12
Valorisation des sites naturels, historiques et culturels du Rwanda "Africans need to be aware not just of the fact that the past exists in the present, but also ‘how and where and why precisely their past exists in their present […] and what value such presence holds for their future meaningful existence. We very much need to acquire a synchronous sense of tune which encourages and enables us to see ourselves co-existing peacefully, creatively, harmoniously and truthfully in all spheres of life, at all stages and times with our ancestors and our descendants, and this, with all of our neighbours—past, present and future." (B. Andah. Quoted in Peter R. Schmidt, 2009 : Acheology and the Ancestors) http://www.worldarchaeologicalcongress.org/component/content/article/64-reports/475- african-archaeology-and-the-ancestors Si le potentiel du Rwanda en matière de tourisme culturel n’est plus à démontrer, il reste que ce secteur peine à trouver sa voie et à décoller. Notre Politique national du Tourisme établit le cadre de son développement, et souligne la place du tourisme culturel dans ce secteur d’activité. Ce document de politique est assorti d’une Stratégie Nationale de Tourisme Culturel, mais la plupart des dispositions qui y figurent restent encore à traduire en projets concrets, si bien que le tourisme culturel reste peu développé, malgré la présence de nombreux sites historiques et culturels sur tout le territoire du Rwanda. Or, nos sites culturels, portant si riches et porteurs de nombreux bénéfices, mais cependant très fragiles, ne sont pas protégés et se dégradent de jour en jour. Cela est d’autant plus regrettable que certains de ces sites sont susceptibles de se qualifier pour inscription au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, au titre de “Patrimoine immatériel” (littérature orale, rites et cérémonies traditionnelles, arts et métiers traditionnels, jeux et arts du spectacle, etc.) dans le cadre de la “Convention sur la Sauvegarde du Patrimoine Immatériel”. On songe notamment à notre collection de rituels de l’Ubwiru, qui serait une bonne candidate pour la liste des “Chefs- œuvres du Patrimoine oral.” (Voir site web de la Convention: http://www.unesco.org/culture/ich/). Convention vise à aider les pays membres à recenser, préserver et valoriser leur patrimoine immatériel et oral. Il existe notamment des mesures spéciales pour les œuvres de l’esprit ou les sites culturels menacés de disparition ou de dégradation, qu’il suffit d’inscrire sur la “Liste de Patrimoine culturel immatériel nécessitant des mesures de sauvegarde urgentes”, pour bénéficier d’assistance d’urgence, notamment au titre de fonds spéciaux créés dans ce but, en faveur des pays en développement qui en ont besoin. (Article 17) 1

Valorisation Des Sites Historiques Et Culturels Du Rwanda

Embed Size (px)

DESCRIPTION

This paper seeks to raise awareness of Rwanda’s National Cultural Heritage, and to draw attention to the fact that it is under threat of loss and degradation. Aspects of our heritage are discussed, drawing attention to their relevance for modern Rwanda. The paper draws inspiration from the UNESCO Convention for the Safeguarding of the Intangible Cultural Heritage, which is a milestone in the history of Culture.

Citation preview

Page 1: Valorisation Des Sites Historiques Et Culturels Du Rwanda

Valorisation des sites naturels, historiques et culturels du Rwanda

"Africans need to be aware not just of the fact that the past exists in the present, but also ‘how and where and why precisely their past exists in their present […] and what value such presence holds for their future meaningful existence. We very much need to acquire a synchronous sense of tune which encourages and enables us to see ourselves co-existing peacefully, creatively, harmoniously and truthfully in all spheres of life, at all stages and times with our ancestors and our descendants, and this, with all of our neighbours—past, present and future." (B. Andah. Quoted in Peter R. Schmidt, 2009 : Acheology and the Ancestors) http://www.worldarchaeologicalcongress.org/component/content/article/64-reports/475-african-archaeology-and-the-ancestors

Si le potentiel du Rwanda en matière de tourisme culturel n’est plus à démontrer, il reste que ce secteur peine à trouver sa voie et à décoller. Notre Politique national du Tourisme établit le cadre de son développement, et souligne la place du tourisme culturel dans ce secteur d’activité. Ce document de politique est assorti d’une Stratégie Nationale de Tourisme Culturel, mais la plupart des dispositions qui y figurent restent encore à traduire en projets concrets, si bien que le tourisme culturel reste peu développé, malgré la présence de nombreux sites historiques et culturels sur tout le territoire du Rwanda.

