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Universalit de Jsus-Christ
Autor(en): Moingt, Joseph
Objekttyp: Article
Zeitschrift: Revue de thologie et de philosophie
Band (Jahr): 17 (1967)
Heft 4
Persistenter Link: http://dx.doi.org/10.5169/seals-380878
PDF erstellt am: 20.03.2015
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UNIVERSALIT DE JSUS-CHRIST
Honor de collaborer cette Revue centenaire, dont l'esprit estsi
ouvert aux aspirations universelles de la Charit, je voudraistudier
dans le mme esprit l'universaht de notre Christ, sourceet heu, non
seulement de la communion de tous les chrtiens entreeux, mais
encore de leur union tous les autres hommes. Car lechrtien
d'aujourd'hui, quelque confession qu'il appartienne,souffre d'tre
spar de ses frres malgr la communaut de la foiau Christ, mais ne
souffre pas moins de se sentir spar du reste del'humanit cause de
cette mme foi. Le catholicisme se dpasseen cumnisme et celui-ci,
peine n, est dj dbord par undsir douloureux d' universahsme . La
diffrenciation de ces troismots, dont la signification est
cependant la mme, tmoigne dutrouble des esprits. Ce qui est d'un ct
prise de conscience fcondede l'unit de la foi chrtienne devient de
l'autre ct une crise deconscience, o cette foi court le risque de
se dpersonnahser.
Or il est clair que la dtermination des rapports des
chrtiensentre eux et avec les autres hommes passe par la dfinition
du lien quiunit Jsus Christ et son Eglise totale et la totalit de
l'humanit.A cette fin, et dans les limites qu'impose la dimension
d'un articlecompare celle du sujet, je chercherai d'abord la pense
de laTradition sur l'universaht du Christ en son humanit ; je
tenteraiensuite d'laborer cette difficile notion au moyen d'une
rflexionthologique ; quelques conclusions pourront alors en tre
dgages,propres clairer nos problmes actuels de conscience.
I. Circumincession du Christ et de l'Eglise
Entre le Christ et l'Eglise la plus ancienne tradition met un
hende coexistence, communion au mme Esprit de Vie, tel que la
catholicit du Christ se manifeste dans celle de l'Eglise comme dans
lesigne historique de sa rahsation effective, et que la catholicit
del'Eglise se prsuppose dans celle du Christ comme dans le
fondementontologique de sa raht spirituelle. Ces deux aspects se
rencontrentsimultanment et ds les dbuts ; la notion d'universaht de
l'Eglise
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se dveloppe la premire, sous la pression des obstacles auxquels
seheurte son existence, tandis que l'universaht du Christ est
misedavantage en lumire au cours des dbats relatifs
l'Incarnation.
i. Le Christ dans l'EgliseC'est d'abord par opposition la
Synagogue des Juifs, ferme sur
elle-mme, que l'Eglise prend conscience d'tre, comme le dit
Tertullien (dbut du IIIe sicle), la vraie et cathohque Jrusalem,
enqui les frres du Christ, c'est--dire les enfants de Dieu,
devaientrendre gloire Dieu . Car elle est une religion ouverte
toutesles races, le lieu du salut universel, en vertu de son union
au Christ,qui est la fois le temple cathohque de Dieu, en qui Dieu
est ador par toutes les nations qui accourent lui 2, et le prtre
cathohquedu Pre , celui par qui tous les hommes sauvs rendent grces
Dieu dans son temple qui est l'Eglise 3. Celle-ci affirme en
secondlieu son universaht par opposition aux sectes hrtiques qui
ontrejet la tradition cathohque 4, la doctrine cathohque 5,
c'est--dire la foi qui est communment professe teUe qu'eUe s'est
rpanduedepuis l'origine.
Le mot catholique signifie donc d'un ct universalisme :
lavocation missionnaire de l'Eglise de se rpandre partout dans
lemonde et de le pntrer ; et de l'autre cumnisme : l'identit dela
foi par laqueUe une ghse particuhre communie avec toutes lesautres,
et la communaut de charit qui manifeste visiblementcette identit 6.
