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Deuxième Partie
Table des matières Chapitre 36 - DON HUGUES ...................................................................................................................... 3
Chapitre 37 - LA PAPETERIE ................................................................................................................... 6
Chapitre 38 - SPECIMENS DE FIL1GRAMMES .................................................................................... 9
Chapitre 39 - GRAVE DECISION AUX LENDEMAINS INCERTAINS ............................................ 12
Chapitre 40 - AOUT-- SEPTEMBRE 1476 ............................................................................................ 14
Chapitre 41 - Messire PIERRE Q U E R E L .......................................................................................... 16
Chapitre 42 - LA DISPARITION DU CHATEAU DE BAUME ........................................................... 18
Chapitre 43 - MESSIRE ETIENNE VERBIER 1483 ........................................................................... 20
Chapitre 44 - L' HOPITAL ....................................................................................................................... 22
Chapitre 45 - Messire JEHAN VUILLEMIN ......................................................................................... 24
Chapitre 46 - BIENVEILLANCE d'un conseiller de CHARLES-QUINT ........................................... 26
Chapitre 47 - Messire BAILLAZ .............................................................................................................. 28
Chapitre 48 - LA MAIRIE ......................................................................................................................... 30
Chapitre 49 - LES INSTITUTIONS MUNICIPALES ............................................................................ 32
Chapitre 50 - Messire CLAUDE ROUGEMONT 1562 - 1579 ....................................................... 34
Chapitre 51 - AU TEMPS DE LA DIVISION DE LA CHRETIENTE................................................. 36
Chapitre 52 - CHAPELLE DES CINQ PLAIES ..................................................................................... 38
Chapitre 53 - Messire JEAN C R E T E N E T 1579-1590 ................................................................ 41
Chapitre 54 - LES ROGATIONS .............................................................................................................. 43
Chapitre 55 - Messire Deny R 0 Y 1590 - 1608 ........................................................................... 46
Chapitre 56 - AGITATIONS de FIN de SIECLE .................................................................................... 49
Chapitre 57 - LES INVASIONS DE 1595 ................................................................................................ 51
Chapitre 58 - COURAGEUSE RESISTANCE DES BAUMOIS ........................................................ 53
Chapitre 59 - CES MESSIEURS d' E S N A N S ................................................................................... 56
Chapitre 60 - Messire Denis SARROUTEY 1608 - 1637 ..................................................................... 58
Chapitre 61 - VIE RELIGIEUSE au DÉBUT DU XVII° SIECLE ........................................................ 60
Chapitre 62 - LES CAPUCINS ................................................................................................................. 62
Chapitre 63 - EPIDEMIE DE PESTE .................................................................................................... 65
Chapitre 64 - RECOURS A SAINT GERMAIN ................................................................................... 67
Chapitre 65 - LA GUERRE DE DIX ANS ...................................................................................... 69
Chapitre 66 - BAUME - SES OTAGES - SA CAPITULATION ........................................................... 71
Chapitre 67 - LES MALHEURS d'une EPOQUE ................................................................................... 73
Chapitre 68 - LES BAUMOIS ABANDONNENT LEUR VILLE ......................................................... 75
Chapitre 69 - LES ANNÉES 1638 - 1642 .................................................................................................. 77
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Chapitre 70 - Messire CLAUDE DE C O I N T E T 1642 - 1659 .......................................................... 79
Chapitre 71 - DERNIER SIEGE DE BAUME ......................................................................................... 82
Chapitre 72 - EPILOGUE DE LA- GUERRE de DIX ANS ................................................................... 84
Chapitre 73 - L’INSTRUCTION PRISE EN MAIN PAR L’EGLISE .................................................. 87
Chapitre 74 - FRANCOIS-XAVIER D A M E Y, curé de Cour 1659 1690 .......................................... 90
Chapitre 75 - LA FAMILLE DAMEY ................................................................................................... 93
Chapitre 76 - Le SEIGNEUR d'ESNANS du temps du Curé Damey ................................................... 96
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Chapitre 36 - DON HUGUES
L'agglomération de Baume se composait de quatre paroisses: deux à l'intérieur des murs, St. Sulpice et St-
Martin; et deux autres à l'extérieur, à la périphérie, Dampvaux et St-Pierre-St-Paul de Cour. Cela faisait
beaucoup de paroisses pour un territoire restreint et une population qui atteignait à peine le millier de fidèles.
Ce sont des documents de 1470 qui ont amené le célèbre archiviste Jules Gauthier à conclure à cette
intégration de Cour dans les affaires de Baume. Il écrit en effet: "...accensements de terres situées sur le
territoire de Cour, servant à prouver que le village de Cour n'avait primitivement pas de territoire propre, mais
relevait de Baume.,
Ainsi s'explique cette anomalie de ne jamais rencontrer le nom de Cour dans l'énumération des 15 villages
dont était formée la châtellenie ou des 200 bourgs et villages, qui en formaient le ressort judiciaire. A part sa
paroisse qui lui donnait toutefois sa personnalité propre avec échevins, Cour pouvait être considéré comme un
quartier de Baume.
Si on se réfère aux observations de l'Archevêque de Besançon, on ne peut pas dire que le clergé de l'époque
fut sans reproches. Dans une réunion synodale, il se plaint amèrement de la conduite peu édifiante de certains
clercs. I1 leur reproche de fréquenter les auberges, d'assister aux réunions mondaines, de négliger l'instruction
religieuse de leurs paroissiens. I1 s'élève en particulier contre la négligence de quelques uns qui laissant leur
église dans un état lamentable, se livrent au négoce, allant même jusqu'à se faire aubergiste….
Ces reproches montrent que le clergé franc-comtois était bien déchu et traversait une des périodes les plus
tristes de son histoire. A sa décharge, il sera bon d'ajouter que les mœurs générales étaient elles aussi bien loin
d’être sans reproches et que l'ambiance au milieu de laquelle il lui fallait vivre, ne manquait pas d'exercer sur
lui une influence néfaste.
D'ailleurs l'Eglise ne se remettait que lentement de la terrible crise du grand schisme qu'elle venait de
traverser et le concile réuni à Bale, province ecclésiastique de Besançon, était trop préoccupé de sa
prééminence sur la papauté.
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Quelle sera dans un tel siècle, l'attitude des curés de Cour ? Leurs noms, pas plus que l'efficacité de leur
ministère ne sont passés à la postérité. Mais par les vocations sacerdotales qu'ils ont suscitées, il est-consolant
d'entrevoir des prêtres zélés, tout occupés de leur ministère et du bien des âmes.
Vers le milieu du siècle, la Grâce-Dieu offre les vertus d'un Dom Hugues, originaire de Cour. La vie
religieuse avait attiré cette-âme avide de recueillement, de silence et de paix, mais qui dut cependant se
consacrer aux affaires temporelles.
Un procès était en cours entre l'abbaye et la communauté de St-Juan. Dom Hugues fut assez habile pour
faire accepter une transaction honorable pour les deux parties. Le chroniqueur qui relate ce fait, ajoute cette
réflexion en faveur de notre religieux: Dom Hugues "fit preuve d'un esprit de désintéressement et de
conciliation au dessus de tout éloge".
Cela se passait au milieu du XVe siècle, au moment même où la-ville de Baume, profitant des soucis que
causaient au duc de Bourgogne, ses villes industrielles du Nord, avides de franchises municipales, secouait à
son tour l'autorité du prince jusque là sans contrepartie et acquerrait ses premières libertés.
Il n'y eut pas de reconnaissance officielle, mais lambeau par lambeau, les bourgeois de Baume arrachent
tous les privilèges des bonnes villes du Comté.
L'année 1448 dote la ville d'un receveur. Quelques années plus tard son orgueil se trouvera émoussé par la
dotation d'une bannière et d'un trompette, qui figureront avec solennité aux montres d'armes. Signe distinctif
de cette charge, le trompette était revêtu d'une robe rouge; la ville l'indemnisait pour ses déplacements ainsi
qu'en font foi les comptes municipaux du XVe. siècle. Les contemporains se trouvaient sensibilisés par ces
démonstrations.
Autre innovation aux répercussions considérables, la création à Baume d'un nouveau baillage. Jusqu'alors,
le gouvernement de la Comté était assuré par deux baillages, le baillage d'Amont et le baillage d’Aval.
Dorénavant deux autres sont crées, dont l'un a Baume pour chef-lieu, avec un ressort de 200 villages. Un
lieutenant-Général vient à des époques régulières y tenir des assises. Pour ces villageois, la ville devient un
pole d'attraction; les notaires, avocats, procureurs s'y installent nombreux, changeant désormais la mentalité
de ces bourgeois jusqu'alors adonnés essentiellement aux soins de la vigne.
De plus en plus la ville prendra ce petit air bourgeois qu'elle conservera longtemps dans la suite.
Il n'est pas jusqu'à la justice qui ne reçoive une nouvelle impulsion.
La justice était rendue par les. Seigneurs; c'était un de leurs apanages. A Baume, un prévôt la rendait au
nom du Duc.
Les délits pouvaient relever de la haute, moyenne ou basse justice.
La haute justice connaissait de toutes-les affaires civiles et criminelles; elle était rendue au nom du Seigneur
par des hommes de loi appelés juges châtelains. A eux aussi, la moyenne justice, qui comprenait les causes
personnelles et réelles, non passibles de châtiments corporels. L'usage aussi déraisonnable que barbare de
décider les procès par la force des. armes, par le feu ou tout autre moyen analogue n'était pas encore supprimé;
il descendait des lois germaniques et bourguignonnes et se conserva sous la féodalité. Quelque irréligieuse
que fut cette coutume, les prélats étaient obligés de la tolérer. D'où le proverbe "les battus ont tort et payent
l'amende".
