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Ann Pathol 2006 ; 26 : 217-9 © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 217 Cas pour diagnostic Tirés à part : S. Sassi, voir adresse en début d’article. e-mail : [email protected] Une lésion utérine rare A rare uterine lesion Rym Dhouib Sellami (2) , Samia Sassi (1) , Fethi Zhioua (3) , Imen Abbes (1) , Maha Driss (1) , Karima Mrad (1) , Khaled Ben Romdhane (1) (1) Service d’Anatomie et de Cytologie Pathologiques, Institut Salah Azaïez, Bab Saadoun, 1006 Tunis, Tunisie. (2) Hôpital régional de Zaghouan, Tunis, Tunisie. (3) Hôpital Aziza Othmana, Tunis, Tunisie. Dhouib Sellami R, Sassi S, Zhioua F, Abbes I, Driss M, Mrad K et al. Une lésion utérine rare. Ann Pathol 2006 ; 26 : 217-9 Observation Une patiente de 32 ans consultait pour des ménorragies abondantes. L’examen clinique trouvait un utérus augmenté de taille non douloureux. L’échogra- phie abdominale révélait un utérus élargi polymyomateux. Une polymyo- mectomie a été réalisée. Une vingtaine de nodules ont été adressés pour exa- men anatomopathologique. Ils pesaient ensemble 200 g et mesuraient de 0,5 à 5 cm. Ces nodules étaient fermes, homogènes, blanchâtres et fasciculés à la coupe, de surface parfois irrégu- lière. L’examen extemporané concluait à la bénignité. L’analyse histologique définitive montrait des nodules mal limités coalescents intimement intri- qués et confondus avec le myomètre (figure 1). Ces nodules avaient le même aspect histologique. Ils étaient consti- tués d’une prolifération musculaire lisse agencée en faisceaux longs entre- croisés (figure 2). Les cellules tumora- les étaient régulières sans atypies. Les mitoses étaient très rares et normales. La nécrose était absente. Des structu- res vasculaires étirées allongées par- fois dilatées étaient fréquemment retrouvées au sein de ces nodules. L’évolution après un recul de deux ans est favorable sans récidive tumorale. Quel est votre diagnostic ? FIG. 1. — De multiples nodules léiomyomateux confluants remplacent le myomètre. Les nodules sont délimités par- tiellement par de fines structures vasculaires (HE × 200). FIG. 1. — Numerous confluent leiomyomatosis nodules replace myometrium. Several of the nodules are partially delimited by thin walled vascular spaces (HE ×200). FIG. 2. — Faisceaux de cellules musculaires lisses réguliè- res sans atypies cytonucléaires ni mitoses (HE × 400). FIG. 2. — Bundles of regular smooth muscle cells without cellular pleomophism or mitotic figures (HE ×400).

Une lésion utérine rare

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Page 1: Une lésion utérine rare

A n n P a t h o l 2 0 0 6 ; 2 6 : 2 1 7 - 9

© 2 0 0 6 . E l s e v i e r M a s s o n S A S . T o u s d r o i t s r é s e r v é s .

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Cas pour diagnostic

Tirés à part :

S. Sassi, voir adresse en début d’article.e-mail : [email protected]

Une lésion utérine rare

A rare uterine lesion

Rym Dhouib Sellami

(2)

, Samia Sassi

(1)

, Fethi Zhioua

(3)

, Imen Abbes

(1)

, Maha Driss

(1)

, Karima Mrad

(1)

, Khaled Ben Romdhane

(1)

(1) Service d’Anatomie et de Cytologie Pathologiques, Institut Salah Azaïez, Bab Saadoun, 1006 Tunis, Tunisie.(2) Hôpital régional de Zaghouan, Tunis, Tunisie.

(3) Hôpital Aziza Othmana, Tunis, Tunisie.

Dhouib Sellami R, Sassi S, Zhioua F, Abbes I, Driss M, Mrad K

et al.

