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UN DOCUMENT INÉDIT SUR LA STATUE DE FRANCESCO SFORZA MOI)EL1E PAR LIONARD DE VINGt Au Directeur de la Gaçetse des Beaux-Arts. ittaniel,, le 'o seplembre tS77. Mon cher ami, en nos temps É refroidis, inféconds et agités par tant d'évènements meurtriers J' ±! vre irrévocablement disparus. Par la - jalousie du sort, cette MtDAILLC 0E -FEANCESCO SFORZÀ. consolation nous a été rnalheu- Lin,, îa,niaucrrebri reusement refusée pour certains Store,, p i . des M. de Français. N' L ouvrages qui ont fait le plusd'hon- - fleur â l'humanité et on peut compter at, nombre de ceux-ci la fameuse statue équestre de Francesca Sforza, modelée par Léonard. Après avoir épuisé l'admiration de la génératiba qui l'a vu apparaître et qui la -t cE7,t- ((pIBLIOTHÈ QUE:-, Document I II II 11H11 LIII 111111

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UN DOCUMENT INÉDIT

SUR LA STATUE

DE

FRANCESCO SFORZAMOI)EL1E PAR LIONARD DE VINGt

Au Directeur de la Gaçetse des Beaux-Arts.

ittaniel,, le 'o seplembre tS77.

Mon cher ami, en nos temps

•É refroidis, inféconds et agités par

• tant d'évènements meurtriers

J'±!vre irrévocablement disparus.Par la - jalousie du sort, cette

MtDAILLC 0E -FEANCESCO SFORZÀ.consolation nous a été rnalheu-Lin,, îa,niaucrrebri reusement refusée pour certains

Store,, p i . des M. de Français. N' Louvrages qui ont fait le plusd'hon-- fleur â l'humanité et on peut

compter at, nombre de ceux-ci la fameuse statue équestre deFrancesca Sforza, modelée par Léonard. Après avoir épuisél'admiration de la génératiba qui l'a vu apparaître et qui la

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Document

I II II 11H11 LIII 111111

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laissa périr sans l'avoir coulée en bronze, elle ne revit pas même,aujourd'hui, sous une forme pittoresque bien définie et arrêtéedans la légende littéraire éclose autour d'elle. J'ai l'ambition derestituer f, l'histoire de l'art, d'après un document positif, lapensée plastique de Léonard de Vinci.

Quoique j'aie, danscette laborieuse entreprise, de nombreuxet très-illustres prédécesseurs, le but f'est pas facile à atteindre.Toits les historiens de Léonard se sont efforcés de retrouverda'is les innombrables croquis laissés par le maître quelquesrévélations sur ses intentions et quelques traces des travauxpréliminaires nécessités par l'exécution de la statue mais pres-que tous ont eu des sentiments différents et la multiplicité dessolutions proposées a obscurci le problème au lieu de l'éclairer.Dès le -début des recherches critiques on se tint dans des don-nées, sinon exactes, du moins parfaitement raisonnables ç'Dise-gni di Leonardo da Vinci incisi e pubbhicati da C. G. Geril,Milan, 1734, tri-folio, P . 13). D'autre part, on savait, Par un

,contemporain; que, dans la figure de Léonard, le cheval étaitplein d'action et haletant. On devait donc s'arrêter tout d'abordfi une estampe représentant des études pour une statue- équestre(ue édition de Gerli, par Vallardi, P . y, note. .-. Passavant, le

-Peintre-Graveur, tome V, p. )Sr, n° 3, rectifié parle marquis-d'Adda, Gai-cite, tome XXV, p. i) qui répondaient parfaite--ment au signalement laissé par Paul Jove. Mais d'étrangesconsidérations e priori éloignèrent bien vite les chercheurs dela bonne piste. M. Charles Blanc, égaré par des idées préconçues

-et des préoccupations - d'esthétique transcendante, ferma pour,longtemps, par un mot fatal, le chemin de la vérité. « Quel futle modèle auquel définitivement Léonard s'arrêta? dit-il dansson Histoire des Peintres (Léonard de Vinci, p. 15). « On ne lesait qu'indirectement par des témoignages écrits et par des minia-tures de manuscrit que l'on regarde comme des copies d'après cegrand ouvrage. Gerli parle d'une vieille estampe qu'il dit gravée

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DESSIN REVROÙUISANT LA STATUE DE FRANCESCO SFUKZA.modelée par Léonard de Vinci.

( Cabinet des estampes de Munich.)

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par Léonard lui-même et qu'il a reproduite 1; 'nais son diremanque de vraisemblance. ' Et l'éminent académicien proposade voir le modèle définitif de Léonard dans un dessin de labibliothèque Ambrosienne représentant, non pas un chef d'Étattriomphant, mais un simple chevalier nu repos, la lance aupoing et prêt â entrer en lice 2.

De même, M. Charles Clément, dans son ouvrage intituléMichel-Ange, Léonard de Vinci, Raphaël, abandonnant l'idéeque la figure de Léonard ait pu avoir une allure animée, a, surdes indications de -Waagen 3, cherché à en connaître la com-position en comparant la miniature d'un manuscrit de la Biblio-thèque nationale de Paris (no 372 du fonds italien) avec undessin au crayon rouge, inexactement regardé comme originalet possédé par la bibliothèque Ambrosienne de Milan. L'hypo-thèse est extrêmement ingénieuse, et il est très-probable que lesdocuments sur lesquels elle s'appuie nous retracent une desphases par où passa la pensée de Léonard. Peut-être même nousmontrent-ils le premier modèlesi, comme le fait paraît établi 4,

il en exista deux? Notre savant ami le marquis d'Adda, dontl'autorité est si grande dans tout ce qui touche à l'art milanais etû la personne de Léonard, est venu prêter à cette supposition,dans la Gaette (tome XXV, P. 146), les merveilleuses ressourcesde sa profonde érudition, sans cesser toutefois de proclamer lahaute signification de l'estampe rarissime (Passavant, tome V,p. aSe, n° 3), qu'il faisait connaître par un fac-similé 5.

M. Perkins, dans son excellente Histoire des sculpteurs ita-liens (édition française, tome 1, P. 219), partage le sentiment de

t. Ni. le marquis d'Adda a établi que le fait est inexact en réfutant Passavantqui avait mi, rerreur en circulation (Gaettr, tome xxv, page,44 et 146,)

s. M. le marquis d'Adda a fait définitivement justice de cette opinion dansla Gatette des Bea ui-Arts, tome XXV, p. [44.

3 . Katnsttverke und ktiastler in Eugland atzzd Paris, tome 111, p. 367.4.. injoruo o alu opuscolo rarissimo delta flue del secoto XV intitolato Anti.

quarte prospettiche romane composte per prospettiiso mitanese dipisttore.Ricerclae del prof. Gilberto Goy1, Rom,, 1876 1 p. a et 19.

5. Voyez ci-après p. il.

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M. Clément sur un premier modèle et ajoute: K En 1490, ainsique abus l'apprend une note de sa main sur la couverture mêmede son Traité 81er Ie.clair-obscur, Léonard reprit son travail etmodela un guerrier combattant dont le cheval fougueux foulaitaux pieds un solddt luttant encore. Dans les quatorze esquissesqu'il traça avant de s'arrêter à un projet définitif, il dessina leguerrier et Ic cheval dans diversés attitudes, taniôt conservant,tantôt supprimant le soldat terrassé, et il fit des études sérieusesdu corps du- cheval, ledivisant en plusieurs parties en prévisionde la fonte du bronze.

M. Perkins, avec la pénétration d'esprit dont il adonnémainte preuté, a connu, par les seuls dessins de Windsor, lavérité tout entière; mais malheureusement il a jugé inutile dela démontrer, et M. C. Boito, dans le très-reinarqunhle travail

(Saggio delle opere di Leonardo dot Vinci. Milan, 1872, in-folio)qù'il n écrit sur la statue de Léonard et où se trouve résumél'état actuel de la science sur ce point d'histoire, en est revenu,pour tout ce qui concerne la disposition générale de la statue,

aux spéculations idéologiques de M. Charles Blanc.Voici le pasage:

Cite queue tavela t nia incisa di enano delta stcsso Leotiardo nonê provatoe 'tuslro occisia rien pare na clic quel cavalcatori grecamente ignudi e q uci

ci val li clic rimmel, ta no "cIte forme e nel la massa ca val li. de', l'assoril je vi anticl, I,maaaime quelli del combattimento dette a'aazzoni al Louvre, iiitcndann rap-prescutare il colosso de] duca Frai,cesco Sforza ci scmbra cota inèredibile.i.cou,irdo creva riclla pittiira ail troppo nobilc censo delta gra ,diosità percompiacersi nella statuai-in monumentale di inovetize violente e scomposte. Puo

essere, conne pare accoîbTialo de qualciic disegno delta collezione di Windsor, chc

l.eona i-do cia rimasto I ungamci,le incerto frà il cavallo di passe calmi e macstosoe il cavallo agitaio niTrera dagli ardori delta ia isch ia puo cancre, eo,nme dice ilRio, cite sic pasalito, certo di volo, in quotta irrequicta fantasia... Ma in 0i!imodo I' atitorc del Ccii icolo non patent contondcrc la ratura del basso rilicro,ch' egli stesso d 1cc came s' accosti in grandczza di spcculazionc ai, pittura, conla nature de? I itto rilievo non poteva duici qualcosa di similc ail' Alcssand ro ilgrande de] secentisla Puget, etc.

M. Boito, après avoir, fort ingénieusement, mais avec un

t. il s'agit de la planche reproduite par nous ci-après lPass.. V., p. itt, n'

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pyrrhonisme exagéré, discuté toutes les hypothèses avancées,estime que le dessin au crayon rouge de l'Ambrosienne, signalédéjà par M. Clément, pourrait à la rigueur, mais pourrait seulreproduire la pensée définitive de Léonard.

3e serais, comme tout le monde, disposé à adopter les trèsprudentes conclusions de M. Boito, si je ne venais de remarquerun document eui les infirme. Au Cabinet des estampes de Mu-nich, dans l'antichambre un peu sombre où des dessins de tousles temps et de tous les pays sont exposés ffous verre, on peut voirun cavalier du xv' siècle, au profil caractéristique, armé detoutes pièces, dont la tète découverte laisse apercevoir le frontdégarni de cheveux. Le personnage, tenant un bâton de com-mandement, est fièrement campé sur un cheval qui se cabre.C'est, 'n n'en pas douter, le dessin d'un ai-tiste qui a vu la statuede Léonard. Voilà donc le document tant etdepuis si longtempsdésiré!

L'émotion a-t-elle troublé ma vue et égaré ma critique? Non.Comparez la tète du cavalier dans le dessin de Munich avec lesmédailles de Francesca Sforza 1 C'est lui qu'on a puissam-ment assis sur ce lourd cheval de bataille. Oublions les règlesd'une grammaire esthétique que, malgré tout son génie, Léonardn'a pu deviner. Soyons naïfs, sans parti pris, et restons sur leterrain exclusif de l'histoire. La position si nouvelle et si mo-derne de ce cheval trahit alors pour nous le nom de son auteur.Qui donc parmi les maîtres, au xv' siècle, sinon le hardi novateur,aurait osé et devait vouloir sortir des entraves de la routine etdonner au cheval d'une statue une autre allure que celle ducheval de Marc-Aurèle, respectueusement copiée par Donatelloà Padoue et par Verrocchio lui-mème à Venise ? Le soldat ren-versé, destiné â servir de support, apporte un nouveau témoi-

Les médailles de Franccscn Sforza. attribuées à des auteur, connus, sontdues A p sanello, En rois, et Sperandio. Cf. A. Armani, les Âfêdaitlners italiensdes quiss ç ièrne et seiiè;,,e siècles. p. z6 et 50. Celle que iioua avons reaoit,iteest indiquic data luta, mais sans nom dautc,,r.