De la basse justice ressortissait seulement les contraventions amendables de 60 sols et au dessous. Il
appartenait au prévôt et au maire de la rendre.
Que cette justice fut arbitraire, nul doute.
Aussi dès le commencement du XVe siècle, les Etats de la province avaient supplié le souverain de faire
reconnaitre le droit coutumier et de le mettre par écrit. I1 s'agissait des usages du peuple qui s'étaient transmis
par tradition. Le Parlement de Dole avait besoin d'une base certaine et fixe de jurisprudence; il rédigea donc,
en 1451, les coutumes. du Comté de Bourgogne.
Pour assurer le recrutement des légistes, Philippe le Bon fonde l'université de Dole où l'enseignement du
droit ne cesse d'occuper la première place.
Les gens de cette époque aimaient les procès. Témoin cette .persistance incroyable d'en appeler d'un
tribunal à un autre. La justice de l'abbaye condamne un homme d'Orsans à 60 sols d'amende pour avoir coupé
du bois. Le condamné en appelle au seigneur de Passavant qui confirme le premier jugement, en appelle au
baillage de Baume, qui confirme à son tour, au Parlement de Dole, qui confirme en suprême appel. Pour une
minime somme, près de neuf ans...
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En 1449, 1e gouverneur de la prévôté de " Balme " s'appelle Estevenin Belot; Il rend un jugement
condamnant Pierre Rouzelot de Cour à payer à la ville de Balme, une toise de palis, outre l’amende de Cour.
Les procès entre individus sont nombreux. Peut-être plus encore entre communautés. Quelle est longue la
liste de ces différends qui opposèrent la ville de. Baume aux communautés du voisinage……
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Chapitre 37 - LA PAPETERIE
Le jour où Gutemberg imagina de représenter chaque lettre de l'alphabet par un morceau de bois, puis de
métal gravé en relief, une grande découverte venait d'être réalisée; il est assez raisonnable de ne considérer
cette invention comme l'œuvre, ni d'un seul homme, ni d'un seul moment.
Découverte capitale dans la communication de la pensée et pour la diffusion de l'instruction. Jusque là, les
livres étaient copiés à la main sur des parchemins. Malgré la multiplication des copistes, qui formaient de
nombreuses corporations, les manuscrits, -toujours source d'erreurs-, restaient un objet de luxe; leur inévitable
cherté ne permettait pas la diffusion des connaissances contemporaines.
A partir de ce moment tout va changer.
Un besoin en crée un autre. L'imprimerie deviendra, de plus en plus, une grande consommatrice de papier;
il en faudra toujours plus; d'où nécessité de s'en procurer.
Jusque là, le papier ne faisait pas l'objet de recherche particulière; i1 n'y avait d'ailleurs pas longtemps qu'il
avait été introduit en Occident.
Le procédé était connu des Chinois, qui depuis des Siècles en fabriquaient. Ce sont les Italiens qui
l'introduisirent en Occident au XIIIe siècle. Cent ans après, son usage est très restreint, les copistes lui préférant
toujours l'antique parchemin.
Sous le règne des Grands Ducs d'Occident, en particulier sous celui de Philippe le Bon, protecteur des arts
et des lettres, la prospérité gagna toutes les couches de la société, introduisant un peu partout des activités
nouvelles. Les premières industries du fer apparaissaient dans les vallées des Vosges; Des tissages de draps
se mettaient à tourner dans le Jura.
Au même moment apparaissait. dans la vallée du Cusancin, une des -premières fabriques de papier.
La terre de Baume n'était pas dépourvue d'une certaine activité puisqu'on y fabriquait des objets en terre
cuite, plus spécialement de la vaisselle, qui s'échangeait aux quatre grandes foires de l'année pour le plus grand
bénéfice du commerce local.
Les chroniques de l'époque mentionnent plusieurs tuileries, dont une près du pont et dix fours à chaux sans
compter ces petits moulins qui tournaient nombreux sur nos belles et claires rivières.
En 1446, l'un d'eux était appelé à tirer de ses sacs une autre mouture et à se transformer en moulin à papier.
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Qui en eut l'idée? Un Lorrain, un nommé Henri de Gondreville. L'histoire n'a retenu que son nom, mais il
fut à coup sûr un précurseur, qui avait entrevu 1'importance du papier et des besoins toujours accrus qu'en
exigerait l'imprimerie.
Que faisait-il dans la région ? L'histoire ne le dit pas, mais elle rapporte qu'il loua ou "accensa" selon les
termes de l’époque,...une. pièce de terre à la Lavenne, qui appartenait à l'abbaye. Ce fut Marguerite de Salins,
l'abbesse de l'époque, qui signa le contrat.
Les documents déterminent assez bien l’emplacement à cent mètres de l'embouchure du Cusançin, dans le
Doubs; c'est donc un peu plus haut que l’emplacement de l'usine actuelle des Pipes. Quelques rares vestiges
laisseraient deviner sous la côte de la Lavenne, l'emplacement d'un mur et l'excavation du canal d'alimentation
d'eau, qui servant de force motrice actionnait les transmissions? ? ? ?
Quelque rudimentaire que fut cette fabrique, elle nécessitait quand même un certain appoint d'argent:
Déviation d'eau….construction des bâtiments….roue hydraulique faisant mouvoir des maillets à l'intérieur de
quatre cuves en pierre, parfois en bois, qui servaient de-broyeurs… quelques tamis.. C'est tout l'outillage d'une
papèterie ancienne.
Ces premières fabrications de papier ne se faisaient qu'avec des étoffes ou de vieux chiffons, qui devaient
subir toute une préparation.
Un premier traitement consistait à les trier soigneusement et à les découper en bandelettes. Dans un
deuxième temps, il s'agissait de faire macérer ces étoffes dans le "pourrissoir", ces grandes cuves de
maçonnerie, à l'intérieur desquelles elles subissaient une fermentation, qui avait pour but de désagréger les
fibres et de les blanchir.
Après cette fermentation, les ouvriers réduisaient cet agglomérat en charpie sur des lames de faux; ce n’est
qu'à ce moment que les maillets, mus par les tournants du moulin, battaient cette matière humide, la réduisant
en bouillie. Cette pâte était alors reçue par des formes ou châssis de bois, munis d'un treillis de fils de laiton
qui la retenaient jusqu'à ce que coagulée, elle devienne au séchoir, du véritable papier. Voila tous les éléments
d'une papèterie au XVe siècle, telle que l'établit Henri de Gondreville..
L'entreprise répondit-elle aux espérances de son promoteur ? c'est difficile à dire, car une douzaine d'années
après, un nouveau bail est conclu entre l'abbesse et un nommé Jean Patissier. Le premier papetier Henri de
Gondreville est-il mort ? n'a t’il pas fait ses affaires ?. La direction change, mais 1' œuvre continue.
Le nouveau bail est passé-en 1464 entre l'abbesse Agnès de Ray et Jean Patissier, originaire d'Orléans. Pour
ce moulin de quatre piles ou cuves, la redevance est de 7 livres, 10 sols de cens et en plus une rame de papier,
Cette dernière condition montre que nos braves religieuses n’avaient pas encore soupçonné l'utilité du papier
et qu'elles préféraient toujours le parchemin. Un codicille prévoyait tout de mène qu'au cas où le papetier
doublerait son outillage, il devrait également doubler sa redevance.
La clause dut t’elle jouer ? ce n'est pas impossible, car cette fois la fabrique tint bon. Jean Patissier fut
l'homme qui mena sa tache à bien. Un bel avenir lui était destiné. Quatre cents ans durant, elle ne cesserait sa
fabrication. Pendant 400 ans, elle conserva sa vogue et sa clientèle, sans suffire d'approvisionner les greffes, les églises, les collectivités et les particuliers d'un papier généralement passable, souvent même excellent.
Durant toute cette période, elle traversa victorieusement, les vicissitudes contemporaines de même que la
concurrence d'autres fabriques, qui s'installeront dans la suite.
En 1484, 1a. papèterie change de mains. Pourquoi ? Peut-être tout simplement à la suite du décès du
fondateur Jean Patissier. C'est Pierre de Cointet qui en devient le propriétaire.
Voila un nom patronymique, dont il sera désormais souvent fait usage dans le déroulement de cette
monographie, un nom qu'illustrèrent des hommes dévoués à leur cité, des magistrats remplissant des charges
officielles considérables, des hommes de cœur et de dévouement. Pas moins de cinq représentants de cette
famille figurent sur la liste des maires de la ville, la plupart licenciés en droit.
. Le fondateur de l'hôpital de Baume est Pierre de Cointet. Ne serait-ce pas le même personnage qui en
1487, se rend acquéreur de la papèterie de la Lavenne? Tout le laisse supposer.
Pendant un siècle, elle restera la propriété de cette illustre famille. A un moment donné, les descendants et
héritiers de Pierre de Cointet, devenus personnages de conséquence, feront marquer leur papier de leurs armes
personnelles: un sautoir sommé d'un chef avec un B pour cimès.
On sait qu'en 1578, la fabrique est encore entre les mains de leurs descendants, puisque Pierre de Cointet
est autorisé de prendre dans la forêt communale, deux troncs d'arbre, pour réparer "sa papellerie de Lavenne":
Mais plus pour longtemps.
http://devienne.au/
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Chapitre 38 - SPECIMENS DE FIL1GRAMMES
A la fin .du 16e siècle, la papeterie du Cusançin passait en d'autres mains. Un document de 1597 stipule
que Gillebert de Baume vend au papetier Colomban Pouillet, une pièce de terrain, voisine de la papeterie
moyennant un cens perpétuel d'une rame de papier.
