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ARTICLE ORIGINAL Une stratégie d’amélioration des processus pour la sécurité des patients Martin Lees, MD, Ph. D., FCCLS; Patty Chapman, inf. aut., MBA, CHE; Spencer Dickson, inf. aut., M. Sc. S., CHE Résumé — La plupart des processus de changement échouent. Pour qu’ils réussissent, il faut adopter une démarche systématique fondée sur les pratiques exemplaires exécutées dans un esprit de total engagement de la part de l’organisation, de ses leaders et de son personnel. Les auteurs ont utilisé le cadre d’amélioration de l’Institute for Healthcare Improvement (IHI), conjointement avec des indicateurs de rendement en cascade de toute l’organisation dotés de cibles précises et avec la mise en œuvre de rapports sur le rendement. Cette démarche a permis d’améliorer deux pratiques relatives à la sécurité des patients : l’infarctus aigu du myocarde et le bilan comparatif des médicaments. L e présent projet de Formation en utilisation de la recherche pour cadres qui exercent dans la santé (FORCES) visait à mettre sur pied une démarche effi- cace pour mettre en œuvre et maintenir un programme d’amélioration des processus liés aux pratiques relatives à la sécurité des patients, par suite de la politique gouver- nementale exigeant de déclarer publiquement les ratios standardisés de mortalité hospitalière. L’intervention a eu lieu entre décembre 2008 et novembre 2009 au Bluewater Health de Sarnia, en Ontario, au Canada. Il s’agit d’un hôpital général multisite de 320 lits, 1 700 employés et 160 médecins agréés desservant une population de 128 000 habitants. Ni le ratio standardisé de mortalité hospitalière, ni la culture de sécurité ne pouvaient subir d’influence directe en raison de leur complexité. C’est pourquoi l’intervention était axée sur le maintien du respect de deux initiatives de sécurité : « Le faisceau de soins plus sécuritaires maintenant! » - « Bilan comparatif des médicaments » (Bil comp méd) et « L’infarctus aigu du myocarde » (IAM). Cette décision se fondait sur un concept de Reason 1 , selon lequel une démarche systémique de la qualité intégrant de multiples obstacles défensifs peut réduire le risque d’événements indésirables. Le présent article expose les résultats du pro- jet d’amélioration des processus de deux programmes de sécurité, de même que les principales leçons apprises. Les mesures avant-après ont permis d’évaluer la réussite. LE RECOURS AUX DONNÉES PROBANTES Les démarches systémiques adaptatives complexes comme celles décrites par McDaniel et coll. 2 démontrent que les organisations sont des entités sociales formées de nom- breux volets aux interactions mutuelles 3 . Ces interactions et leurs résultats sont imprévisibles, ce qui rend difficile et incertaine la gestion des processus conçus pour réaliser des améliorations. D’ailleurs, une vaste majorité des projets d’amélioration échouent en raison de cette complexité 4 . Étant donné ce risque d’échec et la complexité du change- ment, les auteurs se sont tournés vers des données pro- bantes et pratiques sur les structures fructueuses de changement. Le fait de compter sur une structure organi- sée contribue à la mise sur pied et à la mise en œuvre de projets d’amélioration de la qualité et de la sécurité 5 . Idé- alement, ces démarches fournissent une série d’obligations pour opérationnaliser les décisions, lesquelles passent de la haute direction aux cadres de terrain. Au sein des struc- tures les plus efficaces, la haute direction définit la straté- gie, les cadres intermédiaires l’exécutent et les cadres de terrain réalisent les résultats tactiques 6 . Les techniques envisagées incluaient le modèle d’amélioration de l’IHI, les critères d’excellence du rendement de Baldrige, les dé- marches Lean, Six Sigma et les stratégies d’innovation et d’amélioration des National Health Services. Les auteurs ont opté pour la structure d’amélioration de la qualité de l’IHI en raison de son utilisation généralisée et de plusieurs succès publiés, observés dans des hôpitaux semblables à l’établissement à l’étude. Du Royal Victoria Hospital, Barrie (Ontario) Canada (docteur Lees); South West LHIN, London (Ontario) Canada (madame Chapman); et école des sciences de la santé, Lambton College, Sarnia (Ontario) Canada (monsieur Dickson). Correspondance : Martin Lees, MD, Ph. D., FCCLS, Royal Victoria Hospital, 201 Georgian Drive, Barrie (Ontario) L4M 9R2, Canada (courriel : [email protected]). Soutenu par le programme de Formation en utilisation de la recherche pour cadres qui exercent dans la santé (FORCES), administré par la Fonda- tion canadienne de la recherche sur les services de santé (FCRSS) en colla- boration avec le groupe suivant d’organisations partenaires : le Collège canadien des leaders en santé, l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, l’Association médicale canadienne et un consortium de 12 parte- naires du Québec, représentés par l’Agence des technologies et des modes d’intervention en santé (AETMIS). Forum Gestion des soins de sante ´ 2011 24:S29 –S33 0840-4704/$ - voir les pages pre ´liminaires © 2011 Collège canadien des leaders en santé. Publie ´ par Elsevier Inc. Tous droits re ´serve ´s. doi:10.1016/j.hcmf.2011.02.007

