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Université de Franche-Comté. Besançon Faculté des Lettres et Sciences humaines UFR Sciences du Langage de l'Homme et de la Société SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN FRANCAIS CONTEMPORAIN Pierre PÉROZ Thèse de doctorat de linguistique (arrêté du 23/11/88) Sous la direction de M. Denis PAILLARD Jury: M. Jacques BOURQUIN Professeur à l'Université de Franche-Comté M. Antoine CULIOLI Professeur à l'Université de Paris VII M. Jean-Jacques FRANCKEL Maître de conférences à l'Université de Franche-Comté M. Georges KLEIBER Professeur à l'Université de Strasbourg II M. Denis PAILLARD Chargé de recherche au C.N.R.S. 18 mars 1991

SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

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Page 1: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

Université de Franche-Comté. Besançon

Faculté des Lettres et Sciences humaines

UFR Sciences du Langage de l'Homme et de la Société

SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN

FRANCAIS CONTEMPORAIN

Pierre PÉROZ

Thèse de doctorat de linguistique (arrêté du 23/11/88)

Sous la direction de M. Denis PAILLARD

Jury:

M. Jacques BOURQUIN

Professeur à l'Université de Franche-Comté

M. Antoine CULIOLI

Professeur à l'Université de Paris VII

M. Jean-Jacques FRANCKEL

Maître de conférences à l'Université de Franche-Comté

M. Georges KLEIBER

Professeur à l'Université de Strasbourg II

M. Denis PAILLARD

Chargé de recherche au C.N.R.S.

18 mars 1991

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àmesparents

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REMERCIEMENTS

Je tiens a remercier Denis Paillard qui a accepté de diriger

cette thèse. J'ai apprécié, tout au long d'une recherche qui a eu

ses aléas, la grande valeur de ses remarques et le tact amical de

ses silences.

Ma reconnaissance va également à Jean-Jacques Franckel. Ses

critiques et ses conseils ont joué un rôle essentiel dans la

maturation de ce travail.

Je dois aussi beaucoup à César Akuetey. Les nombreuses

discussions, parfois passionnées, que j'ai pu avoir avec lui

m'ont permis de dépasser bien des obstacles.

Je veux remercier enfin les membres du "groupe du mercredi"

et les membres du Centre Lucien Tesnière de l'Université de

Besançon. C'est lors des séances de travail de ces deux groupes

que nombre des hypothèses qui ont été finalement retenues ont été

formulées pour la première fois.

Besançon, Mars 91.

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SOMMAIRE.

INTRODUCTION:Lesvaleursdebien................p: 5

CHAPITREI:L'"appréciatif"........................p: 37

CHAPITREII:L'"intensif"...........................p: 73

CHAPITREIII: Lasuite"bien+dét+nom"...........p: 101

CHAPITREIV:Le"confirmatif".......................p: 127

CHAPITREV:Le"confirmatif.t".....................p: 149

CHAPITREVI:La"prophétie" et la "sollicitation"...p: 178

CHAPITREVII:L'"optatif"etle"concessif"..........p: 204

CONCLUSION:Systématiquedesvaleursdebien.....p: 232

BIBLIOGRAPHIE....................................p: 260

TABLEDESMATIERES

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INTRODUCTION

LES VALEURS DE BIEN

Le sens de l'adverbe bien varie selon le contexte

dans lequel on le trouve. La constatation est banale, "tout

dépend du contexte, n'est-ce pas?". Il n'y a qu'à consulter un

dictionnaire, on verra que "La description des valeurs de (fort)

bien telle qu'elle apparaît dans le Littré, le TLF, le Robert,

Lexis ou le Grand Larousse de la langue française est plus ou

moins ordonnée, plus ou moins complète, mais est, pour

l'essentiel acceptable".(A. Culioli, 1978, p300) (1).

Mais où est l'essentiel?

Selon que l'on consulte un dictionnaire (critères sé-

mantiques) une grammaire (critères grammaticaux) ou certains

articles de linguistique (critères syntaxiques) l'"essentiel"

varie considérablement.

Doit-on considérer, à la suite d' E. Littré (éd de 1963)

(2), que bien peut prendre huit valeurs différentes (sans compter

les locutions) ou bien quatre comme le propose P. Robert (éd de

1966) (3)? Faut-il faire une moyenne, n'en retenir que cinq comme

l'ont fait les auteurs du Lexis (1975) (4)? Ou faut-il ici

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abandonner tout espoir? On peut le penser après avoir parcouru

les treize types d'exemples différents retenus par les auteurs du

Dictionnairedel'Académiefrançaise (éd de 1877) (5)!

C'est sans aucun doute l'idée de D. Duprey (1979) (6) qui a

consacré une thèse au "problème de bien". A son avis (p45), la

question du nombre des valeurs de bien est "une impasse:

l'impasse de la liste et de la classification des sens, liste

infinie, classification désopilante".

Admettons que la question du nombre des valeurs soit une

mauvaise question. Mais par où doit-on commencer? Là, les

dictionnaires sont unanimes, bien est d'abord un adverbe de

manière qu'on peut gloser par "comme il convient", "d'une manière

satisfaisante" (P. Robert, éd de 1966) ou par "de la bonne

manière", "à merveille" (E. Littré, éd de 1963) etc... C'est la

première valeur de bien. Voilà quelque chose d'établi (elle

correspond pour une bonne part à ce que nous nommerons

l'"appréciatif"). Qu'en est-il de la seconde?

Las, déjà les avis divergent. S'agit-il de l'adverbe de

quantité glosable par "très" ou "beaucoup" (E. Littré) ou de

l'emploi adjectival de bien: "Suis-je bien ainsi?", "Il est

difficile aux hommes de ne pas outrer ce qui est bien" (P.

Robert).

Les grammairiens rejoignent les lexicographes sur le premier

point: bien est d'abord un "adverbe de manière" (ainsi M.

Grevisse, §833, p876) (7). La plupart distinguent aussi deux

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autres valeurs, l'"intensité" (parfois nommée "quantité") comme

dans "Il est bien malade" (R.L. Wagner et J. Pinchon, 1962, §489,

p413) (8), et l'"opinion" (que nous nommons "confirmatif") comme

dans: "C'est bien lui que j'ai vu hier" (M. Grevisse, §870, p924)

(nous verrons des exemples de "confirmatif" au chapitre IV).

Les problèmes commencent quand on aborde d'autres valeurs de

bien. Comment doit-on analyser un exemple comme: "Vous entrerez

bien cinq minutes?" ("sollicitation") ou encore, en contexte

polémique, un exemple comme "Et vous, vous mangez bien des

grenouilles!" ("confirmatif.t"). Les grammairiens que nous citons

n'en disent pas un mot (nous verrons des exemples de

"sollicitation" au chapitre VI et des exemples de "confirmatif.t"

au chapitre V; les appellations comme "appréciatif", "intensif"

ou "confirmatif.t" seront justifiées au cours de l'étude (9).

On nous dira que pour les grammairiens, comme pour les

lexicographes, c'est l'usage qui préside au choix des valeurs

retenues, oui mais selon les auteurs, l'usage est bien changeant.

Nous devons peut-être nous tourner vers des analyses dont

les critères sont moins sémantiques, en un mot nous tourner vers

des études de type syntaxique. Sur bien à proprement parler, il

n'en existe pas. On peut cependant consulter des ouvrages qui

dans l'optique de l'analyse syntaxique traitent des adverbes en

général. Ces ouvrages sont fort nombreux, nous n'en citerons que

quelques uns dont les auteurs ont inclus bien dans leur corpus

d'étude.

Page 9: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

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Nous rappellerons brièvement les conclusions de B. Combettes

et R. Tomassone (1978) (10) et celles de J-Ph. Dalbera (1980)

(11). En simplifiant, on peut dire que ces auteurs ont le même

objectif, ils veulent constituer des classes d'adverbes homogènes

sur la base de leurs propriétés syntaxiques.

Voyons d'abord brièvement comment ils traitent de la

définition des adverbes. C'est un problème depuis longtemps

débattu (12). La plupart des auteurs, dont ceux que nous citons

donnent l'invariabilité comme un critère essentiel de définition

mais ils s'accordent à dire qu'il s'agit d'une catégorie très

hétérogène (13) donc difficile à définir. Dans la mesure où nous

ne travaillons que sur un seul adverbe nous pourrions nous

contenter de ces remarques. Mais nous ne voulons pas revenir à

bien sans en donner une définition qui quoiqu'elle fût ancienne

nous a paru plus satisfaisante.

Il s'agit de celle établie par James Harris (1751) (14). De

son point de vue, les parties du discours peuvent être ramenées à

deux types de mots, ceux qui sont "significatifs par eux-mêmes"

et ceux qui sont "significatifs par relation" (p31). Dans la

première catégorie il place les noms et les pronoms personnels

qu'il nomme tous ensemble "substantifs" (p73) ainsi que les

verbes, les adjectifs, les participes et les adverbes qu'il

regroupe sous le terme d'"attributifs" (p30). Ces derniers

n'existent pas isolément, ils sont joints à un à un autre mot, en

particulier à un substantif pour former une phrase correcte. J.

Page 10: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

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Harris écrit (p179): "Quand nous disons: Cicéron et Pline furent

tous deux éloquents, ou, Stace et Virgile ont tous deux écrit,

dans ces exemples les attributifs, éloquents et ont écrit, ont un

rapport immédiat aux substantifs Cicéron, Virgile etc... et comme

ils expriment des attributs de substances, on les appelle

attributifs du premier ordre". Les adverbes eux vont se rapporter

à d'autres attributs, "et comme ils expriment des attributs

d'attributs, nous (J. Harris) les appelons attributifs du second

ordre" (15).

Lorsqu'il détermine un syntagme nominal, comme dans "Il n'y

a pas que vous, bien des gens ont lu ce livre, vous savez!", bien

ne satisfait pas immédiatement à cette définition. Nous

étudierons des exemples de la suite "bien + dét + nom" au

chapitre III.

Mais revenons à B. Combettes et à R. Tomassone, le titre de

leur article est: "L'adverbe comme constituant du groupe de

l'adjectif". Les auteurs distinguent quatre sous-classes

d'adverbes parfaitement homogènes sur la base de sept propriétés

syntaxiques. Voici ces quatre sous-classes telles qu'elles

apparaissent dans le tableau final, résumé de leurs observations

(p67):

1- aussisitouttrès (il n'y a pas d'autres adverbes dans

cette classe)

2- assezbigrementfichtrementfoutrementmoinspeuplus..

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3- diaboliquementpaternellementrigoureusementatrocement..

4- linguistiquementsexuellementphysiquement...

Selon eux (p60) les "adverbes de manière" vérifient généralement

la propriété dite de "détachement de l'adjectif avec

pronominalisation"; en effet on peut dire:

"Amoureux, il l'est ardemment.

Cruel, il l'est atrocement. etc.."

Ils en distinguent les quatre adverbes de type 1 qui ne la

vérifient pas, en effet il paraît beaucoup plus difficile de

dire:

"* Rapide, il l'est très.

* Rapide, il l'est si.

* Etonné, il l'est tant."

Ils ajoutent en note (p60, n9): "On peut se demander si l'adverbe

bien n'appartient pas aussi à cette catégorie (le type 1); les

phrases obtenues dans cette transformation sont en effet plus ou

moins acceptables":

"-Il est bien tranquille ---> ? Tranquille, il l'est bien.

-Il est bien attentif ---> ? Attentif, il l'est bien.

-Il est bien gentil ---> ? Gentil, il l'est bien."

L'hésitation des auteurs tient sans doute à la possibilité de

considérer ces phrases comme acceptables si bien prend une valeur

de "confirmation":

Page 12: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

11

Tranquille, il l'est bien, mais un peu trop si

tu veux mon avis!

Attentif, il l'est bien, aujourd'hui, mais est-

ce que ça va durer?

Malheureusement les auteurs ne nous donnent pas les moyens de

trancher car ils ont omis d'insérer bien dans le tableau final

qui regroupe pourtant 27 adverbes. Si malgré tout on l'y

inscrivait, il faudrait, eu égard aux propriétés syntaxiques

retenues, le faire entrer dans deux sous-classes du tableau qui

perdraient alors leur caractère homogène. Bien appartiendrait au

"type 1" avec très ainsi qu'au "type 2" avec assez, bigrement,

follement, ou trop. Mais comme nous le disions plus haut B.

Combettes et R. Tomassone ne font pas état de cette possibilité

qui découle pourtant des exemples qu'ils donnent eux-mêmes aux

pages 56, 60 et 63.

J-Ph Dalbera intitule son article: "Esquisse d'une

classification syntaxique des adverbes français". Les critères

choisis par l'auteur sont les différentes possibilités qu'ont les

adverbes d'apparaître à telle ou telle place dans une chaîne

d'adverbes comme: "Il travaille beaucoup (1°) trop (2°) peu (3°)

régulièrement (4°)". L'auteur précise (p43) que d'une part "Dans

la classe 4 peuvent figurer un très grand nombre d'adverbes tels

que volontiers, assidûment, longtemps, souvent, vite,

correctement, etc... et d'autre part que "Les classes 1, 2 et 3

semblent devoir se limiter aux éléments figurant dans son exemple

ou à leur absence".

Page 13: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

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Nous ne discuterons pas l'argumentation de l'auteur. Par

contre nous constatons qu'il conclut à l'existence de "deux bien"

qu'il propose de noter (p47) "bien 1" et "bien 2". Pour cela, il

s'appuie sur les constatations suivantes: "Il existe un adverbe

bien qui signifie "de belle ou de bonne manière" qui appartient

d'après son comportement distributionnel à la classe 4:

il chante bien

il chante très bien

il chante beaucoup trop bien

etc...

Il existe également un adverbe bien "intensif" qui se comporte

comme les adverbes en "-ment" (qui peuvent prendre une valeur

intensive):

il chante bien mal

il chante bien trop mal

il chante bien peu.

J-Ph Dalbera (p46) part du postulat que les adverbes ont "un

sens spécifique" qu'ils perdent lorsqu'ils prennent une valeur

intensive; si bien peut prendre deux valeurs différentes dans la

même position syntaxique on peut postuler l'existence de deux

bien. On sait que cela revient à expliquer l'ambiguïté du

marqueur par une cause d'origine diachronique. J-Ph Dalbera ne

manque pas de souscrire à cette thèse. Il l'évoque d'abord pour

les adverbes en -ment (p46): "Notons que cette série d'adverbes

en -ment2 (comprenez "intensifs") est ouverte et que le mécanisme

Page 14: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

13

de création d'adverbes "intensifs" nouveaux par déplacement dans

la chaîne est bien vivant". Puis il la reprend à propos de bien

(p47): "A considérer le mécanisme de création d'intensifs par

déplacement des adverbes tel qu'il est utilisé dans le français

d'aujourd'hui (...)".

Pour notre part, nous ne voyons aucun argument qui

justifierait l'idée de la nouveauté des valeurs intensives

relativement à d'autres valeurs considérées comme "spécifiques"

des marqueurs étudiés. Cette idée laisse à penser qu'il a pu

exister un état de la langue sans ambiguïté, sorte d'âge "d'or"

où les malentendus étaient imposssibles... tandis qu'à notre

époque, ainsi que l'écrit J-Ph. Dalbéra (p47): "il semble que

l'ambiguïté soit devenue la règle (...)"...

L'argument strictement étymologique nous paraît (lui aussi)

très fragile, surtout pour bien dont l'origine n'est pas douteuse

(16) (adverbe bene en latin).

Nous soutenons une autre thèse qui est celle de l'unicité du

marqueur. Nous essaierons d'en (re)démontrer la pertinence comme

cela été fait pour si par S. de Vogüé (1987) (17). Nous faisons

nôtre la règle méthodologique qu'elle énonce au début de son

article (p110): "la thèse de l'homonymie ne doit pas être une

solution pour laquelle on opte; c'est une solution à laquelle on

se résout lorsque les autres tentatives ont échoué".

Les deux études que nous venons de commenter mettent en

Page 15: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

14

évidence l'existence de deux valeurs déjà identifiées par les

grammairiens, bien: "adverbe de manière" et bien: "adverbe de

quantité". Il y a une régularité, une permanence des résultats

que nous ne saurions négliger. A cet égard précisons que les

valeurs d'"appréciatif" et d'"intensif" feront l'objet des deux

premiers chapitres.

Mais quel serait le statut des autres valeurs? Il ne faut

pas s'attendre à trouver de réponse à cette question dans les

études syntaxiques citées car il faut bien le dire, leurs

résultats sont moins intéressants que ce que pouvaient offrir les

dictionnaires ou les grammaires. On peut s'interroger sur cette

relative pauvreté. Le projet classificatoire qui est le fondement

même de ces études en est la véritable cause. La comparaison

entre plusieurs marqueurs, assez nombreux le plus souvent,

entraîne une réduction du nombre de contextes étudiés d'où une

déperdition en termes de valeurs pour des marqueurs comme bien.

L'approche syntaxique n'est pas satisfaisante. Non pas, en

soi, (pour notre part nous y reviendrons pour chacune des valeurs

que nous étudions) mais telle qu'elle est pratiquée: dans une

optique classificatoire, en refoulant vers une étape ultérieure

(18) la prise en compte des variations sémantiques dont le

marqueur est le lieu.

Cette manière de procéder présuppose qu'il n'y ait pas

d'interaction entre les différents plans sur lesquels se

Page 16: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

15

construit une relation (notionnel, syntaxique, énonciatif). On

voit l'intérêt de ce postulat, il permet de constituer les

valeurs sémantiques des marqueurs comme une sorte de "contrôle"

(a posteriori) de ce qui aura été fondé sur le plan syntaxique.

Mais faute de les avoir considérées le moment venu (lors de

l'analyse des exemples) les auteurs sont amenés en fin de

parcours à les réduire à une seule, sorte de valeur de base dont

la primauté (hors-contexte) ne peut qu'être suspecte. Nous ne

reviendrons pas sur les conséquences de cette option mais cela

nous amène à redire (19) "que toute relation est a priori une

relation complexe". Voyons cela sur deux exemples:

1- Si on néglige la prise en compte du plan notionnel, il

sera difficile d'expliquer pourquoi "Il est bien orthographié"

donnera normalement lieu à un "appréciatif" tandis que "Elle est

bien cabossée" sera tendanciellement interprété comme un

"intensif".

2- Si on ne tient compte que de la syntaxe on gommera la

différence entre deux valeurs que l'on peut distinguer en tenant

compte de la relation à l'énonciateur dans un exemple comme: "Il

est bien raccourci ce pantalon". On obtiendra un "intensif" dans

un contexte de surprise et un "appréciatif" dans un contexte de

comparaison (ne parlons pas du "confirmatif" qui est aussi

possible, dans un autre contexte).

Au contraire des auteurs que nous venons de citer, A.

Page 17: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

16

Culioli (1978) passe en revue la plupart des valeurs de bien car

le meilleur argument de sa thèse est la diversité des valeurs

prises en compte. Le postulat est qu'à une unité morphologique

donnée correspond une seule (poly)opération linguistique.

L'auteur résume ainsi son programme (p300): "Est-il possible de

ramener les valeurs de bien à une opération fondamentale dont

bien serait le marqueur?".

Il commence par une valeur généralement négligée par les

ouvrages cités précédemment, il s'agit de la valeur prise par

bien dans "On achève bien les chevaux!". Il montre, à partir de

cet exemple, qu'on peut décrire bien (p303) comme la trace de

"(1) la construction d'une classe d'occurrences équivalentes à

partir d'une occurrence e1, (2) le parcours sur la classe et (3),

au terme du parcours, la sélection d'une seconde occurrence e2,

qui est posée comme appartenant au voisinage de e1." Ajoutons que

le terme "voisinage" peut être interprété comme une

identification. Les termes employés ont évidemment un statut

théorique précis, nous y reviendrons. Le plus important est sans

doute celui de "parcours" qu'on définira intuitivement (mais cela

est suffisant ici) comme une hésitation entre plusieurs valeurs.

A. Culioli va montrer qu'on retrouve cette (poly)opération

("parcours" et "sélection") dans d'autres valeurs, celles que

peut prendre bien dans des exemples sur lesquels nous reviendrons

tout au long de notre étude:

Page 18: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

17

(p306) Il a bien expédié une lettre.

("confirmatif": chapitre IV)

(p309) Il postera bien la lettre (un jour ou l'autre).

("prophétie": chapitre VI)

(p309) Vous prendrez bien un petit quelque chose.

("sollicitation": chapitre VI)

(p312) Je boirais bien un verre de bière, moi.

("optatif": chapitre VII)

NB: la pagination est celle de l'article

d'A. Culioli.

Au contraire des auteurs que nous venons de citer, A.

Culioli (1978) passe en revue la plupart des valeurs de bien car

le meilleur argument de sa thèse est la diversité des valeurs

prises en compte. Le postulat est qu'à une unité morphologique

donnée correspond une seule (poly)opération linguistique.

L'auteur résume ainsi son programme (p300): "Est-il possible de

ramener les valeurs de bien à une opération fondamentale dont

bien serait le marqueur?".

Il commence par une valeur généralement négligée par les

ouvrages cités précédemment, il s'agit de la valeur prise par

bien dans "On achève bien les chevaux!". Il montre, à partir de

cet exemple, qu'on peut décrire bien (p303) comme la trace de

"(1) la construction d'une classe d'occurrences équivalentes à

partir d'une occurrence e1, (2) le parcours sur la classe et (3),

au terme du parcours, la sélection d'une seconde occurrence e2,

qui est posée comme appartenant au voisinage de e1." Ajoutons que

le terme "voisinage" peut être interprété comme une

identification. Les termes employés ont évidemment un statut

Page 19: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

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théorique précis, nous y reviendrons. Le plus important est sans

doute celui de "parcours" qu'on définira intuitivement (mais cela

est suffisant ici) comme une hésitation entre plusieurs valeurs.

A. Culioli va montrer qu'on retrouve cette (poly)opération

("parcours" et "sélection") dans d'autres valeurs, celles que

peut prendre bien dans des exemples sur lesquels nous reviendrons

tout au long de notre étude:

(p306) Il a bien expédié une lettre.

("confirmatif": chapitre IV)

(p309) Il postera bien la lettre (un jour ou l'autre).

("prophétie": chapitre VI)

(p309) Vous prendrez bien un petit quelque chose.

("sollicitation": chapitre VI)

(p312) Je boirais bien un verre de bière, moi.

("optatif": chapitre VII)

NB: la pagination est celle de l'article

d'A. Culioli.

Puis il vérifie que bien peut toujours être décrit de la

même manière lorsqu'il est combiné avec les modaux, "savoir" et

"pouvoir".

Sans nul doute, A. Culioli atteint son objectif et chacun

des exemples qu'il analyse posait des problèmes qu'il dénoue au

passage (en particulier les définitions du conditionnel et du

futur); sans doute est-il largement préférable de se référer à

une seule opération pour chacune des valeurs de bien plutôt que

Page 20: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

19

de postuler l'existence de deux (ou trois, quatre etc) bien

comme le fait J-Ph Dalbera (1980); mais pourquoi s'arrête-t-on à

ces valeurs-là? Ne doit-on pas craindre de trouver un exemple qui

remette en cause ce qui a été établi?

Cette question a été posée, de manière moins naïve, en 1987

par S. de Vogüé (à propos de si); voici comment (p112): "(...) il

ne suffit pas de montrer (...) que les valeurs observées

obéissent au même schéma général de construction (la même

opération). (...) Pour que l'on soit en droit de parler

d'unicité, il faudrait que l'on puisse ramener non seulement la

variabilité de si (pour nous de bien) à un principe général, mais

aussi la distribution exacte des valeurs attestées. Cela suppose

que cette distribution obéisse elle aussi à un système, et en

particulier qu'elle puisse être conçue comme saturée par rapport

à ce système". La question du nombre ou de la diversité des

valeurs de bien mérite d'être posée. Si pour l'essentiel nous ne

revenons pas sur ce qui a été établi en 1978, l'affaire cependant

suppose un complément d'enquête. C'est l'étude que nous voulons

engager. La voie à suivre est clairement tracée par S. de Vogüé:

La "première condition est par conséquent que chaque valeur

puisse être opposée aux autres (...)" et que pour chacune d'entre

elles on distingue ce qui appartient au marqueur et ce qui relève

du contexte.

Une telle recherche suppose une théorie qui nous fournisse

les outils d'investigation nécessaires. Nous voulons parler des

Page 21: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

20

concepts définis par A. Culioli et les linguistes qui souscrivent

à sa démarche.

Il n'est pas possible d'exposer ici l'ensemble de ces

concepts. Nous rappellerons seulement ceux auxquels nous aurons

le plus fréquemment recours, ceux de "situation d'énonciation",

de "domaine notionnel", d'"occurrence", de "classe d'occurrences"

et de "repérage".

C'est dans la mesure où l'énoncé comporte les traces de sa

mise en relation à une situation d'énonciation qu'il est

interprétable. Dans le cas contraire on a affaire à une phrase,

un agencement de termes grammaticalement recevable mais

ininterprétable à proprement parler: "Un chien aboie" (quel

chien?, à quel moment? etc).

La situation d'énonciation doit être clairement distinguée

de ce qu'on appelle, dans l'apprentissage des langues étrangères,

la "situation de communication" dont on trouvera une description

approfondie dans le premier chapitre du Niveau-Seuil (20). Sa

définition ne suppose pas moins de dix-neuf critères. On tend

vers une adéquation aussi parfaite que possible à la réalité

extra-linguistique.

Au contraire la situation d'énonciation est une abstraction.

Elle articule deux instances, une instance subjective,

l'énonciateur (So) et une instance temporelle, l'instant

Page 22: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

21

d'énonciation (To). Elle constitue le lieu origine de toutes les

déterminations; quantitatives (construction) et qualitatives

(spécification) des différents termes de l'énoncé.

La valeur de vérité d'un énoncé dépend de sa prise en charge

par So. Si d'un côté "p est vrai pour So" il est possible que "p

ne soit pas vrai" pour le coénonciateur So'. So' constitue donc

un pôle d'altérité pour p, mais il est possible aussi que So'

rejoigne la position de So: "Tu as raison...".

L'idée que la "situation d'énonciation" constitue un repère

fondateur s'inscrit dans la ligne des travaux d'E. Benveniste

(1974, p82) (21) qu'on nous permettra de rappeler ici: "L'acte

individuel d'appropriation de la langue introduit celui qui parle

dans sa parole. C'est là une donnée constitutive de

l'énonciation. La présence du locuteur à son énonciation fait que

chaque instance de discours constitue un centre de référence

interne".

A partir du sujet énonciateur s'organise la catégorie de la

personne (S) (je/tu/il...). A partir de l'instant de

l'énonciation s'organise la catégorie du temps (T) (présent,

passé...). Le rôle distinctif de ces deux catégories est aisément

repérable dans toutes les langues. Nous voulons montrer qu'elles

jouent un rôle essentiel dans l'organisation des différentes

valeurs de bien. Prenons le commentaire d'A. Culioli (1978, p311)

sur deux exemples qu'il donne comme "assez proches" l'un de

Page 23: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

22

l'autre. On verra que l'opposition S/T permet de les distinguer

formellement:

(s): Tu achèteras bien un petit souvenir, non? Juste

pour le geste ("sollicitation": même si tu n'y es guère

disposé, fais cet effort, ça ne te tuera pas...).

(p): Tu achèteras bien un de ces horribles souvenirs,

genre Tour Eiffel! Les marchands sont si forts...

("prophétie": tu auras beau faire, tu finiras bien

par...)"

Sans entrer dans les détails (ce qui sera fait au chapitre VI),

on peut remarquer que la "sollicitation" (s) renvoie à une

validation subjective: A. Culioli écrit: "On presse autrui de

prendre même le minimum (...), on le prie de ne pas se faire

prier. L'énoncé a une force conative (je cherche à vous faire

prendre) (...); d'où le sentiment qu'on a affaire à une invite

pressante. Tandis que la "prophétie" (p) renvoie à une validation

temporelle indépendante des instances subjectives qui sont en

jeu; A. Culioli écrit: "On ne sait rien sur la valeur du

paramètre ti dans Siti, repère (visé) de <lui poster la lettre>

(pour nous <toi acheter un souvenir>, d'où un jour ou l'autre."

Nous allons revenir sur ces deux instances (S/T) mais

auparavant nous voulons évoquer les concepts de "notion" et de

"domaine notionnel".

La notion est un système de relations. Les relations

s'ordonnent aussi bien à partir de propriétés physiques "animé vs

Page 24: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

23

non-animé", "cassable vs friable", que de propriétés culturelles

"mangeable vs non-mangeable" par exemple. A. Culioli (1981, p65)

(22) définit la notion comme: "un système complexe de

représentation de propriétés physico-culturelles". Elle est à la

fois relativement stable et sans limites. On conçoit qu'on n'ait

pas accès directement à la notion et que celle-ci ne puisse pas

se réduire à une seule propriété. Parlant par exemple de la

lecture, A.Culioli (1981, p68) écrit que cette notion renvoie à

un ensemble de termes parmi lesquels "lire; lecture; livre;

lecteur; bibliothèque; etc et (il ajoute) c'est dire qu'on ne

peut pas ramener les choses à une unité lexicale" (mais c'est ce

que nous avons fait! pour les besoins de notre explication). Même

si on peut considérer qu'une propriété, comme 'être livre', est

en elle-même un faisceau de propriétés, la propriété ne recouvre

pas le champ de la notion toujours plus large que celui d'une

propriété donnée.

Pour représenter les occurrences d'une propriété P comme

'être livre' on aura recours au concept de "domaine notionnel"

introduit par A.Culioli. On définira le domaine comme la zone sur

laquelle toute valeur est identifiable à toute autre en tant

qu'elle est une valeur de P. A priori toute occurrence de livre

vérifie la propriété 'être livre'. Tendanciellement toute valeur

sera ramenée au centre du domaine; "centre organisateur" ou

"Type" en tant qu'il est l'exemple le plus parfait de la

propriété, par exemple ce que j'appelle 'être livre'; "centre

attracteur" en tant qu'il représente la propriété à un haut

Page 25: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

24

degré, à un degré d'excellence, par exemple "Ca, c'est ce que

j'appelle un livre!". A. Culioli (1981, p74) écrit: "On voit

alors qu'un domaine se définit comme ayant un attracteur,

signifiant par là que quelle que soit sa position, toute

occurrence y est ramenée, (...).

Une valeur (notée p) pourra être ramenée au centre mais elle

pourra aussi s'en écarter, être "autre-que-p" (notée p'). Cette

possibilité est envisagée dans une question comme: "C'est un

livre ça?". Il s'agit d'une opération qui est d'une nature

différente de la propriété "primitive" qui fait que les valeurs

de P constituent un ensemble organisé autour d'un centre, un

ensemble qui "se tient". Au contraire l'opération qui consiste à

envisager "autre-que-p" est une opération de détermination dont

on trouvera les traces dans l'énoncé (ne serait-ce que par une

négation).

Dans notre étude nous verrons deux types de rapports entre p

et son complémentaire p'.

1) p' est le complémentaire de p en étant "plus ou moins p", par

exemple: "c'est encore un livre, à la limite on peut le dire".

Les valeurs de ce type constituent la "Frontière" du domaine. Les

valeurs de p considérées comme étant "vraiment des livres"

constituent l'Intérieur du domaine. Dans un exemple comme "Ce

devoir est bien orthographié", le locuteur peut conclure cela

parce qu'auparavant on a envisagé les deux zones I et F

(construites, nous verrons comment au chapitre I) du domaine de

Page 26: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

25

'être orthographié'.

2) On peut aussi métaphoriquement "fermer" la frontière,

considérer qu'il n'y a pas de valeurs intermédiaires mais

seulement p et ce qui n'est pas p, par exemple: "Il y a un livre

sur la table mais là il n'y en a pas". Dans ce cas l'Intérieur du

domaine s'oppose directement à l'Extérieur du domaine. Dans un

exemple comme "Tu as raison, c'est bien lui!", le locuteur peut

conclure cela parce qu'auparavant on a envisagé les deux zones I

et E auxquelles correspondent les valeurs p 'être lui' et p' 'ne

pas être lui'.

Un domaine notionnel n'est appréhendable qu'à travers les

occurrences qui le constituent. Qu'est-ce qu'une occurrence?

Pour répondre à cette question nous nous appuierons sur

l'article de D. Paillard (199.) "Indéfinition et altérité" (23).

"Occurrence doit être pris dans "son sens premier d'événement".

Un exemple comme "Ce devoir est bien écrit" suppose la

construction d'une occurrence repérée par rapport au t de mon

énonciation et que je pourrais gloser comme "Il y a de l'écrit".

Une propriété n'est pas appréhendable directement, il est donc

nécessaire de passer par une "forme" construite temporellement

(comme on vient de le voir) ou subjectivement comme dans "Avez-

vous écrit votre lettre?" L'opérateur Qnt correspond à la

construction de cette forme. Le terme de "construction" renvoie à

l'idée de l'existence de l'occurrence, indépendamment de ses

propriétés singulières. D. Paillard écrit: "la construction d'une

Page 27: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

26

occurrence est étroitement dépendante de l'ancrage situationnel

de la relation prédicative à laquelle elle participe: selon la

nature des coordonnées en jeu, on pourra définir plusieurs modes

de construction d'une occurrence". Nous serons ainsi amenés à

opposer des occurrences construites sur le plan factuel,

indépendamment de toute prise en charge subjective, à des

occurrences construites comme "validables" sur le plan subjectif,

ainsi dans "Vous entrerez bien cinq minutes!". Ces deux modes de

construction de l'occurrence trouvent leur origine dans les deux

instances (T/S) que nous évoquions plus haut.

La "classe d'occurrences" nous permettra d'envisager les

opérations de construction (quantification) des occurrences (Qnt)

que nous venons d'évoquer, et les opérations de qualification

(Qlt) qu'il était possible de décrire en termes topologiques avec

le domaine notionnel. Comment cela?

L'occurrence est le terme à partir duquel on peut ap-

préhender, et la classe d'occurrences, et la propriété qui la

fonde. Considérons l'exemple: "Ce devoir est bien écrit"; à

travers la relation <le devoir / être écrit> nous avons la

construction d'une occurrence qui vérifie la propriété P 'être

écrit'. Mais dans l'énoncé cette occurrence fait l'objet d'une

détermination à travers l'emploi de bien. Cela signifie qu'à un

moment donné on ne savait pas quel était le rapport de

l'occurrence à la propriété. Il existe un grand nombre de

rapports possibles à la propriété P; ils peuvent recevoir une

Page 28: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

27

définition sémantique dans des syntagmes comme: "écrire vite",

"mal écrire", "écrire comme un cochon" etc, etc... Après D.

Paillard nous définirons "la classe d'occurrences comme

l'ensemble des rapports possibles à la propriété fondatrice de la

classe, et une occurrence (donnée) comme un des rapports

possibles" (p6). Ainsi lorsque nous notons l'ensemble des valeurs

p,p' nous signifions qu'il existe plusieurs rapports possibles et

qu'on ne s'est pas arrêté sur l'un d'entre eux. En posant que ce

rapport n'est pas un rapport défini on dit aussi que ce rapport

doit être calculé. Nous avons le résultat de ce calcul quand nous

disons: "Aucun doute, il écrit comme un cochon!" ou bien "Voilà

ce que j'appelle un devoir bien écrit!".

On voit immédiatement que certaines occurrences n'ap-

partiendront pas à la classe d'occurrences, celle-ci peut être

pourvue d'une limite. La singularité peut déboucher sur la

négation d'appartenance à la classe, ainsi dans une négation

comme "Il n'écrit pas, il dessine!". La détermination (le calcul)

de la singularité d'une occurrence passe par sa mise en relation

avec les autres occurrences relativement à un troisième terme, la

propriété fondatrice de la classe.

Pour décrire cette opération on fera appel à l'opérateur de

repérage introduit par A. Culioli, avec deux de ses principales

valeurs. L'identification (notée =) à laquelle "on peut rattacher

les relations de ressemblance, d'équivalence, d'égalité et

d'identité" (A.Culioli et J-P. Desclés, 1981, p72) (24). La

Page 29: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

28

différenciation (notée par nous # (9) à laquelle "on peut

rattacher les valeurs d'inclusion, d'appartenance, de

localisation et de partie au tout".

Il faut insister sur le fait que ces relations (= et #) sont

orientées. Dans une relation de repérage il y a toujours un terme

qui est repère et l'autre qui est repéré. Quand je dis "Ce

travail n'est pas bien écrit", on peut dire qu'une relation de

différenciation est mise en jeu, mais il est tout aussi important

de préciser qu'elle se fait relativement à un repère, quelque

chose comme ce à quoi j'aurais pu m'attendreentermesd'écriture.

Les opérations que nous avons décrites en termes de domaines

notionnels peuvent dès lors être mieux définies. Antérieurement à

toute détermination les occurrences sont identifiables au centre

(altérité primitive) c'est le centre qui est le repère de cette

opération (=).

Dans le cas de bien, une opération de délimitation distingue

(#) deux zones sur le domaine, par exemple I et F et c'est I qui

est le repère de la relation. Ce sont ces deux zones qui sont

prises en compte dans le cas de l'"appréciatif": "Ce devoir est

bien orthographié". La délimitation du domaine de P peut aussi

"fermer" la Frontière, on distinguera (#) alors I et E (I restant

le repère de la relation. Ces deux zones sont prises en compte

dans le cas du "confirmatif": "C'est bien la femme que j'ai vue

hier".

Page 30: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

29

Nous allons maintenant définir nos objectifs. Nous en

profiterons pour nous situer par rapport aux travaux de D. Duprey

(1979) et par la même occasion nous donnerons quelques uns des

principes méthodologiques que nous avons voulu respecter dans

notre propre étude.

L'article "Valeurs modales et opérations énonciatives" d'A.

Culioli et la thèse de D. Duprey: Quelques remarques polémiques

sur "bon" et "bien" montrent à l'évidence qu'on peut associer

plusieurs valeurs à bien. Combien y en a-t-il? Une infinité comme

l'écrit D. Duprey? Nous ne le pensons pas. Lui-même, n'écrit-il

pas (p11): "Et pourtant, si on observe ce qui se passe dans

plusieurs langues non apparentées, on s'aperçoit qu'elles se

ressemblent dans une large mesure. Dans toutes ces langues, bon

et bien ont, à peu de choses près, le même noyau de valeurs:

concession, vérité, appréciation, existence, acceptation,

possession, actuel, identité, égalité, augmentation, diminution,

conformité... etc ...etc... On a là une (deuxième) contradiction:

le français est différent des autres langues et il est identique

aux autres langues".

Notre objectif est (pour le dire simplement) de supprimer

les points de suspension à la suite de la liste des valeurs de

bien. C'est en sachant comment se construisent les valeurs en

français que nous pourrons interroger les autres langues non plus

en termes de signification a priori ("Est-ce que se marque une

Page 31: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

30

valeur "d'existence" en Akan?") mais en termes de "construction"

de valeurs ("Que se passe-t-il si l'on place se en contexte de

surprise?"). Il nous semble que c'est le point de passage obligé

si l'on veut savoir en quoi "le français est différent" et en

quoi "il est identique aux autres langues". La comparaison, sans

précautions, de deux marqueurs de deux langues différentes sur la

base de leurs significations respectives a de fortes chances de

déboucher sur la projection de ce qui revient à une seule langue

sur l'autre. D. Duprey (1979), nous semble-t-il, n'échappe pas à

cette critique, on trouve ainsi (p11): "A l'unité morphologique

bon,bien s'oppose une diversité de valeurs. Parmi celles-ci, on

peut signaler les valeurs appréciatives (il travaille bien), les

augmentatives (bien des gens sont venus), les diminutives (it's

as good as done)..." ou (p28): "En français, anglais, allemand,

italien, latin, swahili etc... bien peut signifier possession,

propriété", ou encore (p42): "Dans certaines langues bien va

signifier 'oui'. C'est le cas en Swahili. En effet vema, racine

pour bon,bien peut être employé pour 'oui'" etc... On a compris

que pour notre part nous bornerons notre étude au français.

Mais revenons au travail de D. Duprey. L'auteur montre sur

un grand nombre d'exemples que "bien est la trace de

l'identification d'un particulier à son concept". A peu de choses

près nous proposerons le même genre de formulation. Mais le terme

"concept" fait problème, il paraît fort bien adapté à des

exemples comme: "Ce devoir est bien orthographié" ("orthographié

comme ce que j'appelle "'être orthographié'") ou "Cette pièce est

Page 32: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

31

bien tapissée" ("tapissée comme ce que j'appelle 'être

tapissé'"). En revanche l'idée d'un concept comme repère de

l'opération d'identification est mal adaptée à des exemples comme

"Il est bien ridé, cet homme!" (? "ridé comme ce que j'appelle

être ridé") de même qu'avec des exemples de "prophétie" comme

"Laisse-le, il y arrivera bien tout seul!". Prenons par exemple

l'analyse qu'il fait d'une "confirmation": "C'est bien Paul qui

est malade: le frère de Jacques". Son commentaire est le suivant

(p276): "Il est légitime d'appeler ce particulier malade Paul

(...) parce que le particulier ainsi désigné est identique au

concept de Paul, c'est-à-dire x, tel que x est le frère de

Jacques. (...) ". Il nous semble que, dans ce cas précis, le

terme repère de l'identification ne se définit pas comme étant

"Paul, le frère de Jacques" (par sa place dans la famille) mais

par le fait qu'il a déjà été mis en relation avec la propriété

'être malade'. On définira difficilement cette première mise en

relation <Paul / être malade> comme étant "le concept de Paul".

Le mode de construction du terme repère de l'identification

(le "concept" de D. Duprey) est un élément capital de l'analyse.

Voyons comment nous l'avons conduite.

Bien sûr nous avons d'abord collecté des exemples et pour

cela nous avons emprunté largement à nos prédécesseurs, puis nous

avons tenté de les classer, sur la base de différents critères,

sémantiques, grammaticaux, syntaxiques et énonciatifs; on

retrouvera la trace de ces travaux pour chacune des valeurs que

Page 33: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

32

nous avons étudiées. Nous avons considéré que l'analyse était

cohérente chaque fois que nous avons pu caractériser la valeur

par des critères formels (discrets) de telle sorte que nous

étions à même d'expliquer comment on pouvait passer de cette

valeur à une autre déjà étudiée.

Le problème n'était donc plus celui du nombre (stricto

sensu) des valeurs de bien car celui-ci dépend en définitive du

nombre de critères utilisés pour caractériser chaque valeur.

Notre problème était d'établir la liste des critères fondamentaux

à partir desquels s'organisent les différentes valeurs de bien.

Ces critères distribuent les valeurs de bien autour de deux axes

que nous avons déjà évoqués. Le premier, à tous égards, est

l'opposition S/T (nous en avons donné un exemple en distinguant

la "sollicitation" de la "prophétie"), le second renvoie au type

d'altérité mise en jeu (par exemple I/F pour l'"appréciatif" et

I/E pour le "confirmatif"). Bien sûr une vision synthétique

complète ne peut être donnée qu'en fin de parcours.