C'est par cette transaction, que l'on connaît la date approximative du transfert de propriété et le nouveau
chef d'entreprise.
Quelle est l'origine de cette famille Pouillet ? probablement des gens du pays, puisqu'il est dit, qu’il est le
fils de Nicolas Pouillet et le frère de Jean Pouillet. Tout laisse supposer que cette famille est honorablement
connue des bourgeois de Baume.
La fabrication " Pouillet " a dès l'origine son filigrane propre. D'abord une sorte de rondache, échancrée sur les flancs, couronnée de fleurs de
lys et portant au milieu en capitales romaines le mot "BALME" ou main avec des
fleurs.
Surtout quand après 1630, le fils Jacques-Antoine aura succédé à son père à la
tête de la. Papeterie, la fabrication présentera un autre filigrane; Une cloche
surmontée d'une banderole portant le mot "Baume" ou simplement les initiales B et
M séparées par un cœur.
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En 1720,1es enveloppes des rames de papier présentent un nouveau genre de
marques en tailles douces, imprimées à l'encre rouge que les spécialistes de l'art
héraldique décrivent ainsi: Ecu de forme triangulaire, où le mot Balme dessine une
face accompagnée en chef chargée d'un fruit de Bourgogne.
Longtemps les ouvriers de la papeterie ne sont considérés que comme des
domestiques aux gages plus que modestes: 20, 21, parfois 24 francs par an au plus,
outre leur nourriture et un habillement complet pour deux saisons.
Dans la suite, les ouvriers papetiers formeront une corporation assez fermée. Il
était d'usage que pour être reçu compagnon papetier, le postulant devait nourrir à
ses frais pendant deux jours, les ouvriers de la cuve où il travaillait; il passait alors
"leveur"; un autre repas était nécessaire pour être déclaré " coucheur" et enfin un
troisième quand il devenait "ouvrier".
Trop occupée à sa fabrique, la famille Pouillet. délaissa les affaires publiques; en
1643, " Maistre Pierre Pouillet est exempté de la garde aux murailles, à la charge de fournir gratuitement à la ville
le papier nécessaire au secrétaire".
Le souvenir de la famille Pouillet est aussi conservé, par une fondation faite à 1’église en 1696.
Vers 1752, la famille de "Maistre Pouillet, papellier" abandonnait sa fabrique du Cusançin pour se consacrer
uniquement à ses autres papèteries de Guillon et Cusance.
Prévoyait-elle déjà le difficile équilibre de sa gestion et sa rentabilité peu compétitive face à une concurrence
de mieux en mieux équipée ?
C'est Henri Sicard qui en prend la -direction. Quel est cet homme ? Baumois ? Rien, jusqu'à présent sur cette
origine.
D'ailleurs les vicissitudes continuent. En 1760, un nouveau papetier, Jean-Pierre Chapuis. Ce n'est peut-être
qu'un gendre puisqu’en 1776, de nouveau un Sicard est à la tête de l'entreprise, dans la personne de Nicolas Sicard.
Evidemment la fabrication se ressentira de tous ces changements. Le filigrane du papier porte une nouvelle
inscription :"N. CICARD " ou " N. SICARD " avec une fleur de lys. A partir de 1783, 1e nom est accompagné
d'une date, l'inscription n'étant plus écrite en lettres capitales romaines mais en rondes.
Tant de changements dans ce demi-siècle attestent un malaise. Après plus de 350 années d'existence de travail,
de prospérité, la papeterie du Cusançin est à bout de souffle. A l'avènement du nouveau siècle, son existence
cessera; ses portes resteront désormais fermées. Le " moulin Sicard." a vécu.
Il parait qu'au siècle dernier, une tentative fut tentée, qui redonnerait une certaine activité à ces bâtiments
abandonnés. La papeterie fut transformée en tanneries.. sans le succès, escompté puisque dans les dernières années
du siècle, une troisième fabrication les destinait à un nouveau succès, celui des Pipes ROPP". Avec elles, nous
sommes en pleine actualité.
La tranquillité politique et économique, qui avait permis, en I448, l'implantation de la papeterie sur les bords du
Cusançin, et son essor définitif, ne devait pas durer.
Sous le règne de Philippe le Bon, grand duc de Bourgogne, la paix ne sera troublée que dans ses villes
industrielles du Nord, qu'agitaient les agents secrets du rusé Louis XI. Les Franc-Comtois connurent surtout les
succès des Bourguignons à Gavres et Gand, qu’annonça le Procureur d'Amont, en prescrivant processions et
réjouissances.
Après la rupture de Péronne, les frontières du coté de la Lorraine furent un moment menacées, mais les troupes franc-comtoises au milieu desquelles flotta pour la première fois la bannière de Baume, firent respecter leur état.
Avec l'avènement de Charles le Téméraire, dernier grand duc d'Occident, tout allait changer.
Personnage attachant avec de belles qualités naturelles, soldat courageux, il fut un capitaine médiocre et
surtout un mauvais politique; il trouva en face de lui un adversaire moins intéressant, mais très rusé et fort
habile pour qui tous les moyens étaient bons, Louis XI.
Pour contrecarrer les ambitions du Téméraire, qui voulait reconstituer à son profit l'ancien royaume de
Lotharingie et échanger sa couronne ducale contre une royale, le roi de France, profitant des fautes politiques
du duc, suscita contre lui une coalition de Suisses, d'Autrichiens, d'Alsaciens, auxquels l'ambition du duc
inspirait des craintes.
C'est au cours de ces préparatifs de guerre que Charles le Téméraire a séjourné à Baume. Le 12 janvier
1470, la Ville eut le privilège d'accueillir son suzerain. Après avoir reçu l'hommage de la population, il visita
ses fortifications; il en repartit le lendemain après diner.
Ce n'est que le 26 octobre 1474, que les Suisses et les Allemands, à l'assemblée de Lucerne décrétèrent la
guerre contre le duc de Bourgogne. Avec une armée de 18.000 hommes, ils envahirent ses états.
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Le choc se produisit devant Héricourt. Ce fut un désastre.
Les Suisses victorieux se répandirent à travers une partie de la Comté, regagnant leur pays par la vallée du
Dessoubre, qui eut beaucoup à souffrir. de leur passage.
En prévision d'une descente des soldats vainqueurs sur Baume et Besançon, le gouverneur renforça
immédiatement les bourgeois de Baume par une garnison de soldats bourguignons.
Une fois le danger passé, ces soldats furent fort à charge aux habitants, qui devaient les loger et les nourrir.
Les altercations n'étaient pas rares, ni les rixes non plus. Les bourgeois avaient hâte de les voir partir.
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Chapitre 39 - GRAVE DECISION AUX LENDEMAINS INCERTAINS
Le cantonnement des soldats pesait lourdement dans le budget des villes fortifiées. C'était une des charges
les plus rudes qui incombaient aux habitants. Outre l'hébergement, la subsistance revenait en partie aux gens
de la maison. Pour tous, i1 y avait également le danger des cabarets et des rixes qui s'en suivaient. Aussi en
était-on arrivé à craindre toute arrivée de soldats aussi bien amis qu'ennemis...
La garnison que le gouverneur de la province avait détaché à Baume après la défaite d'Héricourt mécontenta
au plus haut point les bourgeois, qui en étaient arrivés à comparer cette soldatesque amie à ces Suisses
victorieux, qui remontaient dans leurs montagnes en semant la désolation sur leur passage...
Les exactions devinrent si nombreuses, les rixes se multiplièrent, parfois sanglantes, au point que la
population toute entière, prit cette garnison en grippe. L'atmosphère devint si tendue que les échevins, le
conseil de la ville et les gens les plus en vue se concertèrent sur les moyens à prendre pour mettre fin à une
situation qui pouvait à tout moment devenir explosive.
Il fut décidé d'en avertir le gouverneur. Une députation lui fut envoyée, qui exposa en long et en large tous
les motifs de mécontentement de la population, et les dangers réels d'une riposte que les méfaits de cette
soldatesque recrutée un peu partout, pouvait amener chez les jeunes.
Le gouverneur se montra compréhensif; il donna en partie satisfaction aux Baumois en déplaçant la
garnison; il affirma par contre que la présence d'une force armée était nécessaire dans cette ville fortifiée et
qu'il en enverrait une autre.
Au départ de ces soldats indisciplinés, les habitants de Baume, pavoisèrent, tant le soulagement de la
population était grand; elle vécut quelques jours de liesse qu'une autre nouvelle vint bientôt assombrir; l'arrivée
prochaine d'une nouvelle garnison. Des conciliabules se tinrent au coin des rues commentant cette nouvelle;
les esprits s'échauffèrent, quelques exaltés allant même jusqu'à accuser d'inertie les échevins et le conseil de
la ville.
Ceux-ci se réunirent en assemblée extraordinaire plus ou moins légitimement….. Les discussions. allèrent
bon train. Tout le monde était d'avis pour regretter la décision du gouverneur, mais les avis divergeaient quant
à la solution à prendre pour la rendre inefficace...
Tandis que les plus âgés et ceux qui exerçaient une certaine influence, penchaient pour une solution de
compromis, les durs, les Cizolles, les d’Amstard et autres réclamaient une mesure énergique, prétendant qu'on
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ne devait pas se moquer ainsi des bourgeois de Baume et qu'ils se suffiraient bien à eux-mêmes pour défendre
leur ville si elle était attaquée. Cela s’était déjà fait dans le passé et la génération présente n'avait pas déchu…..
Bref, ce fut l'avis des durs qui l'emporta.
A la nouvelle de la décision, presque toute la population qui attendait, applaudit, montrant par là qu'elle
voulait gérer elle-même les destinées de la cité.
