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1 Un droit de la consommation est-il encore nécessaire en 2007 ? Thierry BOURGOIGNIE 1 Poser la question de l’utilité d’un droit de la consommation en 2007 oblige à revenir sur les raisons d’être et les objectifs du droit de la consommation, rappelant ainsi l’essence même des réflexions et des initiatives ayant mené, dans le contexte des années 60, à l’émergence de cette discipline juridique nouvelle. Le débat sur l’utilité du droit de la consommation en 2007 ne doit pas se limiter à un débat de type instrumental qui s’interrogerait sur la localisation des règles du droit de la consommation au sein de l’arsenal juridique : les dispositions du droit de la consommation ont-elles encore, en 2007, une spécificité qui justifie le maintien d’un cadre normatif spécifique – tel que la Loi sur la protection du consommateur au Québec – ou doivent-elles se fondre dans un ensemble normatif plus large, tel que le Code civil, le droit des obligations, le droit des contrats ou le droit de la concurrence ? La réponse à cette question dépend de celle apportée à une question plus fondamentale portant sur la substance même du droit de la consommation et non sur sa seule technicité : ce qu’il est convenu d’appeler le droit de la consommation trouve-t-il encore sa justification dans le mode de fonctionnement du système de marché contemporain et répond-il encore à des préoccupations ou des aspirations fondamentales du citoyen ? Dans un premier temps, on rappelle les raisons qui sont à l’origine du droit de la consommation et les objectifs qui sont les siens, mettant ainsi en évidence les caractéristiques principales de son approche (A). On propose ensuite les éléments de la réflexion qui amènent à conclure à l’absolue nécessité de poursuivre le développement du droit de la consommation dans le contexte contemporain (B). Le débat instrumental de départ se trouve ainsi inscrit dans un cadre bien plus large qui justifie qu’une impulsion nouvelle soit donnée à la discipline, au travers, selon nous, de quatre axes ou actions prioritaires (C). 1 Professeur agrégé, Directeur du Groupe de recherche en droit international et comparé de la consommation (GREDICC), Département des sciences juridiques, Directeur du Baccalauréat en relations internationales et en droit international, Faculté de science politique et de droit, Université du Québec à Montréal (UQAM), Montréal, Canada. [email protected]

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Un droit de la consommation est-il encore nécessaire en 2007 ?

Thierry BOURGOIGNIE

1 Poser la question de l’utilité d’un droit de la consommation en 2007 oblige à revenir sur les raisons d’être et les objectifs du droit de la consommation, rappelant ainsi l’essence même des réflexions et des initiatives ayant mené, dans le contexte des années 60, à l’émergence de cette discipline juridique nouvelle. Le débat sur l’utilité du droit de la consommation en 2007 ne doit pas se limiter à un débat de type instrumental qui s’interrogerait sur la localisation des règles du droit de la consommation au sein de l’arsenal juridique : les dispositions du droit de la consommation ont-elles encore, en 2007, une spécificité qui justifie le maintien d’un cadre normatif spécifique – tel que la Loi sur la protection du consommateur au Québec – ou doivent-elles se fondre dans un ensemble normatif plus large, tel que le Code civil, le droit des obligations, le droit des contrats ou le droit de la concurrence ? La réponse à cette question dépend de celle apportée à une question plus fondamentale portant sur la substance même du droit de la consommation et non sur sa seule technicité : ce qu’il est convenu d’appeler le droit de la consommation trouve-t-il encore sa justification dans le mode de fonctionnement du système de marché contemporain et répond-il encore à des préoccupations ou des aspirations fondamentales du citoyen ? Dans un premier temps, on rappelle les raisons qui sont à l’origine du droit de la consommation et les objectifs qui sont les siens, mettant ainsi en évidence les caractéristiques principales de son approche (A). On propose ensuite les éléments de la réflexion qui amènent à conclure à l’absolue nécessité de poursuivre le développement du droit de la consommation dans le contexte contemporain (B). Le débat instrumental de départ se trouve ainsi inscrit dans un cadre bien plus large qui justifie qu’une impulsion nouvelle soit donnée à la discipline, au travers, selon nous, de quatre axes ou actions prioritaires (C).

1 Professeur agrégé, Directeur du Groupe de recherche en droit international et comparé de la consommation (GREDICC), Département des sciences juridiques, Directeur du Baccalauréat en relations internationales et en droit international, Faculté de science politique et de droit, Université du Québec à Montréal (UQAM), Montréal, Canada. [email protected]

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A. RAISONS D’ETRE ET OBJECTIFS DU DROIT DE LA CONSOMMATION Appréhender les raisons d’être et les objectifs du droit de la consommation oblige à s’interroger sur les circonstances et les aspirations dont ce droit est l’expression. Il en va du droit de la consommation comme d’autres disciplines voisines – tels le droit du travail et le droit de l’environnement – et du droit en général : celui-ci n’est jamais que l’outil d’une politique, elle-même l’expression d’un courant d’idées, de réflexions ou d’initiatives en mouvement. Le droit de la consommation participe pleinement à cette vision du rôle du droit comme vecteur de changement social. Lors de son émergence dans les années soixante, il apparaît comme le reflet juridique d’un puissant mouvement d’idées dénonçant les déséquilibres engendrés par le développement d’une société de consommation de masse, voire les rouages mêmes de cette société2.

2 Sur l’origine du droit de la consommation et ses fondements juridiques, voyez BOURGOIGNIE TH., Éléments pour une théorie du droit de la consommation, Bruylant, Bruxelles, 1988, 564 p. et l’abondante bibliographie citée. Également : BOURGOIGNIE TH., DELVAX G., La fonction de consommation et le droit de la consommation : l'enjeu réel, Revue Interdisciplinaire d'Études Juridiques, 1981/7, p. 3 à 75. Parmi les ouvrages publiés à l’époque ou antérieurement et qui ont grandement influencé notre réflexion, on identifie notamment : AGLIETTA M ., Régulation et crises du capitalisme, Calmann-Lévy, Paris, 1976; AAKER D., DAY G. (eds), Consumerism: search for the consumer interest, The Free Press, New York, 1978; BAKER M., TIXIER D. (eds), Consumerism, public policy and consumer protection, ESSEC, Cergy, 1981; BAUDRILLARD J., La société de consommation, Denoël, Paris, 1970; BAUDRILLARD J., Le système des objets: la consommation des signes, Gallimard, Paris, 1963; BIHL L ., Consommateur, défends-toi, Denoël, Paris, 1976 ; BORRIE G., DIAMOND A ., The society and the law, Harmondsworth, Penguin, 1973 ; CAPLOVITZ D., The poor pay more, The Free Press, New York, 1967; CARPER J., MAGNUSON W., The dark side of the marketplace, Prentice Hall, Englewood Cliffs, 1968 ; CAS G., La défense du consommateur, PUF, Paris, 1975 ; CALAIS-AULOY J., Droit de la consommation, Dalloz, Paris, 1981 ; CHASE S., SCHLINK F., Your Money’s Worth, MacMilan, New York, 1927 ; CRANSTON R., Regulating business law and consumer agencies, Macmillan,Press, London, 1979 ; DOYÈRE J., Le combat des consommateurs, du Cerf, Paris, 1975 ; MASSE CL. (dir.), Droit et consommation, Groupe de recherché en jurimétrie, Faculté de droit, Université de Montréal, 1975 ; FILLER L., The Muckrackers : crusaders for American Liberalism, Antioch Press, Yellow Springs, 1939, GALBRAITH J.K., American capitalism : the concept of countervailing power, Houghton Mifflin, Boston, 1956 ; GALBRAITH J.K., L’ère de l’opulence, Calmann-Lévy, Paris, 1961 ; GHIDINI G., Per i consumatori, Zanichelli, Bologna, 1977 ; GRANOU A., Capitalisme et mode de vie, du Cerf, Paris, 1974 ; JOERGES CH., Verbraucherschutz als Rechtsproblem, Recht und Wirtschaft, Heidelberg, 1981 ; KALLET A ., SCHLINK F., 100.000.000 Guinea Pigs, Grosset and Dnlop, New York, 1933 ; KATONA G., La société de consommation de masse, Hommes et Techniques, Paris, 1969 ; KATZ R. (ed.), Protecting the consumer interest. Private initiatives and public response, Ballinger, Cambridge (Mass.), 1976 ; LEFF A., Swindling and selling. The story of legal and illegal congames, The Free Press, New York, 1976; MARCUSE

H., L’homme unidimensionnel, Éditions de Minuit, Paris, 1968; MEYNAUD J., Les consommateurs et le pouvoir, Étude de science politique, Mornex, Lausanne, 1964; MITCHELL J., Marketing and the consumer movement, Mc Graw-Hill, London, 1978 ; MOORIS D. (ed.), Economics of consumer protection, Heinemann, London, 1980; NADEL M., The politics of consumer protection, Bobbs-Merill, Indianapolis, 1971; NADER R. (ed.), The consumer and corporate accountability, Harcourt Brace Jovanovich, New York, 1973; PACKARD

V., The hidden persuaders, D.McKay, New York, 1957; RAMSAY I., Rationales for intervention in the consumer marketplace, Office of fair Trading, London, 1984 ; RAWLS J., A theory of justice, Harvard University Press, Cambridge (Mass.), 1971, REGIER C., The era of Muckrackers, University of North Carolina Press, Chapel Hill, 1932; REICH N., Markt und Recht, Luchterhand, Neuwied, 1977; REICH N., TONNER K., WEGENER H., Verbraucher und Recht, Otto Schwartz, Göttingen, 1976; REIFNER U., Alternatives Wirtschaftsrecht am beispiel der Verbraucherverschuldung, Luchterhand, Neuwied, 1979 ; RUFFOLO U., La tutela individuale e collective del consumatore, Giuffre, Milano, 1979; SCHERHORN G., Verbraucherinteresse und Verbraucherpolitik, Otto Schwartz, Göttingen, 1975; SINCLAIR U., The Jungle,

