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politique pourrait être supprimé puisque le thème s’éloigne un peu trop du contenu général d’un cours visant à enseigner les fondements de notre système politique. L’organisation des chapitres dans cette nouvelle édition démontre un plus grand souci de cohérence, mais il aurait été possible de faire mieux. Les chapitres qui traitent des institutions politiques canadiennes ~9, 10 et 12! devraient immédiatement suivre les trois premiers chapitres qui, eux, portent principalement sur la Constitution et sur la vie politique canadienne. Il est difficile de comprendre pourquoi les directeurs ont choisi de présenter le fédéralisme exécutif ~le fédéralisme asymétrique et les rela- tions intergouvernementales, par exemple! au chapitre 4, avant même d’avoir con- sidéré les fondements du pouvoir législatif ~chapitre 9! et exécutif ~chapitre 10!. Il serait plus pédagogique d’introduire d’abord les règles politiques et les institutions, puis de traiter des acteurs politiques ~électeurs, partis politiques et groupes d’intérêts!. Notons enfin un grand absent dans cette nouvelle édition : un chapitre sur les institutions politiques provinciales. Il est vrai que l’on porte une attention particu- lière au Québec, mais on ignore presque totalement les autres provinces canadiennes. Par exemple, les chapitres 9 et 10, sur le pouvoir législatif et sur le pouvoir exécutif, contiennent une section sur l’Assemblée nationale et son gouvernement. Il aurait toute- fois été préférable d’introduire ces dimensions dans un chapitre complet portant sur le pouvoir politique provincial. Un tel chapitre permettrait au lecteur de mieux com- prendre les nuances qui existent dans l’exercice du pouvoir exécutif et législatif tel que défini par la section 5 de la Loi constitutionnelle de 1867 sur les constitutions provinciales. Cela dit, je recommande fortement Le parlementarisme canadien aux lecteurs qui cherchent à se familiariser avec le gouvernement canadien, sa constitution, ses institutions et ses principaux acteurs. Cet ouvrage demeure effectivement la référence incontournable de langue française en la matière. JEAN-FRANÇOIS GODBOUT Université de Montréal Social Movements and Europeanization Donatella Della Porta et Manuela Caiani Oxford University Press, Oxford, 2009, 230 pages doi:10.10170S0008423910001149 L’ouvrage, coécrit par deux sociologues de l’Institut universitaire européen de Flo- rence, est consacré à un objet souvent à la marge du champ des études européennes : l’européanisation des mouvements sociaux. Le livre, organisé en cinq chapitres divisés en de nombreux sous-chapitres, permet d’aborder chaque sujet de façon concise. Le premier chapitre traite de l’étude des mouvements sociaux et de son rapport avec la gouvernance multi-niveaux européenne. Les auteures s’attachent dans ce chapitre à donner des définitions et à mettre en place les outils d’analyse qui seront utilisés à travers le livre. Le deuxième chapitre met l’accent sur la dimension interne ~ domes- tication! des revendications européennes. Le troisième chapitre s’attache à démon- trer qu’il y a de plus en plus de manifestations vers le niveau supranational ~ externalization!. Le quatrième chapitre étudie comment ces manifestations se dérou- lent en pratique. En conclusion, les auteures reviennent sur l’ensemble du livre et sur ses arguments. Sur le plan méthodologique, les données utilisées dans l’ouvrage proviennent d’Europub.com, un projet de recherche sur l’européanisation de la sphère publique dont Donatella della Porta est l’une des responsables scientifiques. Le projet avait pour but d’étudier l’européanisation de la sphère publique en effectuant des inter- views avec des représentants d’institutions, des acteurs de la société civile et des Recensions / Reviews 237

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politique pourrait être supprimé puisque le thème s’éloigne un peu trop du contenugénéral d’un cours visant à enseigner les fondements de notre système politique.

L’organisation des chapitres dans cette nouvelle édition démontre un plus grandsouci de cohérence, mais il aurait été possible de faire mieux. Les chapitres qui traitentdes institutions politiques canadiennes ~9, 10 et 12! devraient immédiatement suivreles trois premiers chapitres qui, eux, portent principalement sur la Constitution et surla vie politique canadienne. Il est difficile de comprendre pourquoi les directeurs ontchoisi de présenter le fédéralisme exécutif ~le fédéralisme asymétrique et les rela-tions intergouvernementales, par exemple! au chapitre 4, avant même d’avoir con-sidéré les fondements du pouvoir législatif ~chapitre 9! et exécutif ~chapitre 10!. Ilserait plus pédagogique d’introduire d’abord les règles politiques et les institutions,puis de traiter des acteurs politiques ~électeurs, partis politiques et groupes d’intérêts!.

Notons enfin un grand absent dans cette nouvelle édition : un chapitre sur lesinstitutions politiques provinciales. Il est vrai que l’on porte une attention particu-lière au Québec, mais on ignore presque totalement les autres provinces canadiennes.Par exemple, les chapitres 9 et 10, sur le pouvoir législatif et sur le pouvoir exécutif,contiennent une section sur l’Assemblée nationale et son gouvernement. Il aurait toute-fois été préférable d’introduire ces dimensions dans un chapitre complet portant surle pouvoir politique provincial. Un tel chapitre permettrait au lecteur de mieux com-prendre les nuances qui existent dans l’exercice du pouvoir exécutif et législatif telque défini par la section 5 de la Loi constitutionnelle de 1867 sur les constitutionsprovinciales.