Nous n'avons pas visé à l'exhaustivité au niveau des données

(25) et nous ne rendons pas compte de toutes les variations

sémantiques possibles du marqueur. Chacun pourra trouver des

exemples que nous n'avons pas traités et qui pourront poser

problèmes, notre projet n'étant pas de décrire le système des

valeurs de bien mais d'établir une systématique des valeurs de ce

marqueur.

Page 34: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

33

NOTES DE L'INTRODUCTION

(1): A. CULIOLI., (1978), "Valeurs modales et opérations

énonciatives", in Le Français moderne T46-4, pp 300-317

(2): E. LITTRE., (1873), Dictionnairedelalanguefrançaise, en six

volumes, Gallimard/Hachette, éd de 1963, T1.

(3): P. ROBERT., (1966),

Dictionnairealphabétiqueetanalogiquedelalanguefrançaise, en six

volumes, S.N.L éd, T1, 1071p.

(4): LEXIS., (sous la direction de J. Dubois), (1975),

"dictionnaire de la langue française", Larousse éd, 1950p.

(5): ACADEMIE FRANCAISE., (1844),

Dictionnairedel'Académiefrançaise, 7è éd 1877, Firmin-Didot éd,

2vol, 903p et 967p.

(6): D. DUPREY., (1979),

Quelquesremarquespolémiquessur"bon"et"bien": pédagogieetthéorie,

Thèse de 3ème cycle, Université de Besançon, 452p.

(7): M. GREVISSE., (1975), Lebonusage, Duculot (10ème édition),

1322p.

(8): R.L. WAGNER et J. PINCHON., (1962),

Grammairedufrançaisclassiqueetmoderne, Hachette éd, 648 p.

(9): Remarques orthographiques et typographiques:

-Nous avons considéré que parmi les noms attribués aux

différentes valeurs de bien, l'"appréciatif", l'"intensif", le

"confirmatif", l'"optatif", le "concessif" étaient du masculin,

tandis que la "sollicitation" et la "prophétie" étaient du

féminin. Pour ce qui est des notations, les abréviations p, p' et

p,p' sont toujours du masculin sauf quand on précise "la valeur p

(ou p').

-"cnqs" est l'abréviation de "c'est nous qui soulignons".

-Les séries d'exemples sont données en simple interligne, afin

d'en faciliter la lecture

-Pour noter la différenciation on utilise habituellement le signe

égal traversé d'une barre oblique, pour des raisons matérielles

liées au matériel d'impression nous utilisons le # avec la même

signification.

(10): B. COMBETTES et R. TOMASSONE., (1978), "L'adverbe comme

Page 35: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

34

constituant du groupe de l'adjectif", in Verbum n°I-2, pp 53-68.

(11): J-Ph. DALBERA., (1980), "Esquisse d'une classification

syntaxique des adverbes", in TravauxducerclelinguistiquedeNice

n°2, Université de Nice, pp 39-60.

(12): S.O. SHIN., (1988),

LacatégorieadverbialedanslesgrammairesdesXVIIèetXVIIIèsiècles,

thèse de 3ème cycle, Université de Montpellier III, 395p.

(13): J. TAMINE-GARDES (1986) écrit: "L'adverbe est sur le plan

morphologique une catégorie qui n'est pas aisée à définir:

1° c'est une forme invariable, qui ne peut donc pas être carac-

térisée par sa flexion; 2° c'est une catégorie hétérogène en ce

qui concerne sa formation..." (voir: "Initiation à la syntaxe:

l'adverbe" in L'informationgrammaticale n°28, Heck, pp 43-45). On

note au passage que le critère de l'invariabilité est aussi

"pertinent" pour les prépositions.

(14): J. HARRIS., (1796), Hermesourecherchesphilo-

sophiquessurlagrammaireuniverselle, 1ère éd en anglais en 1751,

traduction et remarques par F. Thurot, édition, introduction et

notes par A. Joly, 1972, Droz, 469p.

(15): André Joly (1972, p80) fait remarquer que cette description

trouve un écho très contemporain dans le concept de "rang"

proposé par un linguiste comme Jespersen. Il écrit (p80) dans son

introduction à la réédition de l'ouvrage de J. Harris: "Ces trois

"rangs" -celui des mots primaires, celui des secondaires

également appelés "adjoints" (adjuncts), et celui des tertiaires

ou "subjoints" (subjuncts)- coïncident en tous points avec les

trois niveaux de Harris: substantifs, attributifs de substantifs,

attributifs d'attributifs. Jespersen remarque en effet qu'au

premier rang correspondent "habituellement" les substantifs, au

second rang les adjectifs, au troisième les adverbes. De plus, le

même type de subordination existe dans une phrase verbale comme

the dog barksfuriously (le chien aboie furieusement), où dog est

le mot primaire, barks le secondaire, furiously le tertiaire, si

bien qu'au résultat l'adjectif et le verbe, chez Jespersen comme

chez Harris, se trouvent appartenir au même rang, entre le

substantif (1er rang) et l'adverbe (3è rang).

(16): O. BLOCH et W. VON WARTBURG., (1932),

Dictionnaireétymologiquedelalanguefrançaise, PUF éd, septième

édition 1986, 682p.

(17): S. de VOGÜE (1987) écrit (p110): "La thèse de l'unicité ne

Page 36: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

35

définit rien de plus qu'un programme, au sens où elle doit être,

pour chaque cas particulier, redémontrée" (voir "La conjonction

si et la question de l'homonymie", in BULAG n°13, Université de

Besançon, pp 105-190).

(18): Voici l'introduction d'un article intitulé "Les adverbes et

la modalisation de l'assertion" sous la plume d'A. Borillo

(1976): "Lorsqu'on définit une classe grammaticale en termes de

propriétés syntaxiques, l'étude systématique de structures

simples permet de dégager des familles d'éléments lexicaux sur la

base d'un ensemble de propriétés que ces éléments possèdent en

commun. Cette classification qui constitue une assise pour la

description, prend un réel intérêt lorsque cette homogénéité

syntaxique peut être mise en corrélation avec des intuitions

concernant des propriétés sémantiques que ces éléments

posséderaient également en commun".

On constate que la mise en "corrélation" n'intervient qu'à

la fin de l'article (p86) et encore pour des classes d'adverbes

constituées, ce qui revient à gommer les spécificités éventuelles

de tel ou tel adverbe. voirLanguefrançaise, n°30, pp 74-89.

(19): C. AKUETEY., (1989),

Etudedesénoncéséquatifs,locatifsetpossessifsenEwe (Problèmes du

verbe "être"), Thèse nouveau régime, Université de Besançon,

503p.

(20): D. COSTE et alii, (1976), Unniveau-seuil, (Conseil de

l'Europe: "Projet langues vivantes"), Hatier éd, 663p.

(21): E. BENVENISTE., (1966 et 1974),

Problèmesdelinguistiquegénérale, T.I et II, Gallimard éd, 356p et

286p.

(22): A. CULIOLI., (1981), "Sur le concept de notion", in BULAG

n°8, Université de Besançon, pp 62-79.

(23): D. PAILLARD., (199.), Indéfinition et altérité, in

FestschriftfürS.Karolak, Krakow, (à paraître).

(24): A. CULIOLI.et J-P. DESCLES, (1981), Systèmesderepré-

sentationslinguistiquesetmétalinguistiques: "Les catégories

grammaticales et le problème de la description de langues peu

étudiées", Collection ERA 642, Université de Paris VII.

(25): Nous n'avons pas traité les problèmes qui à notre avis

n'interféraient pas directement dans cette problématique. Il

s'agit en particulier de la combinaison de bien avec les verbes

Page 37: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

36

modaux ("pouvoir, "savoir", "vouloir", "devoir" ou "falloir"),

des suites "bien + adverbe" (bien autrement, bien trop etc...) ou

"adverbe + bien" (fort bien, très bien, assez bien, trop bien

etc...) et toutes les locutions dans lesquelles bien peut entrer

(bel et bien, bien sûr, bien que etc...

Sur "pouvoir + bien" on pourra se reporter à l'article d'A.

Culioli (1988): "Autres commentaires sur bien", in

HommageàlamémoiredeJeanStéfanini, Publications de l'Université de

Provence, pp 169-180 qui traite tout particulièrement de cette

question.

Page 38: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

37

CHAPITRE I

L'"APPRECIATIF"

L'"appréciatif" correspond à des emplois très

courants de bien comme: "Elle cuisine bien" ou "C'est bien

dessiné, ça!". Dans un premier temps, nous essaierons

d'identifier cette valeur (§ 1.1) selon différents critères

(sémantiques, grammaticaux et syntaxiques) puis nous en

proposerons une caractérisation (§ 1.2) avant d'étudier quelques

exemples (§ 1.3).

1.1. Identification de la valeur

1.1.1. Critères sémantiques

Voyons d'abord comment on peut, intuitivement, distinguer

l'"appréciatif" des valeurs qui en sont proches. Un énoncé comme

"Paul a bien joué cet après-midi" est ambigu. On peut

l'interpréter soit comme "Paul a effectivement joué cet après-

midi", soit comme "Paul a correctement joué cet après-midi". La

première interprétation correspond à la valeur de "confirmation"

tandis que la seconde correspond à l'"appréciatif". La portée

Page 39: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

38

humoristique de l'exemple suivant tient au rapprochement de ces

deux valeurs (nous les signalons (c) pour "confirmation" et (a)

pour "appréciatif"):

Le Bûcheron s'impatienta à la fin, car elle redit plus de

vingt fois qu'ils s'en repentiraient et qu'elle l'avait bien

dit (c). Il la menaça de la battre si elle ne se taisait. Ce

n'est pas que le Bûcheron ne fût peut-être encore plus fâché

que sa femme mais c'est qu'elle lui rompait la tête, et

qu'il était de l'humeur de beaucoup d'autres gens, qui

aiment fort les femmes qui disent bien (a), mais qui

trouvent très importunes celles qui ont toujours bien dit

(c). (Contesdemamèrel'Oye, "Le petit poucet", C. Perrault,

Gallimard (Collection "Folio junior" n°28), p108.)

L'"appréciatif" ne doit pas être confondu avec une autre

valeur, l'"intensif". L'énoncé: "Ce pantalon est bien raccourci"

peut recevoir deux interprétations, soit l'"appréciatif" (dans un

contexte de comparaison): "Ce pantalon est correctement

raccourci", soit l'"intensif" (dans un contexte de surprise): "Ce

pantalon est très, voire trop, raccourci".

Ces distinctions n'ont pas échappé aux lexicographes.

L'"appréciatif" est la valeur la mieux représentée dans les

dictionnaires. P. Robert (éd de 1966, p467) propose les exemples

suivants: "Bien pensé, bien jugé. Des personnes bien pensantes.

Qui aime bien, châtie bien... Faire bien. Bien agir. Agir, se

conduire bien. Bien faire et laisser dire." avec comme

définition: "Comme il convient, comme il faut, d'une manière

satisfaisante ou parfaite".

E. Littré (éd de 1963, p1011) propose: "Voyageur bien vêtu.

Page 40: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

39

Il a bien employé son temps." avec comme définition: "De la bonne

manière".

Le Dictionnairedel'Académie (éd de 1877 p178) propose les

exemples suivants: "Il se conduit bien. Il se porte bien." et

précise: "Bien sert alors à marquer un certain degré de

perfection ou un certain état heureux, agréable, avantageux,

convenable". etc..

On retiendra donc les gloses "de la bonne manière", "de

manière satisfaisante" pour l'"appréciatif". Elles permettent de

l'opposer à la valeur d'"intensif" qui reçoit des gloses comme

"beaucoup de" (J. Girodet, 1986, p108) (1), "très" ou "beaucoup"

(P. Robert, éd de 1966, p468).

L'"intensif" est en général assez bien représenté. P. Robert

donne quelques exemples de ce dernier comme "se donner bien de la

peine", "bien avancé pour son âge", ou encore "un amour bien

fort", avec comme définition: "très, trop, beaucoup".

E. Littré (éd de 1966) propose: "Une lettre bien longue",

"Encore bien jeune", "Il a parlé bien sévèrement".

Le Dictionnairedel'Académie (éd de 1877, p179) donne: "Il

est déjà bien loin" ou "Bien de la peine", "Bien du monde".

Le "confirmatif" est plus difficile à identifier. Les

auteurs hésitent généralement entre une définition grammaticale:

"adverbe d'affirmation" (P. Dupré, 1972, T1, 280p) (2) et une

définition fonctionnelle comme "bien renforce l'idée exprimée ou

s'emploie par redondance, explétivement" (P. Robert). A ce stade,

Page 41: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

40

le plus simple est de retenir une glose du type "effectivement";

sémantiquement, elle suffit à distinguer le "confirmatif" de

l'"appréciatif" et de l'"intensif".

1.1.2. Critères grammaticaux

M. Grevisse (éd de 1975, §832, p875) écrit qu'"On peut

distinguer selonlesens (cnqs), sept espèces d'adverbes" et un peu

plus loin qu'"il n'y a pas entre les catégories citées de

limites bien fixes. (...) Certains adverbes peuvent même, dans

une phrase donnée, appartenir à deux catégories à la fois. (...)

'Etre bien traité' (manière), 'Ils étaient bien deux cents'

(opinion) et 'Il est bien malheureux' (intensité)". On hésite

donc parfois pour distinguer un emploi d'un autre en particulier

dans le cas de la suite "bien + verbe". Lorsque bien détermine un

nom, un adjectif ou un autre adverbe, il ne s'agit pas

(généralement) de l'"appréciatif" mais de l'"intensif".

L'"appréciatif" correspond aux emplois de bien que la grammaire

désigne généralement comme le bien "adverbe de manière" (3). On

pourrait citer tout aussi bien M. Grevisse (§833, p876), R.L.

Wagner et J. Pinchon (1962, §491, p416) que J-C. Chevalier et

alii (1964, §613, p421) (4). Mais comment identifier l'"adverbe

de manière"?

Si l'on veut s'en tenir à des critères grammaticaux (donc

sémantiques), on a un changement d'étiquettes sans plus de

justification. Pour lever les ambiguïtés évoquées plus haut, nous

Page 42: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

41

devons faire appel à d'autres critères, en premier lieu

syntaxiques.

1.1.3. Critères syntaxiques

Quand l'adverbe bien détermine un verbe, il le suit si c'est

une forme simple: "Il dessine bien"; il est intercalé entre

l'auxiliaire et le participe passé quand il s'agit d'une forme

composée: "Ce devoir est bien orthographié".

On peut identifier l'"appréciatif" à partir de trois tests

syntaxiques: "la négation", "le questionnement", "la

commutation". Soit l'exemple:

Ce poisson est bien cuisiné.

-Il est possible de le mettre à la forme négative:

Ce poisson n'est pas bien cuisiné.

-Il est possible de s'interroger sur la qualité du procès:

Est-ce que ce poisson est bien cuisiné?.

-Bien commute avec très bien et avec mal:

+ Ce poisson est très bien cuisiné. ou

+ Ce poisson est mal cuisiné.

-Bien ne commute pas facilement avec très:

? Ce poisson est très cuisiné.

En revanche si l'on choisit un "intensif" comme:

Page 43: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

42

Il est bien ridé, cet homme!

les tests nous donnent des résultats inverses:

-La forme négative n'est guère possible (5):

? Il n'est pas bien ridé, cet homme!

-Le questionnement" donne lieu à une formulation bizarre:

? Est-ce qu'il est bien ridé, cet homme?

-Bien ne commute pas facilement avec très bien et avec mal:

? Il est très bien ridé, cet homme!

? Il est mal ridé, cet homme!

-Bien commute facilement avec très:

+ Il est très ridé, cet homme!"

Si l'on prend un exemple de "confirmatif", on aura des résultats

négatifs à tous les tests sauf au "questionnement". Dans ce cas,

pour que l'énoncé soit acceptable il faut qu'il soit

interprétable comme une demande de confirmation:

? Est-ce qu'il y a bien du pétrole ici?

+ Il y a bien du pétrole ici, n'est ce pas?

Le "confirmatif" a un comportement syntaxique très différent des

deux autres valeurs. Sur cette base, il ne peut pas être confondu

avec elles. Il est donc possible de renvoyer son étude à un autre

chapitre (le IV).

Revenons donc aux deux premières. Prenons l'exemple déjà

Page 44: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

43

utilisé: "Ce pantalon est bien raccourci". On aura deux types de

réponses selon le contexte choisi.

En contexte de surprise les tests seront négatifs (sauf la

commutation avec très): bien est alors un "intensif".

En contexte de comparaison les tests seront positifs (sauf la

commutation avec très): bien est un "appréciatif".

Les tests syntaxiques nous permettent une première approche

(discriminer le "confirmatif") mais ils nous renvoient au

contexte pour une réponse définitive en ce qui concerne les deux

autres valeurs.

1.2. Caractérisation de la valeur

Nous avons vu que le choix des contextes permet de filtrer

l'une ou l'autre des valeurs qui nous intéressent. Mais quels

sont, dans ces contextes, les paramètres déterminants que nous

devons nous attacher à décrire? Nous allons essayer de le savoir

en revenant sur un exemple, qui nous servira d'exemple-type (6)

parce qu'il autorise les deux valeurs, il s'agit de:

(1) Il est bien ridé, cet homme!

L'interprétation a priori la plus naturelle est que le locuteur

exprime son étonnement à la vue d'un vieillissement auquel il ne

Page 45: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

44

s'attendait pas. Ce qui correspond à la valeur d'"intensif". Une

glose de cet énoncé serait peut-être: "Cet homme est plus ridé

que ce à quoi j'auraispum'attendre".

NB: Le terme "glose" correspond à l'interprétation sur

laquelle chacun pourrait s'accorder relativement à un

énoncé. On tente de donner une formulation qui rejoigne,

autant que faire se peut, l'intuition générale. L'idéal

étant d'arriver à une seule formulation (alors qu'il existe

de nombreuses "paraphrases" possibles de l'énoncé). Comme

pour l'acceptabilité des énoncés la question n'est pas

traitée dans l'absolu, c'est relativement à une autre glose

possible qu'une glose pourra être considérée comme une

"bonne" glose.

On peut penser que la glose de (1) s'appuie effectivement sur des

éléments contextuels puisqu'on en trouve une assez semblable pour

l'exemple (2) qui est aussi un "intensif" mais qui,

sémantiquement, en est assez éloigné:

(2) C'est bien improvisé, tout ça!

Ce serait: "Il y a vraiment de l'improvisation là où

j'auraispum'attendre" à autre chose".

Mais comment passe-t-on à l'"appréciatif"? Il est nécessaire

de changer de contexte. Ainsi pour le premier:

(1a) (Sur un plateau de cinéma, un acteur sort pour la

deuxième fois des mains du maquilleur chargé de le

vieillir; le metteur en scène peut alors déclarer:)

Voilà, là, il est bien ridé. Maintenant on peut tourner

Page 46: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

45

Avec la glose suivante: "Il est ridé comme ilfaut qu'il le soit".

Et pour le second (2):

(2a) (Au cours d'une répétition, après la prestation

d'un acteur, le metteur en scène peut déclarer:) Au

début, vos pas sur le côté, c'est bien improvisé, rien

à dire, mais après...

Avec la glose suivante: "L'improvisation est telle qu'on pouvait

le souhaiter".

Il suffit de rapprocher les gloses de l'"appréciatif" de

celles de l'"intensif" pour voir ce qui les oppose. Dans le cas

de l'"appréciatif", (1a) et (2a), la valeur spécifiée est

considérée comme souhaitable du point de vue de l'énonciateur,

éventuellement comme une valeur attendue. Dans le cas de

l'"intensif", (1) et (2), la valeur spécifiée s'inscrit dans un

contexte de surprise qui interdit la modalité du souhaitable au

profit d'un (simplement) possible, reconstruit a posteriori.

On peut, sans entrer dans le détail, différencier les deux

valeurs en tenant compte de la position de l'énonciateur par

rapport à la relation qu'il construit. Soit pour le premier

exemple:

"appréciatif": la relation <acteur / être ridé> est vérifiée

commel'énonciateurpouvaitlesouhaiter. L'"appréciatif" est

une valeur de "conformité".

Page 47: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

46

"intensif": on constate (la surprise est une forme typique

de constat) que la relation est vérifiée "comme elle est

vérifiée", c'est-à-dire

indépendammentdetouteconstructionsubjectivepréalable.

L'"intensif" est une valeur de "constat" (les termes

"constat" et "conformité" recevront plus loin une définition

formelle, au chapitre II pour le "constat").

Ces formulations sont un peu abruptes mais elles ont

l'avantage de poser qu'il y a bien deux valeurs, qui se

distinguent sur un point essentiel: l'existence (ou l'absence)

d'une "construction subjective préalable"

1.2.1. La valeur d'"appréciatif"

Revenons à notre exemple de départ. Quand il prend la valeur

d'"appréciatif" (1a), le contexte est le suivant:

1) le metteur en scène voit sortir l'acteur de la cabine de

maquillage où il l'avait renvoyé une première fois parce qu'il ne

le trouvait pas correctement grimé. Il y a un instant

d'incertitude pendant lequel il est est clair que l'acteur est

maquillé (ce n'est pas l'existence du maquillage qui est en

question) mais il est tout aussi évident qu'on ne peut pas encore

se prononcer sur la qualité de ce maquillage.

2) Puis, après examen, le metteur en scène ayant jugé que le

nouveau maquillage était conforme à ce qu'il attendait ("Voilà,

là, il est bien ridé..."), on passe à la suite...

Page 48: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

47

Ces deux étapes correspondent à des opérations fondamentales

que nous allons maintenant détailler; au passage nous

introduirons les concepts indispensables à l'analyse. Ce

développement théorique s'appuie en particulier sur l'article de

D. Paillard (199.): "Indéfinition et altérité" et sur celui d'A.

Culioli (1989) (7): "La négation, marqueurs et opérations".

1.2.1.1. "L'altérité est de fondation"

Dans notre exemple, le metteur en scène évalue une

occurrence de 'être ridé' (il a déjà rejeté une première

occurrence comme n'étant pas ce qu'il attendait).

A. Construction d'une occurrence pi de P.

1.

UneoccurrencepidePestl'événementàtraverslequeljepeuxappréhenderla

propriétéP. Dans l'exemple, la notation "P" désigne la propriété

fondatrice de la classe des occurrences de 'être ridé'. On a

construit une occurrence, ce qu'on peut gloser par: "il y a du p"

ou "du p existe".

2.

L'occurrencepin'estpasdistinguableaprioridesautresoccurrencesdela

mêmeclasse. En (1), toutes les occurrences de la classe vérifient

la propriété 'être ridé'.

Page 49: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

48

3. Mais l'existence d'une occurrence est liée à une

situation énonciative qui par définition est unique. Dans

l'exemple, pi est repérée par rapport à Sito ("Voilà, là, il

est...").

UneoccurrencedePestdonctoujours,parconstruction,susceptibled'être

différentedesautres. "L'altérité est de fondation" (A. Culioli,

1989, p190).

B. p,p' a fait l'objet d'une délimitation subjective.

1. Plusieurs possibilités de traitement de cette

(éventuelle) singularité existent. Par exemple la négliger, mais

ce n'est pas celle qui retiendra notre attention (dans notre

exemple le metteur en scène s'intéresse précisément à la

singularité de cette occurrence). On peut aussi la mesurer et

pourcelacomparerl'occurrenceauxautresoccurrencesdelaclasse.

2. A nouveau plusieurs possibilités existent, selon les

termes choisis pour la comparaison. On peut comparer l'occurrence

à une autre occurrence pj prise comme repère. On peut la comparer

à elle-même.

Onpeutsituerl'occurrenceparrapportàunenormeprécédemmentfixée (la

"construction subjective préalable" évoquée plus haut). C'est le

cas dans notre exemple, le metteur en scène a une "attente

précise" en ce qui concerne le maquillage de l'acteur.

Page 50: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

49

Lesopérationsquiontconduitàlafixationdecettenormesontlessuiv

antes:onacomparélesoccurrencesdelaclasseparrapportàlapropriétéPet

onaconstruitdeuxzones. On définit ces deux zones en termes

d'homogénéité vs hétérogénéité. On a une zone dans laquelle les

occurrences peuvent être considérées comme homogènes relativement

à P (c'est la valeur p). En termes de domaine notionnel, il

s'agit de l'Intérieur du domaine (8). Dans l'exemple, la valeur p

correspond à ce que l'énonciateur peut désigner comme "étant

vraiment du 'être ridé'". Et il y a une zone dans laquelle les

occurrences ont des propriétés singulières telles qu'elles sont

considérées comme hétérogènes par rapport à la première zone

(c'est la valeur p'). En termes de domaine notionnel c'est la

Frontière du domaine. On a fixé une limite entre ce qui est le

'vraiment p' et ce qui est le 'plus ou moins p'. Par cette

opération on a structuré la classe des occurrences de P, en

distinguant une valeur p et son complémentaire p' <autre-que-p>.

Cela signifie que les deux termes p et p' ne sont pas strictement

équivalents, ils constituent un couple "pondéré" dans lequel p

est considéré comme la "bonne valeur" (cf § 1.2.1.4.).

3.

Etantdonnéel'existencedecettelimite,pourtouteoccurrencedePconstru

iteseposelaquestiondesonrapportàp,p'.L'incertitudequalitativeanno

ncéeenA.3.trouveiciunstatut,onsetrouveenhors(p,p'),unepositiond'o

ùl'onpeutconstruirel'identificationàpoul'identificationàautre-

que-p(c'estàdireàp')" (A. Culioli, 1989, p194).

Page 51: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

50

Nous pouvons passer à la deuxième étape. Il s'agit d'établir

le statut qualitatif de pi relativement à p.

1.2.1.2. "Tout terme entrant dans une relation doit être

nécessairement situé"

On a deux plans qui sont définis par leur repère d'origine S

ou T. Sur le plan temporel on a construit pi. Sur le plan

subjectif on a construit p. Nous disons que p est un terme

préconstruit d'origine subjective.

NB: "Préconstruit" recouvre un grand nombre de possibilités;

il signifie "qui a une forme", (qui a fait l'objet d'une

délimitation, qui a fait l'objet d'une mise en relation ) et

que cette forme existe indépendamment du repère de

construction du terme par rapport auquel il apparaît comme

un préconstruit. L'indépendance prend généralement la forme

de l'antériorité. Mais dans le cas de l'"appréciatif", il

s'agit plutôt de hiérarchie des instances de construction.

pi est localisée tandis que p est d'origine subjective et

tire de cette origine un statut atemporel qui la fait

apparaître comme un préconstruit relativement à pi.

1) Danslarelationpi--

pc'estpquifonctionnecommeletermerepère;pconstitueun"termederéfére

nce"parrapportauquelpivaêtresitué (9). Dans notre exemple, ce

qu'attend le metteur en scène constitue sa référence pour juger

de l'occurrence de 'être ridé'.

2)

Onvadonccomparerpiàp,p';onvaparcourirlesoccurrencespossiblesdep'e

tdeppoursavoiràquellevaleurondoitramenerpi;c'est"l'opérationdepar

Page 52: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

51

cours". "Elle consiste, selon A. Culioli (1975, p14) (10), à

parcourir toutes les valeurs assignables à l'intérieur d'un

domaine (...)". Dans notre exemple, le parcours comprend la

valeur p (ce qui est attendu par le metteur en scène) mais aussi

en p', l'occurrence précédente qui avait été rejetée.

NB: Il est difficile de mettre en évidence, simplement, la

nécessité de cette opération (11). Mais on constate toujours

que si le parcours est impossible parce qu'on ne peut pas

envisager plus d'une valeur (si on ne travaille que sur p,

au lieu de travailler sur p ET p') alors l'emploi de bien

est bloqué (voir par exemple l'incompatibilité de bien avec

le "nécessaire exclusif au chapitre VI).

3) Plusieurs possibilités existent théoriquement. Le

parcours peut ne pas avoir de "sortie" (par exemple lors d'une

question). S'il en a une, ce peut être le choix de p' (on aura un

marqueur de sens négatif) mais ce peut être le choix de p: c'est

le cas de bien. Avecbien,larelationderepéragepi--

pesttoujoursuneidentification. Dans notre exemple, le metteur en

scène se déclare satisfait, c'est dire que l'occurrence de 'être

ridé' localisée en Sito correspond à ce qui était attendu.

L'identification "situe" pi qui est alors pourvu d'un statut

qualitatif stabilisé ("Là, voilà, il est bien ridé").

Voilà pour le rôle de bien mais quel était celui du

contexte?

1.2.1.3. La question des catégories de procès

Page 53: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

52

Quel est le rôle du contexte notionnel dans l'apparition de

l'"appréciatif"? L'apparition de cette valeur est-elle liée aux

propriétés du procès sur lequel porte bien?

Il est un fait que l'"appréciatif" apparaît plus facilement

avec des verbes ayant un sens positif et qu'on le rencontre moins

avec des verbes de sens opposé. Comparez:

Ce tableau est bien peint.

? Ce mur est bien peinturluré!

Cette voiture est bien réparée.

? Cette voiture est bien cabossée!

Ce livre est bien écrit.

? Ce cahier est bien griffonné!

NB: Le point d'interrogation signale un énoncé

dans lequel on n'a pas d'"appréciatif".

Mais un grand nombre de verbes ne se laissent pas si facilement

ranger dans l'une ou l'autre de ces deux catégories. Que faut-il

penser d'un verbe comme "déterminer" (ou "endormir") relativement

à cette opposition? La question est mal posée. Si certains procès

sont d'emblée compatibles avec l'"appréciatif" ce n'est pas tant

qu'ils aient un sens positif que parce qu'ils autorisent plus

facilement que d'autres la délimitation subjective de la classe

d'occurrences dont nous avons parlé au § 1.2.1.1, en particulier

au point B.2. Nous y reviendrons, de manière approfondie, au

chapitre II en comparant les fonctionnements de l"appréciatif" et

de l'"intensif". Aussi n'irons nous pas plus loin ici sur ce

Page 54: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

53

sujet. Nous donnerons simplement un exemple où l'on voit comment

la délimitation préalable de p,p' permet, pour un procès qui a

priori n'était pas vraiment compatible avec l'"appréciatif",

d'obtenir aisément cette valeur.

(Le contexte est celui de la remise d'une rançon à un malfaiteur

nommé Gly).

"Eh bien, messieurs, dit Gly, je crois que je vais vous

quitter."

Sarveux fit signe à Finn. Le commissaire de la Police montée

posa deux grandes valises sur l'établi et les ouvrit.

"Trente millions de dollars canadiens, en billets bien

usagés, dit-il impassible".

Gly tira de sa poche une loupe de joaillier et examina

quelques billets au hasard. Au bout de dix minutes, il

rempocha la loupe et ferma les valises.

"Vous ne plaisantiez pas, en disant "bien usagés". La

plupart de ces billets le sont tellement qu'on peut à peine

lire les chiffres.

"Vos instructions, répliqua sèchement Finn. Ca n'a pas été

simple d'en rassembler un tel nombre en si peu de temps."

(L'incroyablesecret. , Clive Cussler, Le livre de Poche

(Grasset), 1983, p393)

Nous avons retenu cet exemple car il met en jeu un changement de

catégorie du procès "usager". Avec un tel procès on s'attendrait

plutôt à un "intensif": "Ils sont bien (très) usagés, ces

billets!", mais dans l'exemple, le malfaiteur a demandé à ce que

les billets soient usagés. Cette demande est à l'origine de la

délimitation subjective de p,p' pour constituer une valeur p qui

est le 'être vraiment usagé' par opposition à son complémentaire

p' ('être plus ou moins usagé').

Le contexte notionnel est donc important mais il ne peut pas

Page 55: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

54

jouer relativement aux valeurs de bien un rôle discriminant (nous

reviendrons sur le sens de ce terme au chapitre II, voir la note

2 du C.II).

1.2.1.4. Bien et l'"appréciatif"

Notre propos distinguait deux étapes:

1) La construction d'une occurrence pi localisée mais

qualitativement instable par rapport à un terme de référence p

d'origine subjective.

2) La résolution de cette instabilité par l'identification de pi

à p après parcours des différentes occurrences possibles sur

p,p'.

Ce découpage, simplificateur, délimite la part de ce qui

revient au contexte (en 1) et la part de ce qui revient au

marqueur (en 2). Nous proposons de le reformuler ainsi:

EtantdonnéuneoccurrencepideP.

Etantdonnélecouplepondérédevaleursp,p'deP. ("pondéré"

signifie que p est le terme de référence)

"Bien"estlatracededeuxopérations:

le"parcours"desdifférentesoccurrencesdep,p'etl'"identificati

on"depiàp.

Notre caractérisation, assez générale, s'adapte à l'ensemble

Page 56: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

55

des valeurs de bien. On pouvait s'y attendre, nous avons retrouvé

(à peu de choses près) non seulement la caractérisation proposée

par A. Culioli (1978) (12) mais aussi celle de D. Duprey (1979).

Mais elle ne rend nullement compte de l'"appréciatif" pas

plus que qu'elle ne rendrait compte d'autres valeurs. Pour ce

faire, il faut dégager les caractéristiques des contextes dans

lequelsbien était inséré et que laissent dans l'ombre les

"attendus" de notre caractérisation.

A. Deux critères pour distinguer l'"appréciatif".

Le rappel de la comparaison faite avec l'"intensif" d'une

part (§ A.1.) et le "confirmatif" d'autre part (§ A.2.) va nous

permettre de les mettre en évidence. La validité des critères que

nous allons dégager ne sera véritablement établie qu'après

l'analyse des autres valeurs, mais dans un souci de clarté nous

préférons les souligner dès à présent dans notre étude.

Nous avons comparé l'"intensif" et l'"appréciatif". On se

rappelle qu'avec l'"appréciatif", la valeur spécifiée était aussi

une valeur "attendue" contrairement à l'"intensif" qui

s'inscrivait dans un contexte de surprise. Aussi lorsque nous

écrivons que p apparaît comme "un terme de référence

préconstruit" cela est valable pour l'"appréciatif" et ne

s'adapte pas à l'"intensif". Ce premier critère (noté C.1)

distingue l'"appréciatif" de l'"intensif" (ainsi que d'autres

Page 57: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

56

valeurs). Nous le formulerons ainsi:

C.1. Le terme de référence est préconstruit.

On trouvera sans peine de nombreux exemples qui illustrent

l'importance de ce critère pour l'"appréciatif". Tout ce qui

tourne autour de l'idée de "norme" (par exemple, les assez bien,

bien, très bien de l'école) doit évidemment y être associé.

Si on compare l'"appréciatif" au "confirmatif" pour un

exemple comme "Il est bien ridé", on constate que dans un cas on

s'intéresse à la quantité de rides, ou à la manière d'être ridé

(cf le contexte (1a) du maquillage) tandis que dans l'autre (le

"confirmatif") on vérifie que le sujet est effectivement ridé (ou

pas). Dans le cas de l'"appréciatif", il s'agit d'altérité

"faible". Nous avons dit que p' renvoyait à 'être plus ou moins

ridé' (la Frontière en termes de domaine notionnel) tandis que p

renvoyait à 'être vraiment ridé' (l'Intérieur en termes de

domaine notionnel). Avec l'"appréciatif", les occurrences

parcourues sont des occurrences qui vérifient toutes d'une

manière ou d'une autre la propriété fondatrice de la classe. Il

s'agit de notre deuxième critère pour l'"appréciatif":

C.2. L'altérité est de type I/F.

Un critère que ne saurait vérifier le "confirmatif". Quand je dis

"En effet, vous avez raison, il est bien "ridé", ce n'est pas une

Page 58: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

57

maladie de peau", ce qui a été parcouru, p,p', n'est pas du même

ordre. On a une forme d'altérité "forte": p <être ridé> vs p' <ne

pas être ridé>.

Ces critères nous permettent de distinguer l'"appréciatif"

des autres valeurs de bien, mais il nous manque encore une

définition "en plein" de la valeur. Pour la donner nous allons

étudier les propriétés de l'"appréciatif" qui sont liées à

l'existence de ces deux critères.

B. Deux propriétés pour définir l'"appréciatif".

1. L'"appréciatif" est une valeur de "conformité".

La première propriété est liée au mode de construction du

terme de référence. Dans la relation pi--p, nous avons affaire à

deux occurrences dont les instances d'origine sont différentes.

pi fait l'objet d'un ancrage temporel tandis que p est relève

d'une instance strictement subjective. Ces deux instances peuvent

fonctionner indépendamment l'une de l'autre mais avec bien elles

sont articulées. J-J. Franckel (1987, p71) (13) a montré que ces

deux instances sont susceptibles de formes complexes

d'articulation". L'une d'entre elles est particulièrement

intéressante pour nous. Il s'agit du cas où l'occurrence

d'origine subjective est "construite comme validable

antérieurement à sa localisation effective" (p77). Dans ce cas,

on peut parler de conformité entre les deux constructions.

Page 59: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

58

Ceci se traduit sémantiquement de manière tout à fait nette

dans un exemple comme:

(...) l'individu s'essaie à contrôler l'exactitude de

ses évocations auditives en développant une réitération

verbo-motrice. N'étant pas sûr d'avoir bien enregistré

le dit, le sujet est porté à se réexprimer à lui-même

ce qu'il vient d'entendre. (A. De La Garanderie,

Lesprofilspédagogiques, Le Centurion éd, p 90)

Ou encore dans les exemples de "déontique" (voir au § 1.3) qui

sont à cet égard très significatifs, en voici un parmi d'autres:

Vous savez, l'acteur est un accessoire au bout de la

chaîne de tous les métiers du cinéma. Quand on a un

grand rôle dans une grande production avec de grands

techniciens, la moindre des choses c'est d'être bien.

Ce n'est pas une question de talent: ça ne peut pas

être autrement. (Télérama, n°2076, 25/10/89, p 31,

"Entretien avec J-F Balmer")

2. L'"appréciatif" est une valeur de "valuation".

Nous emprunterons à nouveau à A. Culioli (1989, p187)

l'essentiel de notre argumentation. A. Culioli écrit qu'on peut

considérer qu'il existe "une opération primitive de négation"

Cette opération peut prendre deux formes selon qu'il s'agit

"d'une représentation spécifique de ce qui est mauvais,

défavorable ou inadéquat (donc à rejeter), ou de ce qui comporte

un vide un hiatus, une absence." On a donc deux types d'altérité.

"En d'autres termes, on a d'un côté une opération par laquelle on

Page 60: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

59

signifie qu'un état de chose n'est pas bon (pour nous 'est bon')

de l'autre une opération par laquelle on signifie qu'on a

absence, vide, ou de façon plus large hiatus (discontinuité)". On

voit que le premier type correspond à une altérité de type I/F.

"Dans le premier cas, on renvoie à une valuation subjective, dans

le second cas, on renvoie à un mode d'existence (occurrence

localisée / pas d'occurrence pour une localisation donnée.(...)".

Cette distinction sera pour nous essentielle. On se souvient que

le "confirmatif" marque la validation d'une relation sur la base

d'une altérité différente de l'"appréciatif". Ainsi quand je dis:

"Tu vois, j'avais raison, il est bien là, il nous attendait". Je

ne dis pas qu'il est agréablement installé ("valuation") mais

qu'il est effectivement là.

On peut donc développer le critère deux ("L'altérité est de

type I/F") en disant que l'"appréciatif" est une valeur de

"valuation".

A titre d'illustration nous allons étudier quelques exemples

de la suite "être + bien".

1.3. Un exemple d'"appréciatif": "être + bien"

La suite "être + bien" peut paraître hétérogène relativement

à ce qui a déjà été fait qui portait sur des suites du type "bien

+ participe passé". Inséré dans la suite "être + bien", bien

Page 61: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

60

commute avec des adjectifs. On dit "Il est bien" comme "Il est

gentil", "Il est poli" ou "Il est sympathique" ou encore "Il est

égoïste". Doit-on penser qu'il existe, à côté de l'adverbe, un

bien adjectif dans lequel bien prendrait son sens "plein" qui

apparaîtrait vraiment dans ces emplois? Ou s'agit-il de

spécifications locales de l'"appréciatif", et dans ce cas qu'est-

ce que cela signifie? Pour le savoir nous allons tenter de

définir les valeurs de bien dans cette suite selon des critères

déjà utilisés.

1.3.1. Critères sémantiques

On trouvera essentiellement deux types d'énoncés:

-le "déontique", (comme l'écrit D. Duprey, 1979, p262) pour des

exemples comme:

Il est bien, ce type, je crois que tu peux lui faire

confiance.

-le "bien-être", pour des exemples comme:

Ah! On est bien là, c'est quoi ce fauteuil?

Pour le "déontique" nous proposons la glose "comme il faut"

et pour le "bien-être" nous proposons la glose "comme il

voudrait". Une fois posée cette différence d'ordre sémantique on

Page 62: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

61

peut observer que ce n'est pas cette ambiguïté qu'a retenue la

classification grammaticale.

1.3.2. Critères grammaticaux

Grammaticalement, le problème est celui de la nature de

bien. Certains auteurs préfèrent dire que bien reste un adverbe

mais qu'il "est employé adjectivement". C'est le cas de J.

Girodet (p108), de J-C. Chevalier et alii( §613, p422) et aussi

de M. Grevisse (§833, p877). P. Robert lui (p181), considère

qu'il s'agit alors d'un "adjectif invariable". Pour notre part

nous pensons que même dans les emplois "adjectivaux", bien reste

un adverbe. Nous essaierons de montrer que c'est à cette seule

condition qu'on peut expliquer l'existence des deux valeurs liées

à cet emploi où bien est d'ailleurs toujours invariable. A

l'appui de cette hypothèse nous apporterons d'abord des arguments

d'ordre syntaxique.

1.3.3. Critères syntaxiques

Ne pas tenir compte de cette hypothèse reviendrait à nier

les différences entre le "déontique" et le "bien être" et la

confusion entre les deux valeurs masquerait les régularités

suivantes:

-Le "déontique" se trouve plutôt à la troisième personne:

Page 63: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

62

+ Il est bien ce type.

? Je suis bien.

-Le "bien être" se trouve plutôt à la première personne:

+ Là, je suis bien, il peut commencer.

? Là, tu es bien, il peut commencer.

-Dans le cas du "bien-être" on ne peut pas prédiquer la propriété

'être bien' comme s'il s'agissait d'une propriété caractéristique

du sujet. On ne peut pas dire "Je suis bien" au même titre que

"Je suis brun". Ou alors si on accepte l'énoncé (et le manque de

modestie du locuteur) il s'agit d'un "déontique".

-Dans le "déontique" on associe généralement la troisième

personne à une propriété prédiquée hors d'une localisation

temporelle déterminée. Dans le "bien-être", on associerait plutôt

la première personne à une propriété localisée temporellement.

A côté de ces différences, les deux valeurs donnent les

mêmes résultats aux tests qu'on a pu associer à l'"appréciatif":

"déontique", on a sans difficultés:

la négation: "Il n'est pas bien, ne l'engagez pas"

la question: "Il est bien ou non?"

la commutation avec "très bien": "Il est très bien, engagez-le"

"bien-être", on a aussi:

la négation: "Je ne suis pas bien là"

la question: "Vous êtes bien, on peut commencer?"

la commutation avec "très bien": " Là, je suis très bien, on peut

Page 64: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

63

commencer".