La catholicit n'est pas encore conue comme l'unitmonolithique d'une
ghse rassemble autour d'un centre particulier,mais plutt comme une
double impulsion vitale, qui est histoire etesprit. C'est la
fcondit, crit Cyprien (vers 250), par laquellel'unique Eglise fonde
par le Christ s'tend dans une multitudetoujours plus vaste 7 et se
trouve divise travers le monde enbeaucoup de membres 8 ; et c'est
la sollicitude qui fait se retournerchaque Eghse particuhre vers
toutes les autres, car il convientque tous veiUent pour le corps de
toute l'Eglise, dont les membres
1 Adversus Marcionem, III, 22, 6, citant Ps. 21 (LXX) : 23.2
Ibid., Ill, 21, 3, citant Isae 2 : 2-4.3 Ibid., IV, 9, 9.4
Tertullien : De Monogamia, 2, 1.5 Tertullien: De Praescriptione,
30,2; 26,9: regulam fidei... quam
catholice in medium proferebant . L'adverbe s'oppose ex parte,
cf. De Fuga,3, 1. Adv. Marc, II, 17, 1 : la bont catholique de Dieu
: envers tous.
6 De Praescriptione, 20, 8-9 : Prouvent Tunit : la communication
de lapaix, l'appellation de frre, le contrat d'hospitalit, tous
droits que nulle autrergle ne rgit que la transmission identique du
mme symbole de foi.
7 Cyprien : De Unitate, 5.8 Id., Ep. 55, 24.
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sont disperss en tant de rgions diverses ', et qu'ils
s'efforcent de(les) ramener l'unit de l'Eglise cathohque et de les
unir par le liende la charit chrtienne 2. La runion de plusieurs au
nom duChrist, qui se rend prsent parmi eux (Mat. 18 : 20), forme
l'Eglise,runion qui implique d'ailleurs des structures sociales et
hirarchiques ; et sa cathohcit est l'extension de la prsence du
Christ enelle tout homme, en tout temps et en tout heu : Dans l'un
etl'autre est l'Eglise, et l'Eglise, c'est le Christ. Quand donc tu
te jettesaux genoux de tes frres, c'est le Christ que tu treins
3.
L'unit de l'Eglise est compare celle du corps humain,
entendueconformment la philosophie de l'poque ; union physique
d'unepluraht de parties et de fonctions diverses : de la multitude
desmembres est form un seul corps, de teUe sorte que cette division
estplutt une agrgation ; mais aussi unification spiritueUe, qui
dcoulede l'unit de l'me, rpandue par tout le corps et partout
elle-mme,moins disperse que distribue , car l'me coordonne les
perceptionsdes sens et les activits des membres en propageant son
influx jusqu'aux extrmits du corps 4. Saint Paul s'inspirait
vraisemblablement des mmes ides courantes, quand il enseignait que
tous leschrtiens sont membres les uns des autres, puisqu'ils ont
reu lemme Esprit indivisible, et forment un seul corps, qui est
celui duChrist et dont il est la tte, puisque cet Esprit est le
sien et que leChrist, en le rpandant, les anime tous de la vie
incorruptible de sonpropre corps 5.
L'Esprit Saint, reu au baptme, est donc le principe vivant
qui,en incorporant chaque chrtien au Christ, fait d'eux tous son
corpsuniversel, un corps qui est esprit, puisqu'il est rassembl par
l'Esprit 6. De mme qu'il est impossible sans eau , dit Irne (vers
180), defaire d'un froment sec une pte compacte et un seul pain, de
mmenous n'aurions pas pu devenir un en Jsus-Christ, autant que
noussommes, sans l'Eau qui vient du ciel ; mais l'union de chacun
aucorps et l'Esprit du Christ nous unifie tous en lui en un seul
corps etun seul esprit : Nos corps ont reu par le bain d'eau, et
nos mespar l'Esprit, cette union qui tend l'incorruptibilit 7.
Ds lors, quand il s'agira de discerner qui appartient au corps
duChrist, on cherchera o est l'Esprit Saint. L o le baptme est
1 Id., Ep. 36, 4.2 Id., Ep. 45, 1 ; cf. Eph. 4 : 3.3 Tertullien
: De Paenitentia, 10, 6.4 Id., De Anima, 14, 4-5.5 Rom. 12 : 4-6 ;
I Cor. 12 : 11-14, 25-27 ; Eph. 4 : 3-5, 15-16 ; Col. 1 : 18 ;
2 : 19.6 Tertullien : De Pudicitia, 21, 16.7 Adversus Haereses,
III, 17, 2 ; cf. Jean 7 : 38-39 ; Rom. 6 : 4 ; I Cor. 10 :
17 ; Gai. 3 : 28.