Une stratégie d'amélioration des processus pour la sécurité des patients

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ARTICLE ORIGINAL

Une stratégie d’amélioration des processus pour lasécurité des patients

Martin Lees, MD, Ph. D., FCCLS; Patty Chapman, inf. aut., MBA, CHE; Spencer Dickson, inf. aut., M. Sc. S., CHE

Résumé — La plupart des processus de changement échouent. Pour qu’ils réussissent, il faut adopter une démarche systématiquefondée sur les pratiques exemplaires exécutées dans un esprit de total engagement de la part de l’organisation, de ses leaders etde son personnel. Les auteurs ont utilisé le cadre d’amélioration de l’Institute for Healthcare Improvement (IHI), conjointement avecdes indicateurs de rendement en cascade de toute l’organisation dotés de cibles précises et avec la mise en œuvre de rapportssur le rendement. Cette démarche a permis d’améliorer deux pratiques relatives à la sécurité des patients : l’infarctus aigu dumyocarde et le bilan comparatif des médicaments.

Le présent projet de Formation en utilisation de larecherche pour cadres qui exercent dans la santé(FORCES) visait à mettre sur pied une démarche effi-

cace pour mettre en œuvre et maintenir un programmed’amélioration des processus liés aux pratiques relatives àla sécurité des patients, par suite de la politique gouver-nementale exigeant de déclarer publiquement les ratiosstandardisés de mortalité hospitalière. L’intervention a eulieu entre décembre 2008 et novembre 2009 au BluewaterHealth de Sarnia, en Ontario, au Canada. Il s’agit d’un hôpitalgénéral multisite de 320 lits, 1 700 employés et 160 médecinsagréés desservant une population de 128 000 habitants. Ni leratio standardisé de mortalité hospitalière, ni la culture desécurité ne pouvaient subir d’influence directe en raison deleur complexité. C’est pourquoi l’intervention était axée surle maintien du respect de deux initiatives de sécurité : « Lefaisceau de soins plus sécuritaires maintenant! » - « Bilancomparatif des médicaments » (Bil comp méd) et «L’infarctus aigu du myocarde » (IAM). Cette décision sefondait sur un concept de Reason1, selon lequel une

Du Royal Victoria Hospital, Barrie (Ontario) Canada (docteur Lees); SouthWest LHIN, London (Ontario) Canada (madame Chapman); et école dessciences de la santé, Lambton College, Sarnia (Ontario) Canada (monsieurDickson).

Correspondance : Martin Lees, MD, Ph. D., FCCLS, Royal Victoria Hospital,201 Georgian Drive, Barrie (Ontario) L4M 9R2, Canada

(courriel : [email protected]).Soutenu par le programme de Formation en utilisation de la recherche

pour cadres qui exercent dans la santé (FORCES), administré par la Fonda-tion canadienne de la recherche sur les services de santé (FCRSS) en colla-boration avec le groupe suivant d’organisations partenaires : le Collègecanadien des leaders en santé, l’Association des infirmières et infirmiers duCanada, l’Association médicale canadienne et un consortium de 12 parte-naires du Québec, représentés par l’Agence des technologies et des modesd’intervention en santé (AETMIS).Forum Gestion des soins de sante 2011 24:S29–S330840-4704/$ - voir les pages preliminaires© 2011 Collège canadien des leaders en santé. Publie par Elsevier Inc. Tousdroits reserves.

doi:10.1016/j.hcmf.2011.02.007

démarche systémique de la qualité intégrant de multiplesobstacles défensifs peut réduire le risque d’événementsindésirables. Le présent article expose les résultats du pro-jet d’amélioration des processus de deux programmes desécurité, de même que les principales leçons apprises. Lesmesures avant-après ont permis d’évaluer la réussite.

