité avec la stratégie de l'UE. La stratégienationale facilite la mobilisation des ressources, etplusieurs cadres ont été développés pour mainteniret renforcer la stabilité. Il en est ainsi d’EUCAPSahel Niger, un programme établi en vertu de laPolitique de sécurité et de défense commune del'UE en juillet 2012, à la demande du gouvernementnigérien. EUCAP Sahel Niger soutient les forces desécurité internes nigériennes dans leur lutte contrele terrorisme et le crime organisé. Le programmedispose d'un budget annuel de 8,7 millions d'euros5.RÉPONSES RÉGIONALES ET DÉFIS ENMATIÈRE DE COOPÉRATION

En décembre 2011, l'ONU et l'UA ont établi unemission conjointe d'évaluation qui s'est déplacéedans les pays du Sahel et a publié un rapport sur lesdéfis auxquels la région devait faire face à la suite dela crise libyenne6. En mars 2012, un grouped'experts s'est réuni à Addis-Abeba, en Éthiopie,pour tenter d'identifier et évaluer les risques enmatière de sécurité et de développement dans leSahel. Deux éléments en particulier ont été mis enexergue quant aux initiatives en matière de ripostesrégionales et internationales. Tout d'abord, la promotion d’un sens de l'appro-priation est nécessaire pour toute interventiondurable dans la région. L'UA, l'UE et l'ONUpeuvent fournir au Mali et au Sahel un grandnombre de ressources nécessaires pour faire face àla crise. Cependant, tant que ces pays ne se serontpas approprié les stratégies proposées, aucunrésultat tangible et pérenne ne pourra se fairesentir. Ensuite, une capacité efficace de détectionprécoce des conflits doit être développée dans larégion. Les participants au séminaire ont observéque plusieurs cadres de coopération susceptibles dejouer un rôle dans la prévention et la gestion descrises avaient été établis à travers l'Afrique del'Ouest et le Sahel. Cependant, leur efficacité auSahel s’est avérée limitée du fait que la régioncouvre plusieurs communautés économiquesrégionales africaines, dont la Communautééconomique des États de l’Afrique de l’Ouest(CEDEAO), l’Union du Maghreb arabe (UMA), la

Communauté économique des États de l’Afriquecentrale (CEEAC) et l’Autorité intergouvernemen-tale pour le développement (IGAD) dans la Cornede l’Afrique. Ces multiples groupements rendentdifficile la mise en œuvre de mécanismes deprévention des conflits à l'échelle de la région, ycompris au niveau des principaux pays du Sahel. De plus, en dépit de l’appui fourni par l’UA àl'intervention de la CEDEAO au Mali à travers sonarchitecture continentale de paix et de sécurité, cecadre s'est révélé insuffisant. Après le déploiementde l'opération Serval menée par la France au Mali,le sommet de l'UA organisé en janvier 2013 àAddis-Abeba en Éthiopie a donné aux dirigeantsafricains la possibilité de tirer les premières leçonsde l'intervention française. Les dirigeantsrégionaux ont considéré que cette interventionreprésentait une défaillance sérieuse dans la résolu-tion des problèmes africains bien après l'indépen-dance de la plupart des pays africains, et ils ontreconnu la nécessité d'une évolution de l'architec-ture de l'UA en matière de paix et de sécurité, et lebesoin pour le continent de s'équiper d'une forced'intervention rapide. Les problèmes de coopération persistent en dépitd’évolutions positives dans la région. Certainsauraient pu espérer une amélioration de lacoopération régionale après l'effondrement deMouammar Kadhafi en Libye et le coup d'Étatmilitaire contre le gouvernement corrompu de l'ex-président malien Amadou Toumani Touré.Certains auraient aussi pu penser que la Missioninternationale de soutien au Mali sous conduiteafricaine (MISMA) agirait comme un catalyseurpour la CEDEAO, dans un effort visant àsurmonter les problèmes de coopération enmatière de sécurité dans la région sahélo-sahari-enne. Cependant, le fossé entre les pays de laCEDEAO et leurs voisins au Nord et à l'Est duSahara reste évident dans la mesure où ni l'Algérie,ni la Mauritanie, ni la Libye n’ont participé à laMISMA. L'Algérie et la Mauritanie sont restéeslongtemps dans l’ambiguïté, probablement de peurqu'une intervention militaire ne renvoie lesmilitants islamistes dans leurs pays d'origine. De

SÉCURITÉ ET DÉVELOPPEMENT AU SAHEL-SAHARA 5

5 Service européen pour l’action extérieure, « Common Security and Defence Policy: The EUCAP SAHEL Niger Civilian Mission Factsheet », disponible àhttp://consilium.europa.eu/media/1960390/eucap_sahel_factsheet_en_-_april_2013_final.pdf .

6 Conseil de sécurité de l’ONU, Report of the Assessment Mission on the Impact of the Libyan Crisis on the Sahel Region, 7 to 23 December 2011, S/2012/42, 18 janvier2012, disponible à www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/Lybia%20S%202012%2042.pdf .