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gnagc à mon argumentation. Léonard a longtemps chérché cepoint d'appui nécessaire à la figure. La gravure publiée parM. d'Adda, les dessins de Windsor en sont une preuve surabon-dante. Enfin ce cheval haletant et cabré, c'est bien celui que nousa décrit de visu Paul Jove quand il a dit en paflant du Vinci« Finxit etiam ex argillà colosseum cquum Ludovico Sfortioe utab co paritet' oeneus, superstante Francisco patte illustri impera-tore, funderetur t in cujus ,'ehementer incitati et anhelantishabitu et statuarioe artis et rerum naturac eruditio somma depre-henditur '.

Sans pouvoir être attribué à Léonard de Vinci lui-même, jedessin sort vraisemblablement de son école. La tète du cheval,encore très-belle, est empreinte du style léonardesque. Ce n'estpas un croquis comme les esquisses de Windsor ou celles quenous conserve la gravure publiée par M. d'Adda. La plume estconduite sans hésitation, sans repentirs, et le dessin très-arrêtésemble reproduire un monument dont aucun détail n'est aban-donné à la fantaisie de l'artiste qui l'interprète. On peut suppo-ser qu'il a été exécuté directement d'après le monument original.J'ai la conviction qu'il représente le modèle définitif.

Grâces en soient rendues au marquis Campori et au documentpublié par lui (Gaiette, tome XX, P. 39, et tome XXV, P . 144et suiv.), on ne peut plus affirmer que ce sont des mains fran-çaises, que ce sont des projectiles français qui ont privé le mondecivilisé d'une des merveilles de l'art moderne. Je suis heureuxque les hasards d'une adente recherche aient réservé à une mainfran5aise l'honneur d'arracher à l'indifférence, dont on l'a entouréjusqu'à ce jour, le précieux document inédit que je vousadresse. Les cendres de Léonard ne reposent pas dans une terre

t. Tirabascl,i, ,Stnria delta Icttcratura ilaliaaa. Rome, :178 5 , tome lx,P. 121,

\'oycz tons les dessins de l,éo,,a 4 reproduits dans ce travail, et notam-ment ceux de la p. I t.

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s -

glacée. Désormais l'Italie pourra; à bon escient, évoquer l'ombredu chef-d'oeuvre oublié et, qui sait? avec ce point dô départarriver .ù en conquérir une image moins imparfaite. Aidez-moi,mon cher ami, parla voie de la Ga ette,à déposer au plus vitece tribut de mon admiration passionnée sur le .tombeau d'Arn-

1 boise 1 et au pied de là statue de la place de la Scala à Milan

1. Ph. de Chenu evières. A thenazu,, francais, a SS,i., 29 avril et ig août.•p. 3.98 cl 778. ..

2. ExIjait de la Gatcéie dcC Beaux-AVIS, tome XVI, dcttxiènie périodeP• 4. : 2 à 426.

Lunovicr.r MORSDarri s unt nainiasure attribuic â Ana, da Mu n'a

- ( ltritisla iIaaacaani.)

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I

f

LA STATUE

I.DE

FRANCESCO SFORZA

ET LE DESSIN DE MUNICH

Quand l'opinion publique nfait son m siège. â propos d'un

-, point capital de l'histoire de•'Nl'art, c'est véritablement entre-

r'prendre une tâche ingrate que

r '- devouloir lui apporter de nou-

veaux éléments d'information.L- Aussi inexorable que le bon

\\\ /L± abbé de Vertot, elle oppose

, "' longtemps une fin de non-recevoir au chercheur dési-reux d'agiter encore le pro-

P_ blème que, résignée ou sitis-

PuariaiT[R «CSVORCA,faite, elle proclame insolubleJapris i'sianipe ,rnxepourou ki tout jamais résolu, j'en

I;l So,iailelle,fr 1' dechi di Âtil,nio ,. -ai fait récemmentet uneJe Camro. fois de plus l'experience,

ilors-

que j'ai essayé de trancher, contrairement la routine, etù l'aide d'un document trouvé en Allemagne, le procès tou-jours pendant dc la statue de Prancesco Sforza, modelée parLéonard de Vinci. J'aurais cependant mauvaise grâce â me

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plaindre de ma mésaventure. Car je suis le premier à com-prendre que la résistance de l'opinion publique aux har-diesses de la recherche n son utilité. L'opinion publique,dans sa lenteur à s'émouvoir, est chargée d'un rôle social.Gardienne des vérités relatives précédemment conq»ises parla science, elle a le devoir de les défendre contre des inno-vations qui pourraient être dangereuses et qui souvent ne par-viennent pas à se justifier. C'est donc, je le reconnais, à l'inven-teur de toute doctrine nouvelle, dût-il revenir plus d'une fois àla charge, à faire des preuves tellement évidentes que tout lemonde soj t désarmé. Pendant deux ans, j'ai gardé le silence,prêtant l'oreille à toutes les observations. Aujourd'hui, aprèsmûre réflexion, je demande la permission de traiter la questionune fois encore et d'expliquer pourquoi je persiste dans mespremières conclusions, formulées, en novembre 1877, dans laGardÉe des Beaux-Arts' sous ce titre: r Un document inéditsur la statue de Francesco Sforza, modelée par Léonard deVinci.

Je soutenais dans cet article qu'un dessin, conservé auCabinet des estampes de Munich et reproduit 'ci-dessus, noustransmettait une image du fameux colosse de Milan tel que lesculpteur l'avait composé et 'tel qu'il se trouvait à la veille deson exécution. J'estimais que ce dessin, inspiré par la vue dumodèle définitif prêt à être coulé en bronze, avait pu être faitpar quelque artiste italiende l'académie de Léonard, en toutcas, par un contemporain qui avait admiré l'oeuvre. Plusieursobjections ont été présentées; comme elles ne concordent pasentre elles, je les exposerai successivement.

t. Deuxième période, tome XVI, p . 422 à 126.

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La première a consisté à dire que le dessin que j'attribuaisû un compatriote de Léonard de Vinci, ou à quelque élève deson école, était, tout au contraire, un dessin allemand. La formequ'a reçue cette opinion dans The Acadctny, numéro du 24 no-vembre 1877, n'a rien qui puisse nuire à ma thèse et je remercieFauteur anonyme de l'article pour la bienveillance de sesappréciations. J'avoue que, pour ma part, je n'avais pas songéque ce dessin pût être allemand, et, encore aujourd'hui, je ne mesens pas porté â le croire tel. Mais, fût-il allemand, mes conclu-sions n'en seraient pas affaiblies.

Dans une autre opinion qui ne s'est pas produite au grandjour, mais qui, en considération de son origine, n'a pas moinsd'importance, on prétend que ce dessin ne date que du xvi3 O siècle.C'est une forme nouvelle de la théoriè déjà connue', d'aprèslaquelle le « secentista o Puget n seul pu mettre un cheval dansune position aussi contraire aux pures traditions classiques- Ledessin , de lui-même, répondra suffisamment, je l'espère, ûcette objection sans fondement. La tète du cavalier deMunich, personne ne la contesté, est un portrait de Fran-cesco Sforza. Pour quelle cause, au xv,, 0 siècle, aurait-on rétros-pectivement songé à ériger ou même â dessiner une statue dece souverain? Comment aurait-on pu reproduire avec cettefidélité, je ne dirai pas seulement la ressemblance physique duduc de Milan, mais l'armure si compliquée qu'il porte, armuredans laquelle un érudit spécialiste ne relèverait pas une erreurde construction? Enseignait-on l'archéologie du xv' siècle danles académies du xv,t° ? Une statue du xvu' siècle en costumeexact et irréprochable du xv', cela fait rire I Veut-on dire seule-ment que le dessin, au lieu d'être original et direct, est unecopie exécutée au xv,,' siècle d'après un dessin antérieur, en un

t. Voyer le Saggio dette opere di Lconcrdo da Vinci. Milan, 1872,in-folio, p. 25, et Cainillo Boito, Lconardo e Michet Aagelo, se ,tdio d'arte,Milan, 1879, in-8', p, 98.

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mot une interprétation de secotide main? Alors, bien que jesois d'un avis tout o'pposé,je ferai rénlarquèr que cet argument,fût-il justifié, n'enlèvetaitrien à là valeur de ma démonstrationhistorique, à savoir que le modèle de Léonard avait une allure

hanimée et que sa pènsée ou a été transmise 'par un documentquelconque, abstraction faite des conditions dans lesquelles cedocument nous parvient. En vérité, cette objection n'a rien desérieux et je ne lui aurais pas fait l'honneur de la discuter, sielle n'émanait pas d'une autorité considérable dans la matièreet si elle n'avait pas été recueillie par quelques érudits de secondemain disposés à la propager. A l'apparition de mon article, lescandale produit dans le Landeaneau de certains pontifes de l'artetde leurs caudataires fut si grand qu'une rétractatio'n me fut amia-blement demandée et que je n'évitai une correction de main demaître qu'en promettant d'étudier de nouvehu la que'stion prêtû m'exécuter moi-mème si je me reconnaissais coupablé.

Arrivons aux savants étrangers et à l'examen de leurscritiques. Parlant (dans l'Archivio sloricolo,nbarda, numéro dedécembre 1877, page 1017) du monument de Léonar pour -François Sforza, M. Mongeri a dit:

Fi nora nutta di positïvo è u pparso u confortarci su] sicaro suo aspetto,Il Courajod lia' creduto di uverto scoperto net passuto settembro in cd disegob u'tienne conservato net gabinetto delle stumpe a Monaco di ltaviens. Il diratteredi essai è lute, in tutu, du t'arme in inganno , ctii guarda il concetto delta conpo.sizione.nia figura veramente monumentale, il b, avenue un nemico

duto sot in te sue gambe antcriori sottevate in alto, ne[]' alto d'impennrsi sittepos]criori. Il guerriero è lier intero ctiiuso nctt' amn,atura de] tempo, e ta testa,.orne si ravvisa du[ fac-simik unito, veduta di prolilo e sema ben'etto, porta,non ingannarsi, i lineamenti di 1_odovico il Mo, 'o (lisez Fra,acesco Sforza).

E gitisto dire cite il Courajod non volte atti,'marie qunte un disegno delVinci, nia soin di chi ebbc u vedere il monumentale nindelio. Ail' toron tro, fluo -dal 1869, ait 'tostro, il senatore de] rcgno dollar Giovanni Mordu i, ebteIL in quci t mutri un di,egno di Antonio de[ PolIauo]o, sicconic unedci lit ugeni per q uesto munti men to attoru messe u concorso du Lojovico, LI ndugareggiare con quetin elle s Venezia si volera in na] zuic pet Colleoni. LD ,talu;iriodi quel capolavoro clic à il sepotei'o di Sisto IV. sarehbe itato tien degno dirispondere aIle estgenze artistiche del More, se ta prova u' on fosse st tes vititadat Leonardu, torse con quel modeltino in ocra di cet parla il Vasari. Cella

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questo lutta si connetie la famosa sua jettera, con cul, oltre il reste, si offreail' esccuzidne del cavallo in bronza. Ii disegiso di Monaco sembra sia quello cheesisteva net libro dello stesso Vasari e di cul egli fa canon, etc.