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Selon une acception maintenant communément admise, le droit de la consommation désigne l’ensemble des normes, règles et instruments tendant à assurer la protection et à accroître le rôle du citoyen dans l’exercice de sa fonction de consommer. Ce point de départ met en exergue trois aspects fondamentaux de notre propos :

• l’importance de la société civile, et en particulier – mais pas exclusivement - des organisations de consommateurs, comme relais de l’expression populaire et partant comme levier du droit de la consommation : le droit de la consommation fournit au mouvement de défense des consommateurs les moyens, matériels et institutionnels, de son expression et de son développement ;

• le caractère diffus des intérêts qu’entend promouvoir, protéger et représenter le

droit de la consommation : s’il s’agit certes de protéger le consommateur individuel dans ses relations avec les professionnels, il s’agit aussi de promouvoir les intérêts de l’ensemble des consommateurs à l’égard des autres acteurs du marché que sont les producteurs, les distributeurs et les prestataires de services ;

• la toile de fond socio-économique dans laquelle s’inscrit le droit de la

consommation : la littérature économique consacrée de manière spécifique à la problématique de la consommation reste rare dans les années soixante, démontrant ainsi la moindre attention prêtée par la doctrine à la fonction de consommer parmi les diverses fonctions économiques. Les ouvrages consacrés au consommateur s’attachent surtout à l’étude de son comportement, à des fins évidentes de marketing. Au sein du marché, le consommateur est perçu comme une cible, une audience, un «obscur objet de désir» plus qu’un sujet ou un acteur.

La vision théorique dominante à l’époque est celle dite de la théorie du consommateur individuel. Selon celle-ci :

• le consommateur est celui qui pose un acte de consommation (comme le

commerçant est celui qui pose un acte de commerce), présenté comme un acte de destruction physique d’un bien ; une telle vision ne s’intéresse qu’aux produits de consommation, excluant les services, dont les services financiers, et les biens immobiliers ;

• l’acte de consommation est perçu comme un acte individuel, dégagé de tout

contexte sociétal ou collectif ; le consommateur, lorsqu’il consomme, agit isolément et en fonction de ses choix personnels ;

Doubleday Page, New York, 1906; STUYCK J., Agressieve Verkoopmethoden, Acco, Leuven, 1975; THORELLI H., THORELLI S., Consumer information systems and consumer policy, Ballinger, Cambridge (Mass.), 1977; VON HIPPEL E.,.Verbraucherschutz, J.C.B. Mohr, Tübingen, 1974; WIEVIORKA M ., L’État, le patronat et les consommateurs, PUF, Paris, 1977.

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• la demande du consommateur constitue l’expression libre, consentie et rationnelle de ses besoins.. La théorie du consommateur individuel isole l’individu pour en donner « l’image rassurante d’un être capable de s’autodéterminer et jouissant des plus larges possibilités de choisir »3. La théorie se raisonne donc dans une perspective « contractualiste » de la société, fondée sur l’affirmation tant de la liberté du consommateur – celle de satisfaire ses besoins ou non et celle de choisir – que de l’égalité des partenaires économiques en présence ;

• les besoins ainsi exprimés vont naturellement guider les activités de

production et de distribution sur le marché, dont la finalité est de satisfaire un consommateur présenté comme « souverain ».

Une seconde approche du phénomène de la consommation situe plus justement celle-ci au sein d’un cycle économique global production - distribution - consommation et met l’accent sur la relation de dépendance existant entre la fonction de consommer et les deux autres fonctions. L’examen empirique des conditions dans lesquelles s’effectuent les échanges dans le système de marché oblige à inverser les paramètres : de souverain, le consommateur se trouve être plutôt la victime d’un processus dont il n’a pas la maîtrise. Des «normes sociales de consommation»4, définies par les producteurs et les distributeurs, déterminent ses choix. On a parlé à cet égard d’un « détour de la consommation »5, à savoir l’appropriation du processus de consommation par la force de production.

Des techniques aussi avancées que multiples permettent au système de production d’assurer le soutien des demandes qu’il entend créer et encourager : messages publicitaires, méthodes de vente et pratiques de commerce agressives, techniques d’incitation au crédit, différenciation artificielle des biens offerts à la consommation, obsolescence programmée des produits mis sur le marché, etc.. Des normes de comportement sont ainsi dictées, dont l’effet est d’intégrer les modes de consommer dans les conditions de la production et de la distribution. Le consommateur perd donc la maîtrise de la fonction de consommer, à supposer d’ailleurs qu’il ne l’ait jamais eue, et la vision contractualiste des rapports de consommation se trouve privée de fondement. La spontanéité de ses choix, la liberté et la rationalité de ceux-ci se révèlent en effet bien théoriques.

Devant ce rapport de forces largement déséquilibré, l’approche suivie par le mouvement de défense des consommateurs est, au contraire, antagonique et appelle à la formation d’un contrepouvoir consommateur. Elle est donc aussi collective, percevant la consommation comme une masse d’actes individuellement posés et répétés par une masse d’individus. Un auteur parle de « consommariat », désignant ainsi le groupe certes diffus des consommateurs mais soudé par le caractère commun d’un rapport obligé à la

3 WIEWIORKA M., cité à la note 1, p.14. 4 Le concept est développé par M. AGLIETTA à propos des conditions du salariat, cité à la note 1, p. 131. 5 GRANOU A., cité à la note 1, p.68

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consommation marchande comme moyen d’existence6. La dimension collective des rapports de consommation s’impose : la situation préjudiciable dans laquelle se trouve un consommateur est a priori partagée par une masse d’autres consommateurs ; le dommage causé à un consommateur le sera plus que probablement à tous ceux qui, placés dans les mêmes conditions de dépendance, auront posé le même acte ; émerge ainsi un intérêt collectif des consommateurs, spécifique et distinct de l’intérêt général, qu’il s’agira de reconnaître et de promouvoir au même titre que l’ordre social a reconnu et cherché à défendre d’autres intérêts collectifs, tels ceux des travailleurs regroupés en syndicats ou ceux des professionnels rassemblés en associations, fédérations, unions, ordres ou autres groupements représentatifs.

Gardant en toile de fond cette vision des relations de consommation au sein du système économique, deux types de considérations vont être avancées pour justifier la définition d’une politique visant à la promotion des intérêts des consommateurs :

1) le souci de corriger les déséquilibres qui caractérisent le fonctionnement du

marché : dans une perspective continuant à faire confiance aux mécanismes du marché – ou, en tous cas, les acceptant comme une réalité pour laquelle il n’existe guère d’alternative -, il s’agit d’améliorer la performance de ce dernier en apportant les correctifs nécessaires aux défaillances constatées. A cet effet, les mesures privilégiées sont :

• la lutte contre les pratiques restrictives de la concurrence : le droit de la

concurrence rencontre le droit de la consommation en encadrant notamment les situations de monopole et de position dominante, les fusions d’entreprises, les accords de distribution intégrée et les situations d’exclusivité liées à la détention de droits intellectuels7 ;

• et l’amélioration de l’information du consommateur : l’étiquetage des

produits, l’indication des prix, l’extension du champ de l’obligation précontractuelle de renseignement, la prescription de mentions obligatoires dans les contrats obligeront à dire vrai, tandis que la réglementation de la publicité trompeuse veillera à interdire de dire faux ou de créer la confusion ; des sources neutres d’information sont promues telles que les tests comparatifs ou les activités de conseils prestées au sein de réseaux de centres d’information et de consultation du consommateur ; la qualité du consentement du consommateur se voit assurée par l’octroi au consommateur, dans certains contrats ou lors de l’usage de certaines méthodes de vente, de la faculté de se retirer de ses engagements sans

6 DELVAX G., Mode de production et mode de consommation capitalistes, Document non publié, Bruxelles, 1983. Voir aussi BOURGOIGNIE TH., DELVAX G., cité à la note 1, Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 1961, p.15 et 16. 7 SWANN D., Competition and consumer protection, Penguin, Harmondsworth, 1979. Les études publiées depuis sur ce thème restent trop peu nombreuses.

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justification ni pénalité aucune (cooling-off period), et par une réglementation accrue des pratiques commerciales jugées trop insistantes.

La logique de ces interventions reste celle d’un discours libéral : le but premier est de mieux faire fonctionner le marché économique en en garantissant la structure concurrentielle et en offrant au consommateur les conditions de l’exercice de son libre choix.

Les interventions publiques allant au-delà de cette logique libérale restent l’exception et se justifient par le souci de réduire, dans des proportions plus acceptables pour le budget de l’État, les coûts externes liés à certaines transactions sur le marché, telles que la vente de produits dangereux, de médicaments, de denrées alimentaires, de véhicules automobiles ou de tabac, l’offre de crédits dépassant la capacité de remboursement du consommateur et la prévention d’accidents liés à l’usage de biens de consommation.

2) Des considérations à portée sociale allant au-delà de l’objectif de performance du

marché sont également tenues pour essentielles dans plusieurs des programmes de protection du consommateur définis dans les années soixante et soixante-dix à travers le monde.

