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7/29/2019 Tresmontant Claude - La Finalite de La Creation http://slidepdf.com/reader/full/tresmontant-claude-la-finalite-de-la-creation 1/45 PLAT RECTO CAHIERS DE MÉTAPHISIQUE ET DE THEOLOGIE • ETUDES ET ANALY SES CLAUDE  TRESMONTANT Correspondant de l'Institut La finalité la Création, le salut le risque de perdition FRANÇOIS -XAVIER DE GUIBERT 

Tresmontant Claude - La Finalite de La Creation

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PLAT RECTO

CAHIERS DE MÉTAPHISIQUE ET DE THEOLOGIE • ETUDES ET ANALYSES

CLAUDE TRESMONTANT 

Correspondant de l'Institut

La finalitéla Création, lesalut le risque de perdition

FRANÇOIS-XAVIER DE GUIBERT 

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PLAT  VERSO

CAHIERS DE MÉTAPHYSIQUE ET DE THÉOLOGIE • ÉTUDES ET ANALYSES

Selon le monothéisme hébreu, la création est finalisée, c'est-à-dire qu'elle tend vers unterme qui est voulu depuis les origines.

Selon la branche chrétienne du monothéisme hébreu, cette finalité ultime de la création seréalise en celui qui s'appelle lui-même, en hébreu, le ben adam, le fils de l'homme ; qui appelle

Dieu : mon père ; et que Dieu appelle : mon fils.

Nous, nous naissons dans un état antérieur à la nouvelle naissance, la naissance d'en haut,qui est absolument requise pour que l'homme créé puisse devenir participant de la vie de l'Uniqueincréé. Nous naissons avant ce que Paul, dans ses lettres, appelle lamétamorphose, la création del'Homme nouveau en nous.

Il existe donc des conditions objectives qui sont requises pour que l'homme, né dans lacondition de celui que Paul appelle le paléo-anthropien, puisse devenir l'homme nouveau,conforme à celui en qui se réalise la finalité ultime de la création.

Ce n'est pas un problème de morale. Ce n'est pas un problème juridique. C'est un problèmed'être. A quelles conditions l'Unique incréé peut-il créer des êtres qui soient pour lui comme sonvis-à-vis, capables de prendre part à la vie de l'Unique ?

C'est ce que Maurice Blondel a appelé le problème capital de la métaphysique chrétienne.

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DU MÊME AUTEUR 

Aux mêmes éditions François-Xavier de Guibert (O.E.I.L.) 

Le Christ hébreuL'Évangile de Jean, traduction et notesL'Évangile de Matthieu, traduction et notesL'Évangile de Luc, traduction et notesL'Évangile de Marc, traduction et notesLes Évangiles : Jean, Matthieu, Marc, Luc. Traduction, introduction-présentation, lexiqueL'Apocalypse de Jean, traduction et notes

Schaoul, qui s'appelle aussi Paulus. La théorie de la métamorphoseL'Histoire de l'Univers et le sens de la CréationLes premiers éléments de la théologieLe Prophétisme hébreuLes métaphysiques principalesLes malentendus principaux de la théologieProblèmes de notre temps : Philosophie des sciences et métaphysique — Théologie, exégèse etpolitique — Israël et l'Église (chroniques deLa Voix du Nord) La question du miracle à propos des Évangiles. Analyse philosophiqueEnquête sur l'Apocalypse

Aux Éditions du Cerf 

Essai sur la Pensée hébraïque

Aux Éditions du Seuil 

La Métaphysique du Christianisme et la Naissance de la Philosophie chrétienneLa Métaphysique du Christianisme et la Crise du XIIIe siècleComment se pose aujourd'hui le problème de l'existence de DieuIntroduction à la Métaphysique de Maurice BlondelLes problèmes de l'AthéismeIntroduction à la Théologie chrétienneLa Crise modernisteSciences de l'Univers et problèmes métaphysiquesLa Mystique chrétienne et l'Avenir de l'Homme

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Claude Tresmontant Correspondant de l'Institut 

La Finalité de la Création, le Salut et le Risque

de Perdition 

François-Xavier de Guibert 3, rue Jean-François-Gerbillon 

75006 PARIS 

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DANS LA MÊME COLLECTION

1.  L'activité métaphysique de l'intelligence et la théologie.

2.  La Pensée de l'Église de Rome. — Rome et Constantinople.

3.  La Question de l'Immortalité de l'Âme.

4.  La Finalité de la Création, le Salut et le risque de Perdition.

5.  La Prescience de Dieu, la Prédestination et la Liberté humaine.

6.  La Présence réelle et la Transsubstantiation.

7.  L'Opposition métaphysique au Monothéisme hébreu, de Spinoza à Heidegger.

8.  Le Bon et le Mauvais. Christianisme et politique.

9.  La Christologie du Bienheureux Jean Duns Scot, l'Immaculée Conception et l'Avenir

de l'Église. — Suivi d'une Note complémentaire à propos du péché originel.

10.   Judaïsme et christianisme.

11.  Le plus ancien Commentateur de l'Évangile de Matthieu.

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SOMMAIRE

PLAT RECTO ................................................................................................................................1

PLAT  VERSO.................................................................................................................................2

DU MÊME AUTEUR .......................................................................................................................3

DANS LA MÊME COLLECTION.....................................................................................................5

La Finalité de la Création..............................................................................................................7

La nouvelle programmation........................................................................................................23

Nietzsche........................................................................................................................................25

Les conditions objectives.............................................................................................................26

La résistance à l'information créatrice nouvelle.......................................................................37

Immanence....................................................................................................................................39

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La Finalité de la Création

Dès lors qu'on a établi le fait ou la réalité de la Création, par l'analyse philosophique, àpartir de l'Univers et de la nature, à partir de l'histoire de l'Univers et l'histoire de la nature, ilreste à se demander quel est le but de la Création, quelle est sa finalité, quelle est sa raison d'être.

La finalité ultime de la Création est évidemment un être créé, — celui en qui se réalise pourla première fois l'union sans mélange et sans confusion de l'Homme véritable créé, à Dieu uniqueet incréé. C'est pourquoi les théories christologiques qui minimisent, estompent, ou mêmeéliminent l'Homme véritable créé avec toutes ses opérations, sa volonté, sa liberté, son actionpropre, estompent ou évacuent la finalité de la Création et la rendent indiscernable, à commencerpar les systèmes christologiques qui professaient que le logos de Dieu s'est uni une apparenced'homme, jusqu'à celles qui professaient que le logosde Dieu se substitue à l'intelligence humaine,à la pensée humaine, à l'action humaine de l'homme créé, assumé et uni à Dieu. Si on attribue au

logos de Dieu une opération propre, distincte de celle de Dieu, on vire vers le trithéisme et onévacue l'opération propre de l'homme créé, assumé et uni à Dieu. On rend indiscernable la finalitéde la Création.

Nous connaissons la Création par l'histoire de l'Univers et de la nature puisque nous voyonsla Création s'effectuer à chaque instant depuis quelque vingt milliards d'années. Nousconnaissons le but ou la finalité de la Création par celui en qui et par qui elle se réalise, celui quis'appelle lui-même leben adam. C'est lui qui enseigne comment nous pouvons parvenir à achevernotre propre création, coopérer à la création de l'Homme nouveau et véritable en nous. Il est doncbeaucoup plus que rédempteur. On l'a réduit trop souvent à n'être que rédempteur parce qu'ons'est imaginé que l'homme avait été créé achevé et parfait à l'origine, ce contre quoi saint Irénéede Lyon s'élevait déjà dans son grand traité contre les gnostiques.

C'est de là, et de ce point de vue, que l'on voit le mieux l'erreur gigantesque de ceux qui,depuis le moine breton Pelage jusqu'au philosophe prussien Immanuel Kant, se sont imaginé quec'était un problème de morale, de vertu, de respect de la loi morale. Non, il s'agit d'une étapenouvelle et ultime dans l'histoire de la Création. Il s'agit de passer de l'homme animal, lepréhominien, à l'Homme véritable. C'est une affaire de création. Et sur ce point Augustin avaitraison contre Pélage. Augustin cite constamment les textes de Paul. Dieu seul peut réaliser ennous la création de l'Homme nouveau et véritable. C'est Dieu qui opère en nous et le vouloir etl'agir (Philippiens 2, 13). C'est Dieu qui opère tout en tous (1 Corinthiens 12, 6; etc.).

On aperçoit l'erreur fatale de ceux qui se sont imaginé et qui s'imaginent encore aujourd'huipouvoir réduire le christianisme à n'être qu'une affaire de morale.

Le christianisme n'est pas une affaire de morale, c'est une affaire de Création. Et à partir du

moment où un être est créé qui est appelé à prendre part à la vie personnelle de l'Unique, cetteCréation ne peut pas s'achever sans lui, sans son consentement, sans sa coopération, sans unenouvelle naissance, sans une métamorphose, sans qu'il porte fruit. C'est une conditionontologique et non pas simplement morale. Ceux qui ont pensé pouvoir réduire le christianisme àn'être qu'une affaire de morale n'y avaient rien compris.

Nous connaissons la Création, le fait de la Création, la réalité de la Création, par l'analysede l'histoire de l'Univers et de la nature qui se révèle ou se manifeste comme une créationcontinuée depuis quelque vingt milliards d'années.

Nous connaissons la finalité de la Création, son but, par celui en qui, par qui, avec qui ellese réalise, celui qui s'appelait lui-même le fils de l'Homme, qui appelait Dieu mon père, et queDieu appelait mon fils. Pour cette raison ses disciples l'ont appelé fils de Dieu.

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C'est en lui que le métaphysicien doit chercher la finalité ou la raison d'être de la Création.Il n'y a aucune raison de ne pas tenir compte de ce fait parmi les faits.

Car une fois qu'on a découvert que Création il y a, il est bien permis de se demander :

Pourquoi ? C'est-à-dire : Dans quel but ?Une métaphysique intégrale doit donc méditer sur le fait que constitue la Création, — sur le

fait de la Révélation, — et sur le fait que constitue l'union sans mélange et sans confusion del'Homme nouveau et véritable créé, à Dieu unique et incréé, absolument simple, transcendant etimpassible.

Une métaphysique totale de la Création doit inclure l'origine radicale et la finalité ultime dela Création.

La grandeur des théologiens scolastiques du XIIIe et du XIVe siècle, Albert le Grand,Alexandre de Halès, Bonaventure, Thomas d'Aquin, Jean Duns Scot, c'est qu'ils ont fait coopérerl'analyse métaphysique, celle qui part de l'expérience objective, — et l'analyse théologique, cellequi procède de la révélation historique effectuée à l'intérieur du peuple hébreu.

Cette métaphysique intégrale qu'est le monothéisme hébreu se déploie et s'exprime à traverstoute la Bibliothèque inspirée des Hébreux, y compris les livres de la Nouvelle Alliance traduitsde l'hébreu en grec. C'est une communication progressive d'information qui porte précisément surl'origine radicale de l'Univers, la causalité première, et sur sa finalité ultime.

Cette communication progressive d'information qui s'effectue pendant près de vingt sièclesà l'intérieur du peuple hébreu, est strictement nécessaire pour que l'homme, l'humanité, puisseconnaître quelle est la finalité ultime de la Création et pour qu'il puisse y consentir et y coopérer.

Saint Thomas d'Aquin, Sum. theol. I, 1, respondeo : primo quidem quia homo ordinaturad Deum sicut ad quendam finem... Finem autem oportet esse praecognitum hominibus,qui suas intentiones et actiones debent ordinare in finem. 

Le bienheureux Jean Duns Scot enseigne la même chose un peu plus tard, dès le début deses grands Commentaires desSentencesde Pierre Lombard donnés à Oxford et à Paris.

La Révélation est nécessaire pour que la création de l'Homme puisse s'achever. Elle faitpartie de l'histoire de la Création. Nous ne connaissons la finalité de la Création que par laRévélation et par Celui en qui elle se réalise. Les philosophes qui détestent l'idée de Créationvont donc s'appliquer à éliminer aussi l'idée de Révélation, depuis Spinoza, Kant, Fichte et biend'autres à leur suite.

Si l'on suppose que l'Absolu n'a besoin de rien, ce qu'il est absolument nécessaire desupposer, — et c’est ici que l'on aperçoit comment l'analyse métaphysique précède l'analysethéologique —, alors il est permis de se demander pourquoi, pour quel but, pour quelle fin,

l'Absolu crée des êtres autres que lui-même et autonomes, capables d'action et d’efficace causale,dignitatem causandi comme dit Thomas d'Aquin.

Si l'on supposait que l'Absolu a besoin de sa création pour se réaliser, s'achever, secontenter, alors il ne serait plus l'Absolu.

Concile du Vatican I, 1870 : Non ad augendam suam beatitudinem nec adacquirendam... 

C'est-à-dire que toute théogonie est destruction du monothéisme, c'est pourquoi lemonothéisme hébreu depuis les origines a écarté les mythes théogoniques.

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Si l'Absolu ne crée pas des êtres autres que lui-même pour lui-même, pour augmenter sa joie, alors il est permis de supposer qu'il crée des êtres autres que lui-même pour eux-mêmes.

La finalité de la Création se découvre en la personne de celui qui s'appelle lui-même le fils

de l'Homme, qui appelle Dieu mon père, et que Dieu appelle mon fils.La christologie est donc le sommet de la métaphysique. Une christologie faussée est une

métaphysique faussée. Si vous réduisez ou si vous estompez, si vous éliminez la réalité, la place,la fonction, l'action, la liberté de l'Homme créé nouveau uni à Dieu depuis le premier instant de lacréation de son âme humaine créée, — alors toute la Création devient incompréhensible,indéchiffrable, ou inintelligible. La finalité de la Création, c'est lui. La raison d'être de laCréation, c'est lui. Le sens de la Création, c'est lui.

Celui qui s'appelle lui-même le fils de l'Homme est le germe, la cellule germinale de lacréation nouvelle, de l'humanité nouvelle. Il contient en lui l'information créatrice nouvelle quiest nécessaire pour créer l'Homme tel que l'Unique l'envisage depuis le commencement.

Avec l'apparition dans l'histoire humaine de celui qui s'appelle lui-même le fils de

l'Homme, et qui communique à l'humanité entière l'information créatrice qui est nécessaire pourcréer l'Homme véritable conforme au dessein créateur de Dieu, la Création n'est pas achevée. Ellese continue précisément par cette communication de l'information créatrice nouvelle quitransforme progressivement la vieille humanité animale comme le levain transforme la pâte. Etc'est pourquoi entre le moment où le fils de l'Homme communique l'information créatricenouvelle et l'achèvement de la Création, il existe une durée : le temps nécessaire à latransformation de la vieille humanité animale et à la création de l'humanité nouvelle et véritablepar communication d'information et assimilation de l'information. C'est la durée dans laquellenous sommes depuis bientôt vingt siècles et nous ne savons pas combien de temps il faudra pourque la vieille humanité animale tout entière soit transformée par l'information créatrice nouvellecommuniquée autour de l'année 30 de notre ère.

Ce sont des hommes et des femmes qui ont reçu et assimilé l'information créatrice nouvellecommuniquée par le Germe, qui ont été eux-mêmes transformés et créés nouveaux, quicommuniquent à leur tour l'information créatrice qu'ils ont reçue. Ils sont donc coopérateurs deDieu.

Pourquoi existe-t-il des conditions ontologiques pour que quelque être, au terme actuel decette histoire de l'Univers, puisse prendre part à la durée du monde qui vient, olam ha-bahcomme disaient nos maîtres les rabbins du Ier siècle de notre ère ?

— Parce que le dessein créateur apparemment ne se termine pas au petit chat qui boit sonlait dans sa soucoupe, ni au gorille, au chimpanzé ou à l'orang-outan qui mange sa banane ou sanoix de coco dans son arbre.

Selon Genèse 1, 26 :

Et il a dit, Dieu : Faisons de l'homme (hébreu adam) [en sorte qu'il soit] dans [lacondition de] statue (hébreu tzelem, grec eikôn) de nous [c'est-à-dire : qu'il soit notrestatue visible, une statue visible du Dieu invisible].

C'est ainsi que l'a compris Schaoul surnommé Paulus, qui a appris sa théologie aux pieds dugrand rabbin Gamaliel :

Romains 1, 23 : Et ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible pour la ressemblanced'une statue (greceikôn, hébreutzelem) d'homme corruptible…

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Romains 8, 29 : Ceux qu'il a connus à l'avance, il a lié un lien sur son âme (grec pro-ôrisen, Nombres 30, 3, etc.) [pour faire en sorte qu'ils soient] conformes à la statue (greceikôn, hébreu tzelem) de son fils, en sorte qu'il soit, lui, le premier-né parmi un grand

nombre de frères...

1 Corinthiens 11, 7 : Le mâle (grecanèr,hébreu probablezakar) est la statue (greceikôn)et la gloire de Dieu...

1 Corinthiens 15, 49 : Comme nous avons porté la statue (grec eikôn) de celui qui est faitavec de la terre, nous porterons aussi la statue (grec eikôn) de celui qui vient des deux \=de Dieu]...

2 Corinthiens 3, 18 : Nous sommes métamorphosés [et nous devenons] la même statue(tèn autèn eikona) [que le Seigneur]...

2 Corinthiens 4, 4 : Celui qui a reçu l'onction (grec christos) qui est la statue de Dieu(greceikôn, hébreutzelem)... 

Colossiens 1, 15 : Lui qui est la statue (greceikôn, hébreu tzelem) de Dieu l'invisible, lepremier-né de toute la Création...

