CONVERSION ELECTROMECANIQUE : CALCULS DE FORCES ET
DE COUPLE
Objectif de la leçon : étude de la conversion de l’énergie électrique
alimentant les circuits électriques (permettant de créer le champ magnétique
dans les machines) en énergie mécanique restituée par la machine au milieu
extérieur (dans un fonctionnement moteur)
Réversibilité du fonctionnement on peut fournir de l’énergie
mécanique à la machine pour la convertir en énergie électrique
redistribuée au réseau : fonctionnement en génératrice ou alternateur
Approche choisie calcul des forces et moments de force par la loi de
Laplace décrivant l’interaction d’un circuit électrique parcouru par un
courant avec un champ magnétique extérieur
Pourquoi ?
Rôle du fer constituant stator et rotor de la machine pas pris en compte
Or conducteurs de cuivre parcourus par les courants sont en général bobinés
dans des encoches réalisées dans le fer du rotor et du stator
Matériau ferromagnétique :
lignes de champ canalisées
champ réel au niveau du conducteur en cuivre très faible
modèle de calcul avec les forces de Laplace incorrect (mais résultats
trouvés identiques à ceux d’un modèle avec les force de Laplace qui
supposerait les conducteurs en cuivre bobinés dans l’entrefer, donc dans
l’air).
calcul des forces effectué à partir d’une étude énergétique du système
Avantage de cette approche = meilleure description du système réel + mise
en avant du rôle essentiel joué par le circuit magnétique des machines
Introduction :
Moulin de Montbrun Lauragais XVIIe Moulin à papier de la Fontaine
du Vaucluse XVI e
Création d’énergie mécanique :
Jusqu'à l'avènement de la machine à vapeur à la fin du XIX
esiècle :
force musculaire de l’homme et des animaux de trait
énergie naturelle de l'eau et du vent ( premiers moulins à eau VIe siècle
et à vent XIe siècle en Europe)
mais ressources très partiellement exploitées car énergie intransportable
sur plus de quelques mètres
A partir du XIX esiècle :
Machine à vapeur = source d'énergie mécanique sur le lieu du besoin
(machines agricoles,locomotives)
1800 : Alessandro Volta , physicien italien crée la pile électrique
1828 : ancêtre de la machine tournante = roue de Barlow, roue à dents
alimentée en courant continu baignant dans un champ magnétique, dont
la partie basse est en contact avec un bain de mercure
1869 : Zénobe Gramme invente le collecteur et réalise un modèle
d'alternateur
Alessandro Volta Peter Barlow Zénobe Gramme
(1745-1827) (1776-1862) (1826-1901)
1882 : brevet d'un générateur secondaire (ancêtre du transformateur) par
Lucien Gaulard et John Dixon Gibbs
1884 : première transmission électrique en courant alternatif entre
l'exposition de Turin et la gare de Lanzo, distante de 37 km (Lucien
Gaulard) = naissance du transport de l'énergie électrique
1886 : construction par Galileo Ferraris et Nikola Tesla du moteur
industriel à induction (asynchrone sous la dénomination actuelle)
1892 : étude du couplage des alternateurs par Paul Boucherot et André
Blondel Principes et réalisations de base achevés, mais très peu exploitées car
les territoires n'étaient que très imparfaitement couverts par plusieurs
réseaux électriques non connectés
GalileoFerraris Nikola Tesla André Blondel
(1847-1897) (1856-1943) (1863-1938)
XX esiècle :
Avril 1946 : En France, création d'EDF = nationalisation des réseaux et
des usines génératrices
1955 : couverture complète du territoire par un ensemble de lignes
interconnectées
Energie électrique nécessaire au fonctionnement de ses machines
disponible en tout point du monde industriel, rendant son utilisation
souple et facile
XXI
esiècle :
Consommation des machines électriques = la moitié de l'énergie électrique
produite dans le monde
Utilisation chez le particulier comme dans le monde industriel avec une
puissance variant de quelques fractions de watt (actionneurs en robotique) à
plusieurs centaines de megawatts (alternateur de centrale nucléaire)
MCC robotique Salle des machines centrale de
Flamanville
Moteurs branchés
Soit directement sur le réseau électrique
Soit souvent associés à des convertisseurs électroniques permettant un
réglage facile de leur vitesse de rotation
Avantages par rapport aux moteurs thermiques :
Conversion électromécanique réalisée avec un excellent rendement
Non polluants
mais on ne peut pas en dire de même de la production d'électricité !