M. Mongeri constate que le dessin de Munich reproduitune figure monumentale, que cette statue représente incontes-tablement Francesco Sforza et que j'ai simplement attribué cedessin à un artiste contemporain qui aurait vu le modèle deLéonard. Je lui suis reconnaissant de cette déclaration, ainsique de l'assentiment qu'il donne à une partie de mes conclu-sions. Je ne lui suis pas moins reconnaissant de sa contradiction.Le dessin, d'après lui et d'après une autorité comme celle deM. Morelli, daterait bien de l'époque où Léonard était à Milan,mais, au lieu de représenter la pensée de Léonard, il nous con-serverait le modèle proposé par Pollaiuolo pour la statue deFrancesco Sforza. En outre, le dessin émanerait directement del'auteur de ce modèle et aurait été possédé par Vasari. De cettecontradiction je ne veux retenir qu'une chose en ce moment.C'est que, pour des juges aussi compétents, le dessin que mespremiers contradicteurs proclamaient allemand d'abord , puisensuite de nationalité indéterminée et du x yu° siècle, est toutsimplement un dessin italien, attribuable à Antonio del Polla-iuolo. Disposé à accepter provisoirement cette manière de voir,sans m'en porter toutefois garant, je me réserve d'en discutertout à l'heure les conséquences.

Voici enfin l'opinion de l'un des auteurs du Saggio delleopere diLeonardo da Vinci que je demande encore la permissionde reproduire in extenso, malgré les paroles, beaucoup tropflatteuses à mon égard, de M. Camillo Boito. C'est un documentcapital pour la discussion:

Ma ecço un ultra disegno, venuto faori de un ani,o appert, e tatto incideredal signer Luigi Courajod cella Gauella Selle belle Arti. II disegno sis inlionaco, sotto vetro, oeil' anticamcra un p0' bula del Gabinetto dalle stampe,quasi smarrito fra le malte carte di artcfici d' agni tempo e pacte. Nes,unto, chcsi sapait, s' ara pigliata la bniga di guardarlo bene e di cavarne un saga cilsigner Courajod lia mostrato moita sottigliezza d' occhio cd un virissimo amers

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per V arts scoprendolo, lracndoto dalla dimenticanza nette quale giaceva e met-.tendolo d' un tratto alla luce del sole. E un foglio molto notevole. La lesta delgeserriero, in foui, somiglia a quelia di Frouceaco Sforza la persona, duos,oeil' armatura, con il hraccio deslro disteso e il bostone del camarde in mono.

certamenle assai nohile; il .,.Il ci portato dalle gambe di dietro, quaniunqucIn alto di slaùciarci con le zampe anteriori bon alte da terra, ha un' apparenéagrave. aggiungeretnniO quasi solesuite. La testa del ca"allo è invcro teonardescao il totale della statua, con quel guerriera caduto, sol qua) poggia il ventre delmassicclo animale, rispoi,de ai concctti, che furono sino ad ora attribuiti aLeonardo per il colosso e dci quali si trovano parecchie traccie qua e là,

Ma il disegno non è di Leonardo 10 confessa il mcdesimo signor Courajodfors' ù di un son allievo, e terra facile supporte. dice, clicsis statu propriameiltecopiato dol monumento originale. F Io scopritore subito con holà l'ode concludes l'ai l conviction qu'il représente le modèle définitif. s Qui sta il punlo. I modellifurono duc, ma i pensicri, gli schizzi, i disegtsi furono innumerevoli e ai sa ehei discgni di I_con ardo venivatto ricercati, studiati, copiati mctttre egli vivotasavon. Alberto Dorer, mette meno, forse diamante il suo longo soggiorno inVenezia, cava abhotsdanti eneninrie dalle ricerclie sotie proporzioui del corpoumano. dai pmoliti strambi di teste, dai cavalli del suo celebre contemporaneo. Ildisegno del signer Courajod potrcbb' casera dunque la copia più o raeno vecchiadi utio dei disegni finit! da Leotaardo per ta propria sua statua, ma tsoa tradottilit modello: potrel'be anche essere la copia del modello fatto da Antonio Pollaioloper la statua equestre dellu stesso Francesco Sforza, della quale il Vasari posse-dcva - In dia lui stesso - il disegoo in due ouadi : in tinta il duca à sotte Verona,tieli' al Fr0 egli, t tain armalo, fa saltare il cavallo addosso a un armato-

Il gentiic Francese perdoni dunqua alla nostra caparbietà se mettiamoi ntaanzi al disegno. clic citiameremo son, quelle o matila rossa, clic si vedenel I' Ambrosiaita e cite il Cernent dicte belhissimo, etc. I

Aux objections précédemment formulées par M. Mongeri,M. Boito ajoute que le dessin de Munich pourrait bien n'êtreque la copie plus ou moins ancienne d'un dessin de Léonard et

ne des études qui n'ont pas reçu leur exécution dans le modèle.Car M. Boito, après m'avoir fait l'honneur de discuter mes con-clusions avec autant de courtoisie que de bienveillance, persistedans la pensée exprimée déj ;a dans le Saggio U seconde statuede Léonard devait être d'une allure paisible. Je vais essayer derépondre simultanément aux observations de MM. MongeriMorelli et Boito, puisque, malheureusement pour moi, je n'aipas su encore assurer A mon système l'approbation de cessavants. -

I. J,conardo e \iiclsel Angeto, P. os, ça et 93.

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ITUOES DE LONARD DE VINCE POUR LA STATUE DE FRANCESCO SFOISZA(Rej ucliOil en fiic-si ni i ILLni de estampe attribuée cii nia il 1 lu i-mQme,

l'at. te pcj,;t,e-Graieur, tome V. P. 18 L. N 3.)

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II

M. Mordu m'a rendu un très grand service en faisant con-naître son opinion. Pour lui, le dessin de Munich serait undessin d'Antonio del Pollajuolo. Donc le document est italien etcontemporain de Léonard. Me voilà débarrassé des insinuationsqui prétendaient que ce dessin était allemand et datait duxvete siècle. Sans me prononcer d'après de nouveaux élémentsd'information, sans prétendre réviser, ni fortifier le jugement del'éminent connaisseur, je serais très désireux de me rangerson avis. Les dessins de Pollajuolo, ou réputés tels, sont assezrares et leur attribution est le plus souvent très problématique'.

r. Voyez l'intéressante note qlae M. Reiset a consacrée aux peintures et auxdessins des Pollajuoli dans fine Visite â la National Gallery ' CU i876,1" partie,5. 30eS 31.

Puisque l'occasion se présente, je dirai quelques mots du dessin que pos-sède le musée du Louvre (catalogue des dessins par M. Reiser, P. LVI) cl quiest attribué à la personnalité complexe et encore indéterminée de Pollaiuolo.L'attribution très certainement judicieuse, faite d'ailleurs d'après une inscriptiontracée sur l'angle gauche du dessin et publiée par M. Reiset (Une Visite â laNational Gallery en /876, p ' 3 t), est acceptée par cet éminent érudit. Or, jeremarque que l'homme nu, su de proFit, placé au milieu do dessin (n" d'ordre1486),n tout A fait ta physionomie du modèle d'académie ordinaire à l.éonard.C'est la télé chauve bien facilement reconnaissable et bien connus l oir les dessin sde ta reine d'Angleterre publiés par Chamberlaine et par quelques planches deGerli (n" Nt_V, I1, • 111 1. De plus, cet homme, dont le bras gauche est tranchéà la hauteur do biceps pour laisser voir te torse, se retrouve encore doits unecopie de la mme académie collée sur l'un des feuillets dia recueil de dessinsde Vallardi. f" 249, n' z 569. La jambe du même homme n été reproduiteplusieurs fois par Gerli, pi. XXXttt etXXXtV. Son torse n étégrsvé par HollarlWentel J'Iollas', bcschreéheedes rerteic/sntss miner ktspferseirJee, par GustavePartttey. Berlin, 1853, p. 400, n' 17721 . Si l'attribution est bonne, c'est-à-diresi le dessin attribué A cet insaisissable Pollaiuolo n'est plis tout simplementune ktude courante exécutée par quelque Florentin plus ou moins directementd'après quelque modèle attitré dans l'école de Léonard, il faut admettre quete personnage de milieu, dont te bras est tranché, a été inspiré à Pollaiuolo perLéonard. Quoi qu'il en soit, il me parait intéressant de relever les points decontact entre les artistes d' noe minte époque, ' sans que je me pot le actuelle.

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— '7 'CJ'avoue ne pas avoir encore sur eux d'opinion bien arrêtée,mais je ne constate pas, entre le dessin de Munich et lesestampes du maître, une contradiction suffisante pour m'em-pêcher d'accepter provisoirement sans protestation le sentiment,évidemment raisonné, que professe M. Mordu avec toutela compétence désirable.

M. Morelli a apporté un autre argument dans la discussion.Le dessin, après la mort de Pollaiuolo, aurait appartenu àVasari et serait décrit par lui 1. Voici le texte de Vasari

E si trovo, dopo la morte sua, il disegno e modello chen Ludovico Sforza egli aveva fatto per la statua a cavallo diFrancesco Sforza, duca di Milano, il quale disegno è ne]nostro libro, in due niodi in uno egli ha sotto Verona;ne!!' altro egli, tutto arniaro, e supra un basamento pienodi battaglie, fa saltare il cavallo addosso à un armato. » Jesuis toujours d'accord avec M. Morelli. J'accepterai, si l'on veut,de croire, quoique le dessin, rogné du bas, ait perdu son « basa-inento pieno di battaglie », que le document de Munich soitl'une des feuilles de papier recueillies après la mort de PoIla-juol et qu'elle ait été possédée par Vasari. Si la chose n'estpas évidente, elle est très suffisamment vraisemblable. Mais jerefuse d'aller plus loin. Oui, le dessin peut ètre à la rigueur dePollajuolo; oui. Vasari a pu le décrire et le posséder. li m'estimpossible, au contraire, d'admettre qu'il reproduise une com-position et un modèle de PdIlajuolo. L'affirmation de Vasarine me suffit' plus quand elle est contredite absolument parl'examen des faits.

- Tout d'abord, rien ne me porte à attribuer ,-t priori cesujet de sculpture à Pollajuolo. En effet, si je n'ai pas actuel-

ment garatit de l'attribution du dessin du Louvre i' 1486, III que je aoutieni eque te dessin n' 2569, assez mddiocre, q uoLt L,e é,na,,ant k un degré quelconquede l'école lombarde, soit atirib ,,ahte à Léona -d. Le dessin 2569 est décritDisegni di Leonardo da Vinci posscdsiti da Giuseppe Vaflcardi. Milan, tS,

p. 57. Vo yez ci-;lprûs te Post-scriptum.z. Le Vite, j onc t I t, P. 297 cela dernière édition de M. Gaeta,,o Mitanesi.