Il ne faut pas traduire l'hébreu tzelem, et le grec eikôn par le français image, parce qu'uneimage, en français aujourd'hui, est une chose plate. Une statue a trois dimensions.

Genèse 1, 27 : Et il a créé, Dieu, l'Homme (hébreu ha-adam) dans [la condition de]

statue de lui (hébreube-tzalmenô). [C'est-à-dire que l'Homme créé est une statue visibledu Dieu invisible. Colossiens 1, 15]. Dans [la condition de] statue de Dieu (hébreu be-tzelem elohim) il l'a créé, lui, mâle et femelle il les a créés, eux...

Les inconnus qui ont mis en place les documents et les livres qui constituent la sainteBibliothèque hébraïque ont donc mis dès le premier chapitre de la Genèse ce document quienseigne la finalité de la Création : un être, l'Homme, qui soit la statue visible du Dieu invisible.

Comme nous le voyons en regardant tout autour de nous, nous sommes encore loin d'êtreparvenus à la réalisation de cette finalité ultime de la Création. Pour l'instant l'humanité est enrégime de genèse et de transformation, elle est en train de passer péniblement de l'animalité àl'humanité, avec de fortes régressions.

Genèse 1 qui enseigne le point de départ, le commencement, enseigne aussi la finalitéultime de la Création. L'Univers commence par être lumière. Au terme de la Création, la statuevisible du Dieu invisible.

Quelles sont les conditions ontologiques de la réalisation d'un tel dessein ?L'être qui reçoit le don de l'être ne peut se contenter de recevoir passivement ce don de

l'être. Pour qu'il devienne un être digne d'être nommé la statue visible du Dieu invisible, il fautqu'il porte fruit, qu'il coopère activement et intelligemment à ce don de l'être.

C'est l'exigence de fructification.Puisqu'il est appelé ou invité à devenir pour l'Unique incréé un face à face, un vis-à-vis,

comme lui, il faut qu'il consente librement à cette destination qui est proprement surnaturelle. Il

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faut qu'il ratifie le don de la Création et qu'il coopère activement et intelligemment au don de laCréation. Il faut qu'il coopère activement et intelligemment au don qui lui est proposé de prendrepart à la vie même de l'Unique incréé. Il ne peut pas se contenter de recevoir passivement,

comme une souche, le don de la Création et le don de la divinisation, comme disaient les Pères delangue grecque.

C'est ce problème-là que Maurice Blondel a appelé le problème capital de la métaphysiquechrétienne, et qu'il a traité longuement et profondément dans sa grande Trilogie consacrée à laPensée, l'Être, et l'Action. 

À quelles conditions l'Unique incréé peut-il créer un autre lui-même capable de prendrepart, sans mélange, sans confusion, sans séparation à la vie éternelle de l'Unique ?

C'est en effet un problème de haute métaphysique et une fois de plus nous constatons qu'iln'est pas question de comprendre quoi que ce soit à la théologie chrétienne si on ne se donne pasla peine d'entreprendre cette analyse métaphysique.

Le VIe concile œcuménique tenu à Constantinople a défini solennellement le 16 septembre

681 que si vous considérez avec les yeux de votre intelligence cet être en qui se réalise l'union del'Homme nouveau créé, à Dieu unique et incréé, vous observez en lui deux volontés naturelles(grec duo phusikas thelèseis) et deux opérations naturelles (grec duo phusikas energeias) sansséparation, sans altération, sans division, sans mélange... Et deux volontés naturelles qui ne sontpas contraires l'une à l'autre... La volonté humaine suit, et ne s'oppose pas à, et ne combat pas (lavolonté de Dieu). Bien au contraire la volonté humaine est soumise à sa volonté divine... Demême que sa chair animée toute sainte et sans tache a été divinisée, et elle n'a pas été abolie (grectheotheis ouk anèrethè) mais elle est restée dans ses limites propres..., — ainsi et de même sonvouloir humain a été divinisé (grec theôthen) et il n'a pas été aboli ; bien au contraire il a été sauvé,conformément à ce que dit Grégoire le théologien, Grégoire de Nazianze,Oratio30, chap. 12 : sonvouloir n'est pas contraire, opposé à Dieu : il a été divinisé tout entier (grec theôthen holon). 

Deux opérations naturelles, sans séparation, sans altération, sans division, sans mélangedans notre seigneur Ieschoua qui a reçu l'onction... C'est-à-dire une opération divine et uneopération humaine, comme le dit le pape Léon...

 Tel est le but, la finalité de la Création. C'est ici qu'elle se réalise.

Nous avons observé, dans une brochure antérieure, La Pensée de l'Église de Rome, que lepape Honorius, condamné par les Pères du concile de Constantinople le 28 mars 681, considéraitdirectement, in recto, cet Homme singulier concret qui était uni à Dieu depuis le premier instantde la création de son âme humaine créée, et c'est pourquoi, dans cet homme, Me homo, commedisait saint Augustin, il ne voyait qu'une seule liberté, une seule volonté, une seule opération,comme son prédécesseur, Schimeôn sur nommé Rocher par son Rabbi. Tandis que les Pères du

concile considéraient le Tout relationnel constitué par Dieu qui s'unit l'Homme, et l'Hommenouveau créé uni à Dieu. Dans ce Tout relationnel, évidemment l'intelligence distingue deuxnatures, deux volontés, deux libertés, deux opérations.

Il est bien évident, dans cette perspective, que l'accès à la connaissance réfléchie était uneétape absolument nécessaire à la réalisation du dessein créateur, une étape dangereuse maisnécessaire. Ce n'est donc pas une chute, comme l'ont compris les gnostiques depuis les premierssiècles de notre ère jusqu'aujourd'hui. C'est ce qu'écrit saint Irénée, évêque de Lyon, dans songrand traitéContre les gnostiques, livre IV, 38 :

Si quelqu'un dit : Quoi donc ? Est-ce qu'il ne pouvait pas, depuis le commencement,Dieu, faire l'homme achevé (grec teleion, latin perfectum), qu'il sache que pour Dieu,

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pour ce qui est de Dieu, considéré en lui-même, tout est possible. Mais l'être créé, lui,était incapable de recevoir, de supporter la plénitude, la perfection(to teleion)... 

Irénée a parfaitement vu que la Création se fait par étapes parce que l'être créé doit recevoirprogressivement l'accroissement, le développement. Les gnostiques, comme les platoniciens,s'imaginaient que la plénitude, la perfection était à l'origine et que nous sommes tombés dansl'imperfection, le corps, la matière, le monde. Saint Irénée montre que la Création se fait parétapes et que la plénitude, la perfection, est au terme de l'histoire de la Création et non pas audébut.

Les inconnus qui ont composé Genèse 3, peut-être au Xe siècle avant notre ère, se sontexprimés comme ils l'ont pu, dans l'hébreu de ce temps-là, et sous la forme qui était familière auxanciens théologiens et prophètes hébreux : le mâschâl. — Le mâschâl est une histoire simple,concrète, qui contient un enseignement métaphysique et théologique.

Isaïe 5, 1 : Je vais donc chanter pour mon chéri le chant de mon chéri pour sa vigne. Unevigne était à mon chéri...

Marc 4, 3 : Voici qu'il est sorti, le semeur, pour semer...

Matthieu 13, 3 : Voici qu'il est sorti, le semeur, pour semer...

Luc 8, 5 : Il est sorti, le semeur, pour semer sa semence...

La question est de savoir si la Création a un sens, une finalité ou non. S'il n'y a pas enréalité de Création, comme le pensent les philosophes depuis Plotin, Spinoza, Fichte, Karl Marx,

Nietzsche, Heidegger et leurs disciples, — alors, bien évidemment, il n'y a pas non plus de sensni de finalité. Le monde est en trop et il est absurde. C'est ce que pensent nos plus illustresphilosophes français au XXe siècle.

La question de la Création ne relève pas de la foi, Glauben, comme le disent et le répètentles maîtres à penser du XIXesiècle et du XXe : Immanuel Kant et Martin Heidegger. La question dela Création relève de la compétence de l'analyse rationnelle fondée dans l'expérience. HenriBergson a retrouvé, comme il dit, le fait de la Création par une analyse expérimentale à partir dufait de l'évolution. Tout dans l'histoire de l'Univers et de la nature a commencé. Lecommencement d'être est le signe de la Création, sa signature. Nous sommes dans un Univers enrégime de création continuée parce que tout dans l'histoire de l'Univers et de la nature commenced'exister, tout est toujours nouveau dans l'histoire de l'Univers et de la nature. Encore faut-il

considérer l'histoire de l'Univers et de la nature, ce que nos philosophes dominants ont omis defaire.

La finalité de la Création relève de la compétence de l'intelligence humaine fondée dans unfait, qui est le fait constitué par le peuple hébreu, dans lequel cette finalité se trouve enseignée etcommuniquée. Ce n'est pas non plus une question de foi au sens kantien du terme, Glauben,dissociée du connaître, Wissen, mais une question d'analyse fondée dans une réalité objective quis'impose à nous dans l'expérience depuis environ quarante siècles, le peuple hébreu, fait entre lesfaits. La finalité de la Création se réalise d'une manière germinale en celui qui s'appelait lui-même le fils de l'Homme (hébreuben adam) et qui est l'Homme véritable uni à Dieu véritable.

Si même l'humanité n'était pas devenue criminelle, ce que de fait elle est devenue, d'unemanière atroce et de plus en plus atroce, en toute hypothèse celui que nos amis paléontologistes

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appellent avec trop de bienveillancehomo sapiens sapiensn'était pas l'Homme véritable uni à Dieuque Dieu envisage depuis l'aujourd'hui de son éternité. Celui que les paléontologistes appellenthomo sapiens sapiens, c'est celui-là que Paul appelle paléo-anthropien (Romains 6, 6 ; Éphésiens

4, 22 ; Colossiens 3, 9). Et par conséquent la raison d'être de celui qui s'appelle lui-même le benadam, qui appelle Dieu mon père et que Dieu appelle mon fils, n'est pas seulement de réparer lafaute originelle. La raison d'être du Christ est beaucoup plus que cela puisque c'est en lui, aveclui, par lui, que Dieu unique et incréé, crée l'Homme véritable tel qu'il l'envisage depuisl'aujourd'hui de son éternité, et c'est en lui, par lui, avec lui, que nous pouvons devenir, aprèstransformation, après métamorphose, par une naissance d'en haut, conformes à celui qui est le filsde l'Homme et le fils de Dieu. La raison d'être du Christ est donc beaucoup plus que laRédemption. À la suite d'Origène d'Alexandrie chez les Grecs, et de saint Augustin chez lesLatins, nombre de docteurs se sont représentés la Rédemption comme un retour à l'origine ou auxorigines. La Rédemption est beaucoup plus que cela, puisqu'elle est, selon l'expression de saintPaul, création de l'Homme nouveau en nous (2 Corinthiens 5, 17 ; Galates 6, 15 ; Éphésiens 2, 15

; 4, 24).À la suite de saint Augustin, Luther et Calvin, puis le jansénisme, ont accrédité le système

réparateur. À la suite de saint Paul, Irénée de Lyon, dans son grand Traité contre les gnostiques,puis le bienheureux Jean Duns Scot, puis saint Jean de la Croix et sainte Thérèse d'Avila, puisMaurice Blondel et le Père Teilhard, ont mis en relief de nouveau que le Christ est celui en quiDieu crée l'Homme nouveau et véritable et qu'en lui se réalise la finalité ultime de la Création,par la transformation du vieil homme, du paléo-anthropien.

De ce point de vue on aperçoit aussi combien les sciences de l'Univers et de la nature,depuis le XIXe siècle, nous ont aidés à mieux comprendre la doctrine chrétienne, l'essence duchristianisme, puisque les sciences de la nature et de l'Univers nous ont permis de découvrir les

étapes de la Création, les étapes de la cosmogénèse, de la biogenèse, de l'anthropogenèse, et ainsinous ont délivrés du sinistre cycle gnostique, de ce que déjà des textes fort anciens appelaient letriste cycle lassant des chutes dans la matière, des métensomatoses (kuklos tès geneseôs). Nousvenons à peine d'émerger grâce aux sciences expérimentales du schéma cyclique orphique et puisgnostique. Il n'est pas étonnant que ceux qui les premiers ont découvert la vision positive etexpérimentale de l'irréversibilité aient été violemment combattus par les tenants du vieux jansénisme ; je pense à Bergson, à Blondel, à Teilhard. Les sciences expérimentales nous ontaidés à mieux comprendre la doctrine chrétienne, en nous découvrant l'histoire de la Création.Elles ont donc contribué à ce que Newman a appelé le développement dogmatique. Le fait est queles théologiens appartenant à l'école janséniste ne se sont guère intéressés à l'histoire de laCréation. Ils ne la connaissaient pas. Ils ont pensé le christianisme en termes de retour et de

châtiment. Ils ont tout naturellement pensé la raison d'être du Christ en termes exclusivement deRédemption et de restauration. Ils étaient, ils sont augustiniens.

Le fond de l'affaire, c'est bien la question de savoir si la Création a été achevée, dans lepassé, ou bien si elle sera achevée dans l'avenir.

Genèse 2, 1 : Et ils ont été achevés, les cieux et la terre, et toutes leurs armées. Et il aachevé, Dieu, au jour septième, son œuvre qu'il a faite et il s'est reposé, au jour septième,de toute son œuvre qu'il a faite. Et il a béni, Dieu, le jour septième et il l'a consacré parcequ'en lui il s'est reposé de toute son œuvre, qu'il a créée, Dieu, pour [la] faire.

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C'est probablement à partir de ce texte qu'argumentent les adversaires du Rabbi lorsquecelui-ci guérit un malade

 Jean 5, 8 : Il lui a dit Ieschoua : Lève-toi, prends ton lit et marche. Et voici qu'il a étéguéri, l'homme et il a pris son lit et il s'est mis à marcher. C'était schabbat ce jour-là. Etalors ils ont dit, les Judéens, à celui qui avait été guéri : C'estschabbat et il ne t'est paspermis de porter ton lit... Et c'est pourquoi ils poursuivaient, les Judéens, Ieschoua, parceque cela il l'a fait dans le schabbat. Et alors Ieschoua, il leur a répondu : Mon père jusqu'à maintenant il agit, et moi aussi j'agis...

Le Rabbi enseigne donc que Dieu continue d'agir, d'opérer, de créer, et que lui, le fils del'Homme, il coopère. Il corrige donc, sur ce point, le texte de Genèse 2, 1. Non seulement laCréation est continuée, mais la Révélation, elle aussi, est continuée.

À cette représentation qui s'exprime (Genèse 2,1), est venue se superposer, beaucoup plus

tard, au début de notre ère, la conception platonicienne selon laquelle tout est donné dansl'éternité. La perfection, la plénitude, est dans le passé.

Si la Création a été achevée tout entière dans le passé, aux origines, alors le rôle, lafonction, la raison d'être du Maschiah, c'est seulement de réparer le mal qui a été commis, derestaurer la condition initiale, de revenir au point de départ. C'est plus ou moins la représentationqui a dominé depuis Origène d'Alexandrie et saint Augustin. C'est ce que saint Augustin appellelarestauratio. 

Si au contraire la Création n'a pas été achevée aux origines, dans le passé, mais si elle seraachevée, dans l'avenir, au terme de l'histoire de la Création, alors la raison d'être du Maschiah estbeaucoup plus que la réparation, la Rédemption, la restauration. Alors la raison d'être duMaschiah, c'est de coopérer à l'achèvement de la Création, à la création de l'Homme nouveau et

véritable par son existence même, puisqu'il est le Germe de la nouvelle création, et par sonenseignement, puisqu'il communique l'Information créatrice nouvelle qui le constitue Germe.

C'est le point de vue et la perspective de Schaoul-Paul, qui sera suivi par saint Irénée deLyon et bien d'autres à travers les siècles.

Cela fait deux présentations du christianisme qui sont évidemment opposées l'une à l'autre,d'où la violence des controverses.

Ceux qui avaient tendance, et qui ont encore aujourd'hui tendance, à substituer l'action,l'agir, du logos de Dieu, considéré comme un individu divin, à l'action, à l'agir de l'Hommevéritable uni à Dieu, l’assumptus homo, — ceux-là avaient aussi tendance, et ils ont encoretendance, à supposer que la Création a été achevée, terminée, dans le passé, aux origines et ilsn'aiment guère la notion de Création continuée. Lorsqu'ils l'ont rencontrée, plus tard, chez Henri

Bergson, ils ne l'ont pas reçue. La raison d'être du Christ, à leurs yeux, est principalement, pourne pas dire exclusivement, la réparation, la restauration, la Rédemption. La perfection, laplénitude, est aux origines. Ils sont sous la mouvance du schéma platonicien, comme l'étaientOrigène, Apollinaire de Laodicée et Cyrille d'Alexandrie.

À propos de ce que, depuis saint Augustin, on appelle péché originel (latin peccatumoriginale), il convient d’observer qu’ on a superposé aux textes hébreux Genèse 1, 2 et 3, desthèmes platoniciens et gnostiques, et qu'on a lu ces anciens textes hébreux à travers un systèmeoptique qui lui était totalement étranger, le système gnostique associé au système platonicien.

