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DÉBUT DE LA CONFÉRENCE
COMMENT ENTRETENIR DES RELATIONS CONSTRUCTIVES
AVEC SES PARTIES PRENANTES ?
Mardi 22 janvier 2013, de 9h00 à 12h00
PROGRAMME
Forgée dans le cadre des normes internationales telle l’ISO 26000 et reconnue par la
législation française, la théorie des parties prenantes occupe une place croissante dans
le déploiement des politiques RSE.
Les entreprises à l’écoute des acteurs de leur sphère d’influence mettent en place des
actions en adéquation avec leur environnement direct (actionnaires, consommateurs,
salariés, syndicats etc.) et indirect (ONG, riverains des sites d’implantation, collectivités
locales, etc.). Le dialogue avec les parties prenantes, internes comme externes, revêt
ainsi un caractère stratégique. Les réponses apportées permettent aux entreprises de «
mieux gouverner » tout en se prémunissant de risques environnementaux ou sociaux.
Comment intégrer les parties prenantes dans la dynamique de l'entreprise ?
Comment mesurer la valeur ajoutée de la démarche ? Comment identifier et cartographier ses parties prenantes ? Comment repérer et apprécier les motivations et positions de chacun ? Dans quel cadre inscrire le dialogue avec ses parties prenantes (réunions
informelles, procédures régulières et structurées, négociations collectives etc.) ? Comment gérer l’expression d’avis divergents et arbitrer en toute
transparence ?
Quels résultats escompter d’une démarche menée auprès de ses parties prenantes ?
Quel est l’effet sur l’entreprise d’une meilleure compréhension de son environnement ?
Dans quelle mesure le dialogue avec les parties prenantes est-il lié au cœur d’activité de l’entreprise ?
Intervenants :
C3 CONSENSUS EUROPE : Thierry CONRAUD, Président
CARGLASS : Céline COULIBRE-DUMENIL, Responsable Développement Responsable
Animateur :
ENEA CONSULTING, David MERCEREAU, Consultant
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DÉBUT DE LA CONFÉRENCE
INTRODUCTION PAR DAVID MERCEREAU
ENEA Consulting est une société de conseil spécialisée sur l’énergie et le développement durable
pour l'industrie. Une de nos spécificités est de dédier 20% de notre temps à l’accès de l’énergie
dans le monde, notamment sous la forme de mécénat de compétences à destination d’ONG et
d’ entrepreneurs sociaux intervenant autour de l’accès à l'énergie, dans les pays en
développement comme en France.
Nous sommes à ce titre à un point de rencontre entre différents types de parties prenantes,
ONG, industriels et institutionnels. Les enjeux des relations avec les parties prenantes que nous
citent les entreprises avec lesquelles nous travaillons sont liés à ceux du développement de
projets, de filières ou d'activités économiques en général. L'aspect principal concerne la maîtrise
du risque relatif à ces différents développements, risque qui se manifeste entre autres sous la
forme de recours juridiques ou d’atteintes à l'image de marque. Ces enjeux-là sont influencés
par plusieurs facteurs au niveau des parties prenantes. Il est dans ce sens incontournable
d'entretenir de bonnes relations avec elles.
Les deux intervenants de cette matinée nous feront part de leur retour d'expérience au sujet des
relations avec leurs parties prenantes.
INTERVENTION CÉLINE COULIBRE-DUMENIL – LA MOBILISATION DES PARTIES
PRENANTES CHEZ CARGLASS
Je suis Directrice du Développement responsable chez CARGLASS. Notre démarche n'a que trois
ans. C'est une démarche jeune mais ambitieuse. Nous sommes une entreprise spécialisée dans
la réparation et le remplacement de vitrage automobile en France depuis 26 ans et nous ne
faisons que çà. Pour cartographier nos parties prenantes, nous avons fait appel à un expert.
La cartographie
La cartographie nous permet de distinguer différents types de parties prenantes : les
collaborateurs, les partenaires sociaux, les partenaires assureurs et mutuelles, les entreprises,
les automobilistes clients ou non, les fournisseurs (achats indirects et achats directs), les
collectivités locales (réseau de 230 sites, soit 230 contacts pour nous implanter sur le territoire),
la concurrence (les spécialistes bris de glace, les multi-spécialistes entretien automobiles) et les
constructeurs.