Une égale importance leur est ainsi accordée dans les politiques définies par la Suède8, la France9 et le Québec10 - qui font figure de pionniers en la matière -, dans le premier programme d’action en faveur des consommateurs adopté par les instances politiques de la Communauté européenne11 et, mais plus tardivement,

8 BERNITZ U., DRAPER J., Consumer protection in Sweden : legislation, institutions and practice, Institute of intellectual property and market law, Stockholm University, Stockholm, 1981. 9 Si l’on omet la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications, les textes protecteurs les plus importants datent des années soixante-dix : voir CALAIS-AULOY J., Droit de la consommation, Dalloz, Paris, 6ème édition, 2003, p.29 et 30. On lira aussi avec intérêt BIHL L ., Une histoire du mouvement consommateur, mille ans de luttes, Aubier, Paris, 1984. 10 Le Québec est le premier pays au monde à se doter d’une législation cadre spécifique dans le domaine de la protection du consommateur, avec l’adoption, en 1971, de la Loi sur la protection du consommateur ( L.R.Q. ,c.P-40.1).Voyez MASSE CL., Fondement historique de l’évolution du droit québécois de la consommation, dans LAFOND P.CL., Mélanges en l’honneur de Claude Masse. En quête de justice et d’équité. Yvon Blais, Cowansville, 2003, p. 37 à 118. Également MASSE CL., Loi sur la protection du consommateur. Analyse et commentaires, Yvon Blais, Cowansville, 1999. 11 Le premier programme d’action communautaire en faveur des consommateurs date de 1975 et confirme une vision large, sociale et collective de la politique envisagée dans ce secteur : Résolution du Conseil du 14 avril 1975 concernant un programme préliminaire de la Communauté économique européenne pour une politique de protection et d’information des consommateurs, Journal Officiel des Communautés européennes, 25 avril 1975, C 92/1. Sur ce programme et ses orientations, voy. BOURGOIGNIE TH., Éléments pour une théorie du droit de la consommation, cité sous la note 1, p.115 à 121 et 235 à 242. Également : BOURGOIGNIE TH., Droit et politique communautaires de la consommation : une évaluation des acquis,, dans LAFOND P.CL., Mélanges en l’honneur de Claude Masse. En quête de justice et d’équité. Yvon Blais, Cowansville, 2003, p. 276 à 281 ; BOURGOIGNIE TH., Consumer law and the European Community : issues and prospects, dans BOURGOIGNIE TH., TRUBEK D., Consumer Law, Common Markets and Federalism, Walter de Gruyter, Berlin, New York, 1987, p.102 à 109.

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dans les initiatives prises au Brésil12 et au niveau de la communauté internationale13. Se trouvent ainsi affirmés et mis en évidence:

• l’idéal égalitaire ou le souci de justice distributive qui anime le droit de la consommation : recherche d’une plus grande diffusion des ressources et partant du pouvoir dans la société, au travers notamment de mécanismes de solidarité dans le partage et la compensation de certains des risques engendrés par la société de consommation (accidents causés par la présence sur le marché de produits défectueux ou dangereux, surendettement résultant d’offres de crédit trop nombreuses, faciles ou abusives) ;

• l’existence de droits fondamentaux dans le chef du consommateur, repris dans le prescrit constitutionnel de certains États14;

• l’obligation de l’État de garantir au consommateur un niveau minimal de protection, sur les plans non seulement de son intégrité physique, mais aussi de son pouvoir d’achat ;

• l’exigence d’équité et partant le refus des déséquilibres jugés excessifs dans les transactions de consommation, au travers notamment de la lutte contre les clauses abusives ;

• l’idéal démocratique ou le besoin d’assurer la participation des consommateurs, par la voie d’organisations représentatives, aux divers lieux de décision qui les concernent ;

• le besoin d’assurer l’éducation du citoyen aux problèmes de consommation ;

• celui d’assurer un accès effectif des consommateurs au droit et à la justice ; • la nécessité d’assurer la représentation juridictionnelle des intérêts

collectifs ou diffus des consommateurs ;

12 Au terme d’un vaste mouvement social et d’une profonde réflexion dans les milieux académiques, sociaux et judiciaires, le Brésil se dote, en 1990, d’un Code de la consommation par la loi 8.078/90. Ce Code constitue, selon nous et aujourd’hui encore, le cadre normatif le plus élaboré pour la protection des intérêts des consommateurs. Sur le Code et sa mise en vigueur, voyez les références citées infra sous la note 34. 13 La Charte de protection du consommateur adoptée par la Résolution 543(1973) du 17 mai 1973 de l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe invite les gouvernements des pays membres à agir dans une série de domaines prioritaires. Les domaines sont nombreux et couvrent un vaste champ d’intervention. Sur la préparation de la Charte et son contenu, voyez FREY J.E., WARIN F.J., European consumer protection : the Council of Europe Charter initiative, Law and Policy in Int. Business, 1974, p. 1107 à 1131. Un pas supplémentaire est franchi avec l’adoption, le 9 avril 1985, par l’Assemblée générale des Nations Unies de la Résolution 39/248 sur la protection du consommateur, dont l’impact sur l’émergence et le développement des législations relatives à la protection des consommateurs dans le monde se révèlera décisif. Voyez à ce propos HARLAND D., The United Nations Guidelines for consumer protection, Journal of Consumer Policy, 1987, p. 245 à 266; idem, HARLAND D., The United Nations Guidelines for Consumer Protection: their impact in the first decade, dans RAMSAY I (ed.), Consumer law in the global economy, Ashgate, Aldershot, 1997, p. 1 à 14. 14 Les États pionniers en la matière ont été l’Espagne, le Portugal, les Philippines et le Brésil.

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• le souci de se préoccuper du sort des citoyens les plus vulnérables, qui, n’appartenant pas à la classe des « information seekers »15, ne disposent ni du degré d’éducation ni des ressources nécessaires pour tirer avantage des efforts déployés en vue de protéger les consommateurs16.

Le cadre ainsi tracé permet de s’écarter résolument de la vision contractualiste et formelle de la fonction de consommer soutenue par la théorie du consommateur individuel. L’intervention de l’État est recherchée et sa responsabilité première affirmée dans la formulation et l’application d’une politique intégrée, dynamique et sociale de protection du consommateur, au moyen notamment de l’instrument réglementaire. Les caractères adaptatif, au sens anglo-saxon de « responsive law »17, participatif, «réflexif»18 et collectif du droit de la consommation sont mis en évidence et illustrés. Les enjeux réels du droit de la consommation sont identifiés et son vaste domaine d’action, transversal et interdisciplinaire, se trouve confirmé. Au-delà du droit, la politique de protection du consommateur, intrinsèquement liée à son environnement socio-économique, concerne l’économie, les sciences de la gestion, la psychologie et la sociologie. Plusieurs de ses aspects impliquent la connaissance des sciences appliquées, telle la réglementation de la composition et l’évaluation du caractère dangereux des denrées alimentaires, des médicaments ou des produits chimiques. Au sein même de l’ordre juridique, le droit de la consommation résiste à l’application des critères traditionnels de classification des disciplines juridiques en fonction de la nature des règles étudiées : il intéresse le droit des obligations (formation et validité des contrats, contrats spéciaux, responsabilité, obligation précontractuelle de renseignement), le droit économique et commercial (pratiques du commerce et méthodes de vente, concurrence, organisation du marché), le droit administratif (structure institutionnelle, système associatif, relations avec les services publics ou d’intérêt général, procédures de mise en oeuvre), le droit de la procédure civile (procédures judiciaires, recours collectifs, modes alternatifs de règlement des litiges), le droit pénal, le droit fiscal (modes de taxation indirecte,

15 THORELLI H., BECKER H., ENGLEDOW J., The information seekers. An international study of consumer information and advertising image, Ballinger, Cambridge (Mass.), 1975. 16 Voyez BOURGOIGNIE TH., La protection des consommateurs économiquement faibles ou le consommateur oublié, in Droits des pauvres. Pauvre droit ?, Editions du Jeune Barreau, Cabay, Louvain-la-Neuve, 1984, pp. 149 à 162. 17 NONET PH., SELZNICK PH., Law and society in transition : towards responsive law, Harper, New-York, 1978. 18 BOURGOIGNIE TH., cité à la note 1, p. 155 à 184. L’essai applique au secteur de la consommation les concepts dégagés par Gunther Teubner et François Ost dans les publications suivantes : TEUBNER G., Substantive and reflexive elements in modern law, Law and Society Rev., 1983, p. 239 à 285 ; OST F., Juge-pacificateur, juge-arbitre, juge-entraîneur.Trois modèles de justice, dans GERARD F., OST F., VAN DE KERCHOVE M., Fonction de juger et pouvoir judiciaire, Publications des facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 1983, p.1 à 70.

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écotaxes), le droit du travail (heures d’ouverture des magasins, fermeture d’entreprises produisant des biens dangereux, modes de production ne respectant pas les droits des travailleurs).

Une telle transversalité n’empêchera nullement qu’au fil des ans le droit de la consommation se trouve reconnu et promu comme une discipline spécifique et distincte, contribuant certes à l’avancement du droit dans de nombreux secteurs traditionnels, mais continuant d’affirmer l’autonomie qu’il tire de la spécificité du point de vue qu’il promeut, à savoir celui du consommateur. Le droit de la consommation, s’il traverse et interpelle de nombreuses disciplines, ne s’arrête à aucune d’entre elles.

