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Ce que je sais de ce que fut L’Organisation Communiste Internationaliste (O.C.I. pour la Reconstruction de la IVème Internationale)

socialisme-2010.fr · Web viewLa classe ouvrière a réussi, malgré tous les obstacles qui ont été dressés devant elle, à se rassembler et à s’exprimer politiquement au cours

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Ce que je sais

de ce que fut

LOrganisation Communiste Internationaliste (O.C.I. pour la Reconstruction de la IVme Internationale)

Pierre SALVAING

2016

TABLE

Introduction: p. 4 10

Premire partie: Analyses justes, pronostics faux

1 - Une erreur de rythme jamais corrige: les Thses de 1972-1973 p.11 15

2 1968-1981: Les Congrs de lOCI et La Vrit annoncent la temptep.16

3 La situation franaise partir de 1968p.17 26

4 Le Chili entre 1971 et 1973- La Boliviep.27 30

5- Europe et Amriquep.31 35

6- La rvolution portugaisep.36 39

7- Autre pronostic discutable: lEspagnep.40 43

8- Italie, Grande-Bretagne, Allemagnep.44-45

9- Quest devenue la rvolution iranienne? p.45-49

10- Nicaraguap.50-52

11- Quest devenue la Rvolution politique? p.53 61

Deuxime partie: LO.C.I. aux prises avec sa construction

12- Lhypothse de la Ligue Ouvrire rvolutionnairep.62-66

13- Lalternative de la L.O.R est envisagep.67-70

14- Au commencement taient les principes: le centralisme dmocratiquep.71-76

15- 1973, Anne Vargap.77 87

16- Lorganisation de jeunesse, moteur de la construction de lO.C.I.p.88 102

Annexe: Rencontres avec danciens dirigeants tudiantsp.103 115

17- 1977-1978: La marche la crise p.116 126

Annexe: Rapport Sorel sur lorganisationp.127 129

18- 1979: Laffaire Berg, affaire OCIp.130 147

19- 1979 (suite) Pierre Lambert face au Comit central - La mise au pas de lO.C.I.p.149 164

Annexe: Le cas de la Corrzep.165 167

20- 1980: Lumires et ombres sur la marche en avantp.168 177

Annexe: 1980 La question des cotisationsp.178-179

Troisime partie: Le basculement

21- LOCI, lUNEF-id et 1981p.180 191

Annexe: Deux lettres de militantes tudiantesp.192-193

22- 1981: Le grand tournantp.195 221

23- LOCI de 1981 et celle de 1974p.222 227

Annexe: Ce quen crivait Stphane Just en 1984p.228 230

24- Laprs Mai-Juin 1981: LOCI comme conseiller spcial de Mitterrandp.232 241

25- Dcembre 1981: La fausse proclamation du Parti Communiste Internationalistep.242 256

26- 1982: Les laborieux dbuts du P.C.I.p.257 268

27- La question de la lacit, comme cheval de Troie ds le PCI proclamp.269 274

28- Lacit (suite) et contribution la destruction de la FENp.275 286

Annexes: Deux exemples dindpendance rciproque PCI-syndicats (F.O.)p.286 289

Quatrime partie: vers la liquidation

29 Comment est n le MPPT ou Comment est mort le PCIp.290 295

Annexe: Stphane Just propos de la dmocratiep.296 301

30- 1984: Orwell avait raisonp.302 340

dont Annexe: Lettre de lex-camarade Mazelp.324 336

31 Les premiers pas du MPPTp.341 355

32- 1986: Extinction dfinitive de la Flamme de la rvolution proltariennep.356 360

Conclusion p.361 366

Je ddie ce travail tous ceux, dizaines de milliers, que le dtournement et la trahison de ce combat rvolutionnaire, -bien davantage encore que ses erreurs de bonne foi-, ont cur, jet hors du chemin, exclus, calomnis; ceux qui en sont devenus fous, sen sont suicid, ont perdu volont de combat contre ce vieux monde, convictions et esprit critique, analyse et dsir de recherche.

Je le ddie surtout tous ceux qui voudront reprendre, poursuivre ce combat.

Trotsky a crit que la rvolution, est une grande dvoreuse dhommes. Sa trahison en est une composante.

______________________________

Les marxistes se doivent, en toute circonstance, de ne pas contourner le bilan de leurs propres analyses et chercher, la lumire des faits, mesurer dans quelle proportion ces analyses ont t confirmes ou, au contraire, infirmes par le droulement des vnements.

Daniel Gluckstein

La Vrit n35 nouvelle srie dcembre 2003

Introduction

Porte espre et limites certaines dune ambitieuse entreprise

J'ai voulu comprendre plus prcisment de quoi l'OCI-PCI tait morte.

Je ne prtends pas raliser un travail complet, parce que je ne dispose pas des instruments danalyse et de connaissance suffisants, et surtout je suis seul. Cela laissera au lecteur une plus grande libert de jugement sur les limites dun travail auquel, si cela lintresse, il pourra apporter dutiles et ncessaires complments ou corrections.

Je ne suis pas le premier lentreprendre. Le travail dont je me sens le plus proche est celui ralis par Stphane Just dans la trop courte brochure quil crivit en 1984, chaud aprs son exclusion du PCI, Comment le rvisionnisme sest empar de la direction du PCI. Stphane Just neut pas le temps de complter ce premier travail, mais, par la suite, il eut de nombreuses reprises loccasion de revenir sur ce bilan, surtout partir des dveloppements de ce qui avait t lOCI puis le PCI, mais pas celle de le faire aussi compltement qu'il l'avait souhait. Je ne prtends pas prendre sa suite, mais je me suis trs souvent appuy sur son travail entam surtout partir de 1984.

Les diffrents avatars qui ont succd lOCI, y compris le P.C.I. proclam la fin de 1981, jusqu la crise scissionniste du Courant Communiste Internationaliste (C.C.I.) qui sest produite en juillet 2015, ne sont, par bien des aspects, que les produits retards de ce qui a conduit lOCI sa perte, et avec elle lensemble des groupes et organisations qui cherchaient reconstruire la IVme Internationale (et ont affirm l'avoir reconstruite).

Mes recherches ne se sont cependant pas tendues lensemble de ces organisations ni la forme dorganisation qui les rassemblait: le Comit International pour la reconstruction de la IVme Internationale, puis IVme Internationale-Comit International de reconstruction (C.I.R.). Je ne lai pas jug ncessaire pour la nature de ce que je cherche: lOCI-PCI a jou un rle de tout premier plan parmi les organisations engages dans ce combat, et les racines de sa crise mortelle sont rechercher principalement dans son intervention et son fonctionnement nationaux.

Qui je fus

Mme aprs avoir cess de militer depuis plus de dix ans, je nai jamais reni le marxisme comme demeurant le seul instrument actuel pour ceux qui veulent semployer comprendre, pour labattre, le vieux monde, le monde domin par le capitalisme qui conduit lhumanit la catastrophe dans un avenir qui pourrait tre proche.

Jai milit lOCI, puis ce qui sest appel le PCI partir de 1968, durant plus de vingt ans. Javais commenc militer trs activement au C.L.E.R. (Comit de Liaison des Etudiants Rvolutionnaires) et aux groupes Rvoltes quelques mois seulement aprs mon arrive Paris en septembre 1965, o jtais tudiant en Sorbonne: le 12 fvrier 1966, jai demand Claude Chisserey, qui dirigeait alors tout le secteur jeune, de faire partie du CLER. Jtais alors dans ma vingtime anne.

Par la suite, aprs mon dpart volontaire du PCI en juin 1989, aprs quelques annes de flottements, de recherches, de discussions et de combats politiques, jai t coopt en 1992 au Comit construit et dirig par Stphane Just. Aprs la mort de Stphane Just, le 12 aot 1997, jai continu de militer dans un Comit qui a aussitt commenc clater, se diviser, se combattre frocement. Jai particip la direction dun petit noyau intitul Regroupement pour la construction du Parti Ouvrier Rvolutionnaire et de lInternationale Ouvrire Rvolutionnaire entre 2002 et 2005. Je lai quitt en septembre 2005, non par dsaccord, mais parce que jtais puis physiquement et psychiquement par un combat dont je ne voyais pas lissue positive.

Ce nest qu la fin de 2014 que je me suis senti avoir reconstitu assez de forces pour tenter dlucider les raisons pour lesquelles le combat entam par lOCI avait t un chec, et pourquoi lOCI elle-mme, sous ses diffrents avatars successifs, avait mon avis depuis plus de trente ans prsent, totalement bascul dans une drive qui anantit tout ce quelle avait bti ou contribu btir, sur les plans national comme international. Je doute fort aujourdhui au point dtre convaincu du contraire-, aprs ce que je pense avoir tir un peu au clair, que cette organisation venir que jappelle de mes vux- puisse se situer dans une continuit directe avec lancienne OCI, ni mme avec le Comit

.

Durant toute ma vie dtudiant puis de salari (dans lenseignement), je nai jamais cess de chercher lutter, regrouper et organiser autour de moi. Jai, depuis que je suis tudiant, toujours occup des responsabilits syndicales (jamais plus importantes que secrtaire dpartemental du modeste syndicat de lenseignement agricole en Corrze, le SNETAP-FEN entre 1979 et 1982). Jai toujours t, une exception prs, secrtaire syndical dans les diffrents tablissements o jai enseign, que ce soit la FEN, FO, ou la FSU.

Jai consacr galement plusieurs annes, presque sept, deux reprises, tre permanent de mon organisation: pour cela, jai mme interrompu dfinitivement mes tudes (je me suis arrt la licence de Lettres classiques, acheve alors que jtais dj permanent), et jai quitt pendant trois ans et demi mon mtier pour travailler temps plein pour le PCI. LOCI (puis le PCI) ne mayant pas comptabilis dans ses permanents officiels, je nai obtenu pour ces prs de sept annes aucune annuit pouvant servir ma pension de retraite, qui sen trouve donc passablement corne: dune certaine faon, et mon corps dfendant, je continue donc payer une sorte de cotisation effet retard cette organisation. On pourrait considrer que, ne serait-ce que sous ce seul aspect, comme actionnaire minoritaire en quelque sorte, jai dj plein droit mexprimer son sujet.

Sitt entr au C.L.E.R., mavait t confie la tche de construire le cercle du CLER en Lettres classiques la Sorbonne.

Dans lOCI, je nai jamais t un militant qui furent confies des responsabilits importantes; mais depuis 1969 jai toujours au moins dirig une cellule, des annes durant un rayon puis un secteur (en Seine-Saint-Denis), et un dpartement la Corrze- entre 1979 et 1982. Sans compter ma responsabilit dans le travail jeune o jai t membre de la Commission-jeunes de lOCI entre 1969 et 1972, tandis que mon travail de permanent consistait moccuper de lensemble de lappareil technique et du local de 87 rue du Faubourg Saint-Denis, puis du journal de l'AJS, Jeune Rvolutionnaire.