La relation avec nos parties prenantes est déléguée quand elle est indirecte. Nous avons priorisé
notre travail sur les collaborateurs et les partenaires sociaux. Ils sont prioritaires car nous
travaillons avec eux au quotidien.
Il y a également quelques autres parties prenantes extérieures avec lesquels nous entretenons
des liens forts. C'est en quelque sorte une activité B2B2C : avec des automobilistes qui viennent
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directement chez CARGLASS et des sociétés et professionnels qui connaissent une
problématique de risque très forte qui recommande notre service. La partie client est ainsi
composée de deux parties : les automobilistes qui s'adressent directement à nous et attendent
un certain nombre d'engagements de notre part. Et nous avons des clients professionnels qui
ont une problématique de maîtrise de risque, de coût et d'image très forte. En fonction de ces
parties prenantes, les échanges sont très différents.
Du côté des fournisseurs, il y a également deux catégories. Les achats directs et les achats
indirects (nos fabricants verriers qui représentent 80% de nos achats). Nous appartenons à un
groupe, donc nous déléguons la relation avec les parties prenantes indirectes. Cela complexifie
la relation avec les partenaires. Ce n'est pas le cas avec les achats directs.
Notre démarche de mobilisation
J'ai une équipe de deux personnes. Toute la difficulté réside dans la mobilisation et la valeur
ajoutée à apporter aux parties prenantes que je ne dirige pas. Je suis une opérationnelle, mon
travail consiste à faire en sorte que tous les collaborateurs participent avec moi à ce projet.
Pour mener à bien cette tâche complexe, j'ai priorisé. Nous avons ainsi créé un réseau
d'ambassadeurs pour intégrer les collaborateurs dans une démarche « top down ». Nous avons
un baromètre interne qui mesure la participation des collaborateurs avec, chaque mois, un
panel de collaborateurs sur différents critères dont deux sur le développement durable. Chaque
collaborateur est interrogé au moins deux fois par an. Cela nous permet de mesurer les attentes
et l'état de satisfaction.
Concernant les partenaires sociaux, nous avons décidé de leur donner un maximum
d'informations sans les noyer dans les différentes étapes. Nous les intégrons dans le projet,
même si leur impact est minime, afin de faciliter l'appropriation et d'identifier les freins d'un
point de vue social.
Concernant les partenaires assureurs, c'est un travail plus compliqué car ils veulent
l'optimisation du coût. La vraie question pour eux, c'est le service et le tarif. Je dois alors les
convaincre que le développement durable représente une valeur ajoutée. Mais avant de les
convaincre, je dois convaincre les commerciaux. Je n'ai pas de solution clé en main, j'avance au
cas par cas. Les audits sont des occasions fortes de lier avec les parties prenantes. Ce sont des
occasions d'expliquer les notes de chacun et de mieux apprécier les partenaires.
Concernant les automobilistes, je n'ai pas eu de relations très fortes avec ce public car j'ai peu
travaillé avec eux. En revanche, nous sommes une entreprise très connue donc très exposée.
Notre parti pris est d'être dans l'action, dans la satisfaction des attentes des automobilistes
plutôt que dans la communication.
Les fournisseurs sont importants pour la section Développement responsable de l'entreprise.
L'achat de verre et le pare-brise ont un impact fort sur le bilan carbone et sur la pratique sociale.
Les pare-brises sont fabriqués en Chine ou en Russie. J'essaie d’accompagner mon groupe et les
Achats à m'apporter des garanties car je n'ai pas de contact direct avec les parties prenantes sur
cet aspect. Cela apporte un élément de complexité fort car je ne peux communiquer qu'avec le
groupe, et non directement avec les parties prenantes.
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ÉCHANGES AVEC LA SALLE
David MERCEREAU : Comment communiquez-vous avec les ONG ?
Céline COULIBRE-DUMENIL : Nous sommes un peu en retard sur ce point. Nous avons avancé
avec certaines ONG et peu avec d'autres. Nous avons choisi des associations en tenant compte
des aspects de solidarité car ils sont porteurs et peuvent nous aider à avancer en interne. Mais il
nous reste beaucoup de travail à faire, notamment par rapport à l'achat de verre.
Delphine LECONTE, SOCIÉTÉ GÉNÉRALE : A quel niveau se situent les interlocuteurs chez
les parties prenantes ?