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lement de bases certaines pour asseoir un jugement sur les dessinsde cet artiste, il n'en est pas de même de ses travaux de sculpture.Les tombeaux de Sixte IV et d'innocent VIII sont là pour noustransmettre sa manière. Cette manière est anguleuse et bour-souflée, pleine de ragoût, si l'on veut, mais exagérée et tourmen-tée. Antonio del Pollajuolo n'a pas été nommé en vain le Bernindes Quatrecentistes. Or le modèle en question, bien pondéré dansson mouvement, ne rappelle pas nécessairement et invincible-ment un auteur de style violent et maniéré. Ce n'est donc pas àPollajuolo, qu'en dehors de preuves bien convaincantes, nouspourrions attribuer, d'instinct, le modèle. On va voir, d'autrepart, que ces preuves indispensables ne sauraient exister.

J'ai déjà expliqué f que les esquisses gravées, dit-on, parLéonard lui-même et, en tout cas, d'après ses dessins, étient desétudes pour la statue de Francesca Sforza, dans lesquelles lesculpteur cherchait le point d'appui nécessaire à l'équilibre d'uncheval dressé sur ses jambes de derrière. J'affirmais cc fait enrapprochant du dessin de Munich ces esquisses gravées, signaléesautrefois dans la seconde édition des dessins publiés par Gerli 2,

décrites dans le Peintre-Graveur de Passavant 3, et données enfac-similé par M. le marquis d'Adda dans son remarquable articlesur la gravure milanaise 4 . Je pouvais également tirer unargument de la présence des bases sous les pieds des chevaux.M. Camillo Boito, dans un passage du Saggia delle operedi Leonardo etc. , déjà reproduit par nous 5 , se refuse àcroire que ces cavaliers, inspirés par la vue d bas-reliefsantiques, traduisent une pensée destinée à la statue du

i. Gaette des Beaux-Arts, r' période, t. XVI, p. 4:2, 4:3, 426 et ci-dessusP. 4 et 7.

r. Editiot, donnée par Vallardi en iSfo, P. 5, ilote.3. Tome V, p. t8r,t,' 3,

- 4. Galette des Beaux-Arts, tome XXV, p. 145. C'est grâce é une photo-graphie obligeamment communiquée par M. le marquis d'Adda que noua avo.5pu donner un nouveau fac-similé de cette rarissime estompe.

5 Ga;ette des Beaux-Arts,période, t. xvt, p. 424 et ci-dessus P. 5.

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duc François. Il maintient son opinion dans la réimpression deson beau travail i. Le fait, cependant, est matériellèment certain.Un assez grand dessin de Léonard, A Windsor, représente uncavalier dont le cheval, lancé au galop, pose le pied de devantsur le tronc noueux d'un arbre. On y remarque absolument lamème disposition que dans deux des croquis de la gravure citéeplus haut. Un autre dessin, reproduit par nous p. 19, montresimultanément un cavalier dans deux positions différentes: jO Lebras est en arrière et le bâton de commandement est placécomme dans un des croquis del'estampe; z" le brasest dirigé enavant comme dans le dessin de Munich. li est impossible désor-mais de nier l'évidence. Qui voudrait soutenir maintenant queles esquisses de la gravure n'ont pas été détachées de la suite desétudes de Léonard pour sa statue et que ces études ne sont pas,avec notre dessin, danà des rapports de paternité et de filiation?

Les dessins conservés à Windsor, abuterai-je, sont d'unecélébrité européenne; leur authenticité et leur provenance 9 lesmettent au-dessus de la discussion. Tous les évènements de lavie de Léonard y ont laissé des traces. Comme on peut en jugerpar quelques spécimens gravés ici et tirés de la suite d'études de lafameuse statue, ces dessins, d'uneinspiration identique mais d'uneexécution infiniment variée, sont pour la plupart des croquis oudes esquisses, ç'est-â-dire les premières pensées d'un artiste quicherche sa composition, et retourne dans tous les sens le thèmequ'il n choisi. On s'étonnera peut-être de tant de ténacité et depersistance, chez le capricieux Léonard, poursuivant, avec uneinexorable obstination, la solution d'une difficulté qui l'embar-rasse placer soit dan l'ardeur du combat, sur un cheval

t. Leonardo e Michel Angelo, 1879, iii-8', p. 89 et 90-

2. Sur la provenance des dessins recueillis par Pu,npeo Leoni et conservésWandsor, consultez la notice de Alariette sur Léonard réimprimée dans

)'Abecedario, tome M. P . 141 t 142; Charles Ragera, A collection ofprinls ininitiation of Draaing.e: Londres , 1779, lu-f', tome 1, Lconcardo, P. 4 J. Cham-berlaine, 1m if atio,js q! original de-singe ht' Lconardo la l'inci. 1796. préftice -et l e Cabi,ret de - t'A,,rateur de M. Plot, r 86 r - 802, p. Or, 2' colonne.I

3

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cabré. On dira ce qu'on voudra au nom des principes de l'esthé-tique. Mais il n'y apas à raisonner contre des faits. Elle a existé,cette idée fixe, réalisée de tous points dans le dessin simplifiéet apaisédeMunich, si furieusement, si longuement et, d'abord,si confusément méditée par Léonard de nombreux tâtonne-ments sont là pour montrer les phases par où elle a passé. Ehbien! si ces croquis sont tous incontestablement des premiersjets de pensée, des tâtonnements de Léonard, comment admet-tre ensuite que leur résultat soit l'oeuvre de Pollajuolo?

Est-ce que Léonard était un plagiaire Oui, sans doute, ilétudiait les ouvrages de ses contemporains et les chefs-d'oeuvrede l'antiquité. Il a dessiné les chevaux de Vènise; il a dessiné lastatue de Marc-'Aurèle et les colosses du Monte Cavallo. Il a des-siné la figure de Gattamelata et celle du Colleone. Il a copié biend'autres sculptures 1. Vasari a parlé de quelques-unsde ses em-prunts 2 11 aurait pu tirer un dessin du projet de Pollajuolo.Mais, quand Léonard copie, on reconnaît que l'inspiration nevient pas de lui. Tout, nu contraire, est spontané ou cherché ettrouvé du bout de la plume dans les croquis de la statue. Venezdonc dire maintenant que le dessin de Munich, au lieu d'être lebut auquel tendaient touices efforts, n'en est que le point de départet que ces immenses recherches ne sont que l'interprétation oul'imitation du prétendu modèle de Pollajuolo'Le fier Léonard,le créateur par excellence, travaillant seize ans pour dérober lapensée d'un autre 5 l J'ai à mon tour le droit de m'écrier: «..cj

sein bra casez incredibile!

- Plagiaire aurait encore été Léonard, quand, dans le cartonde la bataille d'Anghiari, il e dessiné le groupe du combat du

- Voyez les fac-similés de Gerli et les dessins de la reine d'Angleterre àWindsor désignés ci-après.

2- Le Vite, seconde édition de M. Gactano M ilanesi, tome 111, 1879, p - 364.

Cf. également: Marquis G. dAdda, Gaeite des Beaux-Arts, t. XXV, P. 140.

. Léonard a dit dans son Traité de ta Peinture IRonie, 181 7,P- 69)Dico-

aHi piton die mai ,sessuno dec unit-a ne I, ma,, iera d'un altt û. perchê ,ardette isipote e non (igllo della natura. n-

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drapeau. Léonard aimait certainement â reproduire, ailleurs queLes d'innombrables croquis, l'effort que fait le cheval se repliantsur ses jarrets pour franchir un obstacle ou se jeter en avant.L'homme couché qu'il avait si longtemps étudié pour la statue,on le voit étendu sous l'avant-main du cheval de gauche 1 . Dira.t-on que ce sont là des banalités communes à toute une école?

L'argument ne peut s'appliquer à Léonard. On n'a donc vraimentà opposer à cet invincible raisonnement par l'absurde qu'un motde Vasari. Mais Vasari n'avait pas vu la statue de Milan, et on sait

ce que valent ses renseignements quand il parle de faits dont iln'a pas été témoin. Les documents d'histoire, â mesure qu'ils sedécouvrent, infligent au biographe des artistes italiens les plus

cruels démentis !• Il n'est métre pas besoin de.récuser absolu-ment le témoignage d'un auteur aussi souvent mal informé.Vasari prétend que Pollajuolo avait chez lui deux dessins duprojet de la statue de Francesco Sforza qu'il avait préparé pour lemonument. La description du second de ces dessinscorrespondparfaitement au dessin de Munich. .11 est donc admissible,je le répète, comme le propose M. Morelli, que le dessin deMunich, possédé par Vasari, ait pu être exécuté par Pollajuolo.Mais il ne s'ensuit pas du tout que ce second dessin, une fois

s. Le carton de Léonard pour la bataille dA nghiari nous est partielle-ment connu par la description très précise de Vasuri Le Vite, éd. Lcmou.nier, tome VII, P. 3 r), avec laquelle concordent suffisais, ment le dessin de la casaRuccellaj, gravé dans l'Etruria pitance, pi. 29, cl la copie plus ou moinsdirecte de Rubens qui est au Louvre, n' 565 du catalogue des dessins. GérardEdelinck s gravé également le méme sujet. Il existe aussi quelques pein-turcs anciennes reproduisant et réduisant la composition. Le croquis insérédans cet article est tiré de lune de ces peintures appartenant actuellement àM. Timbal et gravée par M. Haussoullier. Quelque altérés que puissent êtrepar des interprécasio,,s successives le dessin et la compositioa de l_éonard, onvoit que ces lourdes croupes de chevaux correspondent à la disposition ducheval de Munich.

z. Ce sera l'honneur du magisitique travail de N. Eu.. Manse, les Arts âla cour des Papes, de venir, concurremment avec les ducuracuts publiés parle, Gaye, les Reun,ont les Gitadel la, les Campori et les Mils nesi, nous a tira,, -chir de noire humiliante créd titis é envers tes fables de Vasa ri.

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FRAGMENT DU CARTON DE LÉONARD ns VINGt

POUR LA BATAILLE fl'ANGHIARI,

d'après une pointure du xvv siécte.

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identifié avec celui de Munich, ait été nécessairement l'expres-sion dc la pensée personnelle de Pollaiuolo. .Antonio del Poila-juolo, mort seulement en 1498, peut très bien avoir vu et dessinéla statue de Léonard 1 , et en avoir rapproché la reproductiond'un autre projet qui lui était personnel. S'il y a un imitateur,.pourquoi accuser Léonard? Que les partisans de Pollajuolocommencent par nous montrer, pour leur dessin arrêté etunique, un suite d'études et d'esquisses aussi nombreuses etaussi probantes que celles du Vinci.