La vision théorique esquissée ci-dessus permet de lever l’ambiguïté qui, trop souvent, ternit l’image du droit de la consommation auprès d’observateurs extérieurs qui y voient l’instrumentation d’un «consumérisme prônant l’individualisme, le matérialisme. et l’hédonisme des individus dans l’exercice de la fonction de consommer. Notre perception des aspirations du mouvement de défense des consommateurs va bien au-delà en soulignant les dimensions sociale et collective du droit de la consommation. Il s’agit de dénoncer le caractère singulièrement réducteur et inéquitable d’une vision qui consiste à faire de la politique de protection du consommateur le seul sous-produit de la politique de concurrence ou, aux niveaux régional et international, d’une politique de libre échange ou de marché intérieur. Limiter les interventions en faveur du consommateur aux seules initiatives ayant un effet direct et certain sur le bon fonctionnement du marché et privilégier à cet effet les outils d’intervention de type informationnel et/ou concurrentiel auraient pour effet de limiter le bénéfice des initiatives prises aux seuls consommateurs capables de faire réel usage des instruments de choix et de décision mis à leur disposition. Le droit de la consommation deviendrait alors lui-même un facteur contribuant à l’émergence d’une société duale ou fracturée entre les consommateurs « moyens » de plus en plus protégés et les consommateurs exclus des modes de protection mis en place. B. LE CONSOMMATEUR DANS L ’ORDRE ECONOMIQUE CONTEMPORAIN Situer dans le contexte contemporain les propos théoriques qui ont justifié l’émergence et expliqué le développement du droit de la consommation ces dernières décennies est une étude qui doit encore se faire. C’est l’un des objectifs du Groupe de recherche en droit international et comparé de la consommation (Oredicc) du Département des sciences juridiques de l’UQAM de mener une telle étude dans les prochaines années. Le manque de renouveau du débat théorique constitue sans doute un motif de l’essoufflement constaté de la matière à l’heure actuelle. Une impulsion nouvelle est

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nécessaire, qui requiert de s’interroger, dans le contexte de la société contemporaine, sur la disparition éventuelle, le maintien ou l’aggravation des failles du marché dénoncées à l’origine du mouvement. Il s’agit aussi d’évaluer l’impact qu’a eu le droit de la consommation à ce jour au plan de la justice distributive. A défaut de disposer des résultats d’une telle réflexion fondamentale, on ne peut livrer ici que des impressions nécessairement subjectives, ponctuelles et partant fragiles. 1. Le modèle dominant à ce jour reste un modèle de type contractualiste et

individuel. Cette impression nous vient notamment des observations suivantes.

a) L’essentiel des acquis se rapporte à l’information du consommateur et concerne principalement la transparence des prix, l’étiquetage informatif, l’obligation de renseignement au stade précontractuel, l’octroi au consommateur d’un délai de réflexion en certaines circonstances, la requête d’un écrit et de mentions obligatoires dans plusieurs contrats, la sanction de la publicité trompeuse, l’admission de la publicité comparative, l’encadrement de pratiques commerciales jugées trop agressives pour le consentement du consommateur et la mise en évidence des risques liés à l’usage de certains produits ou services offerts au consommateur.

En présence de produits dont la nocivité est avérée, l’information est souvent préférée à l’interdiction ou aux restrictions de commercialisation. Les débats entourant la commercialisation du tabac et des organismes génétiquement modifiés ou l’usage des matières grasses dans l’alimentation en sont de parfaites illustrations. L’application de la règle du «consentement informé» permettant de justifier l’exportation de produits dont la commercialisation se trouve par ailleurs interdite ou restreinte sur le territoire d’un pays constitue, au niveau international, une illustration du même principe.

b) Lorsqu’ils sont introduits dans le cadre de certaines législations nationales, voire régionales, les contrôles substantiels se limitent le plus souvent à la définition de normes de comportement abstraites, dont l’effet indicatif pour les parties reste faible et partant l’effet préventif peu garanti : on songe aux concepts communément reçus en droit de la consommation que sont les clauses abusives, la conformité aux attentes légitimes du consommateur, l’obligation de ne mettre sur le marché que des produits sûrs, celle de garantir l’usage normal d’un bien de consommation pendant une période raisonnable, et le caractère déloyal d’une pratique de commerce ou d’une méthode de vente.

c) Le modèle dominant continue à faire confiance en la faculté d’action et de choix

du consommateur individuel : les modèles de la class action nord-américaine et

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du recours collectif québécois constituent à cet égard des exceptions difficilement acceptées dans une majorité de pays, dont les pays européens ; l’approche «opt-in» requérant une démarche effective du consommateur individuel pour prétendre au bénéfice d’une protection est préférée à l’approche «opt-out», selon laquelle le bénéfice de la protection lui est automatiquement accordé sauf refus de sa part, dans l’encadrement de certaines pratiques du commerce, tels que les envois non sollicités d’offres au moyen de modes de communication a distance (courriels, appels téléphoniques, télécopies) ; le renforcement du contrôle des clauses abusives dans les contrats ne va pas jusqu'à proposer une alternative, telle la conclusion de conventions collectives de la consommation, au processus individuel de négociation du contrat, lequel s’apparente d’ailleurs beaucoup plus à un processus d’adhésion dans l’hypothèse des contrats de consommation.

d) Certaines formes de dérégulation sociale ont atteint le droit de la consommation

comme elles concernent d’autres disciplines : la norme volontaire l’emporte sur la réglementation ou cherche à s’imposer dans des matières aussi sensibles pour le consommateur que l’étiquetage des biens de consommation, la normalisation des produits destinés au consommateur et la définition de leurs critères de qualité, de sécurité, de performance, de composition et de présentation, la réglementation de pratiques publicitaires ou commerciales, et l’aménagement de modes alternatifs de règlement des litiges opposant consommateurs et professionnels.

En plus de leur nature volontaire, ces formes de dérégulation sociale se caractérisent généralement aussi par leur caractère unilatéral plutôt que participatif, la représentation des intérêts des consommateurs restant soit inexistante, soit gravement déficitaire, tant dans le processus d’élaboration des normes que dans la surveillance de leur application effective.

2. Le modèle dominant repose sur la correction des situations conflictuelles

plutôt qu’il n’entend les prévenir. Le constat nous parait particulièrement vérifié dans le domaine du crédit au consommateur, où l’attention s’est davantage portée sur le traitement du surendettement du consommateur plutôt que sur sa prévention effective, au travers notamment d’une réglementation renforcée des offres de crédit.

Il l’est aussi dans le domaine crucial de la sécurité des produits de consommation, où l’intérêt premier du législateur a été de définir un régime nouveau de responsabilité dans le chef du fabricant d’un produit jugé défectueux plutôt que d’imposer un faisceau d’obligations visant à prévenir la mise sur le marché de produits dangereux et la survenance d’accidents de consommation. Une telle obligation générale et préventive de sécurité, dont l’introduction est récente dans l’Union européenne, n’est pas même confirmée au Canada. Au plan sectoriel, l’évaluation par les pouvoirs publics des risques liés à l’usage d’un trop grand nombre de produits potentiellement dangereux, soit n’est guère prévue, soit reste largement déficitaire, captive des données détenues par les professionnels eux-mêmes ou incertaine.

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Sur un plan contractuel, l’octroi au consommateur, en certaines circonstances, d’une faculté de repentir ou d’un délai de réflexion plutôt que l’imposition au professionnel d’une offre préalable obligatoire relève d’une même logique. 3. Les déséquilibres du marché n’ont guère disparu ; les conditions socio-

économiques contemporaines ont même tendance à les renforcer. Les failles qui caractérisent le marché contemporain ne paraissent certainement pas moins importantes qu’elles ne l’étaient lors de l’émergence du droit de la consommation. Faisant à nouveau appel à une approche pointilliste de la question et sans prétendre nullement à l’exhaustivité, notre impression paraît trouver confirmation dans les observations qui suivent. a) Déficit informationnel

• transparence encore insuffisante des prix du fait notamment de l’absence de communication du prix total du produit dans certains pays, tel le Canada ;

• manque d’effectivité de l’obligation précontractuelle de renseignement des lors qu’elle se matérialise le plus souvent au moment même de la signature du contrat et non dans une période préalable suffisante pour permettre au consommateur de prendre connaissance des éléments qui lui sont communiqués et de comparer diverses offres sur le marché ;

• impossibilité pour un candidat acheteur de se faire communiquer à l’avance le texte des conditions générales applicables ;

• rare usage par le consommateur du délai de réflexion dès lors qu’un paiement, total ou partiel, a déjà été effectué ;

• ambiguïté des objectifs de l’étiquetage des produits de consommation, partagé entre le souci d’informer de manière compréhensible le consommateur et celui d’apposer les mentions utiles aux agents chargés de la surveillance du marché ;

• prédominance et omniprésence de la publicité par rapport aux sources neutres d’information, tels les tests comparatifs ;

• difficile conciliation des demandes de formalisme accru dans la formation des contrats avec la réalité des nouvelles technologies de transaction et de paiement ;

• diversification du profil de la population dans une société de consommateurs multiculturelle, appelant à des besoins et modes nouveaux d’information ;

• accroissement de la technicité et de la complexité des produits et des services, rendant la communication d’informations claires et pertinentes plus difficile ;

• attentes nouvelles des consommateurs en matière d’informations, par exemple quant au comportement environnemental du produit, son mode de

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production et le respect de normes sociales ou éthiques dans son processus de fabrication.

b) Déficit normatif

• entorses au marché concurrentiel nées des fusions d’entreprises et de pratiques restrictives de la concurrence

• multiplication des formes de crédit et développement de crédits parallèles sans filet de protection

• confusion entre ce qui relève du socle minimal de protection garanti par le législateur et d’avantages présentés comme complémentaires offerts à titre gratuit ou onéreux : le domaine des garanties légales et commerciales, dont les garanties prolongées, liées à la vente d’un bien de consommation est un parfait exemple de cette confusion.