Céline COULIBRE-DUMENIL : Nos interlocuteurs sont nos contacts de tous les jours. Ce sont nos
points d'entrée qui nous permettent d'identifier ce qu'ils attendent de nous. Nous avons
procédé à une sélection pour identifier des représentants clés de ces parties prenantes.
Gérard SCHOUN, RSE FRANCE : Vous êtes soumis à différentes obligations, faîtes-vous
un reporting ? Dans quelle mesure intégrez-vous cette notion de parties prenantes ?
Céline COULIBRE-DUMENIL : Cette année, nous ne sommes pas obligés de tenir les engagements
de l'article 22. L'année prochaine, nous le serons. J'ai déjà commencé à travailler sur le sujet.
Nous allons avancer pas à pas.
Delphine LECONTE, SOCIÉTÉ GÉNÉRALE : Pouvez-vous détailler les deux critères de
développement durable dans l'audit ?
Céline COULIBRE-DUMENIL : Les critères tournent tous les mois. Il y a 21 items dans le
baromètre, auxquels nous avons ajouté différents indicateurs. CARGLASS est une entreprise
engagée dans le développement durable et dans notre quotidien j'essaie d'intégrer le
développement responsable dans mon action et mon développement.
Avez-vous structuré un dialogue au sein de l'entreprise ?
Céline COULIBRE-DUMENIL : C'est le réseau des ambassadeurs en France qui fait le relai et c'est
lui qui porte à ma connaissance les attentes des équipes. Nous organisons deux grandes
réunions annuelles qui prennent la forme de réunions d'information et d'ateliers de travail. Nous
avons également mis en place des newsletters et une conférence téléphonique toutes les six
semaines.
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Gérard SCHOUN, RSE FRANCE : Quels sont les grands axes du développement durable
chez CARGLASS ?
Céline COULIBRE-DUMENIL ; Nous avons choisi le « développement responsable » pas
seulement le développement durable car nous ne nous intéressons pas uniquement à
l'environnement. Les trois axes de notre démarche sont:
- L'aspect social via la gestion des compétences, des carrières et un engagement sur les thèmes santé-sécurité, solidarité.
- Les services responsables via des outillages mieux adaptés et l’intégration des critères de responsabilité dans les services Communication et Achats.
- La logistique responsable visant à réduire notre impact environnemental.
Question du public : Quelle est la capacité des ambassadeurs à porter la totalité du
message ? Ont-ils un profil particulier ?
Céline COULIBRE-DUMENIL : Nous nous sommes posé la question de savoir comment trouver
ces gens et comment les recruter. Nous avons laissé les personnes intéressées postuler et les
managers recruter. Nous avons choisi de mixer les deux : le manager en parle à son équipe et
priorise les personnes intéressées. Nous n'attendions pas de compétences particulières mais des
qualités d'expression et d'organisation car un ambassadeur consacre 10 % de son temps de
travail au développement responsable. Le dernier critère est celui du charisme.
Nous avons sélectionné 40 personnes que les managers avaient préalablement choisies. Nous
les avons formés et nous les accompagnons. Nous leur demandons surtout de mettre en œuvre
des actions. Chaque semestre nous définissons un certain nombre d'actions à mettre en place.
C'est leur rôle, ce sont des opérationnels. Ensuite, c'est un réseau vivant avec des départs, des
remplacements, etc.
Question du public : Et concernant la notion de « sphère d'influence »... ?
Céline COULIBRE-DUMENIL : J'appartiens à un groupe qui sélectionne et travaille avec ses
fabricants. J'ai besoin d'apporter des réponses à certains partenaires. Ma sphère d'influence
réside dans les audits. Nous avons l'audit ECOVADIS que j'utilise beaucoup pour faire en sorte
que les choses avancent. Si la note de cet audit n'est pas bonne, c'est qu'il reste des points sur
lesquels nous améliorer pour être une entreprise excellente. Tout cela est intégré dans le cahier
des charges.
Caroline LE GOFF, SFR : Envisagez-vous de réunir les parties prenantes autour d'une
même table ? Quid des normes ISO 14001 et ISO 26 000 ?
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Céline COULIBRE-DUMENIL : Nous sommes une petite équipe donc nous avons dû faire un choix,
nous avons choisi de nous concentrer sur ISO 14000 qui concerne l'environnement car il y a
beaucoup de choses à réaliser dans le domaine. Nous appliquerons le standard ISO 26 000
certainement en 2014.