Cela dit, je recommande fortement Le parlementarisme canadien aux lecteursqui cherchent à se familiariser avec le gouvernement canadien, sa constitution, sesinstitutions et ses principaux acteurs. Cet ouvrage demeure effectivement la référenceincontournable de langue française en la matière.

JEAN-FRANÇOIS GODBOUT Université de Montréal

Social Movements and EuropeanizationDonatella Della Porta et Manuela CaianiOxford University Press, Oxford, 2009, 230 pagesdoi:10.10170S0008423910001149

L’ouvrage, coécrit par deux sociologues de l’Institut universitaire européen de Flo-rence, est consacré à un objet souvent à la marge du champ des études européennes :l’européanisation des mouvements sociaux. Le livre, organisé en cinq chapitres divisésen de nombreux sous-chapitres, permet d’aborder chaque sujet de façon concise. Lepremier chapitre traite de l’étude des mouvements sociaux et de son rapport avec lagouvernance multi-niveaux européenne. Les auteures s’attachent dans ce chapitre àdonner des définitions et à mettre en place les outils d’analyse qui seront utilisés àtravers le livre. Le deuxième chapitre met l’accent sur la dimension interne ~domes-tication! des revendications européennes. Le troisième chapitre s’attache à démon-trer qu’il y a de plus en plus de manifestations vers le niveau supranational~externalization!. Le quatrième chapitre étudie comment ces manifestations se dérou-lent en pratique. En conclusion, les auteures reviennent sur l’ensemble du livre et surses arguments.

Sur le plan méthodologique, les données utilisées dans l’ouvrage proviennentd’Europub.com, un projet de recherche sur l’européanisation de la sphère publiquedont Donatella della Porta est l’une des responsables scientifiques. Le projet avaitpour but d’étudier l’européanisation de la sphère publique en effectuant des inter-views avec des représentants d’institutions, des acteurs de la société civile et des

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professionnels des médias. L’étude se base aussi sur une analyse quantitative de grandeenvergure effectuée à l’aide de sondages et sur l’observation des médias de masse.L’ouvrage compare sept pays : la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, l’Italie, l’Espagne et la Suisse. L’ajout de la Suisse permet de voir que lephénomène étudié n’est pas seulement relié aux pays qui font partie de l’Unioneuropéenne. L’intérêt pour la revendication sociale au niveau européen et pour lesentiment d’appartenance va plus loin que la simple institutionnalisation de l’Unioneuropéenne.

Sur le plan théorique, l’ouvrage se situe dans la foulée des travaux de DougImig et de Sidney Tarrow, qui ont contribué à renouveler l’étude de l’action collec-tive et de la protestation en Europe au début des années 2000. Ainsi, les auteuressoutiennent que l’européanisation n’est plus exclusivement impulsée par les élites,mais qu’elle se réalise aussi par le bas. Plus spécifiquement, Della Porta et Caianisoutiennent l’idée selon laquelle la société civile ~soit les organisations non gouver-nementales ~ONG!, les organisations sociales, les syndicats et les communautésreligieuses, entre autres! participe à la mobilisation sociale au sein de l’Unioneuropéenne d’une part, et contribue ainsi, d’autre part, à accroître la légitimitédémocratique de cette dernière.

Selon les auteures, on tient généralement pour acquis que les mouvementssociaux sont très peu présents au palier européen, et pour cause. Le peu d’ «oppor-tunités politiques» à Bruxelles, les coûts de la mobilisation transnationale et la dépen-dance des acteurs par rapport aux structures de revendication traditionnelle, qui sontencore très ancrées dans l’État-nation, contribuent à expliquer cette absence. Pour-tant, selon Della Porta et Caiani, il y a une européanisation de plus en plus impor-tante des mouvements sociaux. Plusieurs facteurs expliqueraient ce phénomène.D’abord, l’utilisation des nouvelles technologies de communication facilite les con-tacts entre les mouvements sociaux européens. Ensuite, les organisations de la sociétécivile s’adaptent à la gouvernance multi-niveaux par le moyen de stratégies égale-ment à multiples niveaux. Les auteures définissent cette approche comme une formed’influence croisée ~cross-influence!. Celle-ci consiste en deux voies de mobilisa-tion sociale : interne ~domestication! et externe ~externalization!.

La voie interne ~domestication! consiste à exercer suffisamment de pressionsur les gouvernements nationaux afin qu’ils fassent à leur tour pression sur l’Unioneuropéenne. Ils participent ainsi à la création d’un discours public sur les probléma-tiques européennes. Plus précisément, Della Porta et Caiani analysent l’européanisationsur le plan interne en regardant l’organisation des réseaux ~auxquels participent tantdes acteurs institutionnels que des acteurs de la société civile! qui se mobilisent surdes problématiques européennes, telles que l’intégration, l’agriculture et l’immigration.Elles montrent aussi que l’importance de la mobilisation varie suivant les enjeux, enprenant notamment le cas de la protestation contre les quotas laitiers en Italie. Ellesdémontrent que même si les revendications ont principalement eu lieu à l’échellenationale, elles ont mené à la création d’une structure de représentation des groupesde producteurs laitiers dans l’Union européenne. La mobilisation sociale sur le plannational peut donc avoir un impact au palier européen.