Genèse 1, 2 et 3 parlent de la création de l'Homme, tout comme un zoologiste et unpaléontologiste parlent de l'apparition de l'Homme. Genèse 3 expose que l'Homme a eu accès à la

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connaissance réfléchie et qu'il est ainsi entré dans une zone de haut risque, ce que nous vérifionsaujourd'hui. Il n'est pas question de chute dans ces textes, contrairement à ce que disent nombrede commentaires depuis vingt siècles. Ces textes ont été lus à travers le mythe archaïque de l'âge

d'or originel, selon lequel la perfection, la plénitude, était à l'origine ou aux origines. Genèse 1, 2et 3 ne disent rien de tel. Ils disent que l'homme a commencé par vivre de cueillette, ce quisemble vraisemblable. Tout ce que nous savons aujourd'hui des origines humaines et du longprocessus de l'anthropogenèse, qui se poursuit pendant plusieurs millions d'années, nous montrequ'il n'y a pas eu d'âge d'or dans le passé. Aussi loin que nous remontions dans l'histoire et dans lapréhistoire de l'humanité, nous trouvons des guerres et des massacres. Et avant l'apparition del'homme, nous découvrons les programmations transmises génétiquement et inscrites dans lepaléo-cortex qui expliquent ces guerres et ces massacres. La différence fondamentale entrel'homme et l'animal qui le précède dans le temps, c'est le fait que l'homme a eu accès à laconnaissance réfléchie et qu'ainsi il est plus cruel que le plus cruel des fauves.

 Toute l'affaire est là. Selon le christianisme orthodoxe, celui des Écritures, la perfection, la

plénitude, l'achèvement de la Création ne se trouvent pas dans le passé, en arrière de nous, auxorigines, — mais dans l'avenir, au terme de l'histoire de la Création. Il n'y a donc jamais eu d'âged'or dans le passé. La raison d'être du Christ n'est pas de nous faire retourner aux origines, dans lepassé, à un âge d'or qui n'a jamais existé, mais de créer l'humanité nouvelle, qui est l'humanitévéritable, laquelle est en cours de réalisation. Le Christ n'est pas seulement rédempteur. Il estbeaucoup plus que cela. I l coopère à la création de l'Homme nouveau et véritable qui est réaliséeen lui-même d'une manière germinale. En Orient sous l'influence d'Origène d'Alexandrie, enOccident latin sous l'influence de saint Augustin, le schéma gnostique de la chute et du retour alargement dominé chez les théologiens. On a même vu des théologiens comme saint Grégoire deNysse, disciple d'Origène d'Alexandrie, expliquer dans son livre de la Création de l'Homme, quesans le péché originel, tel qu'il se le représentait, l'union physique de l'homme et de la femme

n'aurait pas existé. À quoi maître Thomas répond sagement,Sum. theol. I, qu. 98, a. 2, resp. :

Sed hoc non dicitur rationabiliter. Dire cela, ce n'est pas raisonnable. Ea enim quze suntnaturalia homini neque substrahuntur neque dantur homini per peccatum. Ce qui estnaturel à l'homme, ce qui fait partie de sa nature, cela n'est ni ôté ni ajouté par le péché.

Ce qui revient à dire que l'enfant qui vient de naître sort des mains du Créateur. C'estd'ailleurs ce que dit le Maître,

Matthieu 18, 10 : Voyez à ne pas mépriser un seul de ces petits. Car je le dis à vous :Leurs messagers dans les deux continuellement voient la face de mon père qui [est] dans

les deux...

Sous l'influence d'Origène d'Alexandrie, pour les Pères de langue grecque, en Orient, et desaint Augustin, pour les docteurs latins, en Occident, c'est-à-dire sous l'influence de l'antiqueschéma cyclique inhérent à la plus ancienne métaphysique grecque, nous avons eu trop souventtendance à penser et à formuler le christianisme à l'intérieur de ce schéma cyclique qui en réaliténe lui convient pas.

Sous l'influence d'autres schémas archaïques, nous avons eu trop tendance pendant dessiècles à penser les problèmes en termes de punition ou de châtiment, alors qu'il s'agit en réalitéd'un problème métaphysique, qui est celui de la Création et des conditions ontologiques de la

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réalisation du dessein créateur à l'intérieur d'une création qui se poursuit depuis des milliardsd'années et qui est encore inachevée.

Nous avons eu trop souvent tendance à penser en termes juridiques un problème de

métaphysique, qui est un problème d'ontogenèse. À quelles conditions l'Unique incréé peut-ilréaliser la création d'un être qui soit pour lui-même un vis-à-vis, un autre lui-même, capable deprendre part à la vie personnelle de l'Unique incréé ?

C'est ce problème que Maurice Blondel a traité longuement pendant une vie de travail etplus profondément qu'un autre : le problème capital de la métaphysique chrétienne.

Dans les systèmes d'Origène d'Alexandrie et de saint Augustin, on ne voit pas, on n'aperçoitpas la finalité de la Création. La Création est posée achevée d'un seul coup, suivie d'une chute, etd'un retour au point de départ. Le terme est identique au commencement. Le Christ est seulementou exclusivement réparateur.

Nous, en fin du XXe siècle, nous commençons à apercevoir la finalité de la Création parceque nous connaissons l'histoire de la Création, qui procède par étapes, depuis environ vingt

milliards d'années. Nous voyons nettement que le peuple hébreu est une étape dans l'histoire de laCréation, la création d'un nouveau type d'humanité. Et nous voyons clairement que celui quis'appelle lui-même le fils de l'Homme, qui appelle Dieu mon père, et que Dieu appelle mon fils,est l'Homme nouveau et véritable que Dieu visait depuis les origines de la Création. Il est legerme et le but visé depuis les origines. Il n'est pas seulement réparateur ni seulementrédempteur. Il est beaucoup plus que cela. Il est celui par qui, en qui, avec qui, Dieu réalise sonœuvre suprême(summum opus Dei), la création de l'homme nouveau et véritable uni à Dieu sansmélange et sans confusion depuis le premier instant de la création de son âme humaine créée,avec le consentement de Mariam, qui a été préparée, pré adaptée pour consentir à ce que lesummum opus Dei soit réalisé en elle.

Ce que depuis des siècles on appelle le messianisme, — expression formée à partir du mothébreu maschiah, celui qui a reçu l'onction royale, sacerdotale et prophétique —, est au fond laquestion de la finalité de la Création.

Il est évident que dans toute l'histoire du prophétisme hébreu, depuis Abraham, il existe unregard qui se porte sur ou vers la finalité ultime de la Création.

 Jean 8, 56 : Abraham votre père s'est réjoui de voir mon jour et il l'a vu, et il s'estréjoui...

S’il n'y a pas de Création, comme le pensent Spinoza, Fichte, Karl Marx Heidegger et biend'autres, alors il n'y a pas de finalité de la Création. Ceux qui pensent que la Création a été

achevée au début, aux origines, dans le passé, ne regardent guère du côté de l'avenir pour ychercher une finalité.

Ceux qui estiment que la finalité de la Création se réalise sur cette terre-ci (be-ôlam ha-zeh)dans la durée du monde présent, n'attendent qu'une organisation raisonnable des sociétéshumaines. Leur point de vue se limite à l'ordre politique.

La conception chrétienne du messianisme, duMaschiah, est parfaitement claire et définie :leMaschiahest le Germe de la nouvelle création, qui sera la Création définitive.

Le Germe contient en lui l'information créatrice nouvelle qui est nécessaire pour réaliserl'humanité nouvelle qui sera l'humanité définitive. Il convient donc de distinguer deux temps : 1.Le temps de la communication de l'information créatrice nouvelle qui se trouve dans le Germe. 2.Le temps de la croissance de l'arbre, de la communication de l'information créatrice à l'humanité

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entière, le levain dans la pâte, la transformation progressive de la vieille humanité animale enhumanité nouvelle et véritable.

La malkouta di-schemaiia (le royaume, le règne des cieux = de Dieu) n'est donc pas

achevée avec la communication du Germe. Elle commence son développement.Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que le règne de Dieu ne soit pas venu immédiatement,

d'un seul coup.La formule, la définition de l'anthropologie chrétienne a été donnée par Grégoire de

Nazianze, Grégoire le théologien : zôon theoumenon. L'homme est un animal divinisable. C'est unanimal, évidemment, par son anatomie, sa physiologie, sa neurophysiologie, sa biochimie, lesprogrammations animales transmises génétiquement et inscrites dans le paléo-cortex. Il apparaîtau terme de l'histoire naturelle, le dernier, avec son énorme cerveau, cent ou deux cents milliardsde neurones.

C'est un animal divinisable, c'est-à-dire appelé à une transformation, à une métamorphose,qui le rende apte à prendre part à la vie personnelle de Dieu. Le Christ est le premier-né de cette

nouvelle et ultime création. La création de l'homme nouveau est effectuée ou réalisée dansl'Homme nouveau et véritable uni à Dieu depuis le premier instant de la création de son âmehumaine créée, — la création de l'homme nouveau et l'union sans mélange et sans confusion àDieu unique incréé. C'est pourquoi il est permis de dire que Mariam esttheotokospuisque l'enfantqu'elle a enfanté n'est pashomo solitarius, un homme seulement, maisMe homo vero unitus Deo,mais cet homme uni à Dieu depuis le premier instant de la conception. Cet être que Mariam aenfanté, c'est l'Homme véritable uni à Dieu véritable. Si l'on retourne la proposition, on a le droitde dire qu'elle a enfanté Dieu uni à l'homme, ou, en abrégé, qu'elle est mère de Dieu, — uni àl'homme, qui s'est uni l'homme.

Nous, nous naissons avant la transformation, avant la métamorphose, avant la nouvellenaissance. Et donc nous avons à effectuer cette transformation, cette métamorphose, cette

nouvelle naissance. Nous naissons donc dans un état qui précède la nouvelle naissance, tandisque l’assumptus homo, lui, naît nouveau et uni à Dieu depuis sa propre conception. C'estpourquoi il est le premier-né de la nouvelle et définitive création.

La Création s'achève ou s'achèvera par ce que le livre de Daniel (IIe siècle avant notre ère)appelle malkouta di-schemaiia, grec basileia ton ouranôn, le royaume, le règne, la royauté descieux [=de Dieu], expression reprise par Matthieu 3, 2 ; 5, 3 ; 5, 14; 5, 19 ; 5, 20; etc. Marc 1, 15;4, 11; 9, 1; etc. Luc 4, 43 ; 6, 20 ; 7, 28 ; etc. Jean 3, 3 ; 3, 5.

Après les grands empires qui se succèdent, vient le royaume, le règne, la royauté des cieux[=de Dieu].

Il est bien évident que la création d'une humanité nouvelle et sainte implique et requiert quel'homme consente à cette destination, qu'il ratifie le don de sa propre création ; qu'il coopère

activement et intelligemment à sa propre création ; qu'il consente à la métamorphose qui lui estproposée, à la création de l'homme nouveau en lui, et qu'il coopère activement et intelligemmentà cette métamorphose, à cette création de l'homme nouveau.

Pourquoi ? Parce que l'être appelé ou invité à être be-tzelem elohim, Genèse 1, 26 ; 1, 27,dans [la condition] de statue [visible] du Dieu invisible, ne peut pas se contenter de recevoir d'unemanière purement passive le don de la Création et le don de la participation à la vie de l'Uniqueincréé.

Parce que s'il se contentait de recevoir d'une manière purement passive le don de laCréation et le don de ce que les Pères de langue grecque ont appelé la theiôsis, la divinisation, —alors il ne serait pas be-tzelem elohim. Il serait une contrefaçon, une poupée fabriquée par les

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dieux, comme le dit Platon, Lois, 1, 644 d ; VII, 803, c, theou ti paignion einaimemèchanèmenon. 

Une poupée fabriquée ou machinée par les dieux, voilà justement ce que l'homme n'est pas,

selon le monothéisme hébreu.Ce que, depuis le rouleau de Daniel, on appelle lamalkoutades cieux ou de Dieu (Daniel 2,

44 ; 33 ; 4, 31 ; 7, 14 ; Psaume 145, 13 etc. ; expression reprise en traduction grecque Matthieu 3,2 ; 17 ; 10, 7 ; 5, 3 ; etc. Marc 1, 15 ; 4, 11 ; 9, 1 ; etc. Luc 4, 13 ; 6, 20 ; 9, 2 ; etc. Jean 3, 3 ; 3,5), c'est la nouvelle humanité, l'humanité sainte, façonnée, formée, informée par la sainte Torah, créée nouvelle. C'est l'humanité véritable qui a franchi décidément le pas qui la sépare del'humanité animale dont parle Paul (1 Corinthiens 2, 14).

Nous savons maintenant en fin du XXe siècle que l'histoire de l'anthropogenèse s'effectue ouse réalise par étapes. Nous avons sous les yeux, sous forme de fossiles, les traces de ces étapes del'anthropogenèse qui s'effectue durant plusieurs millions d'années. Celui, le dernier venu, que nos

amis paléontologistes appellent avec une bienveillance coupable homo sapiens sapiens, c'estcelui-là que Paul appelle le paléo-anthropien (grec ho palaios anthrôpos, Romains 6, 6 ;Éphésiens 4, 22 ; Colossiens 3, 9).

Ce que l'on appelle en araméen malkouta di-sche-maiia, traduction grecque basileia tonouranôn, le règne ou le royaume des cieux, c'est-à-dire de Dieu, c'est la nouvelle humanité saintequi succède aux Empires de ce monde de la durée présente, l'humanité véritable que vise leCréateur depuis les origines ou avant les origines de l'Univers. Cette nouvelle humanité estconstituée, formée, informée, par une nouvelle programmation, dont on trouve la formule dansces quatre documents, ces quatre cahiers de textes, que les traductions françaises appellent lesÉvangiles, et dans quelques lettres de Pierre, Jean, Jacques et Paul.

Pour entrer dans l'économie de cette nouvelle création qui est la Création définitive,

certaines conditions sont requises, dont on trouve l'expression, par exemple Matthieu 5, 3 et sq. Ilne s'agit pas ici, il n'est pas question de châtiments ni de punitions. Il existe des conditionsobjectives qui sont requises pour que l'homme animal, le vieil homme, le paléo-anthropien, queles paléontologistes appellent homo sapiens sapiens, entre dans l'économie de cette nouvellecréation, de cette nouvelle et ultime étape de la Création. Si ces conditions ne sont pas réalisées,l'homme ne prend pas part à la nouvelle création.

La différence fondamentale entre cette étape, la dernière, et les précédentes, c'est que dansles étapes précédentes ou antérieures de l'anthropogenèse, le Créateur communique librement desmessages génétiques nouveaux ; il augmente de l'intérieur le message génétique ; il accroît laquantité et la qualité de l'information. La création des divers préhominiens s'effectue parcommunication d'information tout comme la création de tous les groupes zoologiques antérieurs.

Avec la dernière étape de la création de l'Homme, nous changeons de régime, parce quel'Homme est un animal qui a franchi le seuil de la connaissance réfléchie et que désormais il doitcoopérer activement et intelligemment à sa propre genèse ou création. Il doit porter fruit. Il doitnaître nouveau. Il doit effectuer une transformation, une métamorphose, pour devenir réellementun Homme, be tzelem elohim. 

À partir de quand, dans l'histoire naturelle, un être est-il capable de prendre part à la vie dela durée du monde qui vient, olam ha-bah, c'est-à-dire à la vie de Dieu ? À partir de quel momentdans l’histoire de l'anthropogenèse un être est-il capable, par nature ou par création, de recevoirpar grâce le don de la participation à la vie de l'Unique ? À partir de quel moment un être est-ilcapable de la sainteté ? Une condition requise, c'est qu'il ait franchi le seuil de la conscienceréfléchie et qu'il soit capable de ratifier le don de la Création, de coopérer activement et

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intelligemment au don de la Création, qu'il puisse consentir librement à la nouvelle naissance, àla création de l'Homme nouveau en lui, et qu'il puisse coopérer librement, activement etintelligemment, à la création de l'Homme nouveau en lui, afin de devenir be-tzelem elohim. 

Pour le Rabbi, la malkouta di-schemaiia, le règne ou royaume des cieux, c'est-à-dire deDieu (hébreumalkout schamaïm) commence avec Abraham, Isaac et Jacob :

Matthieu 8, 10 : Amen [en hébreu dans le texte grec] je le dis à vous, chez aucun homme je n'ai trouvé une telle certitude de la vérité en Israël. Et je le dis à vous : Ils sontnombreux ceux qui viendront du côté du Levant et du côté du Couchant et ils s'étendrontpour manger avec Abraham et Isaaq et Iaaqôb dans le royaume des cieux...

Luc 13, 28 : Lorsque vous verrez Abraham et Isaaq et Iaaqôb et tous les prophètes dansle royaume ou le règne de Dieu... Et ils viendront du Levant et du Couchant et du Nord

et du Midi et ils s'étendront pour manger dans le royaume ou le règne de Dieu...

Cependant le Rabbi marque une étape nouvelle dans la genèse de lamalkouta di-schemaiiaà propos de Iohanan, l'ascète du désert de Juda qui plongeait les pénitents dans les eaux du Jourdain.

Luc 7, 26 : Mais qu'est-ce que vous êtes allés voir ? Un prophète ? Oui, je le dis à vous,et plus encore qu'un prophète. C'est lui qui est celui dont il est écrit : [Malachie 3, 1] Mevoici qui envoie mon messager et il va déblayer la route devant ma face et tout d'un coupil viendra dans son Temple, le seigneur que vous, vous recherchez et le messager del'alliance que vous, vous désirez. Voici qu'il vient, — a dit YHWH des armées. — Et je

le dis à vous : Plus grand parmi les enfants des femmes, que Iohanan, personne ne l'est.Et le plus petit dans le règne de Dieu est plus grand que lui.