Comme des milliers dautres, je me suis toujours comport comme un militant disponible, dvou, enthousiaste mme, trs investi dans une intervention quotidienne. Au cours de ces annes, jestime avoir recrut au bas mot une bonne cinquantaine de nouveaux militants.

Mais jai fait cela sans exercer la plupart du temps le moindre esprit critique, cest--dire sans chercher conqurir ma libert de penser par moi-mme, et acceptant tout ce qui venait de la direction comme une parole incontestable, berc par les affirmations qui inauguraient toujours les rapports de congrs: les vnements confirment de manire clatante la justesse de nos analyses. Je ne suis jamais mme intervenu dans un congrs national de mon organisation: je men sentais totalement incapable, incomptent; cela ntait pas sans rapport avec les problmes de langage oral, ce handicap avec lequel jai toujours eu affaire dans le cours de ma vie. Par la suite, mon passage en Corrze, mes dmls avec le membre du Comit central de qui dpendait cette unit, mont oblig pendant les trois ans que jy suis rest faire montre desprit critique, bref penser un peu, mais dans un rayon daction trs limit, sans en tirer de conclusions politiques gnrales utiles. Ce nest qu la fin des annes quatre-vingts que jai entam cette entreprise de rflexion personnelle, lorsque je fus convaincu pratiquement, loccasion dun combat sabot contre la rforme Jospin de lenseignement, que la direction du PCI trahissaitconsciemment les ides et principes, le programme pour lesquels elle affirmait combattre: cest alors que jai commenc, non sans peine, chercher en comprendre les raisons, penser vraiment. Je lai dabord fait seul, ensuite en relation avec Stphane Just, qui, aprs deux annes de discussions longues et rgulires, ma propos dentrer au Comit.

Je peux donc dire sans exagration que lessentiel de mon existence entre ma vingtime et ma soixantime annes, je lai consacr cette activit. Et comme cette activit a occup lessentiel de mon existence, je ne me sentirais pas vraiment moi-mme de ne pas chercher en tirer une sorte de bilan, pour tenter dapporter une contribution aux perspectives que jestime toujours et davantage hautement et urgemment ncessaires. Cela me parat la seule forme possible qui me reste de poursuivre le combat dans lequel je me suis engag vingt ans.

Quels objectifs ce travail?

J'ai cherch, d'abord et surtout travers les crits, et puis les souvenirs et quelques tmoignages, reconstituer le parcours de l'OCI-PCI, depuis qu'elle avait affirm devoir passer ''du groupe l'organisation'', en 1965, jusqu' sa liquidation au profit du Mouvement pour un Parti des Travailleurs. Mais jai d mener cette entreprise seul: une contradiction majeure, un dfaut patent de ce travail, cest quil est uvre solitaire, alors que pour le moins, ce devrait tre le fruit dun travail collectif, men avec des militants dexprience et de connaissance, nourri de discussions, de polmiques mme, et surtout peut-tre, intgr une entreprise de construction organise, une relle intervention dans la lutte des classes.

Je lai entam la fin 2014 : relectures nombreuses, souvenirs personnels, consultation darchives que je ne connaissais pas, rencontres avec danciens militants .

Quels sont mes objectifs? La satisfaction personnelle, intellectuelle, bien sr. Mais surtout j'ai cherch, ma mesure, constituer un instrument qui puisse servir dautres la comprhension de ce qui sest pass. Quels sont ces autres? Je ne les connais pas. Ceux qui voudraient sengager dans ce combat sans lequel je suis convaincu cest la seconde branche de lalternative Socialisme ou Barbarie qui triomphera, si lon peut utiliser pour a ce verbe.

Ce nest donc pas un travail tourn vers le pass, quoi quil en apparaisse: je persiste penser quun parti et une internationale rvolutionnaire sont absolument ncessaires pour ce combat que jai tent de mener la plus grande partie de ma vie dadulte. Ceux qui chercheront le faire auront besoin de repres et dexemples, positifs comme ngatifs. Cest ce que je tente de mettre leur disposition dans ce champ dexprience forcment limit.

Originalit de lentreprise

Mais, dans sa forme comme dans sa mthode, le travail que jai entrepris na, ma connaissance, pour reprendre ambitieusement lexpression de Jean-Jacques Rousseau dans ses Confessions, pas dexemple. Dune part, le travail entam par Stphane Just la t dans un cadre organis, quelles que soient les limites de ce cadre-l petite taille et les possibilits dintervention limites du Comit, son absence de liens internationaux-. Dautre part, si je compare ce que je fais avec les diffrents ouvrages rdigs par danciens militants (Benjamin Stora, Philippe Campinchi, Karim Landais, et mme Jean-Christophe Cambadlis), leur diffrence essentielle j'ai cherch en premier lieu analyser dabord les questions dorientation politique. Les questions de fonctionnement interne ne sont certes pas ngligeables, mais elles sont subordonnes lanalyse politique qui a donn naissance et vie cette organisation, et lui a jusqu un certain degr permis de se construire et de se dvelopper. Une organisation comme lOCI ne se dfinit pas par ses mthodes ou son organisation interne: celles-ci ne peuvent trouver leurs sources que dans lorientation quelle construit au fur et mesure de son dveloppement dans le cours des vnements et de la lutte des classes.

La porte du naufrage de l'OCI-PCI

Le naufrage de lOCI et de ceux qui voulaient reconstruire la Quatrime internationale sa suite na rien dun problme interne: dans la mesure mme o lon considre que lissue de la situation densemble, cest--dire la possibilit de la prise du pouvoir par la classe ouvrire, est indissolument lie la construction et lexistence de partis et dune Internationale rvolutionnaires, ce naufrage constitue un facteur objectif de la situation densemble, si invisible soit-il aux yeux dun grand nombre. Ce ne sont donc pas seulement les dizaines de milliers de militants qui, passs par ses rangs, se sont ensuite perdus: il nest pas interdit de penser quau dbut des annes quatre-vingts lOCI, au stade de construction et dimplantation o elle stait hisse patiemment, aurait pu jouer en France un rle objectif dans une modification radicale de la situation. Et il est difficile de considrer comme une concidence le fait que cest au moment o lOCI avait atteint quantitativement comme qualitativement une importance politique qui lui donnait la possibilit de jouer un rle objectif dans la situation franaise, comme dans le processus de reconstruction de lInternationale, que des problmes majeurs, surgis dans son orientation comme dans son fonctionnement internes ont ananti en quelques annes sa progression et ses objectifs. Militants, nous entendions, souvent rpte, la formule selon laquelle cette fois, dans la priode si favorable ouverte en 1968, la IVme Internationale allait tre au rendez-vous de lHistoire. Un demi-sicle plus tard, il faut bien constater que ce rendez-vous a t manqu.

Cependant, en dpit de toutes ses insuffisances et ce qu'il faut bien appeler ses tares, lOCI fut durant plus dune dcennie en France, voire dans le monde, lorganisation la plus consquente et la plus importante numriquement comme sur le plan de son implantation militante dans la classe ouvrire- de toutes celles se rclamant du combat rvolutionnaire, et mme du trotskysme, celle qui combattit le plus efficacement lennemi alors le plus acharn de la classe ouvrire: la bureaucratie stalinienne. Elle sappuyait sur des bases thoriques, conomiques, que je persiste trouver trs solides. Les deux ouvrages que Stphane Just a consacrs la Dfense du Trotskysme, principalement dirigs contre le courant pabliste, rsumeraient presque eux seuls ma conviction, mais aussi de nombreux articles de La Vrit de ces annes-l, notamment. Et cela, lOCI le fit en cherchant appliquer un programme, celui labor par Trotsky pour la IVme Internationale en 1938 le Programme de transition- et une stratgie constamment accompagne de ses tactiques, celle du Front unique ouvrier.

L'OCI fut une organisation qui devint, dans la dcennie des annes 1970-1980, assez puissante pour prtendre jouer un rle rel dans la lutte des classe en France, mais aussi pour disposer dune influence prpondrante dans les organisations qui, lchelle internationale, taient regroupes avec elle. Ses effectifs entre 1968 et 1980 dcuplrent, comme ils avaient dj dcupl dans la dcennie prcdente. Ils atteignirent alors peu prs leur sommet (plus de 5 000). Ils taient dautant plus importants que, contrairement de trs nombreuses autres organisations, lOCI ne comprenait pas dadhrents, mais seulement des militants. Nos ennemis et nos adversaires croyaient toujours, ces annes-l, que nous tions bien plus nombreux que ce que nous tions en ralit. Lorsquelle se proclama P.C.I., lorganisation commena distinguer entre adhrents et vritables militants, comme consquence de ses profondes modifications dorientation et du mode de recrutement qui en dcoulait.

Le P.C.I., sitt proclam, sitt dtruit

Cependant lOCI ne parvint jamais lobjectif vers quoi sa direction avait cherch tendre ses efforts durant plusieurs annes: un effectif de 10000 militants, qui lui confrerait le vritable statut de parti. Lorsquelle se proclama Parti communiste internationaliste, son 26me Congrs de dcembre 1981, elle tait loin davoir atteint les objectifs quelle avait elle-mme estims ncessaires datteindre pour le faire: cette proclamation fut donc une sorte de bluff politique, une cavalerie qui ne trompa gure que ses propres militants. Sa direction persista jusquen 1983 affirmer vouloir construire ce parti des 10000 dans les plus brefs dlais. Elle prtendit encore le faire en 1984, aprs la proclamation du Mouvement pour un Parti des Travailleurs (MPPT) dont elle tait pratiquement lunique artisan, mais en faisant disparatre le mot rvolutionnaire quelle remplaa dabord par ouvrier; puis elle renona dfinitivement cet objectif, et noya le PCI dans le Courant communiste internationaliste.

Vu de lextrieur en effet, il peut paratre surprenant que cest dans les annes mmes o elle affirmait tre parvenue au statut et la stature de parti que lOCI, devenue PCI, dcida de constituer une autre organisation, dans laquelle elle se saborda abandonnant rapidement delle-mme son propre titre de parti, offrant son propre journal, son organe central, elle sintitula courant, en perdant toute existence rellement indpendante de sa propre cration, le Mouvement pour un Parti des Travailleurs (MPPT), devenu ensuite Parti des Travailleurs, avant de se transformer son tour en Parti Ouvrier Indpendant (POI, la lettre I servant jusqualors dsigner le mot internationaliste). Le POI sest lui-mme, depuis 2015, scind en deux tronons, le POI et le POID (D pour dmocratique).

Aprs 1984, le PCI inspira le mme mouvement contradictoire, destructeur, lchelle internationale, embotant la IVme Internationale, quelle prtendit reconstituer et annona reproclamer, dans une Entente Internationale des Travailleurs sans programme rvolutionnaire ni contradictions apparentes. Elle qui avait toujours plac au-dessus de toutes ses exigences un programme politique rvolutionnaire densemble le Programme de transition dclin ensuite selon les contraintes nationales auxquelles astreint le combat contre sa propre bourgeoisie- construisit donc une sorte de parti sans programme, sans perspective rvolutionnaires, dont les principaux mots dordre taient et sont toujours dmocratie et rpublique, encadrant solidement le socialisme comme deux gendarmes leur prisonnier.