• multiplication et diversification des méthodes de vente et des modes promotionnels

• obstacles créés à l’application des dispositions relatives à la protection du consommateur dans certains secteurs, tels les services financiers, les professions libérales et les services publics.

c) Déficit sécuritaire

• trop grand nombre d’accidents de la consommation survenant sur le marché contemporain

• mauvaise évaluation des risques, notamment du fait de la rétention d’informations par les producteurs

• absence d’obligation générale de sécurité et d’obligations préventives accessoires applicables à tous les produits et tous les services

• failles dans l’organisation des activités de surveillance du marché, souvent peu coordonnées, ponctuelles et limitées

• présomptions de conformité de la sécurité des produits nées de leur seule conformité aux normes volontaires en vigueur

d) Déficit démocratique

• développement anarchique de modes informels de règlement des litiges de

consommation offerts en substitution du service public de la justice • maintien des obstacles financiers et psychologiques à agir pour certains

contentieux ou pour les litiges de consommation d’une certaine importance sur le plan pécuniaire

• non admissibilité, dans de tr`ss nombreux ordres juridiques, des modes juridictionnels de représentation des intérêts collectifs des consommateurs dans le cadre de recours en indemnisation

• problèmes d’accès au droit dans une société de plus en plus duale ou fracturée

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• difficultés pour les consommateurs d’être représentés dans toutes les enceintes de décision, publiques et privées

• absence d’une structure consultative générale et permanente • problèmes de formation des représentants des consommateurs aux diverses

questions relevant du droit de la consommation et aux matières voisines ayant un impact direct sur la protection du consommateur (normalisation de produits, protection de l’environnement, droit de la concurrence, droits intellectuels, etc.).

C. LES CONDITIONS D ’UNE IMPULSION NOUVELLE Quatre axes prioritaires de recherche et d’action nous paraissent devoir être développés dans le but de maintenir et de renforcer les conditions d’une politique active de protection du consommateur sur le marché actuel. Il s’agit de confirmer la légitimité des initiatives prises en faveur du consommateur dans le contexte socio-économique contemporain (1.), de consolider les acquis de la politique de protection du consommateur à ce jour (2.) et d’en promouvoir l’extension (3.). Ces efforts resteraient vains sans une évaluation rigoureuse des effets et des enjeux nouveaux nés de la mondialisation de l’économie (4.). 1. Confirmer la légitimité des initiatives prises en faveur du consommateur

dans le contexte socio-économique contemporain Trois moyens devraient y contribuer :

• adopter, dans les pays qui n’en disposent pas encore, un acte normatif, telle une loi générale sur la protection du consommateur, qui vienne confirmer l’engagement des pouvoirs publics de prendre des initiatives destinées à assurer la promotion des intérêts du consommateur sur le marché et de lui garantir un niveau élevé de protection ;

• développer une politique de protection du consommateur structurée et à

long terme par la définition de programmes, triennaux ou quinquennaux, d’action en faveur des consommateurs, soumis a la discussion publique et adoptés par le pouvoir politique ;

• introduire dans les textes constituants (constitutions nationales, lois

nationales sur la protection du consommateur, traités internationaux, textes constitutifs d’entités régionales intégrées) une disposition confirmant la reconnaissance au consommateur de droits fondamentaux19 et l’obligation pour les pouvoirs publics d’y donner effet.

19 La Résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 avril 1985 reconnaît au consommateur les six «besoins légitimes» suivants: «(1) la protection des consommateurs contre les risques pour leur santé et leur sécurité, (2) la promotion et la protection des intérêts économiques des

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Plus fondamentalement, l’étude doit être faite de la position qu’occupe le consommateur dans le système économique contemporain et des conditions dans lesquelles s’exerce, en 2006, la fonction de consommer. Il s’agit de mettre à jour les réflexions qui ont donné lieu, dans les années soixante, à l’émergence de la politique de protection du consommateur. A cet effet, on s’interrogera sur la nature des normes sociales de consommation actuelles, le maintien des déséquilibres du marché traditionnellement dénoncés et l’apparition de nouveaux déséquilibres. Il s’agit également d’évaluer l’impact qu’a eu le droit de la consommation, par ses acquis et ses instruments, au plan de la justice distributive comme au plan démocratique ou participatif. L’étude identifiera les attentes nouvelles des consommateurs et partant les enjeux et les domaines d’action nouveaux de la politique de protection du consommateur20.

2. Consolider les acquis du droit de la consommation Il importe que les solutions dégagées par le droit de la consommation au fil des années soient régulièrement évaluées et mises à jour (a). Par ailleurs, des initiatives s’imposent qui préservent l’autonomie (b), renforcent la cohérence (c) et accroissent la visibilité du droit de la consommation (d). a) Évaluer et mettre à jour Les textes en vigueur doivent être soumis à un processus de révision régulier en vue d’assurer qu’ils continuent à garantir au consommateur un niveau élevé de protection. On épingle notamment, en raison du modèle que représentent ces deux textes sur le plan du droit comparé de la consommation, l’évaluation récemment réalisée au Québec de la Loi générale sur la protection du consommateur de 1971, telle qu’amendée21, et celle faite au Brésil du Code de la consommation entré en vigueur en 199022. b) Préserver l’autonomie du droit de la consommation

consommateurs, (3) l’accès des consommateurs à l’information voulue pour faire un choix éclairé, selon leurs désirs et leurs besoins, (4) l’éducation des consommateurs, (5) la possibilité, pour le consommateur, d’obtenir une réparation effective, et (6) le droit de constituer des groupes et des organisations de consommateurs et autres groupes pertinents et la possibilité, pour ces organisations, de faire valoir leurs vues dans le cadre des décisions les concernant» (para.3). La Résolution a été amendée en 1999, notamment pour qu’y soit ajouté le principe directeur suivant : la promotion de modes de consommation durables (détaillé aux articles 42 à 55). 20 Des données intéressantes à cet égard sont fournies par le rapport Les tendances de la consommation/Consumer trends, Bureau de la Consommation, Industrie Canada, Ottawa, 2004, 242 p. Des modifications du comportement des consommateurs résultent notamment d’une préoccupation accrue pour la défense de l’environnemental et d’une prise de conscience de l’impact des modes de consommation en vigueur dans les pays du Nord sur les consommateurs des pays du Sud : voyez nos commentaires infra. 21 MANIET F., dir., Pour une réforme du droit de la consommation au Québec, Yvon Blais, Cowansville, 2006. 22 Voyez les rapports présentés au colloque Codigo de Defesa do Consumidor. Balanço, efetividade e perspectivas, Gramado, Brésil, 7 au 10 septembre 2005.

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Le droit de la consommation contribue, par les objectifs nouveaux qu’il défend et les solutions nouvelles qu’il développe, à l’évolution du droit dans plusieurs disciplines23. On pense au droit des contrats24, aux règles de la responsabilité25, à la procédure civile et aux modes de règlement des litiges en général26, mais aussi à la concurrence déloyale27, au droit administratif28 ou aux droits de la personne29. Cette interdisciplinarité ne lui fait pas perdre sa spécificité. «Le droit de la consommation résiste à toute tentative d’application des critères traditionnels de classification des disciplines juridiques en fonction de la nature des règles étudiées (…). Il relève plutôt, comme le droit du travail, le droit de l’environnement ou le droit de la concurrence, d’une classification fondée sur la fonction de la règle juridique. Cette classification fonctionnelle traverse les diverses disciplines des catégories juridiques traditionnelles»30. L’autonomie du droit de la consommation se justifie en considérant le fil conducteur unique qui confère a ce droit toute sa spécificité : le souci de protéger et de promouvoir l’intérêt du citoyen agissant dans sa fonction de consommateur. «Son autonomie découle de la lecture spécifique qu’il entend faire des phénomènes juridiques existants. Le droit de la consommation se distingue en ce qu’il porte sur les

23 SAUPHANOR-BROUILLARD N., L’influence du droit de la consommation sur le système juridique, Paris, LGDJ, 2000, 425 p.; aussi BOURGOIGNIE TH., L’impact du droit communautaire de la consommation sur le droit privé des États membres, dans JAMIN CL., MAZEAUD D., dir., L’harmonisation du droit des contrats en Europe, Paris, Economica, 2001, p.59 à 81. 24 Voyez, par exemple, les concepts de clauses abusives, de délais de repentir, et de garantie de conformité dégagés au départ des contrats de consommation. MAZEAUD D., Droit commun des contrats et droit de la consommation. Nouvelles frontières ?, dans Études de droit de la consommation. Liber Amicorum Jean Calais-Auloy, Paris, Dalloz, 2004, p. 697 à 723; CALAIS-AULOY J., Le nouveau droit de la garantie, dans BOURGOIGNIE TH., dir., La protection du consommateur sur la scène internationale : regards croisés, Yvon Blais, Cowansville, 2006. 25 Voyez les régimes particuliers de responsabilité et de partage des risques établis à charge des producteurs de produits défectueux, des producteurs et des distributeurs de produits de consommation non sûrs, des organisateurs de voyages, des prestataires de soins de santé, et des donneurs de crédit Ces développements ont mené à un débat sur la pertinence de reconnaître un nouveau fait générateur de responsabilité dans le domaine des relations de consommation auteur du concept des attentes légitimes du consommateur : BOURGOIGNIE TH., A la recherche d’un fait générateur de responsabilité unique et autonome dans les rapports de consommation : le défaut de conformité à l’attente légitime du consommateur, dans KRÄMER L., MICKLITZ H ., TONNER K., Law and diffuse interests in the European legal order,Nomos, Baden-Baden, 1998, p. 221 à 243. 26 Notamment par le recours qu’il prône aux actions collectives et la demande qu’il entraîne pour la mise en place de modes simplifiés, voire alternatifs, de règlement des litiges. 27 Élargissement du concept en vue d’y inclure les comportements portant atteinte aux intérêts des consommateurs et non plus des seuls commerçants ou professionnels. 28 Voyez l’égalité de protection réclamée pour les usagers des services publics, l’émergence de nouveaux principes d’action administrative tels que le principe de précaution, et les aménagements entrepris en vue de constituer cadre institutionnel adéquat pour la surveillance du marché. 29 Les droits fondamentaux reconnus au consommateur lors de l’amendement de la Résolution 39/248 des Nations Unies illustre la contribution du droit de la consommation à un nouvel ordre public de protection a l’échelle internationale. 30 BOURGOIGNIE TH., cité à la note 1, p. 186.

