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SYNCOPES À la frontière du photographique et du cinématographique Œuvres du Centre national des arts plastiques : DENNIS ADAMS, JEAN-CHRISTIAN BOURCART, LARRY CLARK, WALKER EVANS, LEE FRIEDLANDER, SAUL LEITER, HELEN LEVITT, FRANÇOIS PUYPLAT, KEIICHI TAHARA, HIROSHI SUGIMOTO © Dennis Adams / CNAP

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SYNCOPESÀ la frontière du photographique et du cinématographique

Œuvres du Centre national des arts plastiques :

DENNIS ADAMS, JEAN-CHRISTIAN BOURCART, LARRY CLARK, WALKER EVANS, LEE FRIEDLANDER, SAUL LEITER, HELEN LEVITT, FRANÇOIS PUYPLAT, KEIICHI TAHARA, HIROSHI SUGIMOTO

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PHOTOGRAPHIE

www.ensp-30ans.com

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Syncopes est le fruit d’une première collaboration entre le Centre national des arts plas-tiques (CNAP) et l’École Nationale Supérieure de la Photographie (ENSP). Ce partenariat offre l’opportunité à quatre étudiantes de concevoir une exposition qui se tiendra à la Galerie Aréna à Arles. Erika Paoletti, Olga Perets, Mouna Saboni et Emilie Traverse - étudiantes en troisième année - ont souhaité, en tant que commissaires, porter un regard composite et transversal sur le fonds photographique du CNAP des années 1950 à nos jours, mettant en évidence la diversité de leur pratique du médium, allant du reportage à l’art conceptuel.

Le Centre national des arts plastiques est l’un des principaux opérateurs de la politique du ministère de la Culture et de la Communication dans le domaine des arts visuels. Acteur culturel et économique, il encourage la scène artistique dans toute sa diversité et accompagne les artistes ainsi que les professionnels par plusieurs dispositifs d’aides et d’allocations. Il acquiert, pour le compte de l’État, des œuvres d’art inscrites sur les inventaires du fonds national d’art contemporain dont il assure la garde, la gestion et la diffusion en France et à l’étranger. Il met en œuvre la commande publique nationale et favorise l’accès de tous les publics à l’art contemporain.

Fondée en 1982 à Arles, l’École Nationale Supérieure de la Photographie est un éta-blissement public administratif d’enseignement supérieur sous tutelle du Ministère de la Culture. Seule école d’art en France exclusivement dédiée à la photographie, sa mission principale est de former des photographes auteurs dotés de solides connaissances et d’une expérience dans les domaines artistiques, techniques, historiques et théoriques. Lieu singulier d’expérimentation, de recherche et de création, l’École s’est tou-jours adaptée aux mutations techniques du médium photographique, tout en développant une réflexion critique sur l’image, ouverte aux différents arts.Artistes, enseignants, conservateurs, commissaires, restaurateurs, hommes et femmes de l’art, les différentes promotions formées à l’ENSP irriguent tous les territoires de l’image.

Galerie Aréna École Nationale Supérieure de la Photographie 16 rue des arènes 13200 Arles

Exposition du 12 octobre au 19 novembre 2011Tèl : +33(0)4 90 99 33 33 - Fax : +33(0)4 90 99 33 59

ouverture : 15h à 19h - du mardi au samedi contacts / www.cnap.fr

www.ensp-arles.com

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La syncope traduit un état d’instabilité bref mais profond, caractérisé par l’arythmie d’un flux ou son arrêt transitoire. En musique, elle agit à contretemps et en conflit avec la me-sure principale, tandis qu’en médecine, une syncope conduit à la perte de conscience...L’image photographique ne saurait se réduire à un objet figé. Aborder une photographie, c’est aussi se confronter à un temps complexe où il s’agit de faire des allers et retours entre ce que l’œuvre raconte, ce que nous sommes et ce que nous ressentons. Le projet Syncopes a pour volonté d’interroger l’instabilité de l’expérience réceptive, allant de l’empathie à la prise de distance critique. L’image photographique serait alors à la frontière du photographique et du cinématographique.