Matthieu 11, 11 : Amen [en hébreu dans le texte grec], je le dis à vous : il ne s'est paslevé parmi les enfants des femmes plus grand que Iohanan qui plonge [les pénitents dansles eaux]. Et le plus petit dans lamalkouta di-schemaiiaest plus grand que lui...

La question du salut et de la perdition n'est pas du tout un accident, ne survient pas du toutcomme un accident dans l'histoire de la Création et de l'humanité. Elle est inhérente au desseincréateur qui se réalise dans celui qui est l'Homme véritable uni à Dieu. La réalisation de cedessein implique de la part de l'être créé un consentement, une coopération active, une

fructification. Aussi bien celui qui s'appelle lui-même le fils de l'Homme a-t-il été soumis à uneépreuve rapportée par Matthieu 4, 1 ; Marc 1, 12.

Le dessein créateur de Dieu ne se termine pas à une poupée mécanique ni à unemarionnette, mais à une liberté sainte unie à la liberté incréée de l'Unique, comme l'a défini le VIe concile œcuménique. Il n'est donc pas possible de supposer que l'homme créé reçoive d'unemanière purement passive le don de la vie surnaturelle qui lui est proposé. Une possibilité d'échecest donc impliquée dans le dessein créateur. Il ne s'agit pas ici de punition ni de châtiment. Nousne sommes pas au jardin d'enfants. Il s'agit des conditions requises pour que l'homme créé puisseprendre part à la vie personnelle et éternelle de Dieu. Ces conditions objectives ne sont pasfacultatives ni arbitraires. Ce sont les conditions de la genèse, de la création d'un être capable deprendre part à la vie personnelle de l'Unique incréé. Ce n'est pas un problème juridique. C'est un

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problème ontologique. Ceux qui méconnaissent la finalité ultime de la Création qui se réalisedans leben adam, méconnaissent aussi les conditions objectives et ontologiques de la réalisationde cette finalité et ils ramènent toute l'affaire à une question d'obéissance, de désobéissance, de

faute et de punition.Parce que la Création ne peut s'achever que par la coopération active, libre et intelligente de

l'homme créé, il n'est même pas certain ni évident que le tout finira bien, que la Création réussira.C'est le Rabbi qui le dit.

Luc 18, 8 : Mais le fils de l'Homme, lorsqu'il viendra, est-ce qu'il trouvera la certitude dela vérité (hébreuémounah,grecpistis) sur la terre ?

Ce n'est pas certain, ce n'est pas évident, parce que tout dépend de la liberté humaine crééequi coopère ou qui ne coopère pas, qui coopère librement à la Création ou qui détruit la Création.

L'avenir est donc imprévisible pour nous et nous ne pouvons pas mesurer le temps qui reste

à la Création pour être achevée, parce que cela dépend de l'activité, de la coopération active,libre, intelligente, de l'Homme dans la suite des temps.

Le très ancien et très célèbre problème des rapports ou des relations entre la prescience deDieu et la liberté de l'homme repose sur ce fait : le but, la finalité ultime de la Création, c'est uneliberté sainte qui coopère activement à l'œuvre de la Création et de la divinisation. C'est cetteliberté sainte qui est réalisée dans celui qui est l'Homme véritable uni à Dieu, VIe concileœcuménique, 681.

Pourquoi faut-il donc que l'homme soit soumis à ce risque de perdition ? Tout simplementparce que l'homme est appelé, ou invité, ou destiné à prendre part à la vie personnelle de l'Uniqueincréé, et que cette destination ne peut pas se réaliser si l'homme créé ne consent pas à cette

destination, s'il n'y coopère pas activement, librement, et intelligemment. La Création ne setermine pas au gorille, ni à l'australopithèque, ni même à celui que nos amis paléontologistesappellent homo sapiens sapiens. La Création se termine à celui qui est l'Homme véritable uni àDieu, c'est lui qui est la statue (grec eikôn, hébreu tzelem) de Dieu (2 Corinthiens 4, 4) ; la statue(eikôn, tzelem) du Dieu invisible, le premier-né de toute la Création (Colossiens 1, 15).

Si l'on considère cet être en qui, par qui, avec qui se réalise l'union de l'Homme nouveaucréé à Dieu unique et incréé, l'intelligence discerne évidemment deux libertés, deux volontés,deux opérations : la liberté créatrice de l'Unique incréé, et la liberté créée de l'Homme ; la volontéde l'Unique incréé, et la volonté de l'Homme ; l'opération de l'Unique incréé, et l'opération del'Homme (Concile du Latran, 31 octobre 649 ; concile de Constantinople, III ; VIe concileœcuménique, 16 septembre 681).

Paul interprète Genèse 1, 26 et 1, 27 comme un texte prophétique :

Genèse 1, 26 : Et il a dit, Dieu : Faisons de l'homme (hébreu adamsans article, grecanthrôpon) dans [la condition de] statue (hébreu tzelem, greceikôn) qui soit notre statue,statue de nous (hébreu be-tzalmenou, grec kat' eikona hèmeteran) comme uneressemblance de nous (hébreu ki-demoutenou, grec kath' homoiôsin) et qu'ils dominent[au pluriel, ce qui prouve que pour l'auteur de ce texte l'hébreu adamn'est pas un nompropre] sur le Poisson [au singulier] de la mer et sur l'Oiseau [au singulier] des deux etsur le Bestiau [au singulier]...

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Genèse 1, 27 : Et il a créé, Dieu, l'Homme (hébreu ha-adam, avec l'article, grec tonanthrôpon) dans [la condition de] statue de lui (hébreu be-tzalmô, grec kat' eikonatheou). Dans [la condition de] statue de Dieu (hébreu be-tzelem elohim, grec kat' eikona

theou), il l'a créé. Mâle et femelle il les a créés, eux.

De nouveau on observe que pour le rédacteur de ce texte, ha-adamn'est pas un nom propresignifiant un individu singulier.

Genèse 1, 28 : Et il les a bénis, Dieu, et il leur a dit : Portez fruit et multipliez-vous etremplissez le pays...

Genèse 1, 29 : Et il a dit, Dieu : Voici que je vous ai donné...

Dans sa première lettre aux Corinthiens, probablement contre Philon d'Alexandrie qui

prétendait le contraire, Paul explique que l'Homme dont il est question Genèse 2, 7 :

1 Corinthiens 15, 45 : Et il a formé, YHWH, Dieu, l'homme (hébreuha-adam, grec tonanthrôpon) poussière prise de la terre et il a insufflé dans sa narine un souffle de vie, et ila été, l'homme, une âme vivante (hébreu le-nephesch haiiah,greceis psuchèn zôsan). 

— Paul explique que l'homme dont il est question ici, le premier homme, celui que Paulappellepsuchikos, est bien une âme vivante. Mais l'homme qui viendra après (grec ho eschatosadam— le traducteur de la lettre de Paul laisse le mot hébreuadamdans le texte de la traductiongrecque), il sera un esprit vivifiant.

Et Paul ajoute, probablement contre Philon d'Alexandrie :

Mais il n'est pas premier, le spirituel (grecto pneumatikon), mais c'est l'hommenepheschhaiiahqui est premier, et ensuite seulement viendra l'homme spirituel (to pneumatikon).Le premier homme (grecho prôtos anthrôpos) il est issu de la terre, il est poussière. Et ledeuxième homme, il vient des cieux [=de Dieu]... Et comme nous avons porté la statue(grec eikôn, hébreu tzelem) de [l'homme] issu de la poussière, nous porterons aussi lastatue (greceikôn) de [l'homme] qui vient des cieux [=de Dieu].

Celui que nos amis paléontologistes appellent homo sapiens sapiens, c'est celui-là que Paulappelle paléo-anthropien, ho palaios anthrôpos, Romains 6, 6 ; Éphésiens 4, 22 ; Colossiens 3, 9,avec ses vieilles programmations animales déchaînées, comme nous les voyons à l'œuvre plus

que jamais en cette fin du XXe siècle.

L'une des erreurs de ce qu'on a appelé l'humanisme moderne a été de s'imaginer que celuique les paléontologistes appellent aujourd'hui homo sapiens sapiens, est l'homme terminal,l'homme achevé, l'homme pleinement homme et qu'il n'y a rien à ajouter, rien à transformer, qu'iln'y a pas de métamorphose à attendre ni de nouvelle naissance.

C'est sur ce point que porte le désaccord fondamental entre ce qu'on a appelé l'humanisme,et le christianisme.

C'est une erreur toujours actuelle. L’homo sapiens sapiens n'était pas le but ultime de laCréation. Il fallait regarder plus loin, dans l'avenir de l'histoire humaine, plus haut et ailleurs quedans les couches fossilifères.

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Ce que l'on a appelé l'humanisme de la Renaissance était en somme un aplatissement, unretour au platonisme et au néo-platonisme, c'est-à-dire à des philosophies selon lesquelles laperfection, la plénitude, est dans le passé, aux origines.

Genèse 3, contrairement à l'interprétation de tendance gnostique dominante depuis Origèned'Alexandrie chez les Grecs, et Augustin chez les Latins, n'enseigne pas une chute. Genèse 3enseigne l'une des conditions de réalisation du dessein créateur. Il faut que l'être créé, l'animalhumain, franchisse le seuil de la connaissance réfléchie, afin que ce dessein puisse se réaliser : lacréation d'un être qui puisse se tenir en face de Dieu et lui parler face à face(panim el panim).C'est ainsi que l'a compris saint Irénée de Lyon dans son grand Traité contre les gnostiques,Advenus Haereses, IV, 38. Pour que l'homme créé puisse consentir librement à la destinée qui luiest proposée et y coopérer activement, il faut qu'il ait franchi le seuil de la connaissance réfléchie,ce que la vieille langue hébraïque appelait la distinction du bon et du mauvais.

La formule de la finalité ultime de la Création est donnée, Jean 17, 21 :

Afin que tous ils soient un, comme toi, père, [tu es] en moi et moi [je suis] en toi, afinque eux aussi en nous ils soient un...

C'est la formule de Paul.

1 Corinthiens 15, 28 : Afin qu'il soit, Dieu, tout en tous.

L'immanence réciproque de l'Homme nouveau créé et de Dieu unique et incréé, sansconfusion des personnes ni des natures, sans mélange, tel est, selon les Écritures, le sens et le but,

la finalité de la Création, sa raison d'être.Il est bien évident dans ces conditions, si tel est le but et la finalité ultime de la Création,

que n'importe qui, n'importe comment, en faisant n'importe quoi, ne peut pas devenir participantd'une telle communauté entre Dieu unique et incréé et l'Homme nouveau créé. Il existe donc desconditions ontologiques de réalisation de ce dessein.

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La nouvelle programmation

Si l'on étudie un peu attentivement les quatre Évangiles, on découvre aisément qu'ils

contiennent une nouvelle programmation qui a pour raison d'être, pour finalité, de former,d'informer une humanité nouvelle, qui est en réalité l'humanité véritable, celle qui est vouluedepuis les origines. Cette nouvelle programmation s'oppose point par point aux antiquesprogrammations animales dites reptiliennes qui sont transmises génétiquement et inscrites dans lepaléo-cortex, ces programmations que des chercheurs nous découvrent depuis plus d'un demi-siècle. Les antiques programmations animales portent sur la défense du territoire. Celui quis'appelle lui-même le fils de l'Homme (hébreu ben adam) nous dit lui-même qu'il n'a pas deterritoire :

Matthieu 8, 20 : Les renards, ou les chacals, ont des tanières et les oiseaux des cieux ontdes demeures. Le fils de l'Homme n'a pas où poser sa tête. (Luc 9, 58).

Les antiques programmations animales enseignent ou commandent de répondre àl'agression par l'agression. Le Rabbi enseigne à ne pas répondre à l'agression par l'agression(Matthieu 5, 39 ; 5,44; Luc 6, 27).

Les antiques programmations animales commandent à l'accumulation des richesses, à lathésaurisation. Le Rabbi enseigne la pauvreté voulue, volontaire, libre, Matthieu 5, 3 ; Luc 6, 20.

Les antiques programmations animales commandent à la formation des systèmes de castesaussi bien dans les sociétés animales que dans les sociétés humaines, que ce soit en Inde, enGrèce ou partout ailleurs. Le Rabbi enseigne tout le contraire :

Luc 22, 25 : Les rois des nations païennes dominent sur elles... Quant à vous, il n'en sera

pas ainsi.

Dans la nouvelle création qui est en formation, sous l'action, sous l'influence del'information créatrice nouvelle que lui, le fils de l'Homme, communique de la part de Celui qu'ilappelle son propre père, le système des castes est aboli ; la distinction des races est abolie ; ladistinction des classes est abolie. C'est ce qu'écrira Schaoul, surnommé Paulus le petit (hébreuha-qatan) autour de l'année 50 de notre ère.

Galates 3, 26 : Parce que tous vous êtes fils de Dieu, par la certitude de la vérité (grecpistis, hébreu émounah) dans celui qui a reçu l'onction, Ieschoua. Parce que vous tousqui avez été plongés dans celui qui a reçu l'onction, c'est celui qui a reçu l'onction que

vous avez revêtu. Il n'y a plus désormais ni Judéen ni Grec ; il n'y a plus désormais niesclave ni homme libre ; il n'y a plus désormais ni mâle ni femelle. Car tous vous êtes undans celui qui a reçu l'onction, Ieschoua...

Colossiens 3, 9 : Vous avez dévêtu le vieil homme (grec ton palaion anthrôpon) avectoutes ses actions. Et vous avez revêtu l'homme nouveau, qui est renouvelé pour laconnaissance [de celui qui est] la statue (grec eikôn, hébreutzelem, Genèse 1, 26 ; 1, 27)de celui qui l'a créé.

Genèse 1, 26 : Et il a dit, Dieu : Faisons de l'homme (hébreu : naaseh adam, be-tzalmenou, greckat'eikona hèmeteran).

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Genèse 1, 27 : Et il a créé, Dieu, l'Homme (hébreu et-ha-adam) dans la statue de lui(hébreu be-tzalmô, grec kat'eikona), dans la statue de Dieu il l'a créé (hébreu be-tzelem

elohim bara ôtô, greckat'eikona theou). 

Le grec kat'eikona de Paul (Colossiens 3, 10) traduit donc l'hébreu be-tzelemde Genèse 1,26 et 1, 27. Paul poursuit :

Colossiens 3, 11 : Dans la statue de Celui qui l'a créé, — là où il n'y a plus désormais niGrec ni Judéen ; il n'y a plus circoncision ni prépuce ; il n'y a plus Barbare, Scythe,esclave, homme libre... Mais toutes choses et dans tous les êtres, celui qui a reçul'onction, leMaschiah... 

Le système des castes, des classes, la distinction des races, tout cela est désormais aboli

dans la nouvelle création qui est en cours. Et de fait, si l'on étudie l'histoire de l'Église, qui est lanouvelle création en régime de formation, on voit aussitôt que la question des races, des classes etdes castes ne joue plus aucun rôle et cela depuis les origines. Nous avons donc changé deprogrammation.

Ce que dans notre langage moderne, nous appelons les programmations animales oureptiliennes inscrites dans le paléo-cortex, Schaoul-Paulus dans son langage de rabbin, au milieudu premier siècle de notre ère, l'appelait, dans la traduction en langue grecque de sa lettreadressée à la communauté chrétienne de Colosses (2,18) : nous tès sarkos, la pensée, la mentalité,la manière de penser de la chair. Il faut faire très attention ici que le grecsarx traduit l'hébreubasar qui ne signifie pas ce que signifie le mot français chair aujourd'hui. L'hébreu basar, ou

encore, comme disaient nos maîtres les rabbins du Ie siècle : basar we-dam, signifie et désignel'homme tout entier, la totalité psychosomatique ou psychobiologique, ce que Paul appelle le vieilhomme, le paléo-anthropien (ho palaios anthrôpos), lettre aux Romains 6, 6 ; lettre auxÉphésiens 4, 22 ; aux Colossiens 3, 9.

1 Corinthiens 15, 50 : Voici ce que je dis, frères : chair-et-sang (grec sarx kai aima,hébreu basar we-dam) il ne peut pas hériter le royaume de Dieu... Voici que je vous disun secret : Tous, nous ne nous coucherons pas [pour mourir], mais tous nous seronstransformés...

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Nietzsche

Des philosophes allemands comme Friedrich Nietzsche vont regretter amèrement l'abolitiondu système des castes par ces Judéens, — trois Judéens, comme on sait, et une Judéenne ; J ésusde Nazareth, le pêcheur Pierre, le fabricant de tapis Paul, et la mère de celui qui a été nommé toutd'abord Jésus, appelée Maria(Zur Genealogie der Moral, Werke,éd. Karl Schlechta, II, 796).

