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Urban-Culture Magazine - Numéro 5

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DESCRIPTION

En passant par les rookies du moment : Elliot Auffray et Arno Wagner, qui vous feront découvrir la région grenobloise sur leurs planches à roulette, embarquez avec eux dans le dernier UC . Premier arrêt, l'histoire de l'origine du Blues. Entre deux stations, et après un petit passage illuminé à la piscine - Molitor -, nous vous ferons découvrir la passion du graffiti et l'amour des lettres, avec un portrait du collectif Medlakolor et deux portfolios sur le street-art à Montréal, Melbourne et Sydney. Sur un fond de nostalgie, avec Besss, graphiste de métier, qui vient présenter sa marque directement inspirée des 80's 90's, nous terminerons notre escapade littéraire sur les phénomènes de société que sont la créolisation du monde et la prostitution.

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SK8 - Lyon - Lightgraff.org26 juin 2009 à 03h47,55 secondes.

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UC en voie de disparition !

Edito

Urban-Culture Magazine 14, boulevard Edouard Rey38 000 Grenoble. +33 (0)6 70 72 68 37 [email protected] www.urban-culture.fr

APE : 9499ZSIREN : 509 128 922SIRET : 509 128 922 00010CNIL : Déclaration n° 1335504

Numéro ISSN 1969-8380.Dépôt légal à parution.Notice n° : FRBNF42044402

Directeur de publication& Service publicité Axel [email protected]

Directeur artistique Aymeric Mortelecquewww.mavric-design.com

Rédacteur en chef Axel [email protected]

RédacteursAxel Foucheriq, Aude Béliveau, Émilie Brouze, Anaïs Djouad

PhotographesGuillaume J. Plisson, Jadikan, Julien Lacroix, Anaïs Marquet, Exotismes, Alan Lomax, Pascal Petit, Olli Mighty

Relecture Christelle Arhancet

ImprimeurPrintCarrier.com FranceZAC SEBASTOPOL3 rue des Forgerons57 070 [email protected]

Illustratrice Camille Teule

Maquette magazine Loïc Guglielmino, Aymeric Mortelecque

CouvertureGraff : Medlakolor Photo : Anaïs Djouad Lieu : Épagny

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F ait par des passionnés de cultures urbaines au sens large, fort de leurs expériences dans certaines disciplines : graffi ti, street-art, skate, parkour, bmx, ...

Le magazine se veut être un condensé de tout ce qui fait la richesse de ce milieu, tant au niveau visuel et esthétique que de la performance pure et brute, sportive et créative.

Le magazine papier étant à l'origine développé en parallèle de l'activité principale du créateur, il respire la passion. Freemensuel gratuit, la périodicité est laissée à l'abandon au profi t de la qualité des articles et des interviews réalisés par des pigistes passionnés ou des anonymes qui souhaite apporter leur pierre à l'édifi ce.

Distribué au fi l du temps et des tissages de liens, le magazine est disponible dans tous les bons shops, galeries, bars et cafés avec lesquels nous nouons des liens plus ou moins fort. L'important étant de cibler nos lecteurs pour avoir un maximum de retour sur investissement. L'édition coûte cher pour des passionnés qui ne viennent pas du milieu de la presse. Chaque magazine non lu qui tombe dans une poubelle est comme une déchirure de l'âme. C'est pourquoi nous portons une très grande importance aux lieux de distribution. Même si pour cela nous devons envoyer des exemplaires à Tahiti...

À l'instar des autres magazines spécialisés, nous souhaitons donner une âme à notre papier, même si pour cela nous devons faire quelques sacrifi ces fi nanciers et humains - le meurtre et le licenciement sont proscrit - pour le sortir sous presse.

Distribué gratuitement, le magazine voit le jour grâce aux annonceurs qui font le choix d'une vitrine papier 100 % indépendante et dévouée aux cultures urbaines, libres et gratuites par défi nition. On compte donc sur vous labels, marques, entreprises, artisans, pour continuer à nous soutenir dans cette aventure.

UC

« Du UC, du UC, du UC, a s'en peter la nuque » Fatal^`

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Elliott Auffray

Rookie du moment

UC : Comment as-tu découvert le skate ? Elliott Auffray : En regardant le roller. On s'est dit avec quelques potes que ce sport paraissait trop simple, on a voulu essayer quelque chose de plus compliqué. Donc, on s'est porté sur le skate et on a bien fait ! (rires)

UC : Tu rides quelle board ?E.A : Une Concept en 8.5 ou une Creature en 8.375 quand il n'y a plus de board du shop.

UC : Ton premier plateau ?E.A : Un Carrefour. Je me souviens encore du nom du modèle : c'était une "fat board" que j'ai cassée au bout de 4 mois... Je suis passé ensuite sur une board Concept qui, elle, m'a duré un an.

UC : Quels sont les spots que tu as écumé à tes débuts ?E.A : J'ai débuté au skatepark de l'île verte, qui est détruit maintenant. J'ai connu par la suite la Bifurk, le skatepark couvert de Grenoble que je skate toujours, s'est additionné plus tard le park de Crolles avec son bowl qui m'a fait kiffer la courbe.

UC : Qu'est-ce qui te motive dans le skate ?E.A : Le fait de skater avec une bonne bande de potes et de trouver des spots plus fous les uns que les autres, se marrer, évoluer ensemble dans une bonne ambiance. Ce qui est cool quand tu es entre potes, c'est qu'une motivation mutuelle s'instaure sur les spots ce qui permet d'évoluer plus vite.

UC : Avec qui rides-tu ?E.A : Avec mes potes principalement, Findus, Ken, Louis qui protège son or et Arno. On se connaît depuis longtemps donc on sait quels tricks l'autre sait faire ou peut faire et on se met la motiv' ensemble.

UC : Quels sont tes sponsors ?E.A : Concept board shop à Grenoble qui me fait bouger dans d'autres villes, voir de nouveaux spots et qui m'aide pour le matos et tout le reste, sinon pas de sponsors de marque. Mais à vrai dire, je ne cherche pas, je skate pour moi, pour me faire plaisir, je prends le skate vraiment à la cool !

Le skatepark de Grenoble m'a proposé de le représenter en faisant des démos de temps en temps pour l'association donc c'est cool !

UC : Comment vois-tu ton évolution dans le skate, tu aspires à devenir pro ?E.A : Si la chance m'est donnée, pourquoi pas, après je ne me pose pas trop la question. Je veux skater pour mon plaisir en suivant mes valeurs avant tout, je ne veux pas d'obligations, je ne

veux pas faire des aller-retours entre plusieurs marques...

UC : Tu bouges pour le skate ?E.A : Yep, carrément ! Avec Nico de Concept, on se fait des road trips dès qu'on peut. Le dernier en date était dans le sud, on a skaté les parks de Montpellier, Sète, Lunel, Marseille. Et bien sûr, on va de temps en temps à Annecy ou à Lyon.

UC : Les villes et spots que tu kifferais rider ?E.A : Pour la plus proche, Barcelone et le pays Basque, ensuite les States pour l'origine du skate et le mouvement qu'il y a là-bas, l'Australie pour le côté plus root. Après ? N'importe quelle ville même en France, tant que je peux skater et m'éclater, ça me va !

UC : Quelles sont tes infl uences ?E.A : Je suis très rock dans mes approches, en skate comme dans la vie, je kiffe aller super vite, prendre de la hauteur,

"Elliott, pose ton Zippo tout de suite !"Du haut de ses 15 ans, Elliott, fait partie de la nouvelle génération du skate grenoblois. Cela fait cinq ans tout juste qu'il s'amuse et "emmerde" les piétons avec un style effi cace et radical. Esprit à la cool, sans prise de tête, il ride avant tout pour lui et ses potes. Tout feu, tout fl amme, il assure la relève avec succès. Rencontre autour d'un verre (de bière ?!).

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Elliott Auffray

Rookie du moment

essayer les tricks encore jamais fait et auxquels personne ne pense forcément.

UC : Tes riders préférés ?E.A : Gravette, Aaron "Jaws" Homoki

UC : Cinq noms d'artistes de ton ipod ?E.A : The Doors, Cyne, 3 Inches of Blood, Katy Perry (rires), Bob Marley.

UC : Plutôt slim ou baggy ?E.A : Slim

UC : Chemise à carreaux ou classique ?E.A : Carreaux, mais c'est quoi ces questions de merde ???

UC : Quelle est ta dernière vidéo préférée ?E.A : A Happy Medium

UC : Meilleur souvenir en skate ?E.A : En road trip avec Nico, Cho7, Andréas et Ju La Fronde à Montpellier, quand on est tombé sur un bidon d'essence à Zippo... Je vous laisse imaginer la suite.

UC : Comment ressens-tu l'esprit skate sur Grenoble, toi qui est jeune ?E.A : Esprit cool, petite guerre entre skate et roller-trottinette mais ça fait parti de la culture non ?!

UC : Donne-nous un mot qui caractérise les riders ci-dessous :E.A : Spoon : CuillèreFuck : DespéNico : AnanasArno : David DouilletMimi Boissonnet : MC2Fred D. : MédecineJérémy : Quartier

UC : Quelle époque aurais-tu kiffé rider ?E.A : En France, celle de maintenant me plaît bien, y'a des spots qui poussent partout. Aux States, 90's, la recherche de vieille pool, la création de la culture skate…

UC : Que penses-tu des autres cultures urbaines ?E.A : Je kiffe le graff mais après deux trois essais j'ai décidé d'arrêter (rires), je kiffe tout le délire du street-art, ce que ça représente et les messages passés par ce biais, big up au streeteur !

UC : Blessures ?E.A : J'ai de la chance jusque-là, quelques petites entorses, sinon celle qui m'a arrêté le plus longtemps, c'est un tassement du talon en sautant les 14 marches de

la mairie 10 fois de suite !

UC : Remerciements : E.A : Je vais commencer par remercier mes parents qui m'ont acheté ma première board et qui continuent à le faire. Je remercie bien sûr Concept Board Shop (Pierre, Nico, Sylvain) qui me soutient à fond et m'aide à bouger dans le skate ! Cho7 qui me monte de temps en temps à Crolles et m'évite de prendre le bus (rires) ! Ma bande de potes avec qui je skate : Louis, Arno, Ken, Findus, Léo, Nico et Andreas, qui habite malheureusement à Paris depuis peu.Et pour fi nir, je remercie Urban-Culture Magazine pour me permettre de faire une parution dans le mag !