Si lon se rfre la formule marxiste le Programme, cest le Parti, le Parti, cest le Programme, on doit bien convenir que tout a disparu. Depuis plus de trente ans, les mots dordre rvolutionnaires sont totalement effacs de la presse et de lintervention de ces organisations quil suffise de penser celui des Etats-Unis dEurope, ou mme de gouvernement ouvrier-. Les militants qui se rclament encore du trotskysme poursuivent une existence vgtative ltouff, dont la seule expression, hors quelques tribunes libres totalement anodines dans Informations Ouvrires ou La Tribune des Travailleurs, se trouve dans une parution pisodique, La Vrit, revue thoriquement thorique et de diffusion parfaitement confidentielle.

Mon travail sarrtera au milieu des annes quatre-vingts, sur deux vnements intrieurs de grande importance:

Dune part lexclusion de Stphane Just, qui fut lun de ses principaux dirigeants, et, en mme temps que lui, de dizaines et dizaines de militants qui, sans tre forcment en accord avec Just, exprimaient encore une opposition et une volont de penser librement.

Dautre part, deux ans plus tard, la liquidation de lensemble du travail dans la jeunesse, avec le dpart pour le Parti Socialiste de Jean-Christophe Cambadlis entranant avec lui plus de quatre cents tudiants. Cambadlis tait alors un des principaux dirigeants du PCI. Ces deux vnements marquent la fin de ce qui, durant les presque vingt annes prcdentes, avait constitu la ralit rvolutionnaire de lOCI.

Frontires extrieures et limites internes de ce travail

Ce travail ne prtend donc pas tre exhaustif, ni abouti, ni certainement bien construit, ni satisfaisant pour quiconque. Il est rugueux, et, comme une grosse meule demmenthal, empli de trous. Une autre de ses particularits, je le rpte, est que jignore fondamentalement qui il sadresse: mes anciens camarades de lOCI-PCI? Lesquels dentre eux auraient politiquement survcu tout ce quils ont subi et partag durant ces dcennies? (et jcris cela sans mpris aucun). Lesquels dentre eux seront encore mme de lire avec lesprit critique ncessaire ce quils pourraient prendre pour une attaque brutale envers leur organisation? A mes anciens camarades du Comit fond par Stphane Just? Sans doute davantage, mais sans grand espoir dapporter une aide relle aux crises quils ont traverses, auxquelles jai particip, et qui nont laiss personne intact. En ralit, je nen sais rien, il y a de possibilits non ngligeables que ce travail reste lettre morte.

Pour une organisation se rclamant du marxisme, les questions dorientation sont essentielles. Ces questions nont jamais t traites jusquici, sauf par Stphane Just, qui navait fait que les baucher par manque de temps, pas de mthode. Jutiliserai la fois, en trs grande majorit, des textes de congrs et les articles de la revue thorique de lOCI, La Vrit. Je naborderai cependant pas les analyses conomiques, avec lesquelles je demeure en plein accord, elles sous-tendent les questions dorientation.

Le rle prminent de Pierre Lambert

On verra que je donne une trs large part de responsabilit, la plus grande, Pierre Lambert. Nombre de ses textes internes sont cits (de textes usage externe, Lambert nen crivit jamais vraiment part de nombreux ditoriaux et articles dans Informations Ouvrires : au dbut des annes soixante-dix, peu prs tous les militants souscrivirent pour un ouvrage de sa plume promis sortir dans des dlais trs brefs. Louvrage ne sortit jamais, quant largent de la souscription): dans les archives que jai abondamment consultes, les notes rdiges par Lambert constituent de loin larmature principale de la vie de lorganisation.

Ce nest donc pas du tout par fixation obsessionnelle, ni dans un esprit de rglement de comptes caractre personnel. Pierre Lambert, qui fut durant des annes incontestablement un remarquable constructeur de lOCI, un animateur incontournable du combat pour la reconstruction de la IVme Internationale, a cart au fil du temps, presque systmatiquement, tous les militants de grande valeur avec lesquels il pouvait esprer construire une vritable direction collective. A la fin des annes soixante-dix, il avait fait pour ainsi dire le vide autour de lui: la direction officielle de lorganisation (Bureau politique et comit central) tait trs majoritairement constitue de permanents vie, dont lindpendance politique tait donc rendue impossible par leur situation matrielle et dun certain point de vue, affective. La formule devenue clbre dans nos rangs, selon laquelle ''la crise de l'humanit se rduit celle de la direction rvolutionnaire'' trouve ici en concentr toute sa force. Une direction rduite un seul ne peut survivre. LOCI-PCI na jamais rsolu cette question fondamentale.

Cet isolement volontaire rendait Pierre Lambert, et avec lui toute lorganisation, dautant plus vulnrables aux pressions invitables de la classe antagonique. Il est rvlateur que les militants les plus proches dont il stait alors entour dans le secrtariat du Bureau Politique du dbut des annes 1980enlevant de ce fait au Bureau politique lessentiel de son rle-, aient t Jean-Christophe Cambadlis, Luis Favre, Marc Lacaze et Daniel Gluckstein. De ces quatre-l, deux ont dsert, lun avec clat, lautre plus souplement. Des deux qui restrent, aujourdhui mortellement opposs, lun mapparaissait comme un excutant dairain sans vraie pense autonome, lautre comme quelquun qui avait dentre pris la mesure de qui tait devenu Pierre Lambert, et entendait bien se glisser dans cette ombre, avant d'essayer de lui en faire.

Il tait donc ncessaire que, pour une telle recherche, je me sois surtout intress aux questions de direction. Trs souvent, les notes des membres du comit central ne sont que des directives dapplication de ce que les textes de Lambert tablissent, malheureusement -sur un plan littraire- dans une langue assez ingrate la syntaxe assez tourmente (qui reflte cependant assez souvent les linaments chantourns de la pense politique de leur auteur). Ces textes se sont imposs moi autant et davantage que je ne les ai systmatiquement recherchs. Ils ont fait peu peu merger la silhouette politique dun dirigeant monolithique, que laffaire Berg de 1979 commena modifier profondment, et que la situation politique ouverte en 1981 en France avec la dfaite lectorale de la bourgeoisie acheva de transformer jusquau dsastre de 1984.

______________________

Note: Jai plac dans le cours du texte les annexes que jai pu recopier. Dautres, souvent plus consistantes, sont relgues la fin de ce travail. Pour ne pas alourdir le fichier, je les ai places dans un autre envoi.

Premire Partie

Analyses justes

Pronostics faux

1 - Une erreur de rythme jamais corrige:

les Thses des XVIIme et XVIIIme congrs

Quand on relit aujourdhui les Thses du XVIIme congrs de lOCI (1972) et la rsolution politique du XVIIIme congrs (1973), on est au cur de la question, celle de lorientation politique. Cette orientation a t fixe alors, comme dans le marbre, par des textes que les militants de lOCI ont alors considr comme fondateurs, pratiquement au mme titre que le Manifeste du parti communiste, que les textes des quatre premiers Congrs de lInternationale communiste et que le programme de transition de 1938. Innombrables par la suite ont t les utilisations, les rappels, les rfrences, les hommages rendus ces textes fondateurs en ce quils voulaient dfinir et caractriser une nouvelle priode historique. Ils dressaient en effet un tat du monde (puis plus particulirement de la France) et de la priode historique engage depuis 1968 avec la grve gnrale en France et le dbut de rvolution politique en Tchcoslovaquie, brutalement interrompue par linvasion des chars de la bureaucratie stalinienne dURSS et de ses allis. Ils fixaient en mme temps les tches historiques dont devaient se charger les militants de lOCI et ceux des organisations engages dans la reconstruction de la IVme Internationale.

Depuis son XVIme congrs (1968), lOCI analysait donc la nouvelle priode de la lutte de classes comme la priode de limminence de la Rvolution ouverte avec la grve gnrale de mai-juin 19868 en France, et la marche la rvolution politique en Tchcoslovaquie. Cette priode englobait lensemble de la plante(tous les soulignements sont de moi) :

Il est possible de dire que ce qui caractrise les situations en France et en Tchcoslovaquie se retrouve, dans ses lignes fondamentales, lchelle de tous les pays gravitant dans lorbite de limprialisme mondial et dans les pays contrls par la bureaucratie stalinienne. Ce caractre suspendu se retrouve partout: au Vietnam et au Proche-Orient, aux USA et en Angleterre, en URSS et en Chine, en Amrique latine et aux Indes, dans lconomie comme en diplomatie et dans la politique. (La Vrit n 561, p.7)

Les Thses du XVIIme congrs caractrisent ainsi les principaux traits de la priode ouverte en 1968:

Les traits principaux de cette nouvelle priode prpars dans la priode antrieure de lre des guerres et des rvolutions peuvent tre schmatiquement dfinis dans les points suivants:

1/ La crise de dcomposition de limprialisme a atteint un stade o elle tend se transformer, dans chaque pays y compris aux USA, en une crise de domination de classe de chaque bourgeoisie. Mais la crise de domination de classe des bourgeoisies de chaque pays aboutit la concentration des problmes soulevs par cette crise, dans les principaux pays de lOccident et, en particulier, en Europe, qui devient ainsi lenjeu de la priode de limminence de la rvolution.

2/ La crise conjointe de la bureaucratie stalinienne a atteint le seuil o, aprs stre exprime dans les pays de lEst, en Chine, le processus de la marche en avant de la rvolution politique menace de dferler en Union Sovitique mme.

3/ Limprialisme mondial () et la bureaucratie du Kremlin () tendent unifier leurs forces et leur politique contre la Rvolution. () La caste contre-rvolutionnaire du Kremlin [est conduite accepter] que la direction de la lutte contre-rvolutionnaire soit confie limprialisme US.

4/ Le proltariat international et dans chaque pays, en dpit des checs dont aucun na eu un caractre dcisif, non seulement garde intact son potentiel de classe, mais est conduit, en relation avec lapprofondissement des conditions objectives, engager des combats dont lenjeu est directement le Pouvoir. (P.10-11)

Les Thses prsentent donc cette priode comme un moment de cristallisation intense et rapide vers un processus rvolutionnaire mondial: la rvolution mondiale frappe la porte. Il faut lui ouvrir.

La priode de limminence de la rvolution doit donc tre saisie comme la priode o se concentrent dans le secteur dcisif de lvolution historique l o le capitalisme a atteint le stade le plus lev de son dveloppement, dabord en Europe, ensuite aux USA- toutes les contradictions du systme de la proprit prive dans limpasse. Cest la priode o le processus rvolutionnaire mondial tend de nouveau sunifier, mais sur une base historique plus leve. (p.18)

() Si le proltariat, guid par le parti international, ne remporte pas la victoire, le capitalisme entranera la civilisation humaine dans la barbarie. Il sagit dune situation historique caractrise par lenchevtrement complexe o, dune part, la dcomposition acclre de limprialisme lchelle mondiale, la faiblesse politique du proltariat trahi par ses directions qui exprimaient les intrts de laristocratie ouvrire et, dautre part, la puissance de classe du proltariat mobilis par la dcomposition de limprialisme dans de gigantesques actions rvolutionnaires (en dpit des dfaites et des checs de la lutte de classe proltarienne) ont prsid au dveloppement de la bureaucratie stalinienne et son maintien. Les rapports dOctobre ont subsist mais la bureaucratie les a confisqus son profit. () (P.21-22)

La grve gnrale de 1968 est la rptition gnrale de la rvolution proltarienne en France.

