Upload
others
View
2
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
FACULTĂ DE MĂDECINE DE PARIS
ETUDE CLINIQUE ET HISTOLOGIQUE
SUR LE
XANTHPLASMA
THĂSE
POUR LE DOCTORAT EN MĂDECINE
Présentée et soutenue
PAR
F. GENDRE,Docteur en médecine de la Faculté de Paris,
Chef de la clinique ophthalmologique du D<- Xavier Goreckj,professeur libre p lâEcole pratique de la FacultĂ© de mĂ©decine de Paris.
PARISparent imprimeur de la faculté de medecine
29-31, ĂUJE MON SIEUR-LE -p rince* 29-31
I ««a
'
-,
* âą
A MON PĂRE ET A MA MĂRE
A MA SĆUR
A MES PARENTS
MES AMIS
A MON PRĂSIDENT DE THĂSE
M. LE PROFESSEUR BALL
Professeur de la clinique des maladies mentales et nerveuses
MĂ©decin des' hĂŽpitaux
A MON MAITRE
M. HILLAIRET
Membre de lâAcadĂ©mie de mĂ©decine
MĂ©decin de lâhĂŽpital Saint-Louis
Officier de la LĂ©gion dâhonneur
A MON AMI
IVI. LE DOCTEUR CHAMBARDEx-interne des hĂŽpitaux
Directeur du laboratoire de la clinique des maladies mentales
A MES MAITRES DE PARIS
A MES MAITRES DE TOULOUSE
DU XANTHĂLASMĂ
INTRODUCTION
Pendant notre externat Ă lâhĂŽpital Saint-Louis, notre
attention fut vivement attirée par une affection aussi sin-
guliĂšre par lâaspect sous lequel elle se prĂ©sente, quâintĂ©-
ressante au point de vue de la pathologie générale.
Parmi les trois cas de xantbélasma que nous avons ob-
servĂ©s, il sâen trouvait deux qui reprĂ©sentaient les formes
les plus rares de cette affection cutanée. Nous en avons vu
depuis un certain nombre dâautres, et câest appuyĂ© sur
une statistique de 68 observations, dont 8 nous sont per-
S
sonnelles, et aprĂšs nous ĂȘtre mis au courant des diffĂ©rents
travaux qui ont été publiés sur cette matiÚre tant en
France quâĂ lâĂ©tranger, que nous essayons dâĂ©crire lâhis-
toire anatomique et clinique du xanthélasma. Cette affec-
tion, dâabord Ă©tudiĂ©e en Angleterre et en Allemagne,
resta presque entiÚrement ignorée des médecins français
jusquâĂ ce que des travaux rĂ©cents aient appelĂ© sur elle
leur attention.
Le xanthélasma, cependant, est une de ces affections
â 6 âqui ue passent pour rares que parce quâelles sont mĂ©con-
nues. En effet, ainsi que le remarque M. Ranvier, on ne
voit que ce que lâon connaĂźt dĂ©jĂ , et les faits, mĂȘme trĂšs
visibles et trĂšs distincts quâon ne soupçonne pas, passent
gĂ©nĂ©ralement inaperçus et demandent, pour ĂȘtre vus,
une qualité des plus importantes et des plus rares que
ceux qui en sont le mieux pourvus ne possĂšdent que dâune
façon trĂšs incomplĂšte : lâesprit dâobservation.
Au point de vue anatomique, le xanthélasma ne res-
semble Ă aucune autre tumeur de la peau, et ses dif-
férentes formes, bien que se présentant sous des aspects
extĂ©rieurs bien diffĂ©rents, peuvent ĂȘtre ramenĂ©es Ă un
processus histologique identique dont les deux termes
sont la prolifĂ©ration et lâinfiltration graisseuse des Ă©lĂ©-
ments conjonctifs. Il existe en outre dans les tubercules
xanthélasmiques des lésions vasculaires et nerveuses ré-
cemment décrites par M. Chambard qui permettent de les
assimiler jusqu'Ă un certain point aux tubercules de la
lĂšpre.
LâintĂ©rĂȘt clinique du xanthĂ©lasma est plus grand en-
core; dâune part, en effet, les plaques et les tubercules
présentent, comme la plupart des manifestations cutanées
des maladies générales, des localisations bien détermi-
nĂ©es;dâautre part, les observations qui sont aujourdâhui
dans la science sont assez nombreuses pour que lâon soit
frappé des relations évidentes qui unissent le xanthélasma
avec ridĂšie'quelie que soit la cause de ce symptĂŽme, avec
différents troubles du systÚme nerveux et différentes ma-
nifestations de lâarthrilis. Le xanthĂ©lasma nâest donc
point une afiection purement locale, mais bien plutĂŽt une
lésion cutanée déterminée probablement par un certain
nombre d'altĂ©rations du sang, parmi lesquelles lâictĂšre
occupe la premiĂšre place, et qui sont elles-mĂȘmes sous
la dĂ©pendance dâune ou de plusieurs maladies constitu-
tionnelles;et, parmi ces derniĂšres, câest, lâarthritis dont
lâinfluence parait jusqu'ici la plus probable.
Bien loin de venir Ă lâappui des conceptions dermato-
logiques actuellement en honneur principalement en Al-
lemagne, et qui trouvent Ă lâĂ©cole de Vienne ses plus il-
lustres représentants, le xanthélasma est un nouvel
argument de la valeur scientifique et de la haute portée
médicale de la doctrine dermatologiste française, dont un
illustre pathologiste, Bazin, est le chef. Le xanthélasma,
en effet, ainsi que nous espĂ©rons le montrer, nâest quâune
affection générique à caractÚres diathésiques, mais dont
les relations avec lâarthritis semblent de jour en jour plus
Ă©videntes.
Quâil nous soit permis de remercier notre excellent
maĂźtre, M. Hillairet, dont la bienveillanee et les conseils
ne nous ont jamais fait défaut, et notre ami M. Cham-bard, dont les travaux importants sur le xanthélasma
nous ont Ă©tĂ© dâun grand secours pour la rĂ©daction de notre
travail. Nous devons Ă©galement des remerciements Ă notre
ami M. Salomon, Ă qui nous devons le3 dessins qui sont
annexés à notre travail;nous ne pouvions mieux faire
que de mettre son talent de dessinateur Ă contribution.
HISTORIQUE
Le xanthĂ©lasma a Ă©tĂ© signalĂ© pour la premiĂšre fois parRayer, qui, sans donner un nom Ă lâaffection qui nous oc-cupe, la reprĂ©sente dans son atlas et la dĂ©crit eu quelques
- 8 âlignes dans son traitĂ© des maladies de la peau :
«' On
observe quelquefois, dit-il, sur les paupiĂšres et dans leur
voisinage, des plaques jaunĂątres semblables pour la cou-
leur à la peau de chamois, légÚrement saillantes, molles,
sans chaleur ni rougeur, et quelquefois disposĂ©es dâune
maniÚre assez symétrique. »
Addison et Gull, en 1851, ont étudié avec beaucoup de
soin cette affection et lui ont donné le nom de vitiligoïdea,
parce quâils trouvaient une certaine analogie entre cette
affection et une forme de vitiligo décrite par Willan-
Bateman.
Erasmus Wilson, en 1863, regarda successivement le
vitiligoïdea comme une affection des glandes sébacées et
de lâĂ©piderme. Il lui donna les noms de molluscum seba-
ceum et de laminÊ flavÊ epitlielii cutis;puis, renonçant
à ces hypothÚses, il adopta la dénomination de xanthé-
lasma. LâĂ©tymologie du mot xanthĂ©lasma nâest pas trĂšs
bien déterminée; pour les uns, ce mot dériverait de
ÂŁavĂo;, jaune, et [/.eXac^a, tache noire;pour dâautres, de
^avOo;, jaune, et eXacg-a, plaque de métal.
Ce nâest quâen 1868, quand parut une nouvelle Ă©dition
du livre dâAddison et Gull, augmentĂ©e de trois nouvelles
observations qui leur sont personnelles, que lâattention
générale commença à se fixer sur ce sujet. Depuis lors,
de nombreux faits ont été publiés de divers cÎtés, et sur-
tout en Angleterre et en Allemagne.
Bazin ne parle pas du xanthélasma dans ses ouvrages,
mais il connaissait trĂšs-bien cette affection et lâavait plu-
sieurs fois observée. Cet illustre pathologiste avait vu dans
un cas les piqûres de tubercules xanthélas iniques donner
issue à des cristaux de cholestérine et avait cru devoir
dĂ©signer lâaffection qui nous occupe sous le nom de mol-
9 â
luscum cholestérique que portent encore deux piÚces dé-
posĂ©es par lui au musĂ©e de lâhĂŽpital Saint-Louis.
En 1871, Hutckinson publia un travail important sur
le xanthĂ©lasma; lâauteur a cherchĂ© Ă Ă©tablir les rapports
du xanthĂ©lasma avec dâautres affections telles que lâictĂšre
et les lĂ©sions du foie. Ce mĂ©moire sâappuie sur 40 obser-
vations, dont 33 sont personnelles.
Hebra, dans la premiÚre édition de son traité des ma-
ladies de la peau, décrit en peu de lignes les vitiligoïdea
parmi les anomalies de sécrétion des glandes de la peau,
dans le groupe des séborrhées, à cÎté du milium, du
molluscum contagiosum et dâautres tumeurs dâorigine
sébacée
.
Kaposi revient sur ce sujet d'une maniĂšre plus complĂšte
dans son article xanthoma de son traité des maladies de la
peau. Il donneune bonne description anatomique de cette
affection et apporte cinq nouvelles observations.
Un grand nombre de recherches ont été faites depuis,
et les principaux auteurs qui ont Ă©crit sur ce sujet sont :
Pavy, Hilton Eagge, Pye Smith, Murcbison, Jany et Colin,
Waldeyer, Geissler, Hirschberg, Virchow, Manz, Oscar
Simon et Geber, Wickam Legg, Neuman et Ghurch.
Dans ces derniÚres années, en France, plusieurs travaux
ont été faits. En 1877, M. Larraydy a pris le xanthélasma
comme sujet de thĂšse inaugurale.
M. Strauss en 1878, dans sa thĂšse dâagrĂ©gation sur les
ictÚres chroniques, donne un exposé trÚs clair et trÚs
complet de cette affection.
La Gazette des hÎpitaux du 11 octobre 1878 relate enabrégé une excellente leçon du professeur Potain.
M. Ernest Besnier a fait une leçon sur un casdexan-
â 10 âthoma gĂ©nĂ©ralisĂ© quâil a eu clans son service; elle a Ă©tĂ©
publiée dans la Gazette des hÎpitaux n°81 (4878).
Notre maĂźtre M. Ilillairet a prĂ©sentĂ©, la mĂȘme annĂ©e, le
19 novembre, Ă lâAcadĂ©mie de mĂ©decine, un malade atteint
de xanthĂ©lasma gĂ©nĂ©ralisĂ©. Nous donnons plus loin lâob-
servation de ce malade.
M. Chambard, qui a bien étudié cette question, a pré-
sentĂ© en 1878 deux mĂ©moires, lâun Ă la SociĂ©tĂ© anatomique
sur des recherches histologiques, lâautre Ă la SociĂ©tĂ© cli-
nique. Déplus, ses travaux ont été publiés dans les Anna-
les de dermatologie et les Archives de physiologie
Enfin M. Cary, de Lyon, a publié le 23 janvier 1880,
dans les Annales de dermatologie et de syphiligraphie, un
mĂ©moire trĂšs intĂ©ressant pour les observations quâil ren-
ferme.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
Pavy a fait le premier des recherches anatomiques exac-
tes sur le xanthoma planum et tuberosum; il a aussi pu-
blié le premier sur cette question des résultats positifs.
Suivant lui, le xanthoma, dans ses deux formes, consiste
en une néoplasie conjonctive (fibreuse), se faisant dans
lâintĂ©rieur du derme, avec dĂ©pĂŽt de granulations et de
gouttes graisseuses dans les cellules et les mailles du tissu
conjonctif. La coloration jaune du nĂ©oplasme nâa rien Ă
faire avec la matiÚre colorante de la bile, et résulte uni-
quement du dépÎt graisseux.
Hilton Fagge, Franck Smith, Murchison qui ont fait
â 11 âaussi des recherches histologiques sur le xanthoma, sâac-
cordent parfaitement avec les données de Pavy.
Waldeyer sâest surtout occupĂ© du xanthĂ©lasma palpĂ©-
bral et a montrĂ© que lâhyperplasie du derme Ă©tait, dans
cette affection surtout, prononcée autour des glandes pilo-
sébacées etsudoripares. Il a trouvé que la. coloration jaune
dépendait de la stéatose des éléments embryonnaires de
nouvelle formation, mais non des glandes eiles-mĂšmes.
Câest donc pour cet auteur une dermatite interstitielle cir-
conscrite avec dégénérescence graisseuse rapide.
Hanz en 1871 a excisé un lambeau de peau chez un jeune
homme affecté de xanthoma planum des paupiÚres déve-
loppé à ce point sur la paupiÚre supérieure droite, que les
plaques en dépassaient le bord libre et, par leur poids, en
gĂȘnaient les mouvements. Ces plaques Ă©taient saillantes et
dâune coloration jaune citron. Lâexamen microscopique a
montré le tissu conjonctif du derme sous-cutané dissocié
et formant des mailles que remplissaient une ou plusieurs
boules dâune couleur jaune clair et mĂ©diocrement transpa-
rente.
Ces boules, quelquefois disposées en cercle autour des
follicules pileux, étaient constituées par des cellules rem-plies de granulations graisseuses de volume assez uniforme
et de 2 millimĂštres de diamĂštre. Ces minces granulations
encore plus fines formaient aussi des traßnées linéaires le
long des faisceaux du tissu conjonctif. 11 nâexistait nulle
part de véritable pigment.
Virchow a donné au xanthélasma tuberculeux le nomde molluscum lipomateux et compare les deux formes decette affection à certains myxomes dont les cellules fusi-
fornies et étoilées subissent aussi uns infiltration granulo-graisseuse.
Wickam Legg, en 1874, a montré à la Société patholo-
gique de Londres des prĂ©parations de la peau dâune ma-lade atteinte de taches xanthĂ©lasmiques trĂšs marquĂ©es aux
paupiÚres, à la paume des mains et de chaque cÎté de la
langue. Il a fait lâautopsie de cette malade et a constatĂ©
lâexistence dâaltĂ©rations analogues sur la muqueuse Ćso-
phagienne, au niveau de la biiurcation de la trachée et
jusque sur la capsule delĂ rate. Lâaorte Ă©tait lĂ©gĂšrement
athéromateuse. Pour cette observateur le xanthélasma
consiste en .une dégénérescence graisseuse des cellules du
tissu conjonctif.
DâaprĂšs Pye Smith le xanthĂ©lasma consiste en une hyper-
plasie chronique du derme muqueux avec envahissement
secondaire de lâĂ©piderme et du tissu conjonctif sous-der-
mique. Le processus peut suivre deux directions. Quand
il affecte le type inflammatoire, on ne trouve que des élé-
ments embryonnaires jaunes et arrondis, de véritables
leucocytes infiltrés de graisse et de cristaux de cholesté-
rine. Dans les formes lentes subaiguës, il y a néoplasie et
apparition dâĂ©lĂ©ments fusiformes et Ă©toilĂ©s du tissu con-
jonctif. Les cellules embryonnaires ont le temps de sâor-
ganiser; elles ne sâinfiltrent que lentement de graisse, et
ce nâest que rarement et dans les pĂ©riodes ultimes de la
maladie quâelles arrivent dans la dĂ©gĂ©nĂ©rescence grais-
seuse. Ces deux processus peuvent aussi bien se rencon-
trer dans les taches que dans les nodosités. Mais le pre-
mier type correspond surtout au xanthélasma planum, le
second au xanthélasma tuberosum.
Lâanatomie pathologique de lâaffection qui nous occupe
est bien résumée dans le Mémoire de Kaposi, inséré en
1872 dans le Wiener medicinische Wochenschrift et dans
â 13 â
un article de la pathologie d'ilebra que nous allons donner
presque in extenso.
Si lâon incise un morceau de peau qui est le siĂšge dâun
xanthoma planum, on remarque sur la surface de section
une coloration irréguliÚre, rouge pùle, avec taches jaune
disséminées. En pressant avec les doigts les bords de la
section, on voit sourdre une petite quantitĂ© dâun liquide
séro-sanguinolent, mais nullement des corpuscules ana-
logues aux grains de millet. La pression ne fait pas dispa-
raßtre les points colorés en jaune. Au niveau de ces points
aussi bien que des autres parties la peau présente une
structure fibreuse plus ou moins compacte.
Ă lâexamen microscopique, de minces coupes faites sur
la peau des paupiĂšres oĂč siĂšge le xanthoma, on trouve que
lâĂ©piderme et la couche papillaire sont Ă lâĂ©tat normal.
Dans les cellules, des couches plus profondes du réseau de
Malpighi existe en abondance un pigment jaune brun,
quâon rencontre aussi, libre ou dĂ©posĂ© dans les cellules
étoilées, dans des points nombreux et disséminés du cho-rion.
On trouve encore dans ce dernier des foyer dâun tissu
conjonctif tantÎt riche en cellules, tantÎt fibreux et com-pacte; ces foyers sont irréguliÚrement répandus dans le
derme, surtout autour des follicules pileux et des glandessébacées, dont les parois paraissent épaissies
; on y ren-contre encore, irrĂ©guliĂšrement disposĂ©es, en plus grandnombre quâĂ lâĂ©tat normal, des cellules Ă©toilĂ©es (corpus-cules de tissu conjonctif), ainsi que des cellules rondes,pourvues dâun noyau fortement rĂ©fringent; ces derniĂšres
y sont dissiminées ou groupées en foyers.