Or, nos sites culturels, portant si riches et porteurs de nombreux bénéfices, mais cependant très fragiles, ne sont pas protégés et se dégradent de jour en jour. Cela est d’autant plus regrettable que certains de ces sites sont susceptibles de se qualifier pour inscription au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, au titre de “Patrimoine immatériel” (littérature orale, rites et cérémonies traditionnelles, arts et métiers traditionnels, jeux et arts du spectacle, etc.) dans le cadre de la “Convention sur la Sauvegarde du Patrimoine Immatériel”. On songe notamment à notre collection de rituels de l’Ubwiru, qui serait une bonne candidate pour la liste des “Chefs-œuvres du Patrimoine oral.” (Voir site web de la Convention: http://www.unesco.org/culture/ich/).

Convention vise à aider les pays membres à recenser, préserver et valoriser leur patrimoine immatériel et oral. Il existe notamment des mesures spéciales pour les œuvres de l’esprit ou les sites culturels menacés de disparition ou de dégradation, qu’il suffit d’inscrire sur la “Liste de Patrimoine culturel immatériel nécessitant des mesures de sauvegarde urgentes”, pour bénéficier d’assistance d’urgence, notamment au titre de fonds spéciaux créés dans ce but, en faveur des pays en développement qui en ont besoin. (Article 17)

Il importe par conséquent, de prendre des mesures spécifiques pour protéger ces centres, les recenser selon les normes établies par l’UNESCO (qui dispose de fonds d’assistance à cet effet), et les soumettre à cette organisation pour inscription sur la liste du “Patrimoine de l’humanité” — à condition, toutefois, d’avoir ratifié cet instrument international, ce que le Rwanda n’a pas encore fait. [Texte ecrit en janvier 2011] (Pour plus de détails, voir ci-joint note “Promoting Rwanda’s Intangible Cultural Heritage.”)

Un important apport du tourisme culture consistera à promouvoir l’image du Rwanda sur la scène internationale en tant que pays disposant d’une culture riche unique et unique. Le tourisme culturel étant par essence pro-pauvre, impliquent les populations locales des différentes parties du pays, de par la nature même des sites concernés, ce secteur contribuera de manière significative au développement des zones rurales, à la lutte contre la pauvreté et à la réalisation des Objectifs de développement du Millénaire, y compris ceux relatifs à l’environnement et à l’économie du pays en général.

Son rôle éducatif est tout aussi évident, de même que sa contribution au développement culturel de la population rwandaise, qui sera de ce fait mieux à même de jouer son rôle dans le développement du secteur, et participer à son enrichissement, ainsi qu’à la protection des sites culturels et écologiques.

1

Page 2: Valorisation Des Sites Historiques Et Culturels Du Rwanda

Par ailleurs, un développement ordonné du tourisme devra inclure une dimension formation et recherche scientifique. Le volet formation visera à la fois les agents d’encadrement étatiques et les entrepreneurs et autres acteurs du tourisme culturel, y compris les autorités et les populations locales, et contribuer ainsi a la gestion rationnelle de ce secteur et de l’environnement dont il est particulièrement tributaire.

Afin d’assurer le développement rationnel de ce secteur et lui fournir une assise solide, il importe de fonder ses activités sur les résultats d’une recherche scientifique multidisciplinaire, afin de mieux élucider le rapport entre l’environnement et la culture. Il s’agira encore d’évaluer l’impact du tourisme sur les sites et leur environnement, de proposer les infrastructures les mieux indiquées selon la nature et la finalité des sites, de développer l’entreprenariat culturel et environnemental, et de renforcer la vocation première du tourisme écologique et culturel, à savoir le développement rural et la réduction de la pauvreté du tourisme culturel.

*

Potentialités du Tourisme culturel au Rwanda

La valorisation des sites historiques et culturels du Rwanda peut se faire par le truchement du tourisme écologique et culturel (visites guidées de sites aux paysages remarquables ou d’importance historique, culturel et religieux), mais aussi par la recherche scientifique multidisciplinaire, privilégiant, entre autres, les apports mutuels entre l’environnement physique (géographie, géologie, minéralogie, hydrologie, écologie), archéologie, histoire, anthropologie, la mythologie, la culture et la religion, mais aussi l’économie (nationale aussi bien que locale).