Axel Foucheriq et Nicolas Bournez

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Arno Wagner

Rookie du moment

UC : Tu as découvert le skate comment ?Arno Wagner : Quand je suis rentré en sixième. J'ai retrouvé un pote, que je n'avais pas vu depuis le cours primaire, qui m'a dit "essayes le skate, c'est trop bien" ! Avant ça, je faisais tout le temps du foot avec mes potes et je regardais les magazines de tunning ! Et quelques jours après, je m'y suis mis !

UC : Tu skates parce que tu aimes ça et que ça te défoule, en plus mon petit doigt me dit que tu es assez hyperactif, tu pratiques d'autres activités à côté ?A.W : Oui, j'aime le skate, ça me défoule et ça me détend, c'est comme une drogue ! Tu as raison, je suis hyperactif mais je sais aussi être calme quand il faut l'être ! Je fais du judo depuis douze ans, je suis ceinture marron, sauf que cette année j'ai un peu levé le pied ! Car trop de judo tue le judo !!! Je fais aussi de la course à pied avec mon pote Moogli !

UC : Tu as plutôt l'esprit compétiteur ou à la cool ?A.W : J'ai l'esprit compétiteur quand je suis en contest mais quand je skate avec mes potes, je suis plutôt skate à la cool !

UC : Quelles sont les valeurs auxquelles tu es attaché ?A.W : Ne pas se prendre la tête et se faire plaisir avant tout ! Un jour où je skatais le bowl de Crolles un type m'a dit "libères ton esprit et ton mouvement viendra". Cette phrase m'a marqué et quand je me balargue, des fois, j'y pense !

UC : Comment vois-tu la scène skate à Grenoble ?A.W : Je trouve qu'il y a une ambiance pourav' entre certains skateurs mais apparemment c'était pire avant donc je n'imagine même pas ! Surtout, il y a beaucoup d'extrêmes, des gens très, voire trop, con et des gens super cool !

UC : J'ai vu que tu as un blog où tu partages ta passion pour le skate, quel est son rôle ?A.W : À la base, c'était pour trouver des sponsors. Aujourd'hui encore mais on y trouve surtout des résultats des contests session avec les potes et autres. UC : Tu es encore jeune et même si tu es sur la pente montante du skate grenoblois, que souhaiterais-tu faire comme job plus tard ?A.W : Je voudrais travailler dans le commerce ! Car pour ce qui est de devenir pro, ça risque d'être très très chaud ! Et même si un jour ça devient possible, je ne pourrais pas en vivre longtemps ! UC : À tes débuts, tes parents étaient plutôt du style à t'encourager ?A.W : Au début, mes parents se sont dit "on va voir s'il s'y accroche vraiment ou si c'est une passade" ! Et quand ils ont vu que j'étais à fond, ils m'ont à mort encouragé. UC : Maintenant que tu commences à être connu, surtout au niveau local, tu souhaiterais bouger un peu plus ?A.W : Oui comme tout skateur, j'aimerais bouger un peu plus mais sans empiéter sur les études pour le moment. UC : Quels tricks tu bosses particulièrement, et lesquels t'énervent ?A.W : En ce moment je m'entraîne plus à maîtriser parfaitement les tricks que je fais le plus, comme 3-6 fl ip ou hard fl ip. Les tricks qui me font péter des câbles sont tous les tricks en nollies et en switch, comme nollie fl ip, switch fl ip... UC : Quels sont tes spots préférés du moment ?

Arno Wagner, ça s'écrit avec un Oh !Du haut de ses 15 ans bientôt 16 (!), Arno écume le bitume de Grenoble avec ses potes, sa planche à roulettes et son grand talent, depuis cinq ans déjà. Ce jeune skateur prometteur habite Varces City et cumule les sponsors comme Sweell Shop, Kindred Clothing, Atohm Skateboarding et, depuis peu, le skatepark de Grenoble aka La Bifurk. Habitué des contests, dans lesquels il cartonne généralement, il aime skater avant tout pour le plaisir. Rencontre avec un djeun talentueux mais qui garde la tête sur les épaules. Action.

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Arno Wagner

Rookie du moment

A.W : Je dirais que mes spots préférés du moment sont : le palais de justice et les curbs de l'université.

UC : Si tu avais la possibilité de partir maintenant, là, tout de suite, n'importe où sur terre pour aller rider, tu irais où ?A.W : J'irai chez les ricains à San Francisco, New York ou Los Angeles !!

UC : Et avec qui ?A.W : Fuck, Yaya, Roro, super Mayo, Seb, Barav, Patoch et tous mes autres potes avec qui j'aime skater ! La famille, les amis et bien évidemment Ali Boulala et deux ou trois autres pro que j'aime beaucoup !

UC : Tu emmènerais quoi avec toi, hormis ta planche et ta brosse à dent ?A.W : J'emmènerai du matos et Sweell Shop !

UC : Ton dernier bon souvenir de skate, c'était quoi ?A.W : Il y a environ une semaine avec Fuck et Patoch (team Kindred). On est monté à Villard et on a skaté le park de nuit, puis, on s'est baladé dans le centre. On a bien rigolé ce jour là !

UC : Ton dernier délire/craquage, c'était quoi ?A.W : Je me tape assez souvent des délires dans le skate donc je ne sais pas trop… Mais le plus gros, je pense que c'est sur mes planches parce que depuis 3 ans (ou plus), sur tous mes grips, jedessine un peace and love au marqueur !

UC : Ton dernier bon road trip, c'était où ?A.W : Le dernier bon vrai road trip était à Barça avec le team Kindred, c'était vraiment trop bien ! UC : Parmi les riders qui ont fait le skate, ou qui sont en train de le faire, tu aimerais partager un bon moment de ride avec qui ? A.W : J'aimerais skater avec le team Flip !!!!! Car je les aime tous ! UC : Niveau musique, t'écoutes quoi ?A.W : Je suis assez ouvert d'esprit mais j'aime plus particulièrement le rock comme Jimi Hendrix, Janis Joplin, The Strokes, The Clash, Scissor Sisters … J'écoute aussi du Bob Marley, du Wu Tang, du Ray Charles … UC : Des projets en cours (skate ou autre) ?A.W : Finir la vidéo dans laquelle je suis pour Kindred ! J'aimerais aussi terminer mes études dans le commerce ! Puis ensuite skater et bouger un peu de partout !

Merci pour l'interview ! Et merci à tout mes potes de skate et autres, la famille, les sponsors, Bast, Laure, Kana et bien d'autres !!!!!

A.F.

© Olli Mighty

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La melancolique melodie

Musique ( Le Blues

La culture africaine, véritable commencementLe Blues est un large mouvement musical, qui a véritablement pris plusieurs sens au cours de son évolution, au sein de lieux différents. D'une part, ses origines peuvent être reliées à la tradition musicale africaine, au Nord-ouest principalement. De l'autre, ce style est "né à nouveau" aux États-Unis, au sein des terres cultivables où travaillaient les esclaves afro-américains.

Mais revenons au "commencement", à la culture africaine elle-même, où la musique occupe depuis longtemps une place fondamentale, reconnue d'"utilité publique". Ali Farka Touré, l'une des principales fi gures du Blues africain, affi rme dans le documentaire de Martin Scorsese Du Mali au Mississippi, que la musique est au cœur même de la culture africaine.

En effet, la musique ou la danse y ont autant d'importance que la religion et la vie sociale. Ces formes artistiques ont un rôle de cohésion et de rassemblement du public, s'intégrant souvent au sein de véritables rituels ou cérémonies. Au Mali, et dans plusieurs autres états africains, les griots, "conteurs musicaux", font d'ailleurs partie d'une caste spéciale dans la société. Un devoir et une forme particulière de respect leur sont donc accordés.

La notion de cohésion sociale par la musique, ou par le chant particulièrement, prend tout son sens dans les pratiques qui en sont faites par les esclaves noirs-américains. En effet, dans les champs de coton, où règne la domination de "l'homme blanc" et la dureté des conditions de vie et de travail, ceux-ci survivent grâce à cette cohésion et cette solidarité fondamentales. Tous rassemblés autour de la foi, de la musique ou autres, ils forment alors une communauté, sans vraiment être conscients de sa puissance. La musique va devenir un véritable moyen de survie.

Le Blues, rebelle identitéLes esclaves vont faire part, dans leurs chants et par leurs rythmes, d'une colère et de plaintes à l'égard des maîtres esclavagistes et de leurs pratiques abusives. Cette forme musicale liée à une période particulière, cet "ancêtre" du Blues, initialement chantée et dont la partie instrumentalisée ne sera techniquement enregistrée que plus tard, se positionne autour d'un rattachement régulier aux racines africaines, comme une marque indélébile de l'identité de ces hommes et femmes africains exilés contre leur gré sur cet inconnu territoire : les États-Unis.

Dans les faits, les plus terribles, des africains ont en effet été retirés de force de la terre où ils évoluaient et où ils s'étaient construits, mais jamais le système esclavagiste n'a pu leur retirer leur culture. Les esclaves africains ont emmené avec eux sur le territoire américain, et sur tant d'autres, leur esprit et leur âme

africaine, à tout jamais. Comme le dit Ali Farka Touré "il n'y a pas des Américains noirs, mais seulement des Noirs en Amérique". Le Blues est alors une façon, parmi d'autres, d'établir un lien direct avec les ancêtres africains et leur pays.

Les autorités ont d'ailleurs compris le pouvoir de résistance et d'insoumission de la musique, pour les esclaves travaillant dans les plantations. Une loi de 1740 interdit par exemple à ces derniers, sous peine de mort, de jouer des instruments de musique.C'est notamment l'utilisation de tambours et de fi fres - petites fl ûtes en bois - qui est visée.