Secteur du transport :
Traction ferroviaire
Propulsion navale, traditionnellement dédiée aux moteurs diesel
Nouvelle technologie = utilisation des moteurs électriques alimentés par un
alternateur, lui même entraîné par un moteur diesel
Avantages :
*Augmentation du couple au démarrage (facilite les manoeuvres à faible
vitesse)
*Amélioration du confort des passagers par une baisse du bruit et des
vibrations de la structure
Automobile :
A la traîne ! Mais montée du prix du pétrole développement de nouvelles
technologies comme les voitures hybrides associant moteur thermique et
moteur électriques
I. BILAN ENERGETIQUE :
1) Manipulation introductive : contacteur électromagnétique (ou
aimant de levage)
Réalisation d’un circuit magnétique :
Noyau de fer doux en forme de U placé à l’intérieur d’une bobine :
N = 500 spires
parcourue par i(t) sinusoïdal de fréquence 50 Hz, de valeur efficace
Ieff sous une tension de quelques dizaines de volts.
Circuit magnétique fermé par un contact avec un barreau de fer doux
rectiligne de même section que le noyau en U
masse du barreau m 2 kg.
Observations :
Vibration
Analyse spectrale fréquence fondamentale =100 Hz
Barreau soumis à une force F qui le plaque contre le noyau
Mesure : pour Ieff = 60 mA, F>mg
Fig 1 : manipulation introductive
Origine de la force s’exerçant sur le barreau ?
Bobine traversée par un champ magnétique proportionnel à son courant
d’alimentation, canalisé par le noyau de fer doux
création d’une aimantation dans le barreau = ensemble de petits dipôles
magnétiques subissant par interaction avec le champ des actions mécaniques
provoquant le mouvement du barreau
Analyse directe de l’interaction dipôles /champ extérieur difficile à
mener
méthode énergétique pour déterminer la force s’exerçant sur le barreau
Doublement de fréquence F =k i
2(t)
2) Formes d’état et de transfert d’énergie :
Deux formes d’énergie déjà rencontrées en thermodynamique :
Formes stockables définies par des fonctions d’état
Energies contenues ou stockées dans le système (y compris dans le
vide pour certaines)
Ex : énergie interne U, mécanique Em, totale E, chimique (G ou H),
nucléaire, atomique (toutes contenues dans la matière)
Energie électrostatique, énergie magnétique stockées dans la matière ou
dans le vide
Pour toutes ces énergies : E(B)-E(A) indépendante du chemin suivi de A à
B
notation ΔE = E(B)-E(A) sensée
Formes de transfert = formes que prend l’énergie lors d’un échange
du système avec le milieu extérieur ( d’où évolution possible des
fonctions d’état qui le caractérisent)
Ex : chaleur ou transfert thermique δQ (rayonnement, conduction,
convection), travail δW (forces électriques, forces de pression).
Formes d’énergie non stockables
ΔW ou ΔQ n’ont aucun sens !!!
δQ = petite quantité de transfert thermique mais variation de fonction
d’état
3) Bilans d’énergies pour la conversion électromécanique :
Retour sur la manipulation introductive :
Fig 2 : modélisation des échanges dans un convertisseur électromécanique
Système étudié = circuit magnétique + bobine + entrefer représenté en
rouge
Reçoit δWélec représenté en vert
Fournit δWméca et δQ (effet Joule) représentés en bleu
Force exercée par le noyau en U sur le barreau = force interne
Eventuelle force externe représentée par
De façon générale pour une conversion électromécanique :
Même schéma décrivant les échanges d’énergie
En fonctionnement moteur, le système
reçoit un travail électrique δWélec d’un générateur
stocke une partie de l’énergie sous forme interne dU ou mécanique
dEm ou électromagnétique dεem
donne à la charge un travail mécanique δWméca
donne au milieu extérieur une chaleur δQ
Evaluation de chacun de ces termes nécessaire pour une utilisation dans la
description des liens entre eux (bilans énergétiques)
i crée dans le système en mouvement induction de Lorentz.