Que faut-il conclure? Notre hypothèse, est que le

"déontique" et le "bien-être" sont deux spécifications locales de

l'"appréciatif". Nous allons tenter de l'étayer en comparant

quelques exemples de ces deux valeurs.

1.3.4. Caractérisation des deux valeurs

Soit l'exemple suivant:

QUICK (les "fast-food") est cruel, même avec son élite.

L'homme que Suker (le mauvais nouveau patron) a

remplacé fut remercié parce qu'il était "bien" disent

les équipiers qui ont connu son époque. Ils ont du mal

à définir ce "bien": "juste" parce que "neutre",

"d'humeur égale". Ils cherchent encore et s'accordent:

"le contraire du nouveau boss". (B. Grosjean in

L'événementdujeudi, n°259, du 19/10/89, p106)

-"il est bien" peut s'interpréter: "il dirige bien, il parle

bien, il paye bien, il conseille bien etc ...". Notre difficulté

est liée à la structure syntaxique "être + bien".

Pourrendrecomptedel'existencedecetteinterprétationnousdevonsécrir

ecettestructure: "être+bien+(Y)",(Y)étantl'image (14)

detouslestermesquipeuventinstanciercetteplace.

On peut dire que "quelle que soit" la valeur envisagée (opération

de parcours sur une classe) la relation sera validée "comme" on

peut attendre qu'elle le soit (opération d'identification). Il

Page 65: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

64

faut souligner que le terme de référence se définira toujours

comme un "êtrecommeilfautêtre" en raison de sa nature "d'image"

d'une classe de valeurs. Il s'agit donc d'un terme préconstruit

(critère C.1).

Voyons maintenant un exemple de "bien-être":

Là, je suis bien, il peut commencer.

-"je suis bien" peut s'interpréter: "je me trouve bien comme je

suis, ,je suis bien assis, je me sens bien dans ce fauteuil, je

suis bien là, je suis bien à t'écouter etc...". Tous les

prédicats ne sont pas envisageables, il est impératif qu'il

s'agisse d'un procès spécifiable (possible) dans la relation <je

/ être ( )> telle qu'elle est repérée en Sito. Autrement dit

ilfautqueleprocèscorrespondeàlasituationdanslaquellesetrouvel'éno

nciateur (auquel renvoie je). Ce procès pi est évalué par rapport

à un terme de référence préconstruit qu'on peut gloser comme

étant "cequeSosouhaitequesoitpenSito". On peut le vérifier aux

contraintes qui pèsent sur les exemples suivants:

+ Là, je suis bien tu peux commencer.

? Je suis bien, tu peux commencer.

+ Ah! On est bien chez toi, dis donc!

? On est bien tous les jours, depuis une semaine.

? C'est un homme qui est bien.

+ Aucun doute, le corps est détendu, la position

n'est pas rigide, c'est un homme qui est bien.

Page 66: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

65

Dans les deux cas le calcul est fait relativement à un terme

de référence déjà construit (premier critère) et il s'agit de

valeurs de valuation (deuxième critère), il s'agit donc bien

d'"appréciatif" mais qu'est-ce qui les différencie?

La variation sur la nature du terme (classe de procès ou

procès spécifiable) sur lequel porte la détermination n'est

possible qu'à une seule condition: qu'il s'agisse d'une place

vide. Alors deux possibilités et seulement deux sont ouvertes:

-"déontique": on envisage la classe des procès pouvant instancier

la place.

-"bien-être": on envisage le procès (spécifiable) localisé en to

comme instanciant cette place.

Toute autre possibilité suppose une spécification effective du

procès qui nous ferait retomber dans le cas d'un "appréciatif"

ordinaire.

L'existencemêmededeuxvaleurs (telles que nous venons de les

décrire)

aulieud'uneseuleestl'indicationtangibleque"bien"doitêtreencoreici

considérécommeunadverbe; avec un adjectif ce type d'ambiguïté est

peu plausible.

Nous avons mis en évidence l'importance de la nature du

procès qui doit instancier la place (Y) (classe de procès vs

Page 67: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

66

procès spécifiable). C'est le critère essentiel de différen-

ciation. Le second met en jeu le sujet de l'énoncé, nous allons

voir qu'il s'agit en fait d'une conséquence du premier.

La relation S1 (sujet de l'énoncé) / So (énonciateur)

distingue clairement le "déontique" du "bien-être". Quand S1 est

différent de So on a le "déontique", mais quand S1 renvoie à So

on a le "bien-être". Ainsi:

Ah! je suis bien là! Tu peux commencer.

Dans le cas du "bien-être" pour que So puisse trancher le rapport

entre le terme de référence et l'occurrence localisée sur le plan

factuel, il est indispensable que S1 = So puisque S1 est le seul

repère à partir duquel on puisse connaître la valeur de (Y). Si,

a contrario, on voulait attribuer aux propriétés primitives de

bien l'origine de cette valeur, il faudrait expliquer pourquoi ce

type d'interprétation n'apparaît pas ailleurs, et cela semble

impossible. La question complémentaire est: "Pourquoi ne

retrouve-t-on pas le même effet de sens avec le "déontique"

puisque, malgré tout, la structure syntaxique est la même?

Avec le "déontique", le sujet de relation est normalement à

la troisième personne: "Il est bien, lui, tu peux l'engager". A

la première personne, soit l'énoncé est bizarre ("Je suis bien"),

soit on a établit contextuellement une forme d'altérité entre So

et S1 (à la première personne) de telle sorte que l'énoncé est

Page 68: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

67

acceptable:

Je serai bien, ne vous en faites pas.

Là, je suis bien, mais alors sur cette photo!

J'étais bien, autrefois...

Si So est dans une relation d'identification stricte avec S1 (cas

de l'énoncé bizarre "Je suis bien"), il ne peut se prononcer que

sur To, or le "déontique" suppose qu'on envisage tout Sit, il est

donc nécessaire que So se différencie de S1 pour pouvoir valider

la relation pour tout Sit.

Pour spécifier ce qu'ont de caractéristique ces deux formes

d'"appréciatif (15) nous écrirons:

"déontique": S1 # So et (Y) est une classe de procès.

"bien-être": S1 = So et (Y) est un procès spécifiable.

tout en sachant qu'elles vérifient les critères généraux de

construction de la valeur .

En résumé

L'"appréciatif" est une valeur de bien qu'on peut

caractériser à partir des critères suivants:

C.1. Le terme de référence est préconstruit.

C.2. L'altérité est du type I/F.

Page 69: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

68

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69

NOTES DU CHAPITRE I

(1): J. GIRODET., (1981), Piègesetdifficultésdelalanguefrançaise,

Bordas, éd de 1986, 896p.

(2): P. DUPRE., (1972),

Encyclopédiedubonfrançaisdansl'usagecontemporain, 3vol, Ed de

Trévise, T1, 890p.

(3): A propos d'exemples comme "Balzac écrit bien" ou encore "Il

a bien réussi (son examen)", Denis Slakta, dans LeMonde du

2/2/90, écrit "qu'il n'est pas douteux (...) qu'il s'agisse d'un

adverbe de manière". voir "La vie du langage: 'L'horrible bien'",

in LeMonde, n°14002, p30.

(4): J-Cl. CHEVALIER et alii, (1964),

GrammaireLaroussedufrançaiscontemporain, Larousse éd, 495p.

(5): Un énoncé n'est pas "acceptable" ou "peu acceptable" de

manière absolue mais relativement à un autre énoncé auquel on le

compare pour un contexte donné. Pour noter leur acceptabilité

relative nous utilisons les symboles suivants:

? -L'énoncé paraît peu naturel dans le contexte où il se trouve

(pour une valeur donnée de bien). Il existe un autre

contexte dans lequel il serait acceptable.

+ -L'énoncé paraît plus naturel que l'énoncé auquel on le

compare et qui est doté d'un "?".

* -L'énoncé nous paraît inacceptable quel que soit le contexte.

(6): Les "exemples-types" sont les exemples qui servent de base à

notre démonstration. En général nous leur attribuons un numéro

qu'ils conservent tout au long du chapitre où ils sont utilisés.

Les exemples qui sont utilisés ponctuellement ou bien qui sont

donnés à titre d'illustration ne sont généralement pas numérotés

mais désignés par des lettres.

(7): A. CULIOLI., (1989), "La négation: marqueurs et opérations",

in Lanotiondeprédicat, collection ERA 642, Université de Paris

VII, pp 185-206.

(8): Le développement consacré à la structuration de la classe

d'occurrences peut être décrit en termes de "domaine notionnel".

Nous ne l'avons que modérément exploité pour ne pas alourdir une

description déjà pesante mais voici brièvement ce qui pouvait

être dit, dont nous empruntons l'essentiel à A. Culioli (1989):

Page 71: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

70

"On construit ainsi un agrégat d'occurrences, qui sont iden-

tifiées à un type, centre organisateur du domaine notionnel par

rapport auquel le sujet établit cette indiscernabilité des

occurrences. Ainsi par voisinage, toute occurrence est identifia-

ble à toute autre occurrence, ce qui assure cette équivalence

minimale sans laquelle il ne pourrait y avoir production-

reconnaissance de formes" (p 189). A priori le domaine se

présente comme un ouvert. Ce qui correspond à un stade où les

occurrences sont individuables (Qnt) mais non-distinguables sur

le plan qualitatif. Le domaine se présente comme faiblement

hétérogène, il n'a fait l'objet d'aucune opération de

détermination.

Ensuite, situer une occurrence pi sur le domaine suppose une

structuration du domaine en zones. On construira le domaine de la

propriété P qui contient "toutes les occurrences jusqu'à la der-

nière imaginaire qui quelles que soient les altérations, sont

identifiables par la conservation de la propriété constitutive du

domaine" (p 191). Sur ce domaine on construira deux zones l'Inté-

rieur et la Frontière. La Frontière est une "zone de diffé-

renciation", elle contient toutes les occurrences, dès la

première (imaginaire), dont on peut dire qu'elles manifestent une

altération, même infime, de la propriété constitutive du

domaine". C'est la zone de ce qui est "plus ou moins p".

L'Intérieur du domaine, est la zone de ce qui est "vraiment p"

pour moi.

La mise en place de ces deux zones I/F correspond à ce que

nous avons appelé une "construction subjective préalable". Une

occurrence instable sur le plan qualitatif est une occurrence

qu'on ne peut pas situer sur le domaine, on hésite entre I et F

(voire entre I/F et E "l'Extérieur qui est vide la propriété

constitutive, soit par altérité radicale, soit par inexistence"

(p 191).

(9): La primauté de la construction subjective de p a pour

conséquence l'instabilité qualitative de toute occurrence pi de

P. Or "tout terme entrant dans (une) relation doit être

nécessairement situé", voir A. CULIOLI., (1987), p10, "Formes

schématiques et domaine" in Bulag, n°13, Université de Besançon,

pp 7-15.

(10): A. CULIOLI., (1975), "Notes sur 'détermination' et

'quantification': définition des opérations d''extraction' et de

'fléchage'", in

Projetinterdisciplinairedetraitementformeletautomatiquedulangage,

Université de Paris VII, 14p.

(11): L'opération de parcours est difficile à mettre en évidence

Page 72: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

71

autrement qu'indirectement, elle a cependant des correspondances

pragmatiques et sémantiques tout à fait sensibles. Ainsi D.

Slakta (1990, p30) dans un article où il cite A. Culioli (1978)

n'hésite pas établir le parallèle suivant: "On utilisera

plusieurs exemples, (...) et le concept de parcours: un locuteur

peut en effet construire une classe de valeurs, les parcourir et

sélectionner une des valeurs comme appropriée. D'emblée, on

mettra en place un premier ensemble que la tradition grammaticale

n'a pas entièrement méconnu. Hypothèse d'école: si un critique

d'antan avance: "Balzac écrit bien", c'est qu'il a d'abord repéré

une classe d'évaluation qui se développe de très bien à très mal

en passant par bien, médiocrement et mal. Il parcourt cet

ensemble d'où découle la sélection d'un degré: "Balzac écrit

bien". (...) Dans tous les cas, l'évaluation ne vise pas un

instant la quantité mais la qualité." (voir note 3).

A titre d'illustration nous voudrions donner l'exemple d'une

phrase entendue à la radio (France-Inter, le 16/09/89) au cours

de l'interview d'un célèbre metteur en scène d'opéras: "Oui, je

gagne beaucoup d'argent, enfin, beaucoup, non mais je peux dire

qu'avec mon métier je gagne bien ma vie". Nous avions été frappés

par la mise en évidence contextuelle de l'indétermination de la

relation <moi / gagner de l'argent> à travers les hésitations du

locuteur.

(12): Les différences qu'on a pu relever entre notre ca-

ractérisation et celle proposée par A. Culioli (1978) seront

analysées au chapitre V au moment où nous abordons les exemples

(type: "On achève bien les chevaux") qui servent de point de

départ à la caractérisation d'A. Culioli.

(13): J-J. FRANCKEL., (1989),

Etudedequelquesmarqueursaspectuelsdufrançais, Droz éd, 472p.

(14): Nous employons "image", avec le sens que lui attribue A.

Culioli (1974) qui réserve ce terme au "représentant dans

l'énoncé d'une classe de valeurs imaginaires" par exemple Qui

dans "Qui a ouvert la fenêtre?", "A propos des exclamatifs", p9,

in Languefrançaise, 22, Larousse éd.

(15): Le "déontique" et le "bien-être" vérifient les critères de

l'"appréciatif". Ce sont des spécifications locales de

l'"appréciatif" et nous en avons donné les caractéristiques

(relation S1--So et nature du procès) qui tiennent toutes deux à

la structure syntaxique particulière de la suite "être + bien".

On peut concevoir une troisième valeur ainsi définie: S1 #

So et (Y) est un procès spécifiable. Cette valeur existe. Elle

apparaît lorsque (Y) fait l'objet d'une détermination

Page 73: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

72

contextuelle, comme dans: "Il est bien en cour". Les

dictionnaires de même que M. Grevisse (§834, p877) ne manquent

pas de citer quelques exemples de ce type comme: "Il est bien

auprès de ses chefs".

Dans ces énoncés le terme qui instancie la place (Y) fait

l'objet d'une détermination dans l'énoncé: "(en) cour" ou

"(pour) ses chefs". Du coup, même si on envisage une classe de

valeurs celle-ci fait l'objet de la détermination en question et

on perd la connotation morale propre au "déontique" ('être

homogène en tout Sit'). Nous attribuerons à cette troisième

valeur des énoncés ayant une connotation ironique comme: "Il est

bien lui!".

La détermination n'étant alors interprétable qu'en contexte.

Page 74: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

73

CHAPITRE II

L'"INTENSIF"

Nous avons déjà évoqué l'"intensif" au chapitre

précédent. Nous essaierons d'abord de l'identifier avant d'en

donner une caractérisation. Nous aborderons ensuite la question

du caractère (éventuellement) "détrimental" de cette valeur; nous

voulons parler des connotations négatives qui peuvent

l'accompagner.

2.1. Identification de la valeur

Dans cette section, nous allons voir ce qui différencie et

ce qui rapproche l'"intensif" de l'"appréciatif" selon des

critères sémantiques, grammaticaux et syntaxiques.

2.1.1. Critères sémantiques

L'"intensif" ne peut pas être glosé par "d'une manière

satisfaisante". Ainsi dans l'exemple qui servira d'exemple-type

pour notre analyse:

Page 75: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

74

Il est bien ridé, cet homme!

En revanche, il peut être glosé par "très", voire "trop", comme

dans les exemples suivants:

Ce pays est bien arriéré, je ne sais pas si notre

mission aura beaucoup de résultats.

Bernanos est bien surfait.

Tout cela est bien morcelé, que voulez-vous que nous

fassions?

Ils sont de notre cru car les dictionnaires ne proposent pas

d'exemples de cette suite syntaxique. Pour en trouver dans les

dictionnaires il faut prendre en compte la suite "bien +

adjectif". E. Littré (éd de 1963, p1011) donne "Une lettre bien

longue", "Encore bien jeune", "Je suis bien malheureux"; on

trouvera aussi "C'est bien simple", "Je suis bien aise" donnés

par P.Robert (éd de 1966, p468).

Ces exemples de la suite "bien + adjectif" sont glosables

par "très". Le rapprochement entre adjectifs et participes passés

est donc sémantiquement justifié par la permanence de la glose

"très" que l'on peut associer à bien dans les deux types

d'exemples. Nous ne sommes évidemment pas les premiers à

l'effectuer. A cet égard on peut citer P. Robert qui donne un

exemple de participe passé "bien avancé" au milieu d'une série

d'adjectifs. Plus récemment D. Slakta (1990) donne "bien fatigué"

à côté de "bien content" et en général, les grammairiens se

Page 76: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

75

rangent à cet avis.

2.1.2. Critères grammaticaux

Les grammairiens s'accordent pour considérer que bien est un

"adverbe d'intensité" lorsqu'il est suivi d'un adjectif ou

parfois d'un participe passé. Mais la terminologie n'est pas

stabilisée, M. Grevisse considère que l'"intensité" est une

variante de la "quantité" qu'il oppose à la "manière". En

revanche R.L. Wagner et J. Pinchon considèrent qu'il s'agit de

trois classes de statut équivalent. Ces derniers s'appuient sur

des critères syntaxiques:

1) bien est "adverbe de quantité" dans la suite "bien + nom"

(§489, p412), comme dans: "Il a bien de la patience!", ou encore

"J'ai déjà lu bien des livres mais jamais d'aussi stupide".

2) bien est "adverbe d'intensité" dans la suite "bien +

adjectif", ou "bien + adverbe" (ou certains emplois de la suite

"bien + verbe", §490, p413) comme dans "Vous êtes bien bon!", "Il

est bien trop tôt pour se lever!" ou encore "Il est bien ridé,

cet homme!".

3) bien est "adverbe de manière" dans certains emplois de la

suite "bien + verbe" (§491, p416) comme "Aller bien".

Nous nous rangerons à leur avis en distinguant nettement la

suite "bien + nom" que nous étudierons au chapitre III. La

question sera alors de savoir si bien a les mêmes valeurs que

Page 77: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

76

dans la suite "bien + verbe" à laquelle nous allons d'abord nous

intéresser (1).

2.1.3. Critères syntaxiques

Nous avons déjà évoqué les résultats négatifs de

l'"intensif" aux tests syntaxiques de la question et de la

négation. On acceptera moins bien:

? Est-ce qu'il est bien ridé?

? Il n'est pas bien ridé, dis-donc!

que:

+ Est-ce que c'est bien dessiné?

+ Ce n'est pas bien orthographié.

En revanche bien commute toujours avec très mais pas avec très

bien quand il s'agit d'un "intensif", et inversement quand il

s'agit d'un "appréciatif":

à partir de la valeur d'"intensif" on acceptera plus facilement:

+ Bernanos est très surfait.

+ Il est très ridé, cet homme!

que:

* Bernanos est très bien surfait.

? Il est très bien ridé, cet homme!

inversement à partir de la valeur d'"appréciatif" on acceptera

plus facilement:

+ Ce devoir est très bien orthographié.

que:

Page 78: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

77

? Ce devoir est très orthographié.

Que nous apprennent ces tests? Avec l'"intensif", on n'est

pas en mesure de distinguer différentes occurrences

(qualitativement différenciées) de la propriété considérée. Par

contre on est à même de distinguer différents degrés de cette

propriété. L'exemple-type ("Il est bien ridé, cet homme!") peut

s'interpréter comme:

-un "intensif": en contexte de surprise, on ne considère qu'une

seule occurrence et pour cette occurrence on envisage différents

degrés de la propriété.

-un "appréciatif": en contexte de comparaison (cf le contexte du

maquillage de l'acteur) on considère plusieurs occurrences de la

propriété.

Comme on le voit, les tests ne sont pas directement

pertinents, il est nécessaire pour trancher (distinguer

l'"intensif" de l'"appréciatif") de revenir aux contextes. En

quoi peuvent-ils être déterminants? (2).

2.2. Caractérisation de la valeur

Revenons à l'exemple "Il est bien ridé, cet homme". Le

locuteur est surpris; la syntaxe est un indice certain, le terme

sujet est renvoyé à la fin de l'énoncé. Si on déplace le sujet:

Page 79: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

78

"Cet homme est bien ridé" l'énoncé paraît moins naturel parce que

c'est un ordre qui suppose plutôt l'assertion que la surprise. On

vérifie cela sur un tout autre exemple:

Cette maison est belle.

n'implique pas forcément la surprise, en revanche:..

Elle est belle, cette maison.

s'interprétera plutôt comme une exclamation.

Ceci est confirmé par A. Culioli (1981, p70), il montre que "si

l'on prend l'exemple:

Il est gentil, ton chien!

il est perçu en français comme un exclamatif (...mais que) Si

l'on permute les termes:

Ton chien, il est gentil.

on perd la valeur exclamative". Comment doit-on interpréter ces

variations?

2.2.1. La valeur d'"intensif"

Ces variations peuvent être ramenées à un changement

d'organisation thématique de l'énoncé. Pour simplifier

considérons que la relation sera toujours du type <a / rb>. Dans

les exemples qui nous occupent, le choix du terme thématisé donne

lieu à trois possibilités:

1) "a" est le terme thématisé: "Ton chien, il est gentil".

2) "rb" est le terme thématisé: "Qui est-ce qui est gentil? Ton

chien, il est gentil".

Page 80: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

79

3) Il n'y a pas de terme thématisé la relation <a/rb> est repérée

en bloc par rapport au repère situationnel: "Il est gentil, ton

chien"!

L'"appréciatif" correspond au cas 1).

L'"intensif" correspond au cas 3).

Ce mode d'organisation de l'énoncé (cas 3) permet

d'expliquer pourquoi la surprise est le contexte privilégié

d'apparition de l'"intensif". Revenons à l'étude de l'exemple-

type: "Il est bien ridé, cet homme!".

2.2.1.1. Primauté de la construction temporelle

A. Construction d'une occurrence pi de P.

1) L'énonciateur n'a pas d'attente particulière en ce qui

concerne le vieillissement ou pour quoi que ce soit d'autre,

d'ailleurs. Il constate qu'une relation <lui / être ridé> est

vérifiée indépendamment de toute attente ou de tout calcul de sa

part. Celas'imposeàlui. La relation <lui/ être ridé> est repérée

en bloc, indépendamment de toute prise en charge subjective, par

rapport au pôle temporel To.

Dansl'"intensif",la"nécessité"descontextesde"surprise"correspondà

laprimautédurepéragetemporeldel'occurrencepi (de 'être ridé')

parrapportàtouteconstructionsubjective.

Page 81: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

80

2)

Maisiln'yariensurleplansubjectifquipermetted'évaluercequiestconst

ruitsurleplantemporel.L'occurrencepiestdoncqualitative-

mentinstable. Les opérations dont bien est la trace (§B.1 et

§B.2) et que nous allons décrire débouchent sur l'ajustement de

ces deux plans à partir du plan temporel.

3)

L'énonciateurreconstruitaposteriorisurleplansubjectiflavaleurptel

lequ'elleestvérifiéesurleplantemporelparl'occurrencepi. Le

complémentaire p' de p se définit comme autre-que-p,

rétrospectivement il peut apparaître comme ce à quoi on pouvait

"normalement" s'attendre dans le contexte de l'énoncé. Le

complémentaire p' correspond à une zone qui est la Frontière du

domaine de P. Ce mouvement, déjà décrit par J-J Franckel (1986,

p53) (3) comme la "construction rétrospective du validable" est

tout à fait différent de celui qui consiste à délimiter p dans

l'"appréciatif". Ici p n'est que le transfert sur un autre plan

d'une valeur (pi) déjà construite indépendamment du sujet. p

apparaît comme une valeur délimitée "objectivement" contrairement

au statut de p dans l'"appréciatif".

B. Il s'agit d'une altérité par défaut.

1) Dansundeuxièmetemps,

l'énonciateurvacomparer(opérationdeparcours) pi avec p. Ce que

nous proposons de gloser ainsi: "Etant donné une occurrence

Page 82: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

81

localisée pi de P, je reconstruis cette valeur sur le plan

subjectif telle que je la perçois et je vérifie que je ne me

trompe pas" (4).

Cette opération peut paraître illogique, elle est pourtant

très "perceptible" dans des énoncés comme les suivants:

Je ne rêve pas!

Pince-moi!

Il s'en va! Mais c'est pas vrai!

Tu vois ce que je vois?

L'opération de parcours va consister à rechercher une éventuelle

différence entre pi et p. Le résultat est qu'en partant de pi on

n'arrive pas à stabiliser du p'. Il n'y a pas de différence (du

autre-que-p) entre pi et p. La relation pi--p est profondément

différente dans l'"appréciatif" et dans l'"intensif". Dans l'un,

il s'agissait de prendre en compte une altérité qui préexistait

par construction au parcours. Dans l'autre, c'est d'une altérité

supposée qu'il s'agit ("altérité par défaut").

2)

Etantdansl'impossibilitédestabiliserdup',onenconclutquefinalement

pi seramèneà p. L'identification à p fournit à pi le statut

qualitatif stabilisé qui lui faisait défaut. Et comme p a été

construit à partir de pi, il ne s'agit pas d'une appréciation

subjective mais d'un "constat".

Page 83: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

82

Cette description nous permet d'ores et déjà de distinguer

formellement l'"intensif" de l'"appréciatif".

2.2.1.2. Bien et l'"intensif"

Les valeurs p et p' correspondent à des zones dans les-

quelles on trouvera des degrés de "vraiment p" et des degrés de

"plus ou moins p". Il s'agit d'altérité faible. Sur ce point

l'"intensif" ne se distingue pas de l'"appréciatif". Il vérifie

comme lui le deuxième critère:

C.2. L'altérité est de type I/F.

La différence est ailleurs. Elle tient à la primauté de la

construction temporelle de pi par rapport à toute autre

construction subjective sur p,p'. Cette primauté a comme

conséquence que l'"intensif" ne vérifie pas le critère 1 ("Le

terme de référence est préconstruit"). Il est nécessaire pour

rendre compte de cette valeur de mettre en place un nouveau

critère (le troisième) que nous écrirons ainsi:

C.3. Le terme de référence est construit a posteriori.

Si on veut la définir "en plein" on peut toujours dire que

l'"intensif" (comme l'"appréciatif") est une valeur de

"valuation". C'est vrai parce qu'avec l'"intensif" la question de

la validation est déjà réglée et tout simplement parce qu'elle

Page 84: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

83

vérifie le deuxième critère. Mais l'"intensif" ne peut pas être

considéré comme une valeur de "conformité" puisque le terme de

référence n'est pas préconstruit. Il s'agit de décrire le

mouvement qui identifie pi à p. On sait qu'il n'y a pas de

différence entre ces deux termes (sinon par l'origine des plans

sur lesquels ils sont construits) et que la délimitation de p

n'est pas attribuable à So. L'identification est un "constat".

L'"intensif" est une valeur de "constat".

On nous dira que tout ceci distingue peut-être les deux

valeurs mais n'explique pas pourquoi l'"intensif" s'accompagne

souvent de connotations négatives (par exemple la glose "trop"

(5). Doit-on les rapporter au contexte notionnel, à certaines

catégories de procès, ou sont-elles inhérentes à la construction

même de la valeur?

2.3. Le "constat" et les connotations négatives

Ces connotations sont-elles liées à certains types de procès

toujours associés à l'"intensif"? On peut le penser quand on

considère les exemples suivants qui s'interprètent généralement

comme des "intensifs":

Il est bien guindé!

Bernanos est bien surfait!

Elle est bien cabossée, ta voiture!

Page 85: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

84

2.3.1. La question des catégories de procès

Quand on a la valeur d'"intensif", bien commute avec très.

Il nous suffit donc de regrouper les verbes compatibles avec cet

adverbe pour trouver ceux qui sont susceptibles de donner lieu à

l'"intensif"; on obtient une liste de verbes comme: "arriérer,

guinder, rajeunir, ramifier, peinturlurer, méconnaître,

morceler". Inversement on peut constituer une liste des verbes

compatibles avec très bien et donc susceptibles de donner lieu à

l'"appréciatif", des verbes comme "répliquer, indiquer, ranger,

sculpter, situer, remorquer, tricoter, illustrer, gouverner,

aménager, orthographier". On peut vérifier qu'on a l'une ou

l'autre des deux valeurs selon le verbe retenu:

"intensif": Il est bien guindé!

? Il est très bien guindé!

+ Il est très guindé!

"appréciatif": C'est bien orthographié.

+ C'est très bien orthographié.

? C'est très orthographié.

Le plus évident serait de classer l'ensemble des verbes en

fonction des contraintes ainsi repérées mais nous ne sommes pas

en mesure de le faire parce que, pour de nombreux verbes, comme

"organiser", les énoncés sont d'emblée acceptables, avec très

bien comme avec très.

Il est bien organisé.

Il est très bien organisé.

Page 86: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

85

Il est très organisé.

La compatibilité avec très ou avec bien (très bien) pour des

verbes comme "improviser" ou "rider" dépend nous l'avons vu, du

contexte. Alors faut-il revenir au contexte? Oui, mais nous

savons ce qui est pertinent (primauté de la construction T ou S).

Maintenant, il nous faut savoir comment cette variation

contextuelle peut se "traduire" pour un verbe donné par un

changement de "catégorie".

2.3.1.1. Deux formes de catégorisation des procès

Pour l'expliquer il nous faut revenir au concept de "domaine

notionnel" introduit par A. Culioli (1981) pour donner une

représentation topologique des diverses opérations pouvant porter

sur une classe d'occurrences (construction, délimitation). A

priori, les occurrences d'une propriété P sont ramenables à un

centre qui est àlafois une représentation typique de la propriété

fondatrice (centre organisateur ou Type) et le degré le plus

élevé possible de la propriété fondatrice (centre attracteur ou

Ca). On utilise le concept de "centre" généralement sans spéci-

fication supplémentaire. Nous voulons, pour le cas présent,

opérer le distinguo. Nous faisons l'hypothèse suivante: pour

avoir la valeur d'"appréciatif" il est nécessaire que le Type

soit privilégié (ce qui n'exclut pas la composante Ca) mais pour

avoir l'"intensif" il faut que le domaine soit organisé à partir

du Ca.

Page 87: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

86

A. Le domaine est organisé autour du Type.

Le centre organisateur constitue l'expression la plus

achevée, la plus parfaite de la propriété P. Elle forme le Type

le plus homogène de la propriété P. Antérieurement à toute

détermination la classe se présente comme faiblement hétérogène.

Les occurrences de P sont à la fois individuables et

identifiables les unes aux autres en tant qu'elles vérifient la

propriété P. On a vu que le "fonctionnement" de l"appréciatif"

repose sur une délimitation subjective préalable du domaine en

deux zones I et F. La zone I correspond à la valeur p, "le

vraiment p" qui est la valeur de référence du point de vue

subjectif. Or cette délimitation se fait par rapport au Type de

P. Revenons à notre exemple (contexte du maquillage d'un acteur):

étant donné la propriété 'être ridé' il existe un Type idéal et

inatteignable du 'être ridé' et à partir de ce Type le metteur en

scène est à même, compte tenu des contraintes du moment, de fixer

ce que lui attend comme 'être ridé' (pour nous la valeur p). Il

ne faut donc pas confondre la valeur p avec le Type qui a rendu

possible sa délimitation.

Le point essentiel est que la délimitation subjective du

domaine entraîne nécessairement l'organisation du domaine de P

autour du Type. Comment cela? Envisager et délimiter ce qu'est

une "bonne valeur" pour soi suppose qu'on puisse prendre comme

référence l'idéal (inatteignable) de cette valeur. Il y a un

Page 88: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

87

rapport direct entre la préconstruction du terme de référence

(C.1.) et l'organisation du domaine notionnel autour du Type dans

le cas de l'"appréciatif".

Venons-nous d'évacuer les problèmes de "catégories de

procès"? Non, nous nous sommes donné les moyens de les aborder.

Les termes dont le domaine notionnel est (a priori) organisé à

partir d'un Type se prêtent mieux que d'autres à une délimitation

I/F. Ce sont les termes "discrets".

NB: La catégorisation en termes "dense", "discret",

"compact") a été introduite, pour les substantifs, par A.

Culioli (1982) (6). (Il distingue trois catégories:) "d'un

côté, la catégorie qui possède la propriété du "discret" (on

peut dans ce cas individuer les occurrences, les désigner

sous une forme ordinale); d'un autre côté la catégorie du

"compact" (on a ici affaire à l'insécable, à du prédicatif

nominalisé, sur lequel on ne peut effectuer aucun

prélèvement); enfin il existe une catégorie composite, le

"dense", qui possède certaines propriétés du "compact", mais

où un prélèvement est possible par l'intermédiaire d'un

dénombreur". S. de Vogüé (1989) (7).a montré comment cette

catégorisation pouvait être étendue aux procès.

Selon S. de Vogüé (1989) les procès discrets (ex: "tomber",

"réparer), au contraire des procès compacts ou denses,

"fonctionnent" relativement à un "format-type" qui permet de

fonder ce qu'est une "vraie" occurrence de la propriété. Ce qui

signifie que lorsqu'on a affaire à un procès discret, le domaine

notionnel qui lui est associable est nécessairement organisé

autour d'un Type. D'où la compatibilité régulière des procès

discrets avec l"appréciatif".

Page 89: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

88

Avec les procès qui ne sont pas discrets et ne sont donc pas

pourvus de ce "format-type", on aura une réorganisation du

domaine pour que l'"appréciatif" soit acceptable. Soit un procès

comme "lire" qui a priori est dense (S. de Vogüé, p26), il peut

fournir un "appréciatif" tout à fait acceptable, par exemple en

contexte scolaire. Mais dans ce contexte, l'attente de

l'enseignant ( relative à la lecture en général et à celle de son

élève en particulier) est à l'origine de la réorganisation du

domaine autour du Type: "Là, c'était bien lu!...". Il y aura

évidemment des blocages, certains procès ne donneront jamais lieu

à un "appréciatif". Il est par exemple très difficile d'imaginer

un contexte dans lequel "Il est (très) bien surfait" serait

acceptable. La question sera alors de savoir pourquoi "surfaire"

ne supporte pas une organisation du domaine notionnel à partir

d'un Type (voir au § 2.3.1.2. C.).

B. Le domaine est organisé autour du centre attracteur.

Lorsque le domaine est organisé autour du Ca les occurrences

de la propriété s'ordonnent sur un gradient comme différents

degrés de la propriété. On a cela chaque fois que l'on utilise

l'adverbe très. Par exemple: "Le rugby est un sport très pratiqué

en Angleterre" ou "Cet homme est très déprimé". Cette

configuration permet l'"intensif" mais elle interdit

l'"appréciatif". Notre propos a pu laisser supposer qu'on

envisage plusieurs occurrences de la propriété. En réalité on ne

Page 90: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

89

considère ici qu'une seule occurrence (un seul ancrage

situationnel); la variation porte sur les différents degrés

possibles de la propriété pour cette occurrence; et la variation

se définit nécessairement sur un gradient, du degré le plus fort

possible (Ca) vers les degrés les plus faibles. La suite "être +

adjectif" en donne de bons exemples. Quand je dis "Il est très

grand", je n'envisage pas plusieurs "manières d'être grand"

(comme "grand homme", "grand pour son âge" etc) je n'envisage que

la taille du sujet et je compare différents degrés possibles de

taille pour décider qu'"Il est très grand". Revenons à notre

exemple, en contexte de surprise: "Il est bien ridé, cet homme!".

Encore une fois c'est la primauté d'un plan (T) par rapport à

l'autre (S) qui règle la question. Le plan factuel est premier

donc "Le terme de référence est reconstruit a posteriori" (C.3.)

à partir de l'occurrence localisée pi. p n'est que le transfert

de pi sur le plan subjectif. J'envisage une variation qualitative

(des degrés variés de 'être ridé') mais pour une seule occurrence

celle qui est à la base de l'"intensif".

Nous pouvons aborder la question des catégories de procès.

Les procès qui sont a priori compatibles avec l'"intensif" sont

ceux dont le domaine notionnel est d'emblée organisé autour du

Ca. Il s'agit des termes "compacts". Ils ont pour caractéristique

(définitoire) d'être insécables, ils se présentent comme des

propriétés. A propos des substantifs compacts A. Culioli (1982)

écrit qu'on a affaire à du "prédicatif nominalisé". S. de Vogüé

le confirme en donnant les précisions suivantes à propos des

Page 91: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

90

déterminants possibles des substantifs compacts (p9): les

quantifieurs avec lesquels ils sont compatibles comme: un peu,

beaucoup de, des tonnes de "s'interprètent essentiellement comme

des degrés d'intensité et surtout ils ne déterminent aucun format

(beaucoup n'est pas un format mais un degré)".

Et pour ceux qui ne sont pas des procès compacts, la

primauté du plan temporel entraînera automatiquement une

organisation du domaine notionnel autour du Ca.

Sur la question de la catégorie des procès, disons, si cela

est encore nécessaire, que les verbes ne se rangent pas de

manière permanente (mais seulement a priori) dans l'une ou

l'autre des catégories ainsi définies. Il faut toujours envisager

la catégorie comme une catégorisation puisqu'un domaine notionnel

est (presque) toujours susceptible de l'une ou l'autre des

structurations envisagées (voir le verbe "organiser" cité plus

haut). C'est ce que nous allons voir en étudiant quelques

changements de "catégories".

2.3.1.2. Passages d'une "catégorie" à une autre

On peut distinguer trois possibilités. 1) Termes a priori

discrets, on a plusieurs occurrences et elles sont difficilement

réductibles à une seule: l'"intensif" sera très contraint. 2) On

a plusieurs occurrences mais il est possible de travailler sur

une seule: l'"intensif" est possible. 3) A priori on a une seule

Page 92: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

91

occurrence: l'"intensif" est toujours acceptable.

A. Termes a priori discrets.

La variation qualitative est privilégiée (classe

d'occurrences discrètes). L'emploi de très (donc l'"intensif")

sera contraint:

* Ce travail est très orthographié.

Normalement, on envisage une variation qualitative, avec en

particulier une "bonne" et une "mauvaise" orthographe. Avec cette

classe d'occurrences discrètes l'emploi de bien ("appréciatif")

sera tout à fait naturel:

Ce travail est bien orthographié.

De la même manière on imagine différentes manières de gouverner

(c'est pour cela qu'on vote) mais on admet moins bien différents

degrés d'intensité de cette même propriété:

Ce pays est bien gouverné.

? Ce pays est très gouverné.

A moins bien sûr qu'on ne réussisse, ironiquement, à intégrer au

format de l'occurrence un tel support quantifiable:

-le nombre de gouvernements dans un pays où les révolutions

Page 93: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

92

succèdent les unes aux autres,

-le nombre des interventions du gouvernement jusque dans des

domaines laissés normalement hors de sa compétence.

B. Organisation autour du Ca.

Un verbe comme "maquiller", a priori discret ("Elle est très

bien maquillée"), peut donner lieu à un "intensif" comme dans

l'exemple suivant:

Elle est bien maquillée, à son âge elle devrait éviter

ça.

On voit qu'il est nécessaire d'avoir les éléments (à son âge) à

partir desquels on peut dire que pi est construit sur le plan

temporel indépendamment de toute construction subjective

préalable. La primauté du plan factuel fait qu'on ne travaille

que sur une seule occurrence; du coup les variations ne sauraient

être autre chose que des variations sur un gradient. On observera

un mécanisme semblable, dans les exemples de la troisième série.

C. Une seule occurrence.

Bernanos est bien surfait.

On a pu remarquer que les verbes qui se prêtaient aisément à une

détermination par très (qui autorisaient l'"intensif") avaient

souvent une valeur "détrimentale", ou encore que sur le plan

Page 94: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

93

morphologique ils apparaissaient comme dérivés d'un premier verbe

à valeur "bénéfactive" (ou neutre). D'une manière générale cela

signifie qu'ils renvoient à une valeur distinguée sur le domaine.

Ils fonctionnent comme le terme marqué dans des oppositions dont

le deuxième terme non marqué, permet lui, l'emploi de bien

"appréciatif". Ce statut particulier fait qu'il est très

difficile d'avoir avec ces verbes la construction subjective

préalable qui les rendrait compatible avec l'"appréciatif". Mais

en tant que termes marqués, ils donnent facilement lieu à des

"intensifs", puisqu'ils ne renvoient qu'à une seule valeur. On

n'a donc qu'une possibilité de variation, la variation sur un

gradient, donc l'"intensif", avec des verbes comme:

"méconnaître" ("connaître" est non marqué).

"surfaire" ("faire" est non marqué)

En conclusion, les catégories des procès ne peuvent

constituer un critère stable pour distinguer les valeurs qui nous

occupent ici. Le critère déterminant reste celui de la primauté

d'un plan (T) ou d'un autre (S). Car c'est du choix de l'un ou de

l'autre que dépend l'organisation du domaine notionnel auquel le

procès est associable. Organisation autour d'un Type pour

l'"appréciatif" avec parcours d'une classe d'occurrences

discrètes. Organisation autour du Ca pour l'"intensif" avec

parcours sur les différents degrés de la propriété ordonnés sur

un gradient depuis le Ca.

Nous avons parlé des connotations négatives associables à

Page 95: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

94

certains énoncés, s'agit-il d'une constante sémantique, ou d'une

connotation occasionnelle? Ou autrement dit, y a-t-il quelque

justice à rapprocher le bénéfactif de l'"appréciatif" et le

détrimental de l'"intensif"?

2.3.2. L'"intensif" suppose l'absence de téléonomie

2.3.2.1. A-téléonomie

On peut lier le bénéfactif à ce qui est attendu. On ne vise

que ce qui est "positif". Et si on vise ce qui pourrait

apparaître comme négatif on lui attribue (par la visée) une

certaine forme de positivité. Cette règle ne nous semble pas

pouvoir être transgressée. Dans l'"appréciatif" la valeur p qui

fait l'objet d'une construction subjective préalable apparaît

nécessairement comme une "bonne valeur".

Nous désignerons comme "téléonomie" toute forme de

construction d'une valeur par anticipation, visée, attente,

prévision etc... On attend, on vise, on prévoit l'actualisation

d'une valeur préférablement à d'autres qui restent possibles.

Le caractère bénéfactif d'une occurrence est donc liée au

fait qu'elle est identifiée, après comparaison, à ce terme de

référence préconstruit.

Au contraire...

Ce qui n'est pas attendu, ce qui s'impose, apparaît comme

Page 96: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

95

une occurrence isolée. Celle-ci n'est pas en relation avec

d'autres occurrences possibles puisqu'il n'y a pas d'attente

subjective relativement à son actualisation. Ici la règle qui

s'applique est la suivante: en un instant t on n'a qu'une

occurrence de procès. Contrairement à ce que dit l'adage, en

réalité: "Un malheur arrive toujours seul". Dans l'"intensif", la

primauté de la construction temporelle fait qu'on va comparer

l'occurrence à elle-même (transposée sur le plan subjectif).