Aussi quand le Seigneur d'Igny, capitaine de la nouvelle garnison envoya un courrier pour annoncer sa
prochaine arrivée et demander à la population de l’accueillir avec des marques de sympathie, les bourgeois se
sentirent blessés dans leur amour propre et se trouvèrent plus résolus que jamais à s'opposer à toute entrée
dans leur ville.
Le capitaine n'apprécia pas ce mouvement d'humeur; mais il n'était pas homme à reculer face à la difficulté;
i1 mit ses troupes en marche, espérant bien que la vue de ces hommes armés intimiderait cette population
exaltée.
Les premières estafettes trouvèrent bien les portes de la ville fermées. Le portier leur cria qu'il avait des
ordres de ne pas ouvrir.
Le capitaine arrive à son tour, fait appeler le conseil de la ville, ordonne.. crie...menace...sans succès. Il
dispose ses hommes pour donner l'assaut; la volonté inflexible des Baumois ne fléchit pas. Ils sont prêts à
défendre la ville, à riposter à la force par la force, chacun avait en effet gagné sa place de combat.
Après une nuit de bivouac aux portes de la ville, le capitaine, seigneur d'Igny, maugréant et pestant s'éloigna.
Une fois encore les bourgeois triomphaient, mais leur joie se mêlait d'une certaine anxiété et de pas mal
d'angoisse. Ils se demandaient comment en haut-lieu, on allait interpréter leur intransigeance...
d'insubordination ?..de révolte ?..
Le conseil se mit promptement d'accord sur la nécessité d'envoyer une ambassade au gouverneur qui
justement tenait ses assises à l'Isle-sur-le-Doubs. Une attitude aussi hardie que celle qu'ils avaient prise, sous
un suzerain tel que Charles le Téméraire pouvait avoir des suites pénibles et entrainer de fâcheuses
conséquences pour la ville. Il fallait tenter coûte que coûte d'effacer la mauvaise impression qu'avait pu
produire chez le gouverneur l'attitude des bourgeois.
Les envoyés de la ville ne déçurent pas l'espoir que leur compatriotes avaient placé en eux. Ils se firent
humbles et persuasifs, surent si bien et si adroitement présenter leur point de vue et plaider leur cause que le
gouverneur entérina leur geste et les absout de leur conduite, tout en leur recommandant toutefois un peu plus
de prudence....
C'était encore un triomphe. Les envoyés revinrent dans leur cité revêtus des insignes des gens qui ont gagné
leur procès; la population les accueillit chaleureusement et félicita le conseil d'avoir agi dans les intérêts des
habitants.
C'était une victoire, mais l'avenir ne tarderait pas à leur montrer que c'était une victoire à la Pyrrhus.
Si en haut-lieu, on s'était montré si conciliant sur l'attitude des bourgeois de Baume, c'est qu'on ne voulait
pas donner trop d'importance à ce fait isolé pour ne pas amener une dispersion des forces, qu'on était en train
de rassembler.
Charles le Téméraire n'était pas homme à rester sur un échec. Or devant Héricourt, les Bourguignons
avaient connu une grande défaite. Aussi en toute hâte réorganise-t-il son armée et conçoit un dessein
audacieux, celui de porter la guerre chez ceux qui l'ont battu. A deux reprises, il s'attaque aux Suisses, à
Granson et à Morat. Ce sont deux désastres. Les bandes du Téméraire se dispersent, apeurés par les cris de
ces montagnards qui ont l'avantage de la connaissance du terrain.
Conséquence de ces désastres, la Franche-Comté, une fois.de plus est envahie. En 1475, 1es Suisses
pénètrent par le baillage de Pontarlier et envahissent 1e Nord de la Comté. Les voici à Vesoul. Le pays est
infesté d'ennemis.
Les bourgeois de Baume suivent la situation avec appréhension. Chaque jour, ils sont informés que de
nouvelles atrocités sont commises dans la montagne. Quand ils apprennent qu'elles se commettent aux portes
du baillage, ils se résolvent à une pénible et couteuse mesure: ils rompent eux-mêmes le pont de Baume qui
enjambe le Doubs...C'est une atteinte à 1eur orgueil, mais ils pensent que c'est une sage précaution que de
fermer le passage du coté de la montagne d'où peut venir, pensent-ils, un danger immédiat.
14
Chapitre 40 - AOUT-- SEPTEMBRE 1476
La destruction du pont qui enjambe le Doubs et relie la ville à la montagne que décida le magistrat, ne
garantissait la ville de Baume que contre une descente éventuelle de la montagne, mais nullement contre une
menace qui pourrait surgir du Nord, du coté de l'Alsace ou de la Lorraine. Or c'est de là que viendra justement
le danger. De Pontarlier à Vesoul, en passant par l'Isle-sur-le-Doubs, l'ennemi est pratiquement maître. 11
circule librement.
Dans le courant du mois d'aout I476, les estafettes du Duc, signalent que des prisonniers ont été faits en
direction de Baume. Dès l'apparition des premiers dangers, le magistrat se réunit en session extraordinaire. Ils
avaient la partie belle, les rares Baumois qui s'étaient opposés, avaient repoussé le capitaine d'Igy et ses soldats.
Le leur reprocher aujourd'hui... A quoi bon ?.. Il n'y avait plus qu'une issue possible: se défendre. Semer la
division à l'heure du danger leur paraissait une lâcheté comparable à la reddition de la ville.
Des courriers partent en toute hâte à travers la châtellenie, dont le sceau est représenté sur la page
précédente, pour appeler les hommes à la défense de la ville. Tous d'ailleurs n'auront pas le temps d'arriver.
Cela ne fait qu'un petit nombre; le sort de la ville est remis à une poignée de braves. Baume pouvait compter
sur une population estimée à quelques cent quatre vingt feux; légèrement inférieure à celle de la châtellenie,
quelques cent soixante.
Les défenseurs ont l'avantage d'être à l'abri des fortifications; c'est un avantage réel, mais ces murailles ont
déjà plus de cent ans d’âge; Au cours de tout ce siècle de paix et de prospérité, le magistrat les a
considérablement négligées. Les fossés sont tout encombrés, les parois des murs parsemés de troncs d' arbustes
et de saules.
Sur le chemin de ronde qui ceinture la ville, les défenseurs voient sans cesse grossir le nombre des
attaquants. Combien peuvent-ils être ?... A leur tenue, ils reconnaissent des Suisses, des Allemands, des
Lorrains, des Français et des Liégeois. C'est beaucoup de monde pour une petite place forte.
Toujours de derrière leurs embrasures des tours, ils assistent à l'installation de l'ennemi dont ils
reconnaissent les chefs, qui mesurent le degré de résistance des fortifications, cherchent l'endroit le plus
vulnérable.
Une fois les préparatifs terminés au cour desquels les quolibets fusaient des deux camps, le chef des
assiégeants se présente à la porte de Sombevelle, exige en termes menaçants la reddition de la ville.
15
C'en est fait; le sort des armes doit régler le destin de la ville. Des deux cotés, on se bat avec un égal
acharnement. Les assauts se succèdent durs, impitoyables. Les échelles que les assaillants dressent contre les
murailles, sont immanquablement renversées avant que les audacieux ne soient parvenus. au sommet. Parfois,
ile sont cruellement ébouillantés. Les flèches fusent de toute part. Les cris se répercutent contre les parois des
montagnes.
Les journées se révélaient très dures, avec des assauts sans. cesse renouvelés, qu'heureusement interrompait
l'arrivée du soir avec son accalmie, accueillie avec grand soulagement par les combattants qui en profitaient
pour se préparer aux plus rudes assauts du lendemain. Le magistrat faisait le point de la situation, mesurant le
degré de résistance des hommes, surveillant les endroits plus vulnérables. Même préoccupation dans le camp
adverse, mais avec cette différence qu'on avait discerné là-bas à mi-distance d'une tourelle et d'une des
quatorze aubettes, le point faible qu'on recherchait en vain depuis plusieurs jours; aussi l'adversaire décida-t-
il de faire porter tout son poids sur cet endroit précis.
Dans un extraordinaire poudroiement d'or et de pourpre, commençait une belle journée, comme il s'en passe
au début de Septembre. L'été semblait jeter ses derniers feux, mettant un peu plus de regrets au cœur de ceux
qui reprenaient les armes. C'était l'époque où: les feuillages prennent avant de s'enflammer tout à. fait, une
belle couleur de coing mur..
La bataille, ce matin-là avait commencé mollement, comme si en prévision des graves évènements qui
allaient se produire, les soldats se soient donné le temps de la réflexion.
Mais une fois que le soleil eut coloré toute la cité, ce devint terrible. Les échevins de la ville, les Louis
d'Armstard, écuyer, les Perrin Trouvot, les Pierre de Cointet, licencié ès droit, payaient de leur personne, se
précipitant immanquablement aux endroits les plus périlleux, excitant de la voix et du geste le courage de cette
milice intrépide.
Attention là-bas...près de la quatrième tourelle. Les échelles se dressent dangereusement...la masse des
attaquants grossit à vue d'œil...
Ce qu'ils en renversent ces braves défenseurs...... A défaut d'huile, de l'eau bouillante qu'ils jettent sur cette
marée montante.... Il faudrait du renfort… On le demande de toute urgence... Hélas: avant qu'il n'arrive,
11ennemi a pris pied sur un coin de ces murailles….il est arrivé à s’installer au sommet des fortifications .Tout
n'est pas encore compromis, mais le danger est grand. C'est le combat au corps à corps…à l'arme blanche. II
faudrait arrêter ces assaillants qui s'engouffrent dans cette brèche.