Otha Turner - musicien phare du style Fife and Drums (littéralement fi fres et tambours) - affi rme que ces instruments avaient une importance capitale dans la vie culturelle et sociale africaine, et qu'ils sont devenus, du temps de l'esclavage, des

Né de l'esclavage et de la migration des cultures, le Blues est une forme particulière de musique. Expression des plaintes mais également de la fi erté de tout un peuple en souffrance, les noirs américains, le Blues est au départ un véritable exutoire communautaire. Il exprime à la fois la douleur et fédère les âmes. Depuis, il s'est démocratisé et est à la base de bon nombre de styles musicaux. Histoire de cette complainte ô combien symbolique.

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La melancolique melodie

Musique ' Le Blues

outils de regroupement et d'entrain à la solidarité. Le tambour, par exemple, par la puissance de ses sonorités et de ses rythmes, s'associait bien avec le travail de la terre, "brut" et répétitif, et offrait un certain courage.Après l'interdiction, pour ne perdre sous aucun prétexte cette dimension "entraînante" des percussions, les esclaves ne se laissent pas abattre et trouvent d'autres moyens, d'autres instruments, quelques fois même étranges et insolites. Par exemple, pour détourner la loi, ils développent, à leur façon, le Jig & Clog dansing (les "claquettes", introduites par les colons irlandais aux États-Unis). De telle sorte que le bruit des fers sur le sol, qui les attachent à la terre où ils travaillent, imite le son des tam-tams.

La musique demeure un moyen, pour les afro-américains, de trouver du courage et de ne pas oublier leurs racines et leur appartenance à la diaspora africaine, à travers le Monde.

Cette cohésion va être largement renforcée par l'isolation socioculturelle généralisée des esclaves aux États-Unis, notamment par l'interdiction d'alphabétisation et de possibilités d'accès à la culture. Paul Gilroy insiste sur le pouvoir expressif que prendra alors la musique. L'expression corporelle ou musicale devient rapidement le seul moyen d'expression. Ce n'est plus le langage qui fait apparaître le Monde, comme dans les sociétés occidentales, ce sont la musique, les gestes et la danse qui deviennent, au sein de ces communautés, aussi importants que la parole, voire plus, comme l'affi rme le poète et écrivain martiniquais Édouard Glissant.

Pour Toni Morrison, célèbre auteure afro-américaine du début du XXe siècle, ces musiques devaient être faites de messages simples, pour établir un dialogue d'égalité entre les artistes et les auditeurs. Paul Gilroy confi rme cette idée lorsqu'il dit que "l'art n'agit plus dans un rapport de domination par rapport à celui qui écoute, mais comme un dialogue démocratique et communautaire à part entière".

Toute culture prend une nouvelle dimension à partir du moment où elle est "réimplantée" dans un espace différent de son origine. Si cette culture s'établit au sein d'une société qui ne la défi nit pas comme légitime, ou même la dénigre, elle prendra alors la dimension d'une contre-culture ou d'une sous-culture. Alors qu'elle était, à l'origine, une culture "allant de soi", "évidente" et "légitime". C'est exactement ce qu'il s'est passé pour la culture musicale africaine introduite aux États-Unis.

Le Blues était, dans les sociétés africaines, un simple élément constitutif de la vie sociale. Mais aux U.S.A., le fait qu'il accompagne le travail des esclaves, et même le favorise, a apporté une dimension vitale à la musique. Le Blues prend son sens dans l'instant, lors de la journée harassante de travail, par exemple, par la faculté qu'il a de faire tenir debout un peuple dominé et sous-traité.

Ouverture et démocratisation, le Blues élargit ses horizonsLe Blues s'est largement modernisé au fi l du temps et son évolution est signifi cative. Initialement, les instruments étaient moins présents que la voix, voire inexistants, pour une raison matérielle. Le chanteur ou la chanteuse exprimait sa douleur, sa tristesse, ou sa condition de vie, accompagné par des chœurs très présents. Les formes musicales des negro spirituals et du Gospel, styles particuliers constitués de chants religieux, sont intimement liés au Blues.

Un des hommes qui s'est intéressé le premier à cette nouvelle culture musicale est le musicologue et folkloriste américain John Lomax. Il s'attache, dès 1933, et avec l'aide fi nancière de l'American Council of Learned Societies (Conseil Américain des Sociétés Savantes), à élaborer un travail de collecte des musiques produites dans les états du Sud des États-Unis, et un peu partout dans le pays. Ces sons captés, ces musiques particulières représentent, pour lui, des éléments de mémoire aussi importants que la parole ou des écrits. Un patrimoine à part entière.

John Lomax, accompagné de son fi ls Alan - qui poursuivra le travail de son père -, souhaite "préserver le passé" par ces enregistrements. Mais il ne s'arrête pas là et souhaite que les musiques captées, notamment celles des esclaves noirs-américains, touchent un public bien plus vaste. Un nombre impressionnant de bluesmen seront d'ailleurs enregistrés par le musicologue et connus du grand public.Cette méthode d'enregistrement, et le fait même d'enregistrer, s'oppose à la vie très traditionnelle des esclaves, qui produisaient de la musique dans l'instant présent, sans souci de popularité, ni de diffusion. Lomax considère que la musique doit changer en même temps que l'évolution de la société [...] Le contact de ce passionné de musique avec l'univers du Blues donne une toute nouvelle dimension à celui-ci. Il devient alors un divertissement musical comme tant d'autres, et non plus seulement un outil d'insoumission sociale. En caricaturant, la diffusion de masse du Blues va avoir comme fi nalité, notamment, d'amuser une société blanche en mal de divertissement, alors que ce style est intimement lié à la douloureuse histoire de la communauté noire aux États-Unis.

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Alan Lomax

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Musique ( Le Blues

Notons malgré tout que John Lomax, en faisant mieux connaître et apprécier le Blues au grand public, a cherché à encourager sa préservation en tant qu'art à part entière, méritant de ne pas tomber dans l'oubli. Cela a d'ailleurs permis à un plus large public de connaître des bluesmen jusqu'alors parfaitement inconnus tels que Blind Lemon Jefferson et Blind Blake, qui enregistrent chez Paramount Records, ou bien même Lonnie Johnson chez Okeh Records. Mais aussi de grandes chanteuses populaires, telles que Gertrude "Ma" Rainey, Bessie Smith, Isa Cox ou Victoria Spivey, vont connaître un immense succès auprès du public américain, grâce à la diffusion de leurs musiques.

L'ère de l'industrialisation de la musiqueLorsque l'industrie du disque se développe dans les années 1920-30, les enregistrements - notamment ceux de John Lomax - sont diffusés sous les termes de "race records", c'est-à-dire de "musique raciale". La musique produite par les esclaves noirs-américains est clairement marginalisée, au sein d'une société occidentale blanche accomplie sur le territoire. Une légende raconte même que le bluesman Robert Johnson devrait sa virtuosité à un pacte fait avec le Diable. Les composantes rythmiques et mélodiques que met en place le Blues font en effet preuve d'une telle innovation pour la société blanche qu'elles en effraient plus d'un. Certains mettent cette étrangeté sur le compte du Devil Blues, force maléfi que fuie et rejetée par bon nombre de personnes aux États-Unis. Johnson exploitera cette idée, notamment dans son morceau "Me and the Devil Blues".

Avec la terminologie "race records", les intentions des producteurs de disques, avec l'arrivée de musiciens afro-américains dans l'espace culturel et commercial, sont donc claires : le public visé est alors uniquement "noir".

L'avenir montrera évidemment le contraire, lorsque le Blues lui-même - pourtant longtemps perçu comme une simple tradition afro-américaine - va évoluer et se moderniser, par l'utilisation d'amplifi cateurs pour guitares et harmonicas, pour donner une dimension plus électrique au style.

Cette occidentalisation musicale va élargir le public du Blues et ses appartenances. La modernisation technique va aussi permettre une qualité sonore sans précédent, et augmenter l'offre de service des studios d'enregistrement. C'est d'ailleurs cette compétence technique qui rendra célèbre le label Chess Records, basé à Chicago et tenu d'une main de maître par Phil et Leonard Chess, véritables découvreurs de talents. Ce label emblématique fera en effet connaître le désormais célèbre Muddy Waters, dont les chansons, telles que Hoochie Coochie Man ou I Just Want to Make Love to You, sont devenues des classiques du Blues urbain. Mais c'est lui aussi qui permettra au grand public de découvrir la sulfureuse Etta James, Howlin' Wolf, Sonny Boy Williamson II ou encore le charismatique Chuck Berry, initiateur du Rock'n'roll avant même l'arrivée d'Elvis Presley.

En 1960, les musiques noires-américaines, telles que le

Rythm'n'Blues, plus modernes, par l'arrangement de la partie chantée de départ par des orchestres - le Saint Louis Blues, par exemple - et la Soul, sont rapidement devenues populaires, et récupérées quelques fois par des musiciens blancs. De grands artistes, à la popularité évidente, tels Bob Dylan en Folk, Janis Joplin, Jimi Hendrix ou alors les artistes de Rock'n'roll infl uencés en parallèle par la Country Music, sont directement infl uencés tant par le Blues traditionnel que par le Blues électrique. Ces artistes ont permis une diffusion de grande ampleur, aux USA et au Royaume-Uni, de cette forme musicale. De plus, le Mouvement pour les Droits civiques élargit le public du Rythm'n'Blues, grâce aux thématiques que celui-ci traite (le racisme ou la guerre du Viêt Nam), qui s'adaptent aux intérêts de la population à l'époque. Dans les plus grands festivals, comme par exemple le Newport Folk Festival, de grands bluesmen commencent à être programmés. Se produiront en effet, à plusieurs reprises, nul autre que Son House, Mississipi John Hurt, Skip James, Big Joe Williams ou alors le révérend Gary Davis. Le Blues est alors largement établi au sein de l'univers musical américain et à travers le Monde.

Il est à présent estimé et reconnu pour ses particularités tant rythmiques que mélodiques et devient une source d'inspiration à part entière pour bon nombre d'artistes, Noirs comme Blancs.