Une occurrence localisée indépendamment de toute attente

subjective ne peut donc pas être considérée comme bénéfactive

(avoir des "connotations positives") pour deux raisons: d'une

part il n'y a de "bonne valeur" que dans le cadre d'une

construction subjective préalable et d'autre part il n'y a de

"bonne valeur" que par comparaison avec d'autres valeurs

présentes en même temps. L'"intensif" ne s'accompagne pas de

"connotations positives".

Il y a deux conséquences possibles à l'absence de

construction téléonomique, l'une est la simple absence de

positivité (c'est l'"a-téléonomie") l'autre est une polarisation

négative marquée (c'est l'"anti-téléonomie") (8).

Voilà pourquoi avec les énoncés où l'on a un "intensif" on

n'a jamais de connotation positive tandis qu'on peut avoir une

connotation négative. Nous pouvons donc distinguer entre ce qui

n'est pas positif (sans plus) et ce qui est clairement négatif.

Soit l'exemple: "Tu l'as bien dépassé". On l'interprétera comme

un "appréciatif". Mais si on le réécrit: "Il est bien dépassé,

Page 97: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

96

maintenant" on l'interprétera comme un "intensif". Maintenant

marque l'instant à partir duquel il est possible de distinguer

sur le validable, une valeur particulière qui est le 'vraiment p'

("ce qui s'appelle être dépassé") alors que du point de vue de So

c'est l'indifférenciation p,p' à laquelle on pouvait s'attendre.

Ce qui s'impose (fait l'objet d'un "constat") n'a pas de

caractère "bénéfactif" mais peut avoir une valeur franchement

détrimentale; c'est ce que nous allons voir.

2.3.2.2. Antitéléonomie: la valeur "trop"

Un exemple comme: "Vous verrez, tout cela est bien bâti

maintenant", dit sur un ton de regret (à propos d'un quartier),

peut s'interpréter: "Tout cela est trop bâti maintenant". A notre

sens, l'interprétation "trop" apparaîtra si p' peut être

interprété comme une valeur attendue par So (ou si p est une

valeur attendue par So').

Il est bien incliné ce pot de fleurs, tu ne crains pas

qu'il ne tombe par terre?.

C'est bien éclairé tout ça, tu ne crois pas qu'il

faudrait éteindre quelque chose?

On retrouvera aisément la définition de J-J. Franckel (1986,

p53): "il y a une distorsion entre ce qui est construit sur le

plan des t et ce qui correspond à une bonne valeur pour So. Cette

distorsion fonde ce que l'on pourrait appeler une "anti-

Page 98: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

97

téléonomie". Le passage de l'a-téléonomie à l'anti-téléonomie

correspond à une détermination supplémentaire. Dans le cas de

l'a-téléonomie on peut s'attendre à p' qui n'a pas été

sélectionné. Dans le cas de l'antitéléonomie, la valeur non-

sélectionnée est aussi une valeur attendue par So (ou p est une

valeur sélectionnée par So').

Quelle que soit la détermination qui porte sur p,p' le

caractère détrimental (ou "non bénéfactif") de l'"intensif"

trouve son origine dans la primauté de la construction temporelle

de pi. Ce que J-J. Franckel (1989, p166) (9) formule ainsi: "Un

procès ne présente une valeur dommageable pour le sujet que

lorsque sa construction lui échappe".

En résumé

L'"intensif" nous a permis de montrer le rôle essentiel joué

par l'ordre de construction de l'occurrence localisée pi sur le

plan factuel d'une part et de la valeur p (le terme de référence

construit sur le plan subjectif d'autre part. La primauté de la

construction temporelle pour cette valeur nous a amenés à

concevoir un nouveau critère pour la caractérisation de

l'"intensif", il s'agit du troisième:

C.3. Le terme de référence est construit a posteriori.

Page 99: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

98

Il reste que l'"intensif" est pourtant proche de

l'"appréciatif" en ce qu'il porte sur des valeurs qui vérifient

toujours la propriété P. Le parcours porte sur deux zones du

domaine l'Intérieur et la Frontière.

C.2. L'altérité est de type I/F.

Si l'on veut caractériser "en plein" la valeur, on dira que

l'"intensif" est une valeur de "valuation" (C.2) et une valeur de

"constat" (C.3).

Page 100: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

99

NOTES DU CHAPITRE II

(1): Les problèmes posés par l'analyse des exemples de la suite

"bien + adjectif" tiennent essentiellement à la position de

l'adjectif par rapport au nom. Cette question ne nous concerne

pas directement ici; comme par ailleurs la suite "bien +

adjectif" donne lieu aux mêmes valeurs que la suite "bien +

participe passé" ("appréciatif" et "intensif") on ne s'y

intéressera pas davantage. Sur ce point on pourra se reporter à

notre thèse (1991) et plus particulièrement au chapitre III qui

est y consacré.

(2): Nous reprenons ici une distinction établie par S. de Vogüé

(1987, p115) entre les facteurs "déterminants" et des facteurs

"discriminants" pour la distinction des valeurs de si. Son propos

vise à montrer que le matériel lexical "établit pour certaines

valeurs les conditions de leur obtention, (rôle "discriminant")

mais que son rôle s'arrête là: la valeur obtenue est déterminée

par d'autres facteurs, (...) la valeur est construite (et non pas

donnée par le lexique". L'argument étant que pour un même

matériel lexical "bon nombre d'énoncés restent de toutes façons

ambigus entre plusieurs des valeurs qui sont possibles". voir "La

conjonction si et la question de l'homonymie" in BULAG n°13,

Université de Besançon, pp 105-189.

(3): J-J. FRANCKEL., (1986), "Modes de construction de l'accompli

en français", in

Aspects,modalités:Problèmesdecatégorisationgrammaticale,

Collection ERA 642, Université de Paris VII, pp 41-69.

(4): Le fonctionnement général de l'"intensif" s'apparente à une

vérification . C'est l'origine d'une parenté sémantique assez

sensible entre le "confirmatif" et l'"intensif".

(5) La glose "trop" est proposée par E. Littré (éd de 1963,

p1011) pour des exemples comme "Une lettre bien longue" ou

"Encore bien jeune". A. Culioli (1978, p308, n16) la donne pour:

"Votre rôti est bien cuit!". D. Duprey (1979, p76) donne cette

même valeur à "Ca commence à bien faire", enfin A. Culioli, la

reprend dans son article de (1988): "Autres commentaires sur

bien", dans lequel il écrit (p169): "on constate que bien peut

être approximativement glosé comme "trop" ("elle est bien longue,

cette planche")".

(6): A. CULIOLI., (1982), "A propos de quelque" in S. Fischer et

J-J. Franckel (éds),

Page 101: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

100

Linguistique,énonciation.Aspect,détermination, E.H.S.S. Mouton,

pp 21-29.

(7): S. de VOGÜE., (1989), "Discret, dense, compact: Les enjeux

énonciatifs d'une typologie lexicale", in Lanotiondeprédicat, ERA

642, Université de Paris VII, pp 1-38.

(8): Ce qui n'est pas espéré recèle toujours un aspect négatif.

Voir par exemple la définition du mot "fatal" donnée par J-

Bellemin-Noël (1979, p140): "fatal, aux deux sens du mot:

unenécessité (cnqs), un malheur", in Versl'inconscientdutexte,

PUF.

(9): J-J. FRANCKEL., (1989), "Du dommage engendré par les

marqueurs grammaticaux", in Lanotiondeprédicat, Collection ERA

642, Université de Paris VII, pp 161-184.

Page 102: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

101

CHAPITRE III

LA SUITE "BIEN + Dét + NOM"

La suite "bien + déterminant + nom" (désormais "bien + nom")

donne lieu à trois types d'énoncés:

(i) Il a bien de la patience!

(ii) J'ai déjà lu bien des livres mais jamais d'aussi

stupide.

(a) Il a bien bu deux litres de vin.

S'agit-il de valeurs que nous avons déjà étudiées

("appréciatif" et "intensif") ou de nouvelles valeurs? (1)

3.1 Identification des valeurs

Nous essaierons de montrer que les valeurs de bien en (i) et

(ii) correspondent à un "intensif" tandis que la valeur de bien

en (a) correspond à un "appréciatif".

3.1.1. Critères sémantiques

Toutes ces distinctions sont pour l'instant superflues si

Page 103: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

102

l'on se réfère aux ouvrages que nous avons l'habitude de

consulter car ils ne font guère de différences entre les diverses

actualisations possibles de la suite "bien + nom". Tous les

auteurs sont d'accord: les exemples de la suite "bien + nom" sont

glosables par "beaucoup de" (ou "nombre de"). Ceux du

Dictionnairedel'Académie (éd de 1877, p179) donnent des exemples

comme "bien de l'argent, bien de la peine, bien du monde, bien

des hommes". E. Littré (éd de 1963, p1013) donne des exemples

comme: "Avec bien du travail. Avec bien de l'esprit. Achever

quelque chose avec bien de la peine (...)".

P. Robert (éd de 1966, p468) fait deux propositions qui

confortent notre analyse. Il distingue entre des exemples comme

(i) et (ii) d'une part et des exemples comme (a) d'autre part.

Pour le premier (i), il propose une glose en "beaucoupde" et pour

le second (ii), il propose une glose en "nombrede". A la suite de

ces deux exemples et sous la même entrée ("4°. Adverbe de

quantité") il donne: "Il y a bien une heure qu'il est sorti" un

exemple de type (a) avec comme glose

"approximativement,environ,àpeuprès".

3.1.2. Critères grammaticaux

La suite "bien + nom" ne répond pas à la définition

traditionnelle de l'adverbe. Prenons par exemple celle de M.

Grevisse (éd de 1975, §821, p862): "L'adverbe est un mot

invariable que l'on joint à un verbe, à un adjectif ou à un autre

adverbe pour en modifier le sens" (les noms n'apparaissent pas

Page 104: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

103

dans la définition). Selon Sik. O Shin (1988, p129) Ramus (1572),

un grammairien du XVIè, avait proposé une définition qui mettait

les substantifs à égalité avec les autres termes (adjectifs,

verbes..) sur lesquels l'adverbe pouvait porter: "L'adverbe est

un mot sans nombre qui est adjoint à un autre". Mais

"Malheureusement, écrit Sik. O Shin, aucun grammairien du XVIIè

siècle n'a reconnu le mérite d'une telle définition". Les

grammairiens n'ont donc jamais fait une large place à la suite

"adverbe + nom". Lorsqu'il est suivi d'un nom, le statut de

bien mais aussi d'autres adverbes devient incertain. M. Grevisse

(§844, p891) pense que "Beaucoup et bien suivis d'un nom, ont la

valeur de déterminatifs indéfinis numéraux et quantitatifs" mais

il note, en bas de page, que "Certains grammairiens estiment que

beaucoup et bien restent alors des adverbes". On s'en tient

généralement à l'idée qu'ils "évoquent une quantité indéterminée,

une quantité qu'on évalue globalement" (R.L. Wagner et J.

Pinchon, 1962, p412). M. Grevisse précise à la suite d'E. Littré

que "bien ajoute à l'idée de quantité ou de nombre, l'idée de

surprise, d'intérêt, de satisfaction ..." ce qui reste à

expliquer.

3.1.3. Critères syntaxiques

Les tests que nous avons déjà utilisés (négation,

interrogation, commutation) sont généralement négatifs et ne

permettent pas de vraiment distinguer entre les trois types

d'exemples.

Page 105: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

104

3.1.3.1. Les tests syntaxiques

Lanégation s'applique mal aux trois types d'exemples:

(i)* Il n'a pas bien de la patience!

(i)* Il n'a pas bien de la chance!

(ii)? Je n'ai pas lu bien des livres mais jamais

d'aussi stupide.

(ii)? Je n'ai pas vu bien des gens entrer ici mais

aucun n'en est ressorti...

(a)* Il n'a pas bien vingt ans.

L'interrogation ne semble jamais possible:

(i)? A-t-il bien de la patience?

(i)? Y a-t-il bien du monde?

(ii)? Ai-je déjà lu bien des livres?

(ii)? Je l'ai revu, mais est-ce que c'était bien

des années après?

(a)? A-t-il bien la cinquantaine?

En revanche il est possible de distinguer le type (a) des deux

autres dans la mesure où il est le seul à pouvoir constituer

assez naturellement une réponse à une question:

(i)? So': Il est vraiment patient?

So : Il a bien de la patience!

(ii)?So': Il a beaucoup lu?

So : Il a lu bien des livres!

(a)+ So': Quel âge a-t-il?

Page 106: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

105

So : Il a bien vingt-cinq ans.

Lacommutation n'est pas possible avec les termes que nous avons

déjà utilisés comme très bien, mal ou très.

Les résultats de ces tests confirment le point de vue des

lexicographes sur deux points. Il est licite de faire un sort

particulier aux énoncés de type (a) qui peuvent constituer une

réponse à une question préalable. Il est tout aussi logique de

rapprocher les énoncés de type (i) et (ii) qui répondent de

manière très homogène aux différents tests. Il existe bien une

différence syntaxique permanente entre (i) et (ii) mais quoique

parfaitement observable elle n'est pas immédiatement

interprétable. Si le nom est au singulier on a affaire à un

exemple (i) et s'il est au pluriel on a affaire à un exemple

(ii). Mais on ne passe pas de l'un à l'autre en changeant

simplement de nombre! On ne peut pas dire:

(ii)? Il a bien des chances!

(i)* J'ai déjà lu bien un livre ....

3.1.3.2. La question de l'article

M. Grevisse (éd de 1975, §328, p296) définit ainsi l'article

partitif: "(il) s'emploie devant les noms de choses qui ne se

comptent pas, pour marquer une quantité indéterminée: 'Boire de

la bière. Verser de l'huile sur le feu. Vendre du drap. Montrer

du courage. Manger des épinards'". On définira le déterminant du

Page 107: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

106

nom comme un article partitif dans des exemples de type "i" comme

les suivants:

(i) Il a bien de la patience!

(i) Il y a bien du monde!

(i) Tu as bien de la chance!

(i) Tu as bien du courage!

Qu'en est-il des exemples de type "ii"? Des peut être la

forme contractée de de les (article défini), comme dans les

exemples suivants:

J'ai mangé quelques unes des pommes que tu m'as

données.

J'ai vu un grand nombre des personnes dont tu me

parles.

Pour les exemples de type "ii", il semble qu'on ne puisse pas

retenir l'hypothèse de l'article défini car on constate que ces

exemples deviennent peu acceptables quand on détermine le nom de

la suite "bien + nom" par une relative:

(ii)? Vous lui direz bien des choses que je vous ai

dites.

(ii)+ Vous lui direz bien des choses de ma part.

(ii)? Vous en verrez bien d'autres qui arriveront

sans crier gare

(ii)+ Vous en verrez bien d'autres.

Nous retiendrons donc l'idée qu'il s'agit encore de l'article

partitif. C'est d'ailleurs l'opinion de M. Grevisse (§329, p297),

qui donne "Bien des gens" comme un exemple de partitif. On pourra

Page 108: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

107

considérer aussi qu'il s'agit de l'indéfini pluriel mais nous

entrons ici dans un débat (2) qui n'est pas essentiel

relativement à notre étude. Plus important est de noter que ces

deux types d'exemples peuvent être rapprochés sur la base du

déterminant du nom si on les oppose aux exemples du troisième

type qui mettent toujours en jeu un quantificateur comme "vingt",

"trois", etc.

A quoi doit-on ramener l'opposition entre (i), (ii) et (a)?

Deux pistes s'offrent à nous:

1) Celle qui se dessinait à l'issue des tests syntaxiques:

la question serait celle de la primauté de la construction

temporelle (ou subjective) de l'occurrence à laquelle on a

affaire (seul (a) peut constituer une réponse naturelle à une

première question).

2) Celle qui est envisageable à l'issue de nos remarques sur

la détermination du nom: la question serait celle d'une

catégorisation des noms selon qu'ils sont compatibles ou non avec

l'une ou l'autre des déterminations

3.2. Caractérisation des valeurs

L'hypothèse selon laquelle les catégories nominales

joueraient un rôle déterminant dans la différenciation des trois

Page 109: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

108

valeurs s'appuie sur des faits observables.

NB: Nous avons déjà abordé cette question au chapitre II.

Rappelons pour mémoire qu'une catégorisation en termes

"dense", "discret", "compact" a été introduite pour les

substantifs, par A. Culioli (1982). Il y a: "d'un côté, la

catégorie qui possède la propriété du "discret" (on peut

dans ce cas individuer les occurrences, les désigner sous

une forme ordinale); d'un autre côté la catégorie du

"compact" (on a ici affaire à l'insécable, à du prédicatif

nominalisé, sur lequel on ne peut effectuer aucun

prélèvement); enfin il existe une catégorie composite, le

"dense", qui possède certaines propriétés du "compact", mais

où un prélèvement est possible par l'intermédiaire d'un

dénombreur".

Voyons ce qu'il en est sur quelques exemples:

(i) Il a bien de la patience!

(ii) J'ai déjà lu bien des livres mais jamais d'aussi

stupide.

Patience est un terme compact. Il supporte mal les

opérations de quantification, on dit difficilement "Il a eu deux

patiences". Mais une discrétisation est possible par

l'intermédiaire d'une propriété différentielle: "une patience

d'ange" qui s'oppose à d'autres formes de patience.

En revanche, livre est un terme discret. Il supporte fort

bien les opérations de quantification, "Il y a cinq livres sur la

table". On vérifie aisément cela sur l'ensemble de nos exemples,

et d'abord sur ceux de la valeur "ii" où l'on a toujours des

termes discrets:

(ii) Voilà bien des histoires pour rien!

Page 110: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

109

(ii) Voilà bien des paroles pour ne rien dire!

(ii) Vous lui direz bien des choses de ma part.

Tandis que les noms dans les exemples de valeur "i" sont toujours

des termes compacts:

(i) Il a bien du courage!

(i) Il a bien de la chance!

(i) Il a bien de la peine!

Alors la question se résoudrait-elle par l'établissement des

listes des noms compacts et des noms discrets, celles-ci

fournissant les éléments nécessaires à la mise en place des deux

valeurs?

Une liste des compacts serait utile mais un autre critère

nous ferait défaut. Pourquoi les termes suivants, donnés comme

des exemples de compact par A. Culioli (1982), ne donnent-ils pas

lieu à des exemples acceptables?

(i)? Il a bien de la dureté!

(i)? Il a bien de l'espoir!

(i)? Il a bien de la tristesse!

(i)? Il a bien de l'intelligence!

Une liste des discrets serait utile car la plupart d'entre

eux peuvent donner lieu à des énoncés de valeur "ii" acceptables.

Mais elle aussi serait insuffisante. Car elle ne nous dirait pas

pourquoi les termes "les moins discrets" (3) de la liste sont

ceux qui qui sont les plus compatibles avec la valeur "ii"! Des

Page 111: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

110

"hyperonymes" comme gens, choses, paroles, forment des énoncés

plus naturels que:

(ii) Il y avait bien des invités à cette soirée.

(ii) Tu lui diras bien des gentillesses de ma part.

(ii) Voilà bien des déclarations pour ne rien dire.

Comme pour les termes compacts, un autre critère est nécessaire

pour comprendre comment s'opère cette partition sur les termes

discrets.

Encore une fois on constate que les catégories nominales

constituent un critère discriminant (elles assurent certaines

conditions de mise en place des valeurs) mais non déterminant. Ce

critère est à chercher ailleurs en particulier au niveau de la

construction de l'occurrence.

3.2.1. La valeur "i"

Les termes compacts ne sont pas intrinsèquement délimités,

du coup ils ne sont pas aptes à former directement des

occurrences. On dira difficilement:

? Il a du courage.

? Il a de l'intelligence.

? Il a de l'espoir.

La simple prédication d'existence n'est pas possible. Il est

nécessaire de leur attribuer un support externe pour fonder une

Page 112: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

111

occurrence. On trouvera:

+ Il a du courage de repartir là-bas.

+ Il a de l'intelligence à revendre.

+ Il a de l'espoir pour la semaine prochaine.

On peut représenter une "occurrence" de compact (occurrence de P)

comme l'assemblage d'un support (quantifiable et qualifiable)

repéré par rapport aux coordonnées énonciatives et de la

propriété P qui reste par définition insécable. La structure un

peu particulière de l'occurrence de compact nous amène à

distinguer deux formes de détermination selon qu'elle porte sur

la propriété ou sur le support.

La première passe par une propriété différentielle ("une

patience d'ange", "une intelligence brillante") qui débouche sur

une forme de "discrétisation" du terme: on peut comparer

l'occurrence à d'autres occurrences de la propriété ("une

patience limitée, une intelligence sans envergure"); elle

interdit la valeur "i" au profit du "confirmatif".

La seconde est la singularisation de son support ("le

courage de faire ça", "Lui, il a du courage!"). C'est ce qu'on

observe dans les exemples suivants:

Il a (bien) du courage, de faire ça!

Il a (bien) de la patience de s'occuper d'elle!

Il a (bien) du malheur depuis deux ans!

Il y a (bien) du monde, ce soir!

Page 113: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

112

Voilà l'origine de la partition que nous évoquions précédemment

sur l'ensemble des termes compacts: si l'énoncé ne donne pas lieu

à une singularisation du support ou bien si le terme choisi n'est

pas compatible avec la singularisation de son support l'énoncé

paraîtra bizarre.

* Il y a de la blancheur depuis plusieurs heures.

Mais il suffit singulariser l'ancrage temporel de l'occurrence de

compact pour obtenir des énoncés acceptables:

(i)? Il a bien de la dureté!

(i)+ Voilà bien de la dureté!

(i)? Il a bien de la tristesse!

(i)+ Voilà bien de la tristesse pour pas grand chose,

allons arrêtez de pleurer...

3.2.1.1. Primauté du plan temporel

La singularisation du support de l'occurrence de P marque la

primauté de la construction temporelle de l'occurrence. Les

termes qui pouvaient nous apparaître comme des "termes

d'actualité": chance, peine, patience, malheur, sont en fait des

termes actualisés. Voyons cela sur les exemples:

Il a bien du courage, de faire ça!

Il a bien de la patience de s'occuper d'elle!

Il y a bien du monde, ce soir!

A chaque fois le locuteur est surpris, il est confronté à la

construction d'une occurrence indépendamment de toute attente de

Page 114: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

113

sa part (une occurrence de 'courage', une occurrence de

'patience', une occurrence de 'monde'); occurrence dont le statut

qualitatif n'est pas stabilisé. Pour l'évaluer la procédure

consistera à la reconstruire sur le plan subjectif pour comparer

l'occurrence localisée avec ce qu'elle pourrait être sur ce plan.

La valeur (i) vérifie le troisième critère:

C.3. Le terme de référence est construit a posteriori.

3.2.1.2. Il s'agit d'une altérité par défaut

On a vu que la propriété P dans l'occurrence pi n'avait fait

l'objet d'aucune détermination (c'est son support qui était

singularisé). C'est l'ensemble des degrés de la propriété P qui

est reconstruit sur le plan subjectif. On va comparer

l'occurrence localisée pi à cet ensemble.

Du coup on compare (opération de parcours) une occurrence de

la propriété avec la propriété elle-même. On retrouve l'analyse

d'A. Culioli (1974, p11) sur les énoncés exclamatifs: "(ils)

comportent toujours un terme qui est repéré par rapport à lui-

même. Cet auto-repérage permet à l'énonciateur de formuler une

appréciation sur le prédicat (la propriété) soumis au jugement

sans avoir à assigner de valeur spécifique, c'est-à-dire

singulière et individualisée". En comparant l'occurrence avec

elle-même on est à la recherche d'une différence qu'on ne saurait

trouver. Pour l'exemple (i), ce parcours pourait se gloser par

Page 115: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

114

quelque chose comme: "La patience qu'il a est comme la patience".

L'opération de parcours ne se poursuit pas indéfiniment. On

sait que le domaine notionnel associable à un terme compact est

organisé autour du centre attracteur. Comme ce domaine n'a fait

l'objet d'aucune détermination l'occurrence pi est nécessairement

ramenée au centre (opération d'identification), d'où l'effet de

haut-degré qui accompagne toujours ces exemples.

Dans cette suite syntaxique, la valeur "i" est toujours

définissable comme une valeur de valuation puisque le parcours ne

porte que sur des valeurs du domaine de P. Mais ce parcours ne

repose pas sur une altérité définie (il s'agit d'une altérité par

défaut qui, encore une fois, tient au mode de construction de

l'occurrence.

C.2. L'altérité est de type I/F.

La valeur "i" vérifie les critères C.2 et C.3 nous pensons

donc qu'elle se ramène à l'"intensif".

3.2.2. La valeur "ii"

La valeur "ii" donne souvent lieu à des exemples à

connotation négative comme:

(ii) J'ai déjà lu bien des livres mais jamais d'aussi

Page 116: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

115

stupide!

(ii) Voilà bien des paroles pour ne rien dire!

(ii) Vous faites bien des histoires pour rien!

Il faut faire une autre remarque, les occurrences qu'on évoque

paraissent semblables les unes aux autres, on a un effet

d'"uniformisation" ("bien des paroles", "bien des livres").

Ces deux phénomènes (connotation négative et uniformisation)

sont liés. Nous allons essayer de le montrer.

3.2.2.1. pi fait l'objet d'une construction temporelle

Soit l'exemple:

(ii) J'ai déjà lu bien des livres mais jamais d'aussi

stupide".

On peut penser que celui qui s'exprime ainsi émet un

jugement (pour le moins négatif) sur un ouvrage qu'il vient de

lire. Mais comment procède-t-il pour se prononcer? L'ouvrage

étant, à son avis, plutôt mauvais, il a essayé de mesurer

l'intérêt des livres qu'il a déjà lus à cette aune; sa conclusion

est qu'aucun des livres qu'il a déjà lus n'est aussi mauvais que

celui-là.

L'occurrence pi sur laquelle porte la détermination a un

statut un peu particulier, c'est la classe "des livres déjà lus".

Elle est en quelque sorte convoquée par l'actualisation d'une

Page 117: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

116

occurrence de livre dont le rapport à la propriété 'être stupide'

est tout à fait exceptionnel; à un point tel que c'est l'ensemble

des occurrences de livres déjà lus qui dans leur rapport à cette

même propriété se trouve remis en cause (primauté du plan

factuel). La question, simplement posée, est: "Est-ce que j'ai

déjà lu des livres (pi) aussi stupides? C'est impossible! et

pourtant l'existence de ce livre semble prouver le contraire..."

La conséquence est facile à tirer: "Il suffit de vérifier".

Pour cela, il faut reconstruire la classe des livres déjà

lus sur le plan subjectif (soit p) telle qu'elle devrait être

dans son rapport à la propriété 'être stupide': c'est-à-dire

qu'aucun des livres de la classe ne vérifie cette propriété au

degré exceptionnel déjà évoqué (soit p'). L'ensemble des livres

déjà lus, reconstruit sur le plan subjectif constitue le terme de

référence (critère C.3).

Et puis l'on va comparer chacun des livres déjà lus tels

qu'on peut les concevoir sur le plan factuel avec le terme de

référence ainsi construit (opération de parcours). On va vérifier

qu'il n'y a pas lieu de constituer une partition de la classe sur

la base de cette propriété p' (recherche d'altérité). On

s'apercevra finalement, que chacun des livres lus déjà (pi)

appartient à la classe des livres telle qu'elle a été construite

sur le plan subjectif (p).

Supprimons tout ce qui peut apparaître comme une

Page 118: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

117

détermination et on verra que les exemples paraissent moins

acceptables que ceux dont ils sont dérivés:

(a)+ Voilà bien des paroles pour ne rien dire.

(a)? Voilà bien des paroles.

(a)+ Vous faites bien des histoires pour rien.

(a)? Vous faites bien des histoires.

(a)+ Vous lui direz bien des choses de ma part.

(a)? Vous lui direz bien des choses.

On est donc en présence d'un calcul sur la base d'une

propriété différentielle. Les deux points essentiels de notre

description sont contradictoires: comment peut-on avoir dans le

même temps comme terme de référence une classe d'occurrences en

deçà de toute détermination (on ne distingue pas de zones sur la

classe des livres lus) et opérer dessus un calcul sur la base

d'une différence qualitative? La réponse tient à la structure de

la classe d'occurrences discrètes. Le calcul ne porte pas sur une

occurrence, il est effectué pour chaque occurrence de la classe.

Les différentes connotations que nous évoquions plus haut

apparaissent dès lors tout à fait logiques et forment un ensemble

cohérent. La valeur négative des énoncés est liée à la nécessaire

présence d'une propriété différentielle. L'idée de "nombre" (la

glose en "nombre de") est liée à la prise en compte de chacune

des occurrences de la classe comme terme 'à comparer'.

L'impression d'"uniformisation" des occurrences est liée

l'indifférenciation des occurrences de la classe relativement au

Page 119: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

118

critère du calcul.

Dans notre exemple, l'opération, dans sa complexité,

pourrait être ainsi glosée:

"Etantdonnélamultiplicitéetladiversitédeslivreslusiln'yapasd'alté

ritéquiseconstituesijeprendscommecritèrelastupiditédecelivre".

Dans la mesure où aucune altérité n'a pu se constituer sur

la classe des livres déjà lus (pi) (altérité par défaut) on peut

dire que la valeur (ii) qui vérifie aussi le critère C.3 se

ramène à l'"intensif", comme la précédente

3.2.2.2. Deux exemples

(1) L'hermétisme de la poésie de Char a paralysé bien des

exégètes. Avec la foi de l'amitié, l'historien Paul

Veyne a, lui, pris tous les risques en décryptant les

poèmes du maître de L'Isle-sur-La-Sorgue. Résultat? Un

chef-d'oeuvre d'intelligence et d'amour. (C.Roy, "Quand

P. Veyne traduit R. Char.", LeNouvelObservateur,

20/6/90, p133.)

La question est de savoir qui a été (ou non) "paralysé" par

l'hermétisme de la poésie de R. Char. La propriété 'être

paralysé' joue le rôle de propriété différentielle relativement à

la classe des critiques littéraires (les "exégètes"). Du point de

vue de l'auteur de l'article, après calcul, ils sont tous

identifiables les uns aux autres relativement à cette propriété.

C'est seulement après qu'on apprendra qu'un seul, P. Veyne,

échappe à cette "uniformisation" celui qui n'a pas été

Page 120: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

119

"paralysé": celui qui a pris le risque de "décrypter" les textes

du poète.

(2) Vous lui direz bien des choses de ma part.

Il nous permet de revenir à la question de la catégorie des

noms. On peut considérer "chose" comme un hyperonyme (3). On a vu

que ces termes étaient plus compatibles que d'autres avec la

valeur "ii". On comprend maintenant pourquoi. Ces termes sont les

plus compatibles avec une indifférenciation (chaque occurrence

est identifiable à une autre relativement à un repère). Cette

opération achève le parcours par rapport à une propriété

différentielle. Mais revenons à notre exemple. C'est la

détermination demapart qui joue le rôle de propriété

différentielle. Elle sépare deux zones pour les occurrences de

choses 'à dire'. Celles qui sont 'de ma part' (p) et celles qui

'ne sont pas de ma part' (p'). Pour l'énonciateur, par rapport à

la propriété 'être de ma part' il n'y a pas de différences

qualitatives entre les occurrences de choses 'à dire'. Ce qui

signifie: dis-lui tout ce que tu veux mais dis-lui de ma part.

3.2.3. Les termes denses dans la suite "bien + nom"

On sait (S. de Vogüé, 1989, p6) qu'on peut obtenir des

occurrences de dense de deux manières différentes: soit avec un

partitif ("il mange du riz"), soit par l'intermédiaire d'un

dénombreur ("cuillère, bouteille"). Les noms denses comme riz,

Page 121: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

120

vin, farine, eau peuvent s'inscrire dans la suite "bien + nom"

mais la première solution (celle du partitif) est incompatible

avec bien comme on peut le voir sur les exemples suivants:

Il a mangé du riz.

(a)? Il a bien mangé du riz.

(a)+ Il a bien mangé deux bols de riz.

Il a bu du vin.

(a)? Il a bien bu du vin.

(a)+ Il a bien bu deux litres de vin.

Il reste à comprendre comment la deuxième (celle d'un dénombreur)

débouche sur des énoncés acceptables.

3.2.3.1. La glose "au moins"

On a vu que la valeur "a" peut être glosée par "à peu près",

"environ" etc...On en trouve fréquemment une autre qui rend

compte d'une connotation qui est propre à cet emploi et que D.

Duprey (1979, p76) propose assez justement de gloser par "au

moins" (4): "La valeur au moins va se retrouver dans de

nombreuses langues: une bonne demi-heure, ça coûte bien 3000

francs (...)".

Le problème est qu'on ne sait pas vraiment à quoi associer

cet effet de sens. Sur le plan syntaxique, cet emploi, comme les

autres exemples de la suite "bien + nom" s'accommode mal des

critères auxquels on reconnaissait l'"appréciatif" et

l'"intensif". Sur le plan énonciatif, on a noté cependant qu'il

est tout à fait exclu qu'il apparaisse en contexte de surprise.

Page 122: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

121

Et au contraire, le contexte le plus naturel est celui de la

réponse à une question portant justement sur la quantité:

(a)So': Est-ce qu'il a bu beaucoup?

So : Il a bien bu deux litres de vin.

On rapprochera donc "a" de l'"appréciatif". Ne donne-t-elle pas

lieu à une évaluation subjective? Il s'agit comme l'écrit A.

Culioli (1978) d'une "approximation"

3.2.3.2. L'énoncé ne répond pas à la question posée

Voilà sans doute le point essentiel. La question portait sur

la "quantité" (bue, mangée, etc). La réponse porte sur une

propriété. Comment cela?

La question débouche sur la construction d'une occurrence

d'un type particulier. Il s'agit d'un terme dense. Les termes

discrets et compacts trouvent leur équilibre par référence à un

centre. Rien de tel avec les termes denses. Prenons l'exemple de:

"Il a bien bu deux litres de vin". Le point de départ est une

occurrence pi qui est délimitée de manière extrinsèque ("deux

litres) mais qui sur le plan qualitatif est simplement stable.

Cette "simple stabilité" correspond à un rapport particulier au

qualitatif, différent de celui qu'entretiennent les discrets et

les compacts. S. de Vogüé (1989, p13) l'explique à propos du

terme 'eau':

Page 123: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

122

"(...) cela signifie (...) que la détermination de ce qui pourra

constituer la classe d'occurrences d''eau' ne passe pas par

l'identification à un type, puisqu'une liste (finie) de

propriétés caractéristiques y suffit: sur ce plan aussi (un plan

qui est autant celui du cognitif que celui du linguistique à

proprement parler) 'eau' et 'chien' se distinguent puisque

'chien' n'est pas quant à lui factorisable en une liste finie de

propriétés déterminées."

Cette citation un peu longue explique pourquoi bien est peu

compatible avec les termes denses (voir les exemples avec le

syntagme "bien du N (dense)"). Le domaine associable à un terme

dense se présente sans aucune variation qualitative (tous les

points vérifient la liste finie des propriétés caractéristiques

du terme dense en question). Or l'emploi de bien suppose une

altérité qualitative.

La délimitation par un dénombreur est une détermination

quantitative (il ne s'agit pas d'une variation qualitative).

Normalement bien devrait être totalement incompatible avec les

termes denses. On va donc réinterpréter la détermination comme

une propriété ('être deux litres' par exemple) qui sera elle-même

susceptible de donner lieu à plusieurs valeurs (la zone de p:

'être vraiment deux litres' / la zone de p': 'être plus ou moins

deux litres'). Cette réinterprétation correspond à la

construction d'un terme de référence par rapport auquel on pourra

évaluer l'occurrence pi.

Un énoncé de la suite "bien + N (dense)" ne répond pas à la

question posée en contexte. Elle portait sur la quantité on

répond par une appréciation qui est (avec bien) nécessairement

Page 124: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

123

qualitative.

La réinterprétation qualitative de la détermination par un

dénombreur est à l'origine de l'idée de seuil qui accompagne ces

énoncés. On a dans le même temps confirmation d'une certaine

quantité, l'occurrence pi appartient à la zone de ce qui 'est

vraiment deux litres' (zone de p) et possibilité d'une certaine

variation qualitative vers le centre de cette zone le haut degré

de 'être deux litres'.

En conclusion sur cet emploi on constate qu'il vérifie les

critères de l'"appréciatif" (C.1 et C.2) auquel nous le

ramenons.

En résumé

La suite "bien + nom" donne lieu à trois types d'énoncés

selon que le nom est catégorisé en compact, discret ou dense. Les

propriétés primitives des termes font que certains d'entre eux

n'apparaîtront généralement que dans une seule catégorie (par ex:

blancheur) mais d'autres peuvent passer d'une catégorie à

l'autre:

(c) du malheur / (discret) des malheurs

(c) du tracas / (discret) des tracas

(c) du bonheur / (discret) des bonheurs

(dense) une tasse de thé / (discret) des thés

Page 125: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

124

(dense) une tasse de café / (discret) des cafés

Dans la suite "bien + nom", lorsque le nom est compact il

n'est susceptible que d'une construction temporelle bien a la

valeur d'"intensif".

Lorsque le nom est discret, bien a aussi la valeur

d'"intensif". On identifie les occurrences de la classe les unes

aux autres relativement à une propriété différentielle qu'elles

ne vérifient pas.

Lorsque le nom est dense, bien a la valeur d'"appréciatif".

L'occurrence qui est en jeu appartient à l'Intérieur de la zone

où se trouvent toutes les occurrences qui vérifient la propriété

que constitue le dénombreur qui détermine le nom.

Page 126: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

125

NOTES DU CHAPITRE III

(1): A. Culioli (1978) ne donne qu'un exemple de cette suite; il

faut recourir à un autre article de l'auteur (1974) "A propos des

énoncés exclamatifs" pour trouver l'analyse d'un exemple comme:

"Il a bien de la patience!".

D. Duprey (1981) n'en donne pas; il faut revenir à sa thèse

(1979) pour en trouver mention pp 55-57. Il ne s'y attarde pas

considérant que "la valeur très ou beaucoup est une valeur

seconde, dérivée, peut-être même récente historiquement, et en

tous cas peu stable. Il confirme un peu plus loin: "bien n'est

augmentatif que secondairement. C'est plutôt une adjonction. Sa

valeur fondamentale doit être autre. Nous avons là affaire à une

valeur dérivée (tant synchroniquement que diachroniquement)". D.

Duprey s'appuie sur les résultats négatifs aux tests syntaxiques

(commutation, négation, questionnement) des énoncés comme "Il est

bien malade" pour justifier l'opinion selon laquelle cette valeur

aurait un caractère superficiel.

Nous nous inscrivons en faux contre cette thèse. La valeur

d'"intensif" (valeur "très" chez D. Duprey) est une valeur

fondamentale de bien au même titre que l'"appréciatif" quelle que

soit la suite syntaxique considérée: "bien + nom", "bien +

adjectif" ou "bien + verbe". L'analyse faite dans les premiers

chapitres de notre étude peut ne pas paraître suffisante eu égard

à la nature diachronique des arguments de D. Duprey: l'"intensif"

serait une valeur "récente historiquement". D'autant plus qu'un

autre linguiste, J-Ph. Dalbera (1980, p47), donne un argument du

même type pour expliquer l'ambiguïté de certains adverbes (dont

bien): "Mais là commence l'ambiguïté. (...) A considérer le méca-

nisme de création d'intensifs par déplacement des adverbes tel

qu'il est utilisé dans le français d'aujourd'hui, il semble que

l'ambiguïté soit (devenue) la règle...".

Sans revenir sur le fait que ces recours à la diachronie

paraissent bien isolés dans les travaux de D. Duprey (1979) et de

J-Ph. Dalbera (1980) qui mettent en oeuvre une argumentation

strictement synchronique nous ferons remarquer que bene en latin

possédait déjà ces deux valeurs ("appréciatif": "bene

manehaecscripsi" (Ciceron, Lettre à Atticus, 4,9,2) ET

"intensif": "habetissermonem bene longum" (Ciceron, de oratore,

2, 361) (voir ArchivfürlateinischeLexicographie, T.1, 1884, p95).

On ne peut pas considérer qu'il s'agit là d'une période récente

de l'évolution de la langue.

(2): M. Grevisse (éd de 1975, §328, n1, p296) cite cette ré-

flexion de Brunot et Bruneau

(PrécisdeGrammairehistoriquedelalanguefrançaise): "L'article

Page 127: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

126

partitif n'a pas de pluriel. Pour un Français, 'DES croissants,

DES radis' est le pluriel de 'UN croissant, UN radis'. Sur cette

question on pourra consulter L. Kupferman (1979), "L'article

partitif existe-t-il?", in LeFrançaismoderne T47-1, pp 1-16.

(3): G. KLEIBER, (1987) se demande si chose est véritablement à

classer dans les termes discrets, voir "Mais à quoi sert donc le

mot chose? Une situation paradoxale", in Languefrançaise n°73,

Larousse éd, pp 109-127.

(4): A. Culioli (1978, p307) fait le même constat: "bien (...)

peut signifier l'approximation à partir d'un minimum ("il a bien

la cinquantaine: "la cinquantaine et plus")".

Page 128: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

127

CHAPITRE IV

LE "CONFIRMATIF"

4.1. Identification de la valeur

Qu'entendons-nous par bien "confirmatif"? Une

définition intuitive de la valeur pourrait être: "il y a

"confirmation" lorsqu'à la suite d'une remise en cause, on

affirme ce que l'on avait déjà dit". Une glose de bien est alors

"effectivement". Prenons un exemple:

So : Il y a du pétrole ici, j'en suis sûr.

So': Ca m'étonnerait beaucoup, les sondages n'ont

jamais rien donné.

(on découvre du pétrole quelques temps après)

So : Tu vois, j'avais raison, il y a bien du

pétrole ici.

-A la première réplique correspond la construction d'une valeur p

<y avoir du pétrole ici>.

-A la deuxième réplique correspond la remise en cause de p. C'est

la construction, pour un localisateur donné, d'une autre valeur

p' <ne pas y avoir de pétrole ici> à côté de la première p. Dans

notre exemple, So' n'est pas en mesure de choisir entre p et p'.

-A la troisième réplique ("Tu vois, j'avais raison...")

Page 129: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

128

correspond la "confirmation" proprement dite. So identifie

l'occurrence situationnelle pi à p qui est une valeur déjà posée;

ce faisant il écarte l'autre valeur p'.

4.1.1. Critères sémantiques

Le "confirmatif" correspond rarement à une rubrique

distincte du bien "intensif" dans les dictionnaires que nous

avons consultés.

P. Robert (éd de 1966, p468) le donne comme une des in-

terprétations possibles de bien quand il exprime "l'intensité ou

le haut-degré". Selon lui, "il renforce l'idée exprimée ou

s'emploie par redondance" dans des exemples comme: "Vous savez

bien que mon plus grand plaisir est de sortir avec vous", ou

"vouloir bien" et "tu penses bien que...".

E. Littré (éd de 1963, p1012) donne cette valeur comme une

simple variante des emplois où bien signifie "beaucoup, très,

entièrement, tout à fait", avec un exemple comme: "C'est bien

lui" ("c'est lui en effet, véritablement").