A ce stade, compte tenu de la multitude des parties prenantes et du niveau de dialogue qui n'est
pas toujours abouti ni initié, réunir toutes les parties prenantes autour d'une même table est
inenvisageable. L'option que nous avons choisie aujourd'hui est de parler avec chacune des
parties prenantes nominativement et, une fois le dialogue bien initié, nous réunirons toutes les
personnes ensemble. A ce stade, un grand rassemblement serait prématuré.
INTERVENTION DE THIERRY CONRAUD – ENTREPRISE SOCIALEMENT RESPONSABLE :
QUEL RAPPORT AVEC LES PARTIES PRENANTES
Présentation de C3 Consensus
C3 Consensus a été créée en 2005 au Mexique. Elle est basée sur le consensus et l'animation de
communautés et l'engagement des parties prenantes. Tout bon programme est basé sur le
dialogue. Nous nous employons à créer de la valeur ajoutée à travers des synergies gagnantes
entre les parties prenantes.
Hormis la partie « accompagnement des organisations », nous avons développé nos propres
outils : des outils d'aide à la décision (cartographie, veille, priorisation des enjeux, traçabilité,
audit). Nous sommes partis d'un point de départ : savoir qu'est-ce qu'une entreprise
socialement responsable.
Notre positionnement et notre méthode
La dimension sociale concerne l'éthique, les modalités de gouvernance, la demande de
déontologie, la capacité à travailler dans un contexte complexe avec des parties prenantes aux
attentes contrastées. L'enjeu principal est celui de savoir comment créer le « dialogue du
gentleman » ? Comment être acceptable dans le dialogue pour qu'il donne naissance à des
décisions construites tout en maîtrisant la complexité ?
Nous sommes partis d'un constat à la suite d'un benchmark : le mot « perception » est ressorti
tout le temps. La perception est très subjective. C'est pourquoi nous avons développé une
méthodologie toute spécifique et non statistique qui permet, à travers des enquêtes, de
détecter les freins au consensus. Ce que nous entendons par « consensus », ce n'est pas un vote
ou une décision mais un processus où toutes les parties prenantes co-construisent les
responsabilités.
Notre méthode s’intitule « ASP » pour analyse systémique de la perception. Ce n'est pas une
méthode statistique traditionnelle mais une analyse construite à partir d'accords sur la base
d'une analyse des signaux faibles résiduels. Nous avons commencé par un diagnostic sous forme
d’enquête. Une fois les résultats obtenus, nous avons demander aux gens de débattre sur les
sujets qui ont généré des signaux faibles et de faire des propositions que nous avons fait
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réévaluer par les parties prenantes qui n'avaient pas participé. Et graduellement, nous avons
réduit les signaux faibles et défini une possible route de plan RSE.
C'est un processus de co-construction transparent, ouvert, traçable et maîtrisé. C'est une
nouvelle définition du consensus qui revient à intégrer les idées et scénarios dans le contexte
social et environnemental. C'est un projet en devenir pour lequel toutes les parties prenantes
ont été mobilisées. Ce processus permet de définir une base d'accord. C'est le consensus de
l'acceptabilité sociale que nous essayons de mettre en avant.
Cas d'application : projet de port méthanier au Mexique
Une compagnie énergétique américaine s'est associée à une entreprise mexicaine d’usine de gaz
liquide. Le projet concerne la construction d'une usine GNL et 800 kms de gazoduc sur la mer de
Cortes. Les parties prenantes sont des retraités américains et des communautés de pêcheurs
paupérisés. Deux catégories de personnes qui demandent beaucoup de développement. Il faut
savoir que beaucoup de projets ont avorté dans cette zone par manque d’acceptabilité sociale.
Nous avons commencé, comme toujours, par le contexte historique et les enjeux. Nous avons
mobilisé les parties prenantes de façon ouverte. Nous avons fait une étude d'impact, mobilisé
les experts, les ONG et demandé leurs réactions sur l’étude d'impact. Ensuite, nous avons émis
des propositions, procédé à des réévaluations jusqu'à définir les conditions d'acceptabilité.