Ils passent par dessus les toits pour s'infiltrer plus profondément dans la ville, mettant systématiquement le
feu aux maisons. En ville, c'est la panique; on court de ci de là…. les uns regardent au milieu des rues, d'autres
s'engouffrent dans les églises, ces asiles de paix et recueillement qui tout à l'heure seront violés.. d'autre se
cachent au plus profond de leur cave..:
On approche du dénouement... Ils ne peuvent en croire leurs yeux, ceux qui défendaient victorieusement
aux portes. 0n se bat dans les rues… On s'enferme dans les maisons...Toute défense organisée n’est plus
possible. Alors, 1’ennemi, fou de rage, brûle et incendie; Tout soldat rencontré est un homme mort…Morte
aussi toute personne qui se trouve sur le passage de ces fanatiques.... Baume, tu peux pleurer tes enfants…
Combien furent-ils ceux qui échappèrent à cette calamité? Une toute petite minorité, les quelques uns qui
furent faits prisonniers et d 'autres qui s'étaient cachés et avaient profité de l'obscurité de la nuit pour se glisser
sans bruit le long des murailles et fuir cet enfer.
Bourgeois de Baume, vous la payez chère votre victoire sur le gouverneur. Avec le secours d'une garnison,
il semble bien que la ville aurait tenu suffisamment longtemps pour que le duc Charles qui rétablissait son
armée à La Rivière, eut pu venir dégager la ville. Baume n'était plus que cendre et ruine; l’armée victorieuse
se répandit dans la Châtellenie qu'elle pilla.
Quel spectacle de désolation s’offrit aux yeux des premiers survivants, ayant à cœur de se rendre compte
de ce qu’était devenue leur ville ? Pas une douzaine de maisons debout...tout le reste, des ruines, un
enchevêtrement de poutres à demi-calcinées et de pans de murs noircis par 1'embrasement général.
Des cadavres partout.. sur les murailles, à travers les rues, au fond des caves, asphyxiés par l'acre odeur de
1’incendie; presque tous les papiers publics et privés furent le proie des flammes et restèrent dans l’incendie,
qui privent le chroniqueur d'une simple moisson de renseignements. Seuls furent sauvées 1es archives de
l'abbaye et de la familiarité, transportés à Besançon. I1 n'est nulle part fait mention du château. Le village de
Cour, évacué avait été occupé par les Suisses.
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Chapitre 41 - Messire PIERRE Q U E R E L
Les douloureux évènements qui venaient de meurtrir la ville de Baume et d'exterminer une partie de sa
population ne pouvaient manquer d'avoir leur pénible répercussion sur les villages d'alentour.
Si les murailles ne parvenaient pas à arrêter la fureur des assaillants, quelle devait être la situation de ces
habitations qui ceinturaient la ville ? Pauvre village de COUR .... Dès l'approche du danger une partie de la
population valide, apte à porter les armes avait rejoint son poste de combat à l'intérieur des fortifications et au
sommet des murailles. Un certain nombre de vieillards, résolus d'avance au grand sacrifice, étaient demeurés
sur place dans l'espoir de sauver le " home, " ancestral.
Le reste de la population, femmes et enfants s'était réfugiés, au fond des bois ou avait gagné l'obscurité
silencieuse des cavernes.
Quant au curé, vu son grand âge, il est possible qu'il soit resté sur place. Grace au livre de compte de
l'abbaye, on a eu la chance de retrouver son nom.
Il s'appelait Messire Pierre QUERREL; Il avait loué un pré tout près de la cure pour 30 sols. Heureuse
redevance, qui permet d’évoquer la mémoire de ce prêtre qui administrait la paroisse de Cour en des jours
difficiles. On ne sait pas autre chose de lui, ni de sa personne, ni de son ministère. Qu'importe!
Les évènements auxquels il fut mêlé, suffisent à le représenter au milieu de son troupeau encourageant les
uns, soutenant les défaillances des autres.
D'ailleurs ces épreuves eurent raison de sa constitution, puisque quelques années après, il n'était plus. Un
autre prêtre lui avait succédé.
Commentant cette triste époque, un historien franc-comtois a fait cette remarque désabusée : "...Rien de
plus triste et de plus affligeant, que la conduite des Suisses, lors de leur passage dans la contrée : incendie,
pillage, mauvais traitement de tous genres, profanation des lieux saints et jusqu'à l'exhumation des cadavres
afin de les dépouiller des modestes linceuls qui les recouvraient. Les maisons religieuses furent surtout en
butte à leur rapacité et à leur barbarie".
L'abbaye de Baume fut saccagée. Mais l'abbesse Alix de Montmartin, nouvellement élue, à l'approche du
danger avait fait évacuer ses religieuses et conduire à Besançon ce que l'abbaye avait de plus précieux, en
particulier ses chartes.
17
Une fois l'ennemi. éloigné et la ville évacuée, les survivants de ce désastre revinrent timidement dans leur
cité. Quel spectacle... Désolation partout…. Plus aucune maison debout... plus aucun gite et l'hiver approchait.
Ils se mirent immédiatement à l'œuvre.. Ils dégagèrent les rues….ils ensevelirent les cadavres qu'ils
retrouvèrent nombreux et aménagèrent leurs caves contre la pluie et les intempéries pour y passer les mois
d’hiver.
Quelques saccagées que fussent leurs habitations, les gens de Cour purent réintégrer leur domicile.
Heureusement pour tous, que l'automne fut bienveillant. Un automne particulièrement ensoleillé permit de
rentrer dans de bonnes conditions la vendange qui assura à ces gens dépourvus du nécessaire de se procurer
le peu d'argent liquide, dont ils avaient tant besoin.
Les Baumois et les villageois d'alentour avaient suffisamment d'occupations chez eux pour ne pas se laisser
préoccuper par ce qui se passait en dehors.
Or il se passait des choses graves, sous les murs de Nancy.
Le duc Charles avait réorganisé, entre temps, son armée. Toujours avide de bataille, jamais découragé par
les insuccès, et ses précédents désastres, il était allé porter la guerre en Lorraine, en plein hiver. La défection
d'un corps de mercenaires étrangers transforma la bataille en déroute; Lui-même tomba sous les murs de la
ville. Ce n'est que les jours suivants, qu'on retrouva son cadavre à moitié dévoré par les loups dans un étang
pris par les glaces.
Par certains cotés, le duc Charles attirait la sympathie. Malheureusement son orgueil le perdit; i1 n’était
pas de taille à se dresser contre un adversaire, sur le plan humain moins intéressant, mais diplomate dans l’âme
et politique rusé, le roi de France Louis XI.
Quand celui-ci eut connaissance de la fin de son adversaire qu'il avait prévu et dans une large mesure
contribué à préparer, il se hâta de mettre la .main sur le plus d'états possible du Téméraire. La Bourgogne fut
purement et simplement rattachée à la couronne, tandis que sa diplomatie s'activait à lui attirer la Franche-
Comté. Six semaines lui suffirent au bout desquelles les Etats Généraux de Franche-Comté, réunis à Dole sous
la pression de quelques seigneurs à la solde de Louis XI, prièrent le roi de France d'administrer la province
pour la garder à la duchesse Marie, la fille du Téméraire et son unique héritière.
Les troupes royales entrèrent donc en Franche-Comté en amies et alliées sous le commandement du Sire
de Craone. Malheureusement les maladresses de son gouvernement et les exactions des troupes firent regretter
l'ancien régime. C'était plus une tyrannerie qu'une protection. Les Franc-Comtois se révoltèrent et chassèrent
les garnisons françaises. Du coup, Louis XI perdait une province, à laquelle il tenait beaucoup. I1 décida de
la reconquérir, mais cette fois les armes à la main. Les hostilités recommencèrent en I479, menées par Charles
d'Amboise.
Celui-ci résolut de frapper au cœur de la province en s'attaquant à sa capitale. Dole fut investie après un
siège meurtrier, la ville fut enlevée, ses habitants passés au fil de l'épée, les maisons incendiées et les remparts
à terre.
De là, les troupes se répandirent à travers la province. Frappées de découragement et impuissantes à se
défendre, les villes ouvrirent leurs portes, les unes après les autres. Baume fit de même. D'ailleurs qu'aurait-
elle pu faire d'autre… Ruinée, décimée, sans fortifications, avec un population réduite à quelques centaines
d'habitants, elle ne pouvait songer à résister. I1 n'en fut pas de même de la montagne, où .la lutte fut âpre, la
résistance énergique.. meurtrière. On cite la région de Vercel, qui eut à souffrir en 1479 d'une garnison
allemande cantonnée à Baume. Les Comtois n'accordaient pas de quartier aux ennemis qui tombaient entre
leurs mains. Les Français se vengeaient de cette résistance acharnée par l'incendie des villages et par des
représailles sur la population. Les montagnards ne mirent bas les armes que lorsque réduits à la dernière
extrémité, ils désespérèrent d'être secourus; cela se passa en I480.
Les troupes victorieuses conservèrent leur arrogance vis à vis de la population. On peut s'en rendre compte
par cette exigence du Sr de St-Julien, commandant la région de Baume, en résidence au château de
Montmartin. Il requiert des échevins de Baume, six lits garnis; sa demande a tout de l' ultimatum "... Si je ne
les ay dedans demain au soir, je vous montrerai si vous devez mocquer du roy...".
Ce château de Montmartin semblait propice à une surveillance de la région; il faisait d'ailleurs partie des
terres de Neuchâtel, ainsi qu'en fait foi une reconnaissance de Pierre de Montmartin en 1277.
Maitre de la Franche-Comté, Louis X1 ne croit pas à l’attachement de la population; il se souvient de sa
mésaventure récente; pour ne pas l'encourir une nouvelle fois; il ordonne la destruction des châteaux-forts et
des fortifications qui protègent les villes.