Cette confusion nous semble regrettable et nous préférerons

retenir le propos des grammairiens sur cette valeur.

4.1.2. Critères grammaticaux

R.L. Wagner et J. Pinchon (1962, §496, p422) pensent que

bien peut être un "adverbe d'opinion", ils le donnent, dans ce

Page 130: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

129

cas, comme synonyme de "soit" ou "volontiers" dans la mesure où

il permet de formuler "un acquiescement".

M. Grevisse (éd de 1975, p922, §867) le donne comme un

"adverbe d'affirmation" au sein d'une classe qui comporterait

entre autres: "exactement, assurément, aussi, absolument, certes,

oui etc...". Mais les exemples qu'il donne (voir ci-dessous (a)

et (b) ne sont pas du type de ceux que nous étudierons dans ce

chapitre.

Définir bien comme un adverbe d'"affirmation" (ou

d'"opinion") est donc tout à fait acceptable, à condition de

distinguer entre les différents environnements syntaxiques.

4.1.3. Critères syntaxiques

Comme "adverbe d'affirmation", bien peut apparaître dans

trois types d'environnement:

(a) rejeté au début de l'énoncé, comme suite à une réponse perçue

comme satisfaisante pour le locuteur (1):

(a) So : Vous êtes passé chez Paul?

So': A huit heures.

So : Bien, on peut partir.

(b): inscrit dans une structure assez rigide, à la suite d'une

négation: "pas X mais bien Y". Bien n'est pas vraiment glosable

par "effectivement", on préférera "en fait" plus proche de l'idée

Page 131: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

130

de surprise ou d'étonnement qui accompagne toujours ce type

d'exemples.

(b) Sa vie telle qu'il la raconte, n'a pas été gouvernée ni

par le cinéma, ni par le théâtre, ni par la politique,

mais bien par la passion des femmes. (l'auteur de

l'article vient d'étudier les trois thèmes dont il nie

la primauté dans la vie du cinéaste E. Kazan, voir R.

Louit, in LeMagazinelittéraire, n°271, Nov 1989,

"Kazan, la bonne tension", p76.).

Il ne s'agit pas d'un "confirmatif" mais d'une autre valeur, le

"confirmatif.t" ("t" pour temporel) que nous étudierons au

chapitre V.

(c): bien est inséré dans l'énoncé, il suit le verbe (ou il est

placé entre l'auxiliaire et le participe passé). Si l'énoncé

s'inscrit dans un dialogue, bien apparaîtra dans une réponse

positive à la question posée (et non pas à la suite de la réponse

positive:

(c) So': Vous êtes passé chez Paul?

So : Nous y sommes bien passés, ne t'inquiète pas.

Dans ce chapitre nous essaierons de rendre compte de

l'association de cette distribution et de cette valeur sémantique

("effectivement") que nous nommons "confirmatif".

4.2. Caractérisation de la valeur

Page 132: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

131

Pour comprendre l'existence de cette valeur, il faut revenir

à la question du statut d'une occurrence.

A. L'altérité est de fondation.

1- A priori une occurrence (pi) n'est pas nécessairement

stabilisée. Ainsi que l'écrit A. Culioli (1989, p190):

"L'altérité est de fondation". En même temps cette altérité, pour

être définie, doit être calculée. D'où la nécessité d'un autre

terme (terme de référence), par rapport auquel ce calcul pourra

être effectué (on pourra avoir par exemple des rapports

d'identité = ou de différence #).

2- Deux cas peuvent être envisagés, le terme de référence existe

déjà (il est premier par rapport à l'occurrence) ou il n'existe

pas (l'occurrence est première), il faudra alors le construire a

posteriori. Ces deux cas correspondent respectivement aux

chapitres IV (le "confirmatif") et V (le "confirmatif.t"). Pour

le "confirmatif" on pouvait s'en douter, si on "confirme" c'est

qu'on a déjà "affirmé". Mais si l'on s'en tenait là on ne serait

pas en mesure de distinguer le "confirmatif" de l'"appréciatif"

puisque tous deux vérifient le critère 1:

C.1. Le terme de référence est préconstruit.

B. "Valuation" vs "Validation".

Page 133: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

132

L'opposition ("validation" vs "valuation") correspond à deux

types principaux d'altérité au niveau du terme de référence (dire

qu'il y a deux types principaux, c'est dire qu'à notre niveau

d'analyse on ne devrait pas trouver de troisième type de

valeurs). On aura l'un ou l'autre selon le mode de définition du

terme de référence:

-valuation: le terme de référence correspond à la valeur p sur le

domaine de p,p'. La zone de p comprend les valeurs de P qu'on

considère comme identifiables au Type de P, c'est la zone

d'identification au Type ou Intérieur du domaine. La zone de p'

comprend les valeurs qu'on ne peut pas identifier au Type. C'est

la zone de différenciation par rapport au Type ou Frontière du

domaine.

LadélimitationdelavaleurpestfaiterelativementauTypequi,pardéfinit

ionn'estpasuntermelocalisé.Danslecasdesvaleursdevaluationladélimi

tationdutermederéférenceestunedélimitationsubjective. Nous

rendons compte de ce mode particulier de délimitation grâce au

critère 2:

C.2. "L'altérité est de type I/F".

-validation: Dans l'exemple que nous utilisons ("Il y a bien du

pétrole..."), la délimitation de p a été faite lors de la

première assertion de p ("Il y a du pétrole ici, j'en suis sûr")

relativement à une autre Sit que Sito. Autrement dit lapropriétép

'y avoir du pétrole'

Page 134: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

133

afaitl'objetd'unepremièremiseenrelationavecunterme 'ici'

quiétaitlui-mêmelocaliséparrapportàunSitdifférentdeSito. Nous

dirons que, danslecasdesvaleursdevalidation,ladélimitationdep

(terme de référence) correspondàunepremièrelocalisationdep (2).

Cette délimitation permet de distinguer deux zones homogènes (I)

<y avoir du pétrole ici> et (E) <ne pas y avoir de pétrole ici>.

pi est identifiable à p ou pas. Il n'y a pas de zone

intermédiaire comme F qui permettrait de dire que pi se ramène à

p "dans une certaine mesure". C'est oui ou non. Là où on avait

une problématique de la "valuation" on a maintenant

uneproblématiquedel'existence. Le "confirmatif", comme les autres

valeurs de "validation", vérifie le critère 4 qui rend compte de

ce nouveau mode de délimitation du terme de référence:

C.4. "L'altérité est de type I/E".

NB: La différence entre les deux problématiques sera

développée tout au long du chapitre; notons qu'on peut avoir une

problématique de l'existence sans que p fasse l'objet d'une

préconstruction. p est alors construit retrospectivement, il

s'agit d'autres valeurs de "validation" que nous étudierons au

chapitre V avec des exemples comme:

Ah, c'est bien le moment!

On achève bien les chevaux!

Ce n'est pas un orage mais bien un cyclone qui s'est abattu

sur la Guadeloupe.

C. La définition de p'.

p' peut être conçu comme le complémentaire de p sans autre

Page 135: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

134

spécification. Il peut aussi être spécifié, comme dans l'exemple

que nous donnions, par la prise de position de So' ("Il n'y a pas

de pétrole ici"). Nous distinguerons trois cas qui forment

l'articulation générale du chapitre:

4.2.1. L'altérité p,p' est relayée par une opposition

intersubjective.

ex: J'avais raison, il est bien sept heures.

4.2.2. L'altérité p,p' est relayée sur le plan intersubjectif.

ex: Nous avons bien reçu votre lettre du 18

courant.

4.2.3. L'altérité p,p' n'est pas relayée sur le plan

intersubjectif.

ex: Il vérifia que Paul était bien parti avant

d'entrer.

4.2.1. L'altérité p,p' est relayée par une opposition

intersubjective

Une fois que p a été préconstruit la remise en cause de p

est, soit effective, soit possible. Si elle est effective il

s'agit d'une opposition frontale entre les deux locuteurs, chacun

tenant pour une des deux valeurs. On peut dire que p' est

spécifié (par exemple: "il n'y a pas de pétrole ici"). Au niveau

des énoncés l'opposition stricte est repérable à des expressions

comme "Tu vois, j'avais raison". Si la remise en cause est

simplement possible, l'énonciateur "prévient" une éventuelle

Page 136: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

135

contestation de son coénonciateur. Dans ce cas p' n'est pas

spécifié (voir § 4.2.2.).

En contexte dialogique, on a pu noter que, très souvent,

l'énoncé comporte l'évocation d'une assertion préalable qui fait

l'objet de la confirmation. Nous pensons au "J'avais raison" du

premier exemple, ou a une expression comme "Je l'avais bien

dit!". Nous définirons l'assertion comme l'affirmation de la

vérité de p. Ce qui signifie que l'énonciateur So prend en charge

le fait que p est vrai. La relation étroite existant entre la

vérité et la forme assertive est largement établie par S. De

Vogüé (1985, p62) (3). Nous nous bornons à reprendre ses propos:

"Toute assertion, quel que soit son contenu, va, en tant

qu'assertion, renvoyer au vrai. C'est même là ce qui va définir

la forme assertive". Le préconstruit p est délimité à travers

l'assertion dont il fait l'objet. A l'assertion préalable de p

par So répond la construction de p' par So'. Celle-ci est

nécessairement interprétée comme la négation de p: si p est vrai

alors p' est faux. On ne travaille que sur deux valeurs. Les

prises de positions des deux énonciateurs reviennent à constituer

deux zones homogènes I et E de telle sorte qu'on doit être dans

l'une ou (exclusif) dans l'autre.

4.2.1.1. Caractérisation du "confirmatif"

A ce stade nous avons mis en place les deux critères (C.1.

et C.4.) à partir desquels on peut définir le "confirmatif" par

Page 137: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

136

opposition aux valeurs déjà connues:

C.1. Le terme de référence est préconstruit.

C.4. L'altérité est de type I/E.

On peut s'étonner de ce que nous ne reprenions pas la notion de

localisation du préconstruit dans la formulation des critères.

Elle est impliquée par le type d'altérité, si l'altérité est de

type I/E, p a fait l'objet d'une première mise en relation, il

n'est donc pas nécessaire ni de reformuler le critère 1 ni

d'ajouter un troisième critère à ce propos.

4.2.1.2. Un exemple de "confirmatif"

Nous pouvons appliquer ces conclusions à un exemple assez

particulier cité par D. Duprey (1979, p50) (4):

"Au fait, le Charles, il est bien pas venu avec

sa mobylette, hier, non?"

Il nous semble que le seul moyen de le comprendre est

d'admettre que le locuteur avait préalablement affirmé (parié

serait pragmatiquement plus adéquat) que "le Charles ne viendrait

pas à mobylette". Les faits lui ayant donné raison, il rappelle

ainsi qu'il avait vu juste (contrairement à son interlocuteur qui

avait dit que p' <Charles venir> était la bonne valeur).

Page 138: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

137

L'exemple paraît bizarre parce que la négation n'est pas la

forme normale de p préconstruit. Dans le schéma de la

"confirmation" on a vu que p était premier par rapport à p', il

serait donc normal que p' soit la négation (syntaxique) de p et

pas l'inverse. Un terme négatif est linguistiquement second par

rapport au terme dont il est la négation. Or dans cet exemple, p

est en même temps un terme premier (préconstruit par So) et un

terme (syntaxiquement) négatif. Pour que l'énoncé soit acceptable

il est nécessaire que les positions respectives des

coénonciateurs soient parfaitement opposées à propos de la

validation de p. Le contexte du pari rend possible cet équilibre

de la forme négative (pour p) et de la forme positive (pour p').

Dans un pari, chacun constitue l'autre comme le repère de la

"mauvaise valeur", tandis qu'il se constitue lui-même comme celui

de la "bonne valeur". Du point de vue de So la bonne valeur c'est

p <Charles ne pas venir> et la mauvaise valeur (celle qui en

dépend) c'est p' <Charles venir>, inversement pour So' la bonne

valeur c'est p' <Charles venir> et la mauvaise valeur (celle qui

en dépend) c'est p <Charles ne pas venir>. On peut définir la

"mauvaise valeur" comme la valeur dépendante de la valeur

construite par l'énonciateur. Du coup une forme (syntaxique)

négative p <Charles ne pas venir> peut apparaître comme une

valeur première par rapport à sa correspondante positive p'

<Charles venir> et rendre l'énoncé attestable. On voit ici

comment l'énonciatif "déforme" le syntaxique pour construire un

énoncé qui sans être académique est néanmoins attestable.

Page 139: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

138

4.2.1.3. Le point sur les derniers exemples

Pour qu'il y ait "confirmation" il faut qu'on ait une

problématique de l'altérité (est-on en p ou en p'?). Pour pouvoir

se poser une telle question, ilfautêtredansunepositionhors(p,p'),

d'où l'on puisse construire l'identification à p ou à "autre-que-

p". Deux cas se présentent:

(1) Soit p' est construit par une autre instance (So') (ex: <il

n'y a pas de pétrole ici>) alors que p est déjà préconstruit (<il

y a du pétrole ici>, du fait que p' est spécifié on est ni en p

ni en p' mais en position de choisir: en hors(p,p').

(2) Soit p' est simplement possible parce qu'on se situe en

hors(p,p') (ce sont les exemples que nous étudierons ensuite aux

§ 4.2.2 et 4.2.3).

Mais revenons à (1). On "confirme" en revenant à p préconstruit,

ce qui revient à exclure p'. Ce sont les cas où l'altérité p,p'

est relayée par une opposition intersubjective. Nous les

schématiserons ainsi:

So p pp' So'

! !

! !

! !

'

hors (p,p')

NB: on passe de p (préconstruit) à une position hors

(p,p'), parce que l'autre valeur p' a été construite

(elle n'est pas notée entre parenthèses). Finalement p

Page 140: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

139

est confirmé (noté en gras).

4.2.2. L'altérité p,p' est relayée sur le plan intersubjectif

En "contexte dialogique" p' ne fait pas l'objet d'une

préconstruction localisée. Deux cas se présentent selon que p est

attribuable à So ou à So'.

4.2.2.1. p est attribuable à So

Soit l'exemple suivant:

Nous avons bien reçu votre lettre du 18 courant.

Du point de vue de So l'existence de sa réponse signifie

qu'il a déjà reçu la lettre de son destinataire. C'est donc de

son point de vue que p <So avoir reçu la lettre> est préconstruit

et validé. Mais cela n'est pas certain du point de vue du

destinataire So'. C'est donc pour prévenir une éventuelle

inquiétude de son destinataire que le premier confirme "Nous

avons bien reçu...". So' se trouve en hors(p,p') relativement à

la validation de p. Pour prendre en compte cette incertitude,

l'énonciateur met en place une problématique de l'existence de p

qui justifie ensuite la confirmation de p.

Prenons un autre exemple:

Page 141: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

140

(Un livre commandé ayant été reçu, on fait parvenir la

facture du livre au service financier chargé

normalement de la régler avec le mot d'accompagnement

suivant:)

Nous avons bien reçu le livre.

On pourrait gloser cet énoncé de la manière suivante: "nous

avons reçu le livre que nous attendions". Il nous semble qu'il

n'y a pas de difficultés ici à attribuer à So la préconstruction

de p. L'exemple signifie: "nous attendions un livre, le fait que

la facture vous parvienne ne prouve pas qu'il ait été

effectivement reçu par le service qui l'avait commandé, mais

rassurez-vous, il a été reçu (donc vous pouvez payer la

facture)". Dans cet exemple, So' se trouve en hors(p,p')

relativement à la validation de p, l'énonciateur prend en compte

cette incertitude, et il confirme p comme la bonne valeur.

4.2.2.2. p est attribuable à So'

Soit l'exemple suivant.

"La psychanalyse est bien née à Vienne. Mais elle n'est

pas un produit représentatif, voire typique.(...) Il

est indubitable qu'elle est née à Vienne, mais elle

n'est pas engendrée par Vienne: quelque chose manque

pour que le produit fasse sens dans son origine. (P-L

Assoun, in Magazinelittéraire, n°271, Nov 1989, "Freud:

l'oubli de Vienne", p44.).

Les exemples comme celui-ci sont sémantiquement proches

d'une concession mais il n'est pas nécessaire de proposer de

Page 142: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

141

nouveaux éléments pour les analyser, nous réserverons ce terme

aux énoncés au conditionnel (voir au chapitre VII). Ici, les deux

propositions ont même statut; grammaticalement, il s'agit d'une

"opposition simple" (R.L. Wagner et J. Pinchon, 1962, §712. a.b,

p 608). L'énonciateur attribue à So' la construction de p <La

psychanalyse est née à Vienne> et il confirme ("... bien née à

Vienne") mais dans un deuxième temps il se situe en p' ("mais

elle n'est pas un produit représentatif"). Une différence assez

sensible entre "concession" et "opposition" est que dans

l'"opposition" p a un statut sur le plan factuel tandis qu'il

n'en a pas dans la "concession":

(c) Il irait bien à la chasse, mais son docteur le lui

interdit.

(o) Il va bien à la chasse, mais son docteur le lui

interdit.

Nous interprétons de la même manière ("confirmatif", la

préconstruction de p est attribuée à So') l'exemple suivant:

Ils parlent bien de sujet, de complément direct et

indirect, mais ils en restent là. (A. Chervel, cité par

M.A. Morel, 1980, p695) (5).

ou: L'inflation qui atteignait 16% en 1974, a bien été

ramenée à 11,5% en 1975 et un peu au-dessous de 8% l'an

dernier; mais de nouvelles inquiétudes se font jour, et

les indices relevés pour les trois premiers mois de

1977 invitent au pessimisme. (LeMonde, cité par M.A.

Morel, 1980, p694).

4.2.2.3. Le point sur les derniers exemples

Page 143: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

142

Si l'on se remémore les exemples dans lesquels p faisait

l'objet d'une assertion en contexte, on constate que, si le

rapport p,p' n'a pas changé (il s'agit toujours d'une altérité de

type I/E), le rapport So/So' ne se conçoit plus de la même

manière.

-Avec un exemple comme: "Nous avons bien reçu votre lettre." So

postule que So' est à l'origine d'une éventuelle remise en cause

de p. Nous résumerons cela de la manière suivante:

La valeur p ayant fait l'objet d'une première localisation,

So envisage une éventuelle construction de p' par So', du coup il

se situe en hors(p,p'). Puis il confirme en passant de la

position hors(p,p') à la position p. Ce sont les cas de "remise

en cause possible". Nous les schématiserons ainsi:

So p p (p') So'

! !

! !

! !

'

hors (p,p')

NB: on passe de p (préconstruit) à une position hors

(p,p'), l'autre valeur p' est simplement possible (elle

est notée entre parenthèses). Finalement p est confirmé

(noté en gras).

-Avec un exemple comme: "Il est bien arrivé, mais il est en

retard". So confirme une valeur p dont il n'est pas le

constructeur et se situe finalement en p', ce sont les cas

Page 144: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

143

d'"opposition":

So' p pp' So

! !

! !

! !

'

hors (p,p')

NB: on passe de p (préconstruit) à une position hors

(p,p'), finalement p est confirmé (noté en gras) mais

ensuite So se situe en p'.

4.2.3. L'altérité p,p' n'est pas relayée sur le plan

intersubjectif

Nous parlons d'altérité d'origine contextuelle lorsque la

délimitation de p n'est attribuable ni à So ni à So'. Voyons cela

sur un exemple:

Watergate: La découverte d'un micro dissimulé dans les

dossiers (...) du grand Rabinat de Jérusalem a mis en

émoi (...) la plus haute instance religieuse d'Israël.

Le micro transmettait les délibérations de la

commission de la "cachrouth" chargée de certifier que

les viandes importées sont bien "kascher" (conformes

aux interdits alimentaires de la religion juive).

(L'EstRépublicain, 4/11/89, p10)

Le verbe "certifier" nous donne la première indication. On

pourrait le remplacer par "vérifier" ou "confirmer". La viande a

déjà fait l'objet d'une première déclaration comme étant

"kascher" (préconstruction de p). Le contexte est suffisament

clair: p <être Kascher> est la "bonne valeur". Elle apparaît

Page 145: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

144

comme un préconstruit relativement à la viande importée

(l'occurrence situationnelle pi). La nécessité de la vérification

prouve qu'il existe des risques, liés à l'origine de la viande,

pour qu'elle ne soit pas vraiment "kascher". L'existence même de

la commission, constitue le point de vue à partir duquel toutes

les possibilités sont envisagées (pour nous un point hors(p,p').

Et enfin après examen (parcours des valeurs possibles p,p') la

commission certifiera la viande comme "kascher" (pour nous:

identifiera pi à p préconstruit).

Le point de vue de la commission fonctionne comme un repère

à partir duquel il est possible de distinguer entre p et p'. Le

fait que ce repère échappe au champ intersubjectif nous fait

ranger cet exemple dans les cas d'altérité d'origine

contextuelle.

Forts de cette première analyse du "confirmatif" nous allons

en vérifier la généralité sur d'autres exemples qui sont des

actualisations de la suite "impératif + bien".

4.3. Un exemple: la suite "impératif + bien"

Ecris-lui bien, surtout n'oublie pas.

(donné par A.Culioli 1988, p170)

Le contexte est assez clair, on comprend que le locuteur

Page 146: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

145

réitère une demande déjà faite. La relation <toi / écrire> p a

fait l'objet d'une première construction en contexte. On peut la

décrire comme une relation "à valider", construite en rupture

avec Sito. La remise en cause est explicitement évoquée par le

deuxième impératif: "surtout, n'oublie pas".

En quoi cet énoncé est-il un exemple de "confirmatif"? C'est

la construction même de p qui est en cause. Une glose de l'énoncé

pourrait être: "quand tu seras au moment d'écrire alors écris-

lui". C'est très exactement "ce moment d'écrire" qui constitue

lalocalisationdupréconstruit p. Elle a pour conséquence que Sit2p

(le moment de validation de p) est normalement différent de Sito.

On peut pour le vérifier comparer l'exemple avec le même énoncé

sans bien:

Ecris-lui, surtout n'oublie pas.

Sans bien, la zone de validation du procès 'écrire' commence en

To. Il ne serait pas incongru que l'interlocuteur se mette à

écrire tout de suite. En revanche dans l'énoncé avec bien, on

conçoit mal que la zone de validation commence en To. On nous

dira que cette interprétation est liée au contexte "épistolaire"

de l'énoncé. Pas seulement. Comment peut-on interpréter l'exemple

suivant:

Ouvre-moi bien la porte.

Page 147: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

146

Soit comme un "appréciatif" ("Ouvre-moi correctement la porte"),

soit comme un "confirmatif" ("A ce moment-là, comme je te l'ai

dit, ouvre-moi la porte"). Si p a fait l'objet d'une première

localisation, Sit2p est a priori différent de Sito dans le cas

contraire p est à valider à partir de Sito.

Nous pouvons conclure qu'avec la suite "impératif + bien"

deux valeurs sont possibles dans les conditions suivantes:

.--------------.--------------------------------------.

! ! p n'est pas localisé !

! p ! !

! ! "APPRECIATIF" ! Mange bien! !

! est ! ! Porte-toi bien! !

! !--------------------------------------!

! pré- ! p est localisé !

! ! !

! construit ! "CONFIRMATIF" ! Ecris-lui bien, sur- !

! ! ! tout n'oublie pas! !

'--------------'--------------------------------------'

En résumé

Le terme de référence p peut être attribuable à différentes

origines énonciatives, p' peut être spécifié ou non. Ces

variations permettent de distinguer entre différentes formes de

"confirmatif" qui toutes vérifient deux critères:

C.1. Le terme de référence est préconstruit.

C.4. L'altérité est de type I/E.

Page 148: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

147

Dans tous les exemples que nous avons donnés p était

préconstruit, et apparaissait comme premier relativement à pi.

Mais que penser d'un énoncé comme:

Ah, c'est bien le moment!

Il ne s'agit évidemment pas d'un "appréciatif", mais s'il s'agit

d'un "confirmatif" ce qui est confirmé n'était pas préconstruit

du point de vue de l'énonciateur. Au contraire on peut dire que

pour lui "maintenant" vérifiait 'autre-que-le-moment'. En un mot

p n'était pas préconstruit et c'est pourtant p qui est confirmé.

Ce schéma très général se vérifie sur un grand nombre d'exemples.

Nous allons l'étudier au chapitre suivant.

Page 149: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

148

NOTES DU CHAPITRE IV

(1): Dans un énoncé comme "Bien, nous pouvons partir", il s'agit

d'une nouvelle valeur de bien qui appartient à la classe des

valeurs de "liaison" et à la catégorie des valeurs subjectives.

La valeur temporelle correspondante est la locution "Eh bien".

Dans ces emplois bien (Eh bien) articule deux énoncés c'est la

raison pour laquelle nous les désignons comme des valeurs de

"liaison". Leur étude confirme nos hypothèse mais n'est pas

nécessaire à notre démonstration, nous ne l'aborderons donc pas

dans le cadre de cet ouvrage.

(2): Nous disons que p préconstruit a fait l'objet d'une première

localisation. Il n'y a rien d'original à cette description. C'est

à peu de choses près celle d' A. Culioli (1978, p306) à propos de

l'exemple "Il a bien expédié la lettre". Il écrit: que

l'interprétation "Il a effectivement expédié une lettre" (qui

correspond pour nous au "confirmatif") "marque une relation (de

confirmation) entre un préconstruit (explicite ou non) e1 et

l'énoncé e2".

(3): S. de VOGÜE., (1985), Référence,prédication,homonymie: Le

concept de validation et ses conséquences sur une théorie des

conjonctions, Thèse de doctorat d'état, Université de Paris VII,

2vol .

(4): Cet exemple est donné par D. Duprey (1979) dans le premier

chapitre de sa thèse p50. Il évoque les contraintes qui pèsent

dessus, il semble les attribuer à bien mais il ne les explique

pas. Il écrit (p46): "Nous ne tenterons pas non plus d'expliquer

ces contraintes. (...) Notre but est simplement de mettre en

évidence l'extraordinaire diversité des contraintes qui pèsent

sur bien, (...)".

(5): M-A. MOREL., (1980),

Etudesurlesmoyensgrammaticauxetlexicauxpropresàexprimeruneconcess

ionenfrançaiscontemporain, Thèse de doctorat d'état, Université

de Paris III, 2vol, 915p.

Page 150: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

149

CHAPITRE V

LE "CONFIRMATIF.T"

5.1. Identification de la valeur

Certains énoncés sont assez proches de la valeur de

"confirmatif" mais ne peuvent pas être classés comme tels; il

s'agit d'énoncés comme:

(1) Ah, c'est bien le moment!

(2) Une fois faite la part de la mythologie, voire du

romantisme du fondateur, il y a bien là un rendez-vous

manqué à penser. (P-L Assoun, in Magazinelittéraire,

n°271, Nov 1989, "Freud: l'oubli de Vienne", p47.).

(3) On achève bien les chevaux.

(4) Ce n'est pas un orage mais bien un cyclone qui a

ravagé la Guadeloupe.

Nous les rapprochons du "confirmatif" parce qu'on y trouve l'idée

d'une confirmation. Nous les en distinguons cependant parce que

le terme confirmé constitue une sorte d'état de fait indépendant

de l'énonciateur au contraire du "confirmatif". La glose

"effectivement" n'est plus adaptée (? "Ah, c'est effectivement le

moment!"). La meilleure glose de bien serait son absence (+ "Ah,

c'est () le moment!")! Tout terme (par exemple:

"Malheureusement") mis à la place de bien tendrait à être

Page 151: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

150

interprété comme une appréciation rapportable à l'énonciateur, du

coup on perdrait ce qui fait la spécificité de la valeur (l'idée

d'état de fait).

On peut considérer cela comme l'indice d'une construction

indépendante de l'énonciateur. Si la relation qui est en jeu (par

exemple <maintenant être le moment> n'est pas construite

subjectivement, elle est construite à partir d'une autre

instance, susceptible d'être à l'origine de ce que nous avons

décrit comme "un état de fait": l'instance temporelle T. Nous

postulons donc l'existence d'une autre valeur de confirmation que

nous nommons le "confirmatif.t" ("t" pour temporel). Nous allons

tenter de la définir plus précisément, en même temps que nous

essaierons de définir ce qui distingue les différents énoncés qui

nous serviront d'exemples-types.

5.1.1. Critères sémantiques

Les dictionnaires que nous avons consultés font rarement

état de ces emplois. J. Girodet (1986, p109) donne Mais bien

comme une "expression" au même titre que Bien entendu ou "Il s'en

faut bien" avec l'exemple suivant (type 4): "Il ne s'agit pas de

cas isolés, mais bien d'une véritable épidémie" mais il ne donne

aucun exemple des autres types.

E. Littré (éd de 1963, p1012) donne, dans la même rubrique

que celle des exemples de concession et de confirmation

(ordinaire) des exemples de type 1 en soulignant leur valeur

Page 152: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

151

"ironique": "Le ciel a bien ce souci!, Le peuple s'inquiète bien

de cela! C'était bien à moi de venir les trouver!". P. Robert (éd

de 1966, p467) donne le même type d'exemple: "C'est bien à vous

à..." et il précise que dans ce cas "bien peut exprimer la

négation" mais il ne dit rien des autres types.

On retiendra d'une part que ces emplois appartiennent

surtout à l'ordre de l'oral (cf la construction temporelle) d'où

leur absence presque totale des dictionnaires et on retiendra

d'autre part l'idée que bien est apte à exprimer la négation,

même si c'est un peu (trop) fort.

5.1.2. Critères grammaticaux

On ne peut pas davantage s'appuyer sur les grammaires pour

définir ces emplois. R.L. Wagner et J. Pinchon (1962) n'en

parlent pas. M. Grevisse (éd de 1975, p924, §870) donne deux

exemples de bien "marquant une affirmation à la suite d'une

négation" dont celui-ci: "Pas des rochers, mais bien des masses

architecturales" et il ne dit rien des autres emplois (1). On

peut penser que grammaticalement ces exemples doivent être

interprétés comme des cas où bien est un adverbe "d'affirmation";

ce qui là encore nous paraît relativement juste mais insuffisant.

5.1.3. Critères syntaxiques

On peut rapprocher les exemples (1) et (3) à cause de leur

caractère dialogique mais

Page 153: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

152

-les exemples (2) et (4) ne présentent pas ce caractère et

-il faudrait mettre à part le (4) en raison de sa syntaxe

particulière ( pas X mais bien Y) et

Pour comprendre ce qu'ils ont de commun, transformons les en

"confirmatifs":

(1a) Tu as raison, c'est bien le moment!

(2a) Il y a bien là un rendez-vous manqué à penser, à

condition d'avoir fait la part de la mythologie, et du

romantisme du fondateur.

(3a) En effet, on achève bien les chevaux.

(4a) Ce n'est pas un orage, tu as raison c'est bien un

cyclone qui a ravagé la Guadeloupe.

Pour les transformer, il a fallu "préconstruire" ce qui allait

être confirmé. On peut donc en conclure que les énoncés originaux

(1,2,3 et 4) supposent l'absence d'un préconstruit. Pour savoir

comment on peut avoir une confirmation sans préconstruit nous

allons passer à l'étude détaillée de ces exemples.

5.2. Caractérisation de la valeur

Nous distinguerons deux cas qui forment l'articulation

générale du chapitre.

Soit on ne considère qu'une seule occurrence de P, p' est le

complémentaire qualitatif de p. C'est ce qu'on observe dans des

énoncés comme (1) et (2):

Page 154: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

153

5.2.1. L'altérité p,p' est relayée par une opposition

intersubjective.

(1) Ah, c'est bien le moment!

5.2.2. L'altérité p,p' n'est pas relayée par une opposition

intersubjective.

(2) Une fois faite la part de la mythologie, voire du

romantisme du fondateur, il y a bien là un rendez-vous

manqué à penser.

Soit p' correspond à une autre occurrence (pj) de P, la question

étant alors de savoir si c'est pj ou pi qu'il faut confirmer

comme en (3) et (4). Nous étudierons alors (§5.3), à quelles

conditions il est possible de tenir l'hypothèse temporelle (p

n'est pas préconstruit) pour rendre compte de ces exemples.

5.3.1. L'altérité p,p' est relayée par une opposition

intersubjective.

(3) On achève bien les chevaux.

5.3.2. L'altérité n'est pas relayée par une opposition

intersubjective.

(4) Ce n'est pas un orage mais bien un cyclone qui

s'est abattu sur la Guadeloupe.

5.2.1. L'altérité p,p' est relayée par une opposition

intersubjective

(1) Ah, c'est bien le moment!

Le locuteur est surpris, sa réflexion est censée faire

Page 155: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

154

comprendre à son interlocuteur que le moment est mal choisi pour

ce qu'il est en train de lui proposer ou de lui demander. Pour

comprendre cet exemple il nous faut analyser ce qui se présente

comme deux données pragmatiques, "la demande de l'un" et "la

surprise de l'autre".

-La "demande": construit une occurrence de P sur le plan

factuel, nous la noterons pi <To est le moment>.

-L'idée de "surprise" recouvre un ensemble d'opérations que

nous allons essayer de définir:

(a) L'actualisation de la propriété P 'être le moment' à

travers la construction de pi se fait indépendamment de toute

attente de la part de So. p n'est donc pas préconstruit (critère

3.).

(b) La construction (inattendue) de pi en Sito entraîne la

construction rétrospective par So de ce qui était validable en To

soit p,p'. L'occurrence pi (ce qui arrive) existe (Qnt) mais

n'est pas stabilisée sur le plan qualitatif (Qlt). D'où le

recours aux valeurs possibles en To pour déterminer le rapport de

l'occurrence à la propriété qu'elle vérifie. On a donc

comparaison (opération de parcours) de pi avec les valeurs

possibles p,p'. Les valeurs parcourues s'opposent de manière

stricte: en p <To/être le moment> et p' <To/ne pas être le

moment>. Nous dirons donc qu'il s'agit d'une altérité de type I/E

Page 156: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

155

(critère 4.).

(c) So constate que pi se ramène à p, mais l'identification

n'a pas besoin d'être prise en charge par So. Elle se fait à

partir d'un point de vue qui échappe au champ intersubjectif. Il

s'agit du point du point de vue de "ce-qui-est", un point de vue

"objectif" Le "confirmatif.t" est une valeur de "constat".

(d) Pour So (rétrospectivement) ce qui était "à valider" sur

p,p' n'était pas forcément p. Sans dire que So se situe en p' (il

ne dit pas expressément que "ce n'est pas le moment") on peut

dire que Sosemaintientenhors(p,p'). L'idée (un peu forte) que

"bien peut exprimer la négation, ou (plus juste) que bien peut

s'employer ironiquement" (P. Robert, éd de 1966, p467) trouve là

sa justification (2).

Caractérisation de la valeur.

La construction temporelle de pi fait qu'on se situe en

hors(p,p') ce qui signifie que p et p' sont envisageables. Elle a

pour autre conséquence que quelle soit la volonté de So de

construire p' à partir de hors(p,p'), pi se ramène à p. Nous le

schématiserons ainsi:

Page 157: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

156

p p (p')

! !

! !

! !

'

hors (p,p')

NB: On confirme en passant de la position hors (p,p') à

la position p (noté en gras) et la position p' n'est

pas retenue (elle est notée entre parenthèses).

Nous sommes dès à présent en mesure de définir la valeur de

"confirmatif.t" .

C.3. Le terme de référence n'est pas préconstruit

C.4. L'altérité est de type I/E.

5.2.2. L'altérité p,p' n'est pas relayée par une

oppositionintersubjective.

(2) Une fois faite la part de la mythologie, voire du

romantisme du fondateur, il y a bien là un rendez-vous

manqué à penser.

Pour comprendre cette remarque de P-L. Assoun il faut

revenir au début de son article. "Vienne n'a reconnu ni Freud, ni

la psychanalyse". Il y a là comme un échec, un raté historique

sur lequel s'interroge l'auteur de l'article.

L'explication envisageable, P-L. Assoun l'évoque en ces

termes: "Une fois faite la part de la mythologie, voire du

romantisme du fondateur"; elle correspond à "ce à quoi on

Page 158: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

157

attribue généralement l'échec en question". Cette solution ne

sera finalement pas retenue ("Une fois faite la part du..").

L'auteur est en quelque sorte "contraint" de donner une autre

solution: "c'est un rendez-vous manqué". p en tant que <rendez-

vous manqué> ne fait l'objet d'aucune préconstruction. Il est

construit à partir de pi, le point de départ de l'article, le

constat d'un raté historique "Vienne n'a reconnu ni Freud, ni la

psychanalyse".

Nous allons revoir ce fonctionnement sur un autre exemple,

extrait du compte-rendu du vernissage de l'exposition d'un

photographe de mode à Paris.

(...) on comprend soudain pourquoi la mode est de

Paris. Et pourquoi celle des années 5O est plus

représentative qu'aucune autre: elle fut l'expression

des grandes stars contemporaines. Au-delà des Ava

Gardner, Edwige Feuillère, Lauren Bacall ou de la

princesse Margaret, c'est bien la Femme star, mondaine

et triomphante qui se trouve sculptée (...). (J-J

Chaix, LeNouvelObservateur, n°1151, du 28/11/86, p19)

Rappelons que dans une classe d'occurrences toutes les

occurrences (ici, les "stars" citées) vérifient la propriété

fondatrice de la classe (ici, 'être femme et être star') mais

qu'elles peuvent se distinguer les unes des autres par des

propriétés particulières.

Le "confirmatif.t" peut s'interpréter comme une alternance

de points de vue. Etant donné l'actualisation d'une occurrence pi

Page 159: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

158

de P, on reconstruit le domaine du validablep,p'. Sur le domaine,

p' est "ce à quoi on pourrait normalement s'attendre" pour pi

(c'est le premier point de vue). On est amené à constater que pi

ne se ramène pas à p' mais à p (c'est le second point de vue).

-Le premier correspond à l'observation suivante: la mode

parisienne des années cinquante fut l'expression des grandes

stars, L. Bacall, E. Feuillère etc... L'auteur attribue à cette

mode la fonction de magnifier les "stars" de l'époque, d'où

l'énumération de diverses occurrences vérifiant cette propriété.

-Le second permet le constat suivant qui dépasse l'anecdote: "Au-

delà des.. "c'est la Femme Star" qui se trouve magnifiée par

cette mode. 'La Femme Star' est le Type même de la propriété P.

L'emploi du présent: "c'est bien la femme-star qui se trouve

sculptée...", la démarche de l'auteur (des occurrences de P au

Type même de P), en même temps que l'idée de découverte qui

l'accompagne ("On comprend soudain pourquoi...") sont

caractéristiques de la valeur de constat qu'est le

"confirmatif.t".

Nous pouvons résumer l'analyse de ces deux exemples de la

manière suivante: l'actualisation de la propriété P à travers

l'occurrence pi, amène So à se situer en hors(p,p'). A partir de

là p et p' sont envisageables. On a une opération de parcours sur

les valeurs p et p'. La valeur p' correspond à ce qui était

normalement envisageable pour pi (premier point de vue) mais elle

Page 160: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

159

n'est pas retenue (cf le "Une fois faite la part de..." et le

"Au-delà des..." des exemples cités) car "à l'évidence" (deuxième

point de vue) pi se ramène à p. Ce que nous schématiserons ainsi:

p p (p')

! !

! !

! !

'

hors (p,p')

NB: On confirme en passant de la position hors (p,p') à

la position p (noté en gras) et la position p' n'est

pas retenue (elle est notée entre parenthèses).

5.3. p' correspond à une autre occurrence pj de P

Il y a une contradiction entre l'idée de construction

temporelle et celle d'une construction préalable d'une occurrence

de P. C'est pourtant l'idée que nous allons défendre pour rendre

compte des exemples suivants.

5.3.1. L'altérité p,p' est relayée par une opposition

intersubjective

Notre exemple du troisième type: "On achève bien les

chevaux" est le premier exemple analysé par A. Culioli (1978).

Nous ne pouvions donc pas nous dispenser de l'étudier. Mais notre

intérêt a une autre raison que la référence théorique, c'est le

côté "dernier mot" (au sens "avoir le dernier mot") des énoncés

Page 161: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

160

de ce type. Malheureusement leur aspect "percutant" n'a d'égal

que la complexité des opérations sur lesquelles ils reposent,

notre analyse s'en trouve singulièrement allongée, on voudra bien

nous en excuser.

A. Culioli propose la glose: "Puisqu'on achève les chevaux,

pourquoi n'achèverait-on pas les humains?", avec pour

commentaire: "(...) la relation est construite à partir d'un

terme, noté e1: (...) ("puisqu'on achève les chevaux"), par

rapport auquel on construit un énoncé e2 ("alors, pourquoi pas

les humains"). Et il pose la question suivante: "Mais comment se

fait-il que bien me permette de construire cet ajout énonciatif

que j'ai fait affleurer par la glose?". Nous retiendrons et la

glose et la question mais pas à l'initiale de notre étude. Le

commentaire d'A. Culioli peut laisser penser que "On achève bien

les chevaux!" est un énoncé premier. Il semble que ce soit

impossible; on verra que e1 suppose l'existence d'un précédent

énoncé (qu'on pourrait noter e0) et on montrera que c'est à

travers une symétrie entre e1 et e0 que peut se mettre en place

e2.

Nous allons étudier un exemple moins "chargé" (histo-

riquement) dont la contextualisation est peut être plus facile,

nous reviendrons ensuite au titre du film d'A. Pakula.

5.3.1.1. "Et vous, vous mangez bien des grenouilles!"

Page 162: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

161

Soit donc les répliques suivantes :

(e0) So': Quoi, vous mangez du chien, pouah!

(e1) So : Et vous, vous mangez bien des grenouilles!

(e2) So': Ah, mais ce n'est pas la même chose!

Les rapports intersubjectifs en contexte.

On peut interpréter les conditions d'apparition de (e0) de

la manière suivante: en voyant ou en apprenant que son

interlocuteur peut manger (ou mange) du chien, le locuteur est

surpris à un point tel qu'il conteste les qualités de "mangeable"

(Pouah!) à ce "mangé" (chien).

(e0) montre que du point de vue de So', la position de So

était (a priori) la même que la sienne relativement à ce qui

était mangeable ou non. Nous nommerons p,p' l'ensemble des

relations auquel il était susceptible d'être confronté (soit 'le

mangeable').

Ce que nous proposons de schématiser ainsi:

So-----------(( = ))-----------So'

><

><

((*)) ((*))

><

><

p,p'

NB: Le schéma signifie que quels que soient les rapports de

So à p,p' (notés ((*)) ce seraient les mêmes ((=)) que les

rapports de So' à p,p' (notés ((*)). Il s'agit de rapports

Page 163: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

162

conçus a priori du point de vue de So'. Dans le schéma, les

doubles parenthèses (()) autour des signes opératoires = et

* signifient qu'il ne s'agit pas d'opérations au sens

propre. Le rapport désigné par une étoile * correspond à un

ensemble de rapports possibles entre So'/p,p' et So/p,p').

A. Le point de vue de So'.

So se distingue de So' qui est bien obligé de constater que

le rapport de So à p,p' n'est pas le même que le sien. La

position de So' est liée à une différence d'interprétation de la

relation <chien / être mangeable>.