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plus, les deux pays ont semblé vouloir garder unecertaine marge de manœuvre dans l'espoir d'influ-encer ultérieurement de possibles négociations.L'Algérie se considère comme un contrepoids à uneinfluence plus importante de la France, et del'Europe en général, dans la région. En Mauritanie,des facteurs culturels et une certaine dynamiquepolitique ont conduit les décideurs politiques àprésenter l'intervention militaire au Mali commeune lutte de « soldats noirs » contre « des popula-tions blanches ». Par conséquent, certains observa-teurs ont conclu que les pays africains concernésont laissé passer une chance exceptionnelle derenforcer la coopération régionale dans la régionsahélo-saharienne. Mis à part les cas de l'Algérie et de la Mauritanie,la coopération entre les principaux pays du Saheln'a jamais été efficace, et un cadre sous-régionallimité à ce groupe, qui n'inclut pas le Tchad, leNigéria, la Libye ou d'autres acteurs régionaux clés,est considéré comme trop étroit pour toute initia-tive régionale pérenne. De plus, les dispositionsrégionales actuelles représentent des cadresincomplets. Ni la CEDEAO, ni la Communauté desÉtats sahélo-sahariens (CENSAD) ne semblentconstituer des modèles appropriés de coopération,dans la mesure où elles n'incluent pas l'Algérie.D'après certains participants au séminaire, lesinitiatives de coopération doivent provenir despays de la région eux-mêmes, avec l'approbation del'ONU. Cependant, dans la mesure où l'ONU nepeut que soutenir les capacités nationales etrégionales sans les remplacer, cette option ne seraitpas non plus le cadre le plus approprié. De ce fait,la question a été posée de savoir si l’UA ou uneautre entité du continent pouvaient fournir le cadrele plus adéquat pour le développement d'unestratégie régionale capable de répondre à la crisedans la région sahélo-saharienne d'une manièredurable. Dans le but de renforcer la coopération régionale,certains ont suggéré l'établissement d'un modèleoriginal de gestion des conflits afin d’atténuer lesgriefs et de résoudre les questions d'intérêt communde manière complète. Dans la région sahélo-sahari-enne, un cadre de consultation pourrait reproduire

des mécanismes de coopération existants tels que leForum de la Méditerranée occidentale, connu sousle nom de « Dialogue 5+5 », qui réunit des payssitués sur la partie occidentale du littoral méditer-ranéen. Lancé en octobre 1990, le Dialogue 5+5rassemble cinq pays européens, à savoir l'Espagne,la France, l'Italie, Malte et le Portugal, et cinq paysdu Maghreb, à savoir l'Algérie, la Libye, le Maroc, laMauritanie et la Tunisie. Un cadre de coopérationsimilaire regrouperait par exemple ces cinq pays duMaghreb avec le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, leNiger et le Sénégal au Sahel pour une collaborationen matière de développement économique et desaspects humains et culturels de la sécurité.RÉPONSES NATIONALES ET LOCALES

Dans un premier temps, les acteurs politiquesmaliens n'ont pas réussi à présenter un front uni àla communauté internationale. Néanmoins, unappui régional et international a provoqué un élanqui a fini par encourager les Maliens à afficher plusde solidarité. Une réponse nationale à la crise a étédéveloppée et le gouvernement a présenté, avecplusieurs mois de retard, une feuille de route détail-lant son plan de sortie de crise et les préparatifsenvisagés pour des élections présidentielles prévuespour la fin du mois de juillet7. Alors que la date del'élection divisait la population malienne, lacommunauté internationale a convenu que lasituation avait assez duré et qu'il était primordiald'organiser rapidement un retour à l’ordre consti-tutionnel après le coup d'État de mars 2012. D'autres pays sahéliens ont aussi développé desréponses nationales à la crise. Au Niger, la Stratégiede développement et de sécurité dans les zonessahélo-sahariennes du pays constitue une approchenovatrice de prévention des conflits qui donne unedynamique plus forte au développementéconomique, social et culturel8. La stratégie est axéesur cinq grandes priorités :• renforcement de la sécurité des personnes et des

biens ; • amélioration de l'accès des populations aux

opportunités économiques ; • accès des populations aux services sociaux de

base ;

6 SYNTHÈSE DE RÉUNION

7 Cabinet du Premier ministre de la République du Mali, « Feuille de route pour la transition », janvier 2013, disponible à http://donor-conference-mali.eu/sites/default/files/generated/pdf/page/2_Feuille%20de%Route%20Mali%20version%20finale%2026%janvier%202013.pdf .

8 République du Niger, « Stratégie de développement et de sécurité dans les zones sahélo-sahariennes du Niger », octobre 2011, disponible àhttp://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/sds_version_english.pdf .

Page 7: Sécurité et développement au Sahel-Sahara e-pub-Sec-Dev...Sécurité et développement au Sahel-Sahara DÉCEMBRE 2013 Introduction Après les deux graves crises qui ont presque

• renforcement de la gouvernance locale ; et• garantie de l'intégration sociale et économique

des rapatriés forcés de Libye, de Côte d'Ivoire, duNigéria et d'Algérie.

De plus, le Parlement nigérien a demandé augouvernement de prendre les mesures nécessairesafin de garantir la sécurité des frontières, et il aautorisé la contribution de troupes nigériennes àl’AFISMA en conformité avec la constitution.D’autres initiatives envisagées au moment duséminaire comprenaient :• la création d’un réseau de parlementaires pour la

prévention et la gestion des conflits, égalementsusceptible de servir de forum de réflexion ;

• la formation de membres du Parlement sur lesquestions de démocratie, de justice sociale et debonne gouvernance, et l'implication de la popula-tion dans la gestion des questions de sécurité ; et

• la promotion d'une plus grande supervision dugouvernement par le Parlement.