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Chapitre 42 - LA DISPARITION DU CHATEAU DE BAUME
Cet ordre de Louis XI de faire raser les châteaux-forts et les murs d'enceinte des villes atteignait les
bourgeois de Baume dans leur fierté et leur sécurité. Toute leur habileté consista à monnayer l'un au dépens
de l'autre.
Ils sacrifièrent leur orgueil à leur sécurité. Pour conserver les fortifications de leur ville, ils abandonnèrent
le vieux château féodal, qui depuis près d'un millier d'années, les protégeait sur ce pic avancé du Doubs.
Les murs qui enserraient la ville n'étaient vieux que de trois quarts de siècle; ils avaient été élevés entre
1403 et I4I8, solides avec leur six pieds d'épaisseur à la base, efficaces avec leur 20 pieds d'élévation, le tout
en bonne maçonnerie; surcroit de précautions, le sommet du parapet, qui pouvait servir de chemin de ronde
était couvert, de sorte que les sentinelles pouvaient en faire le tour, sans être en butte aux intempéries.
Ces murailles se trouvaient entrecoupées de 8 tours, deux portes (d'Anroz et Sombevelle ), deux poternes,
un tourniquet et 14 aubettes.
Les dépenses s'étaient avérées supérieures au devis primitif; il ne fallut pas compter moins de trente mille
francs. Eu égard à la valeur de la monnaie et à la rareté des espèces, c'était pour l'époque, une somme énorme.
Les bourgeois ne la regrettèrent pas, se sentant en sécurité chez eux.
Or c'est tout cela que le décret de Louis XI compromettait. Plus de fortifications, plus de sécurité. Ils
défendirent avec tant de talent leur cause, que les militaires se contentèrent, d'entamer en quelques endroits
ces murailles, d'ouvrir ici ou là quelques brèches, qu'un gouverneur de 1486, Jean de Baudricourt autorisa à
réparer "Dans lesquelles (murailles) certaines bresches (furent percées)durant les guerres entre le feu roi Loys
et Monsieur d'Autriche".
Il n'en ira pas de même pour le château.
Parce que d'abord, les Baumois se sentaient moins intéressés à son sort; Ils étaient fiers de ce château qui
avait belle allure au sommet de cette colline à flancs escarpés, à l'entrée des vallées du Cusançin et de l'Audeux.
Il n'occupait pas un emplacement très considérable, mais qu’il avait bon aspect avec ses murailles percées de
meurtrières et son donjon avec sa forme carrée qui surplombait le tout.
Sa position défensive sur le Doubs, qu'il surplombait d'une centaine de mètres surveillait l'entrée de la
vallée qui donnait accès à la montagne. Il joua un grand rôle au temps des Grandes Compagnies. Sous le
commandement de Jean de Cusance, i1 contribua à arrêter l'invasion de ces hordes déchaînées.
Bien qu'il fût un sérieux protecteur pour la ville, il n'empêcha pas toujours les adversaires à s'en emparer.
Pour l'expliquer, i1 convient de ne pas oublier qu'il ne pouvait contenir qu'une assez faible garnison.
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Des siècles durant, ce château appartenait à la maison de Bourgogne, successeur des anciens Comtes. Mais
en 1385, un échange survint entre la Comtesse Marguerite de Bourgogne et Pierre de CLY, seigneur de Roche
d'Or près de Porrentruy. La comtesse abandonnait son château de Baume contre le château et la terre de
Valempoulières, dans le Jura, avec cette réserve qui lui permettait de percevoir annuellement 300 florins sur
les revenus de Baume et Montbozon.
Il ne semble pas qu'au cours de son existence millénaire, ce château aie connu l'humiliation de la défaite.
I1 allait connaître la pire des humiliations, celle de tomber sans gloire sous la pioche des démolisseurs.
Par pans successifs, les murailles s'écroulent les unes après les autres, comblant ces profonds fossés qui en
défendaient l'entrée et qui avaient été creusés péniblement dans la roche. Dernier vestige d'un glorieux passé,
la tour carré du donjon s'écroule péniblement, tant avait été bien fait cet assemblage de blocs de pierre qui en
assurait les assises et qui avait demandé de si grands efforts pour monter là-haut.
Témoins de ce qu'ils considéraient comme un sacrilège, les Baumois et les habitants de Cour ressentaient
une profonde gêne et une vive humiliation, se contentant de maudire secrètement leurs vainqueur.
Bientôt, sur cette antique colline qui résonnait des ordres militairement donnés et du hennissement de leurs
fiers coursiers, un profond silence s'étendit " Sunt lacrimae rerum... " Dans cette cour d'honneur où se passaient
les revues, l'herbe se mit à pousser, cette herbe des ruines, d'apparence fanée, qui renaît à chaque printemps.
Elle pousse aussi sur le chemin rocailleux qui ne retentit plus du pas des fiers coursiers qui le montaient
allègrement.
Dans ces ruines, le lézard se chauffe paresseusement aux premiers rayons de soleil sans que plus personne
ne vienne troubler son repos. Partout le silence, qui n'est rompu au printemps que par le chant des oiseaux, qui
nichent dans les décombres de ce qui fut un fier castel.
Les contemporains qui en avaient vu la splendeur, s'imagineront longtemps encore entendre des voix qui
s'en échappent: voix des gloires passées, qui gémissent et se traînent au ras du sol...Voix des ruines qui
s'enflent comme un appel du passé...Voix des monts et des vents...Voix tendre ou agitée du Doubs qui coule
ses eaux tranquilles ou tumultueuses à ses pieds. Les siècles ont passé sur ce château; les vieux murs ont croulé
et le donjon s'en est allé sans gloire et sans miséricorde…. Les chevaliers sont morts, seigneurs durs et sans
destinées, partis sur un rouge chemin.... De tous ces hommes forts et de tous ces guerriers qui portaient un
nom fier et de folles pensées, rien ne reste pour nous que souvenirs altiers.
Pendant plus d’un siècle, la broussaille et la végétation folle s'y déployèrent au grand contentement des
enfants, qui venaient faire la petite guerre dans ces ruines, qui se terminaient parfois par des batailles vraies et
organisées entre les enfants de Baume et de Cour..... Leur jeu préféré consistait à rouler dans les ravins ces
énormes blocs de pierre qui avaient demandé tant d'efforts pour les monter jusque là-haut.
En 1615, 1es échevins de la ville adressèrent une requête à la chambre des comptes; qui les .autorisa à
prendre ces matériaux pour rebâtir les prisons de la ville et réparer les brèches des fortifications.
Pendant la révolution, ce château eut un regain de célébrité. Le I0 août I792 sous un baraquement couvrant
"en planches la moitié de l’élévation" y fut 'célébrée la messe ordonnée par les. Décrets de l'Assemblée
Nationale, pour la "fête de la Fédération".
Louis XI ne profita pas longtemps de ses succès; il mourait l'année suivante, en 1483.
Le régime de terreur se détendit alors; l'ordre pesant, fait de violence et de crainte, fut adouci par son
successeur. Dix mille Normands et Picards vinrent numériquement remplacer les Comtois qui avaient fui la
domination française. La Comté respira. C'est ainsi qu'on a vu un gouverneur autoriser la remise en bon état
des fortifications de la ville en 1486.
L'entreprise de Louis XI ne lui survécut que peu d'années. Son successeur Charles VIII n'était pas de sa
trempe. D'abord il déchira le traité d'alliance qu'avait conclu son prédécesseur en fiançant le Dauphin de France
à la fille de Marie de Bourgogne; Puis il se lança dans cette folle équipée-des guerres d'Italie.
Maximilien, le père .de la jeune répudiée entra en Franche-Comté à la tête de 8.000 hommes. Les Franc-
Comtois, allaient en belle procession au devant lui et c’était bien raison.
http://pas.de/
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Chapitre 43 - MESSIRE ETIENNE VERBIER 1483
Il ne faut pas se dissimuler la joie qu'éprouvèrent les Comtois à abandonner la mouvance française pour
retourner à la maison d'Autriche. Maximilien, l'empereur du saint Empire Germanique, l'héritier des anciens
Comtes fut accueilli en triomphateur. Les garnisons françaises de Rougemont et Montmartin se rendirent sans
coup férir. L'empereur passa la nuit à Baume après avoir reçu un accueil enthousiaste d’une population qui
manifestait ses sentiments de fidélité à ses maîtresses légitimes.
La population de Cour, curé en tète, s'était jointe aux Baumois pour la circonstance. Cet éloignement de la
France allait durer près de deux siècles.
Le curé d'alors s'appelait messire Etienne Verbier.
Dans la liste des anciens curés de la paroisse, telle du moins qu'on peut la dresser. Aujourd’hui, il occupe
le neuvième rang.
1290, messire PIERRE
1315 GIRART, fils Poncelin
1335. HUGUES
1387. Pierre GIRARDIN
1413 Richard SOLLAUT
1430 Johan GRAS
1436 Richard CHEVRONNAY
1476 Pierre QUERREL
1483 Etienne VERBIER
Cette liste est loin d'être complète. L'année 1290 ne correspond absolument pas à l'érection de la paroisse,
qui est beaucoup plus ancienne. Par les archives de l'abbaye, on sait qu’au neuvième et dixième siècle, il y
avait des curés à Cour, qui remplissaient le ministère d'aumônier auprès des religieuses. I1 faut attendre la fin
de ce XIIIe siècle pour connaître le premier nom de cette 1ongue liste qui en comprendra une trentaine. Messire
Pierre fut ensuite transféré à Verne. Quelques réserves concernent deux de ces prêtres, messire Richard
SOLLAUT en 1413 et messire Jehan GRAS en 1430. 11 n'est pas sûr que le nom de ce dernier soit bien
orthographié et dans le document il était suivi de cette qualification de "vicaire à Cour". Il pouvait assurer un
intérim même remplacer un curé en titre.