So' construit une relation instable entre du "mangé" et la

propriété 'être mangeable'. On peut développer ainsi cette

question: étant donné ce qui est de l'ordre du factuel, le

'mangé', comment peut-on le considérer comme du 'mangeable' alors

qu'il relève du 'non mangeable'? (3).

Un point de vue possible de So.

On pourrait s'attendre à ce que l'interlocuteur réponde

"Effectivement, je mange du chien, et alors ?", c'est-à-dire

prenne en charge (sémantiquement: "assume") la relation

(contradictoire) du 'mangé' au 'mangeable' telle qu'elle a été

posée par So'. Il aurait donc implicitement accepté l'exclusion

préalable du 'chien' de la classe du 'mangeable' que suppose la

question. En refusant de répondre à cette question So refuse, non

pas la question mais le point de vue à partir duquel elle est

Page 164: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

163

posée.

B. Le point de vue de So.

On voit l'"intérêt pragmatique" de la réponse de So: "Et

vous, vous mangez bien des grenouilles!". Il est de ne jamais

laisser le point de vue de So' devenir le point de vue de

référence. So inverse les rôles. So construit une relation toute

aussi contradictoire entre du 'mangé' (mais cette fois par So')

et le domaine du 'être mangeable'. Mais il ne demande pas à So'

de la justifier. On remarquera dans le même temps la vérification

du critère 4, les termes de l'opposition sont dans une relation

d'altérité de type I/E ('mangeable' vs 'non mangeable').

C'est précisémment dans ce mouvement, qui a pi <So' / manger

des grenouilles> comme point de départ que cet emploi est

définissable comme un "confirmatif.t". A partir de là sont

reconstruites les valeurs possibles de la propriété 'être

mangeable'. On vérifie ici le critère 3: "Le terme de référence

est construit a posteriori". La priorité de pi relativement à

p,p' a des conséquences syntaxiques et pragmatiques observables:

-les énoncés de ce type ont très souvent une valeur

générique, ce qui signifie qu'ils sont vrais quel que soit t. La

valeur générique permet de poser la relation de e1 comme

construite indépendamment de toute intervention subjective.

-lorsqu'ils sont au passé composé, le verbe prend très

difficilement une valeur d'aoriste. Il est généralement

interprétable comme ayant une valeur d'accompli (cf E.

Page 165: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

164

Benveniste, 1966) (4). Le fait qu'il soit vérifié est

"perceptible" en To, du coup cette vérification ne peut prêter à

discussion. Ainsi dans:

Tu as bien fait du bricolage, hier, toi!

Si au contraire on veut lui attribuer une valeur d'aoriste, on

aura une demande de confirmation, donc un "confirmatif":

Hier, tu as bien fait du bricolage?

-il nous semble qu'il y a dans l'apostrophe initiale "Et

vous, (...)", la trace de cet ancrage temporel. On peut réécrire

la relation comme: "So' ( ) ?". La place vide correspondant à ce

qui est fait, ce qui existe, qui est temporellement vérifié

(Qnt), mais qui n'a pas reçu encore de statut qualitatif (Qlt) et

qui va le recevoir à travers la construction rétrospective de

p,p'.

Il n'est plus nécessaire que le coénonciateur réponde "Oui,

je mange.." (voir §A.) pour que la relation soit stabilisée.

C'est bien qui est la trace de cette espèce de "verrouillage" du

rapport. Comment cela?

La réplique (e1) n'appelle pas de réponse en retour, bien

marque qu'il y a finalement identification des occurrences de

'grenouilles mangées' à des occurrences de 'mangeable'. On peut

vérifier, indirectement, l'existence de cette identification en

comparant notre énoncé à un exemple assez proche, dans lequel

l'identification en question reste à faire: "Et vous, vous ne

mangez pas des grenouilles?"

En (e1), So rétorque "ce qui de mon point de vue n'est pas

mangeable il est un fait que finalement cela vérifie la propriété

Page 166: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

165

'être mangeable'. Il ne fait que répéter ce qui est connu des

deux sujets. Non seulement la relation est fermée (par

l'identification), elle n'appelle pas de réponse, mais de plus

elle est incontestable.

C. Une variation de points de vue.

La réplique de So est le pendant de la désobligeante

remarque de So'. Les deux coénonciateurs se trouvent dans une

position de stricte égalité vis à vis des occurrences du 'être

mangeable'. Dans le schéma qui suit les signes (=) et (w)

indiquent les points de vue possibles relativement à p,p'

(acceptation ou rejet).

So-----------( = )-----------So'

><

><

(=/w) (w/=)

><

><

p,p'

On retrouve des positions très proches de celles que nous avions

initialement (schéma du § A.) à ceci près qu'il ne s'agit plus de

rapports posés mais construits (d'où la disparition des

parenthèses doubles). Nous sommes maintenant mieux à même

d'expliquer la dernière réplique (e2) du dialogue: "Ah mais, nous

c'est pas pareil". Elle vise à "faire sauter le verrou de

l'objectivité" imposé par So. Elle vise à maintenir

l'actualisation de p sous le contrôle de la subjectivité c'est-à-

Page 167: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

166

dire à revenir aux conditions initiales de l'échange.

Forts de cette première analyse nous pouvons maintenant

revenir à l'exemple de départ.

5.3.1.2. "On achève bien les chevaux!"

Cet énoncé s'inscrit normalement dans un dialogue, comme une

réponse à (e0):

(e0) So': Pourquoi achève-t-on les hommes?

ou encore:

(e0) So': Pourquoi achevez-vous les hommes?

Remarque: Si cette première réplique n'existe pas, alors bien

prendra une valeur d'"appréciatif": il s'agira d'un énoncé

prononcé, par exemple lors de la visite d'un abattoir, avec une

autre intonation:

On achève bien les chevaux, ici.

(le travail est fait correctement)

Les rapports intersubjectifs en contexte.

En (e0) la surprise manifestée par le locuteur montre qu'il

ne s'attendait pas à cela. Nous sommes donc en droit de reprendre

le schéma que nous avons utilisé pour l'exemple précédent:

Page 168: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

167

So-----------(( = ))-----------So'

><

><

((*)) ((*))

><

><

p,p'

Dans ce contexte vient s'inscrire la remarque de So'.

A. Le point de vue de So'.

Comme dans le premier exemple, (e0) pose comme référence le

point de vue de So'. On pourrait la gloser: "Vous achevez les

hommes, mais pour moi c'est inacceptable!" (ils ne vérifient pas

la propriété 'être achevables').

B. Le point de vue de So.

La réplique de So "On achève bien les chevaux!" pourrait

être glosée ainsi: "Parmi ceux qui sont achevés, si je prends les

chevaux, en ce qui concerne le rapport à 'être achevable' on ne

peut que constater qu'il est vérifié". Ici encore le point de

départ est une occurrence situationnelle. La valeur générique de

l'énoncé en témoigne.

C. Une variation des points de vue.

Il existe une différence sensible entre cet exemple et le

premier que nous avions choisi de traiter. Dans le premier il

Page 169: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

168

s'agissait par l'échange de répliques d'établir l'équivalence de

deux points de vue différents à propos de la propriété 'être

mangeable'. Dans le second les deux énonciateurs sont d'une

certaine manière d'accord. Il suffit pour s'en rendre compte de

remplacer on par vous dans les répliques du deuxième exemple. On

se retrouve alors dans un contexte polémique:

So': Quoi, vous achevez les hommes!

So: Et vous, vous achevez bien les chevaux!

Dans l'exemple "en on" là où So' supposait une opposition

intersubjective, la réponse de So met en place un consensus entre

les deux sujets sur ce qui est achevable ou pas. Sur le plan

pragmatique la réponse "On achève bien les chevaux!", peut

correspondre à une sorte de résignation du locuteur à un état de

fait qui le dépasse comme il dépasse son interlocuteur. En

répondant cela So refuse de se laisser enfermer dans une

problématique intersubjective. A la remarque de So' il ne renvoie

pas "en miroir" une remarque qui aurait pour origine son propre

point de vue (celui de So). D'emblée il part d'une autre origine

que ni lui (So) ni son coénonciateur (So') ne peuvent remettre en

cause, même si pour l'un comme pour l'autre (So, So'), d'un point

de vue subjectif, les chevaux ne sont pas "achevables".

Dans l'exemple précédent la réponse de So imposait "la

réciprocité (ou l'équivalence) des points de vue". Dans le

deuxième exemple, la réponse de So impose la non pertinence, ou

Page 170: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

169

l'indifférenciation des points de vue. Nous proposons de le

représenter de la manière suivante:

So-----------( = )-----------So'

><

><

(*) (*)

><

><

p,p'

NB: Le schéma signifie que quels que soient (*) les

points de vue adoptés par l'un ou l'autre (So et So')

ils sont identifiables (=) car sans importance.

Autrement dit, So' est amené à conclure que "pour ce qui est

d'achever quelque chose, des chevaux ou des hommes, un point de

vue subjectif n'est pas pertinent. On note à l'appui de cette

remarque que l'exemple précédent autorisait deux types de

rectifications par So':

-l'une portant sur les sujets: "Mais nous, c'est pas pareil"

-l'autre portant sur les prédicats: "Ah mais, grenouille et chien

ce n'est quand même pas la même chose".

En revanche le présent exemple n'autorise que des

rectifications sur les prédicats: "Ah mais, tu ne peux pas

comparer les chevaux et les hommes!". Autrement dit les points de

vue des sujets ne sont pas pertinents.

Nous avons montré que le "confirmatif.t" pouvait apparaître

en contexte dialogique même après la construction d'une première

occurrence de P, qu'en est-il dans un autre contexte?

Page 171: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

170

5.3.2. L'altérité n'est pas relayée par une opposition

intersubjective

Les exemples qui nous intéressent ici se distinguent par une

structure syntaxique rigide du type: "Ce n'est pas X mais bien Y

qui..." comme dans l'exemple (4):

(4) Ce n'est pas un orage mais bien un cyclone qui s'est

abattu sur la Guadeloupe.

On dit qu'il s'agit (p) d'"un cyclone" et pas d'autre chose en

l'occurrence p': "un orage". On note la différence annoncée

d'avec les exemples du § 5.2. La valeur p' fait l'objet d'une

négation (ce n'est pas X) et on peut dire que le locuteur ne

s'attendait pas à l'actualisation de pi, ce qu'il est contraint

de confirmer.

Le caractère "fabriqué" de l'exemple n'a rien à voir avec

cela. On retrouve l'idée de surprise dans le suivant qui ne

souffre certainement pas du même handicap.

5.3.2.1. "La Puertadel Sol n'est pas une porte..."

La "Puertadel Sol" n'est pas une porte, comme on

pourrait se l'imaginer mais bien une façade d'église.

(Th. Gautier, VoyageenEspagne, cité par M. Grevisse, éd

de 1975, p924, §870)

En contexte on ne s'attendait pas à l'actualisation de pi,

Page 172: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

171

on n'avait pas de raisons de s'y attendre, au contraire on

s'attendait à une autre valeur (p') sur laquelle porte la

négation. C'est très clairement ce que dit Th. Gautier que l'on

pourrait gloser: "on s'imagine normalement que la "Puertadel Sol"

est une porte (p' valeur attendue) comme son nom l'indique mais

en réalité ce n'est pas une porte. Mais quelle est la raison de

ce changement?

A. p est construit a posteriori

Les deux termes X et Y appartiennent à la même classe

d'occurrences. On trouvera toujours une relation notionnelle

entre les deux termes. Dans le (4) l'"orage" et le "cyclone" sont

des occurrences de 'ce qui est possible en météorologie' et dans

le suivant, la "porte" et la "façade" sont des occurrences de 'ce

qu'on peut trouver à l'avant d'un bâtiment'. Mais cette classe

d'occurrences n'existe pas a priori, on s'attend à p' et ce qui

est actualisé pi ne vérifie pas p'. C'est donc rétrospectivement

qu'on est amené à revenir à ce qui était validable (soit p,p') la

classe d'occurrences qui vérifie la propriété P. Ces exemples

vérifient donc le critère 3 ("Le terme de référence est construit

a posteriori").

So s'attendait à p' et non à p. Du coup So ne saurait

confirmer p sans nier (ce qu'il fait d'ailleurs nécessairement)

le choix préalable de p'. Comment peut-on décrire la construction

de p'?

Page 173: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

172

B. La construction de p'

Dans l'exemple de "La Puertadel sol", Th. Gautier fait

remarquer que "ce n'est pas une porte

commeonpourraitsel'imaginer...". Il s'agit bien d'une première

construction mais qui n'est rapportable ni à So ni à So'. Il

s'agit d'une construction d'origine contextuelle qui échappe au

champ intersubjectif et que pourtant So tenait pour

incontestable. Nous nommerons, à la suite de S. De Vogüé (1985,

p274) cette forme de construction une "pré-assertion" qu'elle

décrit de la manière suivante: "sauf cas particulier où p est en

fait la reprise d'une assertion préalable, (on peut) admettre

qu'un valideur puisse avoir pour référent la simple réalité.

(...) Il n'est du coup pas du tout inconcevable qu'un valideur

soit construit qui serve de garant de ce que l'on appelle la

réalité; (...)". On vérifiera aussi, dans l'exemple suivant, le

statut assertif particulier de p':

Morale de cette histoire: les Allemands ont retrouvé

des héros auxquels ils peuvent s'identifier. Ce ne sont

pas les détenus des camps de la mort mais bien les

soldats de la Wehrmacht, toutes unités confondues, qui

ont opposé une résistance héroïque à la terrifiante

marée de l'Armée rouge. (F. Schlosser, "Hitler en

appel" in LeNouvelObservateur, n°1153 du 12/12/86 p81)

Il ne serait pas incongru d'ajouter après "les détenus des camps

de la mort" la remarque de Th. Gautier "comme on pourrait se

l'imaginer", la suite ayant un caractère clairement paradoxal.

Page 174: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

173

Reprenons les différentes étapes de la mise en place de la

valeur. p' fait l'objet d'une pré-assertion, p est actualisé à

travers une occurrence situationnelle pi. So est amené de ce fait

à se placer en hors(p,p'), situation à partir de laquelle il est

à même de calculer le rapport de pi aux valeurs p,p'.

L'identification qui suit le parcours des valeurs p,p' prend

toujours le caractère d'une évidence ou d'un état de fait que So

n'a pas besoin de justifier. Le "confirmatif.t" est une valeur de

constat.

On peut revenir à des exemples de "confirmatif" en modifiant

le statut énonciatif de p et p'.

5.3.2.2. Le passage au "confirmatif"

Nous allons le voir sur les exemples précédents:

(4a) Tu n'avais pas tort, pourtant ce n'est pas un orage

mais bien un cyclone qui s'est abattu sur nous.

Avec le marqueur concessif au début de l'énoncé p' ne peut plus

apparaître comme incontestable pour So, c'est au contraire p qui

apparaît comme la bonne valeur du point de vue de l'énonciateur.

Une modification de ce type est possible sur les deux autres

exemples:

Tu vois la "Puertadel Sol" n'est pas une porte, mais

Page 175: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

174

bien une façade d'église.

Tu n'avais pas tort: les Allemands ont retrouvé des

héros auxquels ils peuvent s'identifier. Mais il ne

s'agit pas des détenus des camps de la mort; ce sont

bien les soldats de la Wehrmacht, toutes unités

confondues, qui ont opposé une résistance héroïque à la

terrifiante marée de l'Armée rouge.

On constate, comme nous l'avions déjà vu pour les valeurs de

valuation, que l'opposition "subjectif" vs "temporel" permet de

clarifier à peu de frais le passage d'une valeur à une autre.

Nous conclurons donc sur ces exemples comme pour ceux qui ont

précédé.

En résumé

La valeur de "confirmatif.t" est une valeur de "validation"

qui se caractérise par la primauté de la construction temporelle

sur la construction du terme de référence. On la définira à

partir des deux critères suivants:

C.3. Le terme de référence est construit a posteriori.

C.4. L'altérité est de type I/E.

Page 176: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

175

NOTES DU CHAPITRE V

(1): La classification des adverbes par M. Grevisse (éd de 1975)

repose sur des critères sémantiques, "adverbes de manière (p876),

de quantité (p883), de temps (p911), de lieu (p919),

d'affirmation (p922), de négation (p926), de doute (p953)". Si on

accepte cette classification, et après tout pourquoi pas, on ne

comprend pas pourquoi bien apparaît seulement comme "adverbe de

manière" (p875 et p876), "adverbe d'opinion" (p875), "adverbe de

quantité ou d'intensité" (p875, p883 et p890), "adverbe

d'affirmation" (p922), mais n'apparaît pas comme "adverbe de

négation" ou "adverbe de doute" pour un emploi comme "Ah, c'est

bien le moment!".

(2): Les dictionnaires donnent un autre exemple à valeur

"ironique", il s'agit de "C'est bien fait (pour toi)!". La portée

pragmatique de cet énoncé tient, à notre avis, au fait qu'il

s'agit tout à la fois d'un "confirmatif".t" et d'un "confirmatif"

(ordinaire). Nous ne connaissons pas d'autre exemple autorisant

cette ambiguïté.

L'emploi de cette expression signifie: "Ce qui devait

t'arriver et auquel tu ne t'attendais pas vient de se produire".

Il faut considérer deux points:

-d'une part, il s'agit d'une construction temporelle, "ce qui

vient de se produire" (pi) n'était pas prévu, surtout si on se

place du point de vue de So'.

-d'autre part, le mouvement rétrospectif qui va de pi à la

construction de p,p' débouche sur le rappel d'une première

localisation de p à travers une relation avec ce que So considère

comme une faute justifiant "ce qui devait se produire".

L'occurrence pi est donc identifiable avec ce qu'on peut

considérer comme une valeur préconstruite, du moins d'un point de

vue que So pose comme "objectif": "ce qui devait t'arriver...".

(3): So' construit ce que J-J Franckel (1986, p53) appelle une

relation "anti-téléonomique". A propos d'un exemple comme "Il a

réussi à me casser toute ma vaisselle" il écrit: "Dans le cas où

la "réussite" sanctionne une mauvaise valeur, le validable est

construit retrospectivement , à partir de I validé. (..) On a

bienconformitéentreconstruction de I validable et I localisé,

mais cette conformité n'est pas liée à une intentionnalité du

fait qu'elle ne renvoie pas à une "bonne valeur". Le validable se

construit rétrospectivement, à partir de P validé, et non

prospectivement. Il relève d'une intention maligne (de la part du

sujet de l'énoncé), de l'ironie (de la part du sujet

énonciateur), de la fatalité. Dans ce type de cas, il y a une

Page 177: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

176

distorsion entre ce qui est construit sur le plan de t et ce qui

correspond à une bonne valeur pour So (pour nous ici So'). Cette

distorsion fonde ce que l'on pourrait appeler une anti-

téléonomie".

(4): E. Benveniste (1966, T1, p244) écrit à propos du passé-

composé (valeur d'accompli): "Le parfait établit un lien vivant

entre l'événement passé et le présent où son évocation trouve

place. C'est le temps de celui qui relate les faits en témoin, en

participant; c'est donc aussi le temps que choisira quiconque

veut faire retentir jusqu'à nous l'événement rapporté et le

rattacher à notre présent. Comme le présent, le parfait

appartient au système linguistique du discours, car le repère

temporel du parfait est le moment du discours, alors que le

repère temporel de l'aoriste est le moment de l'événement (c'est

nous qui soulignons)". Du fait de ce repérage à Sito, le parfait

(valeur d'accompli du passé-composé) sera plus adapté au

"confirmatif.t" que l'aoriste.

Page 178: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

177

CHAPITRE VI

LA "PROPHETIE" ET LA "SOLLICITATION"

6.1. Identification des valeurs

Les valeurs de "prophétie" et de "sollicitation"

correspondent aux emplois de bien dans des énoncés comme:

(1) Ne t'en fais pas, il partira bien un jour.

(2) Vous entrerez bien cinq minutes!

La valeur de "prophétie" s'accompagne toujours de l'idée de

certitude tandis que la "sollicitation" s'interprète généralement

comme une "invite pressante" pour reprendre les termes d'A.

Culioli (1978) (1). Nous essaierons de montrer pourquoi. Mais

voyons d'abord si l'on peut trouver quelque soutien dans la

lecture de nos ouvrages de référence.

6.1.1. Critères sémantiques

Les dictionnaires ne nous aideront pas beaucoup. P. Dupré

(1972), J. Girodet (1986), E. Littré (éd de 1963) et P. Robert

(1966) ne donnent aucun exemple de ces valeurs. Le Dictionnaire

Page 179: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

178

de l'Académie (éd de 1877) donne un exemple de "prophétie": "Nous

verrons bien" avec le même commentaire que celui qui accompagne

les exemples de "confirmatif": "bien s'emploie souvent par

redondance pour donner plus de force à ce qu'on dit. Le

commentaire est peu convaincant: d'une part bien n'est pas

vraiment redondant dans "Nous verrons bien" et d'autre part la

présence de bien ne nous semble pas "donner plus de force" à

l'énoncé, au contraire; sans bien, "Nous verrons" est nettement

plus assertif.

L'absence de ces deux valeurs qui s'inscrivent toujours dans

des contextes dialogiques et donc dans l'ordre oral s'explique,

encore une fois, par les critères retenus pour la sélection des

exemples, dans les dictionnaires classiques.

6.1.2. Critères grammaticaux

R.L. Wagner et J. Pinchon (1962), J-C Chevalier et alii (1964) et

M. Grevisse (éd de 1975) ne donnent aucun exemple de ces deux

valeurs. S'agit-il d'un oubli? Il est probable que non.

Grammaticalement, bien est un "adverbe d'opinion" (ou

"d'affirmation") comme dans un "confirmatif". La "sollicitation"

et la "prophétie" ne seraient-elles que des variantes

notionnelles du "confirmatif"? Non. On peut passer d'une valeur à

l'autre dans le même environnement syntaxique et notionnel. A

partir de l'exemple: "Tu partiras bien cinq minutes", il est

possible d'obtenir:

Page 180: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

179

-une "sollicitation": "Tu partiras bien cinq minutes,

j'ai besoin de lui parler."

-une "prophétie": "Je n'ai pas en m'en faire, à un moment ou

à un autre, tu partiras bien cinq minu-

tes, et alors là..."

-une "confirmation": "Tout est arrangé, tu partiras bien

cinq minutes".

Pour l'expliquer, on évoquera nécessairement des variations

contextuelles. Il ne nous reste plus qu'à les définir, c'est

finalement l'objet de ce chapitre.

6.1.3. Critères syntaxiques

On peut avoir un "confirmatif" au passé mais ni la

"sollicitation" ni la "prophétie". Qu'est-ce donc qui est

caractéristique du futur et qui est "exploité" dans ces deux

valeurs? On peut dire qu'avec le futur on quitte le domaine du

factuel. Avec le futur, nous sommes maintenant dans le domaine du

validable (sur le "validable" voir § 6.3.). De quoi s'agit-il?

6.1.3.1. Le futur implique une visée à partir de Sito

Une fois encore nous nous appuierons sur une caractérisation

d'A. Culioli (1978, p310); il écrit: le futur "implique une

visée. On entend par là que du repère énonciatif, Sito, on vise

une relation prédicative non encore validée <r>. (...) dire que

Page 181: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

180

l'on vise <r> signifie que l'énonciateur distingue une des

valeurs de (p,p'), p pour fixer les idées (...). Nous noterons la

visée (p/p'), où la barre oblique marque que la visée de p dans

(p/p') n'entraîne pas nécessairement la réalisation de p. On est

donc d'un point de vue modal, dans le non-certain puisque le

certain se caractérise par une probabilité 1: il s'ensuit que,

seuls le révolu ou l'actuel sont du certain".

La "visée" doit être comprise essentiellement comme une

opération de construction. La visée est ce qui fait "exister" p

sans que pour autant p soit validé. A. Culioli précise: "Le futur

est un aoristique. De façon schématique cela signifie qu'il y a

rupture entre l'énonciation de la visée (en Sito) et sa

validation visée par le biais de l'énoncé (idem, p310)". Nous

définirons le validable comme un plan (ici construit par la

visée) dans lequel p ET p' peuvent coexister en un même point. On

voit l'intérêt de cette propriété pour la "prophétie" et la

"sollicitation". Je peux toujours "prophétiser" la validation

future de p, sans pour autant prendre l'énoncé en charge

(l'asserter) puisque d'un autre côté p' reste validable. Je peux

toujours "solliciter" mon interlocuteur sans qu'il s'agisse d'une

injonction puisque j'envisage un refus de sa part comme possible

(dans une injonction à l'impératif, je n'envisage qu'une seule

attitude de la part de mon interlocuteur).

Le futur serait-il une condition suffisante? Malheureusement

non. Les exemples suivants ne sont guère acceptables, ils sont

Page 182: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

181

pourtant au futur:

* Je serai bien Chateaubriand ou rien.

(la version d'origine de ce "mot" est

attribuée à V. Hugo)

? Je vous demanderai bien une grande attention.

La visée est une opération de construction qui consiste à

poser p privilégié par rapport à p', mais rien de plus. Le

"privilège" est variable, et selon les contextes, le rapport de p

à p' ne sera pas le même. C'est ce que nous allons voir en

essayant de déterminer le type de relation qui est associé aux

valeurs de "prophétie" et de "sollicitation".

6.1.3.2. Le type de relation au futur

Selon J-J. Franckel (1981a, p114) (2), "le futur correspond

à une relation de type entre autresconstruit: le futur introduit

intrinsèquement et de façon synthétique la construction du

domaine de la sélection p,p'." C'est vrai a priori, mais il est

possible de passer, au futur, à d'autres types de relation

incompatibles avec bien. Pour définir ces différentes relations

nous nous appuierons sur les travaux de D. Paillard (1984) (3).

A. La relation est de type "nécessaire exclusif"

D. Paillard définit une relation de type "nécessaire" comme

"renvoyant à une valeur unique" (p134). On peut la spécifier

Page 183: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

182

comme étant du "nécessaire exclusif" lorsqu'une autre (ou

d'autres) valeur a été envisagée et exclue. On trouve ce type de

relation dans les exemples suivants:

Je serai Chateaubriand ourien.

Quevousnesoyezpasd'accordn'apasd'importance, je

partirai demain.

So': Je crois que Paul devrait plutôt essayer l'Asie...

So : Cequetucrois,jem'enmoque, Paul partira pour l'Afrique.

NB: on a souligné les termes qui évoquent la prise en compte

et l'exclusion de p'):

On sait que les opérations dont bien est la trace supposent

la présence d'au moins deux valeurs. Il n'est donc pas compatible

avec le "nécessaire exclusif" qui met en place une seule et

unique valeur.

B. La relation est de type "nécessaire faible"

Une relation est de type "nécessaire faible" lorsqu'elle

renvoie à une seule valeur simplement parce qu'on n'en a pas

envisagé d'autres ou encore parce qu'on a envisagé "de l'autre"

mais sans pouvoir le stabiliser comme tel. On peut trouver cette

relation dans des exemples comme:

So': Et pour Dupont, chef?

So : Dupont mourra.

Et au printemps les hirondelles reviendront et avec

elles la fonte des neiges et nous pourrons sortir à

nouveau.

Page 184: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

183

C'est décidé, ils me l'ont dit, je partirai demain.

(en contexte de "voyance:) Le matin, vous rencontrerez

un homme brun...

Avec le "nécessaire faible" on ne construit explicitement qu'une

seule valeur; les énoncés sont peu compatibles avec bien. Ou

alors, il faut construire contextuellement la prise en compte de

p' comme nous allons le voir avec des exemples de type "entre

autres".

C. La relation est de type "entre autres"

So': Et pour Dupont, chef, ça va durer longtemps?

So : Dupont mourra un jour.

Ne t'inquiète pas, au printemps les hirondelles

reviendront et avec elles la fonte des neiges et nous

pourrons sortir à nouveau.

C'est décidé, ils me l'ont dit, contrairement à ce que

tu disais, je partirai demain.

(contexte: agence matrimoniale:) Ecoutez, nous n'avons

pas de blond, mais vous rencontrerez un homme brun...

La prise en compte de p' qui est à l'origine de l'"entre autres"

a rendu tous ces exemples acceptables (4). Le futur construit a

priori de l'"entre-autres"; on ne sera donc pas surpris de voir

que la "sollicitation" de même que la "prophétie" apparaissent au

futur. Encore que ce soit de manières différentes c'est ce que

nous allons montrer.

Page 185: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

184

6.2. Caractérisation des valeurs

Le futur implique une visée à partir de Sito. La visée

signifie que sur le domaine p,p' on privilégie une valeur p,

l'autre valeur p' restant validable. On nommera valideur ce qui

nous fait passer de p,p' à p. L'insertion de bien dans un énoncé

au futur permet d'envisager la validation de p de deux manières

différentes: 1) à partir d'un valideur temporel (T), comme dans

l'exemple: "Il arrivera bien un jour", 2) à partir d'un valideur

subjectif (S), comme dans l'exemple: "Tu prendras bien quelque

chose?". Ces deux formes de validation donnent lieu aux deux

valeurs que nous étudions ici: la "sollicitation" (pôle S) et la

"prophétie" (pôle T).

6.2.1. La "prophétie"

Ne t'en fais pas, il mangera un jour.

Ne t'en fais pas, il mangera bien un jour.

Le passage du premier énoncé au deuxième dans lequel le

futur se combine avec bien se marque sur le plan sémantique par

l'apparition d'une connotation particulière: l'évidence de la

validation à venir. Cette connotation est liée à la

caractéristique "temporelle" de la "prophétie".

La valeur de "prophétie" apparaît dans des contextes où So'

attendait p <lui / manger> et où de son point de vue pour une

Page 186: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

185

occurrence pi de P on se trouve en hors(p,p'). On en trouve la

trace (p attendu et non validé) dans les amorces des exemples

comme "Ne t'en fais pas...", "Ne t'inquiète pas..." etc... A

partir de là, So reconstruit le domaine du validable pour pi. Et

il montre que si on prend comme valideur un instant ti (sans

autre propriété que d'appartenir à la classe des t) pi ne se

ramène pas à p' mais à p .

Notre raisonnement tend à montrer que la "prophétie" est une

"valeur temporelle". Comment cela? Nous avons montré qu'en Sito p

n'était pas validé. Nous sommes en hors(p,p'), mais So peut fort

bien affirmer qu'il existe toujours un t de validation qui nous

fera passer de p,p' à p. Il suffit d'attendre assez longtemps ou,

plus linguistiquement, il suffit de dire que cet instant est dans

une relation de rupture par rapport à Sito. Notre raisonnement

n'est fondé que si cet instant est non spécifié (voir § 6.2.1.2).

6.2.1.1. ti est la seule différence entre p' et p

L'occurrence de P validée (telle qu'elle est construite par

la "prophétie") ne saurait avoir d'autre singularité que celle de

son existence (par rapport à d'autres occurrences de p validé). A

l'appui de cette affirmation on notera que si on introduit des

déterminations sur le procès, dans une "prophétie", il faut que

ces déterminations apparaissent comme le maintien des propriétés

présentes en Sito plutôt que comme des spécifications de

l'occurrence à venir:

Page 187: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

186

(a)+ Laisse-le, il s'habillera bien tout seul (sans l'aide

que tu veux lui apporter).

(b)? Laisse-le, il s'habillera bien avec son frère (sans

l'aide que tu veux lui apporter).

Si on accepte (b) comme une "prophétie" (pour nous (a) est

relativement meilleur que (b)), il faut considérer que "son

frère" est déjà présent au moment où on parle, et donc qu'il

s'agit d'une détermination qui ne saurait distinguer pi sur le

plan qualitatif. Vérifions cela sur un autre exemple:

(c) Ne t'inquiète pas pour lui, il y arrivera bien avec sa

voiture (c'est-à-dire comme il est au moment où on

parle).

Nous sommes à même d'observer ici une constante des "valeurs

temporelles". Comme le terme de référence est construit a

posteriori à partir de l'occurrence pi, le calcul de l'altérité

de pi se constitue d'emblée comme une recherche d'altérité, et

non pas comme la prise en compte d'une altérité déjà constituée,

c'est ce qu'on a pu nommer une altérité par défaut. Cela signifie

que la "prophétie" vérifie le troisième critère:

C.3. Le terme de référence est construit a posteriori.

Une conséquence directe de cette règle s'applique à la

classe des t.

Page 188: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

187

6.2.1.2. Par rapport aux autres instants, ti n'a d'autre

singularité que celle d'être l'instant de validation de p

Toute spécification de l'instant de validation entraînerait

automatiquement une variation qualitative de pi par rapport à p',

or nous avons vu qu'elle était impossible. C'est la raison pour

laquelle la détermination temporelle dans les énoncés est

généralement indéfinie ou même absente. Soit l'exemple: "Nous

verrons bien". On l'interprètera ainsi: "Le moment où il nous

faudra voir est le moment où nous verrons quelque chose (la

spécificité du t de validation de 'voir' est d'être le t de

validation de 'voir').

La (règle de la) non spécificité du t de validation de p

nous permet d'expliquer une contrainte assez particulière et qui

a été négligée par A. Culioli (1978). Si on spécifie le valideur

du procès dans une "prophétie" alors l'instant ti n'est plus

l'instant de validation mais le dernier t d'une zone de t qui

sont tous susceptibles de valider p. Ainsi dans les exemples

suivants:

On arrivera bien le 26.

On mangera bien à 14 heures.

La spécification revient à la limiter contextuellement la classe

des t sans pour autant modifier le fonctionnement général de la

valeur. La non spécificité du t de validation nous permet

Page 189: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

188

d'expliquer aussi pourquoi on ne peut pas avoir de "prophétie" au

présent. Le présent donne lieu, entre autres valeurs, à deux

valeurs modales dites "prospective" et "injonctive" (cf D.

Paillard, 1988, p105) (5). C'est la première qui nous intéresse

ici. Prenons les exemples donnés par D. Paillard:

Je suis à vous dans deux minutes.

Je pars dans deux minutes.

Je travaille demain.

Je suis chez Paul demain.

On constate que le t de validation envisagé n'est pas un instant

quelconque de la classe des t. Pour qu'une "prophétie" soit

possible, il faudrait qu'on puisse considérer cet instant comme

la limite d'une classe de t commençant en To. Dans chacun des

exemples considérés, l'instant de validation se trouve dans une

relation de (simple) différence par rapport à To, il ne peut pas

y avoir d'autres instants possibles entre cet instant et Sito, la

valeur de "prophétie" est donc impossible au présent.

6.2.2. La "sollicitation"

Nous allons d'abord voir comment se fait le passage d'un

valideur à un autre sur un énoncé ambigu:

(a) Tu achèteras bien quelque chose! (exemple inspiré d'un

exemple d'A. Culioli 1978, p311)

Il suffit de construire le rapport intersubjectif:

Page 190: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

189

(b) Tu m'achèteras bien quelque chose!

pour qu'en (b) l'énoncé soit principalement interprétable comme

une "sollicitation". Bien sûr, la valeur de prophétie est

toujours récupérable, comme dans l'exemple (c):

(c) Tu m'achèteras bien quelque chose demain!

Sur le plan intonatif, en (c), on a tendance dans le cas de la

"sollicitation" à faire une pause avant demain. La pause avant

demain correspond au schéma montant (jusqu'à demain) / descendant

(sur demain) d'une question dans laquelle demain à un rôle

thématique; on met l'accent sur la désignation du valideur So'.

Au contraire, dans le cas de la "prophétie" l'énoncé (c) sera

prononcé sans pause jusqu'à la fin car l'accent porte sur demain.

Demain est le valideur désigné de la relation, il ne peut pas,

dans ce cas, avoir un rôle thématique dans l'énoncé.

6.2.2.1. So' est le valideur désigné de p

Comme on le voit la différence (la plus apparente) entre

"prophétie" et "sollicitation" repose sur la différence de nature

des valideurs envisagés (S et T). Cette caractéristique de la

"sollicitation" permet d'expliquer les contraintes qui pèsent sur

l'interprétation des énoncés suivants et que nous avons résumées

dans le tableau ci-dessous:

Page 191: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

190

(a) La voiture s'arrêtera bien pour prendre de l'essence.

(b) Tu prendras bien une bière?

(c) Toi, tu prendras bien une bière?

(d) Et toi, tu prendras bien une bière?

.--------------------------------------------------------.

!(a) La voiture s'arrêtera bien pour.. ! + PROPHETIE !

! ! * SOLLICITATION !

!--------------------------------------------------------!

!(b) Tu prendras bien une bière. ! ? PROPHETIE !

! ! + SOLLICITATION !

!--------------------------------------------------------!

!(c) Toi, tu prendras bien une bière. !*+ PROPHETIE !

! !+* SOLLICITATION !

!--------------------------------------------------------!

!(d) Et toi, tu prendras bien une bière! * PROPHETIE !

! ! + SOLLICITATION !

'--------------------------------------------------------'

NB:Dans le (c), les signes * et + sont couplés: les deux

valeurs sont possibles mais elles sont exclusives l'une de

l'autre. Nous nommons sujet énonciatif (S) une instance à

laquelle on peut attribuer la prise en charge des

déterminations qualitatives dans un énoncé (6).

-Dans le premier énoncé on ne peut pas considérer "la voiture"

comme un sujet énonciatif c'est la raison pour laquelle la

"sollicitation" est impossible.

-Dans le deuxième la "prophétie" est possible mais peu probable,

tu renvoie à So' qui est le valideur normal de p, il s'agit donc

a priori d'une "sollicitation".

-Dans le troisième énoncé, les deux interprétations sont

possibles mais exclusives l'une de l'autre. Soit la reprise Toi,

tu a pour conséquence que le passage de p' à p ('ne pas boire' à

'boire') ne passe plus par un choix du sujet mais par la

construction contextuelle d'une relation inférentielle entre

Page 192: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

191

l'occurrence Toi et le procès p. Il s'agit alors de "prophétie".

Soit, comme dans le quatrième énoncé, Toi s'inscrit dans une

suite d'interpellations et il s'agit d'une "sollicitation".

-Dans le quatrième énoncé, l'adjonction de Et (toi) inscrit

l'énoncé dans une série de demandes. Elle "découple" ainsi les

termes Toi, tu ce qui a pour effet de rendre son autonomie au

sujet énonciatif et de permettre la valeur de "sollicitation."

Pour résumer nos observations nous allons distinguer, les

deux étapes du fonctionnement de la valeur.

1) So construit p, terme de référence, comme valeur "à valider",

à travers la visée à partir de Sito, p peut s'écrire <toi /

procès> est "à valider". La première étape inscrit la

"sollicitation" dans le domaine du validable. Cela exclut, par

exemple, l'emploi de temps du passé.

2) So demande ensuite à So' si <toi / procès> (soit pi) se ramène

pour lui à p (est "à valider") ou à p' (n'est pas "à valider").

La deuxième étape inscrit la "sollicitation" dans le champ

intersubjectif. La question de So n'est pas une question ouverte,

So demande à So' de confirmer que pi se ramène à p qu'il désigne

à So' comme la "bonne valeur" à valider.

Iln'yade"sollicitation"queparcequeletermederéférenceestpremier.Et

c'estparcequ'ilestpremierqu'onpeutdemanderàSo'desesituerparrappor

tàlui.

Le premier critère permet d'opposer nettement la "sollicitation"

Page 193: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

192

à la "prophétie".

C.1. Le terme de référence est préconstruit.

Il reste à savoir pourquoi la première personne est

impossible dans la "sollicitation", même en imaginant un cas de

dialogue intérieur.

6.2.2.2. So' est le seul valideur possible de p

Peut-on envisager une "sollicitation" à la première ou à la

troisième personne? Soit l'exemple suivant:

? Je prendrai bien une bière.

NB: Il ne serait pas bizarre au conditionnel,

voir au chapitre suivant.

1) Reprenons les étapes du fonctionnement de cette valeur et

essayons de les appliquer à cet énoncé bizarre. So construit p à

travers une visée à partir de Sito, ici ce serait <moi / prendre

une bière> est "à valider". Dans un deuxième temps il se demande

si p est pour lui une bonne valeur tout en se donnant la réponse!

On aurait quelque chose qui pourrait se gloser ainsi: ? "Etant

donné que pour moi <moi / prendre une bière> est "à valider", je

me demande ce que je confirme, à savoir que pour moi <moi /

prendre une bière> est "à valider". On verra au paragraphe

suivant (§ 6.2.3) que si on rétablit une source d'altérité, on

Page 194: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

193

peut rendre l'énoncé accceptable mais qu'alors on change de va-

leur. L'énoncé qui nous occupe manque de naturel parce que le

terme de référence p et l'occurrence pi ont la même origine (So)

et le même statut ("à valider" pour So).

Onpeutdoncdirequedansla"sollicitation",c'estlaprimautédutermederé

férence (cequirevientàattribuersonorigineàSo)

quibloquel'emploidelapremièrepersonne.

2) La "sollicitation" n'apparaît qu'en contexte dialogique à

la deuxième personne ou naturellement dans des emplois

hypocoristiques de la troisième personne. Dans tous les cas, le

pronom sujet renvoie au coénonciateur So':

Tu prendras bien quelque chose?

On prendra bien un petit bonbon?

6.2.3. Comparaison avec les autres valeurs

Le futur autorise d'autres valeurs parmi lesquelles

l'"appréciatif", le "confirmatif" et le "confirmatif.t".

6.2.3.1. Comparaison avec l'"appréciatif"

Il mangera bien quand il sera grand, pour l'instant ce

que je veux c'est qu'il mange.

La question est ici celle de la valuation du procès

'manger'. Mais quand je demande "Vous entrerez bien cinq

Page 195: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

194

minutes?", je veux savoir si mon interlocuteur est susceptible

d'être le valideur du procès 'entrer'. De même que lorsque je

dis: "Ne t'en fais pas, il mangera bien un jour", je dis que quoi

qu'il arrive, il arrivera un moment où on passera de 'ne pas

manger' à 'manger'. La "sollicitation" et la "prophétie"

vérifient le critère 4:

C.4. L'altérité est de type I/E

Nous les rangeons dans les valeurs de validation aux côtés

des valeurs de confirmation dont elles sont pourtant distinctes

comme nous allons le voir. Reprenons notre exemple bizarre (? "Je

prendrai bien une bière."), mais cette fois, essayons de le

rendre acceptable. Pour cela, il faut introduire une forme

d'altérité entre les deux constructions (p et pi). On passera

alors à une autre valeur.

6.2.3.2. Comparaison avec le "confirmatif"

So': Tu es sûr, ce sera une bière?

So : Oui, je prendrai bien une bière.

Le terme de référence a été préconstruit et localisé par

rapport à un repère situationnel antérieur à Sito. La question de

So' correspond à une hésitation entre <So / prendre une bière>

et, par exemple, <So / prendre autre chose>. La réponse de So

vient confirmer le terme préconstruit <So / prendre une bière>

Page 196: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

195

comme étant la bonne valeur pour lui. On débouche sur un

"confirmatif". Ce simple exemple nous oblige à souligner un point

demeuré dans l'ombre jusqu'ici.