L’exposition traite du besoin de se laisser aller à l’imaginaire filmique, le temps de quelques photographies et de reprendre rapidement ses esprits, le temps d’une syncope.Construite autour d’une photographie d’Hiroshi Sugimoto tirée de la série Theaters, cette exposition investit le potentiel fictionnel de l’image fixe. L’œuvre de l’artiste japonais donne à voir le temps de la projection d’un film réduit à un écran scintillant, évoquant un état proche de l’hallucination, du rêve ou de la perte de conscience. Comme autant de photogrammes contenus dans cet écran surexposé, les œuvres de Jean-Christian Bourcart, Larry Clark, Walker Evans, Lee Friedlander, Saul Leiter, Helen Levitt, François Puyplat, et Keiichi Tahara deviennent ces instants d’entre-deux, des moments d’instabilité où rien n’est encore advenu mais qui peuvent basculer à tout moment. Tandis que les photo-montages de Dennis Adams dérangent nos habitudes culturelles, en insérant un personnage de la fiction À bout de souffle de Jean-Luc Godard (1959) au cœur de La bataille d’Alger (1966), le film documentaire de Gillo Pontecorvo.

Extraites de leur contexte sériel d’origine et abordées par le prisme du cinématogra-phique, ces œuvres se situent au croisement du réel et de ses différentes projections nar-ratives, poétiques ou politiques. Elles frôlent constamment le cinématographique tout en le déjouant aussitôt. L’exposition Syncopes propose à chacun d’imaginer des connections entre ces images de genre, d’auteur et d’époque différente. Créer son propre «film» sans perdre de vue la nature de ces fragments de réel : un juste équilibre qu’il est délicat de conserver aujourd’hui, en regard du flux d’images de tous ordres qui nous submerge et nous confond.

Érika Paoletti, Olga Perets, Mouna Saboni et Émilie TraverseCommissaires d’exposition.

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Né en 1948 à Des Moines, Iowa.Vit et travaille à New-York.

Dennis Adams se dit fils de gangster. À 19 ans, il arrive à New York avec 25 dollars en poche. Pendant trois semaines il dort dans un carton à Central Park, puis finit par sonner chez un homme rencontré quelques mois auparavant. Ce dernier avait remarqué ses talents d’artistes; Adams a depuis toujours peint, dessiné, pris des photos, fabriqué des choses. Il l’héberge alors pendant trois ans.

Dennis Adams se fait connaître par des installations temporaires associant sculpture, texte et image en une forme évoquant le mobilier urbain, comme un abribus - Bus shelter I (New-York, 1983-87) - ou encore un distributeur d’eau public - Reservoir (Montréal, 1992). Il réintroduit des photogra-phies d’archives de figures embléma-tiques de l’histoire du pays au sein de l’espace public - dans son acception topographique mais aussi politique, au sens de l’espace ouvert au débat public. En immiscant ces documents dans l’espace quotidien du citoyen, Adams n’atteste plus uniquement d’une existence révolue d’événements poli-tiques et sociaux, mais aussi des poten-tiels rôles que l’on a désiré et que l’on désire encore leur faire jouer dans le présent et l’avenir. Il tente ainsi de faire prendre conscience de l’état d’amnésie dans lequel est plongé l’individu ayant pour effet sa mise à l’écart progressive de la réalité.

Son travail de recherche s’appuie ainsi sur l’étude du processus de la mémoire col-lective et le constat d’un contrôle social. Il prend aujourd’hui la forme d’installa-tions, de vidéo-performances et de pho-tographies.

Son œuvre a été présentée dans le cadre de la Whitney Biennale 2000.

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Dennis Adams,suite Double Feature de 24 photographies, 2008(sans titre), 2008photographie noir et blanc, tirage réalisé avec encre Epson ultra-chrome sur papier mat Archival 85 x 63 cm FNAC 10-892

Le «double feature» est une pratique de l’industrie du cinéma qui consiste à projeter deux films d’affilée au cours d’une même séance pour le prix d’un seul ticket. Double Feature de Dennis Adams est une suite de photo-montages réalisée à partir de collages de photogrammes extraits de deux films, À bout de souffle (1959) de Jean-Luc Godard et La Bataille d’Alger (1966) de Gillo Pontecorvo. Ces deux longs métrages, malgré leur disparité se rejoignent pour dépeindre un même temps historique et stylistique - par l’esthétique de la caméra à l’épaule propre au courant du cinéma-vérité - tout en étant opposés dans leur position politique. D’un côté, Jean Seberg, incarnant une vendeuse du New-York Herald Tribune, erre dans Paris, plus attentive à son histoire d’amour que concernée par les informations qu’elle colporte. De l’autre, d’anciens insurgés rejouent l’insurrection algérienne contre la colonisation française. Dans les deux camps, il s’agit de tester les limites de la violence, dans une bataille où chacun défend ses idéaux.