Le projet n'a pas été challengé légalement mais nous avons eu le retour du cabinet d'avocat en
charge du projet qui nous a informé que le projet avait été attaqué plus de 80 fois par des ONG
pour manque de bénéfices sociaux et environnementaux. Pourtant, quand le projet a été
revendu, la licence d’opération a été évaluée au double de ce qu'elle représentait au début du
projet, notamment grâce au niveau d'acceptabilité pour les parties prenantes et à la coopération
avec les ONG. Autre gage de différentiation : les médias ne nous ont pas attaqués.
ÉCHANGES AVEC LA SALLE
Delphine LECONTE, SOCIÉTÉ GÉNÉRALE : A qui et à quel stade appliquez-vous la
méthodologie ?
Thierry CONRAUD : A toutes les organisations et à différents stades, pas forcément en amont,
même si pour ce projet l'application était à un stade très avancé. Nous avons développé la
méthodologie au Canada et au Mexique. Nous prenons en compte les différences culturelles qui
existent entre pays mais aussi entre sociétés. Nous allons l'appliquer prochainement en France.
Notre arrivée dans l'hexagone est très récente.
Question du public : Pouvez-vous avoir un impact sur les pratiques de la société qui
vous emploie ?
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Thierry CONRAUD : Nous ne négocions pas avec le porteur de projet. Nous mettons devant
chacune des parties les attentes et les prérequis. Le processus passe avant tout par la
spontanéité des échanges.
Question du public : Votre périmètre s'arrête-t-il à l'acceptabilité d'un projet ?
Thierry CONRAUD : Oui, c'est leur responsabilité qui implique transparence et méthodologie.
Gaëlle HIN, CENTRE FRANCILIEN DE L'INNOVATION : Utilisez-vous des outils de RSE pour
chiffrer les impacts sociaux et apporter des éléments qui aillent dans ce sens ?
Thierry CONRAUD : Nous avons une approche très transversale. Nous sommes experts dans le
dialogue mais pas dans des domaines précis. Notre business model s'appuie sur des partenariats
capables de faire des audits et des évaluations.
Question du public : Préférez-vous vous consacrer à l’étude de cas problématiques ou
accompagner des sociétés dans le cadre d'élaboration de la RSE ?
Thierry CONRAUD : Nous faisons les deux sans préférence. En amont, nous aidons les gens à
réfléchir au sein d'ateliers de prospective. Nous accompagnons différents acteurs. Nous devons
être capables d'envisager l'engagement comme un processus d'aide à la décision. Les outils que
nous utilisons vont des post-its sur l'écran à d'autres instruments plus élaborés.
Mathieu DELAROCHE, ALSTOM : Avez-vous travaillé au niveau des appels d'offres ?
Vous est-il arrivé de conseiller des collectivités territoriales qui avaient remporté un
appel d'offres?
Thierry CONRAUD : Oui cela nous est arrivé notamment concernant des appels d'offres liés à des
démarches de communication, de lobbying, d'influence. Mais nous ne nous y retrouvons pas.
Pour nous, la communication doit servir la concertation, non la seule communication. Nous ne
voulons pas rentrer dans le « grey washing ». Les techniques de concertation traditionnelles en
Europe et notamment en France sont, à ce sujet, très critiquables : le processus prend le dessus
sur la vraie discussion et la concertation.
David MERCEREAU : Avez-vous travaillé avec des autorités publiques ?
Thierry CONRAUD : Oui avec des villes, des États, avec le Ministère de l'environnement mexicain
qui a décidé de réaliser une cartographie de l'usage du territoire, avec des critères
d’acceptabilité sociale.
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Au sujet des niveaux d'engagement, on a tendance à évoquer l'information, la
consultation et la concertation. Privilégiez-vous l'un de ces modes de concertation ? Si
oui, avec quelles parties prenantes ?
Céline COULIBRE-DUMENIL : L'information, aujourd'hui nous la voulons pour tous et pour toutes.
Nous avons organisé une communication minimale entre les différents acteurs concernés par les
acteurs du développement durable. Sur l'ensemble des parties prenantes, l'information est bien
entamée.
Concernant la consultation, nous la mettons en place avec nos parties prenantes internes, pas
encore avec nos parties prenantes externes parce que la relation est déjà plus ou moins
complexe et ne laisse pas la place au développement durable.
Et s'agissant de la concertation, nous prenant en compte nos parties prenantes internes, nous
n'avons pas encore avancé sur ce point avec nos parties prenantes externes. C'est un gros travail
et nous procédons par étape. Nous avons priorisé les parties prenantes en fonction de notre
démarche et en fonction aussi de nos capacités.
