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Thérapeutique Une perlèche atypique mais sensible An atypical but sensitive angular stomatitis N. Dupin (Service de dermatologie et de vénérologie, hôpital Cochin, Paris) U ne femme de 48 ans était adressée en consultation pour bilan d’une sarcoïdose cutanée. Il s’agissait d’une infirmière, mère de 2 enfants de 22 et 19 ans. Dans ses antécédents, on retenait une péricardite, en 1998, qui avait fait découvrir une hypertension artérielle, traitée depuis lors par Triatec ® 2,5 mg × 1 cp/j. À la même époque, on découvrait une hypercalcémie secondaire à une hyperparathyroïdie, condui- sant à une parathyroïdectomie suivie d’une hypothyroïdie supplémentée par 75 μg de L-thyroxine. Elle avait consulté, début 2007, pour des papules du visage ; une histologie pratiquée en ville avait retrouvé un granulome épithélioïde et gigantocellulaire, conduisant à soupçonner l’existence d’une sarcoïdose. La patiente était alors adressée dans le service de dermatologie pour un bilan visant à rechercher des localisations viscérales. Lors de l’hospitalisation de jour, l’examen dermatologique retrouvait des petites papules très discrètes, péri-orales. Le bilan biologique comprenant la NFS, l’enzyme de conversion de l’angiotensine, la calcémie, la phosphorémie, le dosage des créatines phosphoki- nases (CPK) et de l’aldolase était normal. Il existait une très discrète cytolyse hépa- tique et un allongement isolé du temps de céphaline activée (TCA) sans anticoagulant circulant. Les épreuves fonctionnelles respiratoires étaient normales, de même que le scanner thoracique, écartant toute hypothèse de sarcoïdose pulmonaire. La biopsie des glandes salivaires ne montrait pas de granulomes mais 2 îlots lymphocytaires, sans argument pour un syndrome de Gougerot-Sjögren. La patiente était de nouveau examinée au décours de son hospitalisation sans qu’un diagnostic précis puisse être fait. Les lésions du visage ayant disparu, on lui conseilla de revenir en cas de récidive. Elle était revue 1 an plus tard avec des lésions commissurales antérieures prédomi- nant à droite. La lésion élémentaire était constituée par une papule érythémateuse et orangée d’aspect lupoïde à la vitropression. Devant la suspicion de récidive de la sarcoïdose, un traitement par clobétasol en crème lui fut proposé, avec une efficacité certaine, mais une récidive des lésions à l’arrêt de son application conduisit à l’interruption définitive du traitement. Six mois plus tard, alors qu’elle n’utilisait plus aucune crème cortisonée et qu’elle ne se servait pas de crème hydratante ni de fond de teint, la patiente consultait de nouveau pour une aggravation des lésions, qui s’étaient franchement étendues, avec la présence de quelques pustulettes (figures 1 et 2). Dans l’intervalle, elle avait essayé un traitement par doxycycline orale, qui avait produit une amélioration sans toutefois entraîner de guérison complète. Dans l’hypothèse d’une rosacée granulomateuse, un traitement topique par métronidazole à 1,5 % a été instauré : il a permis une guérison complète 2 mois plus tard (figures 3 et 4). Il n’y avait pas de récidive, plus de 18 mois après la dernière consultation. II Images en Dermatologie Vol. IV • n° 4 et 5 • juillet-octobre 2011 132 Cas clinique Perlèche • Rosacée Angular stomatitis • Rosacea Légendes Figures 1 et 2. Lésions lupoïdes et pustu- leuses péri-orales avant traitement. Figures 3 et 4. Régression complète des lésions après 2 mois de traitement.

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Thérapeutique

Une perlèche atypique mais sensibleAn atypical but sensitive angular stomatitisN. Dupin (Service de dermatologie et de vénérologie, hôpital Cochin, Paris)

U ne femme de 48 ans était adressée en consultation pour bilan d’une sarcoïdose cutanée. Il s’agissait d’une infi rmière, mère de 2 enfants de 22

et 19 ans.

Dans ses antécédents, on retenait une péricardite, en 1998, qui avait fait découvrir une hypertension artérielle, traitée depuis lors par Triatec® 2,5 mg × 1 cp/j. À la même époque, on découvrait une hypercalcémie secondaire à une hyperparathyroïdie, condui-sant à une parathyroïdectomie suivie d’une hypothyroïdie supplémentée par 75 μg de L-thyroxine.

Elle avait consulté, début 2007, pour des papules du visage ; une histologie pratiquée en ville avait retrouvé un granulome épithélioïde et gigantocellulaire, conduisant à soupçonner l’existence d’une sarcoïdose. La patiente était alors adressée dans le service de dermatologie pour un bilan visant à rechercher des localisations viscérales. Lors de l’hospitalisation de jour, l’examen dermatologique retrouvait des petites papules très discrètes, péri-orales. Le bilan biologique comprenant la NFS, l’enzyme de conversion de l’angiotensine, la calcémie, la phosphorémie, le dosage des créatines phosphoki-nases (CPK) et de l’aldolase était normal. Il existait une très discrète cytolyse hépa-tique et un allongement isolé du temps de céphaline activée (TCA) sans anticoagulant circulant. Les épreuves fonctionnelles respiratoires étaient normales, de même que le scanner thoracique, écartant toute hypothèse de sarcoïdose pulmonaire. La biopsie des glandes salivaires ne montrait pas de granulomes mais 2 îlots lymphocytaires, sans argument pour un syndrome de Gougerot-Sjögren. La patiente était de nouveau examinée au décours de son hospitalisation sans qu’un diagnostic précis puisse être fait. Les lésions du visage ayant disparu, on lui conseilla de revenir en cas de récidive. Elle était revue 1 an plus tard avec des lésions commissurales antérieures prédomi-nant à droite. La lésion élémentaire était constituée par une papule érythémateuse et orangée d’aspect lupoïde à la vitropression.

Devant la suspicion de récidive de la sarcoïdose, un traitement par clobétasol en crème lui fut proposé, avec une effi cacité certaine, mais une récidive des lésions à l’arrêt de son application conduisit à l’interruption défi nitive du traitement. Six mois plus tard, alors qu’elle n’utilisait plus aucune crème cortisonée et qu’elle ne se servait pas de crème hydratante ni de fond de teint, la patiente consultait de nouveau pour une aggravation des lésions, qui s’étaient franchement étendues, avec la présence de quelques pustulettes (fi gures 1 et 2). Dans l’intervalle, elle avait essayé un traitement par doxycycline orale, qui avait produit une amélioration sans toutefois entraîner de guérison complète. Dans l’hypothèse d’une rosacée granulomateuse, un traitement topique par métronidazole à 1,5 % a été instauré : il a permis une guérison complète 2 mois plus tard (fi gures 3 et 4). Il n’y avait pas de récidive, plus de 18 mois après la dernière consultation. II

Images en Dermatologie • Vol. IV • n° 4 et 5 • juillet-octobre 2011132

Cas clinique

Perlèche • Rosacée

Angular stomatitis • Rosacea

Légendes

Figures 1 et 2. Lésions lupoïdes et pustu-leuses péri-orales avant traitement.

Figures 3 et 4. Régression complète des lésions après 2 mois de traitement.

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