L’IMAGE POLITIQUE
L’ ABC
François MEULEMAN
Une première impression pourquoi faire ? Le cerveau est une machine comme les autres. Il fonctionne sur base de processus. La mémoire est de ses rouages complexes. Lorsque vous rencontrez pour la première fois un individu, votre cerveau doit se doter très rapidement d’un espace de stockage pour compiler les informations qu’il va réunir sur cette personne. Il créé une fiche mémoire dédiée uniquement à cet individu. C’est le cas du citoyen qui découvre un homme politique. Cette fiche se construit sur base de la première impression : c’est la première donnée dont dispose la mémoire et elle l’utilise comme fondation. La première impression pourrait être assimilée à la punaise qui va retenir votre fiche dans les neurones, son point d’allocation. Sans elle votre fiche mémoire n’aurait pas de point de fixation, ou pour parler plus simplement pas de base : sans base pas moyen de stocker les informations qui suivront. L’homme politique est une marque : il doit se présenter comme un produit. Le produit a sa première impression. L’homme politique doit aussi l’avoir. La première impression n’est pas qu’une punaise. Elle joue un rôle primordial dans le jugement du citoyen.
Collecte d’informations sur la personne
Première impression : le point d’ancrage
Premier constat : cette impression n’est pas subtile. Tout au contraire, elle se limite à un adjectif. Le citoyen ne retiendra donc de vous qu’un seul qualificatif : sérieux, pro, souriant, empathique… ou nerveux, distant, âgé, fatigué. Rien de mesuré, le cerveau de votre interlocuteur vous résume à un mot ; Second constat : cet adjectif va agir comme un filtre. Toutes les informations futures qui seront stockées sur vous seront déformées par ce qualificatif. Soit positivement, soit négativement. C’est ce que l’on ressent spontanément quand on croise quelqu’un : soit de la sympathie « Je ne sais pas pourquoi, ça a directement collé, on s’est entendu… », soit de l’antipathie « Je n’arrive pas à lui faire confiance, ça sonne faux… »
Dans le bureau de vote, cet adjectif est votre passeport.
Le riff : se choisir un emballage A chaque personne croisée, vous véhiculez cette impression. Les gens vous cataloguent : vous êtes pour eux soit du bon côté, le positif, soit de l’autre, le négatif. Dans la vie, il est fort difficile de gérer cette empreinte.
Si le citoyen ne retiendra qu’un seul adjectif de vous et si celui-‐ci fait office de filtre, il est bon de choisir soi-‐même quel sera ce qualificatif.
Il sera positif et il vous ressemblera. Le riff 1: reprendre en main son image Le riff est cet adjectif que vous allez imposer : votre empreinte.
Pour choisir cette dernière, vous devez mettre du lien entre vos qualités et les attentes des citoyens.
C’est un principe du marketing : l’emballage doit attirer le client. Il doit être une projection du produit. Il a pour but de le présenter sur son meilleur jour, comme pour l’élu : être une image de sa principale qualité, celle qui fera mouche auprès du client, celui qui vote.
1 Le terme de Riff renvoi à l’idiome anglais « rhythmic figure » : une phrase musicale courte, proche de la rengaine, qui se retient facilement. Plus simplement expliqué, c’est la chanson que vous entendez le matin à la radio et qui vous suit toute la journée. En politique, le Riff est le qualificatif que vous tentez de caler dans la tête de l’électeur. l’instrefrain entêtant, plus il est simple, plus il s’ancrera dans son esprit.
En pratique : -‐ Listez vos principales qualités; -‐ Ajoutez à celles-‐ci quelques uns de vos défauts (ceux qui pourraient représenter un
avantage pour la Région) ; -‐ Parmi tous ceux-‐ci, repérez celui qui sera le plus vendeur pour le citoyen. Votre Riff
est cette qualité, celle qui sera la plus attractive pour l’entreprise Qualités Attentes / Besoins & Défauts du citoyen ou de l’homme politique de la Région A chaque couple « élus-‐citoyen » correspond donc un Riff spécifique. D’un citoyen (ou d’un groupe de citoyens) à un autre, votre Riff peut donc varier. Quelques pièges à éviter :
1. Se fixer un Riff uniquement sur base des attentes de l’électeur : s’il ne reflète pas un trait de votre caractère, vous serez obligé de sur-‐jouer cette qualité. Peu sont de vrais comédiens, le citoyen va capter la supercherie ;
2. Se fixer un Riff à partir de sa principale qualité sans prendre en compte les besoins de l’électeur: même si cela sonne juste, vous n’êtes pas attractif pour l’électeur ;
3. Parfois, un défaut peut séduire (à l’instar d’entêté), mais attention au filtre négatif. On déconseille généralement les Riffs négatifs… trop dangereux à manier ;
4. L’idéal est un Riff kinesthésique : il ne faut pas perdre de vue que celui-‐ci devra se traduire physiquement. Pour l’imposer, il va falloir le mimer lors de vos
Riff
apparitions. Marcher, parler et s’asseoir de manière « Organisée » est relativement simple mais pour les Riffs « Apaisant », « Social» ou « Humaniste », cela devient très difficile… faites donc simple ;
5. Eviter les Riffs trop orientés élus cinquantenaires : serein, expérimenté, calme, bon père de famille, …
6. L’âge se marque à même le visage et la démarche. « Le vieux » est donc votre ennemi : c’est le Riff à proscrire;
7. Enfin et surtout, aucune caractéristique physique ne doit supplanter votre Riff : on ne doit pas retenir de vous : la grande blonde, le vieux, le noir, le petit trapu… Les Riffs physiques sont généralement toxiques : ils renvoient plus à des stéréotypes qu’à de vraies qualités.
Décliner ce riff Une fois votre Riff choisit, il s’agit de l’imposer à l’électeur. Il doit devenir votre première impression et faire office de filtre positif pour l’ensemble de votre présence (capping). Pour cela, il faut parfois théâtraliser.
Un riff = un programme Le choix du Riff est aussi, si pas plus, important que le programme de l’élu. Il doit tout synthétiser. Il est une promesse. On comprend dès lors qu’il faut éviter les slogans ou les positionnements trop enfantins, drôles ou décalés. Souvent le riff est dédoublé. Il devient un couple d’adjectif. La forme la plus commune en politique est l’OXYMORE : la conjonction des deux concepts normalement opposés. La Force Tranquille, par exemple.
Attention à la communication paradoxale : l’oxymore nocif. Ici Fr. Hollande parle du changement alors que son affiche exprime visuellement la continuité (Il est quasi déguisé en Sarkozy !)
François MEULEMAN Auteur de Storytelling, EDIPRO