Après avoir été un élément constitutif de la culture africaine, un outil d'émancipation et de libération morales pour les esclaves afro-américains, le Blues fait actuellement partie d'un large système commercial et de divertissement artistique, parmi d'autres genres musicaux. Si certains déplorent la perte de "l'aura" dont cette musique était porteuse tant en Afrique qu'au sein du système d'exploitation esclavagiste, son histoire demeure d'une rare richesse et, pour bon nombre de musiciens contemporains, la symbolique du Blues est toujours celle d'une véritable libération artistique, pour un peuple en quête d'identité et de légitimité..Aude Béliveau

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La Creolisation du Monde

Un metissage culturel en mouvement

C'est l'auteur Édouard Glissant, né en Martinique en 1928, qui développe et défend le premier cette notion dans ses écrits, avec d'autres, tels que Patrick Chamoiseau, Jean Bernabé ou Raphaël Confi ant pour ne citer qu'eux. Ils font l'éloge de la "créolité" et s'inscrivent dans la reconnaissance de la spécifi cité antillaise dans l'histoire et le contexte mondial actuel, celui d'une culture sans frontière. En effet, plusieurs peuples dans le monde sont issus d'un métissage, de savants mélanges de cultures et d'origines géographiques et ethniques différentes.La "créolité" se constitue ainsi d'un rapprochement d'éléments culturels réunis par l'Histoire sur un même territoire. Paul Gilroy affi rme que cette capacité des peuples à réécrire l'histoire d'une terre est "l'un des traits mêmes de la Modernité".

Force ou souffrance ?Bouleversements, pertes de repères… On note parmi certains individus créolisés, métissés, un chaos intérieur, une forme de perte d'identité, selon les conditions préalables au métissage en question.Pour comprendre cela, il faut revenir à un tournant particulier de l'Histoire du monde occidental et de sa pensée sur lui-même. Nous pouvons synthétiquement le dater au moment des diverses conquêtes européennes de la fi n du XVe siècle

(Christophe Colomb, Marco Polo,…) - qui entraîneront, de fait, le système esclavagiste et son commerce triangulaire - . Les pays occidentaux européens commencent alors à prendre conscience de leur propre place au sein du Monde, et plus généralement de leur prétendue supériorité. Ils ont souvent imposé un prisme culturel unique, le leur, comme dominant, et une puissance internationale dévastatrice. Les peuples qui ne sont pas reconnus comme "légitimes" deviennent rapidement sous-représentés dans et par la société, soumis à un système tout entier, leur propre culture enfouie sous cette "occidentalisation". Notamment en Europe, les "États-Nations" n'eurent qu'une idée en tête : faire jaillir avec fi erté les "valeurs de communauté", culturelles ou religieuses, considérées comme acquises et admises par toute la population. Ces valeurs sont mises en avant pour permettre la cohésion entre tous et devenir des symboles à part entière de la collectivité. Traduisons que ces valeurs sont souvent énoncées pour exalter la supériorité de la nation, et la mettre sur le devant de la scène internationale. C'est pour cela que bon nombre de nations occidentales européennes ont mis en place des systèmes d'exportation et d'imposition de leurs structures et idéologies sociales à l'extérieur, notamment par des processus de colonisation. Ces ensembles de valeurs, considérés arbitrairement comme les plus légitimes, n'en

La créolisation est un concept qui s'adapte plutôt bien au monde actuel. Dans beaucoup de pays et dans nombre de mégapoles, le métissage est aujourd'hui la base constituante de la vie sociale. Prenez la culture antillaise, par exemple, construite sur la cohabitation entre des populations aux origines caribéennes, européennes, africaines, asiatiques et autres. Celles-ci habitent et vivent la créolisation, ce mélange mouvementé et imprévisible, recette de ce cocktail détonnant aux saveurs si subtiles.

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La Creolisation du Monde

Un metissage culturel en mouvement

demeurent pas moins imposés, souvent par la force, dans un déni des colonisés ou " autochtones" et de leurs avis. Le métissage culturel va ici avoir une résonance désastreuse.

Les Nations occidentales ont en effet cherché à astreindre les communautés dites "minoritaires" à un effacement de leurs valeurs et à une soumission à l'identité présentée comme supérieure, et surtout unique. L'assimilation du système donné devient alors inévitable et moralement bouleversant. La défi nition exacte du fait de s'assimiler est de "se rendre semblable en perdant ses caractéristiques". C'est en ce sens que plusieurs auteurs parlent d'"aliénation" et de "refoulement" des peuples colonisés. C'est particulièrement ce qui s'est produit aux Antilles où, pendant longtemps, la majorité de la population se composait d'esclaves aux multiples origines, illégitimes aux yeux des occidentaux qui les dénigrent et les rabaissent. Cette arrivée déstabilisante au sein d'un espace inconnu est une problématique vécue par la majorité des esclaves, tous territoires confondus. L'exil physique et la réimplantation brutale dans un nouvel environnement les déstabilisent et les bouleversent de façon irréversible. Les exilés doivent abandonner ce qui forge leur

culture d'origine - leur langue, croyances ou coutumes - tout en se réinventant une identité, autour d'un rapprochement culturel soudain. L'image d'une "mosaïque constitutive" est signifi cative de ce métissage culturel, vers un "vivre ensemble", et surtout un "construire ensemble" le plus complet possible, malgré les différences.

Les ingrédients de ce savant mélange La totalité est alors constituée d'un regroupement improbable d'origines éclatées, diversifi ées. Des peuples ont en effet été déracinés de leur territoire de "base" pour être installés sur un territoire inconnu dont ils n'avaient préalablement aucun repère. Ces populations quelquefois radicalement différentes doivent composer, en contact les unes avec autres, pour permettre une nouvelle construction de la collectivité. Leurs interactions sont basées sur de nouveaux repères et normes culturelles. Édouard Glissant illustre positivement la relation entre les peuples par cette formule : "Je peux changer en échangeant avec l'autre sans pourtant me perdre ni me dénaturer."

C'est l'Afrique du Sud après l'Apartheid, et Nelson Mandela plus particulièrement, qui a réussi à repenser au mieux l'organisation

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Un metissage culturel en mouvement

sociale, en fonction des diverses identités culturelles. Malgré les diffi cultés politiques et sociales qui perdurent encore aujourd'hui dans ce pays, c'est une vision du monde basée sur l'échange que l'on pourrait appeler une "identité-relation" qui devient l'idéal social. Le multiculturalisme est pris en compte et sert de base pour reconsidérer la vie en société. Mais aussi, et surtout, c'est l'universalité de l'ensemble des individus qui prime. Ce dénominateur commun qui nous permet de vivre ensemble, au-delà de toutes différences."L'identité-relation" met en exergue une diversité élargie. Chaque participant à la vie sociale a conscience de tous les peuples, de toutes les cultures et de toutes les langues. L'identité relationnelle est une sorte de mise en relief de l'humanité dans toute sa diversité.

Pour revenir à la dynamique de Créolisation, ses principales caractéristiques sont celle du mouvement et d'une continuité indéterminable. En effet, nous ne pouvons défi nir les limites, ni les déterminations propres de ce "tout social" nouvellement créé. La créolisation du monde et de l'individu se vit dans le mouvement, dans le questionnement permanent, par le contact entre les cultures. Le métissage n'est-il d'ailleurs pas en lui-même un mouvement particulier, échappant à toute logique fi xe et stable ?

Édouard Glissant défi nit le processus de métissage et de mélange socioculturel comme basé sur "l'impensable en tant que principe énergétique". Pour lui et Patrick Chamoiseau, la relation entre les peuples n'est possible et solide que par le renoncement à la Toute-puissance d'une culture donnée. L'important est d'accepter les ressources et richesses que peuvent apporter chaque peuple et chaque culture dans l'espace social. La culture en question n'est alors plus un simple assemblage de divers éléments, mais plutôt une "nouveauté culturelle", un agrégat constitutif.

C'est en cela que la créolisation trouve sa force. Les peuples dont nous parlons furent obligés de se forger une nouvelle identité. Pour leurs descendants, c'est une toute nouvelle origine dont il est alors question, tournée vers le futur, et non vers le passé, historique et souvent douloureux. La langue créole, par exemple, est un élément exemplaire de l'innovation culturelle. En effet, elle est une véritable synthèse de plusieurs langages, et donc inévitablement des syntaxes et des lexiques qui en résultent. Le créole s'est constitué par un mouvement imprévu et indéfi nissable, mais surtout sans qu'aucun des éléments constitutifs d'une langue ne soit privilégié au profi t d'une autre. À l'image de cette langue, plutôt récente, il existe un nombre infi ni de relations possibles entre les diverses identités, comme autant de combinaisons relationnelles constructives.

Les peuples "créolisés" ne sont plus obligés de s'attacher à une normalité culturelle extérieure, issue de territoires devenus mythiques, tels que l'Afrique, l'Europe, ou encore l'Inde ou l'Amérique, souvent la terre de leurs ancêtres, lointaine et pour

certains intemporelle, indéfi nissable. Ils ne se défi nissent plus par rapport à leurs origines ou leurs lieux de vie, ni par rapport à des nations, à des patries et à leurs histoires, ils s'identifi ent à une toute nouvelle identité issue du métissage. Celle qu'ils souhaitent construire à leur façon, basée sur des espaces, des réalités sociales ou humaines auxquelles ils ont choisi personnellement de s'attacher et sur leurs choix, leurs relations et leurs actions.

"Changer en échangeant revient à s'enrichir au haut sens du terme et non à se perdre. Il en est ainsi pour un individu comme pour une nation." Édouard Glissant

Aude Béliveau

Les Books : ● Éloge de la créolité , (BERNABE Jean, CHAMOISEAU Patrick, CONSTANT Raphaël) Gallimard, édition bilingue, Mayenne, mai 2008

● Le Traité du Tout-Monde (GLISSANT, Édouard, Traité du Tout-Monde, Gallimard, Paris 1997)

● L'Atlantique noir - modernité et double conscience,(GILROY Paul), éditions Cargo, Cahors, mai 2003

● Quand les murs tombent - l'identité nationale hors-la-loi ? (GLISSANT Édouard, CHAMOISEAU Patrick), Éditions Galaade, Institut du Tout-Monde, Paris, septembre 2007

● Traité du Tout-Monde, (GLISSANT Édouard), éditions Gallimard, Paris, 1997

● L'intraitable beauté du monde - Adresse à Barack Obama,(GLISSANT Édouard, CHAMOISEAU Patrick), Éditions Galaad, Institut du Tout-Monde, Lonrai, février 2009

● Peau noire, masque blancs, (FANON Frantz), Éditions du Seuil, Septembre 1971

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Phenomene social ( Prostitution

La tournee du capotier

Sur le parking d'un grand magasin, Jérôme Bénozillo tente de caser cent paquets de vingt bougies dans sa camionnette, entre des boîtes de préservatifs et des cartons de draps en papier. Deux passants regardent amusés le véhicule, fl anqué du nom et du slogan de l'entreprise, "Le capotier, protection et plaisir" : Jérôme Bénozillo livre directement gel désinfectant, lubrifi ant ou lingettes aux prostituées de Lyon et des alentours.Tout a commencé il y a cinq ans, sur un coup de tête. Ce lyonnais de 55 ans, vendeur de matériel de premier secours, achète alors un lot de préservatifs. "J'en ai pris 5000, je voulais les vendre dans les bureaux de tabac car je trouvais qu'ils étaient mal distribués", explique-t-il. En vain. Alors qu'ils prennent la poussière dans son garage, il décide de s'en débarrasser en les distribuant aux prostituées. "J'y suis allé deux fois et elles m'ont demandé pourquoi je ne leur en vendrais pas." Après une rapide étude de marché, il se lance. Il a aujourd'hui deux employés et monnaye 700 000 préservatifs et 150 000 bougies par an.