Les revendications auprès de l’Union européenne ne s’arrêtent toutefois pas auxfrontières. Selon les auteures, les protestations s’exercent aussi directement au niveausupranational, ce que Della Porta et Caiani appellent la stratégie de l’européanisationpar la voie externe ~externalization!. Cette stratégie consiste à revendiquer à Brux-elles afin de faire pression sur les gouvernements nationaux. Les auteures montrent,dans ce cas, que les groupes d’intérêts commerciaux utilisent davantage cette approche,mais les associations citoyennes, malgré leur manque de moyens et de ressourceshumaines, représentent tout de même le tiers des associations à Bruxelles. De plus,la Commission européenne organise, plusieurs fois par année, des rencontres avec

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les ONG qui s’occupent des questions sociales et avec les principaux groupes envi-ronnementaux. Les auteures montrent aussi que les groupes sociaux qui s’adressentaux institutions supranationales préfèrent utiliser le lobbying, ce qui ne les empêchepas de manifester parfois dans les rues, pour faire avancer leur cause et augmenterleur visibilité.

Finalement, selon les auteures, le manque de légitimité démocratique au seinde l’Union européenne rend difficiles les revendications s’attaquant directement à ceniveau, ce qui explique la forte tendance des mouvements sociaux à agir à l’échellenationale, même si elles affirment que les mouvements sociaux s’européanisent deplus en plus. Ces stratégies à multi-niveaux ont donc mené à la mobilisation socialeeuropéenne contre des politiques spécifiques. Les protestations sont de plus en plusimportantes. En effet, de nombreuses manifestations ont eu lieu au niveau de l’Unioneuropéenne depuis 1997; on songe, entre autres, aux contre-sommets et forums sociauxeuropéens sur lesquels se concentrent aussi Della Porta et Caiani, qui voient dans cesphénomènes un «signe du déclin du consensus permissif autour de l’Unioneuropéenne» ~36!. Pour expliquer cette situation, les auteures identifient trois méca-nismes qui jouent un rôle dans le développement des mouvements sociaux européens.Premièrement, l’organisation de fortes manifestations permet de créer des relationset d’échanger des connaissances entre des groupes qui sont généralement isolés lesuns des autres, ce qui représente un mécanisme relationnel. Deuxièmement, les con-tacts favorisés par de longues campagnes de revendications permettent à des acteursde nationalités différentes partageant une vision commune de ce que l’Europe pour-rait devenir, de développer une identité européenne commune. C’est ce que les auteuresappellent le mécanisme cognitif. Elles notent finalement la présence d’un méca-nisme émotionnel qui vient du «renforcement de la motivation des mani-festants par le développement de sentiment de solidarité et d’appartenance» ~158!.

Le livre se démarque par l’utilisation d’une diversité d’approches théoriques,certaines se rapportant à la sociologie, d’autres à la science politique. Ainsi, lesauteures réussissent à démontrer le rapport entre l’action collective et la démocra-tisation de l‘Union européenne. La théorie des processus de cadrage est une approchesociologique dorénavant centrale dans l’étude des mouvements sociaux, comme ledémontre l’ouvrage. En effet, l’approche des processus de cadrage sert à expliquerla construction de phénomènes sociaux grâce à l’étude des discours d’acteurs sociauxet institutionnels, ainsi que par les médias. Nous pouvons ainsi voir le cadre d’inter-prétation utilisé par les individus et les groupes afin d’appréhender des événements.Les auteures cherchent à mettre l’accent sur «l’importance de la construction sym-bolique de l’Europe» ~23! par la société civile. Della Porta et Caiani se fondentégalement sur une approche constructiviste pour expliquer le rôle des idées dansl’européanisation et dans «l’ajustement des conflits concernant l’Union européenne,sa politique et ses politiques» ~5!. En effet, l’Union européenne n’est plus seule-ment fondée sur la coopération économique entre États, mais aussi sur les intérêtset les idées d’une multitude d’acteurs pour lesquels elle devient un instrument deplus en plus pertinent.

L’ouvrage est convaincant et ce, d’autant plus que les auteures adoptent unedémarche nuancée avec laquelle il est difficile d’être en désaccord. Toutefois, cettedémarche n’est pas nécessairement une bonne chose puisqu’elle rend la position desauteures confuse et en contradiction avec leur thèse dans certains cas. En effet,lorsqu’elles démontrent que les mouvements sociaux s’européanisent de plus en plus,elles admettent systématiquement que les protestations surviennent encore majoritaire-ment au niveau national. Elles ne risquent donc pas, avec cet ouvrage, de créer beau-coup de dissensions.

KATÉRI DESROCHERS Université de Montréal

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