Dans les photo-montages de Dennis Adams, la figure de Jean Seberg est extraite des Champs Elysées pour être insérée dans les rues d’Alger, en pleine guerilla urbaine. L’artiste met en avant un moment de l’histoire française où deux réalités urbaines sont en opposition. L’icône d’À bout de souffle se trouve projetée au cœur d’un conflit dont les événements la dépassent. Le spectateur la suit dans ce chaos urbain, où elle devient une figure allégorique, témoin des informations qu’elle diffuse.Le déplacement d’un personnage extrait de son contexte fictionnel pour être actualisé dans un contexte politique, interroge la notion d’historicité en mettant à l’épreuve notre croyance dans l’image et notre capacité à discerner le document de la fiction. Double Feature s’affiche ainsi comme les photogramme d’un potentiel film invitant le spectateur, alors en pleine connaissance des faits, à articuler mémoire individuelle, singulière et collective.

© Dennis Adams / CNAP

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Né en 1960 à Colmar, France.Vit et travaille à New-York.

Jean-Christian Bourcart débute comme photographe de mariage. Il entre à l’ETPA de Toulouse en 1981, obtient un D.E.U.G. d’arts plastiques à Paris 7. En 1990, il travaille pour la presse et devient membre de l’agence Rapho. À côté des reportages et portraits de commande, il poursuit un travail plas-tique baroque, destiné à provoquer le spectateur autant que lui-même en transgressant la frontière privé/public. Il photographie et filme clandestinement le traffic lié aux plaisirs sexuels dans les bordels de Francfort en 1992 - Ma-donnes Infertiles - et les clubs échan-gistes de New-York en 1999 - Forbid-den city. Collateral est un projet datant de l’été 2005 qui fait état des victimes iraquiennes dont il projette des images sur les maisons des quartiers résidentiels américains.

Le travail de Jean-Christian Bourcart dérange les frontières convenues de notre perception, en contournant les ap-parences et les interdits. Il a été récom-pensé par un prix World Press Photo en 1991, le prix Gilles Dusein en 1999, le Prix du Jeu depaume en 2006 et le prix Niépce en 2010.

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La série Traffic a été élaborée dans les embouteillages des avenues de New York, en grande partie juste en bas de sa résidence principale. Il a tiré le portrait des passagers de véhicules au téléobjectif, cadrant de manière serré leur visage derrière une vitre sale ou embuée. New York dans son dynamisme coloré est parfois suggérée par un reflet, contrastant avec le regard hagard, de ces hommes et femmes qui semblent plongés dans un état d’isolement. Aspirés par le flux incessant de la ville contemporaine, ces visages se vident de leur consistance charnelle là où l’image photographique tente de les y retenir. Le « traffic » est alors fortement ressenti par le spectateur dans une sorte de réminiscence cognitive.

La figure féminine extraite de ce road-movie du bitume apparaît comme désincarnée. Dans un face à face avec le spectateur, cette icône post-moderne ressemblant à une star de cinéma invite le regard à une circulation hors-cadre.

« Le plus paradoxal c’est qu’on puisse évoquer le cinéma avec ces portraits de gens qui regardent droit dans l’objectif alors que, par définition, c’est ce qui n’arrive pas, puisque c’est la fin de l’artifice de la fiction qui prétend que la caméra n’est pas là. »

J-C Bourcart dans une interview de Brigitte Ollier © best regards 2003/2004

© D.R./ CNAP

Jean-Christian Bourcart,série Traffic, 1999-2003n°50 de la série Traffictirage couleur digital contrecollé sur aluminium 40,5 x 60,6 cm FNAC 07-216

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Né en 1943 à Tulsa, États-Unis.Vit et travaille à Los Angeles, États-Unis.