Thierry CONRAUD : Cela fait partie du processus même du dialogue avec les parties prenantes.
Et lorsque l'on veut entamer un dialogue avec des parties prenantes, l'idée est de pouvoir
détecter le plus finement possible, selon les enjeux, de quels besoins et de quelles modalités
d'intervention les parties prenantes ont besoin.
Vous n'avez cité que trois niveaux d'engagement avec les parties prenantes. Il y en a plus que
trois. Il y’a aussi la communication et la négociation. Il existe des enjeux qui sont cristallisés et il
s’agit aussi de gérer les relations avec les parties prenantes qui ne souhaitent pas participer au
dialogue. En raison, la communication et la négociation sont clés. L'enjeu pour le porteur de
projet est de tout faire pour essayer d’impliquer ces parties prenantes. Il faut a minimales
documenter et montrer son intention de les avoir dans le dialogue. Il y’a là des enjeux de
légitimité et de transparence pour le porteur de projet.
Question du public : La difficulté avec les personnes qui veulent initier ce travail est le
démarrage. Le cas présenté est un projet cadré. La difficulté d'un responsable
développement durable est de savoir où démarrer. Pouvez-vous nous dire, avant
d'arriver à ces modalités très outillées et très précises, comment aidez-vous le porteur
de projet à initier son projet ?
Thierry CONRAUD : La première chose que je ferai, c'est de bien comprendre le contexte, et de
comprendre comment a été challengée la cartographie. Si c'est un projet international, il
concerne plusieurs pays. Ensuite combiner la cartographie des parties prenantes avec une
analyse de contexte. Et essayer de repérer les signaux faibles, les enjeux, etc. Et à partir de là,
établir une stratégie de mobilisation des parties prenantes à condition, bien sûr, que le porteur
de projet ait des choses à partager ; des scénarios, des idées, une base sur laquelle engagée le
dialogue, etc. Si ce n'est pas le cas, l'enjeu revient alors à mobiliser les parties prenantes et à
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essayer de créer de la valeur, des idées et de les mettre en place. C'est comme cela que je
procéderai.
Catherine WOLFF, SNCF : Dans notre démarche achats responsables, nous n'avons pas
vraiment initié le dialogue avec les parties prenantes car ce qui nous pose problème
c'est la quantité. Les parties prenantes initiales représentent 30 000 fournisseurs. Les
parties prenantes PME sont au nombre de 22 000. C'est cela qui, depuis le début nous
fait différer le travail sur le sujet et de la même manière l'absence d'objectifs précis, de
contextualisation dans le cadre d'un projet donné.
David MERCEREAU : Ma réflexion là-dessus est la suivante : je verrais plutôt des discussions au
sein d'enceintes de représentation interprofessionnelle qui permettent d'atteindre ce niveau
intermédiaire entre vous et les parties prenantes. Il n'est pas forcément nécessaire de dialoguer
en direct avec toutes les parties prenantes, il s'agit de prioriser les plus importantes d'entre elles
et arriver à créer un effet d’échelle.
Thierry CONRAUD : La SNCF porte principalement des projets linéaires qui impactent le territoire
et les fournisseurs répartis un peu partout au niveau national et international. Il y a deux
approches qui dépendent du contexte: l'approche « top down » et l'approche « down up ». Tout
dépend aussi de ce que vous pouvez proposer aujourd'hui. Si vous voulez doter votre entreprise
d'une politique RSE mais que vous ne disposez de rien de très intéressant, il faut commencer en
interne par créer des ateliers de créativité (création d'idées) et au fur et à mesure de les
partager de plus en plus loin en les sectorisant par thème.
L'autre approche, si vous avez déjà quelques idées et que vous voulez commencer à les partager
et les mettre en place sur le territoire, alors, dans cette hypothèse, il est judicieux d'engager les
parties prenantes et de les solliciter de façon massive. Un point important : au-delà de 20 à 30
personnes autour d'une table, il est impossible d'avoir un vrai dialogue. Les outils d'aide à la
décision sont incontournables. La plus grosse réunion que nous ayons faite regroupait 1500
personnes. Mais nous avons aussi animé des ateliers à différents endroits grâce à une connexion
internet, tout simplement. Il y a différents outils, du blog aux systèmes d'aide à la décision plus
complexes. Sur le marché, on peut trouver certains outils compétents.
