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TRAVAUX DIRIGES DROIT SPECIAL DES SOCIETES SEANCE n°2 Chambre commerciale 4 décembre 2007 A la suite du décès de Mr Joseph Amedé X, actionnaire de la Société SIAGAT, ses ayants droits deviennent titulaires indivis de ses actions représentant 48,47% du capital de cette société. A l’exception de Paul Amedé X, un des indivisaires des actions, ils assignent la société en référé pour obtenir la désignation d’un expert. Ils fondent leur demande, à titre principal, sur l’article L225-231 du code de commerce, et à titre accessoire sur l’article 145 CPC. Ils sont déboutés de leurs demandes par les juges statuant sur le fond. Ils se pourvoient en cassation. Les consorts X reprochent à l’arrêt confirmatif rendu en appel la violation de l’article 145 du CPC ainsi que son défaut de base légale au regard dudit texte. Sur la base du caractère satisfaisant des réponses données par la présidente de la SIAGAT la CA s’est déterminée au vu de l’absence de preuves de faits que la mesure sollicitée tendait à établir. Ce sans même rechercher s’il existait ou non un motif légitime d’établir la preuve des faits litigieux La question posée à la cour de cassation était de savoir quelles sont les conditions de recevabilité, de demandes tendant à la désignation d’un expert sur le fondement des articles L225-231 du c.com et de l’article 145 du CPC, par un actionnaire minoritaire dont les titres sont indivis ? Elle a répondu que c’est dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation que les juges d’appel avaient estimé que les faits litigieux invoqués par les consorts X ne constituaient pas un

Travaux Diriges Droit Special Des Societes Seance n

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TRAVAUX DIRIGES DROIT SPECIAL DES SOCIETES SEANCE n°2

Chambre commerciale 4 décembre 2007

A la suite du décès de Mr Joseph Amedé X, actionnaire de la Société SIAGAT, ses ayants droits deviennent titulaires indivis de ses actions représentant 48,47% du capital de cette société. A l’exception de Paul Amedé X, un des indivisaires des actions, ils assignent la société en référé pour obtenir la désignation d’un expert. Ils fondent leur demande, à titre principal, sur l’article L225-231 du code de commerce, et à titre accessoire sur l’article 145 CPC. Ils sont déboutés de leurs demandes par les juges statuant sur le fond. Ils se pourvoient en cassation. Les consorts X reprochent à l’arrêt confirmatif rendu en appel la violation de l’article 145 du CPC ainsi que son défaut de base légale au regard dudit texte. Sur la base du caractère satisfaisant des réponses données par la présidente de la SIAGAT la CA s’est déterminée au vu de l’absence de preuves de faits que la mesure sollicitée tendait à établir. Ce sans même rechercher s’il existait ou non un motif légitime d’établir la preuve des faits litigieuxLa question posée à la cour de cassation était  de savoir quelles sont les conditions de recevabilité, de demandes tendant à la désignation d’un expert sur le fondement des articles L225-231 du c.com et de l’article 145 du CPC, par un actionnaire minoritaire dont les titres sont indivis ?Elle a répondu que c’est dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation que les juges d’appel avaient estimé que les faits litigieux invoqués par les consorts X ne constituaient pas un motif légitime à obtenir la mesure d’instruction sollicitée.

Apport de l’arrêt :Dans le cadre du contrôle du pouvoir des dirigeants dans les SA, L’actionnaire minoritaire peut demander une expertise sur une ou plusieurs opérations de gestion sur le fondement de l’article L 225-231 du Code de commerce ainsi que sur le fondement de l’article 145 du nouveau Code de procédure civile autorisant toute personne ayant un motif légitime à la conservation de preuve avant tout procès, à demander des mesures d’instruction (CA Paris 25 octobre 2002, B.R.D.A. 2003 /1 n° 1).