Larry Clark étudie à la Layton School of Art de Milwaukee puis fait ses dé-buts dans la photographie en tant qu’as-sistant dans le studio de ses parents. Il s’illustre dans un premier temps en tant que photographe avec la série Tulsa qui aboutira à sa première monographie du même titre en 1971. Une bourse du National Endowment for the Arts (agence culturelle fédérale et indépen-dante aux Etats-Unis) lui permettra de publier son second ouvrage Teenage Lust en 1983. Larry clark fait ses premier pas en tant que réalisateur en 1995 avec Kids puis s’inscrira définitivement dans le milieu cinématographique avec Another day in Paradise en 1998.Créant sa propre réalité, le travail de Larry Clark gravite toujours autour des mêmes préoccupations et de son intérêt pour une jeunesse américaine en marge du mo-dèle véhiculé. En 2010 le Musée d’art Moderne de Paris lui consacre une rétrospective; ses photographies pro-voquent une grande polémique et font l’objet d’une censure inédite dans cette institution qui interdit l’entrée de l’exposi-tion aux mineurs.

Après avoir fini ses études Larry Clark revient dans sa ville natale et photogra-phie son quotidien ainsi que celui de ses amis dans cette ville du Wisconsin pen-dant huit années. La série Tulsa oscille entre journal intime et document mon-trant la vie quotidienne d’adolescents paumés, à la dérive entre la drogue et la violence de l’Amérique profonde des années 60. Les images de la série lais-sent présager la future carrière cinémato-graphique du jeune photographe, elles ont notamment été reprises par Martin Scorsese dans Taxi Driver ainsi que par Gus Van Sant dans Drugstore Cowboy.

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Extraite de la série Tulsa, l’image présente une adolescente assise, levant les yeux et regardant de manière inquiète un homme dont on aperçoit seulement une partie du corps. Au centre, un abat-jour à la lumière presque éblouissante, voire criarde nous plonge dans une scène où le mouvement est latent. Le motif psychédélique du rideau donne une teinte particulière à la situation. Prise en contre-plongée, l’action se déroule hors-champs. Du regard de la jeune fille, le spectateur déduit que tout se porte vers un ailleurs, qu’elle craint et qui tend à advenir. La photographie nous propulse à un instant crucial où la tension est palpable. Un moment vertigineux où tout est suspendu qui annonce un inéluctable basculement.

De cette perte de repère, le spectateur ne sait plus s’il se trouve face à une scène réelle, de l’ordre du documentaire, ou bien s’il est face à une mise en scène tout droit sortie de la création fictionnelle de l’auteur. On éprouve ici la sensation de ne plus savoir si on à affaire au photogramme d’un plan séquence ou à une photographie construite comme telle.

© Courtesy of the artist and Luhring Augustine, New-York / CNAP

Larry Clarksérie Tulsa, 1963-1971sans titre, 1970photographie noir et blanc, tirage argentique 27,7 x 35,3 cm FNAC 970621

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Né en 1903 à Saint-Louis, États-Unis.Décédé en 1975 à New Haven, États-Unis.

Walker Evans, qui à l’origine se desti-nait à une carrière d’écrivain, se décou-vrit une passion pour la photographie à la fin des années vingt.

Il s’est particulièrement illustré grâce à ses photographies du Sud rural des États-Unis pendant la Grande Dépression, réalisées pour la F.S.A. (Farm Security Administration) entre 1935 et 1937. Il en publiera par la suite quelques unes aux côtés d’un texte de l’auteur James Agee dans Let Us Now Praise Famous Men en 1941, contribuant à sa notoriété. En 1935, le MoMA de New-York com-mande à Evans une série de photo-graphies des 608 masques, sculptures et objets africains. Trois ans plus tard, cette institution lui consacrera une expo-sition individuelle. Il effectue également d’autres commandes, notamment pour le magazine Fortune, dont il est aussi l’un des éditeurs. En 1965 il quitte le magazine pour devenir professeur de photographie et de design graphique à l’université de Yale et le restera jusqu’en 1974.

Figure majeure de la photographie américaine du XXe siècle, Walker Evans conservera de sa vocation littéraire le souci d’un regard attentif sur les villes et ses habitants. Tout au long de sa car-rière, il s’impose une exigence de réa-lité et souhaite s’absenter de ses clichés tout en refusant le moindre sentimenta-lisme. Il invente alors le style documen-taire par sa distance vis-à-vis des objets et des êtres: loin de toute visée sociale et de tout engagement militant, il utilise l’image comme cadre d’information, pour sa clarté graphique, qui lui permet d’éviter le subjectivisme ainsi que l’em-pathie.