LE RECOURS AUX DONNÉES PROBANTES

Les démarches systémiques adaptatives complexes commecelles décrites par McDaniel et coll.2 démontrent que lesorganisations sont des entités sociales formées de nom-breux volets aux interactions mutuelles3. Ces interactionset leurs résultats sont imprévisibles, ce qui rend difficile etincertaine la gestion des processus conçus pour réaliserdes améliorations. D’ailleurs, une vaste majorité des projetsd’amélioration échouent en raison de cette complexité4.Étant donné ce risque d’échec et la complexité du change-ment, les auteurs se sont tournés vers des données pro-bantes et pratiques sur les structures fructueuses dechangement. Le fait de compter sur une structure organi-sée contribue à la mise sur pied et à la mise en œuvre deprojets d’amélioration de la qualité et de la sécurité5. Idé-alement, ces démarches fournissent une série d’obligationspour opérationnaliser les décisions, lesquelles passent dela haute direction aux cadres de terrain. Au sein des struc-tures les plus efficaces, la haute direction définit la straté-gie, les cadres intermédiaires l’exécutent et les cadres deterrain réalisent les résultats tactiques6. Les techniquesenvisagées incluaient le modèle d’amélioration de l’IHI, lescritères d’excellence du rendement de Baldrige, les dé-marches Lean, Six Sigma et les stratégies d’innovation etd’amélioration des National Health Services. Les auteurs ontopté pour la structure d’amélioration de la qualité de l’IHIen raison de son utilisation généralisée et de plusieurssuccès publiés, observés dans des hôpitaux semblables à

l’établissement à l’étude.

Lees, Chapman et Dickson

L’INTERVENTION

L’établissement d’objectifs

Il s’agit de l’étape consistant à définir ce qu’on cherche àaccomplir, en se donnant des objectifs fondés sur desdonnées probantes. Ces objectifs doivent être circonscritsdans le temps et mesurables, et ils doivent définir la po-pulation de patients qui sera touchée. Les objectifs duprojet ont été retenus parce qu’il est démontré que le bilancomparatif des médicaments au congé prévient des er-reurs qui nuiraient autrement à la qualité7. L’IHI et sespartenaires de la campagne pour sauver des vies incitaientles hôpitaux et d’autres dispensateurs de soins à adopterles mesures suivantes pour réduire les dommages et lesdécès : 1) assurer la prestation de soins fiables et probantsen cas d’infarctus aigus du myocarde, et 2) prévenirles événements indésirables liés aux médicaments enadoptant un bilan comparatif des médicaments. Ces deuxséries de pratiques sont étayées par des données proban-tes relativement solides8.

La mise en œuvre de mesures

À cette étape, l’équipe doit recourir à des mesures quan-titatives pour déterminer si un changement donné en-traîne vraiment une amélioration. C’est une équipe forméede leaders, de gestionnaires et de personnel de premièreligne qui a établi les mesures précises des projets et qui aformé les équipes des deux projets de faisceaux de sécu-rité. Les cibles du projet Bil comp méd étaient atteintes àplus de 70 % 24 heures après l’admission, et étaient inache-vées à moins de 10 % 72 heures après l’admission. Le calculutilisé pour l’IAM correspondait au délai de moins de30 minutes entre l’arrivée et l’injection du médicamentdans 100 % des cas.

La sélection et la vérification des changements

Pour obtenir des améliorations, il faut apporter deschangements, mais les changements n’entraînent pas tousdes améliorations. Les stratégies et les tactiques sélection-nées et mises en œuvre par les équipes des projets sefondaient sur l’analyse des données, l’analyse des modesde défaillance et de leurs effets (AMDE) et les techniquesde schématisation du déroulement des opérations. Il estimportant de mettre certaines améliorations potentielles àl’essai en répondant aux trois questions proposées parLangley et coll.9 : 1) Que cherchons-nous à accomplir ?2) Comment savoir quel changement est une amélioration ?et 3) Quels changements peut-on apporter pour susciter uneamélioration ? Les réponses inspirent les cycles planifier-faire-étudier-agir (PFÉA), qu’ils orientent et précisent.L’analyse effectuée à l’égard de l’IAM a déterminé