Les conditions de recevabilités des 2 procédures diffèrent.L’expertise de gestion (peu importe que les titres soient indivis ou pas) ne peut-être recevable par l’actionnaire ou les actionnaires qui le demandent que s’ils détiennent au moins 5% du capital. Article L225-231 du code de commerce.L’expertise in futurum quant à elle est plus souple. Son accès n’est pas subordonné à la détention minimale d’actions.  Il suffit que le demandeur

justifie du motif légitime qu'il a de vouloir conserver ou établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige. si la jurisprudence n'admet encore qu'assez difficilement la désignation d'un expert de gestion, et si notamment la demande est rejetée chaque fois que le minoritaire n'invoque que des griefs imprécis, qui tendent à remettre en cause la gestion en général (chambre sociale 22 mars 1988) au contraire, l'expertise préventive de l'article 145 du CPC, est admise de manière beaucoup plus libérale.

L'expertise de gestion relève du droit des sociétés et est orientée vers la protection de l'intérêt social par l'intermédiaire de l'action des minoritaires. L’information obtenue par le biais de cette expertise est logiquement destinée à toutes les composantes de la société.

De son côté, l'expertise préventive est une technique procédural, dont les destinataires sont seulement le demandeur et le juge si "les circonstances exigent qu'elle ne soit pas prise contradictoirement" ; sinon on doit y ajouter le défendeur.

Cour de cassation, chambre commerciale 18 Octobre 1994

Mr babeaud administrateur et actionnaire minoritaire de la société la générale Granit ainsi que le PCA afin d’obtenir la mise en œuvre d’une expertise de minorité sur différents points énoncés dans sa demande. Il est débouté de sa demande par les juges du fond. Il forme un pourvoi en cassation. La critique de l’arrêt s’organise autour de 3 moyens. Il se fonde sur l’article 226 de la loi du 24 juillet 1966. Mr babeaud évoquait des actes de gestion ayant trait d’une part rémunérations du DG votée par le CA, et d’autre part au refus de distribuer les dividendes

Problème de droit : quelles caractéristiques doivent revêtir les opérations de gestion litigieuses pour faire l’objet d’une expertise de minorité ? la cour de cassation a répondu que l’arrêt rendu à Rennes constatait que les questions posées par Mr babeaud tendaient en fait à une critique systématique de la gestion de la société. Il n’existait aucune présomption d’abus ou d’irrégularité affectant les opérations indiquées et susceptibles de nuire aux intérêts sociaux comme de compromettre le fonctionnement ou la pérennité de l’entreprise. Les griefs invoqués par Mr Babeaud avaient une portée trop générale et n’étaient pas sérieux d’où le rejet de sa demande.

Cour de cassation, chambre commerciale 17 Janvier 2006

Mr X, actionnaire minoritaire de la société Polytechnique les fleurs, a posé des questions écrites portant sur des opérations de gestion à Mr Y, président du CA de cette société. Mr Y a répondu. Estimant que les explications apportées par Mr Y n’étaient pas satisfaisantes, sur le fondement de l’article L225-231 du code de commerce, il sollicite le président du tribunal de commerce aux fins d’obtenir la désignation d’un expert. Le juge rend une décision qui fera l’objet d’un appel. Mr X forme un pourvoi en cassation. Il fait grief à l’arrêt ayant rejeté sa demande, de violer le texte précité et de manquer de base légale au regard dudit texte. La critique s’articule autour de 3 moyens. Seul le premier retiendra l’attention de la cour de cassation, les 2 autres portants sur des faits n’ayant pas été jugés en appel, elle ne s’est pas prononcée dessus. Le 1er moyen relevait que la CA s’était livrée à une appréciation du caractère satisfaisant ou non des réponses données par le PCA, au lieu de rechercher s’il existait une présomption d’irrégularité de l’acte de gestion visé. Appréciation qui appartient uniquement aux actionnaires en vertu de l’article L 225-231 du code de commerce. La cour s’est donc prononcée sur le point suivant : l’appréciation par le juge du caractère satisfaisant ou non des explications données par le PCA à un actionnaire minoritaire constitue t- elle selon l’article L 225-231, une condition de mise en œuvre de la procédure d’expertise en gestion/ (recevabilité de la demande d’expertise en gestion) ?la cour a répondu que c’est a bon droit que la CA a retenu qu’il appartient , au juge saisi d’une demande d’expertise sur le fondement de l’article L225-231, de rechercher si les éléments de réponses apportés présentent ou non un caractère satisfaisant.