Gérard SCHOUN, RSE FRANCE : N'y a t-il pas de problème de localisation ? Et que dire
aux parties prenantes et à quel niveau ?
Thierry CONRAUD : Je crois que c'est tout l'enjeu d'une politique RSE. Il est contre-productif de
prendre 1500 feuilles Word de les lire, de les comprendre et d'en faire un reporting synthétique
et honnête. C'est humainement impossible. On ne peut pas décontextualiser une personne qui
lit ses documents et une attente particulière. Au lieu de cela, il serait plus intelligent de
contextualiser à l'aide d'une enquête de satisfaction pour décomplexifier les différents enjeux
les plus importants et ensuite de comprendre les tenants et aboutissants pour chacun de ces
enjeux-là.
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L'autre enjeu après avoir repérer les signaux faibles, les attentes, le contexte, est de savoir
comment y répondre. Nous avons essayé d'y répondre de la façon suivante : lorsque nous
faisons une enquête de satisfaction et que nous repérons des signaux faibles, nous demandons
en même temps aux personnes (même si l'enquête est anonyme et individuelle) de remplir des
critères de profil qui permettent d'avoir l'intensité du signal faible et le profil qui y est associé et
la façon dont les personnes s'expriment autour d'un enjeu (par consensus, par carence
d'informations).
Cela permet de ne pas déshumaniser les attentes et de déceler les polarités d'intérêts en
fonction des profils particuliers. On peut avoir une moyenne d'opinion très positive sans se
rendre compte que dans cette masse informe de statistiques, il y a des profils particuliers qui
génèrent des signaux faibles intenses.
Ensuite, avec ces personnes, il y a plusieurs façons d'intervenir. Il faut savoir que le cerveau
humain n'est pas capable d'évaluer plusieurs scénarios sur plus de cinq critères à la fois. Au-delà
des cinq critères, il se perd. Imaginez dans le contexte de la RSE avec une telle disparité
d'intérêts, d'attentes, de multi-objectifs, de territoires... L'enjeu est bien évidemment d'engager
les parties prenantes mais plus encore, de créer de la valeur avec elles.
Question du public : Comment évaluer la légitimité des attentes des parties
prenantes ? Est-ce qu'on peut le faire ? Ou est-ce que par défaut une attente d'une
partie prenante est toujours légitime ? Par « légitimité », j'entends dans quelle mesure
il faut la prendre en compte et quel impact cette attente peut avoir sur le projet?
Thierry CONRAUD : Il faut partir d'un postulat de base : ce que nous voulons, c'est mobiliser les
parties prenantes. Pour cela, il faut les engager dans un dialogue. Pour pouvoir les mobiliser
dans le dialogue, il faut donner de la transparence, de l'objectivité, de la sécurité. Pour chacune
des catégories d'acteurs, il est possible de se retrouver dans un atelier de concertation et de
consensus, dans lequel on va trouver 200 personnes de la communauté et un seul idéologue. Ce
n'est pas le nombre qui doit prévaloir sur la pertinence d'une opinion sur un projet.
Quand nous faisons des enquêtes de satisfaction et que nous demandons des éléments de profil
aux gens, c'est justement pour sectoriser les réponses en fonction d'un profil particulier. En
commençant le dialogue, il faut donner à tous la même représentativité que ce soit des
communautés, des ONG, des politiques, etc.
Finalement, c'est un jeu de rôle où la légitimité est attribuée en fonction de chaque
rôle existant ?
Thierry CONRAUD : C'est un jeu de rôle car c'est la seule garantie de légitimité du dialogue.
Ensuite, il est évident que la parole d'un politique versus celle d'une personne venue d'une
communauté a plus de conséquences dans les décisions, même si les deux sont tout aussi
valables. Rien n'empêche pour autant au porteur de projet de regarder ce qui se passerait en
donnant un poids différent aux acteurs qui peuvent avoir des impacts sur un projet. Mais il s'agit
alors d'aide à la décision, voire de « manipulation ». Rien n'interdit ces simulations. Nous ne le
faisons pas car ce n'est pas une aide à la décision légitime.
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Mais, finalement, dans les choix que vous faîtes, vous êtes obligés d'avoir ce parti
pris...