Sous le microscope on distingue nettement les partiesnormalement colorĂ©es en rouge par le carmin, et dâautres
»
â 14 âqui apparaissent jaunes sous lâinfluence de ce dernier
réactii. La coloration jaune appartient à des foyers isolés
de néoformations conjonctives à fibres denses, serrées.
Les corpuscules isolés de tissu conjonctif présentent aussi
une teinte jaune dâor.
La coloration jaune provient de la graisse qui est dé-
poséÚ dans les cellules et les faisceaux fibreux sous forme
de grosses gouttes brillantes dans et entre les faisceaux
fibreux du tissu conjonctif ancien. Ces faisceaux fibreux
ont un aspect qui rappelle les enroulements des glandes
sudoripares ou les replis boursouflés du mésentÚre.
Outre la coloration spĂ©ciale et lâaccumulation en pelo-
tons volumineux, le dépÎt graisseux du xanthoma, pré-
sente encore ceci de particulier, comme lâont fait remar-
quer Waldeyer et Virchow, quâil ne tient pas Ă une dĂ©gĂ©-
nérescence graisseuse des éléments du tissu intéressé ;
câest plutĂŽt dans le vrai sens du mot un dĂ©pĂŽt Ă caractĂšre
indifférent, car les éléments confondus avec la graisse
nâoffrent aucune altĂ©ration organique et continuent Ă
vivre et Ă fonctionner.
Le xanthoma doit donc ĂȘtre considĂ©rĂ©, au point de
vue anatomique, comme une néoplasie conjonctive inters-
titielle, avec dĂ©pĂŽt dans les Ă©lĂ©ments du tissu dâune graisse
colorée en jaune.
En France M. Chambard a fait dâune façon trĂšs com-
plĂšte lâĂ©tude histologique des productions du xanthĂ©-
lasma. Il a signalé des lésions vasculaires et nerveuses
jusque là ignorées, et nous allons exposer le résumé de
ses recherches. Disons tout dâabord quâil admet trois for-
mes de xanthélasma: 1° la forme plane et papuleuse;
2° la forme nodulaire et tuberculeuse, et une 3 e forme
quâil dĂ©signe sous le nom de tubĂ©reuse ;il ne cite quâun
â 15 â
exemple de cette variété, nous en parlerons plus loin
quand nous décrirons la symptomatologie de cette ai-
fection
.
Les matériaux qui ont servi à ses recherches ont été
tous pris sur des sujets vivants et examinés au laboratoire
dhistologie du collĂšge de France.
Ces matériaux ont été :
1° Un lambeau de la peau des paupiÚres, excisé par
M. Galezowski, chez un sujet affecté de plaques palpé-
brales.
2° Un nodule quâil a excisĂ© chez la femme ataxique du
service de M. Hillairet, sujet de notre IIIe observation et
malade que nous avons pu observer nous-mĂȘme.
3° Quatre morceaux de peau excisés sur le malade de
lâobservation II, lâun au menton, le second Ă lâĂ©minence
thénar, le troisiÚme hypothénar, le dernier au niveau des
articulations des premiĂšre et deuxiĂšme phalanges de lâin-
dex de la main gauche sur la face dorsale de ce doigt.
De lâĂ©tude histologique de ces trois formes de xanlhĂ©-
lasma, M. Chambard déduit les propositions suivantes :
« 1° Les formes plane, tuberculeuse et celle que nous
désignons provisoirement du nom de tubéreuse, clinique-
ment comparables entre elles, le sont aussi au point de vue
histologique.
2° Ces trois formes sont caractĂ©risĂ©s par lâĂ©volution de
deux processus parallĂšles, lâun irritatif, lâautre rĂ©gressif :
le premier lâemportant sur le second dans les formes tu-
berculeuses et tubéreuses et lui cédant, au contraire, le
pas dans la forme plane.
3° Dans la forme plane, le processus irritatif est repré-
senté par la tuméfaction albumineuse des cellules con-jonctives et Jn prolifération de leurs noyaux; le processus
16 â
régressif, par la transformation graisseuse de leur proio -
plasma.
4° Dans les formes tuberculeuse et tubéreuse, le pro-
cessus irritatif est spĂ©cifiĂ© par la production dâun tissu
conjonctif de nouvelle formation, et le processus régressif
par lâinfiltration graisseuses des cellules conjonctives dutissu conjonctif ancien et nouveau.
5° La néoplasie conjonctive, dans ces deux derniÚres
formes, intéresse non seulement le tissu conjonctif du
derme, mais encore les organes vasculaires, glandulaires
et nerveux, qui sont dans les nodules scléreux ou qui
existent dans leur voisinage. Ce processus sclérosique en-
vahit la tunique fibreuse des glandes sébacées et sudori-
pares (périadénite), les tuniques interne et externe des
vaisseaux (périartérite, endartérite oblitérante), la gaine
lamelleuse et le tissu conjonctif intrafasciculaire des nerfs
(pĂ©rinĂ©vrite, endonĂ©vrite). LâaltĂ©ration des nerfs mĂ©rite
tout particuliĂšrement de fixer lâattention, car elle rend
compte des troubles de la sensibilité accusée par les ma-
lades, et surtout des douleurs que leur fait Ă©prouver toute
pression exercée sur les tubercules xantbélasmiques.
6° Dans la variété que nous séparons, au point de vue
clinique surtout, de la forme tuberculeuse, le processus
sclĂ©reux semble prĂšs dâatteindre le dernier terme de son
Ă©volution. Le tissu conjonctif de nouvelle formation y est
dâautant plus abondant, dâautant plus dense et plus pau-
vre en Ă©lĂ©ments cellulaires que lâon se rapproche du centre
des nodules, et les vaisseaux et les nerfs quâon y rencontre
y sont le siÚge de lésions beaucoup plu« marquées. Peut-
ĂȘtre cette variĂ©tĂ© reprĂ©sente-t-elle un degrĂ© plus avancĂ©
de lâĂ©volution tuberculeuse, et pourrait-on expliquer le
"olume et lâabsence de coloration des nodules qui la ca-
ractĂ©risent par lâintensitĂ© de la nĂ©oformation conjonctive
et la disparition des cellules chargĂ©es de graisse;peut-ĂȘtre
aussi leur indolence est-elle due Ă lâĂ©tranglement complet
des tubes nerveux qui, sur toutes nos préparations, nous
ont semblé plus altérés que dans la forme tuberculeuse, et
aux troubles apportĂ©s Ă la circulation sanguine par lâen-
dartérite oblitérante qui nous y a paru beaucoup plus ac-
centuée que dans cette derniÚre. »
SYMPTOMATOLOGIE
Les symptÎmes qui caractérisent le xanthélasma ont été
dĂ©crits par tous les auteurs suivant les donnĂ©es dâAddison
etdeGull, qui les premiers ont traité avec détail cette
affection. Ces derniers lui ont reconnu deux formes: la
forme plane X. planum et la forme nodulaire ou tubercu-
leuse X. tuberosum.
Nous croyons pouvoir subdiviser la forme plane en
maculeuse et papuleuse, et nous rattacherons Ă la forme
tuberculeuse cette variété décrite par M. Chambard sous
le nom de tubéreuse.
XANTHĂLASMA EXTERNE.
1° Forme plane. â VariĂ©tĂ© maculeuse. â Les macules
xanthĂ©lasmiques se prĂ©sentent sous lâaspect de taches cuta-
nées dont la coloration varie du blanc jaunùtre, du jaunepùle, jaune-citron, jaune- feuille morte, ou bien encore sui-
Gendre. 2
â 18 âvant la comparaison de Rayer, elles ont la coloration de la
peau de chamois. Leur dimension est trĂšs variable, on en
a vu de la longueur, dâune piĂšce de 5 francs (Kaposi), elles
sont généralement isolées, leurs bords sont nets, tantÎt
unis, tantĂŽt irrĂ©guliers et dĂ©chiquetĂ©s comme ceux dâune
fougĂšre (Strauss).
Ces taches situées au mÎme niveau de la peau, sont
lisses, molles au toucher, si lâon fait un pli sur un endroit
de la peau couvert dâune tache dece genre, on ne remarque
ni dans la consistance, ni dans lâĂ©paisseur de ce repli,
aucune différence notable avec un repli semblable formé
sur la peau saine, de sorte que le seul symptĂŽme morbide
est constitué en définitive par la coloration jaune, appré-
ciable seulement Ă lâĆil. Nous avons pu observer des taches
de ce genre sur la muqueuse balano-prĂ©putiale du nommĂ©Sonnet qui fait lâobjet de notre seconde observation.
La variété papuleuse se compose de papules de forme
ovoïde ou lenticulaire, légÚrement saillantes, de consis-
tance molle et voisine de celle de la peau environnante,
tantÎt isolées, tantÎt réunies en plaques 'plus ou moins
larges qui semblent lisses et unies au premier aspect, mais
ciu'un examen plus attentif permet de décomposer en
petites élevures séparées par des sillons légÚrement mar-
qués. En somme, cette variété 11 e diflÚre de la précédente
que par les dimensions plus restreintes et la saillie légÚre
des plaques qui la constituent. Câest cette forme que nou
avons rencontrée le plus souvent au niveau des paupiÚres.
2° Forme nodulaire ou tuberculeuse. â Les tuber-
cules xanthélasmiques paraissentarrondis,sphériques,par-
fois lenticulaires, faisant une saillie à peine appréciable
â 19
ou parfaitement manifeste pouvant mĂȘme aller jusquâĂ 3
et 4mm
. Leur volume varie dans des limites trĂšs Ă©tendues;
tantĂŽt ils sont Ă peine visibles, tantĂŽt acquiĂšrent le volume
dâun grain de millet, dâun grain de chĂȘne vis et mĂȘme
dâun pois. Ils sont enchĂąssĂ©s dans la peau, ils peuvent ĂȘtre
saisis avec elle entre les doigts, leur consistance est ferme
et lĂ©gĂšrement Ă©lastique, leur coloration est dâun blanc
jaunĂątre, quelquefois mĂȘme leur sommet paraĂźt rouge et
enflammé (Murcbison). Ces tubercules se rencontrent,
ainsi que les papules, Ă lâĂ©tat dâisolement ou de confluence,
ils peuvent mĂȘme dans certains cas, former par leur rĂ©u-
nion des plaques à surface dure, mamelonnées, assez éten-
dues, comme nous en avons vu chez les quelques malades
que nous avons eu lâoccasion dâobserver.
VariĂ©tĂ© tubĂ©reuse. â M. Chambard a dĂ©signĂ© sous ce
nom une variĂ©tĂ© dont il nâa vu qu'un exemple qui lui a
Ă©tĂ© offert par la femme MĂ©niĂšre dont lâhistoire est consi-
gnée dans notre troisiÚme observation.
Cette malade ataxique depuis de longues années pré-
sentait seulement deux nodules, lâun sur le sein gauche,
lâautre Ă la partie moyenne de la face externe de la jambedu mĂȘme cĂŽtĂ©. Ces nodules,dont le volume dĂ©passait celui
dâun gros pois, Ă©taient enchĂąssĂ©s dans le derme et intime-
ment unis à lui, leur coloration ne différait de celle de la
peau que par la teinte légÚrement violacée, leur consistance
Ă©tait fibreuse et Ă©lastique, ils avaient, en un mot, tous les
caractĂšres des nodules de carcinume secondaire de la peaude consistance squirrheuse, que lâon rencontre assez sou-vent en petit nombre sur les tĂ©guments des malades atteints
de carcinome ou dâĂ©pithĂ©liomas viscĂ©raux. Telle Ă©tait lâopi-
nion de notre maĂźtre M. Hillairet et celle deM. Chambard.
Lâexamen microscopique dâune de ces tumeurs mit
M. Chambard sur la voie du diagnostic; ces nodules avaient
tous les caractÚres histologiques des plaques palpébrales
qui existaient chez cette malade.
Mode de distribution et siĂšge. â LâĂ©ruption xanthĂ©-
lasmique a été observée sur presque tous les points du
corps et un certain nombre de muqueuses, les unes acces-
sibles, les autres inaccessibles Ă lâexploration.
Mais les paupiĂšres sont sans contredit le siĂšge le plus
fréquent de cette affection. Dans la statistique que nous
avons faite pour notre thÚse, nous avons pu réunir presque
tous les cas de xanthélasma qui ont été cités et nous avons
trouvé sur 68 cas observés, que 63 fois le xanthélasma
était limité aux paupiÚres.
Le début de l'affection se montre beaucoup plus souvent
sur les paupiĂšres de lâĆil gauche et quand les paupiĂšres
des deux yeux sont atteintes, lâon peut souvent constater
la symétrie des plaques.
De plus, ces taches ont une prédilection trÚs marquée
pour lâangle interne de lâĆil que les auteurs allemands
désignent sous le nom de canthus interne. Les faits que
nous venons dâĂ©noncer se trouvent tous confirmĂ©s par les
observations qui nous sont personnelles, les taches palpé-
brales sont presque toutes situées au canthus interne des
deux yeux, le dĂ©but a commencĂ© par les paupiĂšres de lâĆil
gauche et elles sont symétriques.
Les taches xanthélasmiques peuvent se rencontrer à la
face : sur la partie des joues qui avoisine les paupiĂšres, lĂ
oĂč le tĂ©gument est encore tendre et dĂ©licat, sur la peau du
â 21
nez, le pavillon de lâoreille. Elles se trouvent souvent au
pourtour des orifices naturels, autour de lâorifice buccal
par exemple, sur les muqueuses labiale, gingivale et lin-
guale.
Le cou et le tronc sont rarement affectĂ©s, mais il nâen
est pas de mĂȘme pour les membres sur lesquels on observe
surtout la forme tuberculeuse. On rencontre ces nodosités
ou taches au niveau de la paume de la main, le long des
lignes et des replis quâon y voit Ă lâĂ©tat normal, au niveau
des articulations phalangiennes du cÎté de la flexion, plus
rarement du cĂŽtĂ© de lâextension ; sur les orteils et la plante
du pied, du cĂŽtĂ© de la flexion et de lâextension. Nous en
avons signalé dans notre observation IV au niveau du
poignet du cĂŽtĂ© de lâextension, au niveau des genoux et
sur la face postérieure de la cuisse gauche.
Kaposi a vu des nodosités de xanthoma, au nombre de
30, isolées, semblables à des grains de blé, sur la racine
du pĂ©nis dâun jeune homme;nous avons vu Ă©galement,
chez le nommĂ© Sonnet, le mĂȘme semis de granulations sur
le pubis et la peau du quart postérieur de la verge.
Le mĂȘme malade prĂ©sentait Ă lâextrĂ©mitĂ© antĂ©rieure de
la verge, dans la rainure balano-préputiale, une large tache
dâun blanc jaunĂątre, lisse, Ă bords irrĂ©guliers et diffus.
XanthĂ©dasma interne. â Pye Smith a signalĂ© le xan-
thélasma sur la muqueuse du voile du palais, de la partie
supĂ©rieure de lâĆsophage et jusque sur les canaux bi-
liaires dilatĂ©s Ă la suite dâune oblitĂ©ration du canal cholĂ©-
doque. Wickam Legg a montré, en 1874, à la Société pa-
thologique de Londres, les piĂšces dâun homme qui offrait
un exemple remarquable de localisation interne de l'af-
â 22 âfection que nous Ă©tudions. Chez ce malade, il existait des
taches aux paupiĂšres, aux oreilles, Ă la nuque, aux jar-
rets, Ă la paume des mains, et Ă lâautopsie on en a trouvĂ©
Ă©galement sur la muqueuse Ćsophagienne, Ă la bifurca-
tion de la trachée, et sur la capsule de la rate.
Lâautopsie du nommĂ© Sonnet nous a fourni le plus bel
exemple connu de xanlhélasma laryngo-trachéo bron-
chique. Les voies respiratoires sur toute leur longueur,
depuis lâĂ©piglotte jusquâaux ramifications bronchiques de
quatiiĂšme et cinquiĂšme ordre, Ă©taient couvertes de pa-
pules lĂ©gĂšrement saillantes. Lâon pourra voir Ă la fin de
notre travail un dessin leprésentant la larynx de ce ma-
lade.
I Des lésions analogues ont été signalées sur les séreuses;
Wickam Legg a trouvé des plaques sur la capsule de la
rate et sur la poition du péritoine qui recouvre le rectum.
Ililton Fagge en a vu sur lâendocarde de lâauricule gau-
che, sur la tunique interne de lâaorte et de lâartĂšre pul-
monaire.
La cornĂ©e elle-mĂȘme peut ĂȘtre atteinte, et Virchow rap-
poite lâobservation dâun malade de la clinique de Von
Graefe qui avail sur la cornée droite une tumeur jaunùtre
de plusieurs lignes qui, Ă lâexamen microscopique, se d
montra constituée par de grosses cellules de foi me varia-
ble remplies de granulations graisseuses volumineuses.
MM. Malassez et de Sinely ont signalé des taches sem-
blables sur les parois des kystes de lâovaire dit prolifĂšres, >
et que M. Malassez dĂ©signe sous le nom dâĂ©pithĂ©lioma t
mucoĂŻdes.
CaractĂšres subjectifs.â Les macules et taches xanthĂ©
â 23 âlasmiquessont complĂštement indolores
;quelques malades
ont pourtant éprouvé des démangeaisons et des picote-
ments Ă leur nivpau.