Nietzsche déplore que le système des castes de l'Inde soit aboli par ces Judéens, ainsi que lesystème des races. Nietzsche appelle, avec sa délicatesse habituelle, Mischmasch-Mensch, le Tschandala, le hors caste, l'intouchable(Götzen-Dämmerung, 3, éd. cit., II, 980, 981). Nietzschese réfère aux Lois de Manu, proches des débuts de notre ère. Nietzsche vante (Götzen-Dämmerung, 4 ; éd. cit., II, 981) l'Humanité arienne (die arische Humanität), toute pure (ganzrein), toute originelle(ganz ursprünglich).Nous apprenons ce que signifie le concept de sang pur(der Begrif reines Blut). Mais d'autre part, ajoute Nietzsche, il est clair : dans quel peuple la

haine, la haine des Tschandalas'est éternisée contre cette Humanité (l'humanité véritable, c'est-à-dire l'arienne)... De ce point de vue, les Évangiles sont une source de premier rang...

Dans der Antichrist, Nietzsche revient sur la défense et la restauration du système descastes (éd. cit. II, 1227). I l y oppose de nouveau le christianisme aux Lois de Manu (n° 57, pp.1225-1226). Le système des castes, nous dit-il, c'est le Système de la Nature elle-même. Les Tschandala sont de nouveau opposés aux castes des dominants, des guerriers (der Antichrist, éd.cit. II, 1227, 1229, etc.).

Le christianisme, écrit Nietzsche (p. 1229) a été le vampire de l'Empire romain. L'Empireromain n'a pas été suffisamment solide pour résister à la forme la plus corrompue de lacorruption, les chrétiens (p. 1229). C'est la vengeance des  Tschandala (p. 1229). C'est alorsqu'est apparu Paul, la haine des Tschandalacontre Rome devenue chair, devenue génie (p. 1230),

le Judéen, l'éternel Judéen par excellence (allemandder Jude, der ewige Jude)... Ces quelques textes de Nietzsche, glanés parmi beaucoup d'autres, permettent d'entrevoir la

réaction furieuse de la vieille humanité, avec ses antiques programmations animales reptiliennes,à la révolution introduite par le Rabbi qui enseigne, qui communique une nouvelleprogrammation. Nous devons rendre hommage à Nietzsche pour a parfaite clarté avec laquelle ilformule sa haine de a nouvelle programmation, et sa préférence pour le Système des castes et lesLois de Manu.

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Les conditions objectives

Il existe des conditions objectives pour entrer dans le règne des deux, c'est-à-dire de Dieu(araméenmalkouta di-schemaiia, malkout ôlam, Daniel, grecbasileia ton ouranôn). Le Rabbi lesenseigne à plusieurs reprises.

Matthieu 5, 20 : Car je le dis à vous : si elle n'abonde pas votre justice plus que [celledes] lettrés et des perouschim, vous n'entrerez pas dans le règne [ou le royaume] descieux.

Matthieu 7, 21 : Ce n'est pas tout homme qui me dit : Maître, Maître, qui entrera dans lerègne [ou le royaume] des cieux, mais c'est celui qui fait la volonté de mon père [qui est]dans les deux.

Matthieu 18,3: Amèn [en hébreu dans le texte grec], je le dis à vous, si vous ne vousretournez pas et si vous ne devenez pas comme les enfants, vous n'entrerez pas dans lerègne [ou le royaume] des deux.

Marc 10, 15 : Amèn [hébreu dans le texte grec], je le dis à vous : celui qui ne recevra pasle royaume de Dieu comme un enfant, il n'entrera pas dans le royaume de Dieu.

On observe que le traducteur de Matthieu traduit littéralementmalkouta di-schemaiia parroyaume ou règne des deux. Le traducteur de Marc traduit : le royaume ou règne de Dieu.

L'araméen schemaiia et l'hébreu schamaïm, toujours au pluriel, dans ce milieu ethnique et

dans ce temps-là, sont synonymes de Dieu.

Luc 18, 17 : Amèn [hébreu dans le texte grec], je le dis à vous : celui qui ne recevra paslé royaume [ou le règne] de Dieu comme un enfant, il n'entrera pas dans le royaume.

Même observation : le traducteur de Luc rend 1 araméenschemaiia ou l'hébreu schamaïmpar son équivalent : Dieu.

Matthieu 7, 13 : Entrez par la porte étroite Parce qu'elle est large la porte et facile laroute qui conduit à la perdition et ils sont nombreux ceux qui entrent par elle. Combienelle est étroite la porte et resserrée la route qui conduit à la vie et peu nombreux ils sont

ceux qui l'ont trouvée.

Ici, la vie est synonyme de l'expressionroyaumeourègne de Dieu. 

Luc 13, 24 : Combattez pour entrer par la porte étroite, parce qu'ils sont nombreux, jevous le dis, ceux qui chercheront à entrer et ils ne le pourront pas.

Matthieu 18, 8 : Et si ta main ou ton pied est pour toi un obstacle sur lequel tu butes,arrache-le et jette-le loin de toi. Il est bon pour toi d'entrer dans la vie manchot ouboiteux plus que, avec à toi deux mains et deux pieds, d'être jeté dans le feu de la duréeéternelle à venir. Et si ton œil est pour toi un obstacle qui te fait tomber, arrache-le et

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 jette-le loin de toi. Il est bon pour toi d'entrer dans la vie avec un seul œil, plus que, avectes deux yeux, d'être jeté dans lageï ben hinnomdu feu.

La vieille expression hébraïque geï ben hinnom, ou geï hinnom, ou geï benei hinnom, lavallée du fils ou des fils de Hinnom (Josuée 15, 8 ; 18, 16 ; 2 Rois 23, 10 ; Jérémie 2, 23 ; etc.),n'est pas traduite dans la traduction grecque de Matthieu. Elle est seulement transcrite de l'hébreuen caractères grecs, ce qui prouve que cette traduction de l'hébreu en grec n'a pas été faite enpremière intention pour lesgoïm, pour les Grecs, qui ne pouvaient rien y comprendre, mais pourles frères et les sœurs des communautés judéennes de la Diaspora de langue grecque, quiconnaissaient cette expression depuis longtemps et pour qui il n'était pas nécessaire de la traduireen grec.

Marc 9, 43 : Et si elle est un obstacle qui te fait buter et tomber, ta main, coupe-la. Il estbon pour toi d'entrer manchot dans la vie, plus que, avec tes deux mains, de t'en aller

dans lageï ben hinnomdu feu qui ne s'éteint pas. Et si ton pied est pour toi un obstaclequi te fait buter et tomber, coupe-le. Il est bon pour toi d'entrer dans la vie boiteux, plusque, avec tes deux pieds, d'être jeté dans lageï ben hinnom. 

Même observation : la vieille expression hébraïquegeï ben hinnomn'est pas traduite dansle texte grec de Marc. Ce qui prouve que cette traduction n'était pas destinée en premièreintention aux goïm, aux Grecs qui ne pouvaient rien comprendre à cette expression, mais auxfrères et aux sœurs des communautés judéennes de la Dispersion.

Matthieu 19, 17 : Et si tu veux entrer dans la vie, garde lesmitzwot, les commandementsde la Torah. 

Matthieu 19, 23 : Amèn [hébreu dans le texte grec], je le dis à vous : un riche, c'estdifficilement qu'il entrera dans le royaume [ou le règne] des deux [= de Dieu]. J e lerépète : il est plus facile pour le chameau de passer par le trou d'une aiguille que pour leriche d'entrer dans le royaume [ou le règne] de Dieu Et ils ont entendu, ceux quiapprenaient avec lui, et ils ont été stupéfaits fortement et ils ont dit : Mais alors qui peutdonc être sauvé ? Et il a levé les yeux, Ieschoua, et il leur a dit : De la part de 1 homme,ou venant de l'homme (hébreu possible me-ha-adam), cela est impossible. Mais de lapart de Dieu [ou venant de Dieu], tout est possible…

Pourquoi ? Parce que ce qu'on appelle le salut, dans ce milieu ethnique et dans ce temps-la

dans la pensée du Rabbi, c'est en réalité la nouvelle création, la création de l'Homme nouveauSeul Dieu peut créer l'Homme nouveau à partir de 1 homme ancien que Paul appelle aussihomme animal.

Marc 10, 23 : Combien il est difficile pour ceux à qui sont des richesses d'entrer dans leroyaume [ou le règne] de Dieu... Combien il est difficile d'entrer dans le royaume [ou lerègne] de Dieu... Il est plus facile pour le chameau de passer par le trou de l'aiguille quepour un riche d'entrer dans le royaume [ou le règne] de Dieu. Et alors eux, c'estextrêmement qu’ils ont été stupéfaits et ils se sont dit, chacun a son compagnon : Maisalors qui peut être sauve . Et il a levé les yeux sur eux, Ieschoua, et il a dit : De la part de

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l'homme, venant de 1 homme c'est impossible, mais non de la part de Dieu. Car tout estpossible de la part de Dieu.

Luc 18 24 : Combien il est difficile pour ceux à qui sont des richesses d'entrer dans leroyaume [ou le règne] de Dieu. Car il est plus facile pour le chameau de passer par letrou de l'aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume [ou le règne] de Dieu. Et alors ilsont dit, ceux qui ont entendu : Mais alors qui peut être sauvé ? Et lui il a dit : Ce qui estimpossible venant de la part de l'homme est possible de la part de Dieu...

 Jean 3, 1 : Et il était un homme, qui faisait partie de l'école desperouschim, Naqdimônson nom, prince(nasi) des Judéens. C'est lui qui est venu vers lui [Ieschoua] la nuit et illui a dit : Rabbi [en hébreu dans le texte grec], nous savons que c'est de Dieu que tu esvenu enseigner. Car personne ne peut faire ces signes que toi tu fais s'il n'est pas, Dieu,avec lui. Et il a répondu Ieschoua et il lui a dit : Amèn, amèn [en hébreu dans le texte

grec], je le dis à toi : Si quelqu'un ne naît pas d'en haut (hébreu mi-le-maelah) [=deDieu], il ne peut pas voir le royaume [ou le règne] de Dieu...

 Jean 3, 5 : Et il a répondu, Ieschoua : Amèn, amèn, je le dis à toi : Si quelqu'un ne naîtpas de l'eau et de l'esprit, il ne peut pas entrer dans le royaume [ou le règne] de Dieu...Ce qui est né de la chair (grec sarx, hébreubasar) est chair et ce qui est né de l'esprit estesprit...

Ce qui donne en langage moderne : ce qui est issu de l'ordre biologique appartient à l'ordrebiologique. Ce qui est issu de l'Esprit de Dieu appartient à l'ordre de l'Esprit de Dieu. L’hommeest un être inachevé

L'homme naît homme animal. Il est appelé, invité, à effectuer une transformation, unemétamorphose, qui fera de lui un êtrecapax Dei, c'est-à-dire capable par création ou par naturede recevoir par don la participation à la vie personnelle de l'Unique incréé.

C'est la théorie que Schaoul-Paul va développer dans ses lettres.

Le problème est donc très simple. L'Homme est un être inachevé. Il est appelé ou invite àprendre part à la vie personnelle de l'Unique incréé. Pour que cela soit possible, il faut quel'homme consente à une métamorphose, à une transformation, à une nouvelle naissance, à unenouvelle création qui le rende capable de prendre part à la vie personnelle de l'Unique incréé.L'Homme créé pour une telle destination, qui est proprement surnaturelle, ne peut pas secontenter de recevoir passivement le don de la Création, précisément parce qu'il est invité par

grâce à devenir pour Dieu unique un vis-à-vis à qui Dieu puisse parler face à face, panim elpanim. 

Pour réaliser ce dessein, il faut que l'homme consente au don de la Création ; qu'il ratifie ledon de la Création ; qu'il coopère activement et intelligemment au don de la Création ; qu'ilconsente à l'invitation qui lui est adressée ; qu'il ratifie le don de la divinisation qui lui est proposé; qu'il coopère activement et intelligemment à cette métamorphose, à cette transformation, à cettenouvelle naissance d'en haut, à cette nouvelle création que Dieu unique opère en lui.

Parce que s'il ne coopère pas activement et intelligemment, alors il ne sera jamais pourDieu un vis-à-vis à qui il puisse parler face à face.

Il ne suffit donc pas d'être pardonné pour nos fautes. Encore faut-il être capable,ontologiquement, de prendre part à la vie personnelle de l'Unique.

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Ce n'est pas un problème de morale. Ce n'est pas un problème de droit. C'est un problèmed'être.

Matthieu 25, 14 : Parce que c'est comme un homme qui est parti en voyage. Il a appeléses serviteurs et il leur a donné ses richesses. À l'un d'entre eux il a donné cinq kikkar(pluriel kikarim, Exode 25, 39 ; 37, 24 etc. ; traduction grecque talanton, pluriel talanta,poids légal de 26 kg à Athènes au Ve siècle avant notre ère). À l'autre il a donné deuxkikkarim ; à celui-là un seul kikkar. À chacun il a donné selon sa capacité. Et puis il estparti en voyage.

Et aussitôt il est allé, celui qui a reçu cinq kikarimet il les a fait travailler et il a gagnécinq autreskikarim.Et de même celui qui avait reçu deux kikarimles a fait travailler et ila gagné deux autres kikarim. Et celui qui a reçu un kikkar il s'en est allé, il a creusé laterre et il a caché l'argent de son maître. Et après un long temps il est revenu le seigneur

de ces serviteurs et il les a convoqués pour rendre des comptes avec lui. Et il s'est avancécelui qui a reçu le cinq kikarimet il a présenté cinq autreskikarimet il a dit : Voici lescinq autreskikarimque j'ai gagnés. — Et il lui a dit, son maître : Bravo, serviteur bon etde qui on peut être certain (hébreuneeman). Pour peu de choses tu as été tel qu'on peutêtre certain de toi (hébreuneeman).Sur de nombreuses choses je t'établirai. Entre dans la joie de ton maître. — Et il s'est avancé aussi celui qui a reçu deux kikkarimet il a dit :Maître, ce sont deux kikkarimque tu m'as donnés. Voici les deux autreskikarimque j'aigagnés. — Et il lui a dit, son maître : Bravo, serviteur bon et dont on peut être certain.Sur de petites choses tu as été quelqu'un dont on peut être certain, sur de nombreuseschoses je t'établirai. — Et il s'est avancé lui aussi celui qui a reçu un seul kikkar et il a dit: Maître, je te connais. Je sais que tu es un homme dur, tu récoltes là où tu n'as pas semé

et tu rassembles là où tu n'as pas dispersé. Et alors j'ai eu peur et je suis parti et j'ai cachétonkikkar dans la terre. Voici est à toi ce qui est à toi. — Et il a répondu le maître et il luia dit : Mauvais serviteur et paresseux. Tu savais que je récolte là où je n'ai pas semé etque je rassemble là où je n'ai pas dispersé. Il te revenait donc, il t'appartenait de jetermon argent sur les tables des banquiers et alors moi, quand je serais revenu, j'aurais reçuce qui m'appartient avec les intérêts. Enlevez donc à celui-ci le kikkar et donnez-le àcelui à qui appartiennent déjà les dix kikkarim. Car tout homme à qui il est, il sera donnéet il sera dans l'abondance. De celui à qui il n'est rien, même ce qui est à lui, cela lui seraenlevé. Et le serviteur qui n'est bon à rien (peut-être hébreu ha-beliial), jetez-le dehorsdans la ténèbre extérieure.

Ceux qui pendant des siècles et surtout depuis les derniers siècles ont voulu réduire lechristianisme à une affaire de jardin d'enfants (allemandKinder-Garten)avec interdits, punitionset récompenses pour le ridiculiser et le déshonorer, n'y ont rien compris. Il s'agit en réalité d'unproblème d'être : la création par l'Unique d'un être qui puisse se tenir en face de lui et qu'il puisseinviter à prendre part à sa propre vie. Il est évident que cet être ne sera réellement un être que s'ilporte fruit, s'il a la dignité d'être cause, dignitatem causandi, comme l'écrivait saint Thomasd'Aquin, s'il coopère activement et intelligemment à sa propre création, comme l'a montréMaurice Blondel dans l'Être et les êtres. Il s'agit d'un problème d'ontogenèse et non d'unproblème de morale ni de droit.

Et donc le problème du salut et de la perdition se pose d'une manière inévitable. Parce quel'être créé pour cette destination proprement surnaturelle, la participation à la vie de l'Unique

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incréé, ne peut pas être dispensé de consentir librement et de coopérer activement au don de laCréation et de la divinisation.

S'imaginer que l'être créé pour une telle destination puisse recevoir d'une manière purement

passive le don de la Création et le don de la divinisation est une absurdité métaphysique. C'estpourquoi les Pères du concile de Trente, en 1547, ont défini solennellement cette nécessitémétaphysique de la coopération active de l'homme à la grâce qui le sanctifie et donc le divinise :

Si quelqu'un s'avisait de dire que le libre arbitre de l'homme mû par Dieu et excité parDieu ne coopère en rien en accordant son assentiment à Dieu qui excite et qui appelle...Mais que comme une chose inanimée il ne fait rien, il n'agit en rien, mais qu'il secomporte d'une manière totalement passive...

Si quelqu'un s'avisait de dire que le libre arbitre de l'homme après la faute d'Adam estperdu et éteint, ou que c'est une chose de pure convention, un titre factice ; bien plus un

titre sans réalité, enfin une fiction introduite par Satan dans l'Église...

Si quelqu'un s'avisait de dire que par la foi seule l'impie est justifié, de telle manière qu'ilentende par là que rien d'autre n'est requis, rien par quoi l'homme coopère pour obéir à lagrâce de la justification et que de sa part il n'est aucunement nécessaire qu'il se préparepar le mouvement de sa propre volonté et qu'il s’ydispose... — il est hors du corps de lapensée de l'Église (latinanathema, grecanathèma, hébreuherem). 