Ce quoi les militants rvolutionnaires doivent se prparer est donc

une priode de tournants brusques o sexprimera, dans laffrontement centralis entre les classes au niveau de lEtat, le problme du pouvoir ouvrier. Cest donc que nous devons nous prparer la Rvolution proltarienne, cest--dire une priode couvrant toute une poque o les classes et leurs expressions politiques disposeront leurs forces autour de la solution rvolutionnaire concentre au niveau de lEtat, du pouvoir. (p.58)

Pour la France, le pronostic est plus prcis et prcipit encore:

Ce qui justifie cette perspective rside en ceci: durant ces dernires annes, la bourgeoisie na pas trouv les forces suffisantes pour conduire son terme son offensive contre les masses laborieuses. Une situation aussi instable, o la lutte du proltariat entrave par les appareils na pu aboutir, o la bourgeoisie ne se sent plus matresse chez elle, ne peut se dnouer que dans une crise rvolutionnaire ouverte, posant lalternative: ou lcrasement physique du proltariat, ou la dictature du proltariat. Le bonapartisme moribond a puis ses ressources. Il faudrait imposer le bonapartisme policier portant des coups directs la classe et aux organisations. Mais la bourgeoisie na pas confiance dans les ressources de son Etat pour contenir le mouvement des masses. Les formes actuelles que prend cette crise de domination de la classe capitaliste renforcent encore le caractre dinstabilit de toute la situation. (p.59)

Des pronostics premptoires

On ne peut qutre frapp par le caractre premptoire des affirmations, surtout quand elles sappliquent lavenir, prsent ici encore comme inluctable. Ladjectif inluctable sera dailleurs lun des plus couramment employs dans cette priode. Ici lanalyse cherche se prsenter comme une loi historique intangible. Lerreur dapprciation, avec le temps, est manifeste. La question du caractre moribond du bonapartisme, dune part, de louverture inluctable dune crise rvolutionnaire ouverte dautre part, na, plus de quarante ans aprs, toujours pas trouv de rponse concrte.

Mais pour les militants de lOCI de ces annes, la situation prsentait un caractre durgence absolue, et de trs proche ralisation. Chaque monte de la classe ouvrire durant ces annes (Chili, Portugal, Espagne, Iran, Nicaragua) sera pour lOCI une occasion de proclamer de manire clatante la justesse du pronostic initial :

La question, rptons-le, nest pas de savoir avec quelle rapidit et sous quelles formes concrtes les luttes vont jaillir. Il est impossible de le prvoir. La question est de savoir que le proltariat se dirige vers la Rvolution, mme sil nen a pas encore conscience. La question est donc de nous prparer aux affrontements rvolutionnaires. Rptons-le, le caractre rvolutionnaire de lpoque de limminence de la Rvolution ne consiste pas penser [sic] qu chaque instant la Rvolution peut se raliser. Le caractre rvolutionnaire de la situation consiste en ce que toute lutte de classe denvergure pose le problme du pouvoir. (p.61)

Enfin, les Thses rappelaient un texte de 1966 qui souligne que souvre une priode particulirement favorable la construction de partis trotskystes et la reconstruction de la IVme Internationale:

La nouvelle conjoncture des rapports de force entre les classes, tant lchelle internationale que dans chaque pays, est considre par le Comit International comme la priode de la plus grande crise du capitalisme, o le problme du pouvoir devient lenjeu central de la lutte des classes.

Cette priode est celle de la crise de limprialisme ayant atteint un point o toutes les contradictions du systme capitaliste doivent se dnouer dans une prochaine priode, soit en rvolution proltarienne victorieuse, soit dans leffondrement de la civilisation humaine.

Cette priode est celle de la crise de la bureaucratie stalinienne, conjointe la crise de limprialisme qui, pour la premire fois depuis la dfaite de lOpposition de gauche, lchelle internationale et dans tous les pays, particulirement les pays ayant chapp au contrle de limprialisme, dgage les voies de la construction de partis trotskystes sur la base de la monte de la rvolution politique. (p.97)

La rsolution du Comit International est sans ambigit sur les liens qui unissent la construction de lInternationale la nature de la priode considre. La 4me internationale est partie intgrante des conditions du combat rvolutionnaire lchelle mondiale, son existence est considre comme la premire condition de la victoire.

La rsolution politique du XVIIIme Congrs (1973)

Le texte principal du XVIIIme congrs, qui fait suite aux Thses et les complte un an plus tard, est concentr sur la question franaise. Il se place quelques mois des lections lgislatives de 1974. Ici encore, il se prsente comme dictant des lois historiques dans un futur catgorique:

La bourgeoisie tentera dviter jusquau bout de laisser le pouvoir aux appareils; elle sera amene cette solution par le souci de sa propre sauvegarde, face au mouvement des masses. Cest alors que la bourgeoisie, aprs avoir rsist jusquau bout, demandera aux partis ouvriers traditionnels de prendre le pouvoir. Pour sauver la bourgeoisie, les appareils sy prparent; telle est la signification du Programme commun et de lalliance avec les Radicaux. Le PCF et le PS au pouvoir, cela ne signifiera nullement que les appareils se rapprocheront des masses. Au contraire, plus seront rvles, au travers de la mobilisation des masses, les possibilits rvolutionnaires encore latentes, plus les dirigeants officiels seront pousss droite dans le sens dun plus grand et plus troit rapprochement avec la bourgeoisie.

En conclusion, tous les faits lattestent: le rgime a perdu son quilibre; le nouveau rapport de forces entre les classes qui, dores et dj, a t potentiellement rvl partir de la grve gnrale de mai-juin 1968, stablira en rsultat de la lutte. Cest l la Rvolution.

Fidle sa tradition: ne rsister aucun choc srieux, en appeler aux appareils [en ce temps-l, le terme appareils recouvrait aussi bien les partis ouvriers traditionnels, PCF et PS, que les appareils syndicaux] pour garantir son existence, le gouvernement ira de mcomptes en dconvenues. La situation devient explosive. Les conflits de classe se prparent. Ils peuvent clater nimporte quel moment. La classe ouvrire peut galement attendre les lections. La situation peut exploser aprs les lections. Mais la ligne de dveloppement est toute trace. Cest le mme mouvement qui, quels que soient les rsultats des lections (lesquelles, moins dun tournant brusque toujours possible mais nanmoins peu vraisemblable et qui ne saurait dailleurs que modifier les rythmes, lallure, et non la ligne du dveloppement doivent entraner un effondrement de lUDR), conduit aux affrontements rvolutionnaires. Ce mouvement ne peut tre cass que dans le cours de toute une srie de luttes grandioses, qui, travers flux et reflux sur une longue priode, verraient le proltariat subir des dfaites majeures. Hors de lcrasement physique de la classe ouvrire, la bourgeoisie franaise ne peut stabiliser son pouvoir. Pralablement une telle situation, la perspective passe par les conflits de classes, sur un terrain ou un autre, au niveau de lEtat. Les mesures prises par la classe ennemie deviennent autant dimpulsions pour la formation de la conscience de lobjectif atteindre: en finir avec le rgime. Le proltariat est engag dans un processus politique o il limine successivement toutes les fausses solutions prsentes par les appareils, parce quelles sont fausses parce quelles ne rglent rien, parce quelles sont inefficaces [confronter avec le nombre de journes daction, de grves davertissement, etc toutes solutions plus fausses les unes que les autres, dont les appareils ont empoisonn les masses ouvrires durant des annes et des annes, qui ne les ont pourtant pas limines, encaissant dfaite sur dfaite, seuls les tudiants en 1986 parvenant submerger les appareils parce que la jonction avec la classe ouvrire allait soprer] . Bientt, il ne restera plus quune solution imposer pour satisfaire les aspirations et les revendications: les affrontements au niveau de lEtat o seffondrera le rgime Pompidou, toutes les autres solutions nayant conduit nulle part.

Le caractre faussement scientifique des affirmations sur le droulement futur des vnements saffirme encoreici:

La classe ouvrire, aprs la trahison de la grve gnrale, a d, doit et devra passer par toute la gamme des formes de luttes que lui imposent les appareils sur tous les terrains: lectoral, conomique, manifestations limites et contrles.

La classe ouvrire accomplit et accomplira tout le chemin de son exprience et de ses directions, en relation avec une lutte de classe qui, dans cette priode de limminence de la Rvolution, dpouillera les contradictions sociales lune aprs lautre, y compris la contradiction entre les aspirations des masses et les directions traditionnelles, pour se trouver en prsence de celle qui est la base de toutes les contradictions: le caractre social de la production et la proprit prive des moyens de production.

Il ne restera alors la classe ouvrire quune exprience raliser: laffrontement au niveau de lEtat pour rsoudre le problme de labolition de la proprit prive. Cest cette exprience qui sinscrit dans la perspective la plus prochaine et qui couvrira toute une priode o se jouera le sort de la crise rvolutionnaire.

On peut, on doit, ainsi comparer ce qui est annonc ici comme un droulement certain et ce qui sest rellement produit aprs 1981:

Le PCF et le PS obtiendront des mains des masses laborieuses le pouvoir quils utiliseront contre les aspirations rvolutionnaires. Les travailleurs, avant dadmettre la ncessit dune nouvelle direction, tenteront de faire pression sur les anciennes directions pour que celles-ci ralisent leurs aspirations: elles rclameront celles-ci dexcuter les engagements quelles prtendent avoir pris. Les travailleurs cherchent en finir avec le capitalisme. Cest prcisment cette tendance que les dirigeants russiront transformer en volont dimposer un gouvernement PS-PCF-Radicaux qui apparatra leurs yeux comme un gouvernement ouvrier alors que ce sera un gouvernement bourgeois. () Sous le feu de la lutte des classes, les masses se dresseront contre la prsence, au sein du gouvernement, des radicaux bourgeois. Elles y seront amenes en relation mme avec largumentation mise en avant par les dirigeants:Nous ne pouvons tout faire dun coup, nous ne pouvons satisfaire toutes les revendications, car cela effraierait nos allis des classes moyennes. Nous risquerions disoler la classe ouvrire de ses allis naturels. Aprs un certain temps, les masses traduiront: Si cest la prsence des radicaux bourgeois au gouvernement qui empche la satisfaction de nos aspirations, alors il faut que les ministres bourgeois sen aillent.Les dirigeants du PCF et du PS constitueront un gouvernement PCF-PS, ultime barrage pour garantir la socit bourgeoise. Ce gouvernement ne sera pas un gouvernement ouvrier et paysan, ce sera un gouvernement bourgeois.