Une lésion utérine rare.

Ann Pathol2006 ; 26 : 217-9

Observation

Une patiente de 32 ans consultait pourdes ménorragies abondantes. L’examenclinique trouvait un utérus augmentéde taille non douloureux. L’échogra-phie abdominale révélait un utérusélargi polymyomateux. Une polymyo-mectomie a été réalisée. Une vingtainede nodules ont été adressés pour exa-men anatomopathologique. Ils pesaientensemble 200 g et mesuraient de 0,5à 5 cm. Ces nodules étaient fermes,homogènes, blanchâtres et fasciculésà la coupe, de surface parfois irrégu-lière. L’examen extemporané concluaità la bénignité. L’analyse histologiquedéfinitive montrait des nodules mallimités coalescents intimement intri-qués et confondus avec le myomètre

(figure 1)

. Ces nodules avaient le mêmeaspect histologique. Ils étaient consti-tués d’une prolifération musculairelisse agencée en faisceaux longs entre-croisés

(figure 2)

. Les cellules tumora-les étaient régulières sans atypies. Lesmitoses étaient très rares et normales.La nécrose était absente. Des structu-res vasculaires étirées allongées par-fois dilatées étaient fréquemmentretrouvées au sein de ces nodules.L’évolution après un recul de deux ansest favorable sans récidive tumorale.

Quel est votre diagnostic ?

FIG. 1. — De multiples nodules léiomyomateux confluants remplacent le myomètre. Les nodules sont délimités par-tiellement par de fines structures vasculaires (HE × 200).

FIG. 1. — Numerous confluent leiomyomatosis nodules replace myometrium. Several of the nodules are partially delimited by thin walled vascular spaces (HE ×200).

FIG. 2. — Faisceaux de cellules musculaires lisses réguliè-res sans atypies cytonucléaires ni mitoses (HE × 400).

FIG. 2. — Bundles of regular smooth muscle cells without cellular pleomophism or mitotic figures (HE ×400).

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Rym Dhouib Sellami et al.

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Diagnostic : léiomyomatose

diffuse de l’utérus

La léiomyomatose diffuse (LD) de l’utérusest une affection rare. Elle se définit, selonl’OMS 2003, par un envahissement et rem-placement total du myomètre par d’innom-brables petits nodules musculaires lissesmal limités et confluents entraînant un élargis-sement symétrique de l’utérus [1]. Elle a étéinitialement décrite par Murray et Glunnyen 1924 sous le terme de « fibromyomatosecomplète » [2]. Elle a été ensuite dénomméeléiomyomatose diffuse par Lapan et Solo-non en 1979 [1]. Seulement une trentainede cas ont été rapportés dans la littérature[2, 3]. Cette affection atteint la femme jeune,entre 22 et 39 ans avec un âge moyen de 33 ans[2, 4, 5]. La symptomatologie est non spécifi-que : une douleur pelvienne, des méno-métrorragies pouvant être à l’origine d’uneanémie occasionnellement sévère [2]. Uneinfertilité ou des symptômes urinaires ontété également rapportés [2, 4]. Une hysté-rectomie totale a été effectuée dans la majo-rité des cas. Une polymyomectomie a étéréalisée dans de rares cas, comme dansnotre observation. L’examen macroscopiquemontre généralement un utérus bosselé,symétriquement élargi pesant entre 300 et1 200 g [3, 4]. Le myomètre est épaissi, tota-lement remplacé par une multitude depetits nodules mal circonscrits confluents etcoalescents, confondus avec le myomètreadjacent. Ces nodules sont typiquementpetits, voir le plus souvent microscopiques,n’excédant pas 30 mm de grand axe [1-3]. Ilssont assez fermes, constitués de tissu mus-culaire lisse fasciculé, blanchâtre et pluspâle que le myomètre avoisinant. Contraire-ment aux léiomyomes, mieux circonscrits,ces nodules ne présentent pas de remanie-ments kystiques, hémorragiques ou calci-ques [1].