En dépit de ces initiatives, les acteurs nationauxau Niger demeurent conscients qu'une paix durablenécessite la mise en œuvre de stratégies à longterme.

La voie vers la sécurité et ledéveloppement durabledans la région sahélo-saharienne

Les efforts passés visant à faire avancer la sécurité etle développement au Sahel se sont avérés limités carces initiatives ne plaçaient pas les populations aucœur de la problématique. Selon un participant auséminaire de Niamey, ces efforts ressemblaient à « la construction d'un hôpital dans lequel aucunpatient ne serait traité ». De ce fait, une réponseefficace à la crise au Sahel devrait être déterminéeaprès un examen détaillé des faits, et qui ne selimiterait pas à des approches superficielles.RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DESÉTATS PAR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE LOCALE

Au Mali, l'absence d'un État fort doit être corrigée,en particulier dans les régions frontalières oùfurent affectés de nombreux fonctionnaires qui sesont avérés pour la plupart inefficaces. De plus, les

questions de capacité doivent être réglées. Lesparticipants au séminaire ont souligné la nécessited’envisager une nouvelle forme de gouvernance,capable de prendre en compte les réalités locales, enparticulier la diversité des identités, négligée aumoment de l'indépendance. L’amélioration de lagouvernance locale et de la décentralisation a étéprésentée comme une option essentielle visant àrenforcer la capacité de l'État. Une fondation solideau niveau local, nécessitant des ressourcesadéquates pour accompagner la dévolution despouvoirs vers les autorités et les communautéslocales, doit soutenir un nouvel édifice démocra-tique et contribuer à corriger les défaillances del'administration dans les zones négligées. Lesfamilles et les communautés peuvent agir en tantque sources de prévention et de gestion des conflits,à condition que les décideurs politiques se concen-trent au niveau local et facilitent le rétablissementdes liens avec les territoires déconnectés. D'autresacteurs travaillant sur la crise au Mali et au Sahelont été encouragés à « réfléchir globalement, mais àagir localement ». De nouvelles stratégies visant à renforcer lagouvernance locale peuvent tirer parti du processusde décentralisation déjà mis en place dans les paysde la région sahélo-saharienne. Au Mali, ceprocessus a été lancé au début des années 1990,avec l'ambition d'enraciner la démocratie et depromouvoir le développement durable. Uneévaluation du processus de décentralisation, renduopérationnel en 1999, a souligné à la fois desréussites importantes mais aussi des faiblessespersistantes. À Goundam, une municipalité dans larégion de Tombouctou, un comité pour la préven-tion et la gestion de conflits a été établi et, pendantla crise, les dirigeants locaux sont restés desréférents utiles pour leurs électeurs. D'autres initia-tives prises par certains élus locaux, y compris enmatière de promotion de la participation desfemmes, d'éducation et de soins de santé, ontfacilité l'émergence de jeunes dirigeants éclairés quisont perçus comme étant plus proches de lapopulation, moins corrompus et plus crédibles. Cependant, les résultats de ces initiativesdemeurent insuffisants. Les communautés localessont toujours loin de contrôler leurs programmesde développement. Avec un transfert seulementpartiel des compétences et des ressources, cescollectivités ne sont pas en mesure de répondre aux

SÉCURITÉ ET DÉVELOPPEMENT AU SAHEL-SAHARA 7

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besoins de leurs populations. Les ressourceslimitées disponibles sont affectées principalementaux services sociaux de base et ne sont querarement allouées aux initiatives de développe-ment. Ces faiblesses expliquent en partie la crisequi a sévi au Nord du Mali et témoignent del'urgence d'accélérer la mise en œuvre du processusde décentralisation. Les participants au séminaireont réitéré le fait que la gouvernance locale, baséesur des programmes de développement intégré etadapté aux spécificités locales, doit faire partieintégrante d’une réponse à la crise au Sahel. La gouvernance locale en elle-même ne peutcependant pas garantir l'efficacité des pratiques degouvernance. Des cadres supplémentaires doiventêtre mis en place afin d’assurer la légitimité et lapluralité par des élections libres, transparentes etdémocratiques. La participation aux élections doitêtre améliorée et les communautés localesbénéficieraient de l'implication de toutes lescatégories sociales, y compris les femmes et lesjeunes. Des cadres de gouvernance doivent aussiêtre établis et renforcés afin de promouvoir uneculture de transparence. Si les capacités de l'Étatdoivent être renforcées, le but ne doit pas êtresimplement de lancer plus d’initiatives mais biend'améliorer la situation. Cet objectif peut êtreatteint par la valorisation de l'éducation citoyenneet l'établissement d’un dialogue entre les dirigeantsélus et leurs communautés, avec les acteurs de lasociété civile, et entre les collectivités. De plus, lesparticipants ont identifié comme autres élémentsimportants d’une réponse à la crise, une meilleureparticipation des citoyens dans la définition et lamise en œuvre de stratégies de développement,dans les débats nationaux sur les questions desécurité, ainsi que dans les efforts visant à favoriserla réconciliation et la cohésion sociale entre lescommunautés. En outre, de meilleures relationsavec les partenaires techniques et financiersdoivent conduire à l'implication des acteurs locauxdans la définition des programmes, et les capacitésde ces acteurs doivent être renforcées dans lesdomaines concernant l’accès aux services sociaux etle développement économique. Les participants au séminaire ont aussi soulignéla nécessité d'une mise en œuvre prudente des

politiques de décentralisation. Dans un payscomme le Niger, où les ressources en minerais sontaisément disponibles, la décentralisation pourraitavoir un impact bénéfique sur l'équilibre desrelations entre le centre et la périphérie.Cependant, dans le cas du Mali, les participants auséminaire ont observé que les régions déjà dotéesde ressources considérables continueraient d’êtrepénalisées par de mauvaises politiques dedécentralisation. Dans ce cas, l'élément le plusimportant d'une politique de décentralisationefficace doit être le lien entre les ressources localeset leur utilisation par l'État. LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