III

J'avais soutenu qua ledessin de Munich, en même temps qu'iltraduisait la pensée de Léonard, nous 'conservait, à un degréquelconque, l'image de celui des deux projets qui fut exécutépar lui en dernier lieu. Cette proposition n'a pas soulevé moins(l'objections que la première. En effet, sous prétexte que l'abon-dance des documents égarait la critique au lieu de la -diriger, onadepuis longtemps déclaré que le problème du choix des projetsétait insluble en dehors de certaines considérations d'esthétiquegénérale. Je pérsiste à croire que la question peut être éclairéepar l'histoire. Pour la résoudre, il faut l'aborder naïvement,sans parti pris, sans préoccupations antérieures, avec le douteméthodique, comme l'aurait traitée Léonard lui-mème, c'es t-à-dire le père de l'esprit scientifique moderne, le disciple de l'expé-rience, le maître qui ne craignait pas d'employer le raisonne-ment et le secours des mathématiques dans l'appréciation desplus subtiles proportions de la forme, l'artiste enfinqui ne crut pasfaire déchoir l'art en cherchant à faire de l'art une science. Ins-pirons-nous donc de l'esprit de Léonard et partons de l'examendes faits, c'est-à-dire de cette masse énorme de renseignements

t. Voyez ce qui z été dit plus haut, p. 16, noie. I.e contact entre les deuxartiste tic strait pas tilt fait isold.

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que nous a conservés la main respectueuse de ses élèves. Cesera un devoir pour l'Europe savante de publier intégrale-ment les manuscrits et les dessins dépositaires d'une telle pen-sée i . On n'avait donc qu'A interroger les papiers de Léonardpour y recueillirquclques témoignages sur le projet qui t'occupaprès de seize ans, et on l'a fait d'asiez bonne heure. Malheureu-sement les documents relatifs à la statue sont si nombreux qu'ilsont écrasé l'attention superficielle de leurs admirateurs. Sortiséblouis decette enquèie, ces admirateurs ont, à tort, déclaré àjamais troublée la source la plus pure où nous devions aller pui-ser. Je crois qu'ils ont quelquefois manqué de clairvoyance et deméthode. Que les documents soient nombreux et contradictoires,peu importe. Il ne faurpas les examiner un è un, mais les ramenerè quelques types principaux, grouper tous ces projets par familleset, alors, la question se siiiplific singulièrement. Si on a soind'écàrter les études de chevaux d'après nature ou d'après desstatues célèbres, les croquis destinés à l'illustration d'un traitéd'escrime de Gntile )3otri, tout ce qui retient pas directementà l'ensemble de la conception du sujet,—et en renonçant, bien en-tendu, à noter les variétés infinies de chaque espèce et de cha-

1. a été donné depuis longtemps Varia , figurer et probe arienspicturx incipienda' jsss'entati alites û Wcneeslao Itollar, DoM,, aq. f. erreinc. 1645; Varie fiijzsreV ,nÛlsSlrslOSCr, svre inc. û Jaobo Sandrart, Ratis-bonne, ,Ô; Caylus et Minette, Recueil de charges et de tétes de d':ffrentScaractères gravées â Veau-forte d'après les dessins de Léonard de Vinci, 1730et 5767; Genli, bisegni di Leonardo dû Vinci iodai e pst bbticeti, Milan, 784;Vallardi (nouvelle édition de Gerli, t830) John Chsmbenlai,ïe, Initiations oforiginal desig's by Leonard dû Vinci, 5796; MM. Montent, Boito, Covi (Saggiodette opere di Leonard,, de Vine!, 1872). La reine d'Angleterre en faisantphotographier de nombreux dessins de sa collection, après les avoir exposés(Exhibition 0f st'orks by lise olé ,,,asters. Royal Academy of arts, BorlinglonII ouse, , 8), a douai une nouvelle impulsion àcette utile entreprise. Elle seraCoi, hottée. M. Charles lia -aisso,,-Mol lien va publier incessamment , le textephotographié des manuscrit, de Léos,ard conservés dans la bibliothèque de'l nstitut de Fra nec. -

z. Genli, Discg,ii di Leono,'do dû Vine!, 1784, P. 12 et a6. - Lomazan, Trot.talc delta pitiura, Rome, 1844, tome il. P. 24.

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que genre, -tous les dessins de Léonard relatifs.à la compositionde son oeuvre pourront être ramenés à deux types principaux,l'un calme et l'autre animé.

Dans le premier type, le cheval, au pas, semble descendre del'attique de l'église Saint-Marc de Venise; c'est celui que Gerli(p!. XL) et le'Saggio delle opere (pl. XXIV) ont reproduit po-sant un pied de devant sur un vase qu'il- renverse et maintenuclans une armature de bois destinée àfaciliter son transport.C'est ù cette famille de dessins que se rattache, par sort attitude,le cavalier du manuscrit de Gambagnola de Crémone, et j'ac-cepterais volontiers tout ce qui a été dit à son sujet. Si le pointde départ de cc type est, à mon avis, la copie des chevaux deVenise, le point d'arrivée, c'est le dessin au crayon rouge duMusée de Brera recommandé tout spécialement par M. Boito

De son côté; le cavalier à l'allure animée a aussi laissé par-tout des témoignages nombreux et probants de son existence.Le dessin de Munich, quelle que soit ],a qui l'ait produit,est le résumé le plus complet de toute cette sérié des recherchesde Léonard. Il joue, pour le second type, le rôle que le dessinde l'Ambrosienne remplit pour le premier.

Pourquoi maintenant - tout en reconnaissant que le typen° ' a pu être exécuté tout d'abord et représente plus ou moinsvraisemblablement un premier modèle exposé en 1493 lors dumariage de Blanche-Marie avec Maximilien, - ai-je avancé etsuis-je encore en train de soutenir que le type n° 2 est le projetdéfinitif? C'est parce que, seul, ce type correspond à la des-cription d'un témoin oculaire et que nous savons par Paul Joveque le cheval dû modèle exécuté en dernier lieu était « vehe-.menter incitatus et anhelans t D. Pour m'enlever cette conviction,

t. Sag-g-io dalle opere di Leonardo, P. 25 et 25. et Lcooardo e Miette! A ngclo,.çtadin d'arte, p. 93 et 94,

z. Le texte complet de la notice de Patel Jove sur Léonard a été publiépar Tirahoscai dans sa Storia delta lelteratura italiana. Rome, tome IX, j785,page, 120 -121. D'apt-ès Tiraboscl,j, la rédaction de la notice sur Léonard dateraitde '527 environ. -

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il faudra me montrer, dans les documents laissés par Léonardou nés autour de son oeuvre, un nouveau type plus conforme autexte descriptif de son contemporain'.

lv

Sur le terrain du raisonnement et de la froide dialectiquecette théorie me paraît inattaquable, tant que les termes de laquestion ne seront pas modifiés. Mais, en vérité, j'ai honte deme maintenir exclusivement sur ce terrain en parlant de Léo-nord et de restreindre à ce point l'intérêt du problème examiné.Il ne faut pas s'oublier dans de mesquines recherches de pé-dont, ni réduire l'oeuvre d'un tel homme à n'être que le prétexted'une aride polémique. Ouvrons donc notre coeur aux senti-ments qui devaient agiter une âme aussi ardente, aussi profondeque celle de Léonard. Reportons-nous aux évènements quidurent l'émouvoir et aux circonstances qui lui mirent l'ébauchoirà la main. Étudions l'importance qu'eut dans sa vie l'entreprisede ce travail. Interrogeons encore et d'une manière plus géné-rale les cahiers de notes et de croquis, témoins fi Ø êles de toutesses impressions. Nous obtiendrons, je crois, des éclaircissementsnouveaux et, sur la foi des preuves les plus positives et les plusmatérielles, nous verrons naturellement se produire ce quel'étude trop extrinsèque du sujet nous a déji révélé.

Le culte des morts est de tous les temps. Les Égyptiensentassaient des amas énormes de pierres au-dessus de la dé-pouille mortelle de leurs pharaons. Les ltaliensdc laRenaissancevoulurent, eux aussi, élever des pyramides sur la tombe deleurs souverains, mais ces pyramides étaient des oeuvres d'artcompliquées, leurs ouvriers étaient des artistes de génie, et leureffort fut tel que la matière et le temps firent défaut à leurs

M. Boi to a cherché à atténuer la valeur de, expressions de Pats! Jove(Lronardo e Michel Angelo. p. eS), mais il sera toujours impossible d'appliquerces expressions à un cheval qui marclierast au pas.

ci

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grandioses projets. On peut, sans exagération, comparer dansleu- imposante majesté les intentions pittoresques des deux na-tions et des deux époques. Quelques-uns des monuments funé-raires de la Renaissance, tout détruits qu'ils sont ou inachevésqu'ils aient été, projettent encore leur ombre immense sur toutel'histoire de l'art moderne. C'était une oeuvre vraiment gigan-tesque que le tombeau de Jù]es 11 rêvé par Michel-Ange. Letombeau projeté de François Sforza ne devait pas être moinssublime. Léonard, comme son jeune rival, eut, lui aussi, saii tragedia del Sepoicro s.-

Dès 1472 ',Galeazzo-Maria Sforza, au milieu d'une des toursles plus lettrées et les plus raffinées de l'Italie, résolut de consa-crer un monument considérable â la mémoire de son père. Lapremière idée qui devait offrir h un Italien du grand siècle étaitde représenter le fondateur de la dynastie milanaise, à cheval, au-dessus de sa sépulture. C'est la vieille pensée véronaise, exécutéejadis par l3onino da Canipione 2 renouvelée récemment à Pa-doue 3, et que Bergame 4, et Venise 5 vont imiter à l'envi.Les Sforza étaient amenés h rivaliser jusque dans la mortavec les Scaliger. L'inspiration de l'art se stèle ici, dans leursdésirs, aux suggestions de la politique. La cité de Milan verra,comme Vdronc, l'image du maître décédé la dominer encore, du

i. Cdvi, Noli;ic suila vitae suite opere dei principali archllctti, scultori episton, etc. Parle tt. p. 34. —C. d'Àdda, itdagini sioniche, art tri iche e hiblia-graji clic suifa Ùhreria visconteo-sfor;esca del caslelia di Envié. Appendicealla parte prinla, Milano, 1879. p. 62,

2. Su[ les loinheaux des Scaliger. vévez MalTai. Verona iliastraea (Milani826). tome 1V. p. 129; - Descri;iouc di Varoise, cl della suaproviacia, parle L,1820 1 P. 236.

3. La statue de Gaitamelata était terni tuée vers 1453. \'oyez sur elle: Perkins,Sculpteurs italiens, éd. 6'.. tome l'r, p. 184 et suiv.;- Hans Semper, Donatelloseine Zeil uoud Sc/enic, P. 387.

4. Sur la chapelle Collecte, voyez Calvi, Notiic sulla rua avilie tarare deiprincipati arclsui ciii, etc., parte 1t. p. 140 et 15e, ce Perlains, Scalpé. étai.,lame 11. P 1 46 , qui donae la bibliogi-aphie du sujet.

. Sans parler de I:, statue du Colleone. les églises de Venise sont rempliesde tomheaux dans l'ordonnance desquels on a abusé de la statue équestre.Cf. l'erkins, Sci,lpt. lIai., éd. fr.. tome Il, p. 226.