Conclusion:

Le caractre profond de la situation pr-rvolutionnaire se dirigeant vers la situation rvolutionnaire ouverte peut se rsumer simplement: tous les dveloppements politiques vont sacclrer jusqu crer une situation daffrontements rvolutionnaires multiplis, entre les classes. Cela implique que les mots dordre rvolutionnaires du programme de la IVme Internationale deviendront de plus en plus actuels, efficaces, ressentis comme ncessaires par les larges masses. Il nous faut seulement apprendre les concrtiser et les adapter en relation avec ltat desprit des masses.

Pour des militants et des cadres encore inexpriments, est-ce quon ne pourrait pas presque se croire la veille de 1905, un 1905 largi la plante entire? Et de plus, un 1905 bien plus rapproch de 1917, si lon peut dire, quil ne fut alors en Russie. Quarante-cinq ans plus tard, il est facile (mais ncessaire) de comparer ces pronostics avec ce qui sest rellement produit. La lecture des numros de La Vrit de la dcennie 70 ne fait que confirmer.

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2- 1968-1981: Les Congrs de lOCI et La Vrit

annoncent la tempte

Comment La Vrit, (revue thorique de lOCI, de parution environ trimestrielle), rend-elle compte de la situation gnrale durant toutes ces annes? (elle cite souvent aussi les rsolutions des congrs de lOCI). On lira que, la plupart du temps, elle dveloppe presque sans nuances les Thses du XVIIme congrs, qui sont elles-mmes la reprise dploye de textes crits partir de 1968-69, partir du rapport politique du XVIme congrs de lOCI tenu ce moment-l. Elle les utilise pour expliquer le mouvement de fond qui se dessine ces annes-l.

Pourtant je demeure daccord avec le fait que 1968 marque bien le dbut dune nouvelle priode historique, celle o la classe ouvrire mondiale reprend linitiative dans la lutte des classes. Mais les caractristiques de cette priode sont-elles exactement celles qunonait lOCI?

Il sera utile, pour trouver une rponse, de passer en revue les diffrents pays sur lesquels lOCI (et le CORQI puis le Comit International, puis IV Internationale-CIR) ont dvelopp leurs analyses, lorsquils estimaient que ces pays taient en proie des explosions rvolutionnaires, voire des rvolutions. Les citations seront donc assez longues. (Tous les soulignements dans lensemble des citations de ce chapitre sont de moi)

La Vrit n542 (octobre 1968)

Les premiers dveloppements de la rvolution politique et la grve gnrale en France de mai-juin 1968 sont les premires rponses quesquisse le proltariat international la crise conjointe de limprialisme et de la bureaucratie du Kremlin. Elles signifient que la classe ouvrire engage la lutte pour le pouvoir politique dans lensemble des pays dEurope, quelle tend fondre en un mme processus la rvolution sociale dans les pays capitalistes et la rvolution politique contre les bureaucraties parasitaires et tablir ainsi les fondements des Etats-Unis socialistes dEurope. La grve gnrale en France et les dbuts de la rvolution politique en Tchcoslovaquie redonnent la lutte pour le socialisme sa signification profonde: son caractre universel.

Le mot dordre des Etats-Unis socialiste dEurope est dploy galement partir de cette analyse. Il a aujourdhui totalement disparu.

La Vrit n 548, Juin 1970: Sur les Etats-Unis socialistes dEurope, article de Stphane Just Conclusion p.27:

Aussi bien louest qu lest de lEurope, le mot dordre et la perspective des Etats-Unis socialistes dEurope ordonnent et unifient la lutte du proltariat. Le combat a commenc avec la Rvolution dOctobre; la vague rvolutionnaire mme limite et contenue la fin de laprs-seconde guerre mondiale renfora les positions conquises par la classe ouvrire europenne, sous lapparence de la division du monde en blocs. Appuye sur les positions acquises, la classe ouvrire dEurope fait face la raction imprialiste. Elle se dresse contre les bureaucraties parasitaires et spoliatrices qui, en dernire analyse, sont lest de lEurope, en URSS- les meilleurs atouts dont dispose limprialisme, tout comme lappareil international du stalinisme est pass du ct du maintien de lordre bourgeois dans le monde.

Aprs un moment de recul, la classe ouvrire europenne repart lassaut. Telle est la signification de mai-juin 1968 en France, du combat engag par le proltariat tchcoslovaque.

Rvolution sociale et rvolution politique sont troitement imbriques. Elles forment une totalit. LEurope de demain sera un ramassis de dcombres, ou elle sera celle des Etats-Unis socialistes dEurope. Prise sous ltau, la bureaucratie parasitaire sera inluctablement broye. Mais qui vaincra: limprialisme ou le proltariat

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3- Sur la situation franaise aprs 1968:

un caractre inluctable jusqu'ici lud

Aucun doute nest permisselon lOCI dalors : la grve gnrale de 1968 et le referendum perdu par de Gaulle en 1969 sonnent le glas de la Vme rpublique, lchec du bonapartisme gaulliste, chance rapproche, mais dune faon prsente comme absolument certaine. Pourtant lditorial du n560 (1973) rdig par Franois Forgue montre des finesses danalyse quon ne retrouvera pas souvent par la suite:

La Vrit n 560 Avril 1973 Donc parue aprs les thses du XVIIme Congrs et avant le rapport politique du XVIIIme

p.13: Quen est-il aujourdhui? Avec la grve gnrale de mai-juin 1968 et la chute de de Gaulle () souvrait une priode de crise fondamentale de tout le systme de domination de classe de la bourgeoisie. Lorigine de cette crise tait dans lincapacit du rgime bonapartiste discipliner la classe ouvrire en la dsintgrant comme classe, en fonction des besoins de lexploitation capitalise. La rsistance de la classe ouvrire ne pouvait tre vaincue quen lcrasant. Cette perspective, la bourgeoisie ne peut louvrir, et cest en ce sens que la classe ouvrire conserve linitiative politique travers des phases changeantes, les pas en avant et en arrire.

Cette priode nest pas close. Le scrutin des 4 et 11 mars en a t un moment. Des millions dhommes ont commenc se mettre en mouvement, prendre conscience de lenjeu. Lun de leurs actes politiques a consist exprimer leurs aspirations en votant pour le PCF et pour le PS. La politique de collaboration avec la bourgeoisie des directions na pu interdire aux travailleurs de saffirmer comme classe sur le terrain lectoral: cest le sens de leur vote massif, sans enthousiasme mais lucide, pour les partis ouvriers. () La petite-bourgeoisie et nous en avons expliqu les raisons- a marqu le pas. () En ce sens, la classe ouvrire nest pas isole.

p.16: Le dmantlement de la Constitution de 1958 a dj commenc. On sattaque tout au moins son esprit. () Rnover le parlement nest pas une question technique. Il ne sagit de rien de moins que dadapter les formes de domination de la bourgeoisie, de rcrer les conditions permettant dassocier toutes les formations politiques de la bourgeoisie et les dirigeants du PS et du PCF au maintien de lordre bourgeois.

p.18 Le bonapartisme a chou dans son entreprise. Il lgue, dans cette mesure, ceux qui sont chargs de liquider sa faillite, un difice monstrueux, inachev, contradictoire. Mais ce systme politique dont parle lditorialiste du Nouveau Journal sincarne dans un ensemble dinstitutions et de mesures qui ne sont pas seulement contraires au fonctionnement dune dmocratie parlementaire, mais aussi, dans leur principe, lexistence dun mouvement ouvrier indpendant: autrement dit, ces institutions et mesures remettent en cause les relations politiques et juridiques au sein desquelles les organisations ouvrires, sur la base des rapports de force tablis par la lutte des classes, traitent de puissance puissance avec les reprsentants de la classe capitaliste.

Le maintien des institutions contre vents et mares et leur capacit dadaptation insouponnable ou insouponne en 1973 ont cr une situation parfaitement contradictoire, o la puissance de la classe ouvrire sest trouve, mme en 1981, cadenasse par les appareils dans des institutions qui incluaient dans leur fonctionnement mme la soumission totale des appareils lEtat bourgeois. Jamais ce cadre na pu tre bris, malgr toutes les annonces prsentes par lOCI comme certaines sur le fait que cela allait inluctablement se produire, mme aprs la victoire lectorale de la majorit PS-PCF de 1981. La vrit est toujours concrte (cf. citation de Trotsky dans Bonapartisme et fascisme, - O va la France?- extraite par Forgue p. 19 et 20). La dgradation/destruction des organisations ouvrires, partis et syndicats, bon an mal an, une fois que la bourgeoisie a repris linitiative, a repris aussi son cours acclr.

p.19 Ce que cherche Pompidou, cest insrer, dans le cadre antrieurement trac par le bonapartisme, certaines formes du parlementarisme classique. Cest trop ou trop peu, cest une impossible restauration.

p.22 Bien quentrav, le mouvement complmentaire cette concentration sans contrle du pouvoir excutif, celui qui vise enserrer toutes les relations sociales et politiques dans un rseau dinstitutions correspondant au caractre du rgime, se poursuit (). Cest le contenu mme du rgime qui se dfinit par l, tel point que lorsquil sera mortellement frapp par la grve gnrale, il cherchera son salut en prcipitant la marche au corporatisme: tel tait le sens du rfrendum sur le Snat corporatif et sur la rgionalisation.

Cest pourquoi larticle oscille en permanence, daffirmations premptoires en prudentes rserves:

p. 23-24 Depuis 1968, le rgime mis en place dix ans plus tt la faveur dun coup de force et qui avait constitu la tentative la plus cohrente de limprialisme franais de rgler ses comptes avec la classe ouvrire se survit sous une forme btarde qui ne peut aller que de crise en crise vers sa propre liquidation. () Cependant, de lmiettement organis de la grve gnrale au compte des lections de juin 68 qui assureront un sursis de Gaulle () les directions stalinienne et rformiste ont pes de tout leur poids pour interdire la classe ouvrire un issue politique. Aussi, tandis que la bourgeoisie conserve son propre appareil dEtat comme axe de regroupement, le mouvement de la classe ouvrire se dveloppe sans quune perspective lordonne. Le bonapartisme nest pas, dans cette mesure, balay. Sous une forme instable certes, il se survit. Aussi les lments que nous avons analyss plus haut et qui reprsentent son hritage ne peuvent-ils tre dfinis comme de simples paves quaurait abandonn le reflux du gaullisme. Ce sont des lments actifs de la situation politique, des facteurs du rapport de forces entre les classes.