Les participants au séminaire de Niamey ont aussidiscuté de la nécessité de résoudre le problème de lapauvreté et les défis en matière de développementface à la crise dans la région. D'un point de vueéconomique, le séminaire a également abordé laquestion d'un partage équitable des produits de lacroissance économique. Les réponses aux élémentsde la crise liés à la pauvreté dans le Nord du Malidoivent prendre en compte les trois faits suivants : • le financement du terrorisme provient plus des

prises d'otages que du trafic de drogue : en 2011,la rançon moyenne payée aux groupes terroristespar les pays occidentaux était estimée à 5,4millions de dollars par otage et AQMI a déclaréavoir gagné 90 millions de dollars au cours de ladernière décennie grâce aux enlèvementsd'Occidentaux9.

• La priorité doit être accordée à une croissancesignificative où la productivité, le savoir-faire etles profits sont encouragés, et non pas à un retourà l'artisanat et à l'écotourisme.

• Au-delà du concept d'un âge d'or de dialogueentre les religions, le salafisme et le djihadismedoivent être dissouts dans des politiques visant àassurer la prospérité des populations.

De ce fait, des stratégies possibles de développe-ment dans la région incluent la mise en faillite et ledémantèlement de l'entreprise AQMI, ce quisignifie que les militants doivent être pris en chargesur les plans idéologique et matériel, avec laproposition d'un modèle économique ambitieux.Les éléments de telles stratégies peuvent inclure la

8 SYNTHÈSE DE RÉUNION

9 « Hostage-taking – Trading Places: An Uncoordinated Approach to Kidnapping », The Economist, 16 mars 2013, disponible à www.economist.com/news/international/21573608-unco-ordinated-approach-kidnapping-trading-places .

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création d'emplois pour les jeunes dans le secteurdes services, le développement d'un plan desécurité alimentaire agricole inclusif, et la résolu-tion du problème d'intégration régionale auMaghreb. Le renforcement du secteur privé a aussiété considéré comme critique dans la créationd'une fondation économique et sociale viable etl'atténuation des pressions subies par l'État. Lacréation d'entreprises pourrait contribuer àgarantir la fourniture de services sociaux de basesur l’ensemble des territoires nationaux, encour-ager la création d'emplois et promouvoir desapproches du développement durable soucieusesdes spécificités locales. Dans un contexte où il estessentiel que la politique régisse l'économie et nonpas le contraire, la réalité de la libre circulation despersonnes et des marchandises dans la région de laCEDEAO a été considérée comme un avantage àexploiter. Des discussions ultérieures ont souligné l'absencede conceptualisation du développement dans larégion. Les approches actuelles du développementau Sahel ont souvent cherché à traiter avec les chefsde tribus au lieu d'impliquer directement lescommunautés. Tandis que des ressourcesimportantes ont été investies dans ces efforts, lesrésultats constatés sur le terrain sont limités. Lesmêmes problèmes se répètent partout dans larégion au Mali, mais aussi en Algérie, enMauritanie, au Niger et au Sénégal. Parconséquent, des stratégies de développementmodifiées et coordonnées doivent donner auxpopulations locales la possibilité de comprendrepar elles-mêmes le concept de développement etses priorités. Par exemple, certains participants auséminaire ont remarqué qu'une activité telle quel'agriculture n'avait pas été incluse dans les planséconomiques nationaux. Les participants ontsouligné l'importance pour les pays de la régiond’activer tous les leviers susceptibles de contribuerà la multiplication de leurs ressources limitées. Deplus, du fait que certains des problèmes présentsdans le Nord du Mali se retrouvent aussi au Norddu Niger, les participants ont discuté de l'impor-tance de programmes de développements transver-saux. Le séminaire a recommandé à la SDS SahelNiger de tenir compte de l'expérience du Mali, oùdes problèmes de développement persistants ontété identifiés parmi les causes des rébellionstouarègues successives.

Des questions supplémentaires ont touché auxleçons apprises à travers la région. Les participantsau séminaire ont noté que les injustices, plus que lesous-développement, ont conduit aux inégalités etaux crises, et ils ont souligné le besoin dedévelopper et de mettre en œuvre des politiquescapables d’encourager une gouvernance éthique.Les débats se sont aussi focalisés sur l'importancede la responsabilisation et la lutte contre l'impunité,en particulier dans les cas de dégradation de l'envi-ronnement dans les zones d'exploitation minière.Les participants ont également souligné la nécessitéde répondre aux crises humanitaires récurrentesdans la région. Ils ont reconnu qu’il est souventplus facile d’obtenir des financements pour desactivités humanitaires que pour des projets dedéveloppement. De ce fait, la résilience desménages et des communautés doit être renforcéeafin d’assurer une solidité à long terme et pouvoiranticiper des crises futures. RÉPONSES AUX PROBLÈMES DESÉCURITÉ