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rapports marchands un éclairage différent de celui habituellement porté par les autres disciplines juridiques. Il aborde les situations juridiques dans lesquelles se trouve le citoyen sous l’angle d’un sujet nouvellement reconnu : le consommateur. (…) ; il est animé par une idée sous-jacente et homogène qui guide l’ensemble de ses manifestations : la nécessité de promouvoir les intérêts des consommateurs face à la puissance de ses partenaires économiques producteurs, distributeurs et prestataires de services. (…) Affirmer la spécificité du droit de la consommation revient à révéler le point de vue nouveau qu’entend servir et promouvoir ce droit»31. Toute tentative de captation ou d’encadrement du droit de la consommation par l’une ou l’autre discipline porterait atteinte de manière directe à la nature même et au développement de ce droit, en lui faisant perdre sa spécificité et en en réduisant tant la portée que la visibilité. Or le droit de la consommation reste une discipline conflictuelle, et jeune parfois, dont le développement passe par une visibilité propre. Ceci est particulièrement vrai aux niveaux régional et international, où la politique de protection du consommateur doit encore trouver une juste place. c) Renforcer la cohérence substantive et instrumentale du droit existant A l’instar de ce qui s’est fait depuis de longues années dans le domaine de l’environnement, il serait opportun que les principes directeurs de la politique de promotion des intérêts du consommateur se trouvent identifiés et définis. L’expérience et l’acquis des dernières années dans le domaine de la protection du consommateur, mais également l’analogie avec les principes directeurs retenus en matière environnementale, devraient permettre de dégager ces principes sans trop de difficultés. On pense aux principes de l’intégration (prise en compte de considérations tenant à la protection du consommateur dans les autres politiques publiques)32, de la précaution, de l’action préventive, de la correction à la source, et de l’équation «créateur de risque = payeur».33 Lorsque le droit de la consommation est fait de multiples législations, la cohérence requiert d’harmoniser les concepts utilisés, telles les notions de consommateur, d’entreprise ou de produit défectueux, et les règles de protection retenues, telle la durée des délais de réflexion accordés au consommateur dans le cadre de certains contrats ou de certaines méthodes de vente. Il est aussi de notre avis qu’une œuvre de codification, normative ou à tout le moins administrative, du droit de la consommation aiderait de manière décisive à donner structure et cohérence à ce droit34. De telles codifications ont abouti, on le sait, en

31 BOURGOIGNIE, TH., cité à la note 1, p. 203. 32 Sur le principe d’intégration, voyez ci-dessous. 33 Sur la définition de principes dans le domaine de l’environnement, leur portée et leur application, voyez KRAEMER L., EC Environmental Law, Sweet & Maxwell, London, 2003, p.13 à 26. 34 Sur le processus de codification du droit de la consommation, ses avantages et ses dangers, voyez BOURGOIGNIE TH., Lois générales sur la protection du consommateur et codes de la consommation en Europe, dans MANIET F., dir., cité, Yvon Blais, Cowansville, 2006, p. 227`à 239.

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France35, au Brésil36 et, récemment, en Italie37; elles font l’objet de propositions achevées en Belgique38 et au Portugal39. Au Québec, des voix s’élèvent pour une même œuvre de codification du droit de la consommation40. d) Accroître la visibilité de l’arsenal normatif mis en place La visibilité de l’arsenal de protection mis en place rend plus probable, et à tout le moins possible, l’accès de tous les acteurs sur le marché, dont les consommateurs eux-mêmes, aux règles établies. Le recours lui-même au droit de la consommation et l’effectivité de sa mise en œuvre et de son respect en dépendent. 3. Promouvoir l’extension du champ d’action de la politique de protection du

consommateur Rien ne justifie de limiter la protection reconnue au citoyen dans sa fonction de consommer à certains produits ou à certains services. Si les règles de protection peuvent varier en fonction de la nature des uns ou des autres, le droit de la consommation a pour vocation de concerner tous les produits et tous les services offerts sur le marché : biens meubles corporels, produits finis ou matières premières, produits périssables ou durables, produits naturels ou industriels, biens immeubles, services de réparation, d’entretien et de nettoyage, activités de fabrication ou de rénovation, services bancaires et financiers, exercice de professions libérales, prestation de soins de santé, services d’assurance et de transport, fourniture de repas et d’hébergement, organisation de voyage et prestations de tourisme, correspondance et télécommunications, distribution d’énergie et alimentation en eau potable, etc. L’observation du développement du droit de la consommation révèle que de manière commune, quelques secteurs professionnels, pourtant essentiels à la protection des intérêts du consommateur, réussissent à reporter, voire à exclure, l’application des règles

35 Loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 relative au code de la consommation (partie législative) ; décret n° 97-298 du 27 mars 1997 relatif au code de la consommation (partie réglementaire).Pour une évaluation du Code, on lira CALAIS-AULOY J., L’expérience de la réforme du droit de la consommation en France, dans MANIET F., dir., cité, Yvon Blais, Cowansville, 2006, p. 217 à 226. 36 Loi 8.078/90. Sur la législation brésilienne, son historique et ses dispositions actuelles, on consultera notamment LIMA -MARQUES CL., HERMAN V..BENJAMIN A.., MIRAGEM B., Comentarios no codigo de defesa do consumidor, Ed. Revista dos tribunais, Sao Pâulo, 2004, 894 p et l’abondante bibliographie en annexe. Pour une description récente, voyes LIMA -MARQUES CL., L’expérience de codification et de réforme du droit de la consommation au Brésil, dans MANIET F., dir., cité, Yvon Blais, Cowansville, 2006, p. 187 à 215. 37 Décret législatif 206 du 6 septembre 2005. 38 BOURGOIGNIE TH., Propositions pour une Loi générale sur la protection du consommateur. Rapport final de la Commission d’Étude pour la Réforme du Droit de la Consommation, Bruxelles, Ministère des Affaires économiques, 1995, 463 p.. Pour un commentaire, BOURGOIGNIE TH., Propositions pour une nouvelle loi sur la protection du consommateur en Belgique, dans Le droit des affaires en évolution. L’entreprise et son client, Association des Juristes d’Entreprise, Bruxelles, Bruylant, 1997, p.3 à 29. 39 Notre collègue Antonio Pinto Monteiro (Faculté de droit, Université de Coimbra, [email protected] ) préside les travaux de la Commission chargée de la codification du droit de la consommation au Portugal. 40 LAFOND P.CL., Pour un code québécois de la consommation, dans MANIET F., cité, Yvon Blais, Cowansville, 2006, p. 169 à 185; id., Plaidoyer pour un code de la consommation au Québec, dans B.MOORE, dir., Mélanges Jean Pineau, Montréal, Thémis, 2003, p.87 à 104.

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adoptées en faveur des consommateurs. Il en est communément ainsi pour les opérations immobilières, les services professionnels (prestations de soins de santé, architectes, notaires, avocats), les services financiers (assurance, crédit, épargne, placements, modes de paiement) et les services publics ou d’intérêt général. Une attention privilégiée devrait dorénavant être portée à ces domaines restés peu atteints à ce jour. L’extension du champ d’application du droit de la consommation passe également par son intégration dans les autres politiques publiques, obligeant les décideurs en matière de concurrence, de développement durable, de santé publique, d’agriculture, de respect de la condition animale, de sécurité alimentaire, de normalisation des produits, de commerce, de politique monétaire ou de fiscalité, de tenir compte de considérations liées à la protection du consommateur. Le principe d’intégration vaut aussi en sens contraire, les autorités chargées de l’élaboration de la politique de protection du consommateur se devant d’intégrer les éléments pertinents relevant de politiques voisines. L’émergence, encore récente, des concepts de la consommation «durable» et de consommation «responsable», constitue l’illustration la plus claire de cette interaction. La consommation «durable» oblige à intégrer les contraintes environnementales dans les modes de production et de consommation, tandis que la consommation «responsable» encourage à la prise en compte de normes éthiques dans les comportements du consommateur. Le rapprochement entre la politique de protection de l’environnement et la politique de protection du consommateur est porteur d’un potentiel extrêmement important. Il oblige à s’écarter d’une vision trop limitée des objectifs de la protection du consommateur et à introduire parmi ceux-ci la poursuite d’un modèle de consommation caractérisé par des modes de consommation et de production durables. « Dans un discours critique du phénomène de la consommation, et non captif de celui-ci, la politique de protection du consommateur doit, selon nous, s’intéresser aux intérêts à long terme et collectifs des consommateurs, autant qu’à leurs intérêts à court terme et individuels; en cas de conflits, elle cherchera à faire prévaloir les valeurs à long terme, telles que la qualité de l’environnement, sur les intérêts quantitatifs immédiats, tel l’avantage d’un prix moindre. L’évolution est importante: le libre choix du consommateur n’est plus érigé en principe incontournable, dès lors que le souci de l’environnement exige, en certaines matières, d’y déroger. L’interpellation s’adresse au coeur même du mouvement de défense des consommateurs, souvent jugé trop “consumériste” »41. Les domaines concrets d’interaction entre les politiques de protection du consommateur et de défense de l’environnement sont nombreux .On cite, par exemple, l’étiquetage écologique, le contrôle des produits chimiques, celui des organismes génétiquement modifiés, la promotion des énergies renouvelables, l’indication de la consommation

41 BOURGOIGNIE TH., Droit et politique communautaires de la consommation. Une évaluation des acquis, in Mélanges en l’honneur de Jean Calais-Auloy, Dalloz, Paris, 2002, p.123.