Letermederéférencedesvaleursdeconfirmationestlocalisésur le plan

factuel

tandisqu'ilnel'estpasavecla"sollicitation"etla"prophétie". On

conçoit que ces valeurs apparaissent plutôt au futur. En même

temps on peut dire qu'au futur un "confirmatif" est un peu

paradoxal, nous y reviendrons plus loin (§ 6.3.2.).

Il est possible de formuler deux nouveaux critères relatifs

à la localisation du terme de référence. Pour les "valeurs de

confirmation", ce sera:

C.5. Le terme de référence est construit sur

le plan factuel.

Pour les valeurs qui nous occupent dans ce chapitre et qu'on peut

désigner dès lors comme des "valeurs du validable" (par

opposition aux "valeurs de confirmation") ce sera:

C.6. Le terme de référence est construit sur

le plan du validable.

6.2.3.3. Comparaison avec le "confirmatif.t"

Si, entre 'ne pas prendre de bière' en Sito et 'prendre une

Page 197: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

196

bière' il n'existe que la différence d'un t de validation (à

venir), nous retrouvons la valeur de "prophétie": "Je me connais,

j'ai beau ne pas le souhaiter, à un moment donné ou à un autre je

prendrai bien une bière...". Il suffit alors de localiser le

terme de référence (passer du critère 6 au critère 5) pour

obtenir la valeur temporelle correspondante en l'occurrence un

"confirmatif.t". Le plus simple étant d'inscrire l'énoncé dans un

contexte polémique comme le suivant:

Je prendrai bien une bière, moi! Tu peux bien prendre

quelque chose non?

En cours de route nous avons dégagé un certain nombre de

caractéristiques des valeurs de "sollicitation" et de

"prophétie". Celles qui nous intéressent le plus, comme la

"visée" ou la non localisation du terme de référence sont liées

aux propriétés particulières du plan du validable.

6.3. Les plans du "factuel" et du "validable"

A détailler l'ordonnancement des opérations pour chacune des

valeurs de bien, on en oublie de spécifier les termes sur

lesquels on travaille. Lorsqu'il s'agit de validation, la

distinction principale est de nature aspectuelle, elle oppose le

plan du factuel ("confirmatif" et "confirmatif.t") au plan du

validable ("sollicitation" et "prophétie"...et autres valeurs à

Page 198: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

197

venir).

6.3.1. Le factuel

Sur le plan factuel, quand on travaille sur deux valeurs, la

sélection de l'une entraîne l'exclusion de l'autre (en français

courant: "c'est ça ou c'est pas ça mais c'est pas les deux à la

fois"). Cette propriété, fondamentale puisqu'elle distingue deux

groupes de valeurs de bien tient à une propriété de la classe des

t (sur ce plan): "unins-

tanttlocaliseaprioriuneseuleoccurrencedeprocès" (ou alors les

procès ont lieu en même temps, mais cela ne se fait pas "comme

ça", la concomitance laisse des traces). Les occurrences sur

lesquelles on travaille sur le plan du factuel sont soumises à la

"règle" qu'on vient de donner. Si on sélectionne p (pour un

instant t) alors p' est exclu (pour le même instant). Au

contraire lorsque les occurrences sont "en attente d'une

localisation", c'est-à-dire qu'elles ne sont pas repérées de

manière stable par rapport à Sito, on passe sur le plan du

validable.

6.3.2. Le validable

Sur le plan du validable, la classe des t (telle qu'elle est

toujours concevable) possède une autre propriété qui est que

"uninstanttlocaliseapriorideuxoccurrencesdeprocès". Lorsqu'on

travaille sur deux valeurs et qu'on en sélectionne une l'autre

Page 199: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

198

n'est pas pour autant exclue, elle reste éventuellement

validable. On peut par exemple dire: "Il arrivera demain ou pas"

tandis qu'il n'est pas possible de dire: "Il est arrivé hier ou

pas" (sans qu'il s'agisse d'une question). La construction d'une

occurrence sur ce plan passera nécessairement par une visée au

sens où nous l'avons définie (viser c'est privilégier une valeur

sur le validable).

L'opposition "factuel" / "validable" nous permet de rendre

compte d'une contrainte que nous avons déjà évoquée. De quoi

s'agit-il? Pour avoir un "confirmatif" au futur il est nécessaire

que le terme de référence fasse l'objet d'une assertion ainsi que

l'avait noté A. Culioli (1978, p313, n1): "bien confirmatif fait

difficulté quand on opère sur la classe des possibles et est

acceptable quand il y a assertion d'une seule valeur". Revenons

sur le paradoxe que constitue un "confirmatif" au futur. Cette

valeur repose sur l'existence d'un préconstruit localisé.

Localisé signifie repéré par un instant t qui ne repère que ce

terme. Au contraire, au futur, la construction d'un terme à

travers une visée n'exclut pas que d'autres termes soient

possibles. Pour que le "confirmatif" soit acceptable au futur, il

est nécessaire de ne retenir qu'une seule valeur. On ne peut pas

s'attendre à ce que ce terme préconstruit soit localisé comme sur

le plan factuel (une occurrence pour un t) et il faut pourtant

écarter p' du champ du validable. Seule une instance subjective

est à même de le faire. L'opération qui consiste pour un sujet à

prendre en charge la validation d'une occurrence, et une seule,

Page 200: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

199

c'est l'assertion. Notre règle générale (C.5) ne s'en trouve pas

modifiée pour autant, la localisation du terme de référence

prend, ici (sur le plan du validable), la forme particulière

d'une identification par So.

6.3.3. Deux manières de concevoir le validable

Sur le plan du validable, il est possible de distinguer deux

manières de concevoir p:

1) p est attendu, il fait l'objet d'une visée à partir de Sito, p

est conçu comme "à valider". "Entrez donc, il fait un froid de

canard sur ce palier".

2) p est conçu comme pouvant survenir: "Il peut pleuvoir, c'est

tout ce qu'on peut dire".

A ces deux manières de concevoir p comme validable

correspondent deux groupes de valeurs de bien. Avec les valeurs

de "prophétie" et de "sollicitation", p est conçu comme "à

valider". Il fait l'objet d'une visée à partir de Sito et il ne

s'agit donc pas de ce qui peut advenir (le "pouvant être

validé") mais de ce qui est attendu (le "à valider"). Les valeurs

qui nous intéresseront au chapitre suivant appartiennent au

deuxième groupe (le "pouvant être validé"). Mais avant d'en

arriver là rappelons brièvement les résultats de notre analyse.

Page 201: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

200

En résumé

La "sollicitation" vérifie les critères suivants:

C.1. Le terme de référence est préconstruit.

C.4. L'altérité est de type I/E.

C.6. Le terme de référence est construit sur

le plan du validable.

La "prophétie" vérifie les critères suivants:

C.2. Le terme de référence est construit a posteriori.

C.4. L'altérité est de type I/E.

C.6. Le terme de référence est construit sur

le plan du validable.

Page 202: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

201

NOTES DU CHAPITRE VI

(1): Nous empruntons à A. Culioli (1978, p311) les appellations

de "sollicitation" et de "prophétie". Nous lui empruntons aussi

la glose de la "sollicitation" comme une "invite pressante". Il

l'emploie à propos de l'exemple "Vous prendrez bien un petit

quelque chose!" et la justifie de la manière suivante: "On presse

autrui de prendre même le minimum (ajustement au seuil le plus

bas), on le prie de ne pas se faire prier. L'énoncé a une force

conative (je cherche à vous faire prendre) liée au parcours sur

l'ouvert des occurrences possibles de validation de la relation

prédicative associée à la visée (p/p') d'où le sentiment qu'on a

affaire à une invite pressante."

(2): J-J. FRANCKEL., (1981,a), "Modalités et opérations de

détermination", in BULAG n°8, Université de Besançon, pp 108-134.

(3): Dans les chapitres VI et VII nous faisons plusieurs fois

appel à un article de 1984 de D. Paillard sur les différents

types de relation X--Y. Pour plus de renseignements on se

reportera à l'article lui-même: "Mise en évidence du Possible et

du Nécessaire comme détermination d'une relation à travers

l'étude de l'opposition est'/o en russe contemporain", in

Opérationsdedétermination, Vol II, Université de Paris VII, pp

115-142.

(4): La nécessité d'avoir une relation de type "entre autres"

permet d'expliquer la présence de la locution quandmême dans

l'exemple suivant:

Il fera bien un geste en ta faveur... (Quand même! il

peut bien faire cet effort, non?!")

A. Culioli (1978, p311) qui propose cet exemple écrit que la

locution quandmême "est un ajout naturel car il est la trace de

l'opération de parcours" (sur la "classe des probabilités"). Nous

préférons préciser que la locution concessive est la trace de la

prise en compte de p' (ce qui inscrit la relation comme une

relation de type "entre autres") tandis que bien reste la trace

de l'opération de parcours sur la classe des probabilités.

(5): D. PAILLARD., (1988), "Temps, Aspect, types de procès: A

propos du présent simple", in Recherchesnouvellessurlelangage,

Université de Paris VII, pp 92-108.

(6): Dire qu'un sujet possède le trait animé c'est dire qu'il est

Page 203: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

202

susceptible d'être à l'origine d'une visée. Dire d'un sujet qu'il

possède le trait "humain" c'est dire qu'il est susceptible de

prendre en charge (asserter) un énoncé. On notera, à l'appui de

cette thèse, que C. Blanche-Benveniste (1978, p15) associe le

trait "+ humain" aux termes qui ont déjà ceux de "+ individuel"

et "+ locuteur", voir "A propos des traits sémantiques utilisés

en syntaxe: critique du trait "+/- humain", in

Lescahiersdelinguistique n°8: "Syntaxe et sémantique du

français", Université du Québec, pp 1-15.

Page 204: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

203

CHAPITRE VII

L' "OPTATIF" ET LE "CONCESSIF"

7.1. Identification des valeurs

Nous nommons "optatif" et "concessif" les valeurs

prises par bien dans les énoncés suivants:

(1) S'il y avait du vent, je partirais bien à la voile,

moi. ("optatif")

(2) S'il y avait du vent je partirais bien à la voile, mais

arriverais-je à temps? ("concessif")

L'"optatif" correspond à l'expression d'un souhait. Ce qui

est envisagé possède une connotation positive.

Le "concessif" articule la confirmation d'une proposition

déjà faite à sa remise en cause. On le trouve généralement en

contexte dialogique.

7.1.1. Quelques critères

Voyons ce qu'en disent les auteurs que nous consultons

habituellement (1).

Page 205: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

204

7.1.1.1. Critères sémantiques

P. Robert (éd de 1966, p468), E. Littré (éd de 1963, p

1012), de même que J. Girodet (1986, p108). placent sous la même

entrée, "concessif" et "confirmatif" et ils ne donnent aucun

exemple d'"optatif".

7.1.1.2. Critères grammaticaux

M. Grevisse (éd de 1975) en donne un (§739, 4°, p735): "Je

voudrais bien que vous me pussiez dire d'où cela vient". Il écrit

qu'on utilise le conditionnel "pour marquer l'atténuation,

notamment quand l'idée est présentée comme un simple souhait ou

une volonté affaiblie".

R.L. Wagner et J. Pinchon (1962, §447, p371) donnent: "Je

voudrais bien, dit Colomba, que vous en eussiez un semblable"

comme un exemple d'"atténuation polie". Curieusement, dans ces

deux ouvrages, on attribue la nuance "d'atténuation polie" au

seul conditionnel sans justifier d'aucune manière la présence de

bien dans les exemples.

Les grammaires sont donc discrètes sur ces valeurs de bien.

On retiendra cependant que pour certains énoncés, actualisations

de la suite "vouloir (conditionnel) + bien", l'"optatif" peut

être interprété comme une forme d'"atténuation polie".

7.1.1.3. Critères syntaxiques

Page 206: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

205

L'"optatif" n'est possible qu'au conditionnel; à d'autres

temps (présent ou futur), l'énoncé manque de naturel, au mieux on

l'interprète comme un "confirmatif":

(cond)+ S'il y avait du vent, je partirais bien cet après-

midi.

(prés)? S'il y a du vent, je pars bien cet après- midi.

(fut)? Il y aura du vent, je partirai bien cet après-

midi.

Mais le "concessif"? Prenons un exemple donné par A. Culioli

(1978, p312):

(cond)+ Lui, il déménagerait bien, mais sa femme ne veut

pas.

(fut)? Lui, il déménagera bien mais sa femme ne voudra

pas.

(prés)? Lui, il déménage bien mais sa femme ne veut pas.

On voit que le futur et le présent permettent de construire

une opposition entre deux faits qui sont sur le même plan. Il

s'agit d'une forme de "confirmatif". Avec le conditionnel on peut

concéder une valeur envisageable sur le plan fictif, tout en

maintenant une autre valeur sur le plan factuel... Et cela ne

peut pas être dit sur un autre mode car seul le conditionnel,

contrairement au présent et au futur, articule ces deux plans. Si

le conditionnel est le mode privilégié de ces deux valeurs, il

nous faut mieux le connaître.

Page 207: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

206

7.1.2. Le conditionnel

Notre analyse prend comme point de départ la caractérisation

du conditionnel établie par A. Culioli (1978, p 312): "Le

conditionnel marque la construction, à partir de Sito, d'un

repère origine fictif Sito1, d'où l'on vise une relation

prédicative. De ce repère fictif, on effectue des visées

fictives; ceci signifie que, en construisant Sito1, So pose la

relation prédicative comme validable, sans que cela implique que

cette relation sera nécessairement validée ou (disjonctif) non

validée".

Le terme "visée" signifie que sur p,p' on privilégie une

valeur, p tandis que l'autre, p' reste possible. Au futur par

exemple, la visée sur p,p' a Sito pour origine. Au conditionnel,

la visée est "fictive" parce que son repère est construit hors du

champ intersubjectif (So/So'), ce repère est donc indiscutable et

en même temps dans un rapport indécidable à Sito (rapport noté

*).

7.1.2.1. Présentation générale

Leconditionnelarticuledeuxplans:lefactueletlefictif.

Prenons un exemple:

J'ai envie de partir à Tahiti. Malheureusement je n'ai

Page 208: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

207

pas d'argent. Ah, si j'avais de l'argent, je partirais

à Tahiti... tiens, tout de suite, là, sans plus

attendre!

-L'originedescoordonnéessurleplanfactuelestSito:

Le locuteur désire partir à Tahiti, il est en mesure d'envisager

ce départ; par rapport à 'partir' on est en hors(p,p'). Cela

suffit pour que "du" p existe. Nous noterons cette existence pi

(en précisant qu'il s'agit d'une occurrence qualitativement

instable et quantitativement non localisée). Cependant si le

locuteur est à même d'envisager son départ il n'est pas à même de

partir faute de moyens (q 'avoir de l'argent' n'est pas validé en

Sito).

-L'originedescoordonnéessurleplanfictifestSito1:

sur le plan fictif: on construit un repère: Sitq (q repéré par

Sito1), et à partir de Sitq il est possible d'envisager le départ

à Tahiti (p/p') le terme approprié est "visée".

Soit l'approximation suivante:

plan fictif: Sitq-----------------p/p'

!

(*)

!

plan factuel: Sito(q,q')----------------(pi)

NB: La parenthèse en Sito(q,q') correspond au retour à un

premier terme depuis pi. L'impossibilité de constituer ce

terme comme repère de pi en Sito conduit à la mise en place

de Sitq (le statut de q,q' en Sito varie selon les

catégories d'énoncés au conditionnel).

Page 209: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

208

Leconditionnelcorrespondàuneopérationcomplexedeconstruction/

qualification (Qnt/Qlt) surleplanfictifd'uneoccurrence (p/p')

dontl'existencepi n'estpasstabi-

liséesurleplanfactuel(parcequ'onnedisposepasenSitod'untermeqquipu

isseluiservirderepère).

7.1.2.2. Construction et qualification de p

La "construction" se compose de la mise en place de Sitq et

de la construction de p/p' visé à partir de Sitq.

La "qualification" correspond à la définition du rapport

entre p et p', elle débouche sur la stabilisation du rapport

entre les deux plans factuel (pi) et fictif (p). C'est ce que

nous verrons au cours de l'analyse proprement dite de l'"optatif"

et du "concessif".

Le mode de "construction" de p dépend de la nature de la

relation q--p. Nous distinguons deux types de relation.

1) Il s'agit d'une relation subjective.

p estcequ'onpeutdireàpartirde q

maisn'estpas"normalemententraîné"par q. Il s'agit d'exemples

comme:

Il fait un temps! On se croirait en été.

Page 210: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

209

On fait un jeu, moi je serais un gendarme, toi tu

serais un voleur.

Il a dit qu'il viendrait.

Selon la BBC, Mitterand serait à Londres.

Cettecatégorieregroupeles"conditionnelsàconstructionsubjecti

ve".DanscesexemplesqestunedonnéecontextuellelocaliséeenSito. Son

statut qualitatif fait problème relativement à ce qui doit être

dit (soit pi). L'instabilité qualitative de q entraîne la

construction de q sur le plan fictif (q validé en Sito1 soit

Sitq) et c'est à partir de ce repère que p/p' est construit.

Ainsi dans le premier exemple: il fait beau (q localisé en Sito)

mais à un moment de l'année (par exemple en hiver) qui nous

interdit normalement de dire qu'on se croit en été (pi).

2) Il s'agit d'une relation inférentielle

p estuntermenormalemententraînépar q

dontildépendpoursavalidation (éventuelle). Comme dans:

S'il y avait du vent, il pleuvrait maintenant.

Si Paul était là, il nous aiderait, va voir s'il n'est

pas dans les parages.

J'aurais une échelle, je te la donnerais!

Elle aurait des ailes, elle volerait!

Dans cette catégorie des "conditionnels inférentiels" la

localisation de q en Sito est problématique.

Page 211: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

210

3) pi est le point de départ de la construction.

Revenons sur ce point. C'est parce que le statut de pi n'est

pas satisfaisant qu'on est amené à le reconstruire sur le plan

fictif. Ceci est vrai mais de différentes manières dans les

exemples que nous étudions.

Dans les premiers, "conditionnels à construction

subjective", pi a été construit au sens où en Sito on est

horsp,p'maispin'étaitpaslocalisable. Prenons l'exemple du

conditionnel "ludique". Il n'est pas possible d'attribuer les

rôles de gendarme et voleur (pi validable) sur le plan factuel.

Il faut faire admettre qu'il s'agit d'un jeu (retour à q en Sito)

et faire comme si cela était admis (mise en place de Sitq) on

peut alors dire: "tu serais un gendarme..." (construction de

p/p').

Dans les seconds, "conditionnels inférentiels", il faut

distinguer selon la forme de la protase.

- Dans un exemple comme: "Si j'avais de l'argent, je partirais à

Tahiti". L'impossibilitédelocaliser pi ('partir à Tahiti")

entraîne la mise en place de Sitq ("Si j'avais de l'argent") et

la construction de p/p' ("je partirais...").

-Dans les exemples dont la protase est au conditionnel:

Page 212: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

211

So': Luc m'a dit qu'il avait de l'argent

So : Il aurait de l'argent, il ne serait pas là.

p a

faitl'objetd'unepremièreconstructionlorsd'unemiseenrelationavecq.

DupointdevuedeSocetteconstructionestinstable. Il le montre en

reprenant q et en le mettant en relation avec le complémentaire

de p.

Autrement dit, le conditionnel a une histoire et elle

commence par la construction (instable) de pi sur le plan

factuel.

7.2. Caractérisation des valeurs

L'"appréciatif" est possible au conditionnel:

S'il savait utiliser sa fourchette, il mangerait bien

mais là c'est un véritable cochon.

Précisons que pour l'"optatif" et le "concessif" le problème

n'est pas celui de la valuation d'une occurrence (altérité I/F)

mais celui de son (éventuelle) "validation". Lorsque je dis: "Si

j'avais de l'argent, je partirais à Tahiti" la question qui se

pose est celle de mon (éventuel) départ (soit 'partir' vs 'ne pas

partir') et non pas celle d'un départ dont on évaluerait les

Page 213: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

212

propriétés relativement au Type du 'être parti'. Nous dirons que

ces deux valeurs vérifient le quatrième critère:

C.4. L'altérité est de type I/E.

La présence du conditionnel nous permet de définir d'autres

critères pour caractériser les valeurs en cause. Soit les

exemples:

(1) S'il y avait du vent, je partirais bien à la voile.

("optatif")

(2) S'il y avait du vent je partirais bien à la voile, mais

est-ce que j'arriverais à temps? ("concessif")

Dans les deux énoncés le terme de référence (p) est

construit sur le plan du validable lui même repéré par rapport au

repère origine du plan fictif soit Sito1. On peut donc formuler

ainsi le 6ème critère:

C.6. Le terme de référence est construit sur le

plan du validable.

Il faut y adjoindre un autre critère (C.7.) si on veut les

distinguer des valeurs étudiées au chapitre précédent:

C.7. Sito1 est l'origine du plan du validable.

La construction du terme de référence sur le plan du

validable est un critère commun à l'"optatif" et au "concessif".

Page 214: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

213

Mais au delà? Qu'est-ce qui les distingue? Prenons un exemple:

Si j'avais une voiture, je partirais à 5 h.

(o) Si j'avais une voiture, je partirais bien à 5h.

L'insertion de bien, dans l'énoncé, débouche sur un "optatif". La

valeur correspond à l'idée d'un souhait ou plus linguistiquement,

elle correspond à la mise en place d'une visée du sujet sur le

procès 'partir'.

Transformons cet exemple en "concessif":

(c) So': Tu devrais partir vers cinq heures.

So : Si j'avais une voiture je partirais bien vers cinq

heures mais arriverais-je à temps?

Peut-on affirmer que le sujet est à l'origine d'une visée sur le

procès 'partir'? C'est beaucoup plus douteux. Nous proposons de

distinguer l'"optatif" par une visée qu'on ne retrouve pas avec

le "concessif". Il existe d'ailleurs une contrainte spécifique

qui nous permet de le mettre en évidence. Ainsi dans l'exemple

suivant:

(o)? S'il y avait du vent, les feuilles s'envoleraient bien.

(o1)+S'il y avait du vent, on s'envolerait bien!

Le premier est peu acceptable surtout si on le compare à (o1),

beaucoup plus naturel. On nous dira que l'explication en est

simple; "les feuilles" sujet "non-animé" ne sauraient être à

Page 215: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

214

l'origine d'une visée. Oui, mais cette contrainte n'existe plus

avec le "concessif". Comparez avec (c), il est tout a fait

acceptable:

(c) S'il y avait du vent les feuilles s'envoleraient bien,

mais qu'est-ce que ça changerait?

Nous voilà donc avec une double question:

1) A qui doit-on attribuer la visée qui apparaît dans

l'"optatif"?

2) A quoi doit-on attribuer la contrainte (animé (2) / non-animé)

qui pèse sur le sujet, dans la valeur d'"optatif" et pas sur

celui du "concessif"?

7.2.1. L'"optatif"

Soit l'exemple suivant sans bien:

S'il y avait du vent, je partirais à la voile.

Hors contexte, on ne sait pas si pi <moi/partir à la voile> est

validable ou non en Sito car le statut de q,q' est indécidable en

Sito. L'insertion de bien dans l'énoncé, si nous faisons le choix

de l'interprétation optative, nous donne une information

supplémentaire:

(1) S'il y avait du vent, je partirais bien à la voile.

Page 216: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

215

Le locuteur, veut (souhaite, espère...) partir au moment où il

parle. Le problème n'est plus celui des conditions matérielles

d'un départ; on le construit (fictivement) comme résolu. La

question est celle d'un choix éventuel: "partir ou ne pas

partir?". Bien "nous dit" que c'est la première solution qui est

envisagée par le locuteur.

Ce commentaire de l'exemple (1) n'est possible qu'à une

condition: pi est construit comme validable pour So à partir de

Sito. Les conditions de validation de p ne sont pas réunies en

Sito. On passe sur le plan fictif. Sur ce plan on construit un

repère Sitq à partir duquel la relation So-p/p' est reconstruite

(So vise p).

L'étape suivante est la comparaison de pi avec p. Pour So pi

était au moins validable sur le plan factuel. Laconfirmationde p

commevaleurvalidablesurleplanfictifs'interprètenécessairementcomm

euneviséedusujetsur p.

L'idée de "souhait" (de visée) qui accompagne et caractérise

l'"optatif" est liée: 1), à la nature des occurrences en jeu

(elles sont "validables") et 2), à la nature temporelle de

l'"optatif".

1) Etant donné une relation instable mettant en jeu pi

validable pour So; en confirmant que pi est validable pour So on

définit la relation comme une visée de So sur pi.

Page 217: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

216

2) Cela n'est possible que parce qu'on a affaire à une

valeur temporelle. La valeur de référence p/p' est construite a

posteriori à partir de pi. C'est la raison pour laquelle il n'y a

pas d'autre différence entre les deux relations So--pi (factuel)

et So--p/p' (fictif) que celle de leur ancrage situationnel (Sito

vs Sito1). Et ceci ne tient à rien d'autre qu'au conditionnel

lui-même. Par construction, le conditionnel suppose la primauté

d'une construction ancrée en Sito (instable il est vrai).

Le conditionnel est parfois décrit comme renvoyant au "non

actuel", à "un ensemble de mondes possibles mais improbables"

(Vet, 1981) (3). A priori, on pouvait s'attendre à ne pas trouver

de valeur temporelle avec le conditionnel. Nous soutenons la

thèse contraire, l'"optatif" est une valeur temporelle parce

qu'elle apparaît avec le conditionnel. Cette idée peut

surprendre. Nous allons montrer qu'elle permet de rendre compte

d'exemples qui sans cela resteraient particulièrement difficiles

à traiter comme:

(4) Pardon, j'aimerais bien sortir maintenant.

et

(3) Tiens, je boirais bien une bière, moi!

7.2.1.1. Tiens, je boirais bien une bière, moi!

Sans bien l'énoncé est inacceptable. Comparez:

(3)+ Tiens, je boirais bien une bière, moi!

(3a)? Tiens, je boirais une bière, moi!

Page 218: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

217

Cette contrainte n'a pas échappé à A. Culioli (1978, p313) qui

donne un moyen de la lever: "(...) si on supprime bien, "je/tu/il

boirais (t) un verre de bière" n'est acceptable que s'il se

trouve dans une succession aoristique de procès envisagés ("Tu

entrerais dans la pièce, tu boirais un verre de bière, (...)") ou

s'il est rattaché à un énonciateur fictif (valeur de type "dit-

on, paraît-il): "Paul prendrait le train à 5 heures; Tu as

entendu la dernière? (...)". Les deux moyens proposés par A.

Culioli ont la même fonction, il s'agit de fournir un repère

(Sitq) au conditionnel. On peut "appliquer cette formule" et

proposer:

(3b)+ Tiens, sij'enavaissouslamain, je boirais un

verre de bière, moi!

On retrouve un énoncé de même type que le (1). La question est la

suivante, comment, bien peut-il dispenser de la présence d'une

protase? La réponse tient à deux caractéristiques essentielles de

l'exemple (3):

1) Il appartient à la catégorie des "conditionnels à

construction subjective" (4).

2) La construction de pi correspond à une visée à partir de

Sito.

1) La définition des "conditionnels à construction

subjective" reposait sur les propriétés suivantes: p est ce qui

Page 219: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

218

peut être dit à partir de q et q est localisé en Sito. Les

énoncés n'ont pas besoin d'une protase explicite car il est

possible de rétablir Sitq à partir de Sito. Le (3) vérifie cette

propriété. Lorsque je dis: "Tiens, je prendrais bien une bière,

moi!", c'est qu'au moment où je parle je suis le lieu, en Sito,

d'une visée sur p,p', ou plus simplement, je découvre que j'ai

envie de boire une bière. On a un équivalent sémantique de cette

construction dans une expression comme: "Il me vient une envie

de...".

2) La description de la relation de départ comme la

"construction temporelle d'une visée" nous permet d'expliquer

deux contraintes.

La première pèse sur l'emploi de la troisième et surtout de

la deuxième personne. L'exemple ? "Tu boirais une bière" est peu

naturel parce que l'origine d'une visée est normalement opaque à

celui qui n'est pas le "viseur".

La deuxième pèse sur l'emploi de la première personne. On ne

peut pas dire ? "Je boirais une bière". Fondamentalement, c'est

pour la même raison: en Sito l'origine de la visée échappe à

l'énonciateur; l"optatif" est une valeur temporelle. Il y a

quelque chose de paradoxal pour le sujet dans le fait d'être le

lieu d'actualisation d'une visée dont l'origine lui échappe. La

fonction de bien est alors de désigner S2 (en l'occurrence So)

comme l'origine de la visée sur p. Ce qu'on représenter ainsi:

Page 220: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

219

planfictif: Sito1------<So--p/p'>

!

!

planfactuel: Sito--------<S2--pi>

L'opération dont bien est la trace consiste à comparer pi

validable pour S2 avec p/p' validable pour So pour ensuite

identifier le premier au second. Ce

résultats'interprètenécessairementcommeuneviséedeS2surpi. Au

niveau du rapport entre les deux plans, le plan factuel se ramène

au plan fictif.

7.2.1.2. J'aimerais bien sortir maintenant

Soit l'exemple suivant:

(4) "Pardon, j'aimerais bien sortir, maintenant".

Voyons comment il se constitue. On peut avoir une formule

beaucoup plus directe comme:

(4a) "Pardon, j'aimerais sortir".

Mais en quoi (4a) est-il plus direct? Il est constitué sans

protase. Il s'agit d'un "conditionnel à construction subjective".

L'énonciateur est à l'origine d'une visée sur p,p' et la relation

qui unit le sujet au procès visé p/p' est stabilisée, la valeur

sémantique du procès ("aimer", "vouloir" etc...) en est la

Page 221: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

220

meilleure preuve. On a un passage sur le plan fictif parce que

p,p' ne paraît pas validable en Sito ("Pardon") mais cela ne

"justifie" pas l'emploi de bien.

Au contraire, en (4), bien va marquer que la relation So--pi

a pu être considérée comme instable mais d'un autre point de vue

que celui de So. Les "conditionnels d'atténuation" apparaisent

toujours en contexte dialogique. L'existence même du

coénonciateur donne à p' un statut qu'il n'avait pas

indépendamment de cette situation intersubjective.

L'interprétation la plus normale de l'énoncé est d'attribuer au

coénonciateur un point de vue opposé à celui de So. Voilà

l'origine de la nuance (justifiée) dite d'"atténuation" attribuée

à ces exemples par la grammaire traditionnelle. Dans l'énoncé

maintenant vient donner une assise temporelle à la prise en

compte de p'. Sa présence correspond au fait qu'on est déjà passé

par p' puisqu'on envisage p pour (au moins) la seconde fois. Nous

faisons la même analyse sur l'exemple suivant:

(5) J'aimerais bien avoir l'Est Républicain.

En (5), l'énonciateur envisage un refus éventuel de son co-

énonciateur, soit p' <ne pas avoir l'Est Républicain>. La remise

en cause de la visée rend possible l'emploi de bien. Ou bien

encore, le vendeur, peut par plaisanterie lui répondre:

"Pourquoi, on vous l'a déjà refusé?". La question vient donner à

cette remise en cause une assise temporelle.

Page 222: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

221

On voit que p et p', n'ont pas la même "histoire". En

introduisant bien dans l'énoncé, on pose que p' a été envisagé et

que l'on revient à p comme valeur visée. Mais cette valeur ne

peut tenir lieu de terme de référence que si elle est

reconstruite sur le plan fictif. Ces exemples comme les

précédents vérifient le critère 3 qui fait l'originalité de

l'"optatif":

C.3. Le terme de référence est construit a posteriori.

La logique de notre propos interdit normalement l'existence

de valeurs subjectives au conditionnel. Elles existent pourtant,

il s'agit du "concessif" que nous allons étudier.

7.2.2. Le "concessif"

On interprète difficilement le (6o) ou le (7o) comme

relevant de l'"optatif":

(6o)? S'il y avait de l'essence, la voiture roulerait

bien.

(7o)? Il y aurait du vent, les feuilles tomberaient

bien.

En revanche ils peuvent fort bien être des "concessifs" à

condition de changer d'intonation, de supprimer la pause entre

les deux propositions et d'y adjoindre une apodose en "mais...":

Page 223: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

222

(6c)+ S'il y en avait la voiture roulerait bien, mais je

n'ai pas le permis.

(7c)+ Il y en aurait les feuilles tomberaient bien,

mais il y aurait toujours les branches ...

Ces changements marquent une réorganisation de l'énoncé par

rapport à l'"optatif". On peut dire qu'ici, le choix de p <la

voiture rouler> est remis en cause par la construction de q' au

niveau de l'apodose <mais je n'ai pas le permis>. Il y a là une

constatation banale, la "concession" est souvent définie comme

"l'introduction de la cause contraire à ce que, par ailleurs, on

concède".

Le terme de référence n'est pas construit par l'énonciateur;

il est déjà construit par une autre source. Le fonctionnement de

la concession est à cet égard suffisamment connu (M-A. Morel,

1980) (5). Le "concessif" vérifie le premier critère:

C.1. Le terme de référence est préconstruit.

On le constate facilement dans l'échange suivant:

So': Tu devrais partir à Tahiti.

So : Je partirais bien à Tahiti mais je n'ai pas

un sou.

7.2.2.1. La construction de p n'est pas rapportable à So

Prenons un exemple:

Page 224: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

223

(8) S'il avait de l'argent il prendrait bien un ticket.

Le (8) est susceptible de deux interprétations ("optatif" ou

"concessif"), voyons à quelles conditions on passe de l'une à

l'autre:

-"optatif":

La proposition p "il prendrait bien un ticket" apparaît

comme une construction de l'énonciateur. On a une trace de

l'origine spécifique de cette construction dans la contrainte

suivante: avec l'"optatif", (8a) et (8b) sont plus acceptables

que (8):

(8a)+ S'il avait de l'argent, je crois qu'il prendrait

bien un ticket.

(8b)+ S'il avait de l'argent, il prendrait bien un

ticket là.

Dans un énoncé à la troisième personne (ou à la seconde)

l'"optatif" implique de gérer deux choses qui sont contra-

dictoires: la construction de p est rapportable à So et p est

visé par un sujet S2 différent de So. Il est donc plus naturel

(comme en a et b) de faire apparaître, dans l'énoncé, les raisons

d'une connaissance qui échappe normalement à l'énonciateur (d'où

la notation "je crois" ou le déictique "là").

Page 225: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

224

-"concessif":

La proposition p <lui / prendre un ticket> n'est plus

rapportable à l'énonciateur. On a deux traces de cette nouvelle

organisation.

(8c) S'il avait de l'argent il prendrait bien un ticket,

mais ça ne servirait à rien...

a) La disparition de la pause entre les deux propositions q

et p: "S'il avait de l'argent il prendrait bien un ticket". Elle

correspond à la constitution d'une seule proposition (qu'on peut

noter q-p) dont la construction est rapportable au coénonciateur.

b) L'apparition d'une nouvelle proposition qui met en place

q': l'apodose (explicite ou non, l'intonation peut suffire)

introduite par mais. Celle-ci est en revanche prise en charge par

l'énonciateur.

Dans le "concessif" l'énonciateur reprend la proposition q-p

construite par une autre instance. Contrairement à l'"optatif" un

énoncé "concessif" ne saurait être un énoncé premier (6). Au

moment de la reprise de q-p le problème de la validité de la

relation S2--p ne se pose plus celle-ci étant déjà constituée.

C'est ainsi que nous rendons compte de la levée de la contrainte

évoquée plus haut sur la nature du sujet (animé vs non-animé).

Nous proposons de représenter très schématiquement les effets de

ce découpage de la manière suivante:

Page 226: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

225

.-----------.--------------.--------------.

! ! thème ! rhème !

!-----------!--------------!--------------!

!"concessif"! Sitq--S2p !q' !

!-----------!--------------!--------------!

! "optatif" ! Sitq--S2 ! p !

'-----------'--------------'--------------'

NB: Lorsque la relation S2--p fait partie du thème

("concessif") elle n'est pas susceptible de variation, elle

est considérée comme un tout S2p qui est, lui, susceptible

de variation dans sa relation à Sitq.

Dans le "concessif", on confirme la validation de S2p (prise

du ticket) relativement à Sitq (à condition d'avoir de l'argent).

Bien est la trace de cette confirmation. On peut donc avoir une

valeur subjective de bien au conditionnel. Il faut pour cela que

la préconstruction du terme de référence associe à p son repère

de construction Sitq (propriété définitoire du conditionnel) d'où

la disparition de la pause entre les deux propositions q-p.

So est amené à se situer par rapport à une valeur construite

par un autre sujet, on conçoit qu'il ne rejoigne pas la position

de cet autre sujet, c'est le "concessif" (le plan factuel ne se

ramène pas au plan fictif); mais pourquoi ne rejoindrait-il pas

cette position? pourquoi n'aurait-on pas une troisième valeur

proche du "confirmatif"?

7.2.2.2. Il n'y a pas d'autre valeur.

Avec le "concessif", l'énonciateur confirme (fictivement) p

Page 227: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

226

mais se situe en réalité en p' puisqu'ensuite il posera q';

pourquoi ne pourrait-on pas avoir une valeur proche du

"confirmatif" (7) et qui se décrirait ainsi: l'énonciateur

confirme p au détriment de p'? Nous connaissons déjà cette

valeur! C'est l'"optatif". Si So fait le choix de p, le découpage

thématique n'est plus le même (la validation de la relation S2--p

constitue alors le rhème): le choix de p "achève" l'énoncé.

7.3. Les domaines du "validable"

Il est possible de distinguer deux manières de concevoir p;

soit p est conçu comme "pouvant être validé", soit p est conçu

comme "à valider". A ces deux manières de concevoir p validable

correspondent deux catégories de valeurs de bien.

Avec les valeurs du futur, ("prophétie" et "sollicitation"),

p est conçu comme "à valider". Il fait l'objet d'une visée à

partir de Sito (propriété définitoire du futur).

Avec les valeurs du conditionnel, p est conçu comme "pouvant

être validé". Le fait par exemple que dans l'"optatif", p fasse

l'objet d'une visée sur le plan factuel n'est pas contradictoire

avec cette définition. La visée n'a de stabilité que sur le plan

fictif. Avec le conditionnel on construit p comme "à valider" sur

le plan fictif, mais sur le plan factuel p reste simplement

possible. C'est bien ce qui est dit, même dans l'"optatif": "Moi,

Page 228: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

227

je prendrais bien une bière!". Il suffit de comparer avec le même

genre d'exemple au futur pour voir que le problème de la

validation de p n'est pas envisagé de la même manière:

(f) Vous prendrez bien un petit quelque chose.

(c)? Vous prendriez bien un petit quelque chose.

Si on accepte le second, quoique les deux exemples aient à peu

près le même sens, seul le futur peut donner lieu à une "invite

pressante". Au conditionnel, p sur le plan factuel est toujours

simplement possible. Le (c) sera souvent dit d'"atténuation"

relativement au futur toujours plus direct.

En résumé

Avec les valeurs du conditionnel, les opérations portent sur

le domaine du "validable". p est conçu comme "à valider" sur le

plan fictif mais sur le plan factuel il est conçu comme "pouvant

être validé". Nous n'avons pas besoin d'ajouter un critère

particulier à ceux dont nous disposons, le critère 8 sur

l'origine de la visée suffit à distinguer ces valeurs des valeurs

étudiées au chapitre VI.

"optatif"

C.3. Le terme de référence est construit a posteriori.

Page 229: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

228

C.4. L'altérité est de type I(/)E.

C.6. Le terme de référence est construit sur le plan du

validable.

C.8. Sito1 est à l'origine du plan du validable.

"concessif".

C.1. Le terme de référence est préconstruit.

C.4. L'altérité est de type I/E.

C.6. Le terme de référence est construit sur le plan du

validable.

C.8. Sito1 est à l'origine du plan du validable.

Page 230: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

229

NOTES DU CHAPITRE VII

(1): A. Culioli (1978) se penche assez longuement sur les

problèmes que pose un "optatif" comme: "Tiens, je prendrais bien

une bière, moi!". Au passage il évoque le "concessif": "Je

posterais bien la lettre à votre place, mais je ne passe par là"

(p314) et l'"optatif": "Je m'achèterais bien une caméra" (p312)

mais il s'agit d'une mise en parallèle destinée à montrer l'unité

de ces exemples plutôt que ce qui les oppose.

(2): On constate qu'un terme a la propriété 'être animé'

lorsqu'il est susceptible d'être à l'origine d'une visée.

(3): C. VET. (1981, p109) considère que le conditionnel et le

futur "impliquent une référence non pas à un monde réel, mais à

un monde que le locuteur croit probable (dans le cas du futur) ou

improbable (conditionnel)". En reprenant nos propres termes nous

dirons que ce type d'analyse ne tient compte que de la

construction sur le plan subjectif et qu'elle fait l'impasse sur

l'origine factuelle de cette opération. (voir "La notion de

"monde possible" et le système temporel et aspectuel du français"

in Langages, n°64, Larousse éd.

(4): On a vu que les "conditionnels à construction subjective" se

mettaient en place sur la base d'un mouvement rétrospectif qui

allait de la mention de p,p' (pi) sur le plan factuel à q

localisé en Sito puis le transfert de la relation q--p sur le

plan fictif. Le "retour" à q à partir de p doit être justifié. On

ne peut revenir à q pour repérer p que s'il existe une raison

normale de revenir à q (plutôt qu'à x, y ou z). Autrement dit le

retour à q suppose l'existence d'une relation entre q et p. Les

différentes formes de cette relation peuvent servir de base à une

classification des "conditionnels à construction subjective":

-q est un repère normal de p parce qu'il existe une relation

primitive entre q et p: "Il fait un temps, on se croirait en

été".

-q est déjà le constructeur de p parce que p a été construit

à partir de q: "Il a dit qu'il viendrait"; "Selon la BBC,

Mitterand serait à Londres actuellement".

-q est un repère de p parce qu'il est l'origine d'une visée

sur p: "Tiens, je prendrais bien une bière moi".

(5): Sur le statut du thème dans les énoncés concessifs on peut

se reporter à la thèse de M-A. Morel (1980). Elle écrit, p155, à

propos de concessives introduites par bien que ("Bien qu'il

pleuve, je sors." ou "Bien que Pierre soit grand, il n'est pas

Page 231: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

230

plus grand que moi."): "Le locuteur n'asserte en l'assumant

pleinement qu'une seule des deux propositions du système: la

proposition principale. La subordonnée introduite par bienque

représente une assertion de type très particulier, dont on peut

dire que le locuteur ne la prend pas vraiment à son compte et

qu'il en rejette la responsabilité sur les autres, et plus

particulièrement sur son interlocuteur, tout en reconnaissant

qu'elle est vraie. Ainsi dans les deux énoncés ci-dessus, le

locuteur reconnaît ou "concède" qu'il est vrai qu'"il pleut" ou

que "Pierre est grand", mais la seule proposition dont il assume

pleinement la responsabilité, c'est la principale "je sors" ou

"il n'est pas plus grand que moi". Ce qui importe essentiellement

au locuteur c'est l'assertion de la principale. (...)