Apport de l’arrêt :Solution assez originale de la cour. L’appréciation judiciaire du caractère satisfaisant des réponses fournies par le PCA à un actionnaire minoritaire aboutit à une interprétation extensive du texte.Elle a l’air de rajouter une étape/ phase supplémentaire à la procédure d’expertise en gestionLa position de la cour se justifierait par la volonté d’éviter d’être saisie de demandes n’étant en réalité que des critiques générales de la gestion.

Cour de cassation, chambre commerciale 21 Septembre 2004

La société SCPCP, actionnaire minoritaire de la société CDM, a assigné cette dernière devant le président du tribunal de commerce sur le fondement de l’article 226 de la loi du 24 juillet 1966, afin d’obtenir la désignation d’un expert chargé de recueillir des éléments d’information sur un certain nombre d’opération susceptibles de gravement léser ses intérêts. La société CDM ayant fait appel, la SCPCP a formé un appel incident, en faisant valoir que les demandes ayant trait aux opérations de gestion des filiales, devaient être

accueillies sur le fondement de l’article 145 du CPC. La CA confirme l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce et admet que les demandes portant sur des actes de gestion de filiales peuvent être accueillies sur le fondement de l’article 145 du CPC. En l’espèce il s’agissait d’une opération de crédit bail immobilier réalisée par une filiale de la CDM. La société CDM forme un pourvoi contre l’arrêt. Elle lui reproche d’avoir ordonné des mesures d’expertises sur le fondement de l’article 145 du CPC sans caractériser un intérêt de la SCPCP distinct de son intérêt d’associé minoritaire.

Problème de droit : l’actionnaire d’une société, souhaitant la mise en œuvre d’une expertise (de minorité) pour des actes de gestion réalisée par une filiale justifie t-il d’un intérêt à agir au sens de l’article 145 du CPC ?

Apport de l’arrêt :

L'intérêt de l'arrêt d'appel résidait en ce qu'il avait admis que la demande d'expertise in futurum était recevable alors même qu'elle avait été formée par des demandeurs qui n'avaient pas la qualité d'associés dans la filiale de la société.Arrêt du 16 mars 1992 hottinguerLe pourvoi reprochait à la cour d'appel d'avoir méconnu les règles de l'intérêt et de la qualité pour agir. La réponse apportée par l'arrêt de rejet commenté ne manque pas d'intérêt. La Cour semble considérer/ estime en effet que l'intérêt personnel des demandeurs caractérisait leur qualité pour agir et se confondait en l'espèce avec le motif légitime au sens de l'article 145 du NCPC.Dès lors que les demandeurs peuvent justifier d'un motif légitime, celui-ci se confond avec l'intérêt personnel qui lui-même caractérise leur qualité pour agir. L'originalité de la procédure de l'article 145 du NCPC, dont l'autonomie procédurale avait déjà été affirmée avec force par la Cour de cassation (Ch. mixte, 7 mai 1982 : D., 1982, 541, conclusions Cabannes ; RTD civ. 1982, 786, obs. Perrot et 1983, 185, obs. Normand) sort encore renforcée de l'arrêt rapporté. On retiendra qu'implicitement mais nécessairement la thèse selon laquelle la qualité d'associé n'est pas nécessaire, dès lors que le demandeur justifie d'un intérêt personnel à la mesure d'instruction, est consacrée par l'arrêt commenté, ce qui ouvre encore plus largement les possibilités d'utilisation de l'article 145 du NCPC en droit des sociétés.Originalité de la décision dans le sens où le droit processuel opère une distinction entre la notion d’intérêt à agir et celle de qualité à agir.