que la défaillance critique se produisait au moment del’électrocardiogramme (ÉCG). L’équipe a sélectionné des

idées de changement pour améliorer le triage du patient et

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le processus d’acquisition de l’ÉCG. Les cycles PFÉA pourvérifier les changements potentiels ont suscité l’adoptiond’un nouveau processus de radiomessagerie afin d’informer letechnicien en ÉCG, ainsi que l’installation de nouvelleshorloges satellites afin de bien attester et suivre le temps.L’équipe du Bil comp méd a découvert que le processusd’admission au département d’urgence constituait une dé-faillance et a créé une liste informatisée et une séance deformation sur le Bil comp méd. Une infirmière préposée àl’admission a été affectée au département d’urgence àtemps plein et a commencé à utiliser une liste informatiséepour obtenir les antécédents d’admission en soins infir-miers, et un technicien en pharmacie a effectué des suivisavec le médecin responsable de l’admission afin des’assurer de l’exactitude des ordonnances de médicaments.Des cycles PFÉA rapides ont permis de mettre tous leschangements à l’essai.

La mise en œuvre des changements

Après avoir mis à l’essai un changement et l’avoir peaufinégrâce aux cycles PFEA, l’équipe le mettait en œuvre dansl’ensemble du département de soins aux patients. Lesétapes de mise en œuvre faisaient appel à des tactiques deBerwick10, notamment 1) soutenir ces innovations, 2) ren-dre les activités des premiers adopteurs facilement obser-vables et 3) assurer une latitude pour favoriser le change-ment.Le chef de projet a préparé un plan de soutien pour les

deux projets et a affecté deux infirmières enseignantesformées à la méthodologie d’amélioration de la qualité.Ces trois personnes ont ensuite préparé un plan de projetsegmenté associé à un calendrier d’évaluation du projetafin d’examiner les progrès et d’écarter les obstacles, decréer une tribune de communication et de célébrer lespetites réussites incrémentielles.L’observabilité du projet était assurée par la création

d’un nouveau processus de consignation et la modificationdes processus d’admission ainsi que par la participation demédecins défenseurs. Les arbres décisionnels du modèled’amélioration de l’IHI, les mises à l’essai de cycle rapidePFEA et les diagrammes étaient transmis aux réunionsspéciales du personnel, affichés dans les départements etpubliés dans les bulletins.La latitude pour favoriser le changement provenait de

l’attribution de périodes précises aux chefs de projet et aupersonnel afin de leur permettre de participer au projet. Detoute évidence, pour soutenir les efforts d’amélioration,nous devions démontrer les avantages du changement,prouver une correspondance évidente avec les processusnormaux de travail et créer un système plus efficace poursurveiller facilement les progrès.On a fait ressortir la formation sur la méthodologie et la

mesure de l’amélioration. Les cadres responsables étaienttenus garants des résultats de l’ensemble du projet. Ils ont

rencontré le comité de direction de l’équipe d’amélioration

Forum Gestion des soins de sante – Spring/Printemps 2011

UNE STRATÉGIE D’AMÉLIORATION DES PROCESSUS POUR LA SÉCURITÉ DES PATIENTS

toutes les deux semaines pour revoir les données, vérifierle calendrier de projet, contribuer à écarter les obstacles etcélébrer les réussites avec l’équipe. Les améliorations derendement ont été analysées au moyen d’un rapport depointage présenté au comité de la qualité du conseild’administration et, publiquement, aux réunions mensu-elles du conseil. Les cadres responsables ont travaillé àcréer une culture d’amélioration et à favoriser l’adhésiontotale du personnel en s’assurant que tous percevaientclairement les plans d’amélioration comme partie inté-grante de leur travail. Les membres de l’équipe des projetsont eu des possibilités de formation à l’externe. Les auteursont également lié le projet d’intervention aux séances surla sécurité qui venaient d’être entreprises à l’hôpital, demanière à raccorder le projet à d’autres pratiques de sé-curité organisationnelle.

LES RÉSULTATS

L’intervention a eu lieu entre décembre 2008 et novembre2009. On a constaté des améliorations à la fois pour l’IAMet le Bil comp méd. Les résultats figurent au tableau 1. Ona démontré une augmentation des thrombolytiques ad-ministrés en moins de 30 minutes, qui sont passés de 50 %à 100 % après la mise en œuvre du projet. On a égalementobtenu un taux de complétion accru du Bil comp méd à lafois 24 heures et 72 heures après l’admission.