Hypothèses :
x
u(t) i(t)
(circuit d’alimentation de la
bobine )
Circuit magnétique
Entrefer
Mouvement du
barreau
système δWélec δWméca
δQ
Stockage
U+Ep+ Ecin+εem Bobine
générateur charge
Système fonctionnant en moteur
Système alimenté par un seul circuit électrique
Pertes autres que par effet Joule (pertes mécaniques, pertes fer)
négligées
Pour l’échange avec le circuit électrique d’alimentation :
Loi des mailles
(1)
Pour l’échange mécanique avec la charge :
( translation) < 0
(rotation) < 0
Fr (Cr) = force (couple) extérieurs résistant au mouvement (Fop dans
l’exemple précédent)
Bilan d’énergie totale au système :
En remplaçant (1) :
(translation) (2)
(rotation) (2)
Ri2 dt =effet Joule
Deux modèles limites :
Soit U = cte (T = cte) Ri2 dt=- : le système évacue la chaleur
( ) vers le milieu extérieur
Soit système calorifugé =0 et dU = . : le système
s’échauffe
Dans les deux cas en réécrivant (2) :
( translation) (3)
( rotation) (3)
Théorème de l’énergie mécanique appliqué à la pièce en mouvement :
(puissance des forces ne dérivant pas d’une énergie potentielle)
(translation)
(rotation)
En remplaçant dans (3) :
(translation) (4)
(rotation) (4)
Energie électromagnétique apparaît donc comme une fonction de deux
variables :
II. CALCUL DE FORCE OU DE COUPLE
ELECTROMAGNETIQUES :
1) Lien entre énergie électromagnétique et force (ou couple) :
Différentielle de f(x,y) :
Système en translation : (Ф,x)
Par identification avec les expressions (4) :
et
Système en rotation : (Ф,θ) :
Par identification avec les expressions (4) :
et
On retient donc :
Méthode de calcul du couple ou la force électromagnétique :
Evaluation de l’énergie électromagnétique
Dérivation partielle par rapport à θ ou x en maintenant Ф constant
Méthodes de calcul de :
soit expression directe en fonction des inductances propres et
mutuelles des circuits
soit intégration de la densité d’énergie électromagnétique
Exemple du contacteur :
L est fonction de la valeur de l’entrefer (position de la barre) c'est-à-dire de
la géométrie du circuit magnétique
Calcul de Fem :
d’abord élimination de i pour faire apparaître Ф (puisque la dérivation
doit s’effectuer à Ф constant)
puis dérivation par rapport à i à Ф constant
Ф = Li i = Ф/L
proportionnelle à i2 vibration de fréquence 100 Hz pour une
intensité de 50 Hz
Calcul équivalent à
Plus facile (i plus simple à appréhender que Ф et intervient naturellement
dans les calculs menés)
Dans le cas d’un circuit magnétique linéaire, non saturé, Ф proportionnel à i
dériver à Ф constant revient à dériver à i constant donc
Interprétation géométrique :
Fig 3 interprétation géométrique de l’énergie
2) Application aux systèmes à un seul circuit d’alimentation :
a) Système en translation : contacteur électromagnétique, électroaimant,
soupape électromagnétique
Similitude entre le système de contacteur évoqué dans la manipulation
introductive et :
la soupape électromagnétique
l’électroaimant de levage
Ф
i
x0
Ф
i
x0
Cas général
Circuit non saturé
Fig 4 Soupape électromagnétique
Circuit d’alimentation : N spires alimentées par un courant i(t)
sinusoïdal de fréquence 500 Hz
µr = perméabilité relative du fer (circuit magnétique)
S = section du circuit magnétique (constante car la largeur e de
l’entrefer reste faible
l =longueur moyenne du circuit magnétique
1) Déterminer l’expression de l’inductance propre du circuit.
2) Calculer la force magnétique exercée par l’électroaimant sur la partie
mobile et commenter son expression.
3) AN pour le contacteur de la manip introductive :
S = 20 cm2, l = 50 cm, Ieff = 60 mA, N = 500, m = 2 kg, e = 1mm
Evaluer l’ordre de grandeur de µr et commenter.
4) Evaluer l’énergie contenue dans le fer, dans l’entrefer et montrer que
l’essentiel de l’énergie est stockée dans l’entrefer, malgré ses faibles
dimensions. Retrouvez par cette méthode la valeur de l’inductance L du
circuit.
Ressort
bas
Electro-
aimant bas
Electro-
aimant haut i
x
e
Plateau
solidaire
de la tige
Ressort
haut
Solution :
1) Théorème d’Ampère sur le contour
dessiné en rouge :
soit
(1)
Conservation du flux de :
Comme Sair = Sfer = S, donc (1)
devient :
ainsi
2)
car on suppose le circuit magnétique non saturé
Si x (position de la partie mobile) augmente, e diminue : de = -dx. Donc
Force positive suivant x (donc attractive) quel que soit le signe de i, puisque
proportionnelle à i2 (d’où le doublement de fréquence dans l’analyse des
vibrations)
Force maximale pour e minimal égal à zéro
Fig 4 Soupape électromagnétique
Fig 5 contour d’Ampère
En moyenne temporelle :
2) Quand la force compense le poids du barreau pour e = 0 :
donc
bon ordre de grandeur
Il serait illusoire de vouloir une précision plus grande car notre modèle a
négligé de nombreux défauts (milieu non linéaire, pertes fer, fuite de
champ).