Un tourisme culturel bien pensé peut contribuer à réveillér ce sens que les Rwandais ont toujours eu du lien naturel entre progrès et environnement, entre histoire et milieu naturel, entre le présent et le passé, entre les ancêtres et nous, leurs descendants.

A. Role du tourisme culturel dans la protection de l’environnement et la lutte contre la pauvreté

Le tourisme culturel se concevra en termes de son apport aux communautés locales des environs de ces localités ou se trouvent les sites culturels et écologiques. Une formule de partage de recettes, non seulement entre l’Etat et les structures administratives décentralisées, mais encore entre ces deux instances et les communautés locales.

En outre, les communautés locales—tant rurales que péri-urbaines—tireront profit:

1. Du désenclavement occasionné par les voies de communications et les structures d’accueil qui seront mises en place pour faciliter le tourisme

2. Des emplois créés autour de ces sites : les impliquer dans les visites guidées, dans l’interprétation historique et culturel des sites, par exemple en racontant l’histoire et les légendes lies au site)

3. Des ventes des produits locaux, notamment artisanaux4. Des recettes recueillies lors de manifestations sportives et/ou artistiques 5. Des activités de formation et d’encadrement visant à développer les compétences locales en

matiere de protection de l’environnement et d’entreprenariat écologique et culturel.

2

Page 3: Valorisation Des Sites Historiques Et Culturels Du Rwanda

B. Mille Collines, Mille Métiers

Il existe, à cet égard, une large gamme de produits culturels que les populations locales peuvent organiser et commercialiser elles-mêmes, moyennant une formation et un encadrement adéquats:

1. Présentation de danses régionales et locales (ikinimba, intwatwa, kwiyereka, kwinikiza, etc.)

2. Démonstrations des arts martiaux traditionnels (gukirana, kunyabanwa, kumasha)

3. Démonstrations d’arts traditionnels : Travail du fer Confection d’habits en écorce ou fibre végétale Conditionnement des peaux et confection d’articles en cuir Construction d’habitations traditionnelles, etc. Décorations de maisons (ex. insika, inzugi, peintures murales imigongo à l’est du Rwanda) Barattage et conditionnement du beurre Boissellerie Vannerie, et tressage Tapisserie, etc.

4. Cérémonies traditionnelles de type socioculturel: mariages, imposition de noms aux nouveau-nés ;

5. Cérémonies de fondation et d’inauguration d’une demeure (gutanga ikibanza, gutaha inzu)

6. Cérémonies liées au lait (gukama, guhereza amata, gucunda, etc.),

7. Cérémonies agraires : kubiba, guhinga ubudehe, etc., avec les chants qui accompagnaient ces gestes (indirimbo z’abadehe, abasukirizi (« Mukadata yanyimye amavuta yo kwisiga/None naze arebe imugongo ndayaga ! »)

8. Cérémonies relatives à la pêche (‘baptême’ des pirogues, offrandes aux esprits de l’eau, etc.)

9. Cérémonies religieuses anciennes : guterekera, kubandwa, kunywana, kuragura, etc., kumara urubanza, etc.

Présentations de petites scènes représentant un épisode de l’histoire ou des légendes liées au site local (épisodes de la vie de Ruganzu pour les sites à ‘Ibirenge bya Ruganzu’, de Gihanga au site de Buhanga bwa Nyakinama ou à celui du Mt Kabuye (2647m), de Kigeri Ndabarasa à Gasabo, etc.

Ces activités pourront s’organiser dans le cadre de co-opératives et autres types d’association, ou d’un entreprenariat privé. Il serait souhaitable, cependant, que les autorités compétentes établissent des règles générales pour l’exploitation de ces sites dans le respect de leur écologie spécifique—qui en garantit la valeur culturelle et la conservation—ainsi que des normes de qualité destinées à encadrer ce secteur, conformément aux stipulations de la Politique Culturelle Nationale.

C. Une ressource équitablement partagée

Vu qu’il n’existe pas une seule région du pays qui ne soit doté de sites d’intérêt historique, culturel et écologique—sans oublier l’aspect paysage—toutes les communautés locales du Rwanda, toutes les structures administratives décentralisées, pourront bénéficier des bienfaits de ce tourisme.