Thierry CONRAUD : Oui, c’est la route critique de l'acceptabilité sociale, mais il y a différentes
routes selon les initiatives à mettre en place : information, négociation, communication, etc.
Céline COULIBRE-DUMENIL : Il y a trois ans, nous avons été attaqués par les médias. La maîtrise
des risques est un très bon levier pour engager la discussion avec ses parties prenantes. Quand
nous avons accepté que le journaliste vienne suivre nos collaborateurs pour nourrir son sujet sur
la valeur du travail, nous n'avons pas identifié le risque. Les conséquences ont été dramatiques
et compliquées à maîtriser. Aujourd'hui, les médias ont pouvoir de vie ou de mort sur des
services, des entreprises, des dirigeants. Le développement durable doit permettre de prévenir
certains risques. Le travail doit être fait avec les équipes de communication. Il existe aussi des
agences spécialisées dans le sujet.
L'entreprise doit être organisée pour répondre à ces attaques. Le travail avec les partenaires
sociaux c'est déjà d’assurer une partie du risque de certaines de ces attaques médiatiques qui
peuvent arriver et déstabiliser toue l'entreprise et ses partenaires. La leçon que nous avons tiré
de cette crise est qu’il faut davantage faire participer les collaborateurs, être davantage à leur
écoute, partager davantage avec les partenaires sociaux. Notre démarche de développement
durable s'est beaucoup nourrie de cette histoire.
En outre, en tant qu'entreprise, nous avons un intérêt individuel et c'est ce qui nous bloque
parfois dans certaines démarches. Les parties prenantes ont également leur propre intérêt avant
de penser à l'intérêt collectif de leur secteur. C'est en ce sens qu'il faut peut-être amorcer une
démarche one-to-one, afin de bien comprendre ce que les uns et les autres attendent pour
pouvoir ensuite poser le débat sur des choses extrêmement précises.
Gérard SCHOUN, RSE FRANCE : N'y a-t-il pas une difficulté supplémentaire à prendre en
compte les attentes des parties prenantes ? Car il faut prendre en compte leurs
attentes quelque soit leur intérêt. Qu'est-ce qui est légitime finalement ?
Thierry CONRAUD : C'est la base de notre réflexion quand nous avons débuté. Nous nous
sommes demandé : « Qu'est-ce qu'une opinion significative ? ». Nous nous sommes rendus
compte que nous étions incapables d'y répondre. Alors nous prenons le problème à l'envers et
nous posons un certain nombre de questions. Ensuite nous mesurons concrètement quels sont
les enjeux qui génèrent les signaux faibles plus ou moins intenses. Ce qui est significatif
correspond à un processus de négociation entre les attentes des parties prenantes et la capacité
du porteur du projet d'y répondre.
Question du public : Comment ne pas tomber dans le piège du nombre ?
COMMENT ENTRETENIR DES RELATIONS CONSTRUCTIVES AVEC SES PARTIES PRENANTES ?- MARDI 22 JANVIER
2013
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Thierry CONRAUD : Quand je parle de représentativité, je prends le panel de toutes les parties
prenantes et les critères de profil pertinents. Quand on fait cette répartition là,
automatiquement, le système répartit la représentativité avec le même pourcentage. Ainsi, je
peux avoir 200 personnes sur une même catégorie d'acteurs et, de l'autre côté, les
représentants des ONGs qui ne sont que deux. Les deux vont avoir le même poids relatif. C'est
par souci d'objectivation que je le fais, pour garantir la transparence du dialogue et non parce
que c'est la réalité.
Le dialogue est une chance aujourd'hui. C'est pour cela que nous nous ne jetons pas tête baissée
dans le dialogue, nous menons d'abord une étude de contexte qui nous permet de définir la
meilleure stratégie de concertation. Bien sûr, il existe des manipulations d'intérêts et des lobbys
qu’il faut les prendre en compte.
Question du public : Dans la durée, comment rendez-vous des comptes aux parties
prenantes ? Avec quels outils ?
Thierry CONRAUD : Nous avons mis en place un observatoire spécial. En fonction du type de
projet, cela peut inclure une page web informative, des blogs, des enquêtes avec des systèmes
de reporting systématiques auxquels les personnes peuvent répondre. L’objectif est de donner
un accès à l'information qui soit le plus simple possible.
FIN DE LA CONFÉRENCE