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Trash # 3 est une photographie des plus surprenantes de Walker Evans. Aucun sujet n’est insignifiant à son regard. Ici, il transcende des déchets, quelques restes éparpillés sur le bitume d’une rue crasseuse de New-York le lendemain de la Saint Sylvestre

Dans un premier temps, l’appréhension de l’image en raison de son petit format se fait avec distance, évoquant la surface lunaire ou celle d’un autre monde. Nous faisant oublier la réalité de ce qui est photographié, pour apprécier la qualité graphique, où se joue une composition abstraite de formes multiples flottant dans un espace indéfini. Dans un second temps, en un mouvement du macrocosme au microcosme, nous sommes projetés en plongée face à de minuscules débris identifiables.

Établi comme un constat policier, l’image de ces quelques mégots de cigarettes et de papiers abandonnés semblent être la dernière trace de ce qui s’est déroulé sur les lieux.

© Estate of Walker Evans, The Metropolitan Museum of Art, New-York / CNAP

Walker Evanssérie Trash pictures, 1963-1971Trash 3, 1962photographie noir et blanc, épreuve gélatino-argentique réalisée par contact, n°XVIIW _ 16#2 20,1 x 25,2 cm FNAC 93309

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Né en 1934 à Aberdeen, États-Unis Vit et travaille à New York, États-Unis

Lee Friedlander fait ses études au Centre d’art de Los Angeles avant de partir en 1956 à New-York. Photographe indé-pendant, il débute sa carrière dans le milieu du jazz et collabore avec diffé-rents magazines.

Il obtient en 1960 la bourse Guggen-heim qui lui permet de faire la série The American Social Landscape qui sera en-suite présentée au sein de l’exposition collective du même nom à la George Eastman House a Rochester en 1966. Cette série enracine le travail de Lee Friedlander dans la photographie do-cumentaire de l’époque et lancera dé-finitivement sa carrière de photographe artistique.Tout en enseignant à l’université, il continue son travail photographique qui sera consacré par une rétrospective au MoMA, NYC, en 2005 au Jeu de Paume, à Paris en 2006. Aujourd’hui atteint d’un handicap qui l’empêche de se déplacer, il continue à photographier son propre quotidien.

C’est sous l’influence de grands photo-graphes tels qu’Eugène Atget, Walker Evans ou Robert Frank que le travail de Lee Friedlander évolue, passant d’un travail commercial à une approche ar-tistique de la photographie. Il s’attache à documenter la vie quotidienne d’une Amérique en plein changement dans un purisme et une objectivité qui caractéri-sent la photographie documentaire de l’époque. Armé d’un Leica 35mm Lee Friedlander photographie toujours en noir et blanc des paysages urbains, des scènes de la vie quotidienne ou encore des détails de la ville. Sans cesser d’élargir son style et ses sujets il suivra toujours une démarche photographique traditionnelle en faisant preuve d’un puissant sens de l’espace.

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Dans un cadrage serré, l’image ici exposée, faite à Princeton en 1969, est représentative du travail que Lee Friedlander a mené tout au long de sa carrière. Le photographe s’efface ici devant son sujet pour laisser la scène prendre pleinement vie dans le cadre qu’il a retenu. Cette image a été produite à un moment charnière de son œuvre. Dans une démarche sérielle, il photographie depuis sa voiture, en s’attachant depuis ce point de vue particulier, à créer de nouvelles constructions formelles.

Au premier regard, l’image donne à voir une voiture lancée à grande allure, photographiée depuis le véhicule du photographe. Son rétroviseur reflète la nature environnante, créant ainsi une seconde image. L’œil du spectateur pourrait s’arrêter à ce premier constat, or un autre élément de l’image l’intrigue et l’incite à s’en approcher. On découvre alors une troisième image derrière la vitre: une scène intime extraite d’un mariage. Entre fugacité et arrêt d’un instant, Lee Friedlander a su capter en un mouvement, une double temporalité. Dans ce même espace-temps, différents plans sont imbriqués en un seul et même cadre. Par cette construction, on se retrouve face à une triple image. Derrière sa vitre, Lee Friedlander capte un réel qui semble éclaté en de multiples écrans.

© Lee Friedlander / CNAP

Lee FriedlanderPrinceton, New Jersey, 1969, 1969photographie noir et blanc, épreuve gélatino-argentique 28 x 35,5 cm FNAC 89861

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Né en 1923 à Pittsburgh, États-Unis.Vit et travaille à New York, États-Unis.