Les nodules xanthélasmiques sont le siÚge de douleurs
vives lorsquâils sont soumis Ă des frottements et des con-
tusions répétées; ces conditions se réalisent pour les tu-
bercules de la face palmaire des doigts et de la main. La
malade qui fait lâobjet de notre quatriĂšme observation,
et qui a des tubercules xanthélasmiques au niveau de la
face dorsale du poignet, Ă©prouve de vives douleurs lors-
quâelle fait des mouvements et surtout si elle veut saisir
un objet. Ces douleurs peuvent ĂȘtre attribuĂ©es aux lĂ©sions
nerveuses qui ont Ă©tĂ© dĂ©jĂ dĂ©crites, ou Ă lâadhĂ©rence de ces
tubercules avec les tendons sous-cutanés. Pavy rapporte
un cas oĂč les tubercules de la face dorsale des doigts sui-
vaient les mouvements du tendon correspondant en glis-
sant au-dessous de la peau qui Ă©tait parfaitement saine.
Quand elles existent, ces douleurs sont trĂšs-vives, brĂ»-
lantes, tĂ©rĂ©brantes et extrĂȘmement pĂ©nibles.
Troubles fonctionnels. â Chez la plupart des malades
que nous avons observés, nous avons pu constater une
certaine gĂšne dans les mouvements des paupiĂšres. Lors-
que ces plaques palpébrales ont acquis un certain volume,
elles alourdissent ces voiles membraneux;
elles peuvent
dĂ©passer leur bord libre et apporter un certain obstacle Ă
lâexercice de la vision.
Les troubles fonctionnels,dĂ©terminĂ©s par la prĂ©sence detubercules confluents Ă la paume des mains et sur la pulpedes doigts, sont beaucoup plus graves et peuvent empĂȘ-cher le malade de se livrer Ă toute profession manuelle.
LâimpossibilitĂ© de travailler Ă©tait ce qui dĂ©solait le plus
le nommé Sonnet.
La marche, la station debout, lâaction de sâasseoir et de
se lever sâaccompagnent de douleurs extrĂȘmement pĂ©ni-
bles et mettent par suite le malade dans une situation trĂšs
fĂącheuse.
MARCHE, DĂVELOPPEMENT, PRONOSTIC
La marche du xanthélasma est variable suivant les cas.
Habituellement, lâĂ©ruption se localise aux paupiĂšres et
rtste stationnaire. Le pronostic est alors favorable. Quand,
au contraire, elle sâĂ©tend aux autres parties de la peau,
aux muqueuses, elle parait avoir une marche progressive
jusquâĂ ce que la mort arrive. Cependant, il y a un cer-
tain nombre de cas oĂč lâon a observĂ© une tendance trĂšs
nette Ă la rĂ©gression, et parfois mĂȘme une disparition
complÚte des taches sur des points limités. La durée est
également variable. En ce qui concerne le xanthélasma
des paupiĂšres, elle est indĂ©terminĂ©e. Il nâen est pas de
mĂȘme quand lâaffection est gĂ©nĂ©ialisĂ©e. Dans ces cas, le
pronostic est trĂšs grave : câest celui de lâictĂšre chronique,
ou plutĂŽt de la lĂ©sion dont lâictĂšre dĂ©pend. Cependant,
mĂȘme dans ces conditions, le xanthĂ©lasma a pu avoir une
durée de sept ans comme dans une observation de Franck
Smith (Straus).
TantÎt le xanthélasma prend naissance par une ou plu-
sieurs petites taches jaunes qui passent Ă lâĂ©tat de nodo-
sitĂ©s;tantĂŽt il revĂȘt, dĂšs le dĂ©but, cette derniĂšre forme.
Les diverses plaques sâagrandissent avec le temps par une
â 25 âextension pĂ©riphĂ©rique irrĂ©guliĂšre, ou plutĂŽt par leur
réunion à la périphérie avec des taches punctiformes et
des nodosités de nouvelle formation;
elles persistent en-
suite sans se modifier pendant trĂšs longtemps.
Le xanthélasma, soit sous forme de taches, soit sous
forme de nodositĂ©s, ne subit pas dâautres modifica-
tions, mĂȘme pendant un grand nombre dâannĂ©es;ainsi,
il ne sâulcĂšre jamais. On ne lâa jamais vu rĂ©agir sur lâĂ©tat
général.
Le développement et la marche du xanthélasma per-
mettent de conclure que les deux formes plane et tuber-
culeuse sont identiques aussi bien au point de vue clini-
que quâanatomique, Non seulement elles se dĂ©veloppent
lâune Ă cĂŽtĂ© de lâautre et dans les mĂȘmes circonstances
chez le mĂȘme individu, mais encore on peut voir des
taches de xanthélasma se couvrir de nodosités en certains
points de leur surface, particuliĂšrement au niveau de leurs
bords; quelquefois mĂȘme la surface tout entiĂšre du xan-
thélasma planum se transforme, an bout de plusieurs
mois, en un véritable xanthélasma tuberosum. (Observa-
tion 4° dâAddison etGull.)
ETIOLOGIE
Nous ne connaissons pas dâune maniĂšre certaine la
cause occasionnelle de cette singuliÚre affection cutanée.
Plusieurs opinions ont été émises à ce sujet, et nous nous
bornerons à en donner un léger aperçu, sans toutefois les
contrÎler. Nous étudierons ensuite les causes prédispo-
santes telles que lâĂąge, le sexe, lâhĂ©rĂ©ditĂ© sur lesquelles
â 26 ânous avons des donnĂ©es certaines, et nous passerons en
revue les diffĂ©rentes affections que lâon a rencontrĂ©es chez
les xanthĂ©lasmiques avec assez de frĂ©quence pour quâon
ait pu songer à établir entre elles et le xanthélasma une
relation pathologique et leur faire un rĂŽle dans la patho-
génie de cette dermatose.
Hébra regarde le xanthélasma comme une dégénéres-
cence spéciale du sébum et des glandes qui sécrÚtent cette
substance. Nous savons aujourdâhui que le xanthĂ©lasma
nâest pas une affection des glandes de la peau, mais bien
du tissu conjonctif. La présence de diverses formes de
cette affection en des points dépourvus de glandes séba-
cées : paumes des mains, muqueuses, séreuses, etc., suffi-
sait dâailleurs, en dehors de toute notion histologique,
pour renverser la thĂ©orie dâHebra.
Hulehinson, qui ne connaissait guĂšre que les plaques
palpébrales, les rapproche des taches qui surviennent
dans la mÎme région dans le cours des afleclions hépati-
ques, utérines et de certaines affections nerveuses. Il ad-
met « que toute cause capable de produire des aréoles
sombres autour des yeux :grossesse, troubles hépati-
ques, maladies de lâovaire, simple fatigue nerveuse, peut
prĂ©disposer au xanthĂ©lasma. » Dâautre part, Hilton Fagge
considÚre comme probable « que les taches xanthélasmi-
ques des paupiĂšres sont le rĂ©sultat dâune perversion de
nutrition secondaire Ă des troubles nerveux et compara-
bles aux modifications de couleur des sourcils dont le
D r Austie a bien montré la dépendance par rapport aux
accÚs névralgiques. »
M. le professeur Potain a cherché une explication ra-
tionnelle du mode de production du xanthélasma. Pour
ce savant mĂ©decin, le dĂ©pĂŽt dâamas graisseux qui carac-
â 27 =
tĂ©risele xanthĂ©lasma serait « le rĂ©sultat dâune altĂ©ration,
dâune oxydation particuliĂšre dĂ©veloppĂ©e sous lâinfluence
dâune maladie du foie. »
Pour M. Quinquaud, le processus irritatif se trouverait
dans le sang;
il résulte de ses analyses que le sang des
xanthélasmique renferme beaucoup plus de matiÚres
grasses et de cholestĂ©rine quâĂ lâĂ©tat normal, que l'hĂ©mo-
globine y est en un peu moins grande quantité, et que
son pouvoir absorbant pour lâoxygĂšne est Ă©galement di-
minuĂ©. DâaprĂšs M. Quinquaud, les matiĂšres grasses for-
ment avec les sels du sang un savon qui se dépose dans
les éléments anatomiques du derme, les irrite et déter-
mine leur prolifération. Mais, comme le sang est chargé
de cholestérine et que son pouvoir absorbant est diminué,
cette inflammation, au lieu dâĂ©voluer dâune maniĂšre com-
plĂšte, nâaboutit quâĂ la dĂ©gĂ©nĂ©rescence graisseuse des Ă©lĂ©-
ments avides; câest Ă ce mode dâinflammation queM. Quin-
quaud donne le nom de phlegmasie aditosique.
DâaprĂšs la statistique que nous avons faite, lâĂąge moyen
des malades chez lesquels on peut rencontrer le xanthé-
lasma est compris entre 41 et 46 ans, le plus ĂągĂ© que lâon
ait observĂ© avait 81 ans. Bazin a recueilli lâobservation
dâune jeune malade, ĂągĂ©e de 16 ans, qui offrait un des plus
beaux cas de xanthélasma généralisé, M. Gary de Lyon en
a observé un cas chez une jeune fille ùgée de 10 ans, mais
ces faits peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des exceptions et
cette affection se montre le plus souvent Ă lâĂ ge mĂ»r.
Le xanthélasma est plus commun chez la femme que
chez lâhomme; dâaprĂšs Addison et Gull, les trois quarts
des malades appartiendraient au sexe féminin. Sur nos
8 observations personnelles, nous avons 3 cas en faveur
des hommes et o cas du cÎté des femmes et si nous consul-
â 28 âtons notre statistique, nous trouvons sur 68 malades,
28 hommes et 38 femmes.
Chu reh regarde la transmission héréditaire du xanthé-
lasma comme assez frĂ©quente, bien quâil nâait pu lâobser-
ver que dans deux familles. Pour cet auteur, la forme
plane et localisée aux paupiÚres serait surtout héréditaire;
dans le tableau suivant lâon pourra se rendre compte de
la distribution de cette affection dans une famille qui se
composait de 3 garçons et de 4 filles.
1° Filsainé... Fille.. Xanthélasma. i Enfants et
â Fille.. â|petits-enfants
â Fille.. âf
indemnes
2 °Fils. Pigmentation de la peau.
3° Fils. Mort jeune.
4° Fille aĂźnĂ©e. XanthĂ©lasma. â Pas dâenfants.
5° Fille. Petit-fils. â XanthĂ©lasma.
6° Fille. Enfants et petits-enfants indemnes.
7° Fille. Xanthélasma. Cinq enfants dont un atteint de
xanthélasma.
Il nâa existĂ© dâaffection hĂ©patique chez aucun des mem-
bres de cette famille, quelques-uns avaient seulement de
légÚres migraines.
La grandâmĂšre dâune des malades dâHutchinson, aurait
Ă©tĂ© atteinte de xanthĂ©lasma; la mĂȘme affection se rencon-
trait chez deux frĂšres dont le mĂȘme observateur raconte
lâhistoire. Enfin nous avons Ă©tĂ© assez heureux pour ren-
contrer un cas dâhĂ©rĂ©ditĂ© chez une de nos malades dont le
pĂšre a eu des taches jaunes aux paupiĂšres, semblables Ă
celles quâelle a en ce moment.
Au point de vue de la frĂ©quence lâon peut dire que le
xanthĂ©lasma nâest pas aussi rare que lâon croit. Depuis
prĂšs de quinze mois que nous sommes dans la clinique de
â 29 â
M,. le D r Gorecki, nous avons pu recueillir trois observa-
tions. Notre ami M. Meunier, interne des hĂŽpitaux, a bien
voulu faire une statistique pour notre travail et sur 800
malades quâil a examinĂ©s, il a trouvĂ© deux cas de xanthĂ©-
lasma dont nous avons pu prendre les observations.
Parmi les maladies qui ont présenté des relations, soit de
coïncidence, soit de cause à effet avec lexanthélasma, nous
devons citer en premiÚre ligne les altérations organiques
du foie. Tous les auteurs qui se sont occupés de cette affec-
tion depuis Hutchinson ont insisté sur la fréquence de
lâictĂšre dans le cours du xanthĂ©lasma, et lâont mĂȘme ren-
contré plus souvent que le dermatologiste anglais qui,
nâayant guĂšre observĂ© que la forme palpĂ©brale, ne lâavait
signalé que 6 fois sur 36 observations. Nous le trouvons
indiqué 25 fois sur nos 68 observations, encore les obser-
vations dâHutchinson sont-elles comprises dans ce nom-
bre; de telle sorte que lâictĂšre a Ă©tĂ© notĂ© 19 fois sur 30 cas
depuis la mémoire de ce pathologiste.
LâictĂšre est beaucoup plus frĂ©quent dans la forme gĂ©nĂ©-
ralisée que dans la forme purement palpébrale; il est
gĂ©nĂ©ralement foncĂ© et de longue durĂ©e;on lâa vu per-
sister des mois et mĂȘme des annĂ©es, 7 ans, dans une obser-
vation de Franck Smith. Chez quelques malades le xan-
thĂ©lasma nâaurait apparu quâun grand nombre dâannĂ©es
aprĂšs lâictĂšre, chez dâautres, au contraire, lâictĂšre se serait
manifestĂ© seulement alors que le xanthĂ©lasma existait dĂ©jĂ
depuis plusieurs annĂ©es. Quoi quâil en soit lexanthĂ©lasma
survient souvent, dans le tiers des cas peut ĂȘtre, au cours
dâun ictĂšre chronique et nous voyons lĂ plus quâune coĂŻn-
cidence. Quant Ă lâaffection organique du foie quia donnĂ©
lieu Ă cet ictĂšre chronique, nous nâavons que des rensei-
gnements trĂšs incertains, et nous ne trouvons malheureu-
â 30 âsĂšment dans les auteurs que fort peu de diagnostics prĂ©cis
et encore moins dâautopsies bien faites.
Le diabÚte a été signalé par Bristowe, Addison el Gull,
nous en avons un cas dans nos observations personnelles.
Le xanthélasma présente des relations trÚs étroites avec
les affections de nature arthritique. Presque tous les mala-
des que nous avons observés ont présenté des phénomÚnes
que lâon peut rattacher Ă lâarthritis et qui ont consistĂ© en
migraines nauséeuses, accidents goutteux et rhumatismaux,
paralysies et engourdissements temporaires des membres
et surtout des membres supérieurs; plusieurs enfin ont eu
des coliques ou tout au moins des douleurs hépatiques,
certains Ă©taient dyspeptiques. Ajoutons que certains mala-
des ont eu en outre des accĂšs dâamaurose.
Les dermatoses ne semblent pas beaucoup plus commu-
nes chez les xanthéiasmiques que chez les autres;sur nos
68 cas nous en trouvons 5 cas dans lesquels nous faisons
rentrer bien entendu le prurigo. Le xanthélasma parait
cependant plus commun chez les personnes brunes; pres-
que tous nos malades avaient la peau el le systĂšme pileux
trÚs bruns, nous avons surtout signalé ce fait chez la dame
B..., qui fait lâobjet de notre huitiĂšme observation per-
sonnelle, les régions palpébrales et orbitaires olßrent une
coloration bronzĂ©e extrĂȘmement prononcĂ©e.
DIAGNOSTIC.
Les différents aspects sous lesquels se présente le xan-
thĂ©lasma expliquent quâil puisse ĂȘtre confondu quelquefois
avec des allections cutanées trÚs différentes. Les variétés de
â 31 âcette affection dĂ©pendent, en effet, non seulement de la
configuration de lâĂ©tendue et de la saillie plus ou moins
grande de la néoplasie, mais encore de ses caractÚres ana-
tomiques.
Il est certains tubercules xanthélasmiques, principale-
ment ceux qui se sont développés récemment, formés par
un tissu conjonctif encore peu condensé entre les fibres
desquels se trouvent un dépÎt abondant de matiÚre adi-
peuse. Ces petits tubercules présentent une mollesse etune
coloration jaune toute particuliĂšre, dâautre part les papu-
les, principalement dans les régions palpébrales, offrent
souvent lâaspect de petits grains arrondis lĂ©gĂšrement sail-
lants, et dâun volume comparable Ă celui dâun grain de
millet. Sous ces deux formes le xanthélasma populeux et
tuberculeux pourrait ĂȘtre confondu avec cette hypertro-
phie des culs-de-sac sĂ©bacĂ©s quâon a dĂ©signĂ©e du nom de
milium.
Nous ne pensons pas Ă vrai dire que cette erreur soit
bien fréquemment commise car le milium, affection des
plus communes, se présente sous forme de petits grains
dissĂ©minĂ©s, dâune coloration blanchĂątre, et siĂšge sur le nez
et sur les joues plus encore aue sur les paupiĂšres. Ce nâest
guĂšre que pour nous conformer Ă lâusage que nous avons
établi le diagnostic différentiel entre celte affection et le
xanthélasma qui, dans tous les cas, se reconnaßtra facile-
ment.
Les tubercules xanthĂ©lasmiques lorsquâils sont anciens,
subissent lâĂ©volution sclĂ©reuse, le tissu conjonctif qui les
compose se condense, la circulation interstitielle aisparait,
la graisse contenue dans les cellules conjonctives se rĂ©-soibeen partie, et le tubercule xanthĂ©lasmique, en mĂȘmetemps quâii se dĂ©colore, acquiert une csnsistance ligneuse,
â 32 âOn comprend que dans ces cas les tubercules perdent
leur caractĂšre pathognomonique et puissent ĂȘtre con-
fondus avec certaines tumeurs de la peau dans lesquelles
l'élément fibreux est prédominant.
Lorsque les tumeurs xanthélasmiquesserontnombreuses,
peut-ĂȘtre pourront-elles ĂȘtre confondues avec certains cas
singuliers de myomes et de fibromes multiples de la peaut
Nous ne sachons pas que cetie erreur ait encore été com-
mise, mais ce que nous savons sur lâĂ©volution histologique
du xanthĂ©lasma dâune part, et dâautre part la connaissance
de certains cas de tumeurs fibreuses et musculaires de la
peau, tels que ceux de M. Besnier a récemment publiés
dans les Annales de dermatologie, nous feront concevoir la
possibilité de semblables erreurs. Les formes de xanthé-
lasma tuberculeux auxquelles nous faisons allusion sont
encore trop peu connues pour que nous en indiquions les
caractÚres différentiels, mais le xanthélasma étant encore
une affection Ă lâĂ©tude et dont les exemples se multiplient
de jour en jour, nous avons cru devoir prĂ©voir lâembarras
futur du clinicien et le prémunir contre la possibilité
dâune erreur de diagnostic.