Les leçons apprises

Le projet d’intervention a réussi à améliorer les résultatsdans les deux faisceaux de sécurité des patients. Les leçons

Tableau 1. Indicateurs de projet avant et après l’intervention

Mesure Date Date

Ratio standardisé de mortalitéhospitalière 2007/08: 105 2008/09: 88

Résultats de l’IAM (%) Déc. 2008 Nov. 20091. Aspirine à l’arrivée 100 1002. Aspirine au congé 100 1003. Béta-bloquants prescrits au

congé 100 1004. Thrombolytiques

administrés (en moins de30 min) 50 100

Résultats du Bil comp méd Déc. 2008 Nov. 2009Événements indésirables liés aux

médicaments 3 11. Réussite du bilan comparatif

des médicaments% atteint au bout de 24 h 47 63% inachevé au bout de 72 h 28 11

Satisfaction du patient (%) 100 100

apprises incluent l’importance du travail d’équipe, de la

Healthcare Management Forum ● Forum Gestion des soins de s

formation, du leadership, des défenseurs de première ligneet du courage de créer des conditions propices au change-ment. À l’instar d’autres chercheurs11,12, les auteurs ontdécouvert qu’un leadership visible et constant de la partde la direction est essentiel pour assurer le soutien etécarter les obstacles pour les leaders du projet et l’équipe.Pour y parvenir, ils ont compté sur un soutien clairementformulé de la part du chef de la direction à l’égard duprojet et sur la défense du projet de la part des dirigeants.Les cadres responsables du projet ont participé régulière-ment aux séances de planification de l’équipe du projet etaux réunions de résolution de problèmes. De toute évi-dence, cette mesure a donné au projet un certain niveaud’importance et lui a imprimé un élan pour aller de l’avant.L’enthousiasme des participants envers le projet en a in-déniablement profité, de même que la manière dont lesautres ont perçu l’importance des activités d’amélioration,car la haute direction y avait une grande visibilité. Dans lecadre de ce projet, les membres de la haute directionétaient le vice-président, le chef des soins infirmiers et lechef du personnel.Nous ne pourrons jamais trop souligner l’importance du

personnel et des médecins défenseurs pour accroître lavisibilité des projets de changement et pour contribuer àleur adoption et à leur propagation subséquentes. Toutcomme Reinertsen et coll.13, nous avons remarqué quel’adoption de nouveaux processus sous forme de change-ments de pratique au chevet du patient était grandementfacilitée par les pairs. Ces défenseurs avaient la fonctiond’informer, de démontrer, d’encourager et de réduire larésistance en conférant de l’enthousiasme et en démon-trant qu’il est possible de faire les choses autrement sansdifficulté. Ils étaient à la fois les premiers adopteurs et lespartisans du projet, et leur participation aux groupes detravail naturels dans lesquels on modifiait les pratiques aconstitué un volet important du succès.Il est également essentiel de fournir des outils probants

à l’équipe du projet, sous forme de structures de change-ment, de tactiques de changement et d’outils de mise enœuvre14. Il faut officialiser cet apport, sans compter quedes séances de formation et une aide de la directions’imposent pour habiliter les équipes de projets à utiliserces outils avec succès. Il est également important d’allouerdu temps à la mise en œuvre des projets d’amélioration etde reconnaître et célébrer les réussites. Étant donné lesexigences concurrentes de temps et de ressources, il estessentiel d’affecter du temps aux projets d’amélioration, etles leaders doivent être proactifs pour que les travaux liésau projet ne se traduisent pas simplement par un « ajout »à ce que le personnel doit déjà accomplir en milieu detravail.Nos résultats confirment l’expérience d’autres interve-

nants : il faut réfléchir aux moyens de comprendre commentimplanter et maintenir les changements de pratique avant

d’amorcer une quelconque initiative de changement. Les

ante – Spring/Printemps 2011 S31

Lees, Chapman et Dickson

initiatives échouent non seulement en raison de l’absencede compétences et de motivation de la part des partici-pants, mais également en raison de l’absence d’aptitudestant au sein de l’organisation que du personnel professi-onnel qui participe au processus de changement15. Lesleaders des programmes de changement doivent se rap-peler qu’il faut procéder à une évaluation détaillée de laréceptivité et de la capacité de participer au changement.Ils devraient procéder à cette évaluation et se doter destratégies à l’égard des appuis nécessaires avant même ledébut du programme.Les auteurs ont remarqué qu’il fallait des données en