Cependant, considrer ce que furent les objectifs du gaullisme en 1958, est-ce quen 2016, on ne peut pas estimer quils ont finalement, aprs bien des tergiversations et des difficults, en plus ou moins large partie t atteints, ou sont sur le bon chemin du succs? Succs dailleurs trs relatif puisquil na pas empch le dclin de limprialisme franais, encaissant encore plus que dautres rivaux les consquences de la crise gnrale du capitalisme. Et nest-ce pas une premire raison de la survie par-del toutes les prdictions de sa mort, de la constitution de la Vme Rpublique? Certes, elle y a laiss des plumes, comme tout combattant aprs un dur affrontement en de nombreux rounds, mais elle a finalement du moins jusquici- eu raison, dans ce combat-l, de son adversaire. Sans quil puisse tre question de triomphe (parce que ce combat se droule dans une arne internationale o la taille des combattants a, durant ce temps, largement diminu), on peut dire que les marques des succs remports par la bourgeoisie sont absolument indubitables si on mesure les rsultats laune de ce qui tait en projetau dpart. Il suffit de reprendre point par point chaque chapitre du programme fix pour mesurer le degr de ralisation atteint :

p. 26: Mais la raison dtre de ces institutions, ctait, avant tout autre chose, de fausser les conditions de la lutte incessante entre le capital et le travail dont parlait Marx; ctait de permettre une tentative systmatique dimposer la classe ouvrire les exigences du capitalisme franais, exigences impratives pour sa survie, lpoque o nous sommes, poque dextrme dcomposition de ce rgime social lchelle mondiale. Ces exigences de rentabilit, autrement dit de garantie des profits des exploiteurs, ne pouvaient tre ralises quen portant atteinte tous les droits et conqutes des travailleurs, en abolissant leurs liberts et en intgrant leurs syndicats lEtat capitaliste, en privant leurs enfants de toute culture gnrale et mme technique, de tout droit un mtier, enfin, en assurant une entire mobilit des esclaves salaris du capital, cette tarte la crme des sociologues et conomistes de la bourgeoisie qui se rduit la perte pour les travailleurs de toute garantie de lemploi, du droit au travail pour lequel ils entraient en lutte il y a 125 ans.

Tout cela, en 2016, nest-il pas largement en cours de ralisation, sur un trac engag depuis au moins trois dcennies?

La Vrit n562 Octobre 1973 Dans un discours de Lambert lors dun meeting la mutualit, on lit:

Nous sommes dans une situation o la classe ouvrire internationale accumule sa faon, sans direction, sans parti rvolutionnaire, toute une srie de leons, quelle doit assimiler en se dbarrassant de ses illusions par un effort acharn. Comme consquence de lexploitation, par un effort acharn et continuel, la classe ouvrire se mettra en mouvement, posera le problme du pouvoir et, camarades, plus vite lOCI sera construite, plus vite lavant-garde sera renforce, moins cher cotera ce dur, ce difficile combat de la classe ouvrire franaise, de la classe ouvrire internationale.

Sret de lanalyse, faiblesse du pronostic

La Vrit n564 Octobre 1974 (aprs llection prsidentielle qui voit la victoire trs limite- de Giscard dEstaing)

LEditorial de Stphane Just sign du 16 sept. 1974, p.2 montre la distance entre la sret de lanalyse des faits et le pronostic:

Il y a quatre mois, Giscard dEstaing devenait le troisime prsident de la Vme Rpublique. Dans tous les milieux rgne un sentiment de malaise, dincertitude, dangoisse, dattente de la catastrophe. () La peur dune profonde crise conomique grandit.

Dans une Europe au bord de labme () Les mesures que prennent les gouvernements des grandes puissances capitalistes pour freiner la marche la crise font ressortir la fragilit de ldifice conomique et financier europen, la faiblesse de ces bases, quelles minent plus profondment encore. Ils les prennent dans une atmosphre de crise politique dont ils ne redoutent pas moins les consquences. Crise conomique, sociale, politique enfin de tous les rapports bourgeois, simbriquent troitement et se nourrissent rciproquement en Europe. Crise de tous les rapports bourgeois qui est elle-mme insparablement noue la crise de la bureaucratie du Kremlin et des bureaucraties satellites de lEurope de lEst, (). Dans ces conditions, comment le gouvernement Giscard-Chirac napparatrait-il pas et ne serait-il pas le gouvernement qui conduit la France la catastrophe au milieu dune Europe au bord de labme?

Lchec et la crise de la Vme Rpublique car quel est donc ce gouvernement Giscard-Chirac? Le capital financier estime que cest un pis-aller dfaut dune autre solution qui puisse tre utilise sans que la lutte des classes en France dbouche sur une crise rvolutionnaire. La classe ouvrire, la jeunesse, les masses exploites, considrent que ce gouvernement est la dernire [noter lambigut du terme: plus rcente? ultime?] incarnation dun systme politique quelles ont fait chouer mais qui se survit; que ce gouvernement reprsente et dfend un systme social failli qui risque de les entraner dans sa dcadence, sa dcomposition. () Nous ne referons pas lhistoire de la Vme Rpublique. Cest finalement lhistoire dune succession de vastes projets dont aucun na t men terme. [Le temps du verbe indique quil sagit dun pass rvolu: les projets ont chou]

() La classe ouvrire a russi, malgr tous les obstacles qui ont t dresss devant elle, se rassembler et sexprimer politiquement au cours des lections prsidentielles, en entranant derrire elle dimportantes couches de la petite-bourgeoisie des villes et des campagnes. [Qui peut raisonnablement prtendre aujourdhui, en 2015, que la classe ouvrire franaise, aprs ses dfaites et son affaiblissement sur tous les terrains, possde encore la capacit immdiate dentraner derrire elle, comme elle lavait cette poque, dimportantes couches de la petite-bourgeoisie des villes et des campagnes, de mme que la jeunesse?] (p.7)

p.7-8 Vers la crise rvolutionnaire le titre de la rsolution politique du XIXme Congrs de lOCI caractrise cette situation ainsi: De la crise de la bourgeoisie la crise rvolutionnaire:

1. Impossibilit pour les classes dominantes de conserver leur domination sous une forme non modifie; telle ou telle crise du sommet, crise de la politique de la classe dominante, qui cre une fissure par laquelle le mcontentement et lindignation des classes opprimes se fraient un chemin. Pour que la rvolution clate, il ne suffit pas dordinaire que la base se veuille plus vivre comme auparavant, mais il importe encore plus que le sommet ne le puisse plus.

2. aggravation plus qu lordinaire de la misre et de la dtresse des classes opprimes.

3. Accentuation marque, pour les raisons indiques plus haut, de lactivit des masses, qui, en priode de paix, se laissent piller tranquillement, mais qui, en priode orageuse, sont appeles, tant par lensemble de la crise que par le sommet lui-mme, vers une action historique indpendante.

Lanalyse qui prcde dmontre que les conditions qui conduisent une crise rvolutionnaire et la rvolution se nouent en France, dans une Europe o partout les processus qui conduisent la rvolution proltarienne se font jour. Plus prcisment encore, la situation actuelle est de celles propos desquelles Trotsky crivait:

La pense marxiste est dialectique: elle considre tous les phnomnes dans leur dveloppement, dans leur passage dun tat un autre Lopposition absolue entre une situation rvolutionnaire et une situation contre-rvolutionnaire est un exemple classique de la pense mtaphysique. Dans le processus de lhistoire, on rencontre des situations stables tout fait non-rvolutionnaires. On rencontre des situations notoirement rvolutionnaires. Il existe aussi des situations contre-rvolutionnaires (il ne faut pas loublier). Mais ce qui existe surtout notre poque de capitalisme pourrissant, ce sont des situations INTERMEDIAIRES, transitoires: entre une situation rvolutionnaire ou contre-rvolutionnaire. Cest prcisment ces tats transitoires qui sont dune importance dcisive du point de vue politique.

La conclusion de Trotsky nous aide prciser que nous sommes dans une situation intermdiaire entre une situation prrvolutionnaire et une situation rvolutionnaire. Nous devons cependant exclure de notre pronostic la transformation de la situation intermdiaire, entre une situation prrvolutionnaire et une situation rvolutionnaire, en situation contre-rvolutionnaire. () Le point o est parvenue la crise conjointe de limprialisme et des bureaucraties en Europe, aux USA, et dans le monde en gnral, exclut une dfaite rapide et profonde du proltariat mondial et europen, alors quen 1935 la monte rvolutionnaire en France et en Espagne allait au contraire contre-courant des rapports entre les classes lchelle de lEurope et du monde, marqus par lcrasement du proltariat allemand sous la botte hitlrienne, le triomphe sanglant de la bureaucratie en URSS.

Certes les profonds reculs du proltariat europen et mondial depuis plus de trente ans nont pas revtu ce caractre dcrasement en Europe en particulier, qui fut celui des classes ouvrires allemande et espagnole dans les annes trente, mais elles nen marquent pas moins de profonds reculs que limprialisme en crise ne peut que tenter sans cesse dexploiter davantage, dans sa fuite perdue devant la baisse tendancielle du taux de profit.

p.17-18-19: Ltape du gouvernement des partis ouvriers traditionnels est invitable et marquera un haut niveau de laction rvolutionnaire des masses. Les trotskystes ninventent pas. Sans illusions et sans semer dillusions, ils pousent la ligne sur laquelle progresse laction politique du proltariat, de la jeunesse, des masses exploites. Cest pourquoi ils sont inconditionnellement pour en finir avec la Vme rpublique, lAssemble nationale () et sans poser a priori la question du programme, pour quun gouvernement des partis ouvriers traditionnels prenne le pouvoir.

Cette tape, qui en France aurait d succder aux gouvernements de type front populaire ns partir de 1981, na jamais t franchie nulle part: aucun gouvernement des seuls partis ouvriers traditionnels na vu le jour nulle part.

Un an et demi plus tard, dans La Vrit n 569 (fin 1975), larticle leader de Marc Lacaze intitul: France: nouveaux dveloppements Le Front unique ouvrier: question clef accentue encore le pronostic sur la France. Les militants sont de ce fait tenus en haleine et sur le qui-vive de faon permanente.

p.13: Il est toujours difficile de rendre compte avec exactitude du moment o les changements quantitatifs vont aboutir la transformation qualitative dans le dveloppement dun processus vivant.

Pourtant, il faut le dire, cette perspective, trace il y a un an, de la transformation de la crise du rgime en crise rvolutionnaire, sest considrablement rapproche, louverture de la crise rvolutionnaire menace en permanence. () La liquidation, lordre du jour, de la Vme rpublique, cest immanquablement louverture de la crise rvolutionnaire.

La conclusion de larticle largit la perspective lEurope tout entire:

La rvolution portugaise a ouvert la rvolution en Europe. La chute du franquisme, lclatement de la rvolution espagnole, annoncerait son dferlement en France, en Italie, et son extension lEurope tout entire lOuest et lEst. A moins que dans un pays dEurope de lEst, voire en URSS, ne souvre une nouvelle phase de la rvolution politique avant que la rvolution sociale contre le capital [ne] prenne sa dimension europenne. Les combinaisons concrtes peuvent tre trs variables, la rvolution en Europe est tout prt [prs] de devenir la rvolution europenne.

Fin 1975, le XXme congrs de lOCI affirme:

Toute la situation indique que les problmes arrivent maturit. Les contradictions sapprofondissent et se dnouent en explosion politique (rvolutionnaire), posant le problme du gouvernement.