Un autre cas plus singulier encore et dont nous ne con-
naissons quâun exemple sâest dĂ©jĂ prĂ©sentĂ©. Nous avons vu
dans le service de notre maĂźtre, M. ilillairet, une ataxique
chez laquelle lâaffection qui nous occupe, se prĂ©sentait
sous un aspect absolument insolite. Cette femme portait,
il est vrai, quelques plaques palpébrales facilement recon-
naissables bien que peu développées, mais un examen
attentif fit découvrir sur la région mammaire, du cÎté gau-
che et sur la face antĂ©ro-externe de la jambe du mĂȘme
cÎté, deux gros tubercules entiÚrement dépourvus de co-
loiation jaunĂątre, faisant corps avec le derme et seulement
â 33
signalés par une légÚre saillie, et par quelques arborisa-
tions \eineuses qui se distribuaient k leur surface. Ces
tubercules ns présentaient nullement les caractÚres de
tubercules xanthélasmiques : ils en différaient tellement
que M. Ilillairet et M. Chambard, malgrĂ© lâexistence des
plaques palpĂ©brales, n'en reconnurent pas tout dâabord la
vĂ©ritable nature. FrappĂ©s par lâĂ©tat cachectique de la ma-
lade et par les troubles digestifs dont elle se plaignait, ils
considérÚrent ces tumeurs comme des nodules de carci-
nome secondaire de la peau, symptomatique dâune affec-
tion carcinomateuse ou Ă©pithĂ©liomateuse latente de lâap-
pareil digestif. Ce ne fut que par lâexamen microscopique
de lâune de ces tumeurs excisĂ©e sur la malade, et par la
comparaison des préparations ainsi obtenues avec celles
qui lui avaient été fournies précédemment par le nomméSonné, que M. Chambard est parvenu à reconnaßtre la
nature xanthélasmique de ces tubercules, et à créer une
forme nouvelle de xanthélasma, la forme tubéreuse qui
pour ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e par un cas unique nâen a pas
moins une existence incontestable et nâen prĂ©sente pas
moins, comme on le voit, une certaine importance au
point de vue du diagnostic.
Dâune façon gĂ©nĂ©rale on devra, pour dĂ©terminer la na-
ture xanthĂ©lasmique dâune Ă©ruption tuberculeuse soit
discrĂšte, soit confluente, se baser sur le siĂšge des tuber-
cules qui prĂ©sentent, comme nous lâavons vu, certaines lo-
calisations bien déterminées, sur leur coloration qui peut,
il est vrai, dans certains cas rares faire défaut, sur les
troubles de la sensibilité dont ils sont le siÚge et qui trou-
vent leur substratum anatomique dans les altérations ner-
veuses que M. Chambard a découvertes. Enfin dans la
coexistence extrĂȘmement frĂ©quente de macules et depapu-Gendro 3
â 34 -les palpĂ©brales faciles Ă reconnaĂźtre. Dans les cas les plus
embarrassants on aura toujours la ressource dâexciser les
tubercules les moins volumineux et dâen pratiquer lâexa-
men histologique : on trouvera alors les lésions absolu-
ment caractéristiques du xanthélasma.
TRAITEMENT.
Les notions que nous avons acquises sur le mode de dé-
veloppement du xanthélasma sur les relations de cette
alïection cutanée avec des lésions générales, telles que
celles que M. Qninquaud a constatées dans le sang, et des
maladies constitutionnelles telles que Tarlbritis, permet-
tent dâtspĂ©rer quâil sera permis un jour de lui opposer un
traitement rationnel et véritablement médical. S'il est
vrai, en effet, que certaines modifications du liquide san-
guin déterminent, dans certains tissus, les altérations
sclĂ©ro-adipeuses qui caractĂ©risent anatomiquement lâaf-
fection qui nous occupe, peut ĂȘtre ne sera-t-il pas iinpos-»
sible dây introduire des substances mĂ©dicamenteuses qui
atténuent ses propriétés irritantes et détruisent la graisse
qui y est contenue. Un pareil traitement, il est Vrai, ne
taurait faire disparaĂźtre entiĂšrement les tubercules xan-
hélasmiques parvenus à une période assez avancée dé
leur Ă©volution et dans lesquels le tissu conjonctif a dĂ©jĂ
subi la transformation scléreuse, mais ils pourraient avoir
pour effet dâem pĂ©cher la foĂ©rfiatiĂŽn de nouveaux tubercules
et peut-ĂȘtre de faire disparaĂźtre les papules et tubercules
jeunes dans lesquels lâĂ©lĂ©ment adipeux est prĂ©dominant.
â 35 âOn devrait Ă©galement, dâaprĂšs les mĂŽmes principes,
sâattacher au traitement des affections hĂ©patiques qui
coĂŻncident si souvent avec le xanthĂ©lasma, de lâictĂšre qui
est la conséquence de ses affections et des maladies gé-
nĂ©rales parmi lesquelles lâarlhritis occupe le premier rang
qui semble dominer la scĂšne pathologique.
On conçoit que nous ne puissions que nous borner de
poser ces indications gĂ©nĂ©rales, car dâune part les obser-
vations plus nombreuses et plus complĂštes que celles qui
se trouvent actuellement dans la liltéralure médicale mÚ-
neront seules à la connaissance du xanthélasma au point
de vue de la pathologie gĂ©nĂ©rale, et dâautre part exposer
h thérapeutique des affections organiques du foie, de
lâictĂšre et de l'arlhritis, serait sortir de notre suj^t.
JusquâĂ , ce jour le traitement local du xanthĂ©lasma a
seul Ă©tĂ© essayĂ©, et les tentatives que lâon a faites dans ce
sens nâont Ă©tĂ© que lâapplication de deux mĂ©thodes de chi-
rurgie gĂ©nĂ©rale, lâextirpation et la cautĂ©risation.
Lâextirpation se trouvera naturellement indiquĂ©e lorsque
lâĂ©ruption xanlhĂ©lasmique sera trĂšs discrĂšte, et sa possi-
bilitĂ© sera subordonnĂ©e au nombre, au siĂšge et Ă lâĂ©tendue
des plaques et des tubercules. Ou comprend, en effet,
quâil serait impossible dâexciser un nombre de tubercules
un peu considĂ©rable : bien que lâopĂ©ration soit bĂ©nigne
.en elle-mĂȘme, au moins lorsquâaucune maladie gĂ©nĂ©rale
telle que le diabĂšte, ou lorsquâune affection du systĂšme
nerveux telle que lâataxie locomotrice ne vient contre-in-
diquer une opĂ©ration sanglante. Mais il est des cas oĂč ces
tubercules sont tellement nombreux que les avantages qui
rĂ©sulteraient de lâablation de quelques-uns seraient loin
de compenser la gĂšne, lâennui et les incommoditĂ©s qui
proviendraient pour le malade de tant dâopĂ©ralions suc-
1
â 36 âcessives. Il est Ă©galement des cas oĂč les tubercules sont
tellement confluents quâil faudrait pour en opĂ©rer lâabla-
tion dépouiller entiÚrement de larges surfaces cutanées.
Lâablation de certaines plaques ou de certains tubercules
mĂȘme peu volumineux peut, dans certaines rĂ©gions, entraĂź-
ner des difformités qui seraient pour le malade la cause de
gĂȘnes, de troubles fonctionnels et mĂȘme dâimpotence pro-
fessionnelle. Câest ainsi que certaines plaques palpĂ©brales
sont tellement placées que leur extirpation serait suivie de
cicatrices vicieuses et dâectropion. On a signalĂ© Ă©galement
lâadhĂ©rence de certains tubercules aux tendons extenseurs
des mains, et peut-ĂȘtre une opĂ©ration si voisine et peut
rait-il exposer Ă des synovites ou Ă des exfoliations tendi-
neuses qui présenteraientnon seulement desinconvénients,
mais encore des dangers.
Il importe, dâautre part, lorsquâon enlĂšve un tubercule
ou une plaque xanthĂ©lasmique, de lâenlever en totalitĂ©.
Il est facile de le faire pour les tubercules peu volumi-
neux et bien circonscrits, mais lâextirpation radicale de la
lĂ©sion est moins certaine lorsquâil sâagit de plaques dont
les limites sont plus diffuses, et nous savons mĂȘme que
lâexamen microscopique des tubercules a montrĂ© quâil
existait autour des nerfs et des glandes sudoripares des
altĂ©rations sclĂ©ro-adipeuses diffuses dont rien Ă lâextĂ©rieur
ne vient rĂ©vĂ©ler lâexistence. Le chirurgien se trouve donc
en prĂ©sence des tubercules xanthĂ©lasmiques dans la mĂȘme
situation que devant certaines tumeurs carcinomateuses
de la peau qui semblent Ăč premiĂšre vue non moins bien
limitĂ©es. M. Chambard a montrĂ©, en effet, quâil existait
autour de ces tumeurs une zone quelquefois trĂšs Ă©tendue
dans laquelle les lacunes conjonctives renferment de petits
ĂȘtre un champ opĂ©ratoire si voisin de ces tendons pour
â 37 â
nids de cellules épithélioïdes solitaires, dont la présence
suffit parfaitement pour former de nouveaux foyers cancé-
reux, quelque radicale que semble avoir Ă©tĂ© lâextirpation de
la tumeur primitive.
Ces considérations nous amÚnent à nous demander si les
tumeurs xanthélasmiques peuvent récidiver;bien que la
connaissance delĂ structure de ces tumeurs nous permette
par analogie et par comparaison dâincliner vers lâopinion
contraire, nous croyons toutefois pouvoir conseiller lors-
quâon enlĂšvera une tumeur xanthĂ©lasmique de lâextirper
dâune façon aussi complĂšte que possible. Nous pensons en
effet, dâaprĂšs nos observations personnelles, quâune plaque
incomplĂštement enlevĂ©e peut continuer Ă sâaccroĂźtre et se
reconstituer au bout de quelque temps avec tous ses carac
tĂšres.
Une question non moins intéressante et non moins
obscure est la contagion du xanthélasma; on sait en effet
que certains papillomes et certaines verrues peuvent se
transmettre par inoculation. On sait Ă©galement que lâacnĂ©
varioliforme, le molluscum contagiosum de Bateman est
Ă©galement contagieux et inoculable. Aucun fait ne vient
prouver jusquâici quâil en soit de mĂȘme pour le tubercule
xanthĂ©lasmique. Mais la chose nâa rien dâimpossible en
soi, cette question mĂ©riterait dâĂštre Ă©tudiĂ©e et MM. Weckeret Landolt ont proposĂ© de lâĂ©tudier par le procĂ©dĂ© de la
greffe.
La cautérisation des plaques et des tubercules xanthé-
lasmiques peut ĂȘtre opĂ©rĂ©e par trois procĂ©dĂ©s : 10le cau-
tÚre actuel; 2° la cautérisation potentielle et 3° les injec-
tions caustiques.
Les cautĂ©risations actuelle et potentielle pourront ĂȘtre
employées pour des plaques peu étendues ou des tuber-
â 38 âcilles peu volumineux, et, le cautĂšre actuel aura surtout
lâavantage de possĂ©der une action bien circonscrite et dâat-
teindre la profondeur nĂ©cessaire. Ce moyen sera dâune
application dâautant, plus facile que lâon possĂšde aujour-
dâhui dans le thermo-cautĂšre un instrument excellent Ă
tous Ă©gards, toujours prĂȘt Ă fonctionner, pouvant revĂȘtir
toutes les formes et dont la tempĂ©rature peut ĂȘtre rĂ©glĂ©e
avec une assez grande prĂ©cision. Mais sâil sâagissait de
détruire des tumeurs volumineuses, le cautÚre potentiel
serait insuffisant et le cautĂšre actuel serait passible, bien
quâĂ un nioindre degrĂ© des reproches que lâon peut adres-
ser Ă la mĂ©thode dâexĂ©rĂšse par instrument tranchant.
Nous avons vu essayer la méthode des injections in lers-
tilielles Ă l'hĂŽpital Saint-Louis sur le malade qui fait lâob-
et de notre deuxiĂšme observation par M. Chambard. Il a
essayé en effet de provoquer la résorption des tubercules
xanthélasmiques en injectant dans leur épaisseur au moyen
dâune seringue de Pravaz, une solution concentrĂ©e dâacide
cbromique, il essaya Ă©galement, mais nous devons le dire
sans aucun espoir de succĂšs, de dissoudre la graisse que
les lubercules renferment au moyen dâinjections dâĂ©ther
et de chloroforme. Ces tentatives furent absolument in-
fructueuses et lorsque les recherches deM. Chambard lâeu-
rent éclairé sur la structure de ces tubercules, la raison de
cet insuccÚs lui fut parfaitement démontrée. Ces tubercu-
les en effet sont formĂ©s par un tissu sclĂ©reux extrĂȘmement
condensé danslequel les espaces lymphatiques ont presque
entiĂšrement disparu et nâexistent Ă lâĂ©tat de vestige que
dans les l Ă©gions pĂ©riphĂ©riques. Dâautre part, les vaisseaux
et principalement les artĂ©rioles sont le siĂšge dâune pĂ©ri-
artĂ©rite et dâune endartĂ©rite qui en rĂ©trĂ©cissent singuliĂš-
rement la lumiĂšre; on comprend que dans ces conditions,
/
â 39 â
la circulation sanguine et interstitielle soit presque com-
plĂštement abolie dans les tubercules, et que les liquides
quâon y injecte ne puissent y pĂ©nĂ©trer et diffuser dans leur
masse.
En rĂ©sumĂ©, lâinstrument tranchant et surtout la cautĂ©-
risation actuelle permettront de dĂ©truire et dâenlever les
plaques et les tubercules peu volumineux, surtout lorsque
par leur situation ils déterminent un trouble fonctionnel :
tels sont ces tubercules qui, placĂ©s Ă lâentrĂ©e des narines
portent un obstacle Ă la respiration nasale, telles sont ces
plaques qui alourdissent les paupiÚres et qui, dépassant
leur bord libre, gĂȘnent lâexercice de la vision.
Par contre, lorsque les tumeurs sont nombreuses on ne
pourra songer à les détruire ou à les extirper. On devra
Ă©galement sâabstenir lorsque des tubercules confluents
occuperont des surfaces considĂ©rables oĂč les difformitĂ©s
cicatricielles rĂ©sultant de lâopĂ©ration ne seraient pas com-pensĂ©es par de sĂ©rieux avantages. Enfin, la structure mĂȘmedes tubercules xanthĂ©lasmiques ne permet pas dâespĂ©ree
que lâon puisse absorber la graisse quâils renferment en yinjectant les rĂ©actifs dissolvants des matiĂšres grasses, ou
de détruire le tissu conjonctif qui fqrrpe la majeure partiç
de leur masse aux moyens dâinjections de liquides caustĂT-
ques.
â 40 â
Obs. 1. â XanthĂ©lasma plat palpĂ©bral. â Coloration toncĂ©e rte Upeau. â NĂ©vropalliie hystĂ©ro-hypochondriaque hĂ©rĂ©ditaire.
Arlhritis. (Observation recueillie par M. Chambard).
Mme Boulet, ùgée de 38 ans, admise à la SalpétriÚre, entre à plu-
sieurs reprises dans le service de M. Charcot, Ă lâinfirmerie, oĂč elle a
été observée pendant les années 1876 et 1877.
AntĂ©cĂ©dents hĂ©rĂ©ditaires. â Le pĂšre, emportĂ©, mais « dâun cĆur
excellent », mourut Ă 35 ans dâune affection dâune nature indĂ©ter-
minée.
La mÚre, trÚs nerveuse, était, sans avoir de véritables attaques
de nerfs, sujette Ă des accĂšs dâexcitation psychique, pendant lesquels
elle riait, pleurait sans molifs et se livrait Ă toutes sortes de divaga-
tions. Son caractĂšre Ă©tait doux et sa volontĂ© faible. Atteinte dâune
affection cardiaque, elle mourut de « joie » en apprenant le retour
dâun oe ses enfants quâelle croyait gravement malade.
Le pĂšre de Mme B... serait Ă©galement affectĂ© dâune maladie de
cĆur et se plaint de douleurs articulaires, bien que ses jointures ne
soient ni gouflées ni douloureuses à la pression et pendant les mou-
vements. Dâun caractĂšre faible comme sa mĂšre, il est pusillanime et
se laisse facilement abattre. Il y a peu de goût pour les plaisirs véné-
riens, et sa sĆur le croit encore « sage. » Elle se plaint amĂšrement
de son Ă©goĂŻsme;
toujours préoccupé de ses propres souffrances, il
est trĂšs froid pour elle, nâaccorde aucune attention Ă ses maux, et
nĂ©glige de la visiter. » Il est dâailleurs intelligent et remplit les fonc-
tions de caissier dans une usine Ă gaz.
La sĆur, ĂągĂ©e de 35 ans, a un caractĂšre absolu, emportĂ©, « mais
sans méchanceté. »
AntĂ©cĂ©dents personnels. â RĂ©glĂ©e Ă II ans et mariĂ©e Ă 17 ans,
Mme B... paraßt avoir eu à cette époque des accidents hyslériformes
bien caractérisés. Plus tard, son caractÚre devint irritable. Elle élait
a trÚs nerveuse, violente, tenace dans ses volontés, sujette à des
accĂšs de colĂšre quâelle passait sur ses ouvriers, et quâebe rtconnait
nâavoir pas toujours Ă©tĂ© bien justifiĂ©s. » Positive et peu disposĂ©e aux
rĂȘveries et Ă lâidĂ©alisme, elle est cependant affectueuse, aimante pour
ses enfants et son mari, bien que celui-ci eût lieu de se plaindre de
sa rĂ©pugnance pour les relations sexuelles. â « JâĂ©tais, dit-elle, trĂšs
â 41 ârieuse et trĂšs froide.» - Elle paraĂźt avoir eu quelques accĂšs d'hys-
térie convulsive au moment de la derniÚre guerre.