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d’énergie des appareils domestiques, le recyclage des véhicules automobiles en fin de vie, la publicité verte, l’écofiscalité, les recours collectifs et les modes participatifs42. 4. Évaluer et intégrer les effets et les nouveaux enjeux nés de la mondialisation

de l’économie43. Personne ne peut plus nier désormais la réalité de l’internationalisation des échanges économiques et partant de la globalisation des phénomènes de consommation. Au niveau international, comme au niveau régional de l’Amérique du Nord, des traités internationaux ont été conclus et des institutions mises en place, qui entendent œuvrer pour la création d’un marché global ou élargi à travers la libéralisation des flux de produits et de services et de la disparition progressive des obstacles au libre-échange44 L’étude Les tendances de la consommation publiée en juin 2004 par le Bureau de la consommation à Ottawa45 confirme l’importance prise par l’internationalisation du marché : augmentation de la demande de marché pour les produits étrangers (suite notamment au multiculturalisme croissant de la population), plus grande part effective de marché occupée par ceux-ci, augmentation du nombre de magasins de détail étrangers opérant au Canada, accroissement des transactions de consommation trans-frontières ou transatlantiques à l’aide des moyens de communication à distance et plus particulièrement du commerce électronique46. Ce constat mériterait certes d’être développé, notamment pour le Québec, et un travail de recherche utile consisterait à rassembler les données pertinentes au départ des sources, publiques et privées, susceptibles de disposer d’informations intéressant notre propos : chiffres du commerce extérieur du Québec, tableaux reflétant l’évolution des flux vers le

42 BOURGOIGNIE TH., Du développement durable à la consommation durable : la rencontre entre la politique communautaire de l’environnement et la politique communautaire de protection du consommateur,dans GEROTTO S., dir., Questions choisies de droit comparé de l’environnement, Cahiers du Département de Droit Comparé, no.5, Padoue, Coop Libraria Editrice Univerità di Padova (CLEUP), 2002, p.129 à 135; RENNER M., Moving Toward a Less Consumptive Economy, dans HALWEIL B ., MASTNY L, dir., State of the World 2004 – A Worldwatch Institute Report on Progress Toward a Sustainable Society, Washington D.C, Worldwatch Institute, 2004, p.96-119; TONNER K., Consumer protection and environmental protection: contradictions and suggested steps towards integration, Journal of Consumer Policy, 2000, p. 63 à 78; KYE C., dir, Les politiques communautaires de protection du consommateur et de l’environnement : convergences et divergences, Collection Droit de la consommation 39, Centre de droit de la consommation, Louvain-la-Neuve (Belgique), 1999 ;KRAEMER L.., Consommation durable, Union européenne et consommateurs, dans ce même ouvrage ; id., On the interrelation between consumer and environmental policies in the European Community, Journal of Consumer Policy, 1993, p.455 à 467. 43 Cette partie reprend pour l’essentiel le texte du rapport Les nouveaux enjeux nés du contexte international présenté au colloque organisé par la Fondation Claude Masse « La protection du consommateur au Québec : bilan, priorités et propositions de réforme », à Montréal, les 14 et 15 mars 2005, et paru dans MANIET F., dir., cité, Yvon Blais, Cowansville, 2006, p 71 à 80. 44 Accord de Marrakech établissant l’Organisation mondiale du commerce, 15 avril 1994; Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis et le gouvernement du Mexique, 17 décembre 1992. 45 Cité plus haut note 20. 46 Voyez surtout les p. 21 à 25, 37 à 75 et 98 à 101.

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Québec des produits et des services de consommation en provenance de l’étranger, ampleur prise par les contrats de consommation à distance dans le cadre du commerce électronique, réception par le consommateur québécois d’annonces publicitaires envoyées de l’étranger, évolution de la demande de marché pour les produits étrangers, etc. Même limité, le constat permet néanmoins de conclure à la réalité du contexte global dans lequel les modes de consommation doivent désormais être envisagés. L’étude complète des enjeux posés par ce nouveau contexte et de ses effets sur la protection du consommateur an niveau national reste à faire. Les considérations qui suivent ont pour seule ambition d’en poser les premiers jalons. Cinq considérations principales sont émises :

• l’internationalisation des marchés renforce les déséquilibres, individuels et

collectifs, qui affectent la position du consommateur, justifiant donc un besoin accru de protection de ses intérêts (a) ;

• dans l’état actuel des choses, la réaction des législateurs nationaux a

principalement consisté à garantir au consommateur l’application des dispositions du droit national par un juge national (b) ;

• il reste que la légitimité des mesures nationales de protection des

consommateurs reconnues comme impératives se trouve dorénavant placée sous le contrôle d’institutions régionales et internationales, qui ont à décider des critères permettant soit de requérir l’abolition d’une mesure tenue pour un obstacle au commerce, soit d’en admettre le maintien (c) ;

• la prise de conscience de la mondialisation du phénomène de la

consommation conduit à des nouveaux comportements du consommateur, susceptibles d’influer de manière déterminante sur les modes de consommation et de production au niveau planétaire (d);

• les réponses juridiques aux enjeux nouveaux que pose la mondialisation de la

consommation doivent être recherchées au départ d’initiatives prises aux niveaux régional et international ; au-delà du droit comparé, il s’agit de construire un véritable droit international de la consommation qui n’existe pas encore (e).

a) L’internationalisation des échanges renforce les déséquilibres qui affectent la

position du consommateur sur le marché, obligeant le législateur national à intégrer la dimension internationale ou trans-frontière de la consommation dans les normes de protection édictées au niveau national.

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Si l’on se réfère aux déficits traditionnellement dénoncés et énumérés ci-dessus, le marché international présente effectivement les failles ou lacunes suivantes :

• des difficultés accrues d’accéder à l’information relative aux produits et aux

services importés : problèmes d’étiquetage (liés notamment à la langue employée), mise en présence de nouveaux produits et services dont le consommateur ne connaît pas toutes les caractéristiques, confrontation à de nouveaux types de messages publicitaires et de pratiques commerciales ;

• la normalisation renforcée des rapports de consommation : plus grande distance entre les acteurs de la chaîne de distribution, anonymat des relations rendant fictive la négociation des conditions des offres contractuelles ;

• l’accroissement des risques d’accidents de consommation : plus grande

facilité de circulation de produits dangereux, moindre familiarité du consommateur avec les produits importés, autorisation d’exporter les produits retirés d’un marché national vers des marchés moins réglementés, etc. ;

• l’existence d’obstacles décisifs à l’accès à la justice pour le règlement des

litiges trans-frontières : hésitations sur les règles de droit international privé désignant le tribunal compétent et le droit applicable en cas de litiges, coûts et délais d’une procédure judiciaire internationale, problèmes de connaissance et d’accès aux droits étrangers;

• la plus grande difficulté d’organiser au niveau international les intérêts

collectifs des consommateurs ;

• la représentation moindre, voire nulle, des intérêts collectifs des consommateurs auprès des institutions régionales et internationales ;

• le manque d’effet direct ou décisoire des instruments de droit international ;

• la réalité du phénomène de dérégulation sociale à l’échelle internationale, lié

au transfert de pouvoirs normatifs vers des acteurs privés dont l’action va relever davantage de l’autodiscipline : adoption de normes volontaires relatives à la qualité, la sécurité et la performance des produits, rédaction de codes de bonne conduite ou d’éthique commerciale, etc.

b) La réponse apportée par le législateur national aux dangers nouveaux que soulève

le marché international pour le consommateur reste nationale. Le législateur national n’a guère la compétence d’encadrer le marché international en vue d’y assurer la protection des intérêts du consommateur. Tout au plus pourrait-il y contribuer très partiellement par des décisions significatives mais limitées, telles que le renforcement des mesures relatives à la présentation et à l’étiquetage des produits, l’extension du champ d’application des législations relatives à la sécurité des produits

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aux biens destinés à l’exportation47, l’accueil de procédures judiciaires entamées à l’étranger48 et l’encouragement à la participation des autorités nationales à des systèmes d’échanges d’information et des mécanismes de coopération avec les administrations en charge de la surveillance du marché dans d’autres pays49.

Soucieux à la fois de protéger ses citoyens et de ne pas nuire à la confiance que ceux-ci peuvent placer dans la conclusion de transactions internationales, l’action du législateur va consister à garantir au consommateur qui s’engage sur le marché international la protection que lui accorde le droit national en vigueur.