C

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haut de son tombeau, dans l'attitude du commandement. Siune telle pensée était de celles qui s'imposaient h cette époqueet à cette famille, le programme du monument â élever étaitde ceux qui sont dictés par la tradition- Les artistes les plus enrenom de la Lombardie furent appelés à réaliser immédiatementle désir du souverain. Les deuk frères Mantegazza qui, en cc mo-ment, près de Pavie, construisaient et décoraient de sculptures lemonastère de la Chartreuse, sont chargés de modeler la statueéquestre traditionnelle. Elle devait être de bronze. Crstoforo etAntonio Mantegazza, après avoir hésité, acceptèrent lacommande,fournirent dans un devis les renseignements demandés sur la va-leur du travail, calculèrent que le poids du métal monterait à sixmille livres, et le prix, dorure comprise, â dix-huit mille livres im-périales. Ils posaient en outre la condition qu'on leur donneraitun cheval pour modèle L Puis, l'affaire en resta là, soit â causedes évènements politiques, soit parce que les ingénieux sculpteurs,qui ont couvert la Chartreuse de tant de charmants bas-reliefs,sentirent qu'ornemanistes avant tout ils n'étaient pas les eïécu-leurs prédestinés •de cette grande oeuvre. La main qu'elle récla-mait vint bientôt, d'elle-même, s'offrir.

Quand Léonard arriva en Lombardie, vers 1483 2 et voulutfaire agréer dit ses services, il ne manqua pas de flatterdu premier coup la manie que les ducs de Milan se transmet-taient avec le pouvoir 3 .Jl écrivit donc à Ludovic le More, entreautres chosesAncora si potera dire opera al cavallo di bronzo

z. Calai, Net «le salle vite e salle opes-e dei priicipaii arehilelti, scultari epillai i > ccc.. pane II, p.. 34,

2. Amoretti. Mcmorir storichc su la pila, gli sludj e le opere di Lconardo deVine!, P. 3 z.

. naldassare Taccone n dit, en parlant du monument di, due François,dans la Coronatiouc e spouazliio de le ser. reg! szca M. l3ianca Sforta (1493)

E, se pi ù presto IIDII 5 è prineipiato.-t..a vogua de] Signer tu sempre prunta-bon s' ers Leanardo trieur lrovaloCite di pressais canto ben I improlsta. »

Non seulement le monument de Francois liait compencè, ranis ses propor-tions gigantesq ne, dlaieiit ai'r!tées longtemps avant la mors de Jean-Calées-Marie.

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che sarà gloria immortale et eterno encre della felice n1moriadel S'°vostro padre et de la inclyta casa Sforcesca 1 o. Et pendantseize ans Léonard ne cessa de poursuivre la réalisation d'unprojet si cher au souverain qui le patronnait. Ceint le premiertravail qu'il entreprit à Milan. Quand on parle (le la statue de

Francesco Sforza, il ne s'agit pas, on le voit, d'un monument

vulgaire. A la plus belle époque de l'art, le prince le plus puis-sant de l'Italie avait confié au plus grand artiste des temps mo-dernes le,soin de satisfaire tout ensemble la vanité et la piétéfiliale d'une dynastie.

En ce qui touche l'exécution de l'oeuvre et les difficultésrencontrées par le sculpteur, je n'ai rien àajouter à ce qu'ont ditGerli, Amoretti,. le marquis d'Adda, les auteurs du Saggia ettous les historiens de Léonard. Il est certain que le colosse nefut pas coulé en bronze puisque Gaurico, dont le texte publiéen 1 5 04 est formel, affirme que le travail resta imparfait 3 . Je n'airien non plus de nouveau à apporter, après M. Campori 4, sur

Cc fait résulte d'une épigramme inédite, tirée du nia. 1543 du fonds italien de laBibliothèque nationale, foL io4., y ', et qui m'est fort obligeamment communi-quée par M. Eug. Mont-z.

Jolsannes l'ollcntintis in divi Francis,! Sfortirn erra (sic) statua.s Inclit, pax tJtii fueram, ton f,i Igur in armis

Et mea Scipiadum gloria major erai.Hune mUai, magne repos, cl tu. t..odovice, cnlossum

Ponitit, ut vivat rumen in astra meum.M. Monts veut bien m'apprendre que le en,. a543 a été écrit entre les années

1492 et 1497. En tort cas la rédaction de l'épigramme est antérieure au décès deJean -Gstéaa.Marie.

t. Amoretti, Memorie storiche, etc., p. sG.2. Picordi di Mous. Sabba de Castigiéoac. Venise, s ç Ô f, f' la 5, verso. -

A,aorttti, Aie,,,. storiciic, p. 32.3. Pomposzii Gaurici neapolitaai de scutpiura. Florence, t l4, dernier

feuillet du traité. Conférez également l'excellente note de Al. Gilberto Govilntorno a un Opuscule, rarissimo 4db fisc del secobo xv', inhitobaio Atttiqtsaricprospetticlzc romane composte per prospettia'o mihauese dipintore. Rome, 1876,R. s et 50.

.. Gaefle des Beaux-,I ris, tome XX, p. 39.

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la cause qui fit disparaître le monument. Je me bornerai à traiterde son ordonnance et de sa composition.

Comment le vieux thème véronais fut-il compris et méditépar le Vinci? Les dessins dispersés de toute part peuvent nousl'apprendre. Croit-on que Léonard va se traînei' dans l'ornière àla remorque de ses lointains prédécesseurs? Croit-on qu'il va ré.

CHEVAL OU MONTE CAVALLO. OIT DE PRAXFTjLE,

dessiné par Léonard de Vinci dans l'état où il se trouvait à la fin du xv' siècleet gravé dans l'ouvrage de Cerli.

produire le cheval immobile de Barnabù Visconti (aujourd'hui aumusée de Bréra), ou l'épaisse monture d'Oldrado di Tresseno,duBroletto de Milan; ou le roide palefroi du saint Martin del'église de Lucques, ou les chevaux endormis des Scaliger deVérone? Les conceptions plus vivantes de ses prédécesseursimmédiats, déjà émancipés par la Renaissance, ne lui suffisent

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même pas. Il connaît et il dessine la statue de son maître Ver-rocchio à Venise t. 11 connaît certainement la figure du Gatia-melata de Padoue 2 ; il fait plus il remonte au type primordial,

la source commune, les chevaux de Saint-Marc auxquels ilconsacre longte±ps son attention 3. 11 étudie la statue deMarc-Aurèle 5. Tous les chefs-d'oeuvre de l'antiquité, découvertsjusque-là, sont visités par lui. Mais, en puisant aux mêmessources d'inspiration que ses deux grands précurseurs, il y ajoute

la préoccupation d'une oeuvre nouvelle. Donatello avait em-prunté à la statue du. Mérc-Aurèle, mais surtout aux chevauxde Venise. Verrocchio alliait, dans son modèle, l'allure dcsbronzesvénitiens à la puissante attitude du cavalier du Capitole, en ymêlant un très grand accent de vie et les conseils de la nature.L'inquiet et inasouvi Léonard veut aller plus loin encore dansle mouvement. Les colosses du Monte Cavallo hantèrent certai-nement sa pensée. La preuve, c'est qu'il interrogea leur signifi-cation et examina minutieusement leur constitution anatomiquecomme en tait foi un dessin reproduit en fac-similé par Gerli'.

Celui des deux chevaux du Quirinal qui a été dessiné parLéonard est, d'après deux estampes portant l'une l'adresse d'Anto-nio Salanianca 6 et l'autre celle d'Ant.Lafreri, le cheval attribuéà

r. Les dessin, de la statue de Colleone (datte l'un au crayon rouge),cents parpar Ltoaard, se tFouvent à Windsor. Cette reproduction montre quelquesdifférence, avec la figure qui existe sur la place de Sait Peut êtreLéonard avait il vu le premier modèle de Verrocchio, peut-être avait-il ajoutedes modifications de son invention? Ces dessins unt été exposés à Londres enIS79 Exhibition of SVorks hj nid ,,,asters. Royal Academy of arts, tturlingtual-tous,, Il' 18, P. 86.

r. Dessin appartenant à la reine d'Angleterre et exposé en a879, n' 180,p- 86 du catalogue de l'Exhibition of Wortrs M' the oU masters. Royal Aca-demy of arts, Eurlington Hanse, 1879.

. Plusieurs dessins à \Vind,or.4. Exhibition of lVos-ks M' tire nid "asters. Royal Academy of arts. 13cr-

lingson flouse, 1879, p. 86, n' tsi.y. Gerli. Disegei di Leonardo da Vinci, pI . XXXV.6. No,,, as-0,15 frit reproduire une partie de celte estampe pour .lccotnpa-

gner cet article.

e-

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Praxitèle. Quand clic fut copiée, cette sculpture se trouvait dansl'étai où l'avaient mise les travaux de consolidation entrepris par

La ChEVAL DIT 0E PttÂXeTèLE

an Monte Cavaflo, e Rorne,

d'après une eelaiaipe antérieure à 1546.

['aul il, et telle que la montrent trois planches gravées publiées,la première par A. Salamanca2 avant 1 546, les deux autres par

t. Eug. Mûntz, les Arts à la cour des Papes, tome li, P. 94 et 9t-2. Cabinét des estampes de la Bibliothèque nationale, topographie de Borne

V. b. 77 . Je dis que cette estampe sans date est antérieure t 1 546 parce que taplanche de Lafreri, datée de 1546, est ta copie de la première en sens inverse.

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- - Lafreri en 15-;() 1 et en 15 5 0 9. Les jarrets de derrière du pré-

tendu cheval de Praxitèle étaient cachés et emprisonnés dansdes assises de maçonnerie. Il avait déjà perdu un des pieds de

devant. Le cheval dit de Praxitèle fut reproduit de préférence- parle maitre, parce que celui qu'on attribuait à Phidias était

beaucoup plus mutilé. Il est aujourd'hui devant la fontaine du

Monte Cavallo, à droite dït spectateur3.Tandis que, par une étude passionnée de l'anatomie cheva-

line - étude qui, en apparence, dépasse de beaucoup les exi-gences de la sculpture, - Léon9rd prépare à son projet le cltarlTied'une prodigieuse exécution, la composition se dessine dans satète. Il invente un monument colossal. Un piédestal gigantesque,autour duquel se groupent des figures, est couronné par lehéros. La-statue paraît d'abord s'associer à l'idée d'une fontaines.

Le cheval, calme d'allure, marche au paset pousse de l'un de ses

pieds de devant un vase d'où l'eau s'épanche 6 . Cette ingénieuse

allégorie semble rappeler que la Loh,bnrdie a été dotée par sessouverains d'un merveilleux système d'irrigations. Elle est com-plétée par un autre symbole. A l'arrière-main du cheval, sous le

t. Cabinet des estanipet, Rome noctuelle, tome IV, G. C. 7.2. Cabinet des estampes Ibid. Il faut - se défier des indications plus ois

moins exactes foti t nies par les documents gravés pottéri cul col en t A t f5..

3. il ne peut pila y avoir de doute. C'est bien le cheval de droite que Léo-nard a copié. Comme on petit s'ait assurer su r les moulages de serti t, toutest es jambes de devant des deux chevaux sont modernes, t) l'exception de ta jambedroite du cheval de Pi-a xitt)le. Or% préci séme,ii le cheval dessillé par I éotiard

ut encore cette jambe à ta fin du as-5 siècle et seulement celle-là. Cf. éga lemetill'estampe repro4u ite par nous.