C'est pourquoi celui qui s'appelle lui-même le fils de l'Homme dit :

Luc 18, 8 : Mais le fils de l'Homme, lorsqu'il viendra, est-ce qu'il trouvera la certitude de

la vérité sur la terre ?

Les jeux ne sont pas faits. La question reste ouverte parce que ce dont il s'agit, c'est de créerune liberté sainte et qu'une liberté sainte ne peut pas être contrainte.

C'est la raison aussi pour laquelle celui qui s'appelle lui-même le fils de l'Homme, lorsqu'onl’interroge sur l’avenir, sur le jour et l’heure, dit ceci :

Matthieu 24, 36 : Et au sujet de ce jour-là [le jour de YHWH] et au sujet de l'heure,personne ne sait, ni les messagers des deux ni le fils, mais seulement le père [=Dieu].

Marc 13, 32 : Et au sujet de ce jour-là ou de l'heure, personne ne sait, ni les messagers

[qui sont] dans les cieux ni le fils, personne si ce n'est le père.

Ceux qui, à la suite de Philon d'Alexandrie, d'Origène d'Alexandrie et d'Arius d'Alexandrie,ont décidé d'appeler fils de Dieu le propre logos de Dieu, doivent être bien embarrassés, car dansleur système cela donne : le logosde Dieu ne sait pas ce que Dieu sait.

Puisqu'il s'agit de la création d'une liberté sainte, et que cette liberté sainte doit coopéreractivement et intelligemment à l'œuvre de la Création, la question reste donc ouverte de savoirquand sera terminée la Création. Deux libertés entrent en jeu : l'unique liberté incréée de l'Uniqueincréé, — et la liberté créée qui coopère ou qui ne coopère pas à l'œuvre de la Création. Le temps

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de l'histoire humaine est la durée de la coopération de la liberté humaine créée à l'œuvre de laCréation, ou de l'opposition de la liberté créée à la Création continuée et inachevée.

Le fond du problème est en somme simple. Il s'agit de faire passer l'Homme, du stade

animal, ce que Paul appelle ho psuchikos anthrôpos (1 Corinthiens 2, 14) au stade proprementhumain, que Paul appelle l'Homme nouveau, ho kainos anthrôpos (Éphésiens 2,15 ; 4,24). Cettetransformation, cette métamorphose (Paul aux Romains 12, 2, qui transforme le vieil homme,l'homme ancien, ho palaios anthrôpos, Romains 6, 6 ; Éphésiens 4, 22 ; Colossiens 3, 9) estévidemment une œuvre de création. Dieu seul est créateur. Dieu seul peut donc opérer cettetransformation, cette métamorphose, qui est une nouvelle création, kainè ktisi (2 Corinthiens 5,17 ; Éphésiens 2, 15 ; Galates 6, 15).

Il ne faut donc pas s'imaginer que la pratique des commandements de la sainte Torahpeutsuffire pour réaliser en nous cette nouvelle création.

À cette nouvelle création, l'Homme doit coopérer activement et intelligemment, parce quesi l'Homme ne coopère pas à cette nouvelle création, s'il reste passif comme une souche, alors

l'Homme nouveau ne se réalise pas en lui. Ce qui est nouveau dans l'Homme nouveau etvéritable, c'est que celui-ci consent à l'œuvre de la Création, ratifie librement le don de laCréation, consent à l'œuvre de la transformation et coopère librement et activement à l'œuvre decette transformation qui est une nouvelle création.

C'est ainsi que l'Homme devient véritablement un être, comme Maurice Blondel l'a montrédans son livrel'Être et les êtres. 

Il n'y a d'être au sens authentique du terme que celui qui est capable d'action et d'efficacecausale.

Pour que l'Homme ancien passe de l'état d'homme animal à l'état nouveau d'Hommevéritable, c'est-à-dire pour qu'il sorte de l'animalité, il faut tout d'abord que l'Homme ancienfranchisse le seuil de la connaissance réfléchie.

La question du salut et de la perdition a trop souvent été traitée, depuis des siècles, entermes de punition et de châtiment. En réalité si on lit attentivement les textes qui rapportent lesparoles du Rabbi, on voit qu'il s'agit bien d'un problème de Création : à quelles conditions le vieilhomme, l'homme ancien, celui que les paléontologistes appellent sapiens sapiens, va-t-il entrerdans l'économie de ce que le Rabbi appelle la malkouta di-schemaiia, c'est-à-dire le règne final dela Création, le règne terminal, l'achèvement de la Création, la création de l'Homme véritable ?

On traitait la question du salut et de la perdition en termes de châtiment ou de punition parcequ'on supposait à tort que la création de l'homme a été achevée à l'origine, il y a quelques milliersd'années dans l'hypothèse ancienne, et qu'il n'y a plus qu'à réparer ce qui a été cassé, ou restaurerce qui a été abîmé. C'est donc bien le schéma gnostique qui a prédominé et qui a empêché de saisirl'enseignement du Rabbi.

La question n'est donc pas tellement de savoir si nous allons être châtiés après notre mortou non. La question est de savoir si nous aurons réussi à devenir l'Homme conforme au desseincréateur ; si nous aurons coopéré activement et intelligemment à la création de l'Hommevéritable. C'est un problème d'être, non un problème juridique. Si nous n'avons pas réussi àréaliser l'Homme véritable, si nous n'avons pas réussi le passage, la transformation, de l'hommeanimal, l'ancien, le paléo, en Homme nouveau, le véritable, nous aurons beau demander pardon.Ce n'est pas seulement du pardon que nous aurons besoin, mais d'une nouvelle création. Le pointde vue juridique ou simplement moral est donc totalement insuffisant pour comprendre leproblème posé. C'est pourquoi Immanuel Kant est passé complètement à côté de la question,parce qu'il n'avait apparemment aucune idée de la destinée surnaturelle de l'homme, de ladestination surnaturelle de l'homme, de la finalité de la Création, c'est-à-dire l'essence du

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christianisme. Il a réduit le christianisme à n'être qu'une morale, ce qui est une inversion et unedestruction.

Le Rabbi enseigne par ses meschalim que l'information créatrice nouvelle qu'ilcommunique transformera lentement et progressivement l'humanité tout entière, la pâte humaine ;que cette transformation rencontrera des résistances violentes ; et que finalement les jeux ne sontpas faits. La question est posée. Pour nous qui venons vingt siècles plus tard, nous vérifions lavérité de ce qu'il a annoncé dans sesmeschalimqui sont aussi des prophéties.

Ce qui est tout à fait nouveau pour nous en cette fin du XXesiècle, c'est que nous apercevonsdésormais les événements de l'histoire dans le système de référence des longues durées. Augustinet les théologiens latins ultérieurs pensaient dans un système de référence qui est le systèmesolaire, dont ils supposaient la durée de quelques milliers d'années. Nous sommes tenus de penserdésormais dans le système de référence de l'Univers qui est constitué de milliards de galaxies : ungaz de galaxies, et dont l'âge se compte en milliards d'années. Nous avons pris l'habitude des

longues durées. Nous avons vu les groupes zoologiques qui naissent, se développent, recouvrentla planète, dominent, et puis disparaissent ; nous nous demandons pourquoi. Nous avons vu lesempires qui naissent, se développent, dominent, écrasent, et puis disparaissent. Ils devaient soi-disant durer mille ans. Ils durent dix ans ou soixante-dix ans. Nous avons appris que pour fairel'Homme il a fallu plusieurs millions d'années et ce n'est pas fini, loin de là. Les groupeszoologiques se relaient les uns les autres. Les civilisations se relaient les unes les autres.

Dans cette longue histoire, quelque chose se forme, un peuple, créé, constitué par unenouvelle information, une espèce, un type nouveau d'humanité. Nous avons découvert que Fanthropogenèse se fait ou s'effectue par étapes et nous apercevons que le peuple hébreu, lephylum hébreu, est une étape de la Création, la dernière, et que donc le peuple hébreu exerce unefonction, il a une place, une raison d'être dans l'histoire de la Création, ce qui explique la

détestation dont il est l'objet de la part des nations païennes qui pratiquent les sacrifices humains,la sorcellerie, la divination, et qui interrogent les morts (Deutéronome 18, 9). Nous ne pensonsplus en termes de réparation. Nous pensons en termes de Création, et de Création continuée. Qu'ilexiste des conditions objectives, des conditions ontologiques pour entrer dans la malkouta di-schemaiia, c’estce qui est évident et certain. La création de l'homme n'est pas achevée. L'homme quiest capable de prendre part à la vie de Dieu, qui est la vie unique, doit avoir consenti à sa proprecréation, avoir ratifié librement le don de la Création ; consenti à la transformation, à la nouvellenaissance, à la création de l'Homme nouveau en lui, à la métamorphose ; avoir coopéréactivement et intelligemment à cette création de l'Homme nouveau en lui ; avoir porté fruit.

Si le dessein de l'Unique créateur est de créer un être qui soit pour lui-même un vis-à-vis, àqui il puisse parler face à face, panim el panim ; qui soit pour lui un autre lui-même, alors bien

évidemment des conditions sont requises pour que se réalise un tel dessein. N'importe qui n'entrepas n'importe comment dans la durée du monde qui vient, be-olam ha-bah, comme disaient nosmaîtres les rabbins du premier siècle de notre ère. Ce n'est pas un tapis roulant sur lequel, quoiqu'on fasse, vautré ou debout, on arrive de toute façon à l'étage désiré.

Il existe des conditions de réalisation du dessein créateur, qui sont proprementmétaphysiques.

Dans notre expérience, depuis bientôt vingt siècles, nous constatons que par milliers, pardizaines de milliers, par centaines de milliers, des garçons et des filles, des hommes et desfemmes, ont effectué, plus ou moins complètement, cette métamorphose, cette transformation. Ilsont consenti et coopéré librement et activement à la création de l'Homme nouveau en eux,conformément à l'information créatrice communiquée par celui qui s'appelait lui-même le ben

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adam, le fils de l'Homme. Et ainsi ils sont devenus conformes (grec summorphous) à celui qui estle Germe de la nouvelle humanité (hébreutzemah). 

Paul, lettre aux Romains 8, 29 : Ceux qu'il a connus à l'avance, et il a lié un lien sur sonâme, à l'avance [en sorte qu'ils soient] conformes (grec summorphous) à la statue (greceikôn, hébreu tzelem) de son fils, en sorte qu'il soit, lui, le premier-né parmi un grandnombre, une multitude de frères.

De fait, depuis bientôt vingt siècles, par milliers, dizaines de milliers, centaines de milliers,les garçons et les filles, les hommes et les femmes, qui ont consenti à cette métamorphose,constituent un nouveau type d'humanité, une nouvelle espèce d'humanité, qui n'est pas semblableà celle qui est fort bien représentée autour de l'année 40 par Caïus Caligula, ou, un peu plus tard,par Néron, — pour ne prendre que des exemples relativement anciens, afin de ne choquerpersonne.

La transformation, qui est la création de l'Homme nouveau, s'effectue par communicationd'information nouvelle. Elle est communiquée par celui qui est le Germe. Et ceux qui ont étésuffisamment transformés peuvent dire, comme Schaoul-Paul l'écrivait, peut-être autour del'année 50, dans sa lettre aux communautés chrétiennes de la Galatie :

Galates 2, 20 : J e ne vis plus, moi, mais celui qui vit en moi, c'est celui qui a reçul'onction (hébreumaschiah, grecchristos). 

Il s'agit donc d'une véritable trans-substantiation.On pourrait fort bien étudier d'une manière positive, comme disait Auguste Comte,

expérimentale, scientifique, ces milliers de garçons et de filles qui depuis bientôt vingt siècles ont

consenti et coopéré à la création de l'Homme nouveau en eux, et ainsi on pourrait constituer unephénoménologie et une anthropologie chrétienne objective, l'anthropologie des saints. Ilsprésentent tous des caractères communs. Aucun d'entre eux ou d'entre elles ne se prend pour lemoi absolu, das Absolute Ich, pour reprendre une expression du professeur Johann GottliebFichte.

Paul, première lettre aux Corinthiens 4, 7 : Qu'est-ce qui est à toi [l'hébreu n'a pas leverbe avoir] que tu n'aies reçu ? Et alors si tu as reçu, pourquoi te vanter comme si tun'avais pas reçu ?

Ils savent tous et toutes que c'est Dieu qui opère en nous et le vouloir et l'agir (lettre de Paul

aux Philippiens 2, 13). — S'ils portent fruit, en abondance, ce qui est le cas, ils se souviennent dece que disait leur Rabbi, rapporté par Luc 17, 10 : Et ainsi vous, lorsque vous avez fait tout ce quivous a été commandé, dites : nous sommes des serviteurs inutiles.

Même leur maître et seigneur, leur Rabbi, ne se prenait pas, contrairement au professeurFichte, pour das Absolute Ich. Celui qui s'appelle lui-même constamment le fils de l'Homme(hébreuben adam) — Matthieu 8, 20 ; 9, 6 ; Marc 2, 10 ; Luc 5, 24 ; 9, 58 ; Jean 1,51 ; 3, 13 ; 3,14 ; etc. — il prie nuit et jour Dieu qu'il appelle son propre père, Matthieu 14, 23 ; 26, 36 ; Marc1, 35 ; 6, 46 ; Luc 3, 21 ; 5, 16 ; 6, 12 ; 9, 18 ; 9, 28 ; 9, 29 ; Jean 14, 16 ; 16, 26 ; 17, 9 ; 17, 20,etc. Lettre aux Hébreux 5, 7.

Il distingue sa propre volonté de celle de Dieu, Matthieu 26, 39 ; Marc 14, 36 ; Luc 22, 42.

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Celui qui s'appelle lui-même le fils de l'Homme enseigne l'immanence réciproque de Dieudans le fils de l'Homme, et du fils de l'Homme en Dieu, et donc la distinction ontologique entreDieu unique incréé et le fils de l'homme créé qui lui est uni.

 Jean 10, 38 : Afin que vous connaissiez qu'il [est] en moi, le père, et que moi [je suis]dans le père...

 Jean 14, 10 : Moi [je suis] dans le père et le père [il est] en moi... Le père qui demeure enmoi agit ses actions...

 Jean 14,20 : Vous connaîtrez, vous, que moi [je suis] dans mon père et que vous [vousêtes] en moi et que moi [je suis] en vous... (Il n'y a pas le verbeêtredans la traductiongrecque, inutile en hébreu).

 Jean 17, 11 : Afin qu'ils soient un comme nous [nous sommes uni-Jean 17, 21 : Afin quetous ils soient un, comme toi, père [tu es] en moi et moi [je suis] en toi...

Lorsque le Rabbi enseigne :

 Jean 10, 30 : Moi et le père [=Dieu], — nous sommes un (hébreu probable : ani we-abiehad anahenou, Delitzsch, sans le verbeêtreinutile en hébreu),

— il s'agit d'une unité par union de l'Homme véritable créé à Dieu unique incréé.Celui qui s'appelle lui-même le fils de l'Homme enseigne :

 Jean 5, 19 : Il ne peut pas, le fils, faire quelque chose de lui-même s'il ne voit pas que lepère le fait. Ce que celui-ci [=le père =Dieu] fait, cela le fils aussi semblablement lefait...

Et donc le fils de l'Homme se distingue objectivement de Dieu qu'il appelle son proprepère.

La question n'est donc pas tellement de savoir si nous allons être punis ou châtiés après lamort. La question est de savoir si nous aurons réalisé l'Homme nouveau conforme au desseincréateur ou non, c'est-à-dire si nous serons capables ontologiquement de prendre part à la vie del'Unique qui est l'unique vie. Ce n'est pas un problème de punition ou de châtiment. C'est un

problème d'être.À supposer qu'il n'y ait pas de punition ni de châtiment à la sortie, à supposer que l'on

pardonne au massacreur ses massacres, et au tortionnaire ses tortures, il n'en reste pas moins que,pardonné ou non, l'homme qui n'a pas coopéré activement et intelligemment à l'œuvre de laCréation, qui n'a pas porté fruit, qui n'a pas fait fructifier le prêt de l'être qui lui a été confié, il estun figuier stérile ou un arbre mort. Comment peut-il, comment pourrait-il avoir part à la vie del'Unique Créateur ? Celui qui n'a pas porté fruit n'est même pas un être, comme l'a montréMaurice Blondel. Ceux donc qui ont posé le problème en termes de punition, châtiment, etc.étaient à côté de la question. Ceux qui ont posé le problème en termes juridiques n'ont pas vuqu'en réalité il s'agit d'un problème ontologique, un problème d'ontologie génétique, comme disaitBlondel.

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La question du salut et de la perdition n'est pas un problème juridique ni même unproblème moral. C'est un problème d'être.

La question n'est pas seulement de savoir si nous serons pardonnes ou si nous ne serons pas

pardonnés. La question première est de savoir si nous serons réellement des êtres, be tzelemelohim. 