L’œuvre de Saul Leiter, peintre et photo-graphe, a été redécouverte récemment avec deux premières grandes exposi-tions monographiques à Milwaukee Art Museum (2006) et à la Fondation Henri Cartier-Bresson (2008).

Leiter est souvent associé à deux cou-rants différents de la photographie amé-ricaine: à la Street Photography d’un côté, par son rapport au temps, par l’émerveillement devant le spectacle quotidien de la rue, par son goût pour le détail – et à la New-York School de l’autre, notamment en raison de sa pas-sion précoce pour la couleur et de ses compositions semi-abstraites.

Enfin, l’esthétique de l’inachevé, sa pra-tique fréquente du cadrage inattendu et asymétrique témoignent de l’influence qu’a eue sur lui la peinture japonaise.

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Through boards est une image hybride, image à deux plans et à deux temps, où l’abstraction et le réalisme se conjuguent et se suivent à merveille. Retenus un instant à la surface par les deux pans de couleur noire et rouge sans profondeur, nous nous engouffrons ensuite, avec une avidité de voyeur, à travers une mince fente laissée au milieu de la photographie : c’est là que resurgit la troisième dimension, avec une luxueuse automobile blanche, deux personnes fouillant dans les étalages d’un libraire, une autre marchant le long du trottoir, plongée dans ses pensées.

Personnes ou personnages ? Réalité la plus banale ou fiction la plus ingénieuse ? Début ou fin ? Mais l’intrigue ne se dénouera pas, car le noir qui inonde la scène, tel un fondu cinématographique, empêchera à jamais l’instant d’après d’advenir.

Saul LeiterThrough boards, 1957,Tirage original,épreuve chromogène, 35,5 x 27,8 cm FNAC 08-598

© D.R. / CNAP

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Née en 1913 à New York, États-Unis.Décédée en 2009 à New York, États-Unis.

Helen Levitt, une des premières virtuoses du 35 mm, figure de proue de la pho-tographie documentaire, très appréciée par ses contemporains tels que Walker Evans, James Agee, John Szarkowski ou encore Henri Cartier-Bresson, est restée relativement méconnue du grand public jusqu’à sa première rétrospective aux Etats-Unis, organisée par le Musée d’Art Moderne de San-Francisco en 1991.

Durant toute sa carrière, Helen Levitt a parcouru New York, Leica à la main, capturant des scènes de vie éphé-mères (jeux d’enfants, graffitis à la craie blanche qui parsemaient les trottoirs de la ville, ménagères vaquant à leurs oc-cupations).Travaillant essentiellement dans les quar-tiers pauvres, elle ne se considérait pas pour autant comme une photographe engagée, étant avant tout soucieuse de saisir avec la plus grande exactitude possible la chorégraphie complexe et fragile des spectacles de rue.

À côté de son activité photographique, Helen Levitt a également exercé pendant plus de dix ans une carrière d’éditrice et de réalisatrice des films documentaires, dont le plus célèbre reste In the Street, réalisé en 1952 avec James Agee et Ms. Loeb.

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La photographie, arborant un simple numéro en guise de titre, nous fait rentrer de plein fouet dans une scène mystérieuse, dont l’étrangeté provient en grande partie du point inhabituel de prise de vue, situé à hauteur d’un regard d’enfant. La restriction visuelle qui en résulte produit un effet de zoom, renvoyant dans le hors-champ les pieds, les mains et la tête des personnages, nous empêchant de découvrir à notre tour ce que montre du doigt, fasciné, un petit garçon au premier plan.

Guidés par ce cadrage insolite, qui semble se resserrer progressivement, nous sommes alors amenés à nous concentrer davantage sur l’arrière-plan. En apparence, rien ne s’y passe ; mais deux paires d’yeux émergent du noir profond pour nous interpeller silencieusement : ceux de la vieille dame en robe noire et ceux du petit chien assis sur ses genoux. Alors que la femme parait plongée dans ses pensées, le chien, dont la position centrale est pointée par les bras des deux femmes qui l’entourent, nous dévisage avec insistance, inversant en quelque sorte le rapport entre image et spectateur, et faisant de ce dernier un élément du spectacle.

© D.R. / CNAP

Helen Levittn°4, 1972photographie couleur, procédé Dye Transfert 35,5 x 43 cm FNAC 90416

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Né en 1937 à Paris, France.Vit et travaille en France.

François Puyplat enseigne à l’École Nationale Supérieure des Arts Déco-ratifs à Paris, dès la création du pôle photographique, au début des années soixante-dix, jusqu’en 2003.