3) Evaluer des énergies stockées dans le fer et l’entrefer par intégration
sur le volume de la densité d’énergie électromagnétique :
De la même façon :
AN avec e << l=50 cm on a pour la moyenne temporelle :
Energie électromagnétique essentiellement stockée dans l’entrefer
Par identification, on retrouve bien :
qui est l’expression obtenue par la méthode de calcul du flux total de à
travers les N spires du circuit électrique.
b) Système en rotation : machine à reluctance variable
Système = Convertisseur rotatif de la figure 6 avec :
1) Justifier succinctement
l’expression de l’inductance. 2) Déterminer l’expression du
couple instantané.
Quelle(s) condition(s) faut il
respecter pour que celui-ci ait une
valeur moyenne non nulle ? En
supposant cette condition
respectée, que devient
l’expression du couple ?
.
=0° =90° =30°
Figure 7 :tracé des lignes de champ pour diverses positions du rotor
Solution :
1) Exemple précédent inductance = fonction décroissante de la longueur de
l’entrefer
Système rotatif longueur de l’entrefer fonction de la position du rotor,
donc de l’angle θ
Examen des lignes de champ (figure 7) longueur de l’entrefer périodique
de période π (1/2 tour du rotor), maximale pour θ = π/2, nulle pour θ=0
Limitation du développement de la fonction L(θ) à son
Figure 6 : Convertisseur
rotatif
fondamental ondulation autour de la valeur moyenne (Lmax + Lmin)/2, de
période π soit :
2)
et
donc
En notant (on suppose qu’on choisit l’origine des temps quand le
rotor est aligné avec le noyau) on peut réécrire :
en régime permanent la machine ne peut développer un couple
que si le rotor tourne à la vitesse de synchronisme : .
3) Application aux systèmes à deux circuits d’alimentation :
Energie magnétique emmagasinée dans 2 circuits couplés :
(en supposant les circuits non saturés, donc les flux proportionnels aux
courants qui les produisent)
Figure 8 : Convertisseur à deux
circuits couplés
Illustration dans le cas de
circuits couplés, l’un porté par
le rotor (indice r) et l’autre
porté par le stator (indice s)
où :
Lr : inductance propre du rotor
Ls : inductance propre du stator
M : mutuelle inductance stator rotor
Expression du couple obtenue en dérivant en fonction de θ en laissant
les courants constants
mise en évidence des différents types de couple que l’on peut rencontrer
dans les convertisseurs électromécaniques
e1 : Couple de mutuelle
= couple dû au couplage
entre les deux enroulements =
couple de mutuelle ou couple dû
à l’interaction entre les deux
champs
Existe seul si les inductances
propres rotorique et statorique
sont indépendantes de la
position rotor stator (Cas d’une
machine à entrefer constant à
condition de négliger les
phénomènes d’encoches)
Figure 9 : Machine à entrefer
constant
ir
is
Axe stator
is Axe rotor
ir
e2 Couple de réluctance
(statorique)
= couple de réluctance
dû à l’anisotropie du rotor
Existe seul si le rotor est
dépourvu de bobinage ou
d’aimant permanent
Figure 10 : Machine à
reluctance, anisotropie du rotor
e3 Couple de réluctance
(rotorique)
= couple de réluctance
dû à l’anisotropie du stator (les
encoches par exemple)
Existe seul si le stator est non
alimenté
Type de couple rencontré dans
le cas de certains moteurs pas à
pas, le champ rotorique étant
créé à partir d’aimants
Figure 11 : Exemple
d’anisotropie du stator
Positions instables d’équilibre dues à ce couple dénommé couple de détente
mises en évidence en entraînant à la « main « le rotor, le stator étant non
alimenté
Remarque. Sauf cas particulier (comme le moteur pas à pas), couple
indésirable car entraîne des oscillations on cherche à le minimiser (on
incline les encoches d’un pas dentaire pour en moyenne éliminer
l’anisotropie statorique)
Cela permet de faire une classification des machines tournantes industrielles.
Seuls les couples de reluctance statorique et de mutuelle sont utilisés dans
ces machines :
is
N
S
couple de reluctance statorique e2 :
Fig 12 : Machine à réluctance
couple de mutuelle : e1 (machines synchrones, asynchrones, à
courant continu)
Fig 13 Machine à entrefer
constant bobinée
Fig 14 Machine à entrefer
constant à aimants permanents
couple de reluctance statorique e2 et de mutuelle e1: machines
hybrides:
Fig 15 Machine à pôles saillants
bobinée
Fig 16 Machine à pôles saillants
à aimants permanents
N
S
N
S
NS
N
S
N
S
NS
Exemples de machines réelles
Rotor de machine synchrone à pôles lisses
Bobinage statorique
Rotor de machine synchrone à
pôles saillants
Suite du cours = étude des machines synchrones et à courant continu, à pôles
lisses, bipolaires.