Elle eut six enfants, qui ont tous succombé. Le premier fut expulsé
prématurément au septiÚme mois de la grossesse, le second mourut
dâune rougeole avec broncho-pneumonie;
le troisiĂšme avorla au
quatriÚme mois; le cinquiÚme fut emporté par une diarrhée cholé-
riforme; le sixiÚme enlin fut tué accidentellement par une chute sur
la tĂšte.
A 22 ans, légÚre attaque de rhumatisme articulaire qui la tint au
lit pendant une huitaine de jours;4 ou 5 ans aprĂšs, Ă la suite dâune
chute sur les genoux, il sây dĂ©veloppe une affection articulaire, qui
fut tour à tour regardée comme une arthrite fongeuse et comme une
arthrite sĂšche de nature rhumatismale. Câest Ă cAte derniĂšre opinion
que s'arrĂȘtĂšrent NĂ©laton,qui lit cesser les gouttiĂšres et les vĂ©sicatoires,
et MM. Verneuil, Périer et Gillette, qui lurent successivement appelés
Ă lui donner ses soins.
La mort tragique et inopinée de son mari, survenue en 1874, et
suivie de la perte de sa fortune, fut pour Mme B... la cause de grands
chagrins et le point de dĂ©part des phĂ©nomĂšnes nĂ©vropathiques quâelle
prĂ©sente aujourdâhui Ă notre observation. En apprenant cette triste
nouvelle, elle tomba sans perdre entiĂšrement connaissance, fut prise
de violentes palpitations cardiaques, et ses rĂšgles, qui coulaient alors,
sâarrĂȘtĂšrent.
Ses infirmités la firent admettre à la SalpétriÚre en 1875. Elle aurait
eu alors une affection du sein gauche, que M. Le Dentu aurait cru
de nature fibreuse et aurait traitĂ© par lâiodure de ootassium. Plus
tard, M. Terrier en aurait reconnu le caractÚre purement névralgique;
enfin, M. Gillette aurait discutĂ© et repoussĂ© lâopportunitĂ© dâune inter-
vention chirurgicale.
Câest en 1876 que se serait montrĂ©e lâaffectation cutanĂ©e, qui fait
lâobjet de notre Ă©tude.
Etat actuel. â La malade est une femme de 38 ans; son embon-point assez notable sâesi surtout dĂ©veloppĂ© depuis 1870 ou 1871, sa
figure est pleine, sa physionomie intelligente et expressive, ses che-veux sont noirs et son systÚme pileux assez développé. On est tout
d abord frappé de la coloration pigmentée de la face qui est surtoutmanquée autour des yeux, qui paraissent cernés.
LâappĂ©tit est bon, bien que capricieux, et quoique la malade sâĂ©tend
â 42
longuement sur les troubles dyspeptiques dont elle se dit tourmentée
Elle digĂšre mal, souffre de renvois aigres, acides gazeux, dâune sensa-
tion de brûlure au creux épigastrique et à la gorge, de diarrhée con-
tinuelle, lâengageant Ă se prĂ©senter Ă la selle jusqu'Ă 3 ou 4 fois par
jour, de vomissements bileux qui surviennent tous les matins; elle
aime les viandes salées, se trouve mal nourrie et se fait donner de la
pepsine.
La miction est peu abondante et sâaccompagne de douleurs urĂ©-
thrales brĂ»lantes: lâurine est rouge, boueuse, Ă©paisse, et sa quantitĂ©
ne dépasse pas deux verres par jour, bien que pendant ce laps
de temps la malade se présente au bassin « plus de 20 fois ». Elle ne
contient ni sucre ni albumine.
Depuis 2 ans, Mme B... se plaint « de coliques hépatiques» qui
consistent en douleurs partant de la rĂ©gion du foie, sâirradiant vers le
creux Ă©pigastrique, la rĂ©gion ombilicale et sâaccompagnant sinon de
véritables vomissements, du moins de nausées et de régurgitations
bilieuses.
Ces accĂšs se termineraient brusquement au bout dâune heure pour
faire place à une douleur fixe localisée à l hypochondre droit et à un
tĂ©nesme ano-vĂ©sical. LâictĂšre nâaurait jamais Ă©tĂ© bien constatĂ©, et la
pa'pation ainsi que la percussion du foie ne permettent de sentir
aucune modication du volume de cet organe,,
Bien que noire malade se plaigne Ă©galement de troubles de la res-
piration et de la circulation, de palpitations cardiques, et se dise
atteinte dâune affection organique du cĆur, reconnue par plusieurs
mĂ©decins, un examen attentif de lâappareil cardio-pulmonaire ne nous
permet dây reconnaĂźtre aucun trouble fonctionnel ni aucune lĂ©sion
organique. Le pouls est rĂ©gulier, jes battements du cĆur sont sourds
et se répÚtent 92 fois par minute.
A cela ne se bornent pas les plaintes de Mme B... Au sein gauche
elle ressent toujours des Ă©lancements douloureux;lâexamen de la
région nous fait constater l'absence de toute tumeur et l'existence de
points de névralgie intercostale. Aux régions hypochondriaques, sur-
tout Ă droite, existent Ă©galementdes douleurs pungitives et gravalives
de nature névralgique; à la région lombaire, ce sont « des coups de
barre qui lui brisent les reins » ;à la région épigastrique, un poids
qui lâopprime entre lâestomac et |e ventre;
Ă la face des douleurs
survenues il y a 10 ans Ă la suite dâune course faite nu-tĂŽle etreve-
â 43 â
nanl depuis ce ternps-lĂ sous forme dâaccĂšs assez frĂ©quents accom-
pagnĂ©es de rougeur de lâĆil et de larmoiement.
Il nâest pas enfin jusquâaux membres, aux poignets, aux doigts de
pied qui ne soient le siĂšge de douleurs revĂȘtant Ă©galement un carac-
tÚre franchement névralgique.
Violentes palpitations cardiaques et douleurs précordiales sem-
blables à « des coups de canif. » Ces palpitations douloureuses sur-
viennent a par accÚs qui sont fréquents surtout depuis deux ans: »
alors son cĆur se serre, elle est sur le point de se trouver mal, sa
vue se trouble, elle voit des milliers dâĂ©tincelles. »
Le sommeil agitĂ©, troublĂ© par des douleurs, des rĂȘves, des cauche-
mar-, « on lâassassine, on la noie, ses enfants tombent Ă lâeau. »
Au point de vue psychique, Mme B... esl, ainsi quâon peut dĂ©jĂ le
soupçonner par tout ce que nous venons de rapporter, une névro-
pathe hypochondriaque non délirante. TrÚs intelligente, trÚs fine, un
peu malicieus?. mĂȘme, raisonnable en tous points, elle ramĂšne insen-
siblement la conversation sur ses souffrances, sâen plaignant sans
amertume avec une sorte de bonne humeur qui contraste avec la gra-
vitĂ© et la multiplicitĂ© des maux dont elle se plaint. Elle appartient Ă
cette catĂ©gorie assez nombreuse de nĂ©vropathes lâon que pourrait appeler
hypochondriaques gais. Un examen psychologique attentif et prolongé
ne nous permet de saisir chez elle aucune (race de conception déli-
rante. Deux mois aprĂšs la mort de son mari, toutefois, elle fut un soir
prise dâhallucination de la vue, de lâouĂŻe et du loucher : elle le voyait,
lui parlant, lui prenant les mains, mais io premier moment de sur-
pi ise passé, elle reconnut d'elle-mÎme la fausseté de ses sensations
et craignit un inslant de devenir folle. Depuis lors les hallucinations
nâont pas reparu, du moins avec un caractĂšre dâextĂ©rioriĂ©tĂ© aussi
prononcĂ©â, cependant, lorsquâelle est bien absorbĂ©e dans son travail,
il lui semble, par moments, quâon la louche; elle saule alors sur sa
rliaise, pousse un cri, mais ne tarde pas Ă se rassurer. Elle accuse
encore des bourdonnements dâoreille et un « mortellement aux
tempes. »
La vue est affaiblie depuis un an;elle dut alors acheter dps con-
serves, elle peut toutefois encore se livrer Ă des travaux dâaiguille
assez fins. Il lui est arrivé à plusieurs reprises de devenir subitement
aveugle pendant quelques secondes lorsquâelle fixe un objet avec
quelque attention, il survient de la diplopie, une sensation doulou-
reuse ;elle sent alors « sou cĆur sâen aller », sa Yue se trouble et elle
cesse de voir distinctement les mailles de son crochet.
Lâexamen ophthalmoscopique et optomĂ©trique pratiquĂ© avec lâaide
de M. Raynal, ancien chef de clinique ophthalmologique, nous a
montrĂ© les milieux de lâĆil parfaitement transparents. Les bords de
la prunelle Ă©taient un peu diffus, et celle-ci Ă©tait grisĂątre. LâacuitĂ©
visuelle déterminée au moyen de l'oplomÚtre Javal était pour chacun
des yeux, sans accommodation 1, avec accommodation 6. Il existait
enfin une légÚre insuffisance du droit externe gauche, et un astig-
matisme vertical des deux yeux.
Les articulations de la malade portent les stigmates dâune consti-
tution franchement arthritique. Les phalanges et les tendons exten-
seurs, sont depuis deux ans le siÚge de nodosités. Souvent les articu-
lations des mains deviennent douloureuses et les doigts se mettent en
griffe pendant quelques minutes.
Les jambes immobilisées pendant cinq ans dans des gouttiÚres,
sont trÚs amaigries; depuis cinq ans environ, il existe une tumé-
action de la tĂȘte des premiers mĂ©tatarsiens. Les articulations des
genoux font entendre des frottements et des craquements trĂšs pro-
noncĂ©s : la malade ne peut marcher quâavec lâaide de bĂ©quilles.
XanlhĂ©lasma palpĂ©bral. â L'affection palpĂ©brale remonte avons-
nous dit, à un an. La premiÚre tache xanthélasmique, précédée de
quelques démangeaisons, se montre à la partie interne de la paupiÚre
supérieure gauche;bientÎt une seconde apparut en dehors de celle-ci
et fut annoncée par un point plus intense; vint ensuite une grosse
tache à la paupiÚre supérieure droite, les paupiÚres inférieures com-
mençaient Ă ĂȘtre affectĂ©es il y a six mois.
Ces taches sont localisées aux parties internes des paupiÚres; elles
sont, les plus petites arrondies, les plus grandes ovoĂŻdes Ă grand
axe dirigĂ© dans le sens de lâorifice palpĂ©bral, lĂ©gĂšrement saillantes,
dâune consistance molle, dâune coloration jaune, mĂȘlĂ©e de brus, fauve,
assez comparable Ă la peau de chamois.
Leur surface un peu rugueuse semble formée de petits grains ag-
glomĂ©rĂ©s Ă leur niveau, la sensibilitĂ© est intacte, elles sont mĂȘme le
siÚge de fourmillements qui augmentent au moment des régies: alors
ces taches sâaffermiraient, sâĂ©largiraient quelque peu, et les paupiĂšres
seraient le siĂšge d'une pesanteur incommode.
Nous avons vu que la peau de la face et surtout les paupiĂšres
étaient fortement pigmentées; les yeux semblent enfoncés dans leurs
orbites, cernĂ©s, et le faciĂšs de la malade nâest pas sans analogie avec
le faciÚs utérin.
Les taches dont nous venons de décrire les caractÚres offrent la
disposition topographique suivante :
Il existe Ă droite :
1° Une plaque ovoïde, allongée verticalement, occupant le tiers
interne de la paupiÚre supérieure;
2° Une plaque ovoĂŻde Ă grand diamĂštre vertical, situĂ©e entre lâangle
interne de la paupiÚre supérieure, et la racine du nez;
3° Un peu au-dessous delà plaque n° 2, une petite tache ronde du
volume dâun grain de millet;
4 e Une petite tache ovale situĂ©e prĂšs de lâangle interne de la pau-
piÚre inférieure.
A gauche les plaques offrent une disposition absolument symé-
trique, à cela prÚs que la plaque n° 2 est beaucoup plus étendue,
tandis que la plaque n° 3 e3t à peine visible.
Aucun autre point de la peau et des muqueuses accessibles Ă la vue
ne nous a montrĂ© des lĂ©sions sxanthilasmiques;lâarĂ©ole des mamelons
cependant est trĂšs pigmentĂ©e et parsemĂ©e dâune grande quantitĂ© de
granulations blanchùtres qui semblent enchùssées dans le derme.
Ces grains sont tantÎt isolés, tantÎt réunis en groupes qui ne son
pas sans analogie avec de petites plaques xanthélasmiques.
Obs. II. â XanthĂ©lasma plat et tuberculeux gĂ©nĂ©ralisĂ©.
IctĂšre chronique.â Hypertrophie du foie.
(Observation recueillie par M. Chambart.)
Ces ce malade qui a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© Ă lâAcadĂ©mie de mĂ©decine parM, Hillairet, il a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© par M. Chambard Ă la SociĂ©tĂ© clinique,
et des moulages exécutés par M. Baréta, représentant les mains et
la verge sont dĂ©posĂ©es au musĂ©e de lâhĂŽpital Saint-Louis.
Nous regrettons beaucoup de nâavoir pas pu nous entendre avecM. Masson pour avoir deux planches reprĂ©sentant en chromo-litho-graphie, 1 une la tĂȘte, lâautre une main et les organes gĂ©nitaux de cemalade, elles se trauvent dans les Archives de physiologie 1879.
â 46 âSonnet, ĂągĂ© de 42 ans, ouvrier emballeur, est entrĂ© Ă lâhĂŽpital
Sainl-Louis, dans le service de M. Ilillairel, pour uu ictĂšre chronique
avec xanthélasma généralisé. Ce malade est un homme de taille
moyenne, maigre, tl une intelligence assez bornée et d'uneassez bonne
constitution.
AntĂ©cĂ©dents hĂ©rĂ©ditaires. â Ils nâoffrent que peu dâintĂ©rĂȘt. Son
pÚre, mort à 68 ans, d'une hernie étranglée, sa mÚre, ses grands-
parents paternels et maternels, sa sĆur et sa fille nâont eu et nâont
aucune affection digne dâĂŽire signalĂ©e. Sa mĂšre est « violente et
bornĂ©e ». Sa grandâmĂšre maternelle est qualifiĂ©e par lui «vieille
braque avec laquelle on ne peut sâentendre ».
AntĂ©cĂ©dents personnels. â Pas de maladie sĂ©rieuse avant le dĂ©but
de lâaffection actuelle sauf une attaque de rhumatisme articulaire aigu
qui le frappa Ă lâĂąge de 26 ans et le retint au lit pendant 3 semaines.
Ni alcoolisme, rtĂź syphilis, ni migraines, ni impaludisme, ni affection
cutanĂ©e dâaucune sorte. Le malade est sobre, mariĂ© et de mĆurs
réguliÚres.
Etat actuel. â 1° IctĂšre, Ă©tat du foie, fonctions organiques.
Le dĂ©but de lâictĂšre remonte Ă dix mois, il se dĂ©veloppa insidieu-
sement sans cause appréciable, et sa coloration se fonçi peu à peu.
Il est actuellement dâune couleur jaune de moyenne intensitĂ© et sâac-
compagne dâun point intense et dâune Ă©ruption de prurigo-ictĂ©rique
généralisé qui oblige le malade à se gratter continuellement. Pas de
xantopsie.
Le volume de la rate est normal. Le foie est, au contraire, hyper-
trophié : il remonte au niveau de la 5° cÎte et son bord inferieur dé-
passe de 4 traverses de doigt le rebord des fausses cĂŽtes. La hauteur
de la matité hépatique est de 15 cent. La palpation permet de cons-
tater que la forme du foie est normale, et que sa surface ainsi que son
bord libre ne présentent aucune modification de consistance et de con-
figuration.
La pression exercĂ©e sur la rĂ©gion hĂ©patique nâest t ullemenl dou-
loureuse, il nâexi te ni douleurs spontanĂ©es, ni accĂšs de coliques hĂ©pa-
tiques, ni ascites, ni développement de la circulation porte supplé-
mentaire, ni hémorrhagie, ni enGn accÚs fébriles intermittents. Les
rĂ©sultats de la palpation et de la percussion, lâabsence des divers
symptĂŽmes que nous venons dâĂ©numĂ©rer ainsi que la marche de lâaf-
fection nous font Ă©carter l'hypothĂšse d'une cirrhose hypertrophique
47 âavec ictĂšre et celle dâune cirrhose calculeuse, et admettre lâexistence
dâune hypertrophie hĂ©patique dans laquelle lâĂ©lĂ©ment congestif doit
jouer un rĂŽle important.
LâappĂ©tit est sensiLdement diminuĂ© depuis le dĂ©but de lâictĂšre : le
malade réclame constamment des préparations stomachiques; cepen tant
il nâexiste ni vomissements, ni diarrhĂ©e, ni constipation.
La respiration est courte et un peu haletante sans quâil y ait aucune
lĂ©sion de lâappareil pulmonaire. Les bruits du cĆur sont un peu
sourds, cependant cet organe ne présente ni irrégularités de rhylhme
ni modifications de son volume, ni altération de ses bruits. Le pouls
bat 60 fois par minute.
Il existe autour de la cornée un cercle sénile trÚs prononcé.