Il réalise le plus souvent sous forme sé-rielle, des photographies sur un lieu ou un territoire spécifique en y accordant une durée conséquente dans le temps. Au travers de plusieurs publications mo-nographiques, dont Houles mais encore Cardis, cagibis, garages et dernière-ment Pénates, il se détache un profond intérêt pour l’image et ce qu’elle en-gendre en tant que signe comme poten-tiel à la connaissance.

Un de ces livre, Houles, rassemble sous ce titre un ensemble de 25 photogra-phies formant la série. Pour ce travail, le photographe est allé chercher au bout du monde, au nord et au sud, des ho-rizons vides. Calmes plats ou vagues écrêtées, la mer, seulement elle, est en-registrée par François Puyplat. Pourtant, à travers ses images, elle est sans cesse autre. Devant l’immensité de l’océan et sa démesure, François Puyplat par l’humilité de son regard nous amène à sonder cette surface liquide. L’auteur établi une solide documentation, de l’observation à l’analyse, donnant lieu à une véritable typologie océanique. Parmi les 840 photographies prises, François Puyplat en choisit 25 pour former la série Houles.

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L’image BB 98.3 est extraite de la série Houles et comme les autres séries, elle ne déroge pas à la règle systématique du point de vue adopté par François Puyplat. Toujours en surplombant la mer, le ciel n’occupe que très peu de place. En noir et blanc, l’image est épurée pour atteindre une picturalité quasiment abstraite, se faisant alors l’objet de contemplation par prédilection.

Invoquant cette immense étendue d’eau qui ne saurait se contenir dans l’image, elle entraîne le vertige physique d’une réalité tellement pleine. Le sens de ces images est dans l’effort d’ôter tout superflu, jusqu’à la mise en scène du retrait de l’auteur, s’effaçant devant la simplicité de ce qui est donné à voir, éternel retour implacable au sujet photographié. On ne peut que constater ici à quel point l’image peut devenir image mentale, en conservant en elle la matière même de la mer, pour se convaincre qu’aucune fiction ne peut longtemps perturber l’essentiel. Bien que cette surface restitue cette tentative de donner corps au temps, et d’en exalter la mémoire, l’image semble travailler à la limite de ces possibilités.

© D.R./ CNAP

François Puyplatsérie Houles de 25 photographies, 1988-1989BB 98.3, 1988photographie noir et blanc, épreuve au sel d’argent 40 x 50 cm FNAC 90162

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Né en 1951 à Kyoto, Japon.Vit et travaille à Tokyo, Japon.

Keiichi Tahara découvre à l’âge de 12 ans la technique de la photographie en compagnie de son grand-père qui lui offre son premier appareil photo, un Asahi Pentax. Il se passionne très vite pour la lumière et trouve dans le paysage son sujet de prédilection. En 1973, Tahara s’installe à Paris, devient photographe indépendant et débute la série Environnement, suivent les séries Fenêtres (1974 - 1980), Pièce (1977) et Éclats (1979).

Il reçoit le prix Nicéphore Niepce en 1988 ainsi que le grand prix de la ville de Paris en 1995. Récemment il a surtout produit des Light -Sculpture et autre Light Scape, des sculptures monumentales ayant pour matériau la lumière et qui sont installées dans les espaces publics à travers le monde. Au-delà de sa pratique artistique, il est tout autant considéré pour son travail do-cumentaire (sur l’Egypte et la Croatie), ses photographies d’architecture (Archi-tecture de fin de siècle sont six volumes sur l’architecture européenne de la fin du XIXème et du XXème siècles), et de mode (il a notamment réalisé deux catalogues pour le créateur Yohji Yamamoto).

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Keiichi Taharasérie Fenêtres de 40 photo-graphies, 1973-82Appartement rue St Sèverin 75005 Parisphotographie noir et blanc, virage au sélénium, épreuve gélatino-ar-gentique40,4 x 30,3 cmFNAC 94521

L’œuvre de Keiichi Tahara s’inscrit dans une tradition ancestrale du Japon qui refuse de considérer l’espace comme un contenant a priori au sein duquel devrait venir se loger des objets délimités. Le dedans, et le dehors, le noir et le blanc ne sont pas des antagonistes mais existent dans le prolongement les uns des autres. Tout n’est que passage, transition et nuance...