De telles activités stimuleront, non seulement le tourisme, mais aussi la connaissance de la culture rwandaise, les arts et lettres traditionnels, et impulseront la créativité et l’entrepreunariat.

3

Page 4: Valorisation Des Sites Historiques Et Culturels Du Rwanda

Par ailleurs, de ces activités étant par définition communautaires et collectives, l’intégration nationale y trouvera un solide appui. Les écoles locales, les Amatorero et autres groupes locaux y trouveront des occasions d’exprimer leur potentiel.

En vue d’un développement ordonné de ce secteur, il faudra se baser sur les résultats de recherches scientifiques dans les différents domaines concernés : anthropologie, ethnologie, écologie, géographie, vulcanologie, spéléologie, hydrologie, botanique, ornithologie, histoire, religion. Les sites devront être recensés et décrits scientifiquement (un travail préliminaire de recensement a déjà été fait, mais il est loin d’être exhaustif—et surtout, il doit être complété par une description scientifique).

D. Un exemple de site à haute portée touristique, culturelle et de recherche scientifique:

Le Site du Mont Kabuye (Musanze)

L’importance de ce grand mont (2647m d’altitude) pour l’histoire, la culture et la religion est attestée par les textes traditionnels, dont :

Les récits Ibitekerezo (réf. Kagame 1972:43), selon lesquels le sommet de ce mont se distingue par trois sites majeurs :1. Le site de son habitation à l’époque du Déluge, attesté par un bosquet sacré ;2. Une source et un étang nommé ‘Ngomba’, créés par ce Père de l’humanité post-déluge ; cette

‘eau de Kabuye’ servait encore au 20e siecle à la construction d’édifices sacrés ; 3. Un ‘Rocher des Abeilles’ (Urutare rw’Inzuki) qui servait d’autel pour les rites de fructification

des abeilles et de bonification du miel. Les textes du rite dynastique de l’Ubwiru (réf.: Hertefelt & Coupez, 1964. Rites d’Intronisation, de

l’Abreuvage des taureaux dynastiques): son eau servait à la construction des habitations des rois et des chapelles des mânes des ancêtres royaux, notamment Gihanga, le père du Rwanda, et Cyirima, le fondateur de la troisième dynastie.

Notons encore que les habitants connaissent l’importance de ce site, comme en témoigne ce jeune garçon qui proposa à un randonneur, en avril dernier, de lui montrer ‘la maison de Dieu’:

"We ran into a kid [who] offered to take us to ‘Inzu y’ Imana’… The House of God is a cave with a spiral side wall which makes for a spiral ramp and 12 small chambers. The cave is in a rocky part of the mountain with some steep cliffs that would make for great mountain climbing." (http://www.peacecorpsjournals.com/?Journal&journal_id=5698))

Lorsque ce site aura été interprété et signalisé, l’ascension du Mt Kabuye ne sera plus une simple randonnée, mais un pèlerinage vers un lieu sacré, la demeure d’un dieu, Gihanga, dont la présence invisible est matérialisée par des symboles religieux universels: bosquet, source, étang, rocher servant d’autel—autant de signes qui attestent le caractère sacré du Mt Kabuye, et confèrent une dimension spéciale à cette étape du circuit touristique de cette région.

E. Extraits de textes sur le Mt Kabuye

Les récits Ibitekerezo nous donnent les conditions dans lesquelles le Roi Gihanga, le Noé rwandais, s’établit au sommet du Mt Kabuye et y créa les trois lieux sacrés mentionnés ci-dessus:

4

Page 5: Valorisation Des Sites Historiques Et Culturels Du Rwanda

« Ayant sauvé des eaux du déluge une partie de l’humanité, Gihanga s’était d’abord réfugié, avec sa famille et ses gens, ainsi que leurs animaux, sur les contreforts du Mt Muhabura, seul point émergé. Ils s’abritaient dans les cavernes et les nombreux abris sous roche de ces montagnes. Lorsque les eaux du déluge eurent baissé quelque peu, Gihanga avait déménagé au Mt Kabuye. Les pluies diluviennes s’étant arrêtées, les hommes e les bêtes manquaient d’eau propre, car les eaux du déluge n’étaient pas bonnes à boire (‘Water, water everywhere, and not a drop to drink !’) Alors, Gihanga créa au sommet de Kabuye une source une source d’eau pure, ainsi qu’un etang, et bénit ses eaux pour l’éternité. « C’est en sa mémoire que l’on utilisait l’eau de cette source, qui, ayant nourri les survivants du déluge, continue de sustenter le royaume, grâce à l’énergie bénéfique que Gihanga lui insuffla. »