Mardi, 15 heures. Lunettes rectangulaires, cheveux de jais sur une fi ne moustache grise, Jérôme entame sa tournée par le quartier Jean-Macé. Son téléphone retentit toutes les dix minutes : "J'arrive Lolita, j'arrive". Première livraison : deux sœurs ghanéennes qui demandent dans un français incertain "du kérosène et cinq euros de préservatif". Jérôme fait trois livraisons hebdomadaires dont deux tournées nocturnes. Quand il déboule dans les rues où sont stationnées des camionnettes blanches, les prostituées au volant klaxonnent ou le hèlent pour qu'il s'arrête. Il analyse : "Je crois qu'elles m'apprécient déjà pour le coût". Depuis 2007, il fait fabriquer les chandelles et a créé sa propre marque de préservatif : les "préso" sont sa principale source de revenus, suivie des bougies. "Les fi lles m'aiment aussi pour ma discrétion", ajoute-t-il. "Avant, elles devaient aller en pharmacie... Et le fait que je sois sympa." Sur la ligne droite le menant au "quartier de la boulangerie", il salue de la main "une des plus anciennes", Jaqueline, "qui fait ses mots-croisés".

Coup de fi l. Jérôme prend un air contrarié : une fi lle l'informe qu'un homme vend des produits en sous-main dans le quartier de Perrache. "Je suis le seul offi ciel, ici. Alors ça m'ennuie car j'ai tellement galéré… Ça fait juste deux ans que j'en vis bien. En ce moment, je ne sais pas si c'est à cause du chômage, mais il y a de plus en plus de petits vendeurs…" La nuit tombe déjà. Fin de la première tournée. Jérôme évite une route où se situe une enfi lade de camions - "si je passe, je déclenche le plan Orsec" - pour rentrer rapidement chez lui dîner.

21 h 30. Rapide point sur le stock : Jérôme a déjà vendu cent paquets de bougies. La première sur la route, c'est Karen avec qui il plaisante. Quelques minutes après, il prévient : "Celle-là, elle va me faire la tête. Elle me doit 10 euros". Il note les montants de chaque crédit sur son téléphone. "Des fois, on se chamaille un peu, quand elles ne veulent pas payer". Celles qui refusent de régler ne sont plus livrées. "La dernière fois, l'une a fait passer l'argent à une copine pour me demander de revenir…" Ce soir, les transactions sont peu élevées. "Cinq euros le panier moyen… En ce moment, elles se plaignent, il y a de moins en moins de clients…"Depuis toutes ces années, Jérôme a construit un lien privilégié avec "les fi lles" : il parle de leurs soucis, décrit leurs parcours ou leurs caractères… "J'essaie de les faire rire à chaque fois car elles n'ont pas un métier facile." Il travaille aussi avec les associations sur le terrain comme Cabiria, qui a garé son camping-car dans une des rues. Autour d'un café, il s'inquiète avec les salariés des dernières agressions dont sont victimes les prostituées. "Pourquoi on ne bidouillerait pas une sorte d'alarme pour chacune, avec un bouton qui permettrait d'avertir les autres ?". Les auditeurs acquiescent. "Ou un système de lumière… Faut que j'y réfl échisse". Il lâche, pensif, le visage fatigué par l'heure tardive : "Je m'y suis attachée, à ces fi lles".

Émilie Brouze

Depuis cinq ans, à Lyon, Jérôme Bénozillo vend préservatifs, chandelles et autres accessoires auprès d'une clientèle un peu particulière : les prostituées de rue. Retour sur un emploi du temps chargé !

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En France

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Phenomene social ( Prostitution

La bulle de Diane

Son camion, à la porte défoncée, pas très propre et mal rangé est sa "bulle". Diane, 25 ans, y écoute de la musique, feuillette des magazines ou se remaquille. Cette bulle renferme aussi ce qui la ronge : la honte, qu'elle tente d'enfouir sous une perruque peroxydée.

La honte de se prostituer depuis deux ans, comme sa sœur qui l'a introduite dans le milieu. "C'est notre petit secret." Ni sa mère, ni son compagnon de relation chaotique avec qui elle a deux enfants, ne le savent. Diane a "trop honte" aussi, que sa sœur l'aperçoive en sous-vêtements affriolants et chaussée de bottes en simili cuir blanc dont elle coince le talon dans le volant pour dévoiler ses jambes. Diane raconte qu'à chaque fois qu'elle rencontre un homme en dehors du trottoir, il ne lui demande jamais ce qu'elle fait. "Ils doivent tous deviner."

"Je ne pensais jamais faire ça." La première passe, c'était à 18 ans, peu après son arrivée à Lyon, "pour payer le lait de mon bébé, le père s'en foutait". Elle espère vite avoir l'argent pour retourner en Afrique et réaliser son rêve : ouvrir un "grand restaurant". Diane gère sa vie sans compter sur les hommes, s'accrochant farouchement à son indépendance. La prostitution n'est qu'un passage. "Sauf ponctuellement, si j'ai des problèmes d'argent."

Régime, portière et problèmes

Diane a ce truc émouvant de ceux qui se confi ent sans gêne, pêle-mêle... Elle se livre comme ça, pétillante, exubérante, parfois avec les yeux humides, un peu émue ou cherchant du regard des réponses. Un homme passe. "Viens, loulou, viens". Pas de réaction. Elle rit. "Chéri, loulou, je ne sais plus quoi inventer." Dans sa bulle, elle parle de son régime. Sa tenue, qu'elle vient de relaver car "elle fonctionne" auprès des clients. De la portière qu'elle a retrouvée vandalisée, problème de concurrence. Des clients : ceux qui "puent", "les beaux". De sa technique pour que leur corps ne prenne pas le dessus : "Je fais en sorte qu'ils ne me pénètrent pas trop". De ses moyens de défense. De ceux qui la trouvent "gentille".

Quelques semaines plus tard, Diane semble abattue sur son siège avant. Problèmes d'argent, soucis personnels. Elle sourit moins, lâche qu'elle n'est qu'une "pute" et explique que le respect d'elle-même s'est envolé dès qu'elle a mis un pied sur ce trottoir. "Je ne suis qu'une marchandise". Son rêve semble s'éloigner. Sa bulle a des allures de prison.

Le prénom ainsi que des détails de sa vie ont été changés pour respecter son anonymat.

Émilie Brouze

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Piscine Molitor

Portfolio Jadikan & Julien Lacroix

Entre patrimoine de l'histoire des années 1930 à 1970, et aujourd'hui temple urbain du graffi ti, la piscine de Molitor a vu dans ses bassins de nombreux événements. En 2010 et 2011, l'occasion m'a été offerte d'investir ce lieu pendant plusieurs nuits. Le décor est en très grande partie transformé par le passage des bombes aérosols de nombreux artistes, seules subsistent les formes du décor. Ce sont dans ces espaces et dans un environnement nocturne que mes pinceaux lumineux ont pu s'exprimer. Photographie sans retouche informatique, chaque image est issue d'un seul temps de pose long - la technique dite du lightpainting. (Appareil photo sur trépied, pose longue et sources lumineuses en mouvement) - Jadikan

La piscine Molitor bientôt remise à fl ots

À Paris, des années 30 jusque dans les années 80, la piscine Molitor a connu plusieurs vies : après son âge d'or, elle est brutalement fermée en 1989 pour être ensuite réinvestie les décennies suivantes par les graffeurs (No Rules Corp, Le collectif HEC, TPN, Psy 156, Kashink, ...) ou plus récemment par des lightpainters comme Jadikan. Depuis ses murs recouverts de peinture ont été rachetés par le groupement "Colony Capital - Accor - Bouygues" : Molitor devrait rouvrir l'année prochaine.

C'est en 1929 que Molitor est construite dans le XVème arrondissement, collée aux bois de Boulogne. À l'époque, Paris investit dans des équipements sportifs et veut développer les loisirs nautiques : la France est à la traîne. Pour l'inauguration, Tarzan, alias Johnny Weissmuller, champion olympique de natation (il joue le héros de la jungle à l'écran) pose même en slip de bain dans le bassin. Surnommée "le paquebot blanc", la piscine, dessinée par Lucien Pollet, est le fl euron de l'architecture Art Déco. Des vitraux décorent l'entrée du bassin avec baigneuses en maillot bleu, plongeurs et patineurs.

Pendant l'entre-deux-guerres, la piscine Molitor est le lieu de ralliement du tout Paris. On vient se prélasser sur le sable, près du bassin d'été entouré de deux galeries de cabines sur plusieurs étages. On boit, on fume et on joue aux cartes. On accourt pour barboter dans la piscine olympique ou suer dans les salles de sport. Les frileux ont leur bassin d'hiver, couvert. Molitor ne désemplit pas. Des représentations théâtrales ou des défi lés de mode sont organisés. Le bikini y fait même sa première apparition. À partir du mois d'octobre, la piscine se transforme en la plus grande patinoire de Paris. Boris Vian, amoureux de l'endroit, le couche même sur les lignes de son ouvrage, "L'écume des jours" : la piscine est le lieu de rendez-vous de son héros.