temps réel pour garantir une participation continue etl’exécution de changements selon un cycle rapide. Cetteacquisition de données continue de poser problème dansles hôpitaux. En regard de certains indicateurs, un proces-sus de collecte manuelle s’est révélé nécessaire. Lesuivi des projets, par des démarches comme la tenued’évaluations aux deux semaines avec l’équipe de projet, acontribué à maintenir l’élan. Les rapports de progrès àl’équipe de direction de l’organisation et au comité de laqualité du conseil d’administration ont favorisé la surveil-lance et la supervision des projets aux échelons les plusélevés de l’organisation et contribué à maintenir la parti-cipation. Le compte rendu des progrès du projet au conseild’administration de l’hôpital et à son comité de la qualitéa également eu un effet motivateur.Il existe de nombreux modèles et structures pour orien-

ter et soutenir une organisation en processus de change-ment. Même si des aspects singuliers de bon nombre deces modèles et structures peuvent être considérés commeutiles, il est important que les organisations ne tentent pasde créer un hybride à partir de modèles variés. Au débutdu projet, les auteurs ont tenté de combiner divers outils ettechniques, mais ont découvert que cette démarche sus-cite la confusion. Une telle démarche hybride peut en-traîner l’impression d’absence de lien avec les initiatives del’organisation, ce qui pourrait nuire à la capacité depropager les initiatives et d’en assurer la pérennité.On ne connaît pas encore les résultats à long terme du

projet, et il existe un risque de revenir aux vieilles habi-tudes. Le temps et les efforts consacrés à ces projets ontsuscité des améliorations mesurables. Nous ne sommespas encore en mesure de déterminer si le personnel et lesressources financières ont eu des répercussions bénéfiquesdirectes sur des mesures réelles comme l’issue et la satis-faction des patients, mais selon d’autres publications, cesera le cas à long terme10,12,14. Il faudrait reprendre cesinterventions dans l’ensemble du secteur de la santé pourobserver les avantages et les résultats obtenus dansd’autres milieux. D’après notre expérience, il est possiblede réussir la mise en œuvre de projets d’amélioration de lasécurité, mais il ne faut pas confondre cette réussite avec la

propagation et la pérennité. Les auteurs sont d’avis que ces

S32 Healthcare Management Forum ●

deux volets devraient faire l’objet de mesures spéciales afinde conserver les premiers acquis et d’en profiter.La gestion du changement et les projets d’amélioration

sont des processus difficiles, même dans des situationsidéales, mais on peut y parvenir grâce à un soutien solideet constant de la direction. Ce soutien doit être assuré dansun cadre démontré d’amélioration de la qualité, orienté pardes buts et objectifs clairs, mesurables et recherchés, adop-tés par une équipe habilitée à réussir. Ces équipes ontbesoin d’être déployées plutôt que d’être composées d’unsimple rassemblement de personnes. Elles ont besoinde connaissances, de compétences et d’aptitudesd’amélioration de la qualité ainsi que d’outils de change-ment pour assurer la poursuite des projets d’amélioration.Cependant, si l’organisation s’assure que ces exigencessont en place, les changements pourront se produire,comme le démontrent si bien les expériences décrites auxprésentes.

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier le docteur Ross Baker de nousavoir servi de guide et de mentor pendant notre formationFORCES, ainsi que Sue Denomy, présidente de BluewaterHealth, pour avoir parrainé les boursiers du programmeFORCES.

RÉFÉRENCES

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15. Berwick DM, James B, Coye MJ. Connections between qualitymeasurement and improvement. Med Care 41:(1 Suppl):I30-

I38.

CHSRF and CPSI are offering an education program that provides healthcare board members and executive leaders with skills and tools to govern for quality and patient safety.

For more information, contact [email protected].

La FCRSS et l’ICSP offrent un programme éducatif qui donne aux conseils d’administration et aux cadres supérieurs d’organismes de santé les compétences et les outils nécessaires pour gouverner afin d’assurer la qualité et la sécurité des patients.

Pour de plus amples renseignements, communiquer avec [email protected].

Effective Governancefor Quality and Patient Safety

Une Gouvernance Efficace pour la Qualité et la Securité des Patients

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