Personne ne peut prvoir ni le moment, ni la forme de ce dnouement (rupture au sommet, krach, brutale irruption des masses dans un secteur de la classe)

Une certitude existe: les problmes arrivent maturit, la bataille pour le front unique ouvrier, pour dgager les obstacles opposs sa ralisation, constitue le seul axe de prparation dune organisation rvolutionnaire une priode o toutes ces forces accumules vont tre brutalement libres, pour laffrontement avec le gouvernement; elle constitue le seul axe de prparation la crise rvolutionnaire.

La Vrit n570, qui, en fvrier 1976 reprend le contenu et les conclusions des travaux du XXme congrs, ajoute:

Nous ne savons pas quels dlais nous sont laisss: la crise rvolutionnaire peut souvrir brutalement en France, par suite dune crise qui disloque le gouvernement et ouvre la voie aux masses, dun surgissement brutal du proltariat qui submerge les barrires que les appareils dressent, prpar par un foisonnement de combats partiels, en consquence dune dislocation trs grande vitesse du march mondial, sous limpact direct du jaillissement de la rvolution dans un pays comme lEspagne. Les lections lgislatives peuvent tre le dtonateur etc. a peut tre bref dlai, a peut durer. La direction des vnements nest pas douteuse. Lactivit politique de lOCI est partie constitutive du mrissement politique du proltariat. Son action a pour but de dgager les obstacles. Mais si les dlais sont suffisants, alors il doit tre possible de construire cette OCI qui, ds louverture de la rvolution, sera le ple suffisamment attractif pour que se construise en France le parti rvolutionnaire, sans que le dtour dangereux de la constitution dune ou dorganisations centristes existe. Il va de soi que la reconstitution de la IVme Internationale serait du mme coup puissamment impulse.

Une interminable agonie qui se prolonge aujourd'hui encore

La Vrit n 572 (Juin 1976) Article leader de Marc Lacaze (Gauquelin) sur La situation politique et lactivit de lOCI.

Que signifierait une dfaite lectorale de la bourgeoisie? Lacaze rpondcatgoriquement p.4 :

En clair, la dfaite du gouvernement Giscard-Chirac, de la majorit de lAssemble nationale devenue la minorit du suffrage universel, ne signifierait pas seulement un changement de majorit; elle signifierait leffondrement de la Vme Rpublique; elle signifierait que les masses se sont mises en mouvement, et quelles sattaquent lEtat, la socit bourgeoise, la proprit prive des moyens de production, en dautres termes: la rvolution proltarienne commencerait.

Or cest bien proche, selon larticle, puisque p.5:

A supposer que ce gouvernement parvienne tenir, ne pas chuter avant, les lections cantonales prouvent que les lections lgislatives, via les municipales, sonneraient le glas de lUDR, donc de la rpublique gaulliste tiquete Vme, de cette majorit lAssemble nationale si nettement minoritaire dans le pays.

Et nous ne sommes qu en 1976

Dans La Vrit n 573 en septembre 1976, un article leaderde Stphane Just: Lagonie de la Vme Rpublique, insiste encore:

A propos de la dmission de Chirac de son poste de 1er ministre, p.2:

Du point de vue de la Vme Rpublique, il sagit bien dun vnement dramatique. Il montre la puissance des forces qui la disloquent. Dores et dj, le processus de cette dislocation est en cours.

* p.3: La phase finale de lagonie de la Vme Rpublique a commenc.

* p.4: un rappel sur llection prsidentielle de 1974, qui vit Giscard dEstaing lu par 50,3% des suffrages contre 49,7 Mitterrand, candidat unique au second tour du PS et du PCF:

Sur le terrain, particulirement dfavorable; des lections prsidentielles, en dpit de la campagne de Mitterrand lui mme et du PCF () les masses, en votant Mitterrand, premier secrtaire du PS, affirmaient: la crise politique peut tre rsolue par lunit des partis ouvriers combattant pour former ensemble un gouvernement. La crise rvolutionnaire, de menaante, pouvait, quelques centaines de milliers de voix prs, souvrir. Elle risquait de resurgir la premire occasion.

Sen ressouvenir pour 1981: il ne sera alors pas dit un mot sur la campagne de Mitterrand lui-mme.

Toujours p.4-5: Passer, sans que souvre une crise rvolutionnaire, de la Vme Rpublique un autre systme politique de domination de la bourgeoisie (en outre, lequel?) tant impossible, un consensus politique entre les dirigeants des partis ouvriers, la majorit prsidentielle, la majorit parlementaire, au sein de celles-ci, devait garantir, un temps encore, lexistence de la Vme Rpublique.

Et la conclusion p.17, sur le caractre invitable des luttes de plus en plus nombreuses et importantes de la classe ouvrire et de la jeunesse, des masses ().

En dcembre 1976, la Vrit n 574 publie un article de Stphane Just. P.13-14: dans sa partie intitule Lagonie de la Vme rpublique, on lit:

La crise politique de la bourgeoisie franaise et laggravation de la situation conomique font de la France un des points de concentration en Europe des rapports entre les classes qui amneront la crise rvolutionnaire. Agonisante depuis 1968-1969, la Vme Rpublique nen finit pas de mourir. () la chute de la Vme rpublique, la dislocation de ses institutions, lcroulement du parti UDR qui a pntr et remodel lappareil bourgeois, ouvriront la crise rvolutionnaire, les masses surgiront et poseront la question du gouvernement, de lEtat, du systme social. La bourgeoisie na aucune autre possibilit immdiate que de laisser durer, durer encore, la Vme Rpublique.

Mais lclatement du gouvernement Giscard-Chirac sous leffet des chances politiques et de laggravation de la situation conomique combins a ouvert la dernire phase de cette agonie. Au bout, une seule ressource lorsque souvrira la crise rvolutionnaire: le front populaire, dont le programme de fondation de la IVme Internationale dit: Les fronts populaires dune part, le fascisme de lautre, sont les dernires ressources politiques de limprialisme dans la lutte contre la rvolution proltarienne.

Cest lannonce et la confirmation, avec cinq ans davance, de limportance dcisive annonce de lchance lectorale de 1981.

Confirmation renforce encore p.15:

LUnion de la gauche se prpare former un gouvernement de type front populaire, au moment o la crise rvolutionnaire souvrira en France.

Et en conclusion p.17: En fin de compte, la crise rvolutionnaire est invitable.

1977: La leon des lections municipales

La Vrit n 576 davril 1977 souvre avec le Dclaration du Bureau politique de lOCI propos du rsultat des lections municipales qui viennent davoir lieu. Son contenu, la ligne politique quelle exprime, trs claire, sont un dmenti catgorique de la ligne politique avance aprs la victoire lectorale de 1981. Pas un mot, en particulier, sur la dmocratie

Personne ne peut sy mprendre, les rsultats du premier tour des lections municipales traduisent la formidable volont des masses laborieuses den finir avec le gouvernement Giscard-Barre, de chasser du pouvoir tous les reprsentants de la bourgeoisie. () Lampleur qua pris lcrasement des partis faillis de la Vme rpublique atteste dj limmensit du mouvement qui se prpare, dmontrant que les masses laborieuses et la jeunesse veulent un gouvernement o ne sigeraient pas les reprsentants de partis bourgeois, Les Lo Hamon, Maurice Faure, et autres banquiers Filippi, radicaux de gauche. () Rien de changerait si on les laissait au gouvernement () Les travailleurs savent que pour arracher les revendications, il faut lunit. Un mouvement commence; ses premiers pas: les travailleurs et jeunes qui veulent lunit commencent dj raliser eux-mmes lunit: ce mouvement ne peut que slargir.() CEST LE MOUVEMENT QUI ANNONCE LA REVOLUTION SOCIALISTE. () La crise des institutions gaullistes qui se sont confondues avec lEtat bourgeois atteste que la vieille machine de lexploitation est use jusqu la corde. De toutes part et en tous lieux, craignant pour les destines de la Vme rpublique et de ses institutions, on appelle les masses laborieuses et la jeunesse attendre 1978, ce qui signifierait laisser les mains libres au patronat et au gouvernement. () Nous, militants de lOCI, disons: () dirigeants de PCF et du PS, respectez les engagements que vous avez pris en appelant les masses laborieuses voter pour vous. Les travailleurs et la jeunesse vous ont donn la majorit. Vous vous prononcez pour le respect du suffrage universel, alors appelez les masses se mobiliser pour la dissolution de lAssemble nationale, prenez le pouvoir, vous PS-PCF, pour tenir vos engagements. Vous savez que les reprsentants des partis bourgeois ne peuvent accepter les revendications. Nous OCI, disons: nous vous soutenons sans conditions ni pralables, pour raliser le front unique ouvrier pour imposer le gouvernement PS-PCF sans reprsentants des partis bourgeois. Prenez cette vois, nous vous soutiendrons, parce que cest ainsi que la classe ouvrire et la jeunesse sengageront dans la crise rvolutionnaire inluctable. La rvolution surgira de la crise politique dun rgime agonisant. () () LOCI va poursuivre et amplifier son combat, le combat du font unique ouvrier, le combat pour la rvolution socialiste.

Il sera utile de comparer cette dclaration avec celle qui sera publie au lendemain de la victoire lectorale du PS et du PCF en 1981.

Larticle leader de Stphane Justest titr :Aprs les lections municipales: avec hardiesse, en avant!

Mesurer la signification et les consquences de lclatement du gouvernement Giscard-Chirac exige de se souvenir quelle opration politique tentait Giscard dEstaing en constituant ce gouvernement. Le capital financier, en soutenant et en faisant lire finalement Giscard dEstaing, marquait quil cherchait en finir avec la Vme rpublique. De Gaulle navait pas russi domestiquer le proltariat, intgrer lEtat bourgeois et dtruire les organisations ouvrires. De nouvelles grandes luttes de classe taient lordre du jour, une crise rvolutionnaire se prparait. La dfaite de de Gaulle au referendum dAvril 69 excutait le jugement contre de Gaulle que mai-juin 68 avait prononc [jugement excut non par la seule classe ouvrire, mais aussi par une partie de la bourgeoisie, prcisment celle la tte de laquelle cherchait se porter Giscard]. Ds lors, la Vme rpublique tait condamne, dautant plus que la crise du systme montaire international annonait la venue dune crise conomique qui, conjugue la crise politique et sociale, renforait lacuit des contradictions au sein de la bourgeoisie. La dfaite de lUDR, llection de Giscard dEstaing,procdaient des mmes raisons qui avaient pouss Pompidou, aprs son lection et jusquen 1973, modifier la base du systme politique, jeter un pont vers la gauche, vers le PS notamment, sefforcer de renforcer le rle du parlement dans le cadre de la Vme rpublique. Mais la ncessit de modifier la forme politique de domination de classe est une chose; la possibilit de le faire et par quelle nouvelle forme politique de domination de classe la remplacer, sont une autre chose. Y parvenir est aussi compliqu que de rsoudre la quadrature du cercle. () Le bonapartisme, lEtat fort, chappant tout contrle parlementaire, et entirement contrl par des cliques au service direct du grand capital, sont des exigences du rgime capitaliste gangren.