Molitor coule

Mais à la fi n de l'été 1989, malgré son âge d'or, la piscine ferme : elle est jugée vétuste et insalubre. Dès le lendemain, la façade et les entrées sont murées. Menacée de destruction, défendue par une association, Molitor est fi nalement classée aux monuments historiques en 1990. Depuis, c'est l'abandon. Son état se délabre : les fonds des bassins se fi ssurent, les peintures des cabines s'effacent, les œuvres art déco disparaissent. La piscine connaît alors une deuxième vie : elle devient le terrain de jeux de graffeurs qui investissent les lieux. Peu à peu, les bassins et les murs sont couverts par des couches de peinture successives. En 2001, le collectif Heretik organise une rave party dans la piscine : 1000 à 2000 fêtards ont escaladé le mur d'accès. Les forces de l'ordre mettront fi n à la soirée.

Après une longue polémique sur sa rénovation, la mairie de Paris annonce en 2008 avoir retenu un projet pour sa reconstruction. Les deux bassins sont conservés et Molitor deviendra une sorte de centre balnéaire avec hôtel et spa. La piscine devrait rouvrir en 2012 : une remise à fl ot après 23 ans d'abandon.

Emilie Brouze

Photographies : Julien Lacroix (Graff) ; Jadikan-LP (Lightpainting)

Jadikan6 novembre 2010 à 22h49,270 secondes.

"Jadikan ne reproduit pas les fi gures imposées du graffi ti tout en les assimilant : il en conserve la vibration et l'énergie et ses images sont tout à la fois hommage et dépassement. Il se souvient de l'histoire de l'art : le dripping, l'abstraction géométrique, le land art. [...] C'est en mettant en osmose le site par son geste artistique que Jadikan nous fait comprendre que l'art est une réinvention constante du monde." - Michel Séméniako

Jadikan19 novembre 2010 à 02h26,125 secondes.

Jadikan18 novembre 2010 à 22h40,197 secondes.

Jadikan19 novembre 2010 à 01h20,219 secondes.

Jadikan6 novembre 2010 à 23h52,241 secondes.

Jadikan18 novembre 2010 à 21h56,282 secondes.

Jadikan18 novembre 2010 à 22h21,384 secondes.

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Il s'agit de la plus grande fresque murale de Montréal (dimension : 23m x 24m), réalisée par deux jeunes artistes, Jasmin Guérard-Alie et Simon Bachand.Les montréalais peuvent admirer cette imposante peinture murale sur l'immense mur latéral de l'édifi ce Mission Old Brewery, située dans le Vieux-Montréal. Un wagon de métro arrive en gare, des gens qui courent, des routes qui s'entremêlent aux motifs, signes et symboles multiculturels...

Fresque murale "Ghetto Blaster", rue Clark dans le Centre-Ville de Montréal, par le graffeur "Fluke" du collectif Café-Graffi ti.Geekamaru : Journaliste & Reporter photographe sur Grenoble - http://twitter.com/#!/Geekamaru

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Photo prise en mai 2010, au quartier latin, haut lieu du graff à Montréal.

Photo prise à Montréal en mai 2010 et réalisé par l'artiste Herezy en 2005.

Photo prise à Montréal en mai 2010, quartier latin.

Photo prise à Montréal en mai 2010, fresque réalisée en 2009, quartier latin.

Anaïs Marquet - SydneyQuartier de May Lane11 septembre 2010

Anaïs Marquet - SydneyQuartier de May Lane11 septembre 2010

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L'histoire du vinyle grand format

Kiteaz

UC : Avant d'aller plus loin, on aimerait bien connaître votre parcours personnel ? Kiteaz : Notre parcours… Diffi cile de tout raconter car ce serait trop long. Sébastien, lui, a beaucoup travaillé en tant que designer pour les plus grosses maisons de luxe. Il a aujourd'hui son bureau de design. Benoit, "Mail", produit des peintures en utilisant différentes techniques artistiques. Quand à Cécile, elle réalisait des bijoux en fi l torsadé. Nous sommes amis depuis l'âge de 15 ans et nous sommes trois passionnés de musique depuis cette époque.

UC : Un pied dans la musique donc ?K : Seb a fait parti d'un groupe de rock alternatif dans les année 1990 mais c'est resté au niveau local. Les Nainphos, un délire de potes qui avaient la Rock & Roll attitude et surtout l'envie d'épater les fi lles. Sinon Benoit mixe à ses heures perdues de l'electro techno.

UC : Comment-vous est venue l'idée de remettre au goût du jour le vinyle en tant qu'objet déco ?K : Le disque vinyle est un objet parfait à tous les points de vue. C'est l'un des tous premiers supports de musique créé. Celui qui a démocratisé la musique dans les foyers du monde entier. Il a traversé toutes les époques et permis l'explosion des plus grands groupes de Rock & Roll puis de tous les styles de musique jusqu'à aujourd'hui encore, étant dans les mains des meilleurs Dj du monde. D' ailleurs, qui n'a pas encore, chez lui ou chez ses parents, une grosse collection de disques ?! De plus, il s'agit d'un objet parfait visuellement et esthétiquement parlant. C'est un objet super design qui ne peut pas mourir à cause de l'arrivée des MPC, Serato … et j'en passe. C'est pour cela que nous avons décidé de le recréer mais en grande taille pour lui redonner toutes ses notes de noblesse.

UC : Combien de temps avez-vous mis pour concrétiser le projet, entre l'idée de départ et votre premier vinyle 95' pressé ?K : Cela n'a pas été facile, nous avons d'abord cherché comment faire ces disques de grande taille. Nous ne voulions pas faire une copie grossière. Nous voulions que ce soit une copie conforme de nos bons vieux 33 tours aussi bien visuellement qu'au niveau du touché. Et nous avons réussi. Il nous a fallu à peu de choses près deux ans entre la première idée et la réalisation de notre premier 95 tours.

UC : Parlons technique, comment procédez-vous pour fabriquer les vinyles ?K : Nous avons créé tout le process'. Des plans de la machine à sa fabrication et ses modifi cations, un peu comme des Geo

Trouvetou. Après, tout vous raconter risque de devenir barbant pour vos lecteurs.

UC : J'imagine que vous avez connu des galères et de bonnes surprises pour toucher au but ?K : Des galères ? Dire que non, ce serait prétentieux. Bien sûr que nous en avons eues.Entre la matière qui ne réagissait pas bien, le visuel qui n'adhérait pas au disque, la diffi culté de trouver le bon emballage, qui devait être à la fois résistant et esthétique ainsi que des solutions pour le transport, car un carton de 1,20m ne peut pas se faire expédier par la poste. Bref, après pas mal de mise au point, nous avons enfi n réussi à faire notre premier opus, Le 95 tours.

La bonne surprise, ça a été la réaction des gens (hormis nos amis) quand nous avons sorti le premier 95 tours qui ont été bluffé par le réalisme, la taille hors-norme et la beauté de l'objet.

UC : Alors pour la suite, vous avez d'autres projets ou des collaborations en vue ?K : Nous avons plein d'idées pour de nouveaux objets mais cela prend du temps pour le développement. En ce qui concerne les disques, nous souhaitons développer une expo' avec des peintres et des graffeurs sur les formats 95 tours et 66 tours.

Nous avons fait une première collaboration avec un graffeur Mathieu Borel Aka Amod appartenant au collectif d'Angers "Superquatre" qui nous a fait un 95 tours. Il a utilisé différentes techniques (bombe, pinceau, crayons…).www.superquatre.com

Nous avons aussi travaillé avec Florian Gaydier Aka Bibkel qui réalise des divas d'inspiration enfantine mais tellement street. Il expose en ce moment dans la région d' Hossegor.www.bibkelart.jimdo.com

Ainsi qu'avec Éric Berger spécialisé dans l'art du détournement, de la récupération, du recyclage de matériaux, d'objet et d'image.http://www.brianspacedesignconcept.com

UC : Parlons musique pour fi nir, à Urban-Culture on a un peu la manie des top 3. Choix du cœur ou de l'instant, votre top 3 son pour fi nir ? K : Nasser, Metronaumy et Manba 4 Cats, 3 Dj's de la région angevine à découvrir, qui manient aussi bien les platines que les images.

A.F.

Jeune entreprise de design, Kiteaz est spécialisée dans la fabrication de vinyle déco de grand format. Quand on parle de grand format, on parle de 95''. Ouch, ça commence à faire big ! À l'origine de ce concept innovant ? Trois trentenaires issus d'Angers (49) et de Treize Vents (85), Sébastien, Cécile et Benoit, des passionnés qui ont mis leurs ressources en commun. Urban-Culture a accroché, rencontre exclusive avec les créateurs.

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NeostyleWear

Pret a porter urbain en serie limitee

Pour ce nouvel opus d'Urban-Culture Magazine, nous avons choisi de vous présenter NeostyleWEAR, une petite marque de créateur qui aspire à devenir grande. Elle propose une ligne de vêtements originale, refl et de la génération 80-90 et du vécu de son créateur, Besss, graphiste de métier. Son univers ? En dehors des codes vestimentaires précis et inspiré par les différentes cultures urbaines comme le graffi ti ou le hip-hop. Il tourne essentiellement autour d'objets, de faits et de sons ayant marqués la génération dite "Old School" comme la chanson culte My Adidas de Run DMC. Intrigué, nous avons voulu en savoir plus.

UC : Salut Besss, peux-tu nous en dire un peu plus sur la génèse de ta marque et au passage sur toi-même ?Besss : Et bien moi c'est Besss, graphiste freelance, passionné d'art urbain, originaire du graffi ti et de la culture urbaine. Ma marque découle un peu de tout cela. Elle est née tout d'abord d'un constat sur la galère à trouver de bonnes fringues originales pour nous, les mecs. Alors dans un premier temps, j'ai décidé de créer mes propres modèles de tee-shirt, de façon égoïste, vraiment dans un pur délire, pour mes potes et moi. Ensuite, je me suis prêté au jeu il y a sept ans, en lancant un premier aperçu de ma marque via des blogs, etc. Toujours dans un pur délire et je me suis aperçu que certaines personnes étaient touchées par le style. Alors cinq ans plus tard, après avoir mieux analysé mon projet, je suis revenu avec un style bien à moi, avec une marque aux inspirations diverses, telles que la culture urbaine, le graffi ti, les badges, le skate, les jeux, mon vécu, etc.