Les organes des sens ne sont pas affaiblis, la vue notamment est
bonne. Il n'en est pas de mĂȘme des fondions gĂ©nitales. Depuis 5 ou
6 mois les désir* vénériens et les érections, qui étaient assez pro-
noncĂ©es, ont disparu dâune façon presque complĂšte. Le malade insiste
beaucoup sur ce fait qui paraĂźt lâavoir frappĂ©.
LâĂ©tat gĂ©nĂ©ral est loin dâĂȘtre satisfaisant. La moindre fatigue, la
moindre émotion déterminent une anhélation et un état lypothymique
qui vont jusquâĂ faire craindre une syncope. Celle-ci a Ă©tĂ© notamment
sur le point de se produire lorsque S... a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© Ă lâAcadĂ©mie
de médecine et à la Société clinique.
XanthĂšlĂ srnĂą plat et tuberculeux. â Chez notre malade, lâaffection
cutanéé que nous décrivons se présente sous ses deux formes clas-
siques. Plané ou plutÎt maculeuse aux paupiÚres et au prépuce, elle
est tuberculeuse sur les autres points du corps.
(A). Forme plane et maculeuse. â Les taches des paupiĂšres se
sont dĂ©veloppĂ©es Ă lâinsu du malade qui nâen a appris que par nous1 existence; elles sont en effet peu visibles, et se distinguent diffici-
lement de la teinte ictĂ©riquç de la peau qui les entoure. Elles cons-sisient en macules irrĂ©galiĂŽtĂ©s dâun jaune fauve, ne faisant aucunesaillie et prĂ©sentant absolument la mĂŽme consistance cl tes mĂŽmesPlis que la peau,
Ces taches occupent les paupiĂšres supĂ©rieures, lâangle interne desyeux, et se prolongent sur la partie la plus interne des paupiĂšres infĂ©-
â 48 ârieures
;ici, contrairement Ă la rĂšgle, elles semhlent plus Ă©tendues Ă
droite quâl gauche.
Des taches semblables, mais beaucoup moins Ă©tendues existent auxcommissures des lĂšvres, et empiĂštent Ă la (ois sur la peau et la mu-queuse, oĂč leur disposition et leur configuration ne sont pas sans ana-logie avec celles des plaques blanches, des tumeurs et des sphlili-
ques. Il en existe Ă©galement quelques-unes sur la muqueusegingivale,
sur le plancher de la bouche.
Le gland est actuellement découvert et le sillon balano-prép.'ial
ainsi que la portion voisine de la muqueuse du prépuce sont recou-
verts dâune large tache lisse dâun blanc rĂ©guliĂšrement jaunĂątre, trĂšs
apparente, Ă bords irrĂ©guliers, qui entoure comme un anneau lâextrĂ©-
mité de la verge.
(B) Forme tuberculeuse. â Les premiers tubercules se seraient
montrĂ©s environ trois mois avant rentrĂ©e du premier malade Ă lâhĂŽ-
pilal, sous forme de petites Ă©levnres blanchĂątres Ă peine visibles :
leur ap parition aurait été précédée pendant un mois de rougeurs e
de picotements douloureux trÚs différents du prurit déterminé par
lâictĂšre. Ces Ă©levures ne lardĂšrent pas Ă jaunir, Ă augmenter de volume
et à se transformer en véritables tubercules.
Ces tubercules existent Ă lâĂ©tat dâisolement et de confluence. Ils sont
disséminés et trÚs peu nombreux à la peau et au tronc. On en trouve
un sur la partie droite du front, et un autre sur le lobule de lâoreille
droite, un troisiĂšme sur lâangle de la mĂąchoire infĂ©rieure Ă droite,
quelques-uns à la région postérieure du cou, sur le dos, la poitrine et
les membres supĂ©rieurs. Aux membres infĂ©rieurs nous nâen avons
dĂ©couvert quâun seul au niveau du tendon dâAchille droit.
Quelques tubercules assez volumineux forment un petit groupe Ă
lâei.trĂ©e de chaque narine, et leur prĂ©sence est jusquâĂ un certain
point un obstacle Ă la respiration nasale. Aussi le malade demande-t-
il Ă en ĂȘtre dĂ©barrassĂ©. Sur lâĂ©paule droite il existe une plaque ova-
laire, formée de tubercules petits, pùles, assez rapprochés les uns des
autres;
la peau du menton, celle du pubis et de la partie postérieure
de la verge en sont également semées, et dans ces régions un certain
nombre dâentre eux sont traversĂ©s par un poil.
Câest aux mains que lâĂ©ruption xanlhĂ©lasmique se montre avec ses
caractÚres les plus remarquables et que les tubercules se présentent
â 49 âavec une confluence et une coloration plus grandes que partout
ailleurs.
Les éminences thénar et hypothénar, le creux des mains, la face
palmaire des doigts et surtout la pulpe des derniĂšres phalanges en
sont couvertes : en ces derniers points et surtout Ă la pulpe du pouce
ils sont tellement nombreux, quâils forment des plaques granuleuses,
que beaucoup dâentre eux se rĂ©unissent et que lâespace qui les sĂ©pare
est moins grand que celui quâils occupent.
Les plis de la face palmaire des mains et des doigts que détermi-
nent les mouvements articulaires sont accusés par des lignes jaunes
qui semblent tracĂ©es au moyen dâun pinceau. Si on regarde ces
lignes avec attention on voit quâelles sont formĂ©es par une succession
de petites élevures, lesunes arrondies, les autres linéaires, disposées
bout Ă bout comme les grains dâun chapelet.
Quelques tubercules se rencontrent aussi sur la face dorsale des
mains. Lâun dâeux, remarquable par sonjvolume et sa duretĂ©, existait
au niveau de lâarticulation de la premiĂšre et de la seconde phalange
de lâindex de la main droite. Il a Ă©tĂ© enlevĂ© en vue dâun examen
histologique.
Le cuir chevelu, la plante des pieds, les mamelons, lâanus sont
indemnes de toute Ă©ruption xanthĂ©lasmique. â On voit par transpa-
rence, sous les ongles, des taches jaunĂątres qui rĂ©vĂšlent lâexistence de
tubercules sous-unguéaux.
Lestubercules dont nous venons de décrire les disposition topogra-
phiques sont de petites tumeurs arrondies lorsquâelles sont peu volu-
mineuses, aplaties si elles le sont davantage, dâun volume qui varie
de celui dâun grain de mil Ă celui dâun pois, dâune coloration d'un
blanc jaunĂątre plus ou moins accusĂ©e, dâune consistance fibreuse.
Iles se dĂ©veloppent dans le derme dans lâĂ©paisseur duquel elles sont
comme enchùssées et forment à la surface de la peau une saillie
notable.
Leur appariton est précédée de picotements qui persistent ensuite
et augmentent au point de devenir « agaçants ». La sensibilité à leur
niveau paraĂźt un peu diminuĂ©e et lâon peut les traverser avec une
aiguille sans dĂ©terminer beaucoup de douleur; mais vient-on les com-primer avec un corps mousse ou Ă serrer entre les doigts un doigt dumalade, celui-ci accuse aussitĂŽt un douleur vive, qui persiste aprĂšsque la cause en a disparu et qui nâest pas sans analogie avec celle que
Gendre. 4
â 50 âdĂ©termine le contact des cicatrices douloureuses et des tumeurs des
nerfs,vulgairement appelées névromes, Le malade ne peut sans éprou-
ver de vives douleurs empoigner un outil, saisir un corps tant soit peu
lourd, et lâaffection dont il est atteint constitue pour lui une vĂ©ritable
infirmitĂ© et un obstacle insurmontable Ă lâexercice de toute profession
manuelle.
Nous avons observé le malade pendant un mois et demi. Son état
gĂ©nĂ©ral Ă©tait, Ă sa sortie, un peu amĂ©liorĂ©, mais lâictĂšre ainsi que
lâhypertrophie hĂ©patique persistaient et les tubercules xanthĂ©lasmiques
Ă©taient un peu plus nombreux quâau moment de son entrĂ©e dans nos
salles. s
Ce malade, aprÚs avoir quitté le service de M. Hillairet et avoir
séjourné pendant quelques semaines dans celui de M. Dnjardin-Bau-
metz, Ă lâhĂŽpital Saint-Antoine, est revenu Ă lâhĂŽpital Saint-Louis oĂč il
nâa pas lardĂ© Ă succomber. Nous allons relater avec quelques dĂ©tails
les résultats de son autopsie qui a été laite le 10 février 1879 par
M. Brault, interne des hÎpitaux, nous avons été assez heureux pour
y assister.
Autopsie. Aspect extĂ©rieur du cadavre. â La rigiditĂ© cadavĂ©rique
est assez prononcée;
le corps ne présente pas de traces de putréfac-
tion.
Les taches palpébrales sont beaucoup plus faciles à délimiter que
du vivant du malade; elles apparaissent trĂšs nettement quant Ă la
dĂ©coloration des tĂ©guments et nous pouvons aujourdâhui en donner
une description plus courte et plus complĂšte.
Contrairement au cas le plus habituel, elles sont plus marquées et
plus Ă©tendues Ă droite quâĂ gauche.
A droite il existe une tache allongĂ©e dâune longueur de prĂšs dâun
centimĂštre qui contourne le rebord orbitaire, sâĂ©largit en dedans au
point dâoccuper lâespace compris entre la racine du nez et lâangle
interne de lâĆil et se prolonge sur la moitiĂ© interne de la paupiĂšre
inférieure sans atteindre tout à fait son bord libre. En dehors, elle
occupe lâespace conquis entre lâapophyse orbitaire externe et lâangle
externe de lâĆil et se termine en sâeffilant dans le tissu qui sĂ©pare les
téguments de la paupiÚre inférieure de ceux de la joue. Une seconde
tache sépare la moitié inférieure de la paupiÚre superbure et se con-
fond par ses extrémités avec les portions nasale et temporale de la
production, de telle sorte quâau niveau de la partie moyenne elle en
â 51 â
est séparée par une bande de peau saine qui occupe la partie supé-
rieure du voile palpébral.
Les tacbes présentent à gauche une disposition absolument symé-
trique, mais la partie orbitaire au lieu de contourner la partie externe
de lâorbite, et de se rĂ©flĂ©chir sur sa portion intĂ©rieure, se termine en
sâeffilant avant dâavoir atteint les tĂ©guments qui recouvrent lâapophvse
orbitaire du frontal.
CavitĂ© crĂąnienne. â LâencĂ©phale et ses membranes sont absolu-
ment sains.
Les vaisseaux ne sont pas athéromateux.
CavitĂ© thoracique. Poumon droit. â Le poumon droit est adhĂ©-
rent aux parois thoraciques et est assez fortement congestionné. On
trouve au sommet un noyau induré, parsemé de granulations tuber-
culeuses. 2e Poumon gauche. â Les adhe'rences pleurales sont plus
prononcĂ©es Ă gauche quâĂ droite surtout au niveau du lobe supĂ©rieur.
La plĂšvre est le siĂšge dâun Ă©panchement de sĂ©rositĂ© citrine assez
abondant qui refoule le poumon contre la colonne vertébrale.
La partie postérieure et supérieure du lobe supérieur est creusée
dâune vaste poche qui renferme un vaste kyste hydatique uniloculaire
du volume dâune tĂšte de fĆtus de 1 Ă 8 mois. Lâincision de cette
poche donne issue Ă un liquide parfaitement transparent dans lequel
nagent les Ă©chinocoques.
Les parois de- la poche sont trĂšs minces en arriĂšre. Elles sont for-
mĂ©es dâune coque de tissu conjonctif kĂ©ratoĂŻde doublĂ©e dâune trĂšs
mince couche de tissu pulmonaire condensĂ©;cette coque appartient Ă
la plÚvre viscérale considérablement épaissie. Dans les autres régions
les parois de la poche kystique sont constituĂ©es sur le parenchymepulmonaire refoulĂ© et couvert en certains points dâexsudats casĂ©eux.
Le sommet présente nn noyau induré, volumineux, ovoïle, de pé-
ribronchite tuberculeuse;
il en existe un semblable et plus volumi-neux encore vers la partie inférieure de son bord inférieur.
Le lobe inférieur du poumon gauche offre également vers la partie
supérieure de son bord inférieur quelques nodules de péribronchitetuberculeuse, le reste de ce lobe est par places congestionné, ailleurs
emphysémateux.
3° Voies aĂ©riennes.âLarynx,trachĂ©e, broncliesyvanthĂ©lasma laryngo-trachĂ©o-bronchique. La pnrtionde la muqueuse laryngĂ©e compriseentre les cordes vocales infĂ©rieures et le premier auneau de la trachĂ©e
â 52 âprĂ©sente deux groupes de plaques arrondies ou ovalaires lĂ©gĂšrement
brillantes, dâune coloration blanche lĂ©gĂšrement jaunĂątre, dâune consis-
tance molle qui ne ressemble à aucune autre altération de cette mu-
queuse, et dont la nature xanthélasmique ne saurait Úlre douteuse.
Ces groupes sont symétriques, mais leur étendue est plus grande et
1rs plaques qui les constituent sont plus nombreuses Ă droite quâĂ
gauche.
On trouve également entre les deux apophyses arythénoïdiennes in-
ternes une petite tache blanc jaunĂątre arrondie, autour de laquelle la
muqueuse laryngée offre nne pùleur et une teinte jaunùtre remar-
quables.
Les ventricules de Morgagni sont sains, les cordes vocales infé-
rieures sont, surtout au voisinage de leur insertion arythénoïdienne,
légÚrement jaunùtres.
La muqueuse de la trachée et des premiÚres divisions bronchiques
présente un aspect remarquable et des altérations xanlhélasmiques qui
affectent une disposition différente au niveau des régions ^cartilagi-
neuses et au niveau des régions fibreuses.
En avant et latĂ©ralement, câest-Ă -dire dans toutes les parties de la
muqueuse qui recouvrent les cerceaux cartilagineux, il existe des
traĂźnĂ©es parallĂšles entre elles et perpendiculaires Ă lâaxe du conduit
aérien, formées de plaques allongées et de granulations arrondies,
assez fortement teintées en jaune, légÚrement brillantes et se suivant
Ă la maniĂšre des grains dâun chapelet. Ces traĂźnĂ©es partent des deux
cĂŽtĂ©s de la rĂ©gion membraneuse ou Ćsophagienne du canal trachĂ©al
et sâĂ©tendent plus ou moins loin sur ses parties latĂ©rales ou en con-
tournent la surface interne, mais sans pouvoir en embrasser entiĂšre-
ment la circonférence. Elles offrent de chaque cÎté une disposition
symĂ©trique sans que lâon puisse dire de quel cĂŽtĂ© elles sont le plus
Ă©tendues.
En arriĂšre, sur la portion de la muqueuse qui revĂȘt la portion
membraneuse et Ćsophagienne delĂ trachĂ©e, la direction des traĂźnĂ©es
xanthélasmiques est, au contraire, longitudinale;elles suivent la di-
rection des faisceaux Ă©lastiques longitudinaux dont le relief est, chez
ce sujet, bien accusé. De chaque cÎté, ces traßnées se confondent avec
les traßnées transversales que nous avons décrites plus haut sur la
muqueuse de la portion cartilagineuse.
Dans les divisions bronchiques dâun ordre plus Ă©levĂ©, jusquâĂ celles
de quatriÚme ou'cinquiÚme ordre, les traßnées transversales deviennent
de moins en moins accusées, tandis que les traßnées longitudinales
sont toujours trÚs nettement visibles, mais seulement, fréquemment
interrompues.
Sur toute lâĂ©tendue des voies] aĂ©riennes qui a Ă©tĂ© soumise Ă notre
examen, la surface des plaques xanthĂ©lasmiques est parsemĂ©e dâun
pointillĂ© rouge trĂšs fort, quâun examen attentif montre constituĂ© par
des orifices glandulaires circulaires ou taillés en bec de flûte dont la
circonférence présente une infection vasculaire assez considé-
rable.
4° CĆur et aorte. â Le cĆur est petit et entiĂšrement sain. Lâaorte
présente seulement, prÚs de son origine, quelques plaques athéroma-
teuses peu Ă©tendues.
CavitĂ© abdominale. â A lâouverture de la cavitĂ© abdominale, il sâĂ©-
chappe un flot de liquide ascitique citrin dont la quantitĂ© peut ĂȘtre
évaluée à 2 ou 3 litres. Toute la surface du péritoine est couverte
de granulations tuberculeuses, notamment le mésentÚre et la portion
mésentérique du canal intestinal sur toute sa longueur. (Tuberculose
péritonéale.)
La rate, le poumon et les reins sont entiÚrement sains. Le foie pré-
sente des adhérences intimes avec le diaphragme, et en beaucoup de
points sa capsule est épaissie. (Périhépatite chronique.) Il est creusé
dâune vaste poche sphĂ©rique de la grosseur dâune tĂȘte dâenfant, qui
sâest surtout dĂ©veloppĂ©e aux dĂ©pens du lobe droit de lâorgane et qui
nâest sĂ©parĂ©e, en avant et en arriĂšre, de la cavitĂ© pĂ©ritonĂ©ale, que par
sa capsule épaissie, et une trÚs mince couche de tissu hépatique con-
densĂ© qui a mĂȘme en certains points entiĂšrement disparu. Celte vaste
cavitĂ© kystique est revĂȘtue intĂ©rieurement, dâune mince couche con-
jonctive et renferme un Ă©norme kyste bydatique uniloculaire dont les
caractÚres sont identiques à ceux du kyste que nous avons décrit plus
haut dans lâun des poumons et sept autres kystes plus petits dont le
plus volumineux a la grosseur dâun Ćuf de pigeon. Le reste du paren-
chyme hépatique paraßt sain.
Tube digestif. â La langue, la cavitĂ© buccale, le pharynx, lâĆso-
pliage, lâestomac, lâintestin, examinĂ©s avec soin ne nous ont montrĂ©aucune altĂ©ration.