L’importance culturelle de la source du Mont Kabuye est encore attestée par plusieurs textes du rituel dynastique Ubwiru, dans lesquels nous découvrons que l’eau de Kabuye servait à renforcer rituellement certains éléments architecturaux des édifices sacrés : palais royaux, des chapelles des mânes des ancêtres, enclos des taureaux dynastiques, les quatre ‘capitales’ rituelles rappelant les quatre domiciles respectives des quatre epouses du Gihanga, symboles des quatre piliers supportant le ciel aux quatre coins du monde. Ces travaux s’effectuaient durant les quatre premières années de tout nouveau règne. Lorsque ces travaux étaient terminés, l’eau de Kabuye était ‘enterrée’: rendue au sein de la terre dont Gihanga l’avait tirée.

Le rite d’Intronisation nous montre le rôle de l’eau de Kabuye dans la construction d’une structure destinée aux rites mortuaires royaux :

Extrait du Rite d’Intronisation (Inzira y’Ubwimika)

On convoque le jeune [prêtre] Umutsoobe Et on lui dit: "Va chercher de l'eau de Rwezangoro1 [...], De l'eau de Kabyaaza, de l'eau de Kabuye" [...]On a entretemps construit une demeure Pour l'habiter à la place de celle du roi défunt. Les piliers de l'entrée de l'enclos, Les appuis de l'entrée de la maison,Les renforts de l'armature, On les fixe à l'aide de l'eau de Kabuye De même que les montants de l'armature. […]Cette eau sert à bâtir quatre capitales. Quand tout est terminé, on l'enterre.

(Voir M. d’Hertefelt & A. Coupez, La royauté sacrée de l’ancien Rwanda. 1964.) http://webspinners.com/Gakondo/fr/Rituals/intronisation.php

L’eau de Kabuye joue aussi un rôle majeur dans le Rite de l’Abreuvage des taureaux dynastique (Inzira y’Ishora), dont la finalité était le renouvellement de la vie de la nation :

Extrait du Rite de l’Abreuvage des Taureaux dynastiques (Inzira y’Ishora)

Un [ritualiste] Umutsobe va puiser de l'eau à Kabuye:Il descend avec des fonctionnaires de Gakondo et des Abariiza

1 La source sacrée de Rwezangoro se trouve dans le Muhima (Kigali). Site malheureusement gâché par la présence contiguë d’un abattoir. C’est ainsi que perd notre patrmoine… L’autre source sacrée se trouve sur le Mt Kabyaza, non loin de Kabuye. Ses eaux servaient dans les rites de fertilité—d’où le nom ‘Kabyaza’, le puits qui rend fécond.

5

Page 6: Valorisation Des Sites Historiques Et Culturels Du Rwanda

Il ouvre l'enclos à RwezangoroEt les fonctionnaires de Gakondo curent la source Quand elle est propreOn décape la terre et on construit un gîteEn outre, on fixe les piliers de l'entrée de l'enclos En se servant de ladite eau qui a été puisée à Kabuye Les appuis de l'entrée de la maison, les renforts de l'armatureEt les montants de l'armatureSont fixés à l'aide de ladite eau de Kabuye On rompt ces perches, mais on ne les coupe pas On couvre la maison d'herbe urukangaga arrachée à la mainOn tapisse le sol d'ivubwe et de mormordiques L'Umutsoobe traverseEt prend pied dans le Gatsaata, à Rwamutara Les Abariiza curent celui-ci. Il ouvre également l'enclos de cet abreuvoir Quand il est propre L'Umutsoobe va bâtir un gîte pour le roi. Les piliers de l'entrée de l'enclos.Les appuis de l'entrée, les renforts de l'armature, Et les montants de l'armature Sont fixés à l'aide de ladite eau de Kabuye L'Umutsoobe va à Muganza de KigariEt y délimite les emplacements Les piliers de l'entrée de l'enclosLes appuis de l'entrée de la maison, Les renforts de l'armature Et les montants de l'armatureSont fixés à l'aide de ladite eau de Kabuye L'Umutsoobe retourne à la cour.