UC : Tu es graphiste de métier, qu'est-ce qui t'as poussé à devenir créateur ?B : En fait, ce n'est pas tellement différent par rapport à l'approche de ma marque, car pour moi le tee-shirt devient un support "autre" pour mes créations, car tous les visuels sont issus de mes dessins papiers. Donc cette marque a un bon esprit pour l'instant (rires) : celui de plaire à quiconque saura la porter fi èrement, tout simplement.

UC : Tes modèles respirent la verve des 80's/90's avec les

objets aujourd'hui cultes de cette période : Tetris, Pacman, cassette audio, Télécran, Légo, Rubiscube. Que penses-tu de l'évolution actuelle du monde des loisirs ? B : Autant je trouve que la mode est un éternel recommencement en matière de textile, autant en matière de loisirs/jouets, je pense que rien ne vaut les années 80/90 : les GameBOY avec le célébre jeu Tetris, la nostalgie des cassettes et des walkmans, le fait de passer des soirées entières à enregistrer une bonne compil' hip-hop pour le lendemain au lycée... les consoles Atari, Sega et AlexKID... Bref, je pourrais parler de cette génération pendant des heures tellement elle m'inspire encore aujourd'hui. Lorsque je croise un gamin avec un GhetthoBlaster pour Ipod, ça me fait sourire !

UC : Un brin de nostalgie dans tes créations donc ?B : Pas vraiment. Cette génération m'inspire énormement alors je puise vraiment mon inspiration au sein de mon vécu, de mes rencontres et de mon passé, notamment de graffeur, breakeur, et même Mc (rires). Et apparament, c'est une génération qui inspire pas mal de monde car je vois pas mal de chose depuis quelques années avec des cassettes, des ghettos blaster… Donc c'est peut-être encore un bon choix (sourire).

UC : Pour le moment, tu vois ta marque plus comme un loisir et un passe-temps, tu aimerais la développer ?B : Disons que j'ai la tête sur les épaules, je pense qu'il est diffi cile aujourd'hui de perçer dans le tee-shirt car beaucoup de marques se créent chaque jour et certaines ne tiennent pas. Alors disons que je cherche à perdurer à mon échelle pour l'instant. Mon métier reste le graphisme mais après, c'est sûr que si ma marque marche vraiment bien un jour, ce serait vraiment un gros kiff. Je vois cela comme une belle aventure. Je profi te de tout au travers de ma marque, on fait des shootings photos, des clips promotionnels, on joue les ambassadeurs de marque, les "pseudos" mannequins, bref, c'est plutôt cool et en effet, pourvu que ça dure !

UC : Avec le modèle "Dédicace to my fi rst shoes", tu fais un clin d'oeil appuyé à la chanson culte My Adidas du groupe Run DMC. T'écoutes quoi en ce moment comme musique ?B : J'écoute un peu de tout depuis mon plus jeune âge, tel que du Jazz, de la Soul, du Hip Hop US. D'ailleurs, j'ai toujours été vraiment Rap US, Dj Quick, Snoop, Dr. Dre, Bones Thug N Harmony, beaucoup de NAS, Methodman et Redman, De La Soul, MOSdef mais pas vraiment de délire WestCoast/EastCoast. Y'a du bon des deux côtés, même si j'aime vraiment le style new yorkais. J'écoute aussi pas mal de son que je

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NeostyleWear

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découvre sur le net ou au fi l des rencontres, comme Raashan Ahmad, Wilow Amsgood, et là, j'écoute pas mal de Némir, un jeune rappeur de Perpignan. Mais sinon, c'est vrai que je dessine beaucoup sur des sons bien Soul, ça me permet de bosser dans de bonnes conditions. UC : Tu portes quoi comme paire de pompes ?B : Alors niveau pompes, je suis ce que l'on peut appeler un Addict. Je suis vraiment fan, depuis les Stan Smith, des Adidas bien rétro comme les Dragon par exemple, mais aussi fan des Jordan. J'aime bien aussi, bien que je ne sois pas un skateur, la marque DC shoes. Quant à te dire ce que je porte en ce moment, justement, c'est impossible, je change tout le temps, en passant par des Nike Dunk ou une vieille paire de Puma.

UC : Et en tee-shirt (rires) ?B : Et bien je ne porte pas que ma marque, même si je l'arbore fi èrement (rires). Comme je ne suis pas vraiment le gars qui fait trop les magasins, je commande pas mal sur le net, pareil pour la musique. J'aime les marques indépendantes, comme la prometteuse marque de mon ami Joel de chez Grafi kCube par exemple, sinon pas mal de Zoo york, je trouve les tee-shirts bien stylés, mais mon dernier achat est un tee-shirt Obey, une marque que j'adore aussi.

UC : Un petit mot à nos lecteurs ?B : J'espère qu'ils auront trouvé du plaisir à nous lire et à découvrir mon univers et celui de ma marque. J'espère que certains adhéreront au concept et partageront l'info avec leur entourage. N'hésitez pas à prendre contact avec nous, nous sommes partout, Facebook, Twitter, Myspace, Youtube, et bien sûr, sur notre site : www.neostylewear.com. Peace.

A.F.

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Collectif Medlakolor

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UC : On apprend que VSO est à l'origine de Medlakolor. Donc pour Hose et le reste de la bande, c'est à lui que revient la lourde tâche d'expliquer la naissance du collectif. Fast Rewind dans les années 80 en banlieue parisienne : VSO : En 1984, je fonde avec Roner et Berni l'association ArtZone dans les Hauts-de-Seine. Les cultures urbaines, emmenées par la vague Hip-Hop qui déferle alors sur la France, sont en plein essor, un peu trop sauvages pour que les retardataires y comprennent quelque chose. Le but de l'association c'est alors de développer intelligemment le partage et l'apprentissage de l'art Hip-Hop. On a fait du bruit à l'époque, avec la première comédie musicale 100 % Hip-Hop, "Planet Rap" (rien à voir avec Skyrock hein...). Complètement auto-géré, on n'avait pas du tout de fi nancement, la mairie était là pour nous prêter la salle et la sono, point barre. On a vraiment explosé à l'époque, totalement en marge, et Sydney nous a même rejoint pour présenter le show... Un très bon souvenir. Et puis, j'ai eu des fourmis dans les jambes, j'ai décidé de bouger dans le sud, de quitter Paris pour m'oxygéner. J'ai fi ni par atterrir à Chambéry, où j'essaye de rester actif, de peindre le plus souvent possible. Le déclic, c'est ma rencontre avec KoolTaste et Hose (fi n 99'...). Investis quotidiennement dans et pour la peinture, on décide de se rassembler en collectif et on fonde une association : Medlakolor. L'idée principale, je veux dire au départ, la motivation première, c'est la possibilité d'investir un mur, de concrétiser sur Chambéry un open-wall, ce qui n'existait pas à ce moment-là. On pense alors que le label "Association" nous ouvrira plus facilement les portes des institutions...

KoolTaste : À l'époque, on saturait l'espace disponible dans les usines en friche pour travailler nos couleurs. Monter l'association ça nous a poussé à confectionner des books, à aller à la rencontre des commerçants pour leur proposer nos prestations picturales et rafraîchir leurs stores, qui étaient soit gris, soit déjà bien barbouillés... Bien sûr, même ceux qui étaient désireux de vivre pour et par leur art ont bien galéré au début et la majorité de nos premiers tafs nous ont surtout offerts les bombes qu'on affectionnait tant pour aller réaliser ce que l'on voulait vraiment. En parallèle, on multipliait les rencontres avec les institutions, Grenoble avait déjà son mur, les gigantesques quais de l'Isère, nous, en demandant le quart du tiers, on galérait vraiment. Jusqu'en 2003, date à laquelle on a enfi n obtenu un mur, avenue du Repos... Peut-être grâce à notre longévité, nos actions éducatives et sociales puisqu'on offre la possibilité à pas mal de publics différents de rencontrer le graffi ti en le pratiquant. Mon plus beau souvenir, c'est un atelier en institution fermée pour jeunes handicapés, je n'ai jamais eu d'élèves aussi motivés...

Hose : Effectivement, on a été vraiment heureux de recevoir enfi n une réponse positive et de pouvoir investir un lieu sans craindre les représailles... La première action, en dehors de prendre les bombes en mains et de les diffuser sur cette surface longtemps espérée, a été la mise en place d'une charte, pour que l'auto-gestion et la liberté totale d'accès au lieu soient néanmoins un minimum cadré. Pour ça, on n'a rien inventé, beaucoup de murs à travers le monde diffusent leur charte sur des principes universels comme l'interdiction de dégrader volontairement une œuvre, de diffuser des messages à caractère raciste... On a eu

Faire le portrait d'un collectif qui rassemble à lui seul une quinzaine d'activistes n'est pas chose facile. J'ai profi té de la réalisation d'une fresque géante sur la zone commerciale d'Épagny (74) pour en chopper huit : Hose, Hope, Korus, MSTR, KoolTaste, Ome, Hora et VSO. Entre blagues cyniques version Desproges et réunion forcée sous une remorque abandonnée pour cause de pluie abondante, c'était pas évident, mais j'y suis arrivé. Voici donc Medlakolor, vu par Medlakolor !

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dix belles années de pratique libre à Chambéry avec ce mur. Là, tu me vois, mon regard s'assombrit soudainement et j'ai un air féroce qui ressurgit malgré moi : On a reçu, il y a peu, l'avis de destruction prochain du lieu, pour cause de réhabilitation de l'espace urbain... Un nouveau quartier dans lequel un mur de graff passerait moyen...