(6): Le chapitre consacré aux "Actes sociaux" dans UnNiveau-Seuil

(1976) est divisé en deux parties: "Actes d'ordre 1" et "Actes

d'ordre 2". La masse des éléments qui peuvent être ordonnés de

cette manière montre qu'il y a là une contrainte linguistique sur

laquelle on peut raisonnablement s'appuyer

(7): La contrainte qui pèse sur le conditionnel pour avoir la

valeur de "confirmatif" est signalée par A. Culioli (1978, p313).

Parlant de cette valeur, il écrit en note: "Alors qu'au futur,

cette interprétation ne fait pas difficulté, au conditionnel, il

faut prendre quelques précautions prosodiques exceptionnelles".

En effet il existe une possibilité, assez mince on va le voir, de

construire un "confirmatif" au conditionnel comme dans l'exemple

suivant:

So': Il irait sans doute à Vichy tu sais.

So : Mais non, il a toujours détesté cette ville.

So': S'il était malade, tiens, tu verrais s'il n'y

retourne pas!

So : Ah oui, dans ces conditions, s'il était malade,

il irait bien à Vichy, je te l'accorde.

Pour que l'exemple soit acceptable il est nécessaire d'avoir une

opposition intersubjective qui vienne clairement relayer

l'altérité p,p' sur le plan fictif. Mais ceci ne suffit pas, il

faut aussi que l'énonciateur spécifie les conditions dans

lesquelles il "confirme" p comme bonne valeur. En effet avec le

conditionnel (plus encore qu'avec le futur) la sélection de p ne

saurait véritablement exclure p' d'une éventuelle validation.

Pour ce qui est de la question d'une autre valeur, on peut

conclure que, vu les difficultés pour mettre en place un "vrai"

"confirmatif" (p' ne peut pas être totalement exclu) tout énoncé

de ce type sera tendanciellement interprété comme un "concessif".

Page 232: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

231

Page 233: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

232

CONCLUSION

SYSTEMATIQUE DES VALEURS DE BIEN

"Toutes les langues ont en commun certaines catégories

d'expression qui semblent répondre à un modèle constant. Les

formes que revêtent ces catégories sont enregistrées et

inventoriées dans les descriptions, mais leurs fonctions

n'apparaissent clairement que si on les étudie dans

l'exercice du langage et dans la production du discours. Ce

sont des catégories élémentaires, qui sont indépendantes de

toute détermination culturelle et où nous voyons

l'expérience subjective des sujets qui se posent et se

situent dans et par le langage. Nous essayons ici d'éclairer

deux catégories fondamentales du discours, d'ailleurs

conjointes nécessairement, celle de la personne et celle du

temps." E. Benveniste, 1974, "Le langage et l'expérience

humaine", in Problèmesdelinguistiquegénérale, T2, p67.

Page 234: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

233

SYSTEMATIQUEDESVALEURSDEBIEN

A. Culioli (1978) a montré que les nombreuses valeurs

de bien pouvaient se ramener à une (poly) opération que nous

proposons de décrire ainsi: Etantdonnéuneoccur-

rencepideP;étantdonnélecouplepondérédevaleursp,p'deP(pondérésigni

fiequepestletermederéférence);"bien"estlatracededeuxopérations:le

parcoursdesdifférentesoccurrencesdep,p'etl'identificationdepiàp.

La raison d'être de ces opérations est l'instabilité

première de pi. La question de l'origine de cette instabilité est

fondamentale. En la posant nous nous donnons les moyens d'opérer

la principale partition sur l'ensemble des valeurs de bien. Deux

cas peuvent être envisagés:

1) L'instabilité tient au fait que p, le terme de référence, est

déjà construit sur le plan subjectif. On se trouve dans la

situation où toute occurrence (pi) à venir sera nécessairement

évaluée relativement à cette valeur de référence. C'est ce qui se

passe dans un exemple comme: "Ce devoir est bien orthographié".

2) L'instabilité tient au fait que pi est construit sur le plan

temporel de manière autonome par rapport à l'instance subjective.

L'occurrence pi est pourvue d'un statut quantitatif mais son

Page 235: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

234

statut qualitatif n'est pas assuré. Du coup c'est a posteriori et

à partir de pi qu'on va construire p, le terme de référence par

rapport auquel on évaluera pi. C'est ce qui se passe dans un

exemple comme: "Il est bien ridé, cet homme!".

Deux plans sont en jeu: le plan temporel (origine To) et le

plan subjectif (origine So). On peut dire, en simplifiant, que

quelle que soit la valeur considérée les opérations dont bien est

la trace consistent toujours à comparer puis à identifier une

occurrence pi construite sur le plan temporel avec une valeur p

construite sur le plan subjectif. Les deux cas que nous avons

évoqués plus haut se ramènent à une question de primauté d'un

plan par rapport à un autre.

1) Primauté de la construction d'une occurrence de P sur le plan

subjectif: le terme de référence est préconstruit.

2) Primauté de la construction d'une occurrence de P sur le plan

temporel: le terme de référence est construit a posteriori.

Cetteoppositiontrouvesonfondementdanslastructuremêmedel'acte

énonciatif.Elleestleprincipefondamentaldestructurationdusystèmede

svaleursde"bien". Dans le

tableau des valeurs qu'elle divise verticalement, elle nous

permettra de distinguer deux catégories de valeurs:

1) les valeurs subjectives qui vérifient le critère 1:

Page 236: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

235

C.1. Le terme de référence est préconstruit.

2) les valeurs temporelles qui vérifient le critère 3:

C.3. Le terme de référence est construit a posteriori.

Nous avons dit que les différentes valeurs de bien sup-

posaient la comparaison d'une occurrence pi avec une valeur de

référence p. Cela implique qu'on envisage aussi "autre-que-p",

soit p' le complémentaire de p. Le mode de délimitation de p est

à l'origine du deuxième principe de structuration des valeurs de

bien. Il existe essentiellement deux manières d'opérer cette

délimitation. Sur cette distinction nous empruntons à A. Culioli

(1989, p187) l'essentiel de notre propos.

1) On a un point de repère qui est le Type de P, le centre

organisateur du domaine. Par rapport à ce point on peut avoir une

"représentation spécifique de ce qui est mauvais, défavorable ou

inadéquat (donc à rejeter)". Ce qui revient à distinguer p' (la

Frontière du domaine) de p (l'Intérieur du domaine). Il s'agit

d'une construction subjective. L'Intérieur est la zone où l'on

considère que les occurrences sont identifiables au Type alors

qu'on considère que cela n'est plus possible pour les occurrences

de la Frontière du domaine. C'est ce qui se passe dans un énoncé

comme: "Ce devoir est bien orthographié."

On compare une occurrence pi de P aux occurrences de

l'Intérieur du domaine (valeur p) et aux occurrences de la

Page 237: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

236

Frontière (valeur p') et on conclut que pi se ramène à p. La

délimitation du terme de référence met en jeu une altérité de

type I/F.

2) La préconstruction de la valeur p est une mise en relation

avec un terme localisé. Pour une occurrence donnée pi on est à

même de distinguer la zone où la propriété est vérifiée de "ce

qui comporte un vide, un hiatus, une absence", en un mot là où

elle n'est pas vérifiée à un degré ou à un autre. On n'a plus de

zone Frontière. On a d'une part, l'Intérieur et d'autre part,

l'Extérieur du domaine. C'est ce qui se passe dans un énoncé

comme: "Tu avais raison, il y a bien du pétrole ici."

On compare pi à deux valeurs strictement opposées p ET p'.

Ici p 'y avoir du pétrole' et p' 'ne pas y avoir de pétrole'. La

délimitation du terme de référence met en jeu une altérité de

type I/E.

L'opposition de ces deux modes de construction de l'altérité

sur le domaine de p,p' constitue le deuxième principe de

structuration des valeurs de bien. Dans le tableau des valeurs

qu'elle divise horizontalement en deux, elle nous permettra de

distinguer:

1) les valeurs de "valuation" qui vérifient le critère 2:

C.2. L'altérité est de type I/F.

Page 238: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

237

2) les valeurs de "validation" qui vérifient le critère 4:

C.4. L'altérité est de type I/E.

Voilà donc brièvement exposés les principes essentiels d'une

systématique des valeurs de bien. Nous résumons notre propos sous

forme d'un tableau:

.----------------------------------------------------------.

! Le terme de référence est ! Le terme de référence est !

! préconstruit. ! construit a posteriori !

! (critère C.1.) ! (critère C.3.) !

! PôleS ! PôleT !

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! VALEURSDEVALUATION(C.2:L'altéritéestdetypeI/F) !

! ! !

! "Ce devoir est bien ! "Il est bien ridé cet !

! orthographié." ! homme!" !

!-----------------------------!----------------------------!

! VALEURSDEVALIDATION(C.4:L'altéritéestdetypeI/E) !

! ! !

! "C'est bien la femme que ! "On achève bien les !

! j'ai vue hier." ! chevaux!" !

'----------------------------------------------------------'

Passons à l'étude des différentes classes de valeurs. Nous

verrons que si le cas des valeurs de "valuation" se résume assez

facilement à deux valeurs, l'"appréciatif" et l'"intensif", le

cas des valeurs de "validation" est plus complexe et suppose la

prise en compte de nouveaux critères pour les caractériser.

1. Les valeurs de valuation

Page 239: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

238

Dans le cas de l'"appréciatif" la valeur p construite sur le

plan subjectif préexiste à la construction de l'occurrence pi de

P. La primauté du plan subjectif par rapport au plan de

construction de pi autorise des emplois de bien avec l'infinitif

(ou l'impératif) tout à fait impossibles pour l'"intensif":

(a) Bien malaxer la pâte...

(a) Soignez bien ce bobo, sinon...

L'"appréciatif" vérifie le premier critère:

C.1. le terme de référence est préconstruit.

Au contraire, l'"intensif" se distingue par la primauté du

plan temporel sur le plan subjectif, d'où une grande

compatibilité avec les contextes de surprise:

(i) Il est bien ridé, cet homme!

(i) Il a bien de la patience!

Cette primauté du plan temporel interdit que le terme de

référence apparaisse comme un préconstruit. Revenons à notre

exemple: une occurrence pi de la propriété 'être ridé', est

actualisée indépendamment de toute attente d'origine subjective;

le statut qualitatif de cette occurrence est instable. On la

reconstruit sur le plan subjectif à fin de comparaison. Cette

opération trouve un équivalent pragmatique dans une expression

comme: "Tu vois ce que je vois?".

Page 240: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

239

La primauté de la construction de pi par rapport à celle du

terme de référence caractérise l'"intensif". Nous en rendons

compte par le critère 3:

C.3. Le terme de référence est construit a posteriori.

Dans le cas de l'"intensif" la primauté du plan factuel à

une conséquence sur le mode de construction de l'altérité qu'il

nous faut rappeler. A ce moment de l'opération on est en présence

de deux termes, une occurrence pi qualitativement instable et un

terme p construit à partir de pi, il n'y a donc pas d'altérité

constituée. On compare (opération de parcours sur l'Intérieur et

la Frontière du domaine) pi à p à la recherche de différences

éventuelles. N'en trouvant pas on identifie pi à p. Il s'agit

d'un cas d'altérité par défaut qui vérifie par ailleurs le

critère 2 spécifique des valeurs de valuation. Nous pouvons

résumer notre propos sur les valeurs de valuation en reprenant

notre tableau:

Page 241: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

240

.----------------------------------------------------------.

! Le terme de référence est ! Le terme de référence est !

! préconstruit. ! construit a posteriori !

! (critère C.1.) ! (critère C.3.) !

! PôleS ! PôleT !

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! VALEURSDEVALUATION(C.2:L'altéritéestdetypeI/F) !

! ! !

! Ce devoir est bien ! "Il est bien ridé cet !

! orthographié." ! homme!" !

! "appréciatif" !"intensif" !

'----------------------------' '---------------------------'

2. Les valeurs de validation

L'emploi de bien est d'abord le calcul d'une certaine forme

d'altérité sur p,p'. Il est nécessaire que p' soit envisageable

comme une des valeurs possibles de pi pour que l'énoncé soit

acceptable. Or nous considérons, après A. Culioli (1988, p187)

qu'il n'existe fondamentalement que deux manières de construire

de l'altérité. Soit on distingue ce qui bon de ce qui est moins

bon, mauvais etc... soit on distingue ce qui existe de ce qui

n'existe pas. Au premier cas correspondent les valeurs de

valuation au second cas correspondent les valeurs de validation.

Nous pensons donc qu'il n'y a pas d'autres classes de valeurs.

Dans le cas des valeurs de validation la valeur p (terme de

référence) fait l'objet d'une localisation, c'est dire qu'elle a

un statut quantitatif stabilisé. Ce que nous avons traduit par le

critère 4:

Page 242: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

241

C.4. L'altérité est de type I/E.

Ceci posé, nous devons rendre compte de deux types de

valeurs très différents. Comparons les exemples suivants:

C'est bien la femme que j'ai vue hier.

On achève bien les chevaux!

Vous entrerez bien cinq minutes!

Si j'avais de l'argent, je partirais bien à Tahiti.

Dans les deux premiers la valeur confirmée est une valeur

localisée sur le plan factuel. Dans les suivants la valeur

confirmée n'est pas encore validée, comment peut-on confirmer ce

qui n'existe pas encore? Pour répondre à cette question il nous

faut préciser ce que nous entendons par factuel et validable.

Sur le plan factuel, un instant t localise a priori une

seule occurrence de procès. Quand on travaille sur deux valeurs,

la sélection de l'une entraîne l'exclusion de l'autre (en langage

courant: "c'est ça ou c'est pas ça mais c'est pas les deux à la

fois"). Au contraire lorsque les occurrences sont en attente

d'une localisation, on passe sur le plan du validable.

Sur le plan du validable, la classe des t possède une autre

propriété qui est qu' "un instant t localise a priori plus d'une

occurrence de procès". Lorsqu'on travaille sur deux valeurs et

qu'on en sélectionne une l'autre n'est pas forcément exclue, elle

reste éventuellement validable. Sur ce plan, on peut construire

Page 243: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

242

une valeur p par une visée, puis confirmer cette visée sans que

cela corresponde à l'exclusion de la valeur complémentaire p'.

Voilà la réponse à la question que nous posions plus haut.

Elle se traduit par deux critères qui permettent de distinguer

les deux types de valeurs selon que le terme de référence est

construit sur le plan factuel ou non. Les unes (valeurs de

confirmation) vérifieront le cinquième critère ainsi formulé:

C.5. Le terme de référence est construit sur

le plan factuel.

Tandis que les autres (valeurs du validable), qu'on trouvera le

plus souvent au futur ou au conditionnel, vérifient le critère

suivant:

C.6. Le terme de référence est construit sur

le plan du validable.

2.1. Les valeurs de confirmation

Nous distinguons deux valeurs: le "confirmatif" et le

"confirmatif.t" selon que le terme de référence fait ou ne fait

pas l'objet d'une préconstruction. Les exemples de "confirmatif"

sont facilement identifiables, nous en avons déjà donné quelques-

uns. Les exemples de "confirmatif.t" sont plus variés. On trouve

des énoncés comme:

Page 244: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

243

(t) Ah, c'est bien le moment!"

(t) On achève bien les chevaux!"

Il suffit de préconstruire la valeur confirmée pour obtenir des

"confirmatifs" tout à fait satisfaisants:

(c) Il vient de sortir, c'est bien le moment; tu peux

y aller!"

(c) Vous avez raison, on achève bien les chevaux, est-

ce une raison pour achever les hommes?

Revenons sur les exemples de "confirmatif.t".

Le sens de "Ah! c'est bien le moment!" est "Pour moi ce

n'est pas le moment". Le moyen le plus économique pour expliquer

cette inversion sémantique est de faire appel à la construction

temporelle de pi (critère 3). Dans notre exemple, l'événement ou

la demande qui a suscité l'expression "c'est bien le moment" a

surpris le locuteur. La valeur p ne peut donc pas être

préconstruite. En même temps l'occurrence (pi) ainsi localisée

n'est pas stabilisée. Du point de vue de So l'instant présent ne

possède pas la propriété 'être le moment'. So se situe en

hors(p,p') et compare le statut de pi (l'instant présent) avec

les valeurs de p,p'. Les valeurs parcourues s'opposent de manière

stricte: p <maintenant / être le moment> et p' <maintenant / ne

pas être le moment>. Finalement So constate que pi se ramène à p

mais il ne prend pas en charge cette identification, il se

maintient en hors(p,p'), d'où la variation sémantique évoquée

Page 245: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

244

plus haut.

Une réplique comme "On achève bien les chevaux" est la

réponse à un énoncé comme: "Pourquoi achevez-vous les humains?".

Son caractère "indiscutable" fait tout son intérêt. Il ne peut

s'expliquer que par la construction temporelle de pi (critère 3).

L'exemple peut être glosé ainsi: "Parmi ceux qui sont achevés, si

je prends les chevaux, en ce qui concerne le rapport à 'être

achevé' on ne peut que constater qu'il est vérifié". Là où la

remarque de So' supposait une opposition intersubjective ("Vous

achevez les humains!"), celle de So met en place (impose) un

consensus entre les deux sujets sur ce qui est achevable ou pas.

So part d'une construction (pi) dont l'origine (temporelle) lui

échappe comme elle échappe à So', par là on sort d'une

problématique intersubjective: "les chevaux sont achevés", même

si par ailleurs d'un point de vue subjectif ils ne sont pas

"achevables".

Comme on le voit l'intérêt de ces exemples ne s'explique que

parce que bien y a une valeur temporelle contrairement à ce qui

se passe dans un "confirmatif" (ordinaire) qui est une valeur

subjective.

Nous résumons nos propos dans le tableau suivant:

Page 246: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

245

.----------------------------------------------------------.

! Le terme de référence est ! Le terme de référence est !

! préconstruit. ! construit a posteriori !

! (critère C.1.) ! (critère C.3.) !

! PôleS ! PôleT !

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! VALEURSDEVALIDATION(C.4:L'altéritéestdetypeI/E) !

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! Letermederéférenceestconstruitsurleplanfactuel. !

! (critère C.5.) !

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! "C'est bien la femme que ! "On achève bien les !

! j'ai vue hier." ! chevaux!" !

! "confirmatif" ! "confirmatif.t" !

'----------------------------------------------------------'

2.2. Les valeurs du validable

Un terme construit sur le plan du validable peut être

envisagé de deux manières différentes.

Si on considère que la valeur est "à valider" c'est le futur

qui sera employé. On trouvera des exemples comme:

(f) Vous prendrez bien un petit quelque chose.

(c)? Vous prendriez bien un petit quelque chose.

La valeur p est construite par une visée à partir de Sito

(propriété définitoire du futur). Nous caractérisons cette classe

de valeurs au moyen du critère suivant:

Page 247: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

246

C.7. Sito est à l'origine du plan du validable.

En revanche si on considère que la valeur "peut être

validée" c'est le conditionnel qui sera employé. Comparez les

exemples suivants:

(f1)? Si j'ai de l'argent, je partirai bien à

Tahiti.

(c1) Si j'avais de l'argent, je partirais bien à

Tahiti.

La valeur p sera construite par une visée, à partir d'un repère

fictif Sito1 (propriété définitoire du conditionnel). La visée

étant faite à partir d'un repère fictif elle ne saurait avoir So

comme origine, elle ne peut donc pas apparaître comme "à

valider". Nous caractérisons cette classe de valeurs au moyen du

critère suivant:

C.8. Sito1 est à l'origine du plan du validable.

Nous nous intéresserons d'abord aux valeurs du premier type.

2.2.1. "sollicitation" vs "prophétie"

Les exemples de "sollicitation" correspondent toujours à des

demandes dirigées vers le coénonciateur:

(s) Vous prendrez bien quelque chose?

(s) Alors, on prendra bien un petit bonbon?

(s) S'il te plaît, tu sortiras bien cinq minutes?

Page 248: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

247

La valeur p apparaît comme une valeur attendue par l'énonciateur.

Nous pouvons dire qu'elle a fait l'objet d'une préconstruction ce

qui signifie que la "sollicitation" appartient à la catégorie des

valeurs subjectives.

Les exemples de "prophétie" s'accompagnent toujours d'une

connotation particulière: l'évidence de la validation à venir.

Voyons cela sur quelques exemples:

(p1) Ne t'en fais pas, il mangera bien un jour.

(p2) Laisse-le, il y arrivera bien tout seul.

Une occurrence pi est localisée en Sito mais le statut qualitatif

de cette occurrence est instable. Par exemple en (p1) on ne sait

pas comment le sujet vérifie le procès 'manger' (primauté de la

construction temporelle). A partir de pi, So reconstruit le

domaine du validable soit p et p'. So peut fort bien affirmer

qu'il existe toujours un t de validation qui fera passer du

statut de horsp,p' à p. Il faut prendre comme valideur un instant

ti qui n'a d'autre propriété que celle d'être l'instant de

validation de p. Le terme de référence est reconstruit à partir

de pi, c'est la raison pour laquelle la seule différence entre p

et pi ne peut être que la validation de p. "L'évidence" est à ce

prix.

Ce que nous résumerons dans le tableau suivant:

Page 249: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

248

.----------------------------------------------------------.

! Le terme de référence est ! Le terme de référence est !

! préconstruit. ! construit a posteriori !

! (critère C.1.) PôleS ! (critère C.3.) PôleT !

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! VALEURSDEVALIDATION(C.4:L'altéritéestdetypeI/E) !

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! Letermederéférenceestconstruitsurleplandu !

! validable. (critère C.6.) !

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! Sitoestl'origineduplanduvalidable. (critère C.7) !

! !

! "Vous prendrez bien quelque ! "Laisse-le, il y arrivera !

! chose avec nous." ! bien tout seul." !

! "sollicitation" ! "prophétie" !

'----------------------------------------------------------'

2.2.2. "optatif" vs "concessif"

L'emploi du conditionnel avec bien donne lieu à deux sortes

de valeurs. L'"optatif" et le "concessif" comme dans les exemples

suivants:

(o) Tiens, je boirais bien une bière, moi!

(c) Oui bien sûr, si j'en avais une je boirais bien une

bière, mais mon docteur me l'interdit.

La première s'explique par le fonctionnement même du conditionnel

qui trouve son origine dans la construction d'une occurrence

instable pi sur le plan factuel. Le conditionnel suppose donc la

primauté du plan factuel, d'où l'existence d'une valeur

temporelle de bien: l'"optatif". Revenons à notre exemple.

Page 250: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

249

En (o) le locuteur découvre qu'il désire boire. "Il y a du p

validable (pi) pour So" mais So n'est pas le constructeur de pi.

D'où l'impression, que le locuteur est pendant un instant

étranger à lui-même.

Si au contraire le sujet "sait" qu'il est à l'origine de la

visée, cette connaissance aura une "traduction" lexicale: on

trouvera des verbes qui renvoient sémantiquement à une visée:

"vouloir, aimer, désirer" et autres. Dans ce cas l'instabilité de

la visée en Sito sera liée à l'incertitude qui pèse sur la

validation de p. On y trouvera des exemples que la tradition

grammaticale désigne comme des "conditionnels d'atténuation":

(atn1) J'aimerais bien l'Est Républicain.

(atn2) Je voudrais bien sortir maintenant.

Mis à part les caractéristiques que nous venons de signaler

(lexique d'une part et incertitude sur le terme visé d'autre

part) ces énoncés s'analysent comme l'exemple (o). La cons-

truction de pi validable à partir de Sito entraîne le retour à un

terme q qui pourrait lui servir de repère. Celui-ci fait

problème; dans l'exemple (o), So n'est pas le constructeur de la

visée et dans les exemples (atn1) ou (atn2) c'est dans la

situation elle-même qu'on trouve la source de l'incertitude sur

pi (prise en compte de l'altérité intersubjective). On passe donc

sur le plan fictif pour y construire un repère Sitq (q ancré en

Page 251: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

250

Sito1) à partir duquel on pourra construire une relation stable

entre le sujet So et un terme visé p/p'. L'"optatif" vérifie le

troisième critère (construction a posteriori du terme de

référence). Un terme p a été construit sur le plan fictif à

partir d'un terme pi construit à partir de Sito.

La fonction de bien peut alors se gloser de la manière

suivante: "étant donné une relation instable qui associe pi

validable pour un sujet donné, bien confirme que p est validable

pour ce sujet ce qui revient à désigner le sujet comme étant à

l'origine d'une visée sur p. D'où l'idée de "souhait" qui

accompagne nécessairement ces exemples.

Nous allons montrer que les contraintes qui pèsent sur le

"concessif" ne peuvent s'expliquer que par la préconstruction du

terme de référence (le "concessif" est une valeur subjective).

Prenons deux exemples:

(o1) Tiens, si je pouvais, je partirais bien à la voile!

(c1) Bien sûr, si je pouvais je partirais bien à la voile,

mais avec ce vent je me demande...

(o2)?Il y aurait du vent, les feuilles tomberaient bien.

(c2)+Il y aurait du vent les feuilles tomberaient bien mais

il resterait toujours les branches alors ...

Deux contraintes distinguent le "concessif" de l'"optatif":

1) dans le "concessif" (c1) la pause qui précédait la proposition

p ("je partirais bien à la voile") disparaît;

Page 252: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

251

2) L'"optatif" n'apparaît que si le sujet de la relation S2--p

est un sujet animé, d'où la bizarrerie de (o2). Cette contrainte

ne pèse pas sur le "concessif" (c2).

Dans le "concessif" p est préconstruit il a fait l'objet

d'une première mise en relation avec un sujet S2. Dans l'exemple

ce pourrait être une réplique comme: "Dis-donc, tu devrais partir

à la voile non?". Cela signifie que du point de vue de So' les

conditions (q) sont remplies pour que S2--p soit validée. On a

d'un côté une valeur préconstruite qui se présente comme une

relation (complexe) stabilisée q-p (on peut la développer en <q /

S2p> et d'un autre côté une valeur instable pi; instable puisque

du point de vue de So, en Sito, on se situe (au mieux) en hors

q,q' (les conditions climatiques ne sont pas satisfaisantes). En

reconstruisant q--p sur le plan subjectif à partir de Sito1, So

se donne les moyens d'identifier pi à p. Mais l'identification de

pi à p se fait à partir de Sitq ("Si je pouvais") c'est à dire à

partir d'un point de vue que So ne reprend pas à son compte (dans

notre exemple il est attribué à So') d'où la valeur concessive et

l'apodose en "mais...". Les deux contraintes sont maintenant

explicables:

1) La disparition de la pause entre les deux propositions q

et p dans le "concessif" tient au fait que la préconstruction de

p l'a inscrit comme le second terme d'une relation q-p qui fait

l'objet d'une reprise globale sur le plan fictif.

Page 253: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

252

2) La relation S2--p déjà construite apparaît comme un bloc

et c'est l'ensemble des valeurs S2p / S2p' qui est en cause

relativement à q. Du coup la confirmation de S2p n'entraîne

aucune contrainte sur la nature du sujet.

Les différences qui séparent le "concessif" de l'"optatif"

tiennent au mode de construction du terme de référence p. Selon

qu'il est préconstruit ou construit a posteriori nous aurons

l'une ou l'autre valeur. Nous proposons de résumer nos

observations dans le tableau suivant:

.----------------------------------------------------------.

! Le terme de référence est ! Le terme de référence est !

! préconstruit. ! construit a posteriori !

! (critère C.1.) PôleS ! (critère C.3.) PôleT !

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! VALEURSDEVALIDATION(C.4:L'altéritéestdetypeI/E) !

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! Letermederéférenceestconstruitsurleplandu !

! validable. (critère C.6.) !

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! Sito1estl'origineduplanduvalidable. (critère C.8) !

! !

! "Si j'avais de l'argent je ! "Tiens, je prendrais bien !

! partirais bien à Tahiti." !une bière moi!" !

! "concessif" ! "optatif" !

'----------------------------------------------------------'

3. Systématique des valeurs de bien

Page 254: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

253

3.1. L'opposition S / T

L'ensemble des valeurs de bien est complexe et c'est de

cette complexité que nous avons essayé de rendre compte. Les

bases théoriques de notre analyse sont maintenant connues, elles

supposent la mise en relation de l'énoncé étudié avec l'acte

énonciatif qui l'a produit. Nous avons pu constater que

l'ensemble des valeurs de bien s'organisait autour de deux

attitudes possibles de l'énonciateur relativement à

l'actualisation de l'occurrence (pi) sur laquelle portaient les

opérations dont bien est la trace.

1) L'énonciateur rapporte cette occurrence (pi) à un modèle

(p) qui lui préexiste auquel il la compare. Nous parlons alors de

construction subjective de l'occurrence.

2) Ou bien, l'occurrence est construite en l'absence de tout

modèle préconstruit. A priori l'énonciateur ne dispose pas de

repère subjectif pour évaluer cette occurrence. Nous parlons

alors de construction temporelle de l'occurrence.

Il y a deux attitudes possibles. Elles correspondent au

premier principe de structuration du système des valeurs de bien,

c'est l'opposition S / T. Il nous semble que les problèmes

rencontrés jusqu'à maintenant dans l'analyse de bien tiennent au

refus de considérer également ces deux possibilités. Cela a

conduit généralement les auteurs à réduire les valeurs

Page 255: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

254

temporelles au cas des valeurs subjectives (voir

J-P. Dalbéra 1981, D. Duprey 1979).

On a reconnu un enjeu essentiel de l'analyse linguistique,

faut-il ajouter qu'il dépasse largement les frontières de notre

discipline (1)?

3.2. L'altérité est de fondation

Nous avons mis en évidence un deuxième principe. Il s'agit

du type d'altérité attribuable à pi. Cette voie était déjà

largement balisée par les études grammaticales traditionnelles

(adverbe de manière vs adverbe d'opinion).

Plus intéressant peut être est de voir que cette altérité

est à l'initiale des opérations dont le marqueur est la trace. Du

coup définir les différents types d'altérité (travailler sur la

négation) c'est définir des classes de valeurs correspondantes.

A. Culioli (1989, p187) postule une "opération primitive" de

négation pour laquelle il envisage deux formes: valuation et

existence (absence). Rien d'étonnant alors à ce que le deuxième

principe de structuration des valeurs de bien repose sur cette

opposition (altérité I/F et altérité I/E).

Mais le rapprochement de bien avec la négation doit être

poursuivi. Sur les tables de fréquence, pas est le premier

Page 256: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

255

adverbe du français et bien occupe justement la deuxième place.

Nous pensons qu'il y a là plus qu'un hasard statistique. Il nous

semble que le fonctionnement d'un adverbe comme bien, dans la

langue, est complémentaire de celui de la négation. Les choses

sont assez simples à dire en termes de domaines notionnels. Avec

la négation on s'éloigne du centre, on franchit une limite, on

sort du domaine; avec bien on est ramené vers le centre on

revient à l'intérieur du domaine. L'altérité peut être stabilisée

c'est le rôle de la négation, l'altérité peut être réduite et

c'est le rôle d'un marqueur comme bien.

Reste que la description de ces deux formes de calcul serait

impossible hors d'un constat (le rôle de l'opposition S/T) que la

grammaire traditionnelle ne semble jamais faire et pour cause,

car il nous ramène une fois encore à l'acte énonciatif origine

des constructions.

Les deux principes que nous venons d'évoquer sont à la base

de la systématique des valeurs de bien que nous présentons dans

le tableau synthétique suivant (si nécessaire, on en trouvera en

notes le développement explicite):

Page 257: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

256

.------------------------------.-----------------.

! C.1. ! C.3. !

.------!------------------------------!-----------------!

! ! ! !

! C.2. ! "appréciatif" ! "intensif" !

! ! ! !

!------!-----.------------------------!-----------------!

! ! ! ! !

! ! C.5.! "confirmatif" ! "confirmatif.t" !

! ! ! ! !

! C.4. !-----!------.-----------------!-----------------!

! ! ! C.7 !"sollicitation" ! "prophétie" !

! ! C.6 !------!-----------------!-----------------!

! ! ! C.8. ! "concessif" ! "optatif" !

'------'-----'------'-----------------'-----------------'

E. Benveniste a ouvert cette synthèse, nous demanderons à A.

Culioli (1989, p195) de bien vouloir la conclure: "(...) il n'y a

pas de marqueur sans la trace mémorisée de sa genèse, il n'y a

pas de marqueur (...) qui ne soit issu de l'ajustement de deux

représentations complémentaires appartenant au même domaine d'une

catégorie notionnelle; tout objet (méta)linguistique recèle une

altérité constitutive. C'est le travail énonciatif de repérage

(subjectif et intersubjectif; spatio-temporel; quantitatif et

qualitatif) qui en composant l'ajustement complexe des

représentations et des énonciateurs, supprime, met en relief ou

masque cette altérité".

Page 258: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

257

NOTES DE LA CONCLUSION

(1): Dans un autre domaine, ce qu'écrit E. Morin (1982, p136) sur

la notion d'événement nous paraît poser la même problématique que

la nôtre:

"La notion d'événement est relative".

1.a) La notion d'élément relève d'une ontologie spatiale. La

notion d'événement relève d'une ontologie temporelle. Or, tout

élément peut être considéré comme événement dans la mesure où on

le considère situé dans l'irréversibilité temporelle, comme une

manifestation ou actualisation, c'est-à-dire en fonction de son

apparition et de sa disparition, comme en fonction de sa

singularité. Le temps marque d'un coefficient d'événementialité

toute chose.

b) Autrement dit, il y a toujours ambivalence entre

événement et élément. S'il n'y a pas de "pur" élément (c'est-à-

dire si tout élément est lié au temps), il n'y a pas non plus de

pur événement (il s'inscrit dans un système), et la notion

d'événement est relative.

c) Autrement dit encore, la nature accidentelle, aléatoire,

improbable, singulière, concrète, historique de l'événement

dépend du système selon lequel on le considère. Le même phénomène

est événement dans un système, élément dans un autre. Exemple:

les morts du week-end automobile sont des éléments prévisibles

d'avance, probables, d'un système statistico-démographique qui

obéit à des lois strictes. Mais chacune de ces morts, pour les

membres de leur famille, est un accident inattendu, une

malchance, une catastrophe concrète". (voirScienceavecConscience,

Fayard éd, 328p).

(3): Systématique des valeurs de bien (tableau):

Page 259: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

258

.----------------------------------------------------------.

!SYSTEMATIQUEDESVALEURSDEBIEN!

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! Le terme de référence est ! Le terme de référence est !

!préconstruit. !construit a posteriori !

! (critère C.1.) PôleS! (critère C.3.) PôleT!

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

!VALEURSDEVALUATION(C.2:L'altéritéestdetypeI/F)!

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! "Ce devoir est bien ortho- ! "Il est bien ridé, cet !

! graphié." ! homme!" !

! "appréciatif" !"intensif" !

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

!VALEURSDEVALIDATION(C.4:L'altéritéestdetypeI/E)!

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! Letermederéférenceestconstruitsurleplanfactuel. !

! (critère C.5.) !

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! "C'est bien la femme que ! "On achève bien les !

! j'ai vue hier." ! chevaux!" !

! "confirmatif" !"confirmatif.t" !

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! Letermederéférenceestconstruitsurleplandu !

! validable. (critère C.6.) !

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! Sitoestl'origineduplanduvalidable. (critère C.7) !

! !

! "Vous prendrez bien ! "Laisse-le, il y arrivera !

! quelque chose avec nous." !bien tout seul." !

! "sollicitation" ! "prophétie" !

'----------------------------------------------------------'

.----------------------------------------------------------.

! Sito1estl'origineduplanduvalidable. (critère C.8) !

! !

! "Si j'avais de l'argent ! "Tiens, je prendrais bien !

! je partirais bien à ! une bière, moi!" !

! Tahiti, mais..." ! !

! "concessif" !"optatif" !

'----------------------------------------------------------'

Page 260: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

259

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TABLE DES MATIERES

Contenu

SOMMAIRE. ................................................................................................................................................ 4

INTRODUCTION ......................................................................................................................................... 5

LES VALEURS DE BIEN ............................................................................................................................ 5

CHAPITRE I ............................................................................................................................................... 37

L'"APPRECIATIF" ..................................................................................................................................... 37

1.1. Identification de la valeur ................................................................................................................. 37

1.1.1. Critères sémantiques .................................................................................................................. 37

1.1.2. Critères grammaticaux............................................................................................................... 40

1.1.3. Critères syntaxiques................................................................................................................... 41

1.2. Caractérisation de la valeur .............................................................................................................. 43

1.2.1. La valeur d'"appréciatif" ............................................................................................................ 46

1.3. Un exemple d'"appréciatif": "être + bien" ........................................................................................ 59

1.3.1. Critères sémantiques .................................................................................................................. 60

1.3.2. Critères grammaticaux............................................................................................................... 61

1.3.3. Critères syntaxiques................................................................................................................... 61

1.3.4. Caractérisation des deux valeurs ............................................................................................... 63

En résumé ................................................................................................................................................ 67

NOTES DU CHAPITRE I ...................................................................................................................... 69

CHAPITRE II .............................................................................................................................................. 73

L'"INTENSIF" ............................................................................................................................................. 73

2.1. Identification de la valeur ................................................................................................................. 73

2.1.1. Critères sémantiques .................................................................................................................. 73

2.1.2. Critères grammaticaux............................................................................................................... 75

2.1.3. Critères syntaxiques................................................................................................................... 76

2.2. Caractérisation de la valeur .............................................................................................................. 77

2.2.1. La valeur d'"intensif" ................................................................................................................. 78

2.3. Le "constat" et les connotations négatives ....................................................................................... 83

2.3.1. La question des catégories de procès ......................................................................................... 84

Page 274: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

273

2.3.2. L'"intensif" suppose l'absence de téléonomie ............................................................................ 94

En résumé ................................................................................................................................................ 97

NOTES DU CHAPITRE II ..................................................................................................................... 99

CHAPITRE III .......................................................................................................................................... 101

LA SUITE "BIEN + Dét + NOM" ........................................................................................................... 101

3.1 Identification des valeurs ................................................................................................................. 101

3.1.1. Critères sémantiques ................................................................................................................ 101

3.1.2. Critères grammaticaux............................................................................................................. 102

3.1.3. Critères syntaxiques................................................................................................................. 103

3.2. Caractérisation des valeurs ............................................................................................................. 107

3.2.1. La valeur "i" ............................................................................................................................ 110

3.2.2. La valeur "ii" ........................................................................................................................... 114

3.2.3. Les termes denses dans la suite "bien + nom" ......................................................................... 119

En résumé .............................................................................................................................................. 123

NOTES DU CHAPITRE III .................................................................................................................. 125

CHAPITRE IV .......................................................................................................................................... 127

LE "CONFIRMATIF" .............................................................................................................................. 127

4.1. Identification de la valeur ............................................................................................................... 127

4.1.1. Critères sémantiques ................................................................................................................ 128

4.1.2. Critères grammaticaux............................................................................................................. 128

4.1.3. Critères syntaxiques................................................................................................................. 129

4.2. Caractérisation de la valeur ............................................................................................................ 130

4.2.1. L'altérité p,p' est relayée par une opposition intersubjective ................................................... 134

4.2.2. L'altérité p,p' est relayée sur le plan intersubjectif .................................................................. 139

4.2.3. L'altérité p,p' n'est pas relayée sur le plan intersubjectif ......................................................... 143

4.3. Un exemple: la suite "impératif + bien" ......................................................................................... 144

En résumé .............................................................................................................................................. 146

NOTES DU CHAPITRE IV .................................................................................................................. 148

CHAPITRE V............................................................................................................................................ 149

LE "CONFIRMATIF.T" ........................................................................................................................... 149

5.1. Identification de la valeur ............................................................................................................... 149

5.1.1. Critères sémantiques ................................................................................................................ 150

Page 275: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

274

5.1.2. Critères grammaticaux............................................................................................................. 151

5.1.3. Critères syntaxiques................................................................................................................. 151

5.2. Caractérisation de la valeur ............................................................................................................ 152

5.2.1. L'altérité p,p' est relayée par une opposition intersubjective ................................................... 153

5.2.2. L'altérité p,p' n'est pas relayée par une opposition intersubjective. ......................................... 156

5.3. p' correspond à une autre occurrence pj de P ................................................................................. 159

5.3.1. L'altérité p,p' est relayée par une opposition intersubjective ................................................... 159

5.3.2. L'altérité n'est pas relayée par une opposition intersubjective ................................................. 170

En résumé .............................................................................................................................................. 174

NOTES DU CHAPITRE V ................................................................................................................... 175

CHAPITRE VI .......................................................................................................................................... 177

LA "PROPHETIE" ET LA "SOLLICITATION" ..................................................................................... 177

6.1. Identification des valeurs ................................................................................................................ 177

6.1.1. Critères sémantiques ................................................................................................................ 177

6.1.2. Critères grammaticaux............................................................................................................. 178

6.1.3. Critères syntaxiques................................................................................................................. 179

6.2. Caractérisation des valeurs ............................................................................................................. 184

6.2.1. La "prophétie" ......................................................................................................................... 184

6.2.2. La "sollicitation" ...................................................................................................................... 188

6.2.3. Comparaison avec les autres valeurs ....................................................................................... 193

6.3. Les plans du "factuel" et du "validable" ......................................................................................... 196

6.3.1. Le factuel ................................................................................................................................. 197

6.3.2. Le validable ............................................................................................................................. 197

6.3.3. Deux manières de concevoir le validable ................................................................................ 199

En résumé .............................................................................................................................................. 200

NOTES DU CHAPITRE VI .................................................................................................................. 201

CHAPITRE VII ......................................................................................................................................... 203

L' "OPTATIF" ET LE "CONCESSIF" .................................................................................................... 203

7.1. Identification des valeurs ................................................................................................................ 203

7.1.1. Quelques critères ..................................................................................................................... 203

7.1.2. Le conditionnel ........................................................................................................................ 206

7.2. Caractérisation des valeurs ............................................................................................................. 211

Page 276: SYSTÉMATIQUE DES VALEURS DE BIEN (ADVERBE)EN …

275

7.2.1. L'"optatif" ................................................................................................................................ 214

7.2.2. Le "concessif" .......................................................................................................................... 221

7.3. Les domaines du "validable" .......................................................................................................... 226

En résumé .............................................................................................................................................. 227

NOTES DU CHAPITRE VII ................................................................................................................ 229

CONCLUSION ......................................................................................................................................... 232

SYSTEMATIQUE DES VALEURS DE BIEN ........................................................................................ 232

1. Les valeurs de valuation .................................................................................................................... 237

2. Les valeurs de validation ................................................................................................................... 240

2.1. Les valeurs de confirmation ....................................................................................................... 242

2.2. Les valeurs du validable ............................................................................................................. 245

3. Systématique des valeurs de bien ...................................................................................................... 252

3.1. L'opposition S / T ....................................................................................................................... 253

3.2. L'altérité est de fondation ........................................................................................................... 254

NOTES DE LA CONCLUSION ........................................................................................................... 257

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................... 259

Dictionnaires, grammaires et ouvrages de lexicologie consultés. ......................................................... 259

Articles et ouvrages de linguistique. ..................................................................................................... 261

TABLE DES MATIERES ......................................................................................................................... 272