L’examen histologique permet de poser lediagnostic. Il montre une prolifération mésen-chymateuse musculaire lisse bénigne mallimitée, modérément cellulaire, confondueavec les faisceaux musculaires lisses du myo-mètre avoisinant [1, 4]. Des cellules atypi-ques ou épithélioïdes et des images demitoses normales sont assez rares. Le nom-bre de mitoses ne doit pas dépasser 1 à2 mitoses par 10 champs au fort grossisse-ment [1, 6]. Un riche réseau vasculaire, unecondensation périvasculaire avec un aspectétiré laminé et allongé des vaisseaux sontsouvent rencontrés [2, 3, 6].

Le diagnostic différentiel se pose avec : desléiomyomes multiples, l’hyperplasie myomé-triale diffuse, la léiomyomatose péritonéaledisséminée, la léiomyomatose intravasculaireet le sarcome stromal endométrial de basgrade [1, 3-6].

Les léiomyomes utérins multiples siègent defaçon asymétrique dans l’utérus et ont descontours bien définis, alors que la LD tou-che entièrement et de façon symétrique lemyomètre avec des nodules musculaireslisses ne comportant pas de contours nets[5].

L’hyperplasie myométriale diffuse est carac-térisée macroscopiquement par un utérusbeaucoup moins élargi avec un épaississe-ment diffus, homogène et non nodulaire dumyomètre. De plus, l’examen microscopi-que révèle une hyperplasie diffuse et homo-gène du myomètre [1, 3].

La léiomyomatose péritonéale disséminéeest une entité bénigne caractérisée parl’association de léiomyomes utérins et demultiples nodules musculaires lisses matu-res affectant le mésentère, le fascia pariétalet viscéral du péritoine. La distinction avecla LD est beaucoup plus difficile lorsquecelle-ci s’accompagne d’un envahissementpelvien, ovarien ou paramétriale [6].

La léiomyomatose intravasculaire survientgénéralement chez des femmes plus âgéeset réalise des nodules irréguliers, mal limités,fréquemment enchâssés dans des vaisseauxdistendus et kystiques. Elle se distingue dela LD par la présence d’une proliférationmusculaire lisse beaucoup plus cellulaireavec extension intravasculaire [1-3, 5].

Le sarcome stromal de l’endomètre se carac-térise par une croissance invasive avec unetransition abrupte avec le myomètre normalet une cellularité augmentée. Les atypiescytonucléaires sont plus marquées et lesmitoses sont généralement de moins de 10pour 10 champs au fort grossissement [2-4].De plus, la présence d’une invasion endo-métriale et vasculaire et la positivité fré-quente des cellules tumorales pour le CD10confirment le diagnostic de sarcome stro-mal [5, 6].

La léiomyomatose diffuse de l’utérus estune entité bénigne. Une chirurgie conserva-trice avec surveillance stricte semblent êtresuffisantes d’après certains auteurs. Ceci aété vérifié dans notre observation [1, 4, 7].

Récemment, l’analyse moléculaire réaliséepar Baschinsky DY

et al.

a montré qu’il s’agitd’une prolifération de plusieurs clones decellules tumorales suggérant ainsi que la LDpeut être le résultat d’une atteinte exubé-

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Léiomyomatose utérine

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rante et diffuse de tout le myomètre par demultiples léiomyomes [5].

La LD a un comportement clinique favorable,apparenté à celui du léiomyome convention-nel malgré une étiologie et une pathogénienon encore précisées [5].

Key words:

uterus, leiomyome, leiomyomatosis.

Mots-clés :

utérus, léiomyome, léiomyomatose.

Références

[1] Tavassoli FA, Devilee P. World Health OrganisationClassification of Tumors. Pathology and genetics oftumors of the breast and female genital organs. IARCPress 2003.

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