. Il existe partout de nombreux dessins d'anatomie chevaline, exécuté'par Léonard Gerli cula gueuvé plusieurs. Lite estampe du V. siècle, attribuée iiLeonard, reprod mit des études de t iles de clscv;u.x. it'a ssava ut. lit Pcjumtr,,'

Cramrzur, tome V, p. 83. n' o.) Cf. tes dessins gr:uvés cmi fac-similé ci-aptes,

p. t, d'après le uts. A de la tliblioluèqite de l'lmmstitut. fol. fiz y0 . Lise photo-gapimie de ces dessins nuits a -été gracieusement coulmatuiquée par M. Gb. Ra-

5. Plusieurs -dessins à Wiuudsur. -- ,-fa. 11usieur,rdus5itts ii \\'iudsor dessin dans Cccli. pi. Xi -

111111111

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Colleci j oli de S. M. la ko no dAnglelerre.)-

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pied qui est levé, on voit une tortue. Ce paisible animal est Phi-bilant prédestiné des plaines humides du Milanais. Il pullule

encore dans l'enclos de la Chartreuse de Pavie. Ainsi comprise,la statue offrait l'image d'un souverain pacifique, protecteur de

I 'ag ri eu I tu re.Concurremment, Léonard creuse dans le piédestal et y dis-

pose une niche destinée û recevoir la statue couchée du duc

François. On sait pertinemment que le colosse était avant tout

un monument funèbre. Voici, en effet, l'épitaphe qui l'accom-

pagnait-

QS'25QYI5 cOLOSSON PRINCIPIS VIDES 5 ASTA.

PRANCISCVS,AVCTOR 5EORri,E SACEIL GENTIS

ILLE ]LLE HELLO EST MAXIMYS. TOGA MAJOR.FOaTUNAt ÂLVILLNVS, tSEDDITVM AtTHEÏtI NVMEN,

P0STQvAM AvREVM vient sEcvLvfl TVLIT SCEPTR15.PAR. GENT1vM vicroR. NVSIAt QvtRiNoQvE,PIETATEM AMAT MAvRI, Ar OPVS LEONARDI

VINCI (ESTIMÂT- viwsri-? ÂBi HOSPES ET GAvDE.

Sassi 1 qui a retrouvé cette épitaphe dans un vieux recueil

d'inscriptions milanaises, se demandait si fi figure équestre ne

devait pas être distinguée du tombeau proprement dit de Fran-

oeis 2 . Les dessins de Windsor, et notamment un de ceux que

r. Bibiiotheca scriptoium n,ediota,,ensirj,n. Milan, 1745, in-f. , L t, p.CCCLVF. Saisi n fait préceder ).a de l'épitaphe des lignes suivantes

Paulo n nlè retuli n Ludovico erectam putri fuisse vaste mcli, stai tiam, quei Ilius vuit nia alq rie habilu n futaris aloi ibus indics rot. Addere mine luhet opuseam fuisse l.eonard i Vi iscfl aq ne ad Fraucisci I Sfortirn tumul u in dol locatani.adiecta epigrapho. q l'ain ex inanuscripi o vol umine nul q L'arum inscri plioiiummcd iolaneusi un in bibliotlieca monacliortin, S. Ambrosii seivalo dsumptamii e jefe ro s

2. Bib!, script. mcd., tome J, p . CCCLXIt. Sassi s'exprime en ces termes tpic 'os du poème de liaidas saie Taccone, reLu if aux nues, de Blanche-Marieet de tiaxiinil isu s Nihil aliud historia i nserv isas ex hoc Taceoni poeniaicsi icirnus, itisi menioriain auei si iaulacrij equo iosidnhis, quod Francisco I,

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nous publions, lui répondent. Léonard a dû modeler deux sta-tues, l'une fi cheval et l'autre couchée; ces statues (levaient êtrejuxtaposées, et on voit que le projet, auquel elles s'appliquaient,

est assez sorti du domaine de la pure spéculation pour pouveirdonner naissance à des documents épigraphiques.

Puis, tout à coup, au-dessus tic la statue gisante, sur le hautpiédestal cantonné de colossales figures d'esclaves, une sil-houette accentuée, hardie et d'une singulière fierté dans sesmultiples apparitions, Sc dessine. C'est le cavalier de la planche

gravée ( l'ass. , tome V, p. i S t , n° 3); c'est la figure (]ont

le dessin de Munich résume les nombreuses manifestations.- -

Sans doute, le raisonneur Léonard s'est rappelé que sa statuedoit être de bronze, et que )e bronze permet l'audace et

].a Alorses chevaux frémissants des Dioscures qu'il

• tenait en réserve dans un repli de sa pensée, après les avoireni j'rison nés dans soit t se sont élancés, ont escaladd le

piédestal et s'y sont installés pour n'en plus descendre. Le vieux

thème du tombeaualla veneziana o, respecté dans ses dispo-

sitions générales, était rajeuni dans ses détails. N'est-ce pas un

• - des caractères du génie de Léonard de Vinci d'avoir fait tout(lire - nième les ciuses les plus modernes — à la vieille languede l'art, sans avoir besoin, comme ses coupables rivaux, derompre les grandes traditions du xv' siècle, ni de tarir les sources

- si longtemps fécondes de l'inspiration italienne?

t'''•1 ct,o. Ludovicos t,, caca i ,cdc fundc,,durn curant ab irisigni ait itiec en-,,ardu Vi,icioscd, air-id Lait sit quart lui positum superius dixi,aiis, ailatte'u,n in patetile arc,, principis dom,,, cotispicuero, ignutuiit piorsus est.1.1 passage prdcdde'tt. auquel Sassi fait allusion, est cet tu où il L reprod itt

atiil aphe. Cf. dgatci,ic,,, Tjrahosct,i. Star!,, d,ilIa tc(tcra!ura italiana ttonic Vt, 3' tiartie, p. ttS, volume Si des ctussiqucs itaticus,

t Cciii, Dia' t! di icônard,, do Viaei, pl. XXXV.

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V

Mon étude a consisté, on le voit, 5 mettre dans un ordre raisonnéci chronologique les témoignages épars des modifications succes-sives de la pensée dé Léonard. L'existence de ces modificationsn'est pas discutable. Le travail auquel je me suis livré n doncété semblable A celui d'un éditeur consciencieux qui, dans un na-

- nuscrit qu'il publierait, chercherait à distinguer parmi les noteset papiers de l'auteur quelle fut la marche de sa pensée

ci la

forme définitive qu'elle n revêtue. Cependant, je reconnais qu'ily il une part d'interprétation personnelle, et il est bien cer-tain que mes contradicteurs m'accuseront «avoir fait intervenirl'imagination, quelque légitime et nécessaire que fût, â cetteplacé, l'emploi de cette faculté. Montrez-nous, me diront-ils,un texte contemporain, irréfutable, établissant que le chevalcabré, inspiré des groupei de Castor et Pollux et dresse plùsou moins temporairèmént par Léonard sur le piédestal de sastatue, n'en était pas descendu à l'heure où le modèle fut pi-étpoèr la fonte, quénd Lancina Curzmo Épigr., I. IV) s'écriait

« . . . Expectani an juil. ;no/em que fuluramSuspiciunt:fivat ers; vox cru: Ecce deus. »

l-lé bien le texte existe, et je ne comprends pas qu'il n'aitpas encore été relevé. Fra Luca Paciolo, l'ami, le compagnonde Léonard, dédiant à Ludovic le More, le 9 février 1498, sOt]

traité delta divina proporiofle ', lui disait précisément, aprèsavoir calculé la hauteur et le poids du monument, que la statue

(le 50,1 père François (adsuira;ida et stupcnda) n'avait rien àenvier à celles de Phidias et de Praxitèle 2 qui sont au Monte

z - Divins, ptoportiosiC. Venue, I 509, P, 'i 'na pars.On sait que les figures culu,sa I es du QLI1 ri,ial furent attrib uées, pe,,dant

fi- inoyer, âge et la Re,,aisss,,,cc, à Phidias et à Praxitèfe. Les divenes ôditioi,s

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Cavallo, à Rome (dal!' invidia di guelte di Fidia e di Prassitele'in Monte Cavallo ai tutto aliena). Après cc que nous savons duprojet de Léonard, cette comparaison devient lumineuse etdoit être, suivant moi, prise au pied de la lettre. Partout ettoujours la pensée des chevaux du Quirinal plane sur l'oeuvredéfinitive du Vinci.

Le fac-similé de Gerli, la gravure décrite par Passavant,les esquisses de Windsor, le dessin de Munich, le texte de PaulJove, et la phrase de Luca Paciolo forment un ensemble depreuves dont rien ne parviendra à rompre le faisceau. Mais, jedisais en commençant que je n'avais pas été assez heureux pourfaire, du premier coup, adopter universellement mon sentimentpar l'opinion publique. Quoique j'aie eu la joie de voir cesentiment partagé par l'érudition allemande 1 , je n'ose pas meflatter encore de l'espoir d'être immédiatement satisfait. Je nepuis oublier que Rio et M. Perkins 3 , sans avoir fait de dé-monstration complète, il est vrai, ont échoué avant moi. Tropd'hommes distingués, parmi les historiens de l'art, ont déjà prisparti, sur la question, dans un sens opposé et leur opinion estrépétée en choeur par un trop grand nombre de disciples. J'aiconfiance, cependant, car je crois avoir semé la bonne doctrine.

des Mirabiha Rama, en font foi. (Voir sur de curieuse, croyances populairesl'édition in-8' de la Bibliothèque nationale, cotée K 5359, a.) On retrouve uneautre mention de ces figures dans le traité de Luca Paciolo, Divine propar-flanc. Venise, I 509, prima par,, f' 24 verso. La pensée de comparer ic colossede Frnncoi, Sforza aux statues du Monte Cavallo s'imposait A presque tous lescontemporains qui ont parlé de ]'œuvre du Vi,,ci. Conférez le sonnet publiépar M. Cilberto Govi Into,'no a n'a opuscolo rarissimo delta fine del sccoloxv' intitoiato Àntiqnarie praspettiche romane composte per prospeltiI'a lai-lanese dipintore. Rame, 1876, p. 7 et 13.

I. Ni. Cari Brun, dans sa,, récent travail sur Léonard de Vinci, p. 3e et 32,inséré dans la publication du Dt R. flohme u Kunst und kîsnsliercies Muleta!-fers und de, nel:?clt I (Leipzig, Scemaon, 1879), a reproduit la gravure de laGaerte des Beaux-Arts exécutée d'après le dcssi,s de Munie!, et s'est associé àmea conclusions.

2' Art chrétien, tome 111, p. 63.J. Sculpteurs italiens, trad. fr., 1ame 1, p. 219.

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La vérité germera sous les pages de l'Art; elle saura trouver sonheure pour s'épanouir au grand soleil et, quand elle sera mûre,des gens de bonne volonté ne manqueront pas pour la recueillir.Toute idée nouvelle ne cesse d'être combattue que le jour oùelle est exploitée au détriment de son auteur. Ainsi va le monde.Que messieurs les plagiaires ne se fassent donc pas trop attendre!

TTES 0E CHEVAUXDESSINÉES PAR LONARD DE VINCI.