Une des priorités consiste à affaiblir les diversesactivités criminelles qui menacent la stabilité auSahel. Les participants au séminaire ont rappeléque le paiement de rançons constitue la principalesource de financement du terrorisme dans la régionet ils ont dénoncé les sommes considérables payéespar un certain nombre de pays européens pour lalibération de leurs citoyens. Ils ont réitéré leurappel à ne pas payer de rançons aux groupes deterroristes en échange d’otages. Les efforts de luttecontre le terrorisme et d'éradication de ce fléaudoivent inclure l'assèchement des ressources desgroupes islamistes. De plus, ces efforts doiventaborder les problèmes de chômage et de corrup-tion. Cependant, pour certains participants,l'allégement de la pauvreté ne doit pas être lapriorité en matière de terrorisme, et la lutte contrele terrorisme doit rester avant tout un défi sécuri-taire, avant la prise en compte des aspects duproblème liés au développement. Pour améliorer la sécurité régionale, les partici-pants au séminaire ont recommandé la mise enœuvre de programmes de désarmement etl'harmonisation par les pays de la région de leursréglementations nationales sur le contrôle de lacirculation des armes. Un meilleur accès à, et lecontrôle de, l’ensemble de leur territoire par lesgouvernements, ainsi que des efforts plus

SÉCURITÉ ET DÉVELOPPEMENT AU SAHEL-SAHARA 9

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ambitieux visant à résoudre les différends territo-riaux dans la région, sont nécessaires pour garantirla stabilité territoriale et soutenir des efforts dedéveloppement cohérents. Quant à l'augmentationdu trafic de drogue, les participants au séminaireont demandé aux pays touchés de renforcer leurcoopération afin de développer une riposte globaleface à cette menace émergente. S’agissant de la situation au Mali, les participantsau séminaire ont demandé aux pays voisins et à lacommunauté internationale d'aider les Maliens àfaire face à la crise de manière pacifique et de faireen sorte que des situations similaires ne sereproduisent pas dans la région. Les participantsont rappelé que la crise au Mali avait été précédéede signaux très clairs. Cependant, ces indicateursont été ignorés et cette négligence a conduit à uneréponse initiale trop faible. Les participants auséminaire de Niamey ont réitéré que la crise auSahel illustre les limites des mécanismes d'alerteprécoce dans la région et la sous-utilisation desmécanismes de prévention de conflits existants.Aux niveaux régional et national, de plus amplesrecherches sont nécessaires pour anticiper etprévenir les conflits. À cet égard, le séminaire a souligné le fossé quisépare les sphères scientifiques des milieuxpolitiques dans la région, ainsi que la marginalisa-tion des intellectuels africains et des expertsnationaux lors des tentatives d'identification desolutions à la crise récente. Les participants ontconvenu que de plus amples recherches et analysesdoivent être développées pour être utilisées dematière adéquate par les décideurs politiques. Detels efforts peuvent être renforcés par le soutien etl'établissement de réseaux entre les institutions derecherche et les think tanks dans la région sahélo-saharienne. D'autres stratégies de prévention desconflits pourraient inclure un meilleur renforce-ment des capacités nationales afin de faciliter laparticipation des citoyens au débat sur lesquestions sécuritaires et la responsabilité dugouvernement en matière de défense et de sécurité. La crise au Mali constitue la dernière manifesta-tion d'un cycle récurrent d'insécurité au Sahel. Bienque chaque situation soit différente et doive êtrereplacée dans son contexte, il est à craindre que laguerre au Mali n'en soit qu'à ses premiers stades,avec le risque d'une transformation du conflit enune guerre asymétrique à laquelle il serait difficile

de mettre fin. Cette analyse est d'autant plusvraisemblable que les problèmes qui ont conduit àla crise au Mali sont similaires à ceux plus ou moinslatents dans l’ensemble du Sahel, de la Mauritanie àla Somalie. De ce fait, la nature transnationale de lasécurité dans la région et les risques de blocageposés par les tentatives de résolution de la criseuniquement à un niveau national ont mis enexergue le besoin d'une approche globale capablede prendre en compte les mécanismes de coordina-tion existants.RENFORCEMENT DE LA COHÉSIONSOCIALE

Les participants au séminaire de Niamey ontremarqué qu'une approche focalisée sur la sécurité,ainsi que le développement social et économiquene permettra pas nécessairement de résoudre lesconflits d'identité religieuse au Mali et au Sahel.L'histoire de l'Afrique de l'Ouest est riche d’exem-ples d’empires et de royaumes qui ont connu desproblèmes d'identité, d’ethnie ou de religion.Cependant, les tensions raciales actuelles entre lespopulations noires, les Touaregs et les Arabespeuvent constituer un obstacle à toute résolutiondurable de la crise au Mali. Des valeurs anciennestelles que la solidarité, la tolérance et un certainsens de l'engagement, qui ont lié ensemble lesdiverses populations vivant dans la région au fil desannées, peuvent par conséquent contribuer àréparer le tissu social et à rétablir des relationssolides entre des communautés divisées. Dans leszones qui ont toujours été négligées par lesautorités centrales, il sera particulièrementimportant d'impliquer les populations locales dansle développement et la mise en œuvre de solutionsvisant à rétablir la cohésion sociale. Un autre moyen de renforcer la cohésion socialeserait la création de communes nomades quiprendraient en compte les spécificités locales. Lescommunes nomades soulignent le besoin des paysdu Sahel de s'orienter vers la diversité et elles sontliées au système particulier de production et d'asso-ciation avec la nature. Au Niger, la constitution de1992 a créé des communes spéciales et prend encompte des spécificités culturelles, telles que lenomadisme des populations qui sont maintenantreprésentées au Parlement. Cependant, dans lecontexte malien, cette suggestion a fait l'objet decontestations. Le Mali a adopté une nouvellecartographie territoriale, très critiquée avant même