Organes gĂ©nito-urinaires. â Les testicules et la vessie Ă©taient Ă©ga-lement normaux.
â 54 â
OBSERVATION III. â Ataxie locomotrice progressive. â XanthĂ©-
lasma plat des paupiĂšres. â XanthĂ©lasiaa tubĂ©reux trĂšs discret,
simulant des noyaux de carcinome dur secondaire de la peau,
(observation recueillie par M. Chambard.)
Mme Marie ManiÚre, ùgée de 46 ans, femme déménagé, est admise
dans le service de M. Ilillairet Ă lâhĂŽpital Saint-Louis, le 24 sep-
tembre 1878, pour une ataxie locomotrice progressive qui ne présente
rien de remarquable.
Celte malade peu intelligente ne peut donner que des renseigne-
ments fort vagues sur ses antécédents héréditaires et personnels. Nous
apprenons toutefois quâelle nâa jamais eu ni ictĂšre, ni migraine, et
que la seule affection séreuse dont elle ait été atteinte fut une attaque
de rhumatisme articulaire. Elle est aujourdâhui amaigrie et dĂ©primĂ©e
physiquement et moralement.
Il existe sur la moitié interne de la paupiÚre supérieure gauche,
une plaque de xanthĂ©lasma qui nâoffre rien de remarquable. En exa-
minant la malade, notre attention se porte sur deux gros tubercules
situĂ©s, lâun Ă la racine du sein gauche, au niveau du troisiĂšme espace
ntercostal, lâautre au nivtau de la partie moyenne de la face externe
de la jambe du mĂȘme cĂŽtĂ©. Ces tubercules dâune coloration qui ne
diffĂšre de ceux de la peau saine que par une teinte violacĂ©e, dâune
consistance fibreuse, dâun vo.urae Ă©gal Ă celui dâun gros pois, sont en-
chĂąssĂ©s dans lâĂ©paisseur du derme et font corps avec lui : ils ressem-
blent tellement aux nodules du squirrhe secondaire de la peau que tel
est Ă leur Ă©gard le diagnostic de M. Ilillairet et le nĂŽtre, et que, leur
prĂ©sence, lâĂ©tat caractĂ©ristique de la malade, nous firent pressentir
quelque affection cancéreuse viscérale, restée latente.
C s pf tites tumeurs ne sont nullement douloureuses, ni Ă la pression,
ni spontanément.
Nous étions si loin de croire à la nature xanthél ismiqne de ces
petites tumeurs que, mĂȘme aprĂšs examen microscopique, nous nâaban-
donnĂąmes pas notre maniĂšre de voir et nous les regardĂąmes comme
un cas singulier de carcinome lipomateux de la peau; quelques jours
aprĂšs, lâexamen des tubercules cutanĂ©s du malade qui fait lâobjet de
notre deuxiÚme observation et dont la nature xanthélasmique n'était
pas douteuse, vint nous éclairer sur leur véritable signification.
â 55 âSi toutefois les deux tubercules que prĂ©sentait Madame M... sont
histologiquement identiques à ceux du malade précédent, ils diffÚrent
notablement, par des caractĂšres cliniques sur lesquels nous insiste-
rons dans la suite, des formes connues jusquâici de xanthĂ©lasraa tu-
berculeux, aussi croyons-nous devoir les en distinguer et donner Ă
cette forme, en attendant que de nouvelles observations viennent
en consolider lâexistence indĂ©pendante, le nom de xanthĂ©lasma lubĂ©-
reux.
Lâextirpation du nodule de la jambe droite dĂ©termina une plaie
qui, au lieu de se cicatriser rapidement comme nous lâavons observĂ©
chez tous nos autres malades, prit un mauvais aspect et se mit Ă
suppurer abondamment, La malade partit avant que la cicatrisation
eût commencé. Ce petit fait est un exemple du danger des trauma-
tismes et des opérations chirurgicales chez les ataxiques.
Observation IV (personnelle).
Celle observation a été commencée par M. Gilles de la
Tourette, externe de M. Hillairet et nous lâavons continuĂ©e.
MmeX... ĂągĂ©e de 38 ans, nĂ©e dâun pĂšre mort du cholĂ©ra, dâune
mĂšre morte de suite de couches, et nâayant jamais prĂ©sentĂ© de mala-
dies constitutionnelles, est la seule survivante de 7 enfants: ses frĂšres
et ses sĆurs Ă©tant mort en bas Ăąge dâaffections indĂ©terminĂ©es. Son
enfance sâest passĂ©e sans troubles physiques : jamais de gourmes, ni
croĂ»tes dans les cheveux, ni engorgements ganglionnaires. A lâĂąge de
il ans, elle sâest fracturĂ© le bras droit;
la consolidation sâest trĂšs
bien effectuĂ©e sans complications dâaucune sorte.
RĂ©glĂ©e Ă lâĂąge de 14 ans, les fonctions menstruelles se sont toujours
continuĂ©es dâune façon rĂ©guliĂšre;
si ce nâest au mois de fĂ©vrier 1880
oĂč enceinte de deux mois environ elle fit une fausse couche dont elle
se rétablit promptement.
MariĂ©e Ă lâĂąge de 22 ans (1872) : elle devint sujette Ă des migraines
assez violentes, suivies de vomissements bilieux abondants; dâun
empérament irritable elle éprouva eu 1873 une. contrariété vio-
ente ?
Toutes les fonctions sâĂ©taient, parfaitement accomplies jusquâĂ celte
Ă©poque; une fois seulement Ă Bordeaux, en 1870, elle dut se lever
â 56 âtous les quarts d'heure pendant la nuit et rendit une grande quantitĂ©
dâurine claire et limpide.
A partir de 1873 elle Ă©prouva des besoins incessants dâuriner, se
livrant Ă la miction 10 Ă 15 fois par jour, se levant continuellement
la nuit : la soif sâaccrut en proportions : plusieurs litres dâeau Ă©taient
absorbés dans la journée. Ayant un appétit excellent d'ordinaire la
malade mange désormais avec « frénésie » ne pouvant se rassasier.
Avec ces divers phĂ©nomĂšnes elle sâaperçut dâune diminution totale
des sueurs : la peau, les mains Ă©taient sĂšches; les objets de couture,
aiguilles, ciseaux devenaient polis, brillants : câest ce qui la mit en
Ă©veil Ă lâĂ©gard de la suppression de la perspiration cutanĂ©e.
La sĂ©crĂ©tion salivaire diminue en mĂȘme temps;le matin la langue
Ă©tait recouverte dâun enduit brun foncĂ©, dessĂ©chĂ© : une sensation de
saveur particuliĂšrement aigrelette remplissait la bouche. LâĂ©tat
général se maintenait cependant; mais effrayée surtout de la persis-
tance de la polyurie, elle alla consulter M. Besnier qui reconnaissant
le diabÚte, institua le traitement approprié (suppression des fécu-
lents,liqueur de Fowler).âLes urines auraient contenu Ă ce momenlde
de 20 Ă 40 gr. de sucre par litre ? Le traitement rigoureusement
uivi jusquâen 1879 amena une amĂ©lioration notable : la polyurie, la
polydipsiese tarirent sans toutefois disparaßtre. La perspiration cutanée
et les sueurs reparurent, lâappĂ©tit se modĂ©ra. Notons Ă ce moment et
de temps en temps quelques tiraillements du cĂŽtĂ© de lâhypochondre
droit.
DĂ©goĂ»tĂ©e dâun rĂ©gime aussi sĂ©vĂšre elle cessa son traitement Ă
partir du commencement de lâannĂ©e 1879 et vit alors reparaĂźtre au
grand complet la symptomatologie que nous avons déjà énumérée.
Tous ces phénomÚnes du reste avaient des alternatives de mieux et
de pis. Aujourdâhui encore (30 avril 1880) ils existent comme par le
passé et la réaction par la potasse donne un précipité caractéris-
tique.
Mme X... avons-nous dit est trĂšs impressionnable;
elle parait
douée extérieurement de la santé la plus parfaite : grasse et replÚte,
bien dĂ©veloppĂ©e, la face pleine, le visage rouge, elle nâa jamais
maigri, et sâest du reste toujours bien alimentĂ©e. En dehors de son
Ă©tat diabĂ©tique, elle attire lâattenlâon de M. Hillairet sur un phĂ©no-
mĂšne tout particulier qui ne laisse pas de lâinquiĂ©ter outre mesure.
Au mois de mars de cette année, elle a vu survenir sans déman-
â 57 â
geaisons à la face dorsale du poignet gauche une série de petites éle-
vures, qui devinrent rapidement coufluentes et ne tardĂšrent pas Ă
apparaĂźtre aussi sur la face dorsale du poignet droit. DĂ©jĂ , en 1875,
sur la face postérieure de la cuisse gauche était survenu un bouton
qui aujourdâhui mesure la grosseur dâune lentille environ.
Celte Ă©ruption, sâil est permis de lâappeler ainsi, estdâune nature toute
spéciale : elle est formée au poignet par une série de petites nodosités
lĂ©gĂšrement arrondies; de mĂȘme volume, et mesurant environ la gros-
seur dâune Ă©pingle. Leur coloration est franchement jaune;elles sem-
blent remplies par un liquide de mĂȘme couleur, bien que percĂ©es elles
ne laissent échapper que nar la plus forte pression une quantité trÚs
minime de sérosité trouble. Lorsque la malade est émue, agitée,
elles reposent sur un fond rouge, sur lequel se détache vivement leur
teinte safran : elles sont donc plus ou moins apparentes suivant les
pĂ©riodes de calme ou dâactivitĂ©, mais ne disparaissent jamais par la
pression. Elles paraissent du reste ĂȘtre en voie de progression puis-
que depuis 15 jours environ, une Ă©ruption de mĂŽme nature, mais
bien moins confluente, sâest montrĂ©e Ă la face antĂ©rieure des deux
genoux.
En outre on note çà et là , sur la face interne des deux avant-bras
et jusquâau 1 13 supĂ©rieur des deux bras, des vĂ©sico-papules analogues,
disséminées sans ordre et semées au hasard, empiétant par places
jusque sur la face postérieure du membre supérieur. Elles sont de
mĂȘme volume que celles des deux poignets et prĂ©sentent les mĂȘmescaractĂšres objectifs; nĂ©anmoins la moindre vascularitĂ© de la peau Ă
ce niveau fait que la coloration jaune de la peau se détache moinsnettement sur les parties ambiantes. Nous avons déjà noté la lésion
initiale à la face postérieure de la cuisse gauche.
Cette Ă©ruption particuliĂšre nâoccasionne du reste aucune dĂ©man-geaison, et affecte beaucoup plus le moral que le physique de la
malade qui est trĂšs satisfaisant : les poumons fonctionnent norma-lement
,les bruits du cĆur sont bien frappĂ©s, les fonctions gastro-
intestinales sâeffectuent bien. Lâexamen du foie par la palpation et la
percussion est suffisante la malade étant examinée debout.H n existe aucune coloration de la peau ni des conjonctives, la
vision est nette et prĂ©cise. Cette personne a Ă©tĂ© atteinte Ă troisou quatre reprises de coliques hĂ©patiques qui nâont pas reparudepuis. âą
â o8 âNous avons examinĂ© cette malade plusieurs fois et nous nâavons
pas constaté de grands changements ni au point de vue du progrÚs,
ni au point de vue de la disparition de ces nodosités. Elle se plaint
de douleurs assez vives au niveau des poignets, elles sâexagĂ©reraient
par les mouvements de la main;lorsquâelle veut saisir un objet par
exemple elle ne peut le faire quâau prix dâune douleur trĂšs forte. Nous
expliquerons ce phĂ©nomĂšne par lâadhĂ©rence des nodositĂ©s avec les
tendons sous-jacents.
Observation V. (personnelle).
SĆur Gabrielle, 51 ans, asile Malthilde, 30, avenue du Roule-
Neuilly, sâest prĂ©sentĂ©e Ă la clinique du Gorecki pour des granu-
lations du cul-de-sac supérieur de la conjonctive.
Depuis 4 ans elle a sur lâangle interne et supĂ©rieur de lâĆil gauche
une plaque dâun jaune clair, saillante, papuleuse, de forme ovalaire
de 5 millimĂštres de long sur 4 millimĂštres de large. Cette papule
aurait dĂ©butĂ© par un point jaunĂątre, elle nâa jamais Ă©tĂ© doulou-
reuse.
Cette sĆur a les apparences dâune bonne santĂ©, elle a eu une
sciatique il y a 15 ans. Souvent elle a des douleurs Aagues dans tous
les membres;lâhiver dernier elle a eu une attaque complĂšte de
rhumatisme articulaire aigu et il est resté une hydarlrose au genou
gauche. Elle est aussi sujette aux migraines.
Observation VI (personnelle).
M. Henri, 72 an3, entre Ă BicĂȘtre au mois do mai 1877, Pt couchĂ©
au lit 13 de la salle Saint-François, est un homme de taille au-des-
sus de la moyenne, maigre, voûté, la coloration de sa peau est trÚs
foncée.
Dans lâangle interne de lâĆil droit, au-dessus du pli que forme le
cartilage tarse supérieur lorsque la paupiÚre est relevée, et empiétant
un peu sur ce pli, se trouve une tache jaune, irréguliÚre, de 7 midi-
mĂštres de long sur 4 de large environ. Cette tache tranche sur la co-
loralion de la peau, et prĂ©sente les caractĂšres du xanthĂ©lasma Ă
forme plane papuleuse. Au niveau de la racine du nez, existe une
autre tache plus grande, pius rĂ©guliĂšre, mais dâune coloration moins
prononcĂ©e et comme effacĂ©e, pans lâangle interne de lâĆil gauche, on
voit une troisiĂšme tache trĂšs petite.
Cet homme nâavait jamais remarquĂ© ces particularitĂ©s, mais il a at-
tiré notre attention sur les tachas de pigment qui couvrent en grande
abondance les joues, le front, la face interne des bras, des cuisses, et
qui se trouvent disséminées sur tout le corps. Ces taches paraissent
ĂȘtre des Ă©phelides. Câest Ă partir de lâĂ ge de 25 ans que le pigment
est apparu.
Depuis plusieurs années, M. Henri avait eu plusieurs ictÚres, et
câest Ă la suite de ces ictĂšres trĂšs frĂ©quents, (il ne les compte plus),
quâil attribue le dĂ©veloppement de ces taches de rousseur. Quant aux
jaunisses, il les attribue Ă ses nombreux chagrins, sa vie nâaurait Ă©tĂ©
qu'une longue suite de malheurs. Ces ictĂšres nâont jamais Ă©tĂ© accom-
pagnĂ©s de fiĂšvre 1 jamais de douleurs dans lâhypochondre droit;pas
de coliques hĂ©patiques, ni de crampes dâestomac. La rĂ©gion du foie
ne prĂ©sente rien de particulier. Le foie nâest pas volumineux.
Pas de rhumatisme, pas de syphilis, nijdâalcoolisme;
il y a en
plusieurs anthrax dont un a failli ĂȘtre funeste. Ce malade est hypo-
condriaque.
Observation VII (personnelle).
Boucherie (Henri), 69 ans, menuisier, salle Saint-Félix, n° 2 (Bi-
cĂȘtre).
Sujet grand, fort,;peau fine transparente, cheveux blonds, taches
de rousseur sur le visage, sur la face postérieure des bras, sur la
cuisse. Marques de petite vĂ©role contractĂ©e Ă lâdge de 7 ans; nâayant
pas été vacciné.
VaricocÚle douloureux;opération il y a 8 ans
;insuccĂšs.
Pas dâantĂ©cĂ©dents syphilitiques, ni rhumatisme, ni alcoolisme.
XaufhĂ©lasma. DĂ©but il y a huit ans. Trois plaques. L'une Ă lâangleinterne de lâĆuil gauche, paupiĂšre supĂ©rieure plus grande que cellequi est placĂ©e Ă droite. De forme ovoĂŻde et faisant une lĂ©gĂšre saillie
au-dessus de la peau;elle offre des contours trÚs limités et sa cclo-
â 60 âration blanc jaunĂątre se dĂ©tache trĂšs nettement sur le fond de la peau
Les deux autres taches xanthelasmiques sont plus petites, lâune est
situĂ© dans lâangle interne de lĂźĆil droit et est placĂ©e symĂ©triquement
avec celle que nous avons dĂ©jĂ dĂ©crite,, lâautre se trouve Ă la com-missure externe de lâĆil du mĂȘme cĂŽtĂ©.
AntĂ©cĂ©dents hĂ©patiques. â Jamais dejaunisse. A eu plusieurs em-barras gastriques, avec vomissement de bile, urines rouges. A la suite
dâun violent chagrin, il y a 10 ans, douleurs au cĂŽtĂ© droit au niveau
du foie;durée deux mois
;elles ont été accompagnées de démangeai-
sons internes Ă la peau.
Le sujet ne se rappelle pas le nom que le médecin donnait à cette
affection, ni le traitemnet quâon lui a fait subir.
Observation VIII (personnelle).
Mme B..., ùgée de 50 ans, demeurant à Paris, sans profession
(nous avons observé cette malade à la clinique du D r Gorecki).
Ses grands-parents sont morts trÚs ùgés.
Son pĂšre est mort dâune attaque dâapoplexie Ă lâĂąge de 42 ans, il
Ă©tait dâune bonne santĂ© et nâavait jamais fait de maladie.
Sa mĂšre est morte dâune squirrhe de lâestomac, Ă lâĂąge de 64 ans.
Elle a eu deux frĂšres qui sont morts subitement comme leur pĂšre,
Ă peu prĂšs vers le mĂȘme Ăąge.