21
Ces quatre derniers prêtres figurent dans les archives de l'abbaye, conservées à Besançon. Dans le registre
de comptes sont citées les personnes qui louaient des parcelles de terre relevant de l'abbaye. Or celle-ci
possédait un pré dans le voisinage de la cure de Cour et que récoltaient les curés…Heureuse redevance, sinon
pour le titulaire du moins pour les chroniqueurs qui se sont penchés sur cette gestion et font revivre le souvenir
de ces prêtres d'autrefois.
Messire Richard CHEVRONNAY a géré la paroisse, en un temps assez tranquille, si l'on excepte les bandes
"d'Ecorcheurs " qui ravagèrent la région de Baume. Celui qui l'avait nommé à Cour, était un seigneur puissant,
THIEBAUT de Neuchâtel, huitième du nom, conseiller et grand Maréchal de la Maison du roi, Chevalier de
la Toison d'Or. On peut espérer ce choix heureux, car à cette époque, il n'était pas rare de rencontrer des curés choisis par des patrons sans piété, sachant à grand peine les prières les plus élémentaires.
Son successeur, messire Pierre QUERREL exerça son ministère en des jours difficiles. I1 était curé de
Cour, quand en 1476, la ville de Baume fut investie par les Suisses et entièrement détruite. Il devait sa
nomination à la cure de Cour à THIEBAUT de NEUCHATEL, neuvième du nom et le dernier à porter un
nom si illustre; d'ailleurs il le porta avec éclat et dignité. Il servit avec zèle et dévouement les Grands Ducs
d'Occident, qui lui confièrent les plus hautes charges, Gouverneur de la province, maréchal de. Bourgogne; i1
n'est pas d'événements tant soit peu importants auxquels son nom ne reste attaché. I1 réprime le soulèvement
de Besançon…. Le duc de Bourgogne lui confie la garde du roi de France Louis XI, qu'il retient prisonnier
après 1'entrevue de Péronne.
Le crédit du Sire de Neuchâtel ne fut pas moins grand auprès de l'Archevêque de Besançon qui n'était autre
que son neveu, Charles de Neuchâtel; Il prit comme vicaire général son cousin, le propre fils de Thiébaud, cet
Archevêque, élu à 21 ans, laissera dans l'histoire le souvenir d'un bon Archevêque, d'un sage et prudent
administrateur, d'un zélé réformateur, ne négligeant rien pour maintenir ou ramener la discipline
ecclésiastique, mais dont tout l'épiscopat se déroulera, en période de perpétuelle tension entre les maisons de
France et d'Autriche qui lui vaudra de finir ses jours en exil. On peut supposer que cette parenté du Sire de
Neuchâtel, avec l'Archevêque a facilité le choix du Seigneur envers la paroisse de Cour.
Tout laisse prévoir que les malheurs de 1476 minèrent la santé de ce prêtre et qu'il décéda peu après.
Son successeur est connu; c'est Etienne VERBIER, qui est mis en possession de la cure de Cour par le sire
Claude de Neuchâtel, le seul survivant des onze enfants de Thiébaud IX, mais de plus petite envergure.
Le ministère de messire Etienne Verbier s'exerça dans le dernier quart agité de ce XVe siècle….les livres
de compte de l'abbaye mentionnent "dysette et misères" consécutives aux invasions des Suisses et de
l'occupation des troupes françaises. I1 faut reconnaître que cette misère était due aussi à la routine des paysans.
I1 y avait fort peu d'hommes capables de diriger habilement une exploitation. Ce sont les vieux errements
qu'on suit. L'outillage reste rudimentaire et les instruments les plus simples manquent parfois à la ferme; il est
souvent question des "pauvres laboureurs de bras". Ce sont des cultivateurs qui n'ont point de charrue. Partout
dans ce dernier quart de siècle, des champs stériles et incultes… une espèce de désert... On ne rencontre que
des hommes et des femmes "à la figure émaciée, couverts de guenilles, si lamentables qu'ils paraissent tout.
récemment sortis du cachot".
La foi et la pratique religieuse des paroissiens restent au niveau de cette situation sociale. D'ailleurs:1es
couvents et abbayes, de qui devrait venir l'exemple, sont loin d'être sans reproches. Dès l'apparition du danger
de 1475, 1es religieuses de l'abbaye avaient quitté le monastère, comme cela se faisait en pareille circonstance.
L'abbesse les renvoyait dans leur famille; mais elles en étaient revenues avec le goût du siècle, dans la
recherche du bien-être et parfois du luxe. Les vides qu'avait causés la mort, ne se trouvaient pas remplis. Sur
un effectif normal de onze religieuses, i1 ne s'en trouvait plus que cinq. Le service religieux se faisait avec
peine, d'autant plus qu'elles avaient pris l'habitude de s'absenter souvent et la plupart du temps sans
permission... Pour comble de malchance, les abbesses qui en faisaient le pivot, se succédèrent rapidement et
n'eurent pas la continuité des réformes.
L'éducation chrétienne du peuple reste superficielle; la richesse spirituelle de l'évangile et la personne du.
Christ, souvent méconnues, ne pénètrent plus la vie de la masse.
Il n'est pas jusqu'à la vie des prêtres qui ne se ressente de cet abaissement général de la foi… Les curés de
campagne vivent avec leurs paroissiens, et parfois comme eux. On rencontre chez eux les mêmes tendances:
négligence, intempérance, ergotage.. parfois inconduite….
http://ce.prètre.et/
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Chapitre 44 - L' HOPITAL
Moins de trente années après la destruction de Baume, par les Suisses en 1476, un autre cataclysme s'abattait
sur la ville, tout au début du siècle suivant et anéantissait une nouvelle fois la ville entière.
Une certaine relation existe entre ces cataclysmes. Après 1476, les Baumois réparèrent comme ils purent leurs
maisons incendiées et leur ville qui n'était plus qu'un amas de ruines; ils exécutèrent ces réparations pendant que
s'écroulait le duché de Charles le Téméraire, convoité par ses voisins et que Louis XI envahissait la Comté .
Ce n'était pas le moment de penser à l'art; il fallait aller au plus pressé, reconstruire avec parcimonie et dans
l'appréhension du lendemain.
Aussi introduisirent-ils dans leur reconstruction le bois qu'ils avaient en abondance et sous la main. La
rareté des tuiles et la caducité des murs, qui ne pouvaient plus supporter les toits de laves, avaient engagé les
propriétaires à utiliser les bardeaux sur une grande échelle; ça allait plus vite et ça coûtait moins cher.
Mais par contre ce matériau offrait le grave inconvénient d'être très vulnérable au feu. Aussi comprend-on
la hantise qu'avaient ces contemporains, du feu et les mesures sévères édictées pour s'en prémunir; la ville de
Baume reprenait donc lentement son activité; A part le baillage et ses services, qui avaient émigré à Besançon,
parce qu'il n'y avait plus de logement pour les recevoir, les autres services avaient repris leur place et retrouvé
leur clientèle.
C'est alors qu'un nouvel incendie réduisit une fois de plus la ville en cendres. Pourtant l'avertissement
n'avait pas manqué, puisqu'en 1498, 1e feu avait donné de sérieuses alarmes; mais il avait pu être circonscrit
à temps. Il n'en fut pas de même en I56I. Trouvant un élément favorable dans ces bardeaux et tout le bois qui
entrait dans la construction des maisons, il se propagea avec une rapidité foudroyante, attisé par un vent qui
emportait au loin des escarbilles, propageant de nouveaux foyers.
Les secours s'organisèrent rapidement; toute la population accourut au son du tocsin. Un moment, ces
soldats du feu espèrent bien le maîtriser; la chaîne versait sans interruption seaux d'eau sur seaux d'eau, dont
étaient muni chaque bourgeois de la ville. Il eut fallu des moyens plus grands encore qui n'étaient pas à la
disposition d'une ville comme Baume.
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Aussi malgré tant de courage et un dévouement unanime l'embrasement gagnait de proche en proche, de
quartier à quartier; la ville ne fut bientôt plus qu'un immense brasier, à l'air irrespirable, qu'on fut bien obligé
d'évacuer. Après le sinistre, on dénombra douze maisons intactes, tout le reste, un amas de cendres, de pierres
calcinées, de pans de murs branlants.
L'avenir se présentait sous de sombres auspices. La plupart de ceux qui purent rebâtir, se trouvèrent ruinés;
beaucoup ne purent pas rebâtir.
La ville de Baume offrait l'aspect de gens découragés, sous alimentés, dont un grand nombre sans abri...
proie facile de prochaines épidémies. Le nombre des mendiants augmenta dans des proportions notables, les
rues s'emplissaient de gens déguenillés, tendant la main et d'enfants décharnés à la recherche d'un peu de bien-
être. I1 ne fut pas rare de trouver au petit matin, des cadavres-en bordure des maisons, le long des ruelles de
la ville. Spectacle affligeant qui émut un bourgeois de la ville et s'en fit le Bon Samaritain.
Il n'avait pas été le premier des Baumois à se dépenser pour les autres. Bien avant lui, des épidémies, des
souffrances avaient meurtri les générations antérieures et toujours, il s'était trouvé des gens pour leur venir en
aide; des institutions charitables s'étaient spécialisées dans le soulagement de la misère. Les associations de
bienfaisance revêtaient les formes les plus diverses. Les confréries d'artisans jouissaient d'une caisse
d'assistance mutuelle. L'ordre hospitalier du Saint-Esprit se présente comme la plus vaste association à
caractère charitable, qui est habilitée à recevoir des legs pour les pauvres..