(Rite de l’Abreuvage. M. d’Hertefelt & A. Coupez, La royauté sacrée de l’ancien Rwanda. 1964, pp. 129-130)http://webspinners.com/Gakondo/fr/Rituals/abreuvage.php

Il existe des textes de cette nature se rapportant à d’autres sites tout aussi importants, dispersés dans tout le pays, que l’on peut regrouper dans des circuits touristiques selon leur localisation et les thèmes choisis pour un itinéraire donné, au choix de la clientèle. Une liste indicative de tels sites figure à la page 8 de l’aide-mémoire "Promoting Rwanda’s Cultural Heritage".

A l’instar de tous nos sites culturels et/ou écologiques, le site de Kabuye présente un intérêt considérable pour la connaissance de notre histoire et de notre culture, pour le développement communautaire et la lutte contre la pauvreté, ainsi que pour la recherche scientifique :

Intérêt du site pour le développement communautaire : en plus de ses sites culturels si précieux et de paysages remarquables, cette région du nord du pays est dotée d’une culture locale riche (arts et métiers traditionnels, danses typiques, etc.) qui pourra s’intégrer dans le package touristique afin de faire profiter les populations des fruits du tourisme, a condition de les impliquer dans tout le processus. Le site pourra donc s’insérer dans un circuit comprenant :

6

Page 7: Valorisation Des Sites Historiques Et Culturels Du Rwanda

1. La visite, sur cette même montagne, du site appelé ‘Rocher des Abeilles’ ou se déroulait un rite relatif à l’apiculture. Ces précieux insectes furent domestiques par la princesse Nyirarucyaba, aînée des enfants de Gihanga.

2. Non loin de la se trouvait la résidence des apiculteurs de Gihanga, Mirembe et de son épouse, à qui on rendait un culte dans le cadre du rituel des abeilles.

3. La visite d’une autre source sacrée des environs, sur le Mt Kabyaza, dont les eaux servaient dans les rites de fertilité –femmes, vaches et femelles en général—d’où le nom ‘Kabyaza’, le puits qui rend fécond. (Voir not. rituel d’intronisation.)

4. La visite de sites des gorilles de montagnes. 5. L’exploration des cavernes et abris sous roche qui abondent dans cette région, et6. La visite d’un autre site majeur : Buhanga bwa Nyakinama, non loin de la ville de Ruhengeri,

encore aujourd’hui respecté par les locaux en tant que ‘résidence de Gihanga’. 7. Aux environs de ce site se trouve l’étang de Gipfuna, duquel émergèrent les premiers

bovins2, dont nous devons la domestication à la même bienfaitrice nationale, Nyirarucyaba, qui les offrit à son père—et donc au Rwanda tout entier.

Intérêt du site pour la connaissance et l’enrichissement de notre histoire et de notre culture : 1. Faire connaître Gihanga, le père du Rwanda, le lien entre tous ses enfants, ainsi que les

textes traditionnels à son sujet, qui constituent nos ‘écritures sacrées’, 2. Faire connaître les rites de la religion traditionnelle3. Faire connaître et développer les métiers, arts et lettres traditionnels

Intérêt du site pour la recherche—élucider et documenter le lien naturel entre l’environnement, le développement, l’archéologie, l’anthropologie et l’histoire du Rwanda :

1. Etude environnementales du site de Kabuye et autres sites associes de la région, dont les cavernes et abris sous roche des environs, ainsi que le site de Buhanga, lieu de résidence de Gihanga et de Nyakinama (aire de pacage de son troupeau—c’est le sens de ce nom): écologie, hydrologie, spéléologie, écologie, archéologie, géologie, minéralogie, etc.

2. Etudes touristiques (intérêt pour les écoles et les entreprises touristiques) : description scientifique des sites, signalisation, professionnalisation du travail des guides touristiques

3. Etude sportives (jeux et arts martiaux traditionnels, not. gukirana, kunyabanwa, kumasha). Ce domaine présente un intérêt certain pour le KIE, en rapport avec la formation de futurs professeurs d’éducation physique.3

4. Etudes architecturales et d’aménagement des sites écologiques et religio-culturels, design et réalisation des structures les plus appropriées à chaque type de site ?