A lâĂąge de 19 ans, elle a eu une fiĂšvre muqueuse. Elle aurait eu
aussi il y a vingt ans, des « accÚs de fiÚvre pernicieuse. » Depuis
deux ans elle Ă©prouve des douleurs rhumatismales qui se sont sur-
tout localisĂ©es Ă lâĂ©paule droite. Ces douleurs ont disparu en partie,
et sauf quelques névralgies dont nous allons parler, elle.se consi-
dérerait comme une personne bien portante. Elle ne peut pas préciser
au juste le dĂ©but de ces douleurs qui siĂšgent au niveau de lâhypo-
chondre droit. Elles sont passagĂšres, reviennent Ă des inter-
valles indĂ©terminĂ©s, tantĂŽt elles surviennent Ă la suite dâun repas,
copieux.
Dâune taille et dâun embonpoint moyens, trĂšs sensible, trĂšs vive et
trĂš 3 laborieuse, sâexprimant trĂšs bien;
la coloration de sa peau est
trÚs foncée et tient le milieu entre la teinte ictérique et bronzée; sa
maniĂšre dâĂȘtre rĂ©pond trĂšs bien Ă celle dâun tempĂ©rament nĂ©vroso-
bilieux.
â 61 âElle mange avec appĂ©tit, mais les digestions sont un peu pĂ©nibles;
la région du foie ne nous offre rien de particulier, cependant on peut
constater la présence de cet organe immédiatement au-dessus des
fausses cĂŽtes quâil semble dĂ©passer.
Rien du cĂŽtĂ© du cĆur ni des poumous.
Jamais de maux de tĂšte, rien du cĂŽtĂ© de la vue si ce nâest un lĂ©ger
affaiblissement de lâaccommodation, que lâon peut attribuer Ă son Ăąge,
dâoĂč presbyopie lĂ©gĂšre.
Elle a quelquefois et surtout le matin, des Ă©tourdissements, la tĂšte
lui tourne, et si elle ne prenait pas la prĂ©caution de sâasseoir, elle
tomberait.
XanthĂ©lasma. â Cette dame ne peut pas prĂ©ciser le dĂ©but des
taches jaunes quâelle prĂ©sente sur les paupiĂšres infĂ©rieure et supĂ©-
rieure de lâĆil gauche.
Ces taches remontent environ Ă une quinzaine dâannĂ©es elles
nâont jamais Ă©tĂ© douloureuses, ni sensibles Ă la pression, leur prĂ©-
sence ne gĂšne nullement les mouvements des paupiĂšres,
et elle
nâa jamais Ă©prouvĂ© de dĂ©mangeaisons Ă leur niveau- Câest pour toutes
ces raisons que son attention ne sâest guĂšre portĂ©e de ce cĂŽtĂ©, et si
nous nâavons pas eu lâoccasion de lui demander quelques renseigne-
ments Ă ce sujet, il est probable quâelle ne sâen serait jamais occupĂ©e.
Il existe deux taches xanthĂ©lasmiques Ă lâĆil gauche, lâune plus
grande situĂ©e Ă lâangle interne de lâĆil sur la paupiĂšre supĂ©rieure, de
8 mĂštres de longueur sur 4 mĂ©trĂ©s de large, elle est dâune couleur
jaune-paßlle, est trÚs apparente et forme une saillie légÚre au-dessus
de la peau, câest une papule.
La deuxiĂšme tache est plus petite, se trouve aussi au carithus in-
terne sur la paupiĂšre infĂ©rieure, de mĂȘme coloration que la prĂ©cĂ©dente,
elle a les dimensions dâune lentille et sâĂ©lĂšve trĂšs peu au-dessus duniveau de la peau. Ce serait plutĂŽt une macule quâune papule. Elle
nâen est pas moins trĂšs Ă©vidente, car sa coloration jaune-paille tranche
d'une maniĂšre trĂšs remarquable sur la coloration presque noirĂątre
de sa paupiÚre inférieure.
Celte dame a eu, depuis le jour oĂč nous avons pris son observation,
des accÚs de coliques hépatiques dont elle a beaucoup souffert et elle
suit un traitement pour cette affection.
â. 62 â
Obs. IX (personnelle).
M. M. ĂągĂ© de 57 ans, habitant Paris depuis une vingtaine dâan-
nées environ, comptable dans une grande administration, à une mÚre
ĂągĂ©e de 75 ans, elle nâest pas malade. Son pĂšre est mort Ă lâĂąge de
58 ans dâune affection pulmonaire. M... nâa pas eu de maladie grave
pendant sa jeunesse, sa santé était bonne.
En Afrique, Ă©tant soldat, il a eu les fiĂšvres des marais pendant
treize mois, leur guérison se serait aflectuée sans traitement à son
retour en France. A la mĂȘme Ă©poque il a eu le ventre « trĂšs gonflé»,
et il nâa pas remarquĂ© si lâaugmentation Ă©tait gĂ©nĂ©rale ou limitĂ©e
seulement au cÎté droit.
A l'Ăąge de 52 ans, il y a donc 5 ans, il a eu une douleur trĂšs vive
au niveau de lâhypochondre, elle nâa durĂ© quâun jour. Un mĂ©decin
ayant Ă©tĂ© appelĂ©, il fit une injection de morphine Ă lâaide dâune
seringue, et la douleur ne disparut pas; depuis il nâa jamais eu de
douleur semblable. M... est un homme robuste, dâune taille moyenne
et assez gros, il nâest jamais malade et ne se souvient pas dâavoir
interrompu ses travaux pour cause de maladie. Il a eu cependant il
y a environ huit ans, des migraines trĂšs fortes qui, maintenant, ont
perdu beaucoup au point de vue de leur fré juence et de leur intensité.
Vers la mĂȘme Ă©poque, il a Ă©prouvĂ© des troubles gastriques, les diges-
tions Ă©taient difficiles, ei d'aprĂšs lui, câest lâalcool qui lâaurait guĂ©ri.
Depuis, il nâa plus mal Ă lâestomac et ses digestions se font bien.
Il nâa jamais eu dâictĂšre, ni rhumatisme ni syphilis. Lâexamen du
foie nâoffre rien de particulier.
Rien du cĂŽtĂ© de la poitrine ni du cĂŽtĂ© du cĆur.
Le début du xanthélasma remonte à dix ans, les deux yeux au-
raient Ă©tĂ© Ă©teints simultanĂ©ment. Lâaffection aurait dĂ©butĂ© sans dou-
leur, sans dĂ©mangeaisons, par une petite papule de la grosseur dâune
tĂȘte dâĂ©pingle. M... a essayĂ© plusieurs fois de les faire disparaĂźtre,
soit en les perçant avec une épingle, soit en les exrisant avec des
ciseaux, ou bien en les cautĂ©risant avec le nitrate dâargent, mais il
nâa jamais rĂ©u-si. Ces petites taches jaunes ont augmentĂ© depuis, et
elles sont en ce moment assez grosses pour couvrir lâangle interne de
la paupiÚre supérieure. Ces deux papules sont symétriques, sont
situĂ©es dans le canthus interne, sur la paupiĂšre supĂ©rieure eâ. immĂ©-
diatement au-dessus du cartilage tarse. Elles sont légÚrement sail
lanles, leurs bords sont irréguliers, déchiquetés, et leur couleur est
dâun jaune-paille caractĂ©ristique.
Les mouvements des paupiĂšres paraissent un peu gĂȘnĂ©s; la vision
a toujours été bonne, maintenant M,.. est presbyte, il est obligé de
porter des lunettes pour voir de prĂšs, mais de loin il y voit trĂšs
bien.
Depuis deux ans ces taches sont Ă peu prĂšs stationnaires, elles
nâont pas augmentĂ© dâune maniĂšre apprĂ©ciable.
Observation X (Personnelle).
Mme J. 54 ans, garde malade habitant Paris depuis 49 ans,
(Nous avons observé cette malade à la clinique du D r Gorecki.)
Son pĂšre est mort des suites dâune fiĂšvre typhoĂŻde.
Sa mĂšre a eu une attaque dâapoplexie Ă lâĂąge de 48 ans.
Mariée en 1844, son mari est mort en lh6o phthisique. Elle a eu
deux filles dont une est mariĂ©e et lâautre est morte Ă lâĂąge de 22 ans,
dâune mĂ©ningite.
Pus de maladie dans son enfance.
A lâĂąge de36aas elle a eu la petite vĂ©role, il nâen reste aucune
marque, elle avait été vaccinée dans sajeunesse.
RĂ©glĂ©e Ă lâĂąge de 11 ans, elle lâa toujours bien Ă©tĂ©, elle nâa rien
éprouvé de ce cÎté là , mais tous les mois elle avait une céphalal-
gie frontale trĂšs intense, elle Ă©tait obligĂ©e dâalier se coucher.
En 1863, elle aurait eu une paralysie, et en rentrant des courses oĂč
elle était allée; on fut obligé de la coucher car elle De pouvait plus
marcher.
Cette maladie lâaurait retenue trois mois dans son lit, elle aurait eu
des troubles de la miction, de lâembarras de la parole, des troubles
du cÎté de la sensibilité. Elle raconte quelle aurait pris à celte
Ă©poque des pilules de valĂ©rianate dâatropine au nombre de trois, e)
aurait failli s'empoisonner. (Son xanthélasma reconnaßtrait pour
cause cet empoisonnement.) Au bout de trois ans, petit Ă petit, tous
ces phénomÚnes morbides ont fini par disparaßtre. Depuis elle se porte
trĂšs bien et elle nâa jamais Ă©tĂ© malade.
Mme J... est trĂšs forte, trĂšs grosse et offre toutes les apparences
â 64 âd'une santĂ© parfaite, elle a un caractĂšre trĂšs gai, elle est trĂšs impres-
sionnable et trÚs vive. Elle a éprouvé beaucoup de chagrins, et a subi
de grandes perles dans le commerce.
AprĂšs sâĂštre trouvĂ©e Ă la tĂȘte dâune grande maison, elle a Ă©tĂ© obli-
gée de se mettre garde-malade.
Mune J... nâa jamais eu de jaunisse, ni de maladie de la peau.
Ses digestions sont bonnes et mange avec appĂ©tit, elle nâa rien du
cĂŽtĂ© du cĆur ni des poumons. Parfois elle a quelques douleurs de
nature rhumatismale au niveau des Ă©paules. Elle a aussi quelquefois
des maux de tĂȘte mais ils ne sont plus aussi violents depuis lâĂąge de
40 ans, Ă©poque Ă partir de laquelle elle a cessĂ© dâĂȘtre rĂ©glĂ©e.
Les plaques jaunes quâelle a aux paupiĂšres sont survenues aprĂšs
sa paralysie, il y aurait donc une vingtaines dâannĂ©es. Lâaffection
serait survenue Ă peu prĂšs Ă la mĂȘme Ă©poque sur les deux paupiĂšres,
et aurait augmenté insensiblement.
M. le D r Miot a excisé ees plaques il y a 12 ans, elle a souffert beau-
coup et elles ne sont pas parties.
Maintenant nous trouvons que ce? papules sont situĂ©es Ă lâangle in-
terne des deux yeux, un peu au dessus du pli que forme la paupiĂšre
supérieure, elles sont légÚrement inclinées vers la racine du nez de
haut en bas et de dehors en dedans, elles mesurent 18 millimĂštres de
long sur 4 millimÚtres de large. Les bords se détachent trÚs bieu de
la peau, ils sont déchiquetés, irréguliers, et l'extrémité de ces pa-
pules est arrondie. La couleur est dâun jaune peau de chamois. Les
mouvements de la paupiĂšre sont un peu gĂȘnĂ©s, elle nâa jamais
éprouvé de démangeaisons ni de picotements au niveau de ces taches.
La vision a Ă©tĂ© trĂšs bonne, mais maintenant elle commence Ă
faiblir.
Nous donnons à la fin de notre travail un dessin qui représente les
paupiĂšres de cette malade.
Observation XI (Personnelle).
MmeX..., Agée de 44 ans, restant à Paris depuis longtemps, mariée,
pas dâenfants, se trouvant Ă la tĂȘte dâune maison de commerce, porte
sur les paupiÚres supérieures des deux yeux des lùches xanthélas-
miques.
Son pĂšre est mort Ă lâilge de 70 ans dâune attaque dâapoplexie, il
â Gb âavait sur la paupiĂšre supĂ©rieure delâĆil gauche des taches analogues
Ă celles que nous avons trouvĂ©es sur Mme B.... Câest le seul cas dâhĂ©-
rédité que nous ayons trouvé.
Sa mĂšre est goutteuse, vit encore et a une cataracte de lâĆil
droit.
filme B... se porte trĂšs bien, elle est trĂšs grande et trĂšs grasse.
Elle nâa jamais Ă©tĂ© malade, pas de maladies de la peau, pas de rhu-
matisme, rien du cĂŽtĂ© du cĆur ni de la poitrine. Mais elle a toujours
eu des maux de tĂȘte violents, limitĂ©s Ă la rĂ©gion frontale. De plus,
ses digestions sont pénibles et difficiles, elle avoue ne pas pouvoir
digĂ©rer les fĂ©culents ni le blanc dâĆuf.
Le xanthĂ©lasma palpĂ©bral a dĂ©butĂ© par lâĆil gauche, et comme
toujours par lâangle interne. CâĂ©tait dâabord une petite vĂ©sico-pa-
pulede la grosseur dâune tĂšte dâĂ©pingle, et maintenant câest une pa-
pule Ă peu prĂšs arrondie, de la forme et de la grosseur dâune lentille
Ă©gĂšrement saillante, de couleur peau de chamois.
La mĂȘme tache sâest produite sur lâĆil droit un peu plus tard, et
lĂźlle nâest pas encore aussi dĂ©veloppĂ©e que celle de lâĆil gauche. Cette
dame aurait éprouvé des démangeaisons au niveau de ces papules.
PIĂĂES DĂPOSĂES AU MUSĂE DE LâHOPITAL SAINT- LOUIS.
EXTRAIT DU CATALOGUE.
(Vitrine VIL)
Nu 123. â Bazin. â RIolluscum cholestĂ©rique. â Main gauche,
face dorsale et palmairo.
NĂŒ 124. â Bazin. â Molluscum cholestĂ©rique. â Fesses.N° 366. â Lailler. â XanthĂ©lasma, variĂ©tĂ© plane et tubĂ©reuse. â
Mains : face palmaire et dorsale.
â Hillairet. â XanthĂ©lasma. â Mains et verge (malade delâobservation II).
Gendre. 5
â 66 â
INDEX ALPHABĂTIQUE DES AUTEURS.
Addison et Gull. â Guyâs IIosp. Reports, 1861, VII, part. 2,
série 2. A collection of the pu blislied Writhing of the
bĂąte Thomas Adison. EJited bv D r Wilks and D. DaloveLondon, 1868.
' »
Bazin. â Leçons sur les affections cutanĂ©es de nature arthritique
et dartreuse, 2e Ă©dition, 1868.
Besnier. â Lfçon clinique faite Ă lâhĂŽpital Saint-Louis, Journal de
médecine et de chirurgie pratiques, 1878, Gazette des
hĂŽpitaux, 1878.
Cohn et Jaey. â Sitzungsbericht der Schles. Vaterl. Geseilschaft.
Chukch. â S. Barthol. Hosp. Rep., vol. X, 1874 et analyse de
Geissler, in Schmidt, Jahrbucber, 1876.
Cbambard. â Etude histologique sur le xanthĂ©lasma. â LĂ©sions
des nerfs dans le xanthélasma tuberosum, Bulletin de la
SociĂ©tĂ© anatomique. 1878. â Du xanthĂ©lasma gĂ©nĂ©ralisĂ©,
Bulletin de la Société clinique, 1878, et France médicale,
janvier 1876, nos 1 et 2. â Des formes anatomiques du
xanthélasma cuLané, Archives de physiologie, 1879.
Cary. â Annales de dermatologie et de syphiligraphie, 18P0, t. I.
Hebra. â TraitĂ© des maladies de la peau, traduction Doyon, t. I.
1872.
Hilton Facge. â Transact. of the pathol. society, 1868, Patkolog.
transact., 1873, 1873.
Hutchinson. â A clinical reports on xanthĂ©lasma palpebrarum and
on its signification at a symptom. â Transact. of the
med. chirurg. soc., t. IV, 1871, et Centralblatt, analyse
Leber.
HillĂ iret. â Bulletin de lâAcadĂ©mie de mĂ©decine, sĂ©ance du 19 no-
vembre 1878.
Kaposi. â TraitĂ© des maladies de la peau dâHĂ©bra, t. II.
Larraydy. â Etude sur le xanthĂ©lasma, th. de Paris, 1877.
Murchison. â Leçon clinique sur les maladies du foie, traduct.
Jules Cyr, i878.
Manz. â Klinische Monasblatter fur Augenheilk, august. septem-
ber 1871.
Moxon â Pathol, transact., t. XXIV, p. 129, 1773.
Malassez et de SinĂ©ty. â Sur la structure, lâorigine et le dĂ©ve-
â 67 -
loppement des kystes de lâovaire, Archives de physiolo-
gie, 1878-79.
Neumann. â Lohrbucli der Hantkraukheiten, -1 876.
Pve Smith. â Guyâs hosp. rep., XXII. 1877, analysĂ© par Rendu,
R. S. M., 1878.
Pavy. â Guyâs hâosp. rep., 1866.
Potain. â Gazette des hĂŽpitaux, 1878, p. 81.
QuinqĂŒaud. â Bulletin de la SociĂ©tĂ© clinique.
Rayer. â TraitĂ© des maladies de la peau, 1825. â Atlas des ma-ladies de la pe Q u, pl. XXII, lig. 15.
Simon. â Deutsche klinik, 1872.
Smith. â On xanthelasma on vililigoiden cutanous, Journ. med.1869.
Strauss. â Des ictĂšres chroniques, th. dâagrĂ©gation, 1878.
A. Parent, imnrimaur de la Faculté Hp MéiWinp rua M. -In-Frmcn. AN