10 SYNTHÈSE DE RÉUNION

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sa mise en œuvre. Pour certains participants auséminaire, plutôt que de chercher à diviserdavantage la région, de nouvelles approches degouvernance devraient prendre en compte le rôlede la diversité comme passerelle entre descommunautés soucieuses de vivre en paix malgréleurs différences. Les participants ont aussi discuté du rôle critiquejoué par les dirigeants traditionnels au Nord duMali et du besoin de considérer le dialogue commeune fonction de gouvernance. Des plates-formes dedialogue doivent être établies pour faciliter lesconsultations du gouvernement avec toutes lescomposantes politiques du pays, la société civile etdes communautés liées entre elle par des relationsvieilles de plusieurs siècles. Un tel processus deconsultation permanente peut être amélioré au fildu temps avec une emphase de plus en plus fortesur l'éducation, et par le développement d’un senscomplet de citoyenneté et d'engagement au sein despopulations. L'importance d'un dialogue a étésoulignée au niveau national au Mali où la classepolitique est restée divisée, au niveau régional pourfaciliter l'établissement et la coordination dessystèmes de suivi afin de prévenir des crises futures,et aux niveaux continental et mondial afin derenforcer les mécanismes de consultation existants.

Solutions aux problèmes decoordination

Les écarts entre les politiques développées face à lacrise au Mali et au Sahel, et leur mise en œuvre surle terrain ont donné lieu à des questions sur lacoordination de ces politiques. Deux problèmesprincipaux doivent être pris en compte à cet égard :(1) trouver le moyen pour que les réponses neconstituent pas simplement des avertissements etdes débats, mais aussi en garantir le suivi et (2)s’assurer que les réponses mises en œuvre représen-tent une forme de coopération et non pas deconcurrence entre les différents acteurs et institu-tions concernés. Remarquant l'importance d'un accord sur le butde la coordination, les participants au séminaire deNiamey ont souligné le besoin d'une visioncommune. Le développement d'une telle visionpeut être freiné par un manque d'analysesconjointes aux niveaux national et régional, etl'absence de stratégies de réponse complémentaires

parmi les parties prenantes. De plus, les difficultésliées à la coordination en elle-même ont étémentionnées comme des problèmes possibles (dufait, par exemple, de l'urgence de l'action, despriorités divergentes entre les institutionsconcernées et de leur focalisation sur leurs proprestâches). Les participants au séminaire ont aussidéploré l'absence d'une vision commune quant autype de développement nécessaire pour la régiondu Sahel, l'existence d'intérêts externes concurrentset la prolifération d'acteurs régionaux et interna-tionaux qui a fini par réduire au silence les acteurslocaux. Les efforts de coordination doivent dépasser lesimple partage d'informations pour s'orienter versdes stratégies capables de renforcer la capacité del'État concerné, à commencer par une définitionclaire de ses propres priorités. En même temps, leleadership doit s'étendre vers les pays dotés desressources nécessaires. Afin d’assurer une coopéra-tion efficace de tous les acteurs concernés, ceux-cidoivent pouvoir passer outre un soutien fragmentéet ne pas encourager de concurrence. Dans ce cas,il est essentiel de se mettre d'accord sur une institu-tion capable de favoriser la définition d'une visioncommune et de coordonner les différences prévisi-bles entre les acteurs internationaux et les diversacteurs aux niveaux national et local. Dans le cas duMali, le Groupe de soutien et de suivi sur lasituation dans le pays (qui s'est réuni pour lapremière fois à Abidjan, en Côte d'Ivoire, en juin2012, et qui est coprésidé par l'UA et l'ONU) arésulté d’un tel consensus visant à apporter uneaide conjointe au pays. Le séminaire a souligné lebesoin de renforcer les mécanismes de coordina-tion déjà existants au lieu d'en créer de nouveaux.De ce fait, certains participants ont suggérél'examen de la coordination dans le contexte de lasubsidiarité, des États au niveau national jusqu’àl'ONU au niveau mondial, en passant par laCEDEAO au niveau régional et l’UA au niveau ducontinent. Au Mali, le séminaire a rappelé que la stratégieintégrée de l'ONU pour le Sahel reconnaît le rôleclé joué par les acteurs locaux et nationaux. Ce rôlea aussi été reconnu au niveau régional, avec deuxcadres développés par la CEDEAO et l’UA : (1) unconcept stratégique adopté à Bamako en octobre2012 et (2) un concept d'opérations qui a ouvert lavoie aux interventions militaires. Grâce à des