Ainsi, les dispositions nationales de la protection du consommateur sont déclarées impératives50 et les clauses contractuelles ayant pour effet de priver le consommateur de la protection à laquelle il peut prétendre au plan national se voient interdites au titre de clauses abusives51. Au plan international, les conventions de droit international privé confirment l’option prise pour désigner, dans l’hypothèse de contrats de consommation, le lieu de résidence du consommateur comme critère de rattachement désignant à la fois le tribunal compétent et le droit applicable..

c) Dans un contexte économique dominé par le souci croissant de la libéralisation des échanges, le législateur national perd l’exclusivité du contrôle de la légitimité du caractère impératif des mesures adoptées en faveur des consommateurs.

Mondialisation et régionalisation placent l’autorité nationale sous la tutelle d’une institution internationale à laquelle sont reconnus les pouvoirs de définir les exceptions admises au principe du libre-échange, de fixer les critères de cette

47 L.R. 1985, ch. H-3. Les dispositions de la loi s’appliquent aux produits destinés au seul marché canadien. 48 À l’instar de la reconnaissance mutuelle de la recevabilité à agir confirmée par la directive européenne du 19 mai 1998 (Journal officiel des Communautés européennes, 11 juin 1998, n° L 166, p. 51) dans le cadre des actions en injonction visant à faire stopper un comportement ou une pratique contraire à la législation applicable dans le «domaine de la protection des consommateurs. La question de la reconnaissance au Canada de procédures de recours collectifs introduites aux États-Unis a fait l’objet de quelques développements jurisprudentiels ; on épingle surtout le jugement rendu récemment par la Cour d’Appel de l’Ontario dans l’affaire Currie v. McDonald’s Restaurants of Canada Ltd, [2005] O.J. No. 506 ; voir aussi l’arrêt de la Cour Suprême du Canada Mordguard Investments Ltd v. De Savoye, [1990]3 S.C.R. 1077. Sur l’extension de recours collectifs introduits dans une province canadienne à des membres résidant dans d’autres provinces du pays, on lira BRANCH W., RHONE C., Chaos or inconsistency ? The national class action dilemna, Canadian class action review, vol 1 n°1, 2004, p.9 49 Entre les États membres de l’Union européenne, de tels mécanismes de coopération existent pour le contrôle des produits dangereux (système d’échange rapide d’informations Rapex) et des clauses abusives (constitution de la base de données commune CLAB). Par ailleurs, une coopération internationale s’est .établie en vue du contrôle des pratiques commerciales au sein du Réseau international de contrôle de la commercialisation. 50 Au Québec, voyez le Code civil du Québec, article 3149 (juridiction compétente) et article 3117 (loi applicable). 51 Au Québec, voyez les articles 261 et 262 de la Loi sur la protection du consommateur du Québec, 1978, c.9.

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admissibilité et partant de mettre en cause une mesure nationale de protection qui ne répondrait pas aux dites conditions.

On le sait, la protection du consommateur et la protection de la santé sont communément reconnues dans les traités d’intégration régionale52 et dans les conventions relatives au commerce international53 comme des exceptions légitimes à l’application des règles relatives au libre-échange.

Des conditions sont toutefois posées, telles que l’absence de discrimination, la nécessité, la proportionnalité et l’effet le moins entravant possible de la mesure considérée. Par ailleurs, la preuve de la réunion de ces conditions incombe à l’État qui entend maintenir une mesure de protection.

Le Canada, comme tout autre pays, peut ainsi se voir tenu de justifier le caractère légitime de la mesure adoptée:

• la mesure est-elle bien justifiée par la protection du consommateur ou la

protection de la santé et ne peut-elle être vue comme une mesure protectionniste déguisée (critère de causalité) ?

• la mesure ne crée-t-elle aucune discrimination envers les produits ou les

services importés ?

• est-elle nécessaire en vue d’assurer la protection du consommateur ou celle de la santé ?

• les prescriptions imposées restent-elles proportionnelles par rapport à

l’objectif poursuivi et ne pourraient-elles être remplacées par une disposition jugée moins entravante pour le commerce ?

Le risque existe de voir l’autorité régionale ou internationale requérir l’abolition de la mesure, sa non application aux produits importés ou encore son remplacement par une mesure jugée moins entravante. Une règle organisant l’étiquetage du produit pourrait ainsi se substituer à une mesure en interdisant ou en restreignant la commercialisation.

Ce déplacement d’un ordre public de protection national vers un ordre public de protection international requiert que la procédure de décision au niveau régional ou international soit clairement définie et que l’équilibre des intérêts en présence, dont ceux des consommateurs, soit assuré dans les organes régionaux et internationaux de tutelle. Il requiert aussi de garantir l’accès des consommateurs et de leurs organisations représentatives aux organes de décision ou d’arbitrage ainsi qu’un fonctionnement transparent de ceux-ci. Force est de constater sur ces points le grave

52 Accord Alena, article 904; traité instituant la Communauté européenne, article 30 53 Accord du Gatt, article 20 ; Accord sur les obstacles techniques au libre commerce, préambule ; Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires, article 5.

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déficit démocratique qui caractérise à ce jour les organes en place, au sein tant de l’Union européenne que de l’ALENA et de l’OMC.

d) La mondialisation économique est à l’origine d’une fracture globale Nord-Sud de

plus en plus nette, alimentée notamment par le processus de consommation des pays du Nord, lui-même directement influencé par les modes de production en place dans ces pays54.

Le constat oblige à une réévaluation des comportements de consommation à l’échelle planétaire. L’émergence de nouvelles sociétés de consommation (en Inde, au Brésil, en Chine, dans les pays d’Europe centrale et orientale), si elle est porteuse d’opportunités nouvelles en termes de marchés, oblige à réagir aux plans social (imposition de contraintes sociales ou éthiques aux producteurs) et environnemental (protection des ressources naturelles, mesures visant à réduire les effets de la pollution).

En révélant au consommateur l’interdépendance entre la consommation dans l’une et dans l’autre partie du monde et en soulignant les enjeux sociaux et environnementaux posés par le développement de l’économie mondiale, la mondialisation a pour effet de faire prendre conscience de l’impérieuse nécessité de définir des modèles de production et de consommation durables et responsables55.

e) La mondialisation des échanges appelle au rapprochement des droits nationaux.

Des raisons économiques évidentes plaident pour que l’ouverture des frontières entre les pays s’accompagne de mesures de rapprochement du droit.

La volonté d’ouvrir plus largement les frontières aux flux commerciaux conduit le législateur national à rapprocher ses législations de celles en vigueur dans les pays voisins. Tant les importations en provenance de ces pays que les exportations vers ces derniers s’en trouveront facilitées.

Les considérations économiques liées au libre-échange justifient donc à elles seules un rapprochement des règles en vigueur, dès lors que le rapprochement des règles concernées aura pour effet de faciliter les échanges commerciaux. Il en est ainsi, par exemple, pour les dispositions relatives à la dénomination, à la présentation, à l’étiquetage et à la composition des produits de consommation. Il en est de même pour les multiples dispositions visant à assurer l’information du consommateur sur les offres contractuelles à travers le marché considéré.

Limité à ces seules considérations commerciales, le processus de rapprochement recherché risque de devenir l’outil d’un nivellement vers le bas des droits des

54 De multiples illustrations de cette fracture sont livrées par HALWEIL B ., MASTNY L., dir,, The Consumer Society. State of the World 2004, Worldwatch Institute, New York, Norton and Company, 2004. 55 MESTIRI E., Le nouveau consommateur : dimensions éthiques et enjeux planétaires, Paris, L’Harmattan, 2003.

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consommateurs dans les pays concernés. Pour ne pas nuire au commerce, l’alignement des règles de protection du consommateur se ferait en effet selon le plus petit commun dénominateur.

La régionalisation et la mondialisation requièrent donc, sous peine de perdre progressivement les acquis obtenus à ce jour, de réaffirmer le besoin d’une politique active visant à promouvoir les intérêts des consommateurs dans le monde et de reconnaître à ceux-ci un niveau élevé de protection.

Une attitude attentiste risque, nous le craignons, de mener au démantèlement progressif de l’arsenal de protection du consommateur en vigueur dans les États sous les pressions de plus en plus persistantes des partisans d’une intégration régionale et internationale d’abord, voire exclusivement, économique.

Dans la recherche de cet ordre public de protection régional commun, le droit comparé a certes un rôle important à jouer. Au-delà des transferts de solutions imaginées à l’étranger, un processus d’harmonisation du droit s’impose qui concilie les objectifs économiques de l’intégration avec les valeurs liées à la protection du consommateur. Le processus d’harmonisation des droits nationaux mené au sein de l’Union européenne constitue à cet égard, selon nous, un modèle intéressant56.

Force est d’admettre que le droit international de la consommation, dans les diverses dimensions ici décrites, est encore à construire. Conclusion La conclusion, nous pensons, va de soi. La nécessité d’un droit de la consommation fort et solide en 2007 ne fait aucun doute. Mais ce droit est encore à construire : les fondements lui donnant pleine légitimité dans l’ordre socio-économique contemporain doivent être explicités ; ses dispositions actuelles doivent être revues et mises à jour ; l’arsenal normatif existant consolidé et son autonomie garantie ; l’étude se portera sur les champs d’investigation nouveaux et la construction sera entamée d’un ordre juridique international effectif pour les consommateurs.

56 Pour une évaluation du processus d’intégration du droit de la consommation dans l’Union européenne, on lira BOURGOIGNIE TH., Vers un droit européen de la consommation: unifié, harmonisé, codifié ou fragmenté ?, Les Cahiers de Droit, 2005, p. 153 à 174.