La fenêtre comme sujet et support de cette pensée va être photographiée par Tahara six années durant. Dans ce travail sériel effectué depuis les ouvertures de son appartement, l’artiste privilégie les jeux d’ombre et de lumière, saisissant les modulation de l’intensité du soleil, allant du blanc incandescent des nuages au noir charbonneux des toits de Paris. Il s’attache ainsi à rendre des matières et des effets de textures qui troublent notre perception des différents plans et surfaces tangibles. L’harmonie ressentie dans l’image photographique ne provient pas seulement d’une justesse de composition des éléments entre eux mais bien du caractère non fini de ses différentes masses. Dans sa représentation de la frontière entre l’intérieur et l’extérieur, la fenêtre en est une des figures emblématiques, qui a traversé l’histoire de l’art.

Dans cette photographie de Tahara, la vitre transparente double l’objectif de l’appareil photographique, ce qui a pour effet d’écraser toute perspective. La fenêtre deviendrait une sorte d’écran sur lequel viendrait se projeter notre imaginaire, notre regard effectuant des va-et-vient entre la surface et la profondeur de cette réalité pleine.

© Keiichi Tahara / CNAP

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Né en 1948 à Tokyo, Japon.Vit et travaille à New York, États-Unis.

Hiroshi Sugimoto quitte en 1970 son pays natal, le Japon, pour étudier la photographie à l’Art Center College of Design de Los Angeles. À cette époque y règnent l’art conceptuel et le minima-lisme qui vont fortement influencer son travail. C’est avec la série Dioramas (réalisée de 1976 à 1980, reprise en 1992), que sa carrière débute, et dans laquelle il photographie des présentoirs dans des Muséums d’Histoire naturelle où sont mis en scène des animaux na-turalisés devant des paysages peints. À travers ces espaces d’illusions et de simulacre, il s’intéresse au postulat cultu-rel selon lequel l’image photographique montre toujours la réalité brute.

Hiroshi Sugimoto interroge notre croyance en l’image, qui n’est pourtant qu’un leurre. Réputé internationalement, il expose dans divers musées et galeries à travers le monde. Entre autres, il fût présenté au Musée d’Art Contemporain de Los Angeles (MoCA), au Palais des Beaux-Arts à Charleroi en Belgique, au Musée d’Art Contemporain de Bor-deaux (CAPC) ainsi qu’à la Kunsthalle de Basel. En 1995, le Metropolitan Museum of Art de New York lui consa-crera une exposition individuelle.

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La série suivante, Theaters traite des intérieurs de théâtres américains des années vingt-trente, reconvertis en cinéma. En situant l’écran au centre du cadrage, Hiroshi Sugimoto expose alors sa pellicule pendant toute la durée de la projection du film. C’est ainsi que l’écran lumineux, totalement surexposé dans l’image, éclaire méticuleusement les décors de la salle. Comme les précédentes séries, Seascapes correspond à une même recherche obstinée sur le temps en enregistrant cette fois-ci les éléments primordiaux tels que la mer, l’air et la lumière. Grâce au choix de ces sujets photographiques et de leur enregistrement par de longues expositions, le photographe réussit à représenter un moment suspendu dans le temps. Pour toutes ses séries, il utilise une chambre photographique lui permettant d’atteindre une parfaite symétrie au sein de chaque prise de vue ainsi qu’une fine restitution dans la définition de chaque détail.

U.A Play House, New York 1978 suscite comme toutes les photographies de la série Theaters un regard contemplatif. La lumière qui perce l’obscurité de la salle de cinéma est celle de la totalité du film, transformée en une seule image, d’un blanc incandescent. L’arrêt de toutes les images en une seule, fixe, statique et silencieuse, conduit à une disparition entraînant cette inévitable perte, au cours d’un jeu curieux où ce qui était plein (d’images) est maintenant vide. L’œuvre de l’artiste japonais ouvre une brèche à l’intérieur de ce temps apparemment faible pour concentrer en lui-même plusieurs temps. Devant un insaisissable défilement des photogrammes, il se joue devant nos yeux une rupture faisant l’effet d’une perte de connaissance.

©Courtesy Sonnabend Gallery, New-York / CNAP

Hiroshi Sugimotosérie Theaters de 188 photographies, 1978-1980U.A Play House, New York 1978, 1978photographie noir et blanc, épreuve au sel d’argent 65 x 83 cm FNAC 90483

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