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efforts de coordination ultérieurs, la CEDEAO amené le processus de médiation préliminaire entreles acteurs maliens et l’UA s’est impliquée dans lescomposantes militaires, policières et civiles de laMISMA. De plus, en dépit de leur succès relatifsouvent dû à volonté politique variable, les institu-tions continentales, y compris le Nouveaupartenariat pour le développement de l'Afrique(NEPAD) et la Banque africaine de développement,ont été présentées comme des cadres susceptiblesde faire avancer et de coordonner les initiativesconjointes de développement dans la régionsahélo-saharienne. Des participants au séminaire de Niamey se sontmontrés préoccupés par la croyance affichée parcertains que les Maliens étaient incapables detrouver des solutions propres pour faire face à lacrise sévissant dans leur pays. Les participants ontdiscuté du fait que la générosité des acteursrégionaux et internationaux ne devrait pas lesempêcher d'être conscients des développements surle terrain. Même si le contexte permet d'impliquertoute institution ou tout acteur prêts à aider le Mali,ces efforts conjoints doivent être mieux articulés ettenir compte des initiatives des acteurs locaux. En dépit de l'occupation du Nord du Mali,l'administration locale continuait à fonctionner.Les dirigeants locaux se sont regroupés pourcomprendre la situation et y répondre. Les groupesde femmes et les organisations des droits del'homme continuaient à surveiller la situation et àfournir des informations utiles. Le secteur privécontinuait aussi à résoudre les problèmes dedéveloppement du pays. De plus, des espacesinformels de dialogue ont été établis avec le soutiendu Programme des Nations unies pour ledéveloppement afin d'impliquer toute une gammed'acteurs, y compris les partis politiques et lesgroupes religieux. Des efforts de coordination ontégalement été développés parmi les acteurs interna-tionaux sur le terrain. Un système de groupes a étéétabli, qui a rassemblé les acteurs nationaux et lesONG internationales appuyant les efforts humani-taires entrepris au Mali. De plus, une plate-forme aété établie pour les partenaires de développementtechnique ; et les partenaires techniques etfinanciers du Mali ont établi des relations etcontinuaient de collaborer, à la recherche denouvelles manières de soutenir le pays à travers sescollectivités locales.

Conclusion

Les participants au séminaire de Niamey sontarrivés à la conclusion que la crise récente au Maliet au Sahel était extrêmement complexe. Si nombredes causes sous-jacentes de cette crise sont locales,ses ramifications sont transnationales de par leursorigines et leurs effets. La dynamique compliquéede la coopération régionale et les problèmes decoordination, qui ont résulté en des interventionsconcurrentes et un fossé entre les politiques offertespour résoudre la crise et leur mise en œuvre sur leterrain, pourraient retarder le retour vers une paixet un développement durables dans la régionsahélo-saharienne. Un certain nombre de sugges-tions ont été formulées pendant le séminaire, avecpour but d'aider à surmonter ces défis.• Les participants ont souligné la nécessité de

mécanismes plus inclusifs et plus efficaces deprévention des conflits, d'alerte précoce et deréponse. L’échec des institutions régionalesquant à leur capacité à anticiper la crise au Maliet à la résoudre en temps opportun a montré leslimites de ces institutions. De meilleures relationsentre les pays de la région et l'identification decadres de coopération appropriés sont desconditions préalables à la construction d'unerégion sahélo-saharienne sûre et prospère.

• L'accent doit être mis sur un renforcement descapacités de l'État, qui peut tirer parti de lapromotion d'une gouvernance locale et de la miseen œuvre de politiques de décentralisationefficaces. Ces efforts renouvelés de décentralisa-tion pourraient permettre de surmonter lesproblèmes posés par la faiblesse des institutionspubliques et l'échec des programmes dedéveloppement et de sécurité à l’origine de lacrise dans la région.

• Tout progrès de la sécurité et du développementau Sahel doit prendre en compte les éléments clésque sont la lutte contre le terrorisme et le crimetransnational par l'offre d'alternatives viables surles plans idéologique et économique proposéesaux jeunes en difficulté ; le renforcement del'entreprise privée pour favoriser la créationd'emplois ; l'élargissement des territoires bénéfi-ciant de services sociaux ; la promotiond'approches du développement durablesoucieuses des spécificités locales ; et l'harmoni-sation des stratégies de développement régional.

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• L'amélioration de la cohésion sociale grâce à laréconciliation de communautés en conflit aprèsdes relations longues de plusieurs siècles et lapromotion du dialogue en tant que fonction degouvernance peuvent compléter des efforts depaix axés sur la sécurité et le développementéconomique.

• Des efforts conjoints sont absolumentnécessaires pour faire face à la crise. Pour lacommunauté internationale, ces efforts exigentune meilleure coordination de son appui, en

tenant compte des initiatives nationales etrégionales existantes, ainsi que des besoinsd'appropriation. De plus, tout appui futur devrafaciliter l'implication des populations concernéesdans l'analyse du contexte ainsi que dans ladéfinition et la mise en œuvre de programmeslocaux liés à la sécurité et au développement.L'identification d'un mécanisme de coordinationsouple et gérable faciliterait l'harmonisation demultiples stratégies de réponse.

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Programme

Séminaire international sur la sécurité et le développement au Sahel-SaharaNiamey, Niger

Vendredi 15 février 2013

9 h 00 Cérémonie d'inauguration

Remarques de bienvenueM. Dossou Abba, Secrétaire général, représentant la Gouverneure de la région de NiameyM. Najim Elhadj Mohamed, Secrétaire exécutif de la Stratégie de développement et desécurité dans les zones sahélo-sahariennes du Niger (SDS Sahel Niger), Président ducomité d'organisationDr. Youssef Mahmoud, Conseiller principal, International Peace InstituteAmbassadeur Ahmedou Ould Abdallah, Président, Centre des stratégies pour la sécuritédu Sahel Sahara (Centre 4S)

9 h 30 Discours d'inaugurationS.E. M. Brigi Rafini, Premier ministre, Chef du gouvernement, Niger

10 h 00 Photo de groupe et pause-café

10 h 30 Session de travail 1 : la crise actuelle dans la région sahélo-saharienneQuelles sont les évolutions récentes en matière de politique et de sécurité dans la régionsahélo-saharienne ? Quelles sont les nouvelles dynamiques déclenchées par ces évolutions,y compris entre les différents acteurs étatiques et non étatiques ? Quel est l’impact de cesévolutions sur la situation humanitaire, les droits de l'homme et le développement ?Quelles sont les implications géopolitiques et transnationales de ces évolutions ? Quels sontles scénarios d'évolution possibles ?