2 Nombre de cultures traditonnelles donnent une origine aquatique aux vaches : Nandi du Kenya (M.D.W. Jeffreys, Mythical Origin of Cattle in Africa. Man, vol. 46 ; Nov.-Déc. 1946, no. 111, p. 141) ; Peuls du Mali (A. H. Ba, Koumen, Textes initiatiques des pasteurs peuls, pp. 27-28) ; Peuls du Niger (B. Hama, Contribution à la connaissance de l’histoire peul, p. 58) ; Anciens Egyptiens (A M Lam, De l’Origine égyptienne des Peuls, pp. 219-221) ; dans la mythologie hindoue, la vache Surabhi, ‘mère de la race bovine’, émergea de l’océan primordial. 3 On notera que lors du dernier forum de Dialogue national Umushyikirano, le Président de la République a rappelé l’importance de l’éducation physique et la promotion du sport dans nos écoles.

7

Page 8: Valorisation Des Sites Historiques Et Culturels Du Rwanda

5. Etudes politiques: idéologie et ingénierie politique dans le Rwanda ancien — rôle du mythe et de la religion dans l’effort d’intégration nationale, le renforcement du sentiment de conscience nationale, la promotion du bien-être psychosocial.4

6. Etudes artistiques et littéraires des textes relatifs aux sites : récits historico-mythiques (Ibitekerezo), textes des rites royaux (Ubwiru), formules de rites et autres cérémonies associées aux sites, poésies (Ibisigo, imivugo) et chants locaux, légendes locales, etc.)

7. Etudes historiques, anthropologiques et archéologiques : élucider et documenter le lien entre l’environnement et le passe du peuple rwandais.

8. Recherche multidisciplinaire : rapport entre histoire, environnement physique (géographie, géologie, hydrologie, écologie, santé environnementale, etc.), anthropologie, archeologie, sociologie, littérature et religion.

F. Présentation des sites

A partir d’une description une description analogue à celle qui est esquissée ci-dessus pour le Mt Kabuye et les sites figurant dans le circuit proposé, des matériels publicitaires et de communication sur le site, tels que dépliants, brochures, cartes détaillées, spots télévisuels, sites web, blogs et ‘pages perso’5, films documentaires, ainsi que des produis multimédia, seront réalisés pour chacun de ces sites.

De même, une signalisation adéquate de chaque site (affiches, plaques ou panneaux) sera réalisée dans les règles de l’art, indiquant l’histoire et les principales caractéristiques de chaque site, ainsi que les produits et activités culturels qui y sont proposées (cérémonies, danses et autres manifestations culturelles, magasins d’objets d’artisanat local, etc.)

Les travaux d’aménagement dépendront de la nature du site, mais d’une manière générale, il s’agira de structures permettant à la fois d’accéder au site, de le mettre en valeur et de le protéger.

Les populations locales devront être parties prenantes de tout effort de mise en valeur et de protection des sites (community-based conservation). On leur expliquera l’intérêt du site pour la culture, les avantages économiques et socioculturels qu’elles pourront tirer d’une bonne exploitation des sites touristiques situés dans leur zone, et partant, la nécessité de les protéger de toute dégradation.

Rose-Marie Mukarutabana Janvier 2013

4 Sur les bienfaits des rituels politico-religieux des anciennes monarchies sacrées du monde, l’éco-théologien américain Thomas Berry écrivait: "The human community was energized by the cosmic rituals wherein ultimate meaning was attained, absolute mysteries were enacted, and human needs were fulfilled. An abundance of energy flowed into the human when these monumental célébrations took place; human psychic transformation found its proper instrument and expression" (Thomas Berry, Creative Energy, p. 3)5 Une page web de la personne chargée du tourisme culturel peut avoir une grande valeur ajoutée pour le tourisme national, comme on a pu le constater dans le cas de la page du Dr. Zahi Hawas, Directeur des Antiquités du Musée du Caire, qui parle de sa passion pour ‘ses’ trésors dans un langage simple et chaleureux. Non seulement le tourisme, mais l’égyptologie elle-même, ont bénéficié de cette ‘touche personnelle’. Notre tourisme culturel, ainsi que les études rwandaises (rwandologie) tireront aussi profit d’un procédé semblable.

8