On observera ici que l'étiquette que nous avons reçue de saint Augustin, l'expression latinepeccatum originale, recouvre précisément cette situation. Ce n'est pas une chute. Ce n'est pas unecatastrophe. Ce n'est pas une histoire gnostique. C'est un fait : nous naissons tous dans lacondition de paléo-anthropien, avec nos vieilles programmations animales et reptiliennes. Et tousnous sommes invités à effectuer ou réaliser une véritable métamorphose, une nouvelle naissance,qui seule peut nous rendre capables d'entrer dans l'économie de la nouvelle création qui estdéfinitive. Nous naissons dans un état qui précède la nouvelle naissance. Nous avons tous àeffectuer une métamorphose pour devenir l'Homme que le Créateur unique et incréé envisage

depuis l'aujourd'hui de son éternité. Cette métamorphose en nous rencontre une résistanceviolente, qu'ont décrite les maîtres de la théologie mystique depuis Schaoul-Paul jusqu'à saint Jean de la Croix. Elle rencontre dans la vieille humanité animale une résistance violente qui va jusqu'au meurtre du messager qui porte la nouvelle information créatrice. C'est ce que l'onobserve déjà chez les anciens prophètes hébreux et, depuis les origines du christianisme, c'est cequ'on observe chez les missionnaires qui s'en vont au péril de leur vie porter l'informationcréatrice nouvelle chez les peuples qui vivent sous le régime des antiques programmationsanimales.

Non seulement nous naissons dans l'état de paléo-anthropien, pour parler comme Paul, maisde plus, par le fait quel’homo sapiens sapiensa franchi le seuil de la connaissance réfléchie, et quede fait il est devenu criminel, — ce que ne sont pas les grands fauves qui n'ont pas franchi le seuil

de la connaissance réfléchie —, nous naissons de fait dans une vieille humanité criminelle, dansdes sociétés criminelles, avec un héritage criminel. Comme l'écrivaient les Pères du concile de Trente, dans la Ve Session, le 17 juin 1546, l'Homme, par le fait qu'il est devenu criminel, a perdula sainteté et la justice dans laquelle il avait été constitué.

Il faut donc distinguer deux choses.— 1. Nous naissons avant la métamorphose à laquelle nous sommes invités, et en

toute hypothèse, si même l'humanité n'était pas devenue criminelle, nous étions tenus deconsentir et de coopérer à cette métamorphose parce que, comme l'écrit Paul, 1 Corinthiens 15,50 : chair-et-sang (grec sarx kai aima, hébreu basar we-dam) il ne peut pas — le verbeau singulier — hériter le royaume de Dieu, ni la corruption ne peut hériter l'incorruptibilité. —C'est ce que disait le Rabbi, Jean 3, 3 : Amen amèn (en hébreu dans le texte grec), je le dis à toi, si

quelqu'un ne naît pas d'en haut [=de Dieu], il ne peut pas voir le règne ou le royaume de Dieu.C'est un problème métaphysique.— 2. Mais de fait l'humanité est devenue criminelle, et elle l'est, semble-t-il, de plus

en plus. Et donc l'enfant qui naît aujourd'hui —, s'il parvient à naître —, hérite du poids del'héritage d'une humanité criminelle, et donc, pour naître d'en haut, pour effectuer lamétamorphose qui va faire de lui, le paléo-anthropien, l'Homme nouveau conforme au desseincréateur, il faudra qu'il renonce aux normes d'une vieille humanité criminelle, il faudra qu'ilrompe avec ce système normatif de la vieille humanité criminelle.

Il convient d'observer ici que si l'humanité, l'espèce humaine, se détruit elle-même, cequ'elle est en train de faire sous nos yeux, ce ne sera pas pour autant la fin du monde ou la fin del'Univers. Notre système solaire a environ cinq milliards d'années et notre étoile, le Soleil, a

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encore devant elle quelques milliards d'années avant d'épuiser son stock d'hydrogène. La questionqui reste ouverte est de savoir si, dans notre Galaxie, qui compte quelque cent milliards d'étoiles,d'autres systèmes sont habités, si dans l'Univers entier constitué de centaines de milliards de

galaxies, il existe des systèmes solaires avec des êtres vivants et des êtres pensants, — ou non. Àcette heure nous n'avons, à ma connaissance du moins, aucune donnée positive concernant cettequestion. Ce qui est sûr c'est que si l'espèce humaine se détruit elle-même demain, l'Univers, lui,continuera quelque temps encore, sans elle.

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La résistance à l'information créatrice nouvelle

La théorie de l'information est l'une des principales théories scientifiques en cette fin du XXe siècle, surtout depuis que l'on a découvert, au milieu du XXe siècle, que les messages génétiquesqui constituent, qui font, qui commandent au développement des êtres vivants, c'est del'information, et de l'information quasiment sans masse. Au cours de l'histoire naturelle,l'information augmente constamment et même d'une manière accélérée. Tout dans l'Univers estlumière et information. La lumière elle-même est de l'information.

On avait commencé à réfléchir depuis le siècle dernier sur la dégradation de l'information,la décomposition des systèmes composés, l'inverse de la composition, à savoir l'entropie dessystèmes.

Mais il reste à réfléchir sur un autre phénomène : la résistance à l'information. Cephénomène n'apparaît qu'avec l'Homme, l'animal qui a franchi le seuil de la connaissance

réfléchie, qui est programmé, qu'il le sache ou non, pour une métamorphose ; qui reçoit del'information créatrice qui lui est adressée par le Créateur lui-même, adressée à sa pensée, à saconscience, à sa liberté, et qui résiste et s'oppose à l'information créatrice nouvelle qui lui estproposée.

Ce phénomène de résistance à l'information se discerne dans l'histoire du peuple hébreu.L'information créatrice nouvelle communiquée provoque une réaction de rejet, une révolte, uneopposition. Cela se voit depuis l'histoire de Môscheh-Moïse qui fait sortir le peuple hébreud'Égypte, et c'est ensuite constant dans toute l'histoire du peuple hébreu. Cela est visible ensuitelorsque le monothéisme hébreu est communiqué aux nations païennes. Les violentes persécutionsdes premiers siècles de notre ère ne sont qu'une expression de cette résistance violente de lavieille humanité païenne à l'information créatrice nouvelle qui est communiquée par les petites

communautés chrétiennes et les persécutions du XXe siècle de même.La physique a établi au XIXe siècle avec Carnot et Clausius que tout système physique, tout

système biologique, tout message qui ne reçoit plus d'information tend de lui-même et par lui-même à retourner au multiple, à la poussière. Tout ce qui a été composé tend à se décomposer.Lorsqu'on recopie des manuscrits, les fautes de copie s'accumulent, l'information se dégrade etdiminue d'autant. On dit que l'entropie du système augmente. C'est une loi qui se vérifie danstoute l'histoire de l'Univers et de la nature. Tout est composé, c'est-à-dire informé, dans l'Universet dans la nature, et tout se décompose.

L'histoire de la Révélation, l'histoire du monothéisme hébreu, nous a appris autre chose, àsavoir qu'il existe une résistance et une résistance violente à l'information créatrice. On le perçoitdès les origines du peuple hébreu. Le peuple hébreu gémit dans le désert et ne songe qu'à

retourner à son état antérieur. L'histoire du peuple hébreu dans le désert est une histoire detransformation de l'humanité en ce temps et en ce lieu. Cette transformation rencontre unerésistance qui va jusqu'à la mise à mort du messager. C'est ce que dit Moïse, Exode 17, 4 : Encoreun peu et ils me lapideront.

Cela se vérifie dans toute l'histoire du prophétisme hébreu. Celui qui communique à sonpeuple le message qui vient de l'Unique, rencontre une résistance violente qui dans nombre de casva jusqu'à la mise à mort du messager.

Comment faut-il comprendre cette résistance ? À partir du moment où un être est apparudans l'histoire de l'Univers et de la nature, qui a franchi le seuil de la connaissance réfléchie, ilpeut s'opposer à l'information nouvelle qui veut le créer nouveau, l'achever, le faire passer del'animalité à l'humanité. Les antiques programmations animales transmises génétiquement et

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inscrites dans le paléo-cortex qu'on appelle aussi le cerveau reptilien, s'opposent à la nouvelleprogrammation transmise ou communiquée par les prophètes hébreux. Si les prophètes hébreuxsont assez régulièrement persécutés et mis à mort, cela n'est pas un hasard ni un accident. C'est

parce qu'ils communiquent la nouvelle information créatrice qui vient de l'Unique.Le peuple hébreu tout entier qui porte pendant près de vingt siècles avant notre ère, cette

information créatrice nouvelle communiquée petit à petit par les prophètes hébreux, rencontrecette résistance violente de la part des nations païennes. Ce qu'on appelle improprementl'antisémitisme, c'est en réalité la détestation ou l'exécration du peuple hébreu, c'est-à-dire de lanouvelle normative qu'il porte au milieu de nations.

L'histoire de l'Église depuis les origines va vérifier cette loi. L'expansion de l'Église qui estun système biologique informé, va rencontrer une opposition violente de la part des nationspaïennes qui ne veulent pas de cette information créatrice nouvelle que l'Église porte aux nationspaïennes.

Les philosophes et les philosophies, depuis les origines et jusqu'aujourd'hui, — depuis

Celse, Plotin, Porphyre, jusqu'à Nietzsche et Heidegger —, ont joué un rôle considérable danscette opposition violente au monothéisme hébreu. Cette opposition est une haine spirituelle,parfaitement exprimée par Nietzsche et Heidegger (Deshalb perhorresziere ich das Christentummit einem tödlichen Hass, Ans dem Nachlas, éd. Karl Schlechta, III, p. 749).

Cette haine spirituelle n'a évidemment rien à voir avec le second Principe de lathermodynamique ni avec la matière ni avec la matérialité. Comme l'écrivait déjà Aristote, lamatière est un terme relatif : c'est ce qui entre dans une composition, ce qui reçoit l'information.Le contraire de la grâce, ce n'est pas la pesanteur.

Cette résistance violente à l'information créatrice nouvelle qui veut faire du paléo-anthropien l'Homme nouveau qu'il est destiné à devenir, cette opposition violente qui va jusqu'àla mise à mort de celui qui transmet et communique l'information, entre dans le concept de

peccatum originale que nous devons sans doute à saint Augustin et qui a été précisé, affiné etépuré par les Pères du concile de Trente.

D' où provient cette résistance violente, cette opposition violente de l'ancienne humanitéanimale à l'information créatrice nouvelle qui est communiquée à l'intérieur du peuple hébreupendant à peu près vingt siècles ? Nous l'avons déjà indiqué, la nouvelle information créatrice esten fait une nouvelle programmation, qui, si l'on y regarde de près, s'oppose point par point auxantiques programmations animales reptiliennes transmises génétiquement et inscrites dans notrepaléo-cortex. On conçoit donc que l'antique humanité animale qui fonctionne selon ouconformément aux antiques programmations animales n'aime pas ces nouvelles programmations.

Mais alors la question se pose évidemment : Pourquoi donc le Créateur unique et incréé

utilise-t-il cette méthode ? Dans un premier temps, pendant des centaines de millions d'années,toutes les espèces animales sont programmées pour être, pour vivre en communauté, pour sereproduire, pour chasser ou faire la cueillette, pour la défense du territoire, etc. Avec l'apparitionde l'animal qui a franchi le seuil de la connaissance réfléchie, il change les programmations, ilintroduit une nouvelle programmation, qui n'est pas transmise génétiquement, qui n'est pasinscrite dans le paléocortex, qui est transmise à l'intérieur d'un peuple, qui est transmise du pèreau fils, de la mère à la fille, qui peut être reçue ou refusée, rejetée. On ne naît pas chrétien, on ledevient.

La question est ouverte.

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Immanence

Pour qu'il y ait immanence réciproque entre celui qui s'appelle lui-même le fils de

l'Homme, et Dieu unique et incréé, encore faut-il qu'il y ait distinction.C'est-à-dire qu'une métaphysique qui professe une immanence de Dieu dans l'Univers, dans

le peuple hébreu, dans le Temple de Jérusalem, dans le fils de l'Homme, dans l'Église qui est lenouveau Temple, — est forcément une métaphysique de la Création. Une métaphysique quiprofesse, comme dit Paul à Athènes autour de l'année 50 (Actes 17, 28 :), En lui nous vivons etnous nous mouvons et nous sommes, — est forcément une métaphysique de la Création.

Parce que s'il n'y a pas de Création, c'est-à-dire de distinction ontologique entre l'être créé etl'être incréé, il ne peut pas y avoir non plus d'immanence.

Une métaphysique qui rejette la théorie hébraïque de la Création ne peut pas comporter unethéorie métaphysique de l'immanence.

Une métaphysique qui rejette la théorie hébraïque de la Création, comme par exemple

 Johann Gottlieb Fichte, — ne peut pas professer une théorie de l'immanence. Elle professe unethéorie de l'identité entre le moi singulier, et le Moi absolu, das Absolute Ich. 

C'est exactement le contraire. Une métaphysique de l'Un est exactement le contraire d'unemétaphysique de l'Union.

Aussi bien celui qui s'appelle lui-même le fils de l'Homme ne dit-il pas : je suis l'Absolu.Mais il dit : le Père [=Dieu], il est en moi et moi je suis en lui.

L'hérésie que les théologiens ont appelée sabellienne consistait précisément à dire que lefils de l'Homme est identique à l'Absolu, et donc incréé.

C'est l'hérésie bien connue par les textes qui nous ont été conservés concernant Noêtos deSmyrne, et probablement aussi Sabellios ou Sabellius, dont nous n'avons pas de document.

Si le fils est identique au Père, c'est-à-dire à Dieu, alors la naissance du fils est la naissance

de Dieu ; la souffrance du fils est la souffrance de Dieu ; la mort du fils est la mort de Dieu. C'estpourquoi cette hérésie a été appelée patripassienne ; lettre du pape Léon, à des évêquesd'Espagne, 21 juillet447 :

Les disciples de Sabellius sont appelés à juste titrepatripassiani, ceux qui font souffrir lePère [=Dieu], — parce que si le Fils est le Père lui-même, alors la croix du fils est lapassion du Père,quia si ipse est Filius qui et Pater, crux Filii Patris est passio. 

Le mot transcendance dans les temps jadis, lorsqu'il existait des métaphysiciens quiconnaissaient leur métier, signifiait : la distinction ontologique entre l'Unique incréé et tous lesautres êtres. Ce n'est pas une question d'espace ni de lieu, c'est une question d'être. Unique est

l'Incréé. Tous les autres êtres ont reçu de lui l'existence. Les êtres de l'Univers et de la nature nesont pas faits de la substance de l'Unique, ils ne sont pas issus de la substance de l'Unique ; ils nesont pas engendrés par l'Unique incréé. Les êtres de l'Univers et de la nature ne sont pas desparties ni des parcelles de la substance divine, pars divinae essentiae, comme le disaient lesmanichéens, cités par saint Augustin.

L'immanence n'est pas contraire ni contradictoire à la transcendance. Il ne peut y avoirimmanence que s'il y a tout d'abord transcendance. Comme chacun sait, pour que les amantssoient l'un dans l'autre, encore faut-il qu'ils soient deux. Une métaphysique de l'Un ne peut pascomporter une doctrine ou une théorie de l'immanence.

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Ce que les livres hébreux de la sainte Bibliothèque hébraïque enseignent, c'est la théorie dela causalité, l'existence de la cause première, son action, et la distinction entre la cause premièreet les causes secondes. Ils apprennent à discerner la cause première dans les événements

historiques, en mettant en relief la disproportion entre les causes secondes qui entrent en jeu, etl'effet, le résultat produit. Ils donnent l'intelligence de la cause première, le discernement de lacause première dans les événements historiques.

Le monothéisme hébreu comporte une doctrine ou une théorie de l'immanence depuis lesorigines. Le verbe hébreu utilisé pour signifier l'immanence de Dieu dans son peuple, c'estschakan. 

Exode 25, 8 : Et ils feront pour moi un sanctuaire (hébreu miqdasch) et j'habiterai aumilieu d'eux (le verbe hébreu schakan). Nombres 5, 3 : Leur camp que moi j'habite aumilieu d'eux... Zacharie 2, 14 : Pousse des cris de joie et réjouis-toi, fille de Tziôn car me

voici je viens et j'habiterai (hébreu schakaneti, grec kata-skènôsô) au milieu de toi,oracle de YHWH. Et s'attacheront des nations nombreuses à YHWH en ce jour-là etelles seront pour moi un peuple et j'habiterai (hébreu schakaneti) au milieu de toi et tuconnaîtras que c'est YHWH des armées qui m'a envoyé vers toi... Deutéronome 12, 5 :Mais seulement au lieu qu'il choisira, YHWH, votre dieu, parmi toutes vos tribus pourmettre son nom là, pour l'habiter... Isaïe 8, 18 : De la part de YHWH qui habite sur lamontagne de Tziôn... Psaume 74, 2 : La montagne Tziôn, c'est là que tu demeures enelle... Joël 4, 17 : Et vous connaîtrez que moi [je suis] YHWH votre Dieu qui habite(hébreu schôken, grec kata-skènôn) dans Tziôn montagne de ma sainteté. Et elle sera, Jérusalem, sainteté...

Mischkan, la Demeure,

Exode 25, 9 : Comme tout ce que moi je te ferai voir, l'archétype, le paradigme de laDemeure (hébreu tabenit ha-mischkan, grec to paradeigma tes skènès)... ainsi tu feras...Lévitique 8, 10 : Et il a pris, Môscheh, l'huile de l'onction, et il a fait l'onction de laDemeure (hébreuha-mischkan)... 

 Jean 1,1: Au commencement [de la Création] était l'acte de parler [de Dieu] et l'acte deparler était à Dieu et il était Dieu, l'acte de parler. C'est lui qui était au commencement àDieu. Tout par lui a été créé et sans lui rien n'a été créé... En lui était la vie et la vie étaitla lumière de l'homme...