Président S.E. M. Amadou Boubacar Cissé, Ministre d'État, Ministre de la Planification, Niger

IntervenantsS.E. M. Marou Amadou, Ministre de la Justice, Garde des sceaux, NigerM. David Gressly, Coordinateur régional de l'action humanitaire pour le Sahel, OCHAMme Oumou Sall Seck, Maire de Goundam (cercle de Tombouctou), MaliM. Mehdi Taje, Expert en géopolitique, Tunisie

Discussion

12 h 30 Prière et déjeuner

14 h 00 DiscoursM. Romano Prodi, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Sahel, Nations unies

Introduction Ambassadeur Ahmedou Ould Abdallah, Président, Centre 4S

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SÉCURITÉ ET DÉVELOPPEMENT AU SAHEL-SAHARA 15

15 h 00 Discussion plénière

16 h 00 Session de travail 2 : ripostes régionales et internationalesÉtant donné l'analyse du contexte effectué lors des sessions précédentes, quelles doiventêtre les principales composantes d'une stratégie intégrée, inclusive et bien coordonnée pourle Sahel ? Quels sont les problèmes en matière de mise en œuvre ? Comment peuvent-ilsêtre surmontés ?

PrésidentAmbassadeur Said Djinnit, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef du Bureaudes Nations unies pour l'Afrique de l'Ouest

IntervenantsS.E. M. Hans-Peter Schadek, Chef de la Délégation de l'Union européenne au NigerM. Abdelmalek Alaoui, Président, Global Intelligence Partners, MarocWolfram Lacher, Chercheur associé, Institut allemand des affaires internationales et desécuritéDr. Fodé N’diaye, Coordinateur-résident du système de l’ONU, Niger

Discussion

20 h 00 Dîner

DiscoursS.E. M. Brigi Rafini, Premier ministre, Niger

PrésentationM. Najim Elhadj Mohamed, Secrétaire exécutif, SDS Sahel Niger

IntroductionAmbassadeur Ahmedou Ould Abdallah, Président, Centre 4S

Samedi 16 février 2013

9 h 00 Session de travail 3 : défis liés à la coopération et à la coordination internationalesComment les acteurs régionaux et internationaux devraient-ils s'organiser afind'améliorer les synergies et la coordination dans la formulation et la mise en œuvre depolitiques ? De nouveaux mécanismes sont-ils nécessaires pour faire face aux écarts enmatière de politiques au fur et à mesure de leur apparition, et quels sont les problèmes demise en œuvre des stratégies actuelles ou envisagées ?

PrésidentAmbassadeur Kai Eide, Envoyé spécial pour le Sahel, Norvège

IntervenantsGénéral Francisco Espinoza, Chef de la Mission EUCAP Sahel Niger Dr. Issa Abdourrahamane Boubacar, Chef de projet, Organisation internationale de lafrancophonie (OIF)Professeur André Bourgeot, Collège de France, France

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Discussion

11 h 00 Pause-café

11 h 30 Discussion plénière

13 h 00 Déjeuner

14 h 15 Discours S.E. M. Pierre Buyoya, Haut représentant pour le Mali et le Sahel, Union africaine

IntroductionAmbassadeur Ahmedou Ould Abdallah, Président, Centre 4S

15 h 00 Session de travail 4 : débat général

PrésidentS.E. M. Amadou Boubacar Cissé, Ministre d'État, Ministre de la Planification, Niger

(N.B. : pendant cette session, les participants sont invités à s'inscrire à s'exprimer sur lesujet du séminaire selon la règle de Chatham House)

17 h 00 Présentation et validation du communiqué final

17 h 15 Cérémonie de clôture

Lecture de la déclaration finaleM. Mohamadou Abdoulaye, Directeur de Cabinet, Ministère des Affaires étrangères,Niger

Remarques de clôtureAmbassadeur Ahmedou Ould Abdallah, Président, Centre 4SDr. Youssef Mahmoud, Conseiller principal, IPIS.E. M. Brigi Rafini, Premier ministre, Niger

16 SYNTHÈSE DE RÉUNION

Page 17: Sécurité et développement au Sahel-Sahara e-pub-Sec-Dev...Sécurité et développement au Sahel-Sahara DÉCEMBRE 2013 Introduction Après les deux graves crises qui ont presque
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L’International Peace Institute (IPI) est un centre de recherche interna-

tional, indépendant et à but non lucratif. L’institut a son siège à New

York en face des Nations Unies, ainsi qu’un bureau à Vienne, et son

personnel représente plus d’une vingtaine de nationalités différentes.

L’IPI a pour vocation d’aider à la préven tion et au règlement des

conflits à travers le renforcement des institutions internationales

multilatérales. Dans ce but, l’institut conduit des activités associant

travaux de recherche, analyse stratégique, publications et réunions.

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