On mesure mieux avec le recul ce que cette analyse contient dapproximation: le capital financier, pas plus que Giscard dEstaing, nont cherch en finir avec la Vme Rpublique. La Vme Rpublique et ses institutions ont fait preuve dune souplesse bien plus grande que celle que lOCI lui avait accorde, souplesse qui sest accorde avec la souplesse dchine des dirigeants du PS et ceux du PCF lorsquils se sont retrouvs en situation de majorit absolue lassemble nationale, la suite de llection de Mitterrand en 1981.

P.10: Lensemble de ces donnes composent le mouvement qui mnera de la crise de la bourgeoisie la crise rvolutionnaire. Le gouvernement Giscard-Chirac, ds le printemps 1976, tait pris de convulsions. Le titre de coordonnateur de la majorit dcern Chirac na pas empch quentre les regroupements de la majorit de plus en plus minoritaire, les conflits ne se soient aiguiss, ainsi qu lintrieur de chaque groupe. Ds juin-juillet, la crise gouvernementale tait invitable. Le gouvernement Giscard-Chirac clatait au mois dAot. Lclatement du gouvernement Giscard-Chirac, ctait lchec de la tentative de colmater la crise du rgime. Ds lors, elle ne pouvait plus que se dvelopper jusqu son terme: leffondrement de la Vme Rpublique, louverture de la crise rvolutionnaire.

p.18: Quoi quil en soit, la longue agonie de la Vme rpublique est parvenue sa phase finale: celle de la dislocation, de leffondrement, de la mort de la Vme Rpublique. Comment se combineront concrtement les vnements, ce nest pas crit davance. De toute faon, la crise rvolutionnaire affleure, elle explosera. Telle est la signification profonde des lections municipales. Rien ne lempchera. La faon dont elle sengagera, les rapports politiques entre les classes et lintrieur de la classe ouvrire, de la jeunesse, des masses exploites, au moment o elle sengagera, ne sont cependant pas des questions indiffrentes.

p.18-19 aussi: La tendance des mouvements de la classe ouvrire, de la jeunesse, des masses exploites vers une convergence, ne peut que saffirmer. Les rsultats des lections municipales jouent dans ce sens. Les masses vrifieront par exprience le degr de dislocation et de faiblesse de la Vme Rpublique, de ses institutions, du gouvernement Giscard-Barre. Elles gagneront en hardiesse. Elles mesureront quelles peuvent imposer lunit ouvrire, laction efficace aux dirigeants. L aussi, elles gagneront en hardiesse. Les grandes perspectives politiques leur sembleront plus concrtes, plus ralisables, au cours mme de ce processus, ce qui lalimentera. Se tournant vers les dirigeants du PS , du PCF, des centrales syndicales, elles nen dgageront pas moins des forces militantes qui seront lexpression dune aspiration, dune volont devenant de plus en plus active.()

Jamais les conditions nont t aussi favorables pour se lier aux masses, renforcer qualitativement lorganisation qui construit le parti rvolutionnaire en France et combat pour la reconstruction de la IVme Internationale.

P.20 : Mais lagonie de la Vme Rpublique atteint son point ultime, la crise politique accentue acclre la crise conomique et sociale. Les masses tirent les consquences des lections des 13 et 20 mars: il faut en finir avec cette Assemble nationale dsavoue; il faut en finir avec ce gouvernement en faillite et battu; le moment est venu de porter au pouvoir un gouvernement de leurs partis, le PS et le PCF. Le moment est venu dexiger que leurs revendications soient satisfaites.

De la certitude loutrecuidance

La tonalit nest pas la propagande, mais lagitation, la mobilisation, dabord militante, mais par-del, un appel direct laction de masse.

Comme illustration, un article de Marc Lacaze, Le mouvement est engag sombrerait presque dans le lyrismeexalt et prophtique. Le titre est prcd dun bandeau: Sous nos yeux, le regroupement des forces commence soprer. Il est des signes qui ne trompent pas.

Lacaze, tant tout gant, et non sans outrecuidance, en rajouteen prenant le relai:

p.21: Comment vont se combiner leffondrement de la Vme Rpublique, lirruption des masses, le dmantlement des institutions et organismes de la Vme Rpublique qui ouvriront de larges brches dans lEtat bourgeois, le passage de la crise de la bourgeoisie la crise rvolutionnaire? Le marxisme ne permet pas de rpondre cette question. Par contre, il permet daffirmer: cette issue est maintenant toute proche. Le grand tournant, qui aura une importance capitale pour lEurope, est dj amorc en France.

La conclusion, p.35, nest pas moins temptueuse, commenant par citer le rapport prparatoire au XXIme congrs:

Mais le mouvement de la classe ouvrire, de la jeunesse, des masses exploites, avec toutes ses illusions, se dirige vers la formation de comits de grve lus, la constitution dautres formes dorganisation caractre pr-sovitique plus ou moins dvelopp.

Toute notre intervention dans la lutte des classes vise dgager ce mouvement, le nourrir, lamener le plus loin possible ds avant lclatement de la crise rvolutionnaire et au moment de son clatement. Jusqu quel point et comment, dans lclatement de la crise rvolutionnaire, se dveloppera cette tendance? Nous ne pouvons rpondre cette question: peut-tre ne sera-t-il encore quembryonnaire, peut-tre se dveloppera-t-il dun seul coup et trs gnralement. Mais il est inluctable.

Lacaze enchane:Encore faudra-t-il lavenir dvelopper plus avant ce qui est crit dans ce projet de rapport pour le XXIme congrs de lOCI. En effet, les lois gnrales du mouvement saffirmeront, cest une certitude, mais elles le feront dans une situation qui nest pas celle des annes 1935-1936. A laube de cette nouvelle priode de la rvolution mondiale, aprs cet apprentissage de mois et dannes de combat acharn contre les directions tratres la classe ouvrire dont parle le projet de rapport, avec une organisation rvolutionnaire existante, lOCI, forte de plusieurs milliers de membres gagns et tremps dans une exprience commune concentre dans les derniers mois de lexistence de la Vme Rpublique, de riches possibilits continueront soffrir dans cette priode o, pour un temps, les illusions des masses constitueront de puissantes entraves leur mouvement.

Dans La Vrit n777 de juin 1977, Stphane Just largit lanalyse:

Son article leader Cest au tour de la France est prcd de la phrase en exergue: La crise politique de la bourgeoisie franaise va aboutir louverture de la crise rvolutionnaire.

P.4., titre de partie:Dans une nouvelle priode de la rvolution proltarienne:

Aux lendemains des lections municipales qui viennent davoir lieu, on est tent de reprendre lexpression de Trotsky:Cest au tour de la France. En effet, il ne fait aucun doute que la phase finale de lagonie de la Vme rpublique est engage, que la crise rvolutionnaire va souvrir. Il importe cependant de considrer les diffrences radicales qui existent entre la situation de 1934 [Lacaze parle, lui, de 1935-36] et celle de 1977. En 1934, ctait le crpuscule dune priode de la rvolution proltarienne. En 1977, nous sommes dans une nouvelle priode de la rvolution proltarienne en Europe et dans le monde.

Cest au tour de la France: aprs la retentissante dfaite de limprialisme amricain au Vietnam, lchec de la Sainte-alliance contre-rvolutionnaire quelle a signifi, dont les consquences sont loin dtre puises; aprs que se soit ouverte la rvolution proltarienne au Portugal; aprs leffondrement du rgime des colonels en Grce

Cest au tour de la France: alors quen Italie, les masses commencent submerger les digues de la coalition Andreotti-Berlinguer dresse contre lavance [lavance] dune crise rvolutionnaire; alors que lEtat franquiste vacille et est sa limite de leffondrement, quune nouvelle rvolution proltarienne est invitable.

Cest au tour de la France: alors que le vieil imprialisme britannique subit une crise irrmdiable; alors quen Allemagne, le plus puissant capitalisme europen charg dun poids quil ne peut soutenir maintenir flot le capitalisme en Europe-, sessouffle, et que, surtout, contre la capital et le stalinisme, la classe ouvrire peroit quil existe une issue: lunit du peuple allemand, de la classe ouvrire allemande pour le socialisme.

Cest au tour de la France: alors quen Europe de lEst, le feu de la rvolution politique couve sous la cendre bureaucratique, de la Pologne lURSS.

Cest au tour de la France: au dbut dune priode de rvolutions en Europe, au commencement de la rvolution proltarienne europenne laquelle la rvolution franaise donnera une puissante impulsion, toute son ampleur, sa profondeur, sa grandeur historique.

Le XXIme congrs de lOCI, en avril 1977, prolonge dans sa rsolution gnrale: Le moment prsent et les tches de lOCI:

Les rgimes politiques en Europe, que ce soit en Europe de lOuest ou en Europe de lEst, sont tous en crise politique. Les crises politiques des rgimes bourgeois et bureaucratiques se combinent une radicalisation, des niveaux divers, du proltariat europen.() Ce projet de rsolution sinscrit dans la ligne des thses du XVIIme congrs, du rapport politique du XVIIIme congrs, de la rsolution politique du XIXme congrs, du rapport politique du XXme congrs, et, plus particulirement, du projet de rsolution politique soumis au XXIme congrs. Concernant ce dernier projet, il est indispensable dindiquer que la marche des vnements en a confirm la ligne principale ainsi que toute lanalyse.

Il en sera ainsi de dclarations faites dans chaque congrs de lOCI: les vnements en cours auront toujours invariablement et pleinement confirm toute lanalyse.

Il nest pas utile ici de poursuivre les citations sur la situation franaise avant 1981. Jy reviendrai avec la question cruciale de 1981.

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4 - Le Chili entre 1971 et 1973

CHILI 1971: Je cite essentiellement Fronts Populaires dhier et daujourdhui Charles Berg- Stphane Just, 1977. Mais on peut reprendre aussi les articles dEtienne Laurent dans les numros de La Vrit et dI.O. de lpoque.

Lintensit de la lutte des classes, de lactivit rvolutionnaire du proltariat au Chili en fait un des points les plus hauts de lactivit gnrale de la classe ouvrire dans le monde durant les annes 70.

Elle peut servir de point de comparaison avec celle que connut la France dans les annes soixante-dix pour aboutir la victoire remporte sur la bourgeoisie sur le terrain lectoral en 1981. A ma connaissance, lexprience chilienne sera trs peu rappele par lOCI dans les annes 80.

De mme, les concessions qua d faire alors la classe ouvrire le gouvernement de front populaire dAllende aprs llection de ce dernier sont sans commune mesure avec les mesurettes prises et mme les annonces (non suivies deffet) faites par le gouvernement Mauroy partir de Juin 1981. (p.251 et sq.). Il nest pas inutile den rappeler certains points importants. Cela na bien entendu rien voir avec lapprciation selon laquelle Allende aura