VSO : Pour en revenir à l'évolution de l'association, c'est ce jeune crooner (il désigne Hose) qui nous a fait comprendre que le graff pouvait être notre avenir et qu'il fallait pour cela quitter le statut associatif. Le statut d'"Association" laisse place à l'appellation "Collectif" et nous voici enfi n dans la cour des grands. Inscription à la maison des artistes, adoption du statut d'artiste indépendant, c'est un temps de réfl exion important pour tous car c'est aussi le moment de choisir entre laisser derrière soi un autre métier ou conserver le graff dans la case "loisir attractif pouvant parfois être un peu rémunérateur". En tout cas, on comprend rapidement les bienfaits de l'abandon de la structure associative : les tensions générées par la gestion jusqu'alors collective du fi nancier s'estompent totalement. Chacun peut enfi n profi ter d'une structure collective, véhiculant les valeurs qu'elle défend, tout en restant indépendant dans ses choix de réalisation.

Hose : Ouais, je crois qu'ainsi on s'est rendu service. Aujourd'hui, on le voit par nos trajectoires qui nous ont permis, à presque tous, de comprendre nos objectifs respectifs, nos volontés professionnelles, les spécialités graff et autour du graff qu'on voulait développer.

UC : Combien de personnes forment le collectif Medlakolor ?Hope : Aujourd'hui, Medlakolor est un collectif représenté par seize personnes exactement. Pas toujours au total sur les évènements car certains cumulent encore boulot et statut d'artiste indé', pas tous animateurs pour les ateliers car il faut passer par les cases d'apprentissage et de formations mais tous unis autour d'une même volonté, la diffusion de notre art et sa reconnaissance. On en parlera plus tard mais la notion de pédagogie dans nos ateliers est très importante. Bref, on est seize par le hasard de nos affi nités, de notre amour de partager une discipline et s'appliquer à la diffuser au maximum. On vient tous d'horizons différents, que ce soit au niveau du milieu social, des goûts musicaux, des hobbies... Sans cette diversité là même, on ne serait pas ensemble, parce que c'est ça qui nourrit Medlakolor.

UC : Combien d'entre vous sont impliqués à 100% professionnellement ?Hose : On est trois à avoir la chance d'en vivre à l'année aujourd'hui. Parce qu'en parallèle des actions collectives, on arrive à démarcher assez sérieusement dans le graff ou des disciplines connexes. Hose a une importante production de body-painting, KoolTaste est sculpteur, Ome photographe...

UC : Quelle est l'empreinte Medlakolor ?Hose : On n'a pas de particularité du genre "Aaah ouais tu sais c'est le crew Medlakolor qui fait ça". Nous c'est plutôt "Ah ! Mais si, c'est Hose de Medlakolor !". Peut-être qu'en ce sens notre particularité, c'est de vouloir conserver les compétences de chacun et d'acter ensemble pour les parfaire. Une fresque, comme celle actuellement en cours à Épagny, demande de

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comprendre rapidement ce que chacun veut et peut faire afi n que la fresque refl ète la demande du client comme c'est le cas ici, mais aussi le style de chacun. La construction de nos roughs respectifs puis, dans les mains de KoolTaste, la maquette infographiée, n'oublie jamais ces deux principes.

UC : C'est quoi la pratique du graffi ti pour vous aujourd'hui ?Ome : On ne pense pas que le graff ait une particularité spéciale. Il y a mille façons de pratiquer le graff. Rien qu'avec les styles de lettrages, tu peux y voir pour chacun une particularité bien précise qui va caractériser ce style là ... Je peux néanmoins et peut-être te faire un semblant de réponse en te disant que le graff c'est la possibilité, tout en restant dans le champ du graffi ti, d'exploiter des multitudes d'outils, de techniques, de recréer plein de champs d'expression immenses et différents. Disons que la pratique du graff, c'est de ne jamais tomber dans la lassitude, de ne surtout pas rester statique dans un même processus de création.

UC : KoolTaste nous a parlé de votre rencontre avec un aérographeur qui vous a permis d'élaborer de nouveaux visuels, de faire évoluer vos productions. Pensez-vous que le graff doit rester principalement dans la pratique de la bombe, et classer l'utilisation d'autres médiums en "pratique bonus" ?Ome : Le graff c'est tout le temps avec n'importe quoi. C'est sûr qu'en vingt ans, à peu près l'écart entre la première génération française et l'actuelle, tu gagnes dix ans de recherche et de pratique avec ce qui a été découvert. Les magasins spécialisés n'ont pas toujours vendu de supers feutres à réservoir ou des bombes avec pression remastérisée et couleurs éclatantes. Après, faut certes connaître, maîtriser un minimum la peinture à la bombe,

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c'est la base du graffi ti. C'est elle qui a amené les techniques et les styles différents inhérents à la culture graffi ti. Nous, on reste des adeptes du résultat plus que de la manière. Si pour une fresque, ou même un fl op, tu viens rajouter des coups de pinceaux, du pochoir, du collage... et ben au fi nal, c'est ce qui donne un résultat qui claque !

KoolTaste : L'aérographe est une extension de la bombe pour les graffeurs. Effectivement, on n'est pas des intégristes de la bombe !

UC : Medlakolor est un véritable mélange de style de par les diversités de productions entre vous. Comment organisez-vous vos fresques collectives ? Y'a t-il un chef d'orchestre ou c'est plutôt "ta place est là, advienne ce que tu voudras" ?Hose : Non, non, c'est un choix réfl échi. Ceux qui participent à la fresque réfl échissent collectivement : qui pour un lettrage, qui pour un personnage, quels choix de couleurs qui domineront équitablement dans toutes les réalisations. Après, les roughs sont travaillés souvent séparément faute de temps mais, un seul est chargé de réunir le tout pour un montage global. Ainsi on discute de la mise en espace, pas souvent tous ensemble par contre, cette fois KoolTaste et Hope ont mis la main au mulot. Le travail du fond se fait toujours différemment selon la surface et le temps imparti. Comme ici, ça peut-être une recherche iconographique pour venir monter l'ensemble. Quand on réalise ces préparatifs dans le cadre de commande spécifi que, on réalise souvent entre trois ou quatre maquettes pour le client. C'est le temps de trouver comment respecter au mieux sa demande mais aussi de lui faire parfois changer ou moduler son avis, en lui expliquant que ses choix visuels ne sont pas forcément les plus judicieux.

UC : On vous a découvert lors de l'Art Contest de l'Ebouelle 6, vous avez d'ailleurs remporté le concours de scénographie face à Artefakt, Yaute Pression, et Poulaie Crew... Ces battles entre collectifs qu'est-ce que ça vous amène ? Hope : Ben déjà te prendre une grande claque en public. Sérieusement, il y a des collectifs que tu rencontres en battle fresque ou autre, tu sais déjà que tu ne vas pas être au niveau de technicité, mais c'est un grand kiff de se retrouver à leurs côtés justement !

KoolTaste : À l'Ebouelle, ce qui était super enrichissant c'était la thématique du battle. Il n'y avait pas que la question de la réalisation d'une fresque mais aussi celle de la nécessité d'investir un espace. La scénographie, qui devait s'inspirer du teaser présentant l'Ebouelle Contest, devait se réaliser en trois dimensions. Les idées ont fusé dans tous les sens, on est allé jusqu'à embaucher des comédiens ! Le meilleur retour qu'un collectif puisse avoir suite à un battle, c'est déjà une reconnaissance de ses pairs, l'enrichissement des rencontres le temps de l'évènement. Comme l'échange avec un public pas forcément confronté à ce type de pratique habituellement, et qui le vit là autrement de ce que les médias peuvent en dire de mal en général et de dégradant...

UC : Depuis les premiers tags jusqu'à la démocratisation et l'engouement pour le graffi ti, quel est votre regard sur la pratique graff ?Ome : Peut-être que c'est dommage effectivement cette utilisation commerciale abusive de la culture graff. Ceux qui crachaient dessus hier et qui s'en mettent jusque-là aujourd'hui. Pour le reste vive le graffi ti, longue vie !

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UC : On a rapidement parlé d'actions pédagogiques au sein d'ateliers, vous en faites souvent ?Hose : Effectivement, on peut trouver sur notre site une plaquette qui présente les différentes actions d'animations et prestations que nous menons. Les animations, notamment avec les jeunes, c'est un réel plaisir de le faire et cela l'a été dès le départ. Avoir cette action de transmission auprès des jeunes, c'est une sacrée responsabilité entre les mains, ça fait grandir. www.medlakolor.com

KoolTaste : On a même fait un atelier dans une maison de retraite. Et bien, les plus de 70 ans peuvent aussi prendre leur pied une bombe dans la main !

UC : Y'a t-il des clashs "Graff has to stay vandal" versus "la légalité, c'est le futur" au sein du collectif ?

Hose : La question à 200 000 celle-là non ?

Hope : Pour te répondre, sans entrer dans ce débat sans fi n et sans fond, le collectif est une manière de pouvoir évoluer collectivement, sans prétendre détenir meilleure réponse que nos acolytes sur des sujets aussi sensibles...

UC : Il vous manque quelque chose aujourd'hui pour être heureux d'évoluer dans Medlakolor ?Tous : Des murs ! Plus grands, partout, n'importe où ! Il ne nous manque rien mais on veut encore plus de projets de qualité, de taille avec justement la possibilité de travailler tous dessus !

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Pour fi nir le top 5 d'UC

HOSETop Musique : Posse 33Top Cinéma : BernieTop Livres : Oui-Oui (Toute la collec'!)Top Artiste : Renaud

KORUS : Top Musique : Wu-Tang Clan 36 ChambersTop Cinéma : Les Princes de la VilleTop Livres : Iniacio RamonetTop Artiste : Nicolas Cluzel

MSTR : Top Musique : Paul KarlbrennerTop Cinéma : Pulp FictionTop Livres : Oui-Oui Top Artiste : Aryz

KOOLTASTE :Top Musique : RZATop Cinéma : À bout portantTop Livres : Philip K. DickTop Artiste : Fanzy (Artshot)

HOPER :Top Musique : MetallicaTop Cinéma : GhostbustersTop Livres : Pif Le ChienTop Artiste : Gutter

OME : Top Musique : Banane MétalliqueTop Cinéma : This is EnglandTop Livres : Oui-OuiTop Artiste : Valérie Damidot

HORA :Top Musique : Bob MarleyTop Cinéma : La HaineTop Livres : Boule et BillTop Artiste : Picasso

VSO :Top Musique : Neg'MarronsTop Cinéma : Les AffranchisTop Livres : Pig GadgetTop Artiste : Daim

Medlakolor : Top Crew : Heu....

Anaïs Djouad

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