(Bibliothèque de l'Institut, Ms. A, f' 62, V'.}

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POST-SCRIPTUM

Pendant que cet article attendait

' l'Art, que lesgravures destinées ii sonsur le marbre, clans l'imprimerie de

illustration fussent prêtes, l'auteur aprofité, pour continuer son enquête,des occasions fournies par un voyageen Allemagne. Avant d'aller revoirle dessin de Munich, il a, chemin

-faisant, instruit l'affaire Pollaj uolb et

piècs justificatives, la caractéris;iqe

^ Tu

cherché â établir dans son esprit, sur

u l.ÇVTTdes dessins de cet artiste. Les estampes

n Edans la .I'rêdicatzoa de S. jean des Gladialcw-s (Passavant, le Peja-

au Baptistère de Florcitea,ire-Graveur, tome V, p. So, n° 2),

gravés et signés par le maître; Hercule combattant les GéantsPassavant, ibid., tome V, p. 5o, no ), revues, l'une à Berlin,

l'autre à Dresde, ne peuvent suffire â trancher la question.Car, si l'analogie de ces gravures avec le dessin de Munich n'estpas évidente, la contradiction entre les divers documents com-parés ne peut, pas être absolue, étant donnée la différence desprocédés auxquels ils sont dus respectivement. C'est donc auxdessins de Pollaiuolo qu'il faut directement sadi-esser.

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- 44 -• LcCabiïict des estampes de Berlin cri deux excel-

lents spécimens qui semblent être des études d'hommes nuspour le tableau de la National Gallery, ou pour les archers desestampes du Combat des Géants et des Gladiateurs. Ces dessins,conformes A la manière du peintre du Saint Sébastien deLondres , se rapprochent du dessin de Paris. Ils n'ont aucunpoihtde ressemblance nécessaire avec la pièce de Munich. Enexaminant à nouveau les portefeuilles de l'école italienne, j'aitrouvé, A Munich, un autre dessin empreint au suprême degrédu style de Pollajuolo. C'est une vieille copie ou plutôt uncalque ancien de ],a connue sous le nom de

Mort de Gattamelata » 1 , et fort injustement attribuée à Man-tegna. Elle carŒctérise, on ne peut mieux, la manière violente etoutrée du maftre et reproduit incontestablement et avec fidé-lité un original sorti de la main qui a tracé le dessin duLouvre. Quant à ce dernier, dont une inscription atteste l'au-thenticité; j'ai déjà dit qu'il est, au moins partiellement, unecopie ou une imitation des figures académiques de Léonard deVinci. Il suffira, pour s'en convaincre, de relire la note consacréepar nous à ce dessin (p 16) et de regarder les reproductionsgravées qui accompagnent ce post-scriptn;n.

l)'ailleur, on sait de reste que l'imitation des dessins anato-miques de Léonard était de mode à Milan, à la fin du xv t siècleet au début du xvi t. M. Gilberto Govi a fort justement rapproché,de certaines esquisses du peintre de la Cène, l'estampe en boiss

, Cette composition, invariablement attribuée à Motitegna contre toutevraisemblance, est depuis longtemps célèbre, puisqu'elle s été gravée dès lexvtè siècle par Alart Clcessen, qui hava il lait de t 520 à 155ç. La pièce est décritepar Bartacls, tome IX, p. 130, n' 30. (Je dois ta CoIaaaissa'tce de cette gravureà l'obligeance de M. Duplessis.) La méine cotnpoeil loi, est encore reproduitedans tes Dessins de.ç meilleurs peint res d'Italie, d'Àtleaitagtse et des Pays-Bas,die cabinet de M. Peut de Pra su à Nurembcrg, gravée par i'resl cl, t So.M. Reiacl, dans son travail sur la National Gallery de t .ondrea, dit que ledc, titi de cabinet de I'raun se trouve actuellementt citez Sir Richard Wallace.

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du Prospettivo Milanese I. il est donc incontestable que la vuedes dessins d'académie de Léonard exerça une action considé-rable sur l'art du nord de l'Italie à cette époque. Aux preuves

FaonTjsv,ce nu e Pgos pr.nivo ajILANE5E e.

déjà énumérées, il suffirait d'ajouter la présence, dans le dômede Milan, du fameux et insipide Saint Barthélemy, de Marco

j . Jneorno a un opsescoto rarissinjo delta iSsir de! accola XV, iniilûtatOAntiquarie prospetticite roina,1e composte per prospettivo ,nitaj,esc dipiutorc.Raine, 187 6 , P. 3 et 7.Ce petit ouvrage était dédié à Léonard, ainsi que l'explique

M. Govi.

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-4-Agrate. Puis-je oublier aussi la tète chauve du Lévite, dans la.irédicaijo,, de saint .ïcan, sculptée par Rustici I, au-dessus derune des portes du Baptistère de Florence ? Tout cela vient in-discutablement de Léonard. Et le type lui-même, avant d'avoirreçu l'empreinte définitive donnée par son génie, n'a probable-ment pas d'autre poiht de départ que la tête du célèbre zuc-cone D de son prédécesseur Donatello. Quoi qu'on pense . de celledernière supposition, ce serait certainement un sujet bien ,inté-ressant que d'étudier, dans les oeuvres milanaises et florentinesde la Renaissance, quelle fut la nature de l'enseignement pro-fessé par le Vinci, quelles traces il a laissées et quels furent lesprocédés qu'il employa. Il n'y a pas lieu de traiter ici, incidem-ment, ce point d'histoire; mais j'en ai trop dit pour ne pas essayer

•de déduire, en deux mots, de l'ensemble des faits groupés parnous, les conséquences naturelles qui semblent en découler. Nepeut-on pas, du rapprochement de ces compositions sortiestoutes de mains différentes et, cependant, procédant dons unecertaine mesure d'une inspiration commune, conclure à l'exis-tence d'un type primordial, d'un modèle de ronde bosse, parexemple, dont la silhouette générale et les lignes principales,.familières au maître, se seraient imposées à la docilité des élèves,à l'admiration des contemporains et se reproduiraient plus oumoins consciemment dans leurs oeuvres? Lors même que lemaître ne dirigeait pas matériellement leurs doigts, une préoc-cupation dominait, parait-il, leur esprit; une sorte de fantômehantait visiblement leur imagination. Ce fantôme, c'était un typedéterminé, un modèle fixe et arrêté dais ses lignes et, N monavis, en raison de la régularité et de l'intensité des impressionsproduites, ce dût ètre ut i modèle sculpté de Léonard. Mais reve-nons an shjetspécial de notre discussion.

• - - ,. CC. PerIeit,, Sc,nlptcur.s italiens, tome I, p.22 t. l'ai eu tort, précideitt-'net, t ( Conjectures à propos du hzs!e cil snarhre de Edatrjx d'Este, conteraio,' ,nt,sée du Loua'rcl, dette -pas indiquer ce point de coaL,,n c,ttrè Rustici etLeonard.

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En. résumé, la vue de dessins authentiques de Pollaiuolo oudu moins identiques, dans leur composition, ô celui qu'uneinscription contemporaine désigne comme une oeuvre de cetartiste,Jeur confrontation avec les estampes émanant directe-ment de lui ont modifié mes opinions. Je crains d'avoir faittrop de concessions en adoptant, sans discussion, le sentiment deM. Mordu. Rien ne prouve que le dessin de Munich ait étépossédé par Vasari. Ce dessin n'a plus sa bordure, et cette lier -dure serait nécessaire pour établir son illustre provçnanced'une maniére certaine. Rien ne prouve, non plus, qu'il aitété exécuté par Pollaiuolo. Sa couleur douce, blonde etlégèrement blafarde, qui échappé malheureusement ô la pho-tographie et ô la gravure, couleur que relève encore le fondnoirci sur lequel elle se détache, ne rappelle absolument enrien les tons jaunes, âcres, crus et durement florentins desdessins lavés de Pollajuolo. Le trait de plume n'est pas nonplus le même. -

Faut-il admettre que l'artiste u, sous des influences momen-tanées, dérogé à ses habitudes? C'est à mes contradicteurs qu'ilincombera de faire cette preuve. En attendant, rien n'est plusnaturel que d'expli4uer, par la célébrité du monument copié,l'existence simultanée de plusieurs dessins de différents artistesd'après le colosse de Milan. Maintenant que la voie est ouverte,je ne doute pas qu'on ne découvre bientôt de nouvelles copies.D'un autre côté, le dessin du Louvre éclaire singulièrement laquestion. J'ai pris Pollaiuolo en flagrant délit d'imitation ousimplement de réminiscence; et, cependant, j'avais, pour croireà l'originalité et à la spontanéité de son travail, la garantiesi précieuse d'un contemporain de bonne foi qui se croyait'lui-même aussi bien informé que Vasari a pu lètre, et • qui se

• trompait sur 4e véritable auteur de la composition visée et para-fée par lui. Le point de contact entre les deux artistes est cer-tain et indiscutable. C'est donc un devoir pour moi de nieméfier, et, après ce que j'ai démontré du goût de Pollajuolo pour

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I FRAGMENT DU DESSIN DE POLLAJUOLO.

(Mue du louvre

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air

les compositions ou tout au moins pour les modèles de Léon ard,c'est un droit de conclure ainsiOui, Vasari a posséddun des-sin provenant de Pollaiuolo,

Œ4 Y #R1 et, si l'on veut, exécuté par lui.Ce dessin reproduisait un mo-nument dont la descriptionconcorde avec le dessin deMunich. Mais le monumentn'était pas nécessairement del'invention de Pollaiuolo, nonplus que, dans le dessin duLouvre, la figure académique,copiée d'après le Vinci ou ins-pirée par lui. Je ne pense mômeplus, par égard pour l'attribu-

• tion de Vasari, que le dessin deMunich, sur la provenance du-quel on ne sait rien, soit pré-cisément et individuellement

VAcelui qu'a possédé le grand

a IIIamateur d'Arezzo. Je continue'-7 donc de tenir le dessin en

question pour italien, sorti de

•, quelque école du nord de la

-(péninsule et vraisemblablement

Ejouir AcA5MlQUZde l'école lombarde. En face

d'après un modèle de Léonard dede la pièce de Munich, qui, avecMusée du Louvre. (RecucilVallardi.)tous ses défauts bien évidents,

ne manque pas cependant de certaines qualités, toute autreattribution paraît impossible.

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ETUDES ANATOMIQUES.(Collection dc S. M. la Reine dAngleterre.)

Dessin dc IÂoiiard dc Vinci.

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TEXTE DE LA

NOTE AUTOGRAPHE

DE LÉONARD DE VINCI

Tantode[e] esseredaAB, cioèdal nascimento dinanzi de' ca-pelli alla linia della sommitàdel chapo, quanto da C D, cioêdal fine di sono del naso allacongiuntione de' labri dinanzidella hocha.

Tanto è dal lagrimatore dell'ochio M alla sommità del chapoA, quanto da M al di sotto delmento S.

S, C, F, B sono simile (sic)per ispatio luno ail' aitro.

TRADUCTION DE LA

NOTE AUTOGRAPHEDE LÉONARD DE VINCI

Entre les lignes A et B, c'est-à-dire depuis la naissance descheveux sur le front jusqu'à laligne du sommet de la tète, ildoit y avoir autant qu'entre leslignes Cet D, c'est-à-:dire depuisl'extrémité inférieure du nezjusqu'à la jointure des lèvres,devant la bouche.

Du point lacrymal de l'oeilM au sommet de la fête. A, ily a autant que de la ligne Mau-dessous du menton S.

Les lignes S, C, F, •l3 sontsemblablement espacées l'unede l'autre'.

s. Extrait du Journal l'Art, ' allilée, tonie IV, page, 9' à 95 116 à I s8,

i36 à 139, ,6o A ,64

Pat W - Typ. PiLLer et D,sotu,,S, rue des Gr&ndu-Augu'tia'.