 Jean 1, 14 : Et l'acte de parler [de Dieu] homme il a été et il a habité parmi nous, aumilieu de nous (grec eskènôsen, hébreu schakan) et nous avons contemplé sa gloire,gloire comme celle du fils unique et chéri (grec mono-genès, hébreu probableben iahid)issu du Père [=de Dieu], plein de grâce et de vérité (grecplèrès charitos kai alètheias,hébreuhesed we-emet). 

 Jean 10, 38 : Afin que vous sachiez et que vous connaissiez qu'il [est] en moi, le père [=Dieu], et moi [je suis] dans le père...

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 Jean 14, 8 : Et il lui a dit, Philippos : Rabbi, montre-nous le père... Et il lui a dit,Ieschoua : Voilà tellement de temps que je suis avec vous et tu ne m'as pas connu,Philippos ? Celui qui m'a vu a vu le père. Comment peux-tu dire : Montre-nous le père ?

Est-ce que tu n'es pas certain que moi [je suis] dans le père et le père est en moi ? Lesparoles que moi je dis à vous, ce n'est pas de mon propre cœur que je les dis. C'est lepère qui habite en moi qui agit ses propres actions. Soyez certains de la vérité en moi :moi [je suis] dans le père et le père [il est] en moi...

 Jean 14,20 : Et dans ce jour-là vous connaîtrez, vous, que moi [je suis] dans mon père etvous [vous êtes] en moi et moi [je suis] en vous...

 Jean 17, 21 : Afin que tous ils soient un, comme toi, père, [tu es] en moi et moi [je suis]en toi, afin que eux ils soient en nous...

 Jean 17, 23 : Moi [je suis ou je serai] en eux et toi [tu es] en moi...

C'est la formule de la christologie orthodoxe. L'union sans mélange et sans confusion del'Homme véritable créé à Dieu unique incréé, est une immanence réciproque.

Pour qu'il y ait immanence réciproque de l'Homme créé et de Dieu incréé, il faut qu'il y aitdistinction ontologique. L'hérésie que l'on a appelée sabellienne consiste donc à dire que celui quis'appelle lui-même le fils de l'Homme (hébreu ben adam), il est identique à Dieu incréé. Dans cecas il s'agit d'une aventure de Dieu, d'une aliénation ou d'un exil de Dieu : c'est la théoriehégélienne de l'incarnation reprise à ces anciennes mythologies gnostiques.

Selon l'orthodoxie, il n'y a de la part de Dieu incréé aucune modification, aucune altération,aucune aliénation, lorsqu'il s'unit l'Homme nouveau créé. Dieu reste absolument transcendant et

simple.Celui qui regarde cet être en qui se réalise l'union et l'immanence réciproque de Dieu incréé

et de l'Homme créé, ne voit pas l'Homme seul ni Dieu seul. Il voit celui en qui se réalise l'unionsans confusion et sans mélange de l'Incréé et du créé, c'est-à-dire la finalité ultime de la Création.

C'est la christologie de saint Paul, Colossiens 2,9 : Parce qu'en lui [celui qui a reçu l'onction]habite (greckatoikein, hébreuschakan) toute la plénitude de la divinité corporellement...

C'est en lui que se réalise la finalité ultime de la Création, 1 Corinthiens 15, 28 : Afin qu'ilsoit, Dieu, tout en tous...

C'est le contraire du panthéisme. Le panthéisme consiste à dire que le tout est Dieu, quel'Univers est Dieu, que l'Univers est divin, que Dieu est identique au tout, à l'Univers.

Le monothéisme hébreu dit exactement le contraire. Il dit et il enseigne depuis les origines

que l'Univers physique n'est pas divin, qu'il n'est pas Dieu, qu'il n'est pas l'Être pris absolument.Et parce qu'il enseigne cette distinction entre l'Univers physique et l'Unique incréé, il peut

aussi enseigner l'immanence réciproque de Dieu et du crée.Pour qu'il y ait immanence, il faut qu'il y ait distinction.Pour qu'il y ait amour entre Dieu incréé et l'Homme créé, encore faut-il qu'il y ait

distinction. C'est bien ce que reconnaît Spinoza :

Court Traité, II, chapitre 24, 3 : Si nous disons cependant que Dieu n'aime pas leshommes, cela ne doit pas être compris comme s'il les abandonnait, pour ainsi dire, à eux-mêmes, mais en ce sens que, l'homme étant en Dieu conjointement à tout ce qui est, etDieu étant formé de la totalité de ce qui est, il ne peut y avoir d'amour proprement dit de

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Dieu pour autre chose, puisque tout ce qui est ne forme qu'une seule chose, à savoir Dieului-même. (Traduit du hollandais par Ch. Appuh)

Non seulement il y a immanence de Dieu dans son peuple chéri, mais il y a aussiimmanence des êtres que nous sommes en lui. C'est ce que dit Paul à Athènes autour de l'année50 :

Actes 17, 27 : Pour chercher Dieu, pour voir s'ils vont tâtonner et le trouver, et en réalitéil n'est pas loin de chacun d'entre nous. Car en lui nous vivons et nous nous mouvons etnous sommes...

C'est ce qu'analysera saint Thomas :

Somme théologique, I, question 8, article 1 : Dieu est dans tous les êtres, non pas certes

comme une partie de l'essence [de Dieu], ni comme un accident, mais comme celui quiagit ou opère, est présent à celui dans lequel il agit... Étant donné que Dieu est l'actemême d'être ou d'exister par sa propre essence, il faut que l'exister créé soit son propreeffet... Cet effet, Dieu le cause dans les êtres non seulement lorsqu'ils commencentd'exister, mais tout aussi longtemps qu'ils sont conservés dans l'exister... Aussilongtemps qu'un être a l'existence, aussi longtemps il faut que Dieu lui soit présent...L'acte d'être ou d'exister est ce qui est le plus intime à chaque être et ce qui au plusprofond se trouve à l'intérieur de tous les êtres... D'où il résulte que Dieu est dans tous lesêtres et d'une manière intime...

L'immanence de l'action créatrice et opératrice de Dieu à l'intérieur de l'action coopératrice

de l'homme est formulée à plusieurs reprises.

Actes 14, 27 : Et lorsqu'ils sont arrivés ils ont réuni la communauté et ils ont faitconnaître ce qu'il a fait, Dieu, avec eux, et qu'il a ouvert pour les païens la porte de lacertitude de la vérité...

Actes 15, 4 : Et lorsqu'ils sont arrivés à Jérusalem ils ont été reçus par la communauté etles envoyés et les anciens et ils ont fait connaître ce que Dieu a fait avec eux...

Actes 15, 12 : Et alors elle a fait silence toute l'assemblée et ils ont écouté Bar-naba etPaul [Bar-naba en tête, c'est un document ancien] qui ont raconté tout ce qu'il a fait,

Dieu, comme signes et miracles parmi les païens par leurs mains...

1 Corinthiens 12, 6 : C'est le même Dieu qui opère toutes choses en tous...

Éphésiens 1,11: Celui qui opère toutes choses selon la décision de sa volonté...

1 Corinthiens 12, 11 : Tout cela, celui qui l'opère, c'est l'unique et le même Esprit...

Galates 2, 8 : Car celui qui a opéré ou agi en Pierre pour la mission de la circoncision, ila opéré aussi en moi pour aller vers les païens...

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Galates 2, 5 : Celui qui vous a communiqué l'Esprit et qui opère des actes de puissanceen vous...

Éphésiens 3, 20 : À celui qui a la puissance de faire au-delà de tout, au-delà ensurabondance de ce que nous demandons ou pensons selon la puissance qui opère ennous, à lui la gloire...

Philippiens 2, 13 : Car c'est Dieu qui opère en vous et le vouloir et l'agir...

2 Corinthiens 12, 9 : Elle te suffit, ma grâce. Car la puissance [de Dieu] c'est dans lafaiblesse [de l'homme] qu'elle trouve sa plénitude...

C'est une loi constante dans l'histoire du peuple hébreu. Le Dieu d'Abraham utilise descauses secondes faibles et fragiles pour réaliser des actions puissantes afin que l'homme ne

s'imagine pas qu'il est, lui, la cause première.L'action créatrice et opératrice de Dieu qui opère à l'intérieur de l'histoire humaine, ne se

substitue pas à l'action coopératrice de l'homme. Au contraire elle la suscite, elle la crée, parceque le but de la Création ce n'est pas pour Dieu de se substituer lui-même à sa Création, mais deréaliser une liberté sainte capable de porter fruit.

C'est ce que Blondel a appelé le problème capital de la métaphysique chrétienne : lacréation d'une liberté capable d'action.

Si on dit que l'homme ne coopère pas à la Création, alors on annule la Création. LaCréation est» dans ce cas-là une fiction, un songe, un fantasme, mais non une réalité.

Plusieurs textes enseignent la présence réelle.

Matthieu 18, 19 : Si deux se mettent d'accord parmi vous sur la terre au sujet de touteparole (grec pragma, hébreual kôl dabar) qu'ils demanderont, cela leur sera accordé dela part de mon père qui [est] dans les cieux (hébreusche-ba-schamaiim). Car en tout lieuoù deux ou trois sont réunis en mon nom, là je suis au milieu d'eux...

Matthieu 25, 40 : Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces frères qui sont les miensles plus petits, c'est à moi que vous l'avez fait...

Matthieu 25, 45 : Chaque fois que vous ne l'avez pas fait à l'un de ceux-ci les plus petits,c'est à moi que vous ne l'avez pas fait...

Le but de la Création, la finalité ultime de la Création, c'est l'immanence réciproque, sansmélange, sans confusion des natures ni des personnes, de Dieu unique incréé et de l'homme créé :Dieu tout en tous, hina hè ho theos ta panta en pasin (1 Corinthiens 15, 28) :

Afin que tous, ils soient un, comme toi, père [tu es] en moi et moi [je suis] en toi, et queeux en nous ils soient (Jean 17, 21).

Non seulement la transcendance n'exclut pas l'immanence, mais bien au contraire, ce queveut le Transcendant, c'est l'immanence sans mélange et sans confusion de l'être créé, son union àl'Unique incréé. C'est ce qu'enseignait déjàSchir ha-Schirim, le Chant des Chants. La Création se

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termine par l'union de l'Homme nouveau créé à Dieu unique incréé et l'immanence réciproque del'Homme créé et de Dieu incréé.

Le monothéisme hébreu est une métaphysique, et la mystique chrétienne orthodoxe

implique, présuppose et comporte cette métaphysique de la Création, de la transcendance et del'immanence, que l'on trouve analysée par exemple chez Thérèse d'Avila et Jean de la Croix. Lamystique chrétienne orthodoxe est fondée sur la christologie orthodoxe.

Le très célèbre et très ancien problème du mal doit évidemment être traité maintenant àpartir de tout ce que nous savons de l'histoire de l'Univers et de la nature, c'est-à-dire l'histoire dela Création, environ vingt milliards d'années. Le mal apparaît tardivement dans cette histoire,avec les systèmes nerveux suffisamment développés. Il doit être traité aussi à partir de ce quenous savons de l'avenir de la Création, c'est-à-dire de sa finalité. La finalité de la Création n'a jamais été de nous installer confortablement sur notre minuscule Planète dans notremicroscopique système solaire, qui existe depuis environ cinq milliards d'années et qui n'est pas

construit physiquement pour durer très longtemps, encore quelques milliards d'années.Il faut donc renoncer à traiter le problème du mal dans un système de référence constitué

par un cosmos imaginé achevé, terminé, depuis quelques milliers d'années. Il faut aussi renoncerà l'hypothèse arbitraire selon laquelle la mort physique serait une annihilation. Nous n'en savonsrien et nous ne pouvons donc pas nous appuyer sur cette conjecture Nous avons des raisons depenser que l'histoire de l'Univers et de la nature qui aboutit à des êtres pourvus de conscienceréfléchie ne se termine pas en queue de poisson dans le néant.

Nos confrères de l'athéisme n'ont pas à traiter le problème du mal, puisque depuis vingtsiècles et plus ce problème n'existe que par l'opposition supposée ou prétendue entre lemonothéisme et l'expérience du mal dans notre existence. S'il n'y a pas de monothéisme, ce quiest l'hypothèse de l'athéisme, alors il n'y a plus de problème du mal. L'athéisme est chargé de

traiter un autre problème, un problème antérieur, qui est le problème de l'être. Commentcomprendre l'existence de ce qui est, et la réussite de tant de milliards d'êtres vivants dansl'hypothèse de l'athéisme ? On ne voit guère aujourd'hui de philosophe athée qui se fatigue àtraiter ce problème pourtant évident et premier.

L'ascèse dans la longue tradition du monothéisme hébreu, depuis bientôt quarante siècles,se comprend à partir de la finalité ultime de la Création. Contrairement à ce qu'enseignent lesmaîtres à penser du paganisme moderne, l'ascèse, dans la tradition du monothéisme hébreu, n'estni une autopunition, ni une auto flagellation, ni un refoulement des instincts, ni uneautodestruction. C'est tout juste le contraire. L'ascèse est l'une des conditions du développementde l'homme, de sa maturation, de sa transformation, de sa métamorphose par laquelle seule il peut

parvenir à la finalité qui lui est assignée. Il n'y a pas de fécondité sans ascèse, dans aucundomaine. La fécondité d'une existence est généralement proportionnelle à l'ascèse, dans tous lesdomaines. Les maîtres à penser du paganisme moderne sont parvenus à faire croire auxpopulations que l'ascèse est une maladie. Comme d'habitude le mensonge est au principe de ladestruction et de l'inversion.

Si l'on méconnaît que l'ascèse a pour raison d'être la finalité de la Création, la réalisation decette finalité, alors on verse dans un système qui ressemble plus ou moins au platonisme, au néo-platonisme et à la gnose. On donne comme raison d'être à l'ascèse l'idée fausse que la matière estmauvaise, que l'existence corporelle est mauvaise, ce qui est contraire au monothéisme hébreu.

Nos gentils compagnons du paganisme, — saint Thomas d'Aquin les appelait gentiles,traduction latine de l'hébreu goïm—, n'ont pas bien compris ce que signifie l'ascèse chrétienne.

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Peut-être ne leur a-t-on pas bien expliqué. Ils s'imaginent qu'il s'agit d'une autopunition, d'uneautodestruction, d'une auto flagellation, d'une mutilation, et, horreur, d'un refoulement. C'est tout juste le contraire. L'ascèse chrétienne, dans le christianisme orthodoxe évidemment, repose sur un

principe ontologique fondamental : l'excellence de la Création, et de tout ce qui est créé, l'ordrecosmique, physique, biologique. Mais alors, diront nos gentils compagnons, pourquoi l'ascèse ?— Parce que l'homme, animal divinisable, comme disait Grégoire de Nazianze, est un animalinachevé. Il est appelé à une transformation, à une métamorphose, à une nouvelle naissance.L'ascèse chrétienne orthodoxe est tout simplement la condition et la méthode de cettetransformation, de cette métamorphose. L'ascèse anticipe la durée du monde à venir, pour parlercomme nos maîtres les rabbins du premier siècle. Elle est à cet égard prophétique.

Luc 24, 25 : Et alors lui il leur a dit : Hoï [transcription grecque ômega], [hommes],manquants d'intelligence et lourds de cœur [organe de l'intelligence] pour être certains dela vérité dans toutes les paroles qu'ils ont dites, les prophètes ! Est-ce qu'il n'incombait

pas auMaschiahde souffrir tout cela et d'entrer [ainsi] dans sa gloire ? Et il a commencéà partir de Môscheh et à partir de tous les prophètes et il leur a expliqué dans toutes lesécritures ce qui était dit à son sujet...

Il ne faut pas s'imaginer qu'il s'agit là d'une sorte de jeu de miroirs, l'avenir étant préfigurédans le passé, ou préformé. Bien plutôt convient-il de se souvenir de ce que nous ont appris lessciences de la nature, au cours de l'histoire naturelle. Des systèmes biologiques, des organes, sontébauchés, qui vont trouver leur réalisation complète beaucoup plus tard. Ainsi la souffrance duMaschiah est en effet enseignée dans les saintes Écritures hébraïques depuis longtemps, puisqueles prophètes hébreux souffrent lorsqu'ils communiquent au peuple hébreu l'information créatricenouvelle qui provient de l'Unique. Ils rencontrent une résistance qui va jusqu'à la mise à mort. Le

prophète hébreu, c'est l'ontogenèse du Maschiah. L'histoire du prophétisme hébreu, c'est laphylogenèse duMaschiah. Ce qu'ont souffert Amos, J érémie et les autres, cela va se retrouver auterme de l'histoire du prophétisme hébreu. Et le peuple hébreu tout entier, à son tour, parce qu'ilporte l'information créatrice qui provient de l'Unique, va souffrir de la part des nations païennes.C'est ce qu'expliquent les oracles recopiés à la suite du rouleau du prophète Isaïe, et c'est sansdoute le thème du livre de Job. Il n'y a pas préformation mais épigenèse, préparation, pré-adaptation, ébauches de ce qui va être pleinement réalisé plus tard. Les souffrances duMaschiahne sont pas un accident. Elles sont constantes dans toute l'histoire du prophétisme hébreu. Ellestiennent au conflit entre la nouvelle programmation créatrice communiquée, et les antiquesprogrammations animales inscrites dans le paléo-cortex du vieil homme, celui que lespaléontologistes appellenthomo sapiens sapiens.