Dès le XIIe siècle, l'abbaye avait établi à Sechin un hôpital destiné aux pauvres voyageurs. Les religieuses
s'y retiraient en temps de peste. Une bulle du pape PIE II, datée de Tivoli en I47I, donne l'état du personnel;
il était composé de 18 marguilliers, 7 diacres et 7 bas officiers. Cet établissement avait donc une certaine
importance; i1 disparaîtra au temps des Suédois.
A Baume même s'élevait dès le XIIIe siècle, un hôpital, érigé sous le titre de Ste-Croix, qui était desservi
par les confrères de la Miséricorde, très répandus alors; Il avait été construit en dehors des murs à quelques
cent pas de la porte de Sombevelle, au bord d'une fontaine qui en garda longtemps le nom. Seuls les habitants
de la ville et de la châtellenie y étaient admis. Il ne fonctionnait que grâce à la générosité des fidèles.
Les guerres de cette fin de siècle portèrent un préjudice considérable à ces établissements. Les soldats
avaient emporté les draps, les lits, tout mobilier. Les édifices, par manque de soin tombèrent en ruines.
C'est ce qui explique qu'après l'incendie de 1501 tant de misères n'aient pas été secourues à Baume. Il était nécessaire qu'un bon Samaritain vint à passer; il se présenta dans la .personne de Pierre de Cointet, un
bourgeois de la ville, issu d'une famille qui avait toujours exercé une certaine influence sur les destinées du bourg;
lui-même, un homme de loi, docteur en droit.
Emu du spectacle affligeant que présentait la ville en ce début du XVIe siècle, de la misère qui affectait tant de
foyers, des pauvres qui ne possédaient pas même un gîte, de ces malades qui mouraient faute de soins, Pierre de
Cointet et sa femme, Dame Pernette de Roche offrirent la maison qu'ils possédaient en dehors de ville, tout près de
la porte de Sombevelle (celle qui regarde Besançon) avec des fonds de terre et des rentes pour en faire un petit
hospice "en l'honneur de la glorieuse Passion de Notre Seigneur". Cette fondation est datée du 12 mars 1505 et
comprenait outre la maison, un jardin, connu sous le nom de "meix Landressey".
Il paraît assez probable que les fondateurs n'envisageaient pas de faire œuvre nouvelle, mais tout simplement
continuer l'hôpital Ste-Croix, qui venait d'être détruit.
Hospice bien modeste à l'époque puisqu'il ne se composait que d'une chambre au rez-de-chaussée et de quatre
petites pièces à l'étage, soit deux lits au bas destinés aux pèlerins et aux passants et une dizaine à. l'étage réservés
aux pauvres de la ville. Au total une douzaine de lits. A la tète, un "directeur". Comme personnel, une "bonne
femme" pour assurer les soins et le service de la maison. Cet "hôpital" comporte une petite chapelle, érigée sous le
vocable de la Visitation de Notre-Dame, où deux messes doivent être assurées chaque semaine.
Dès lors, cet hospice s'associa à tous les événements locaux ou régionaux. La famille de Cointet le céda à la
ville en 1579, "la priant seulement de le bien entretenir au temporel et au spirituel….". Le rattachement de la Comté
à la France en 1674 accrut son activité; les armées du roi et le roi lui-même s'arrêtant en ces lieux et y laissant
malades et. éclopés. Les sœurs hospitalières y furent introduites en 1698. L'année 1730 vit la reconstruction et
l'agrandissement de l'établissement. A moitié ruiné en 1795, i1 redevint florissant après les guerres d'Empire...
Aujourd'hui, des vieillards y goûtent une vie paisible.
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Chapitre 45 - Messire JEHAN VUILLEMIN
Des cinq prêtres qui ont administré la paroisse de Cour, tout au long du XVIe siècle, quatre sont connus.
Pour son compte, messire Jehan VUILLEMIN y est resté près d'un tiers du siècle.
A t’il succédé immédiatement à messire Etienne Verbier, qui était curé de la paroisse dans le dernier quart
du siècle précédent ? La question n'est pas encore résolue. D'ailleurs, c'est dans la normale que deux prêtres
aient géré la paroisse dans l'intervalle compris entre 1480 et 1537.
Sans oser affirmer que messire Jean Vuillemin soit originaire de Baume, où le patronyme de Vuillemin est
cité, de longue date, on peut dire avec certitude qu'il était de la région. A sa mort, son héritière habite la ville
de Baume, mais c'est la seigneurie de Clerva1 qui revendique les droits de succession.
Quel âge pouvait bien avoir ce prêtre à son arrivée en paroisse ? L'histoire ne le dit pas. Mais il semble que
ce ne soit pas forcer la chronologie que de le faire naître aux environs de 1470. C'est dire que son enfance fut
le témoin attristé des invasions des Suisses et de la fuite précipitée de tous ces paysans au fond des bois; e11e
fut aussi marquée par le récit de quelques atrocités commises par l'ennemi. Jeune homme, il souffrit dans son
patriotisme, de l’installation des troupes de Louis XI et de la poigne de fer qui accabla le Pays. Avec tous
ceux.de sa génération, i1 acclama Maximilien, quand à la tête de ses troupes, il récupéra les Etats de sa fille.
C'était moins au Prince d'Autriche que s'adressaient ces acclamations qu’à l'héritière des anciens Comtes et à
la liberté dont avait joui sous leur tutelle, cette province.
Sa préparation au sacerdoce fut celle de son temps, c’est à dire d'une époque troublée par les guerres, qui
n'avait pas encore à sa disposition les structures qu’imposerait plus tard le Concile de Trente.
Les candidats au sacerdoce recevaient leur première formation dans des écoles presbytérales qu'ouvraient
certains curés chez eux.
L’instruction restait assez rudimentaire, à part les quelques uns, qui avaient le privilège de passer par les
écoles monastiques ou les maîtrises des cathédrales; mais c'était le petit nombre; les autres avaient été
"scolares" ou servants chez un curé qui leur avait donné un minimum de savoir. Au clerc désireux d'assumer
une cure, les statuts demandaient de plus un stage de deux ans en paroisse, comme vicaire….
On ne connaît pas la paroisse à laquelle messire Vuillemin consacra les prémisses de son ministère.
La paroisse de Cour étant devenue vacante par la mort de son titulaire, messire Vuillemin adressa
candidature à Claude de Neuchâtel, dont la sœur en ce moment même gouvernait l'abbaye de Baume. Alors
http://forçé-.la/
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que tant de patrons laïques sans piété n'hésitaient pas à proposer à la tête des paroisses, des hommes sachant à
peine le Pater, l'Ave et le Credo, on a toute raison de penser plus heureux le choix arrêté par Claude de
Neuchâtel, en accord avec ses filles Bonne et Elisabeth, qui épousèrent Guillaume de Furstenberg et Félix de
Vertenberg.
La paroisse que trouve le nouveau curé se compose de trois sections: le -village de Cour avec église et
presbytère; sur la rive gauche du Doubs, les villages d'Esnans et la Grange-Vuillotey; sur la rive droite
Fourbanne. Sur une population qui peut osciller entre trois cents et cinq cents habitants, plus de la moitié a
une distance de quatre à cinq kilomètres pour venir à l'église.
Plus favorisé que ses deux prédécesseurs immédiats messire Vuillemin eut la chance d'exercer son
ministère en des années de tranquillité.et de prospérité. Ce n'est pas que tout danger fut écarté, loin de là; Le
roi de France, Charles VIII, délaissera l'œuvre de réunification, pour courir l'aventure des guerres d'Italie, que
continuera Louis XII. Toute la politique de François 1er tendra à affaiblir la puissante maison d'Autriche qui
par l’absorption de l'Espagne, enserre dangereusement la. France. Les guerres renaîtront sans cesse auxquelles
échappera la Franche-Comté, grâce à la Comtesse Marguerite, qui avait recueilli la régence des Pays-Bas et
de la Franche-Comté.
En 1511 elle conclut avec les Suisses, un traité de neutralité qui garantissait ses possessions contre les
entreprises de ses voisins. En 1522, elle signait un pacte analogue avec François Ier. Grace à ces mesures de
sagesse, les Comtois furent épargnés au cours des longues querelles, qui allaient opposer Charles-Quint à la
France. C'est cette même princesse qui a laissé ce joyau d'architecture, qu'est l'église de Brou.
Pas plus que les batailles de Marignan, I5I5 et de Pavie, I52I, ou la détention de François 1er en Espagne,
le concordat de 1516 entre le St-Siège et la France n'exerça d'influence sur la Comté en général et l'église
Bisontine. Messire Vuillemin remplit son ministère comme ses prédécesseurs l'avaient fait. Peut-être céda t’il
un peu trop à la tentation de s'occuper du temporel.
Le concile de Besançon avait bien défendu aux clercs d'exercer des emplois séculiers mais à la suite des
guerres, du banditisme, des épidémies, les curés furent réduits aux derniers expédients "pour cause de misères
grandes et intolérables". Il fut admis que les curés n'ayant point de dotations suffisantes chercheraient à
suppléer en exerçant un métier honnête...
Alors que quelques uns se livrent au commerce pour lequel ils se sentent quelques aptitudes, messire
Vuillemin donne à son presbytère la physionomie d’une honnête petite ferme. D'ailleurs les bâtiments sont
conçus pour cet usage, avec un corps de logis moins considérable que grange, écuries et greniers annexes.
Messire curé ne se distingue pas tellement de ses paroissiens; il est de chez eux, il vit comme eux, il vit avec
eux. Aussi se ressentirent-ils de 1a grossièreté des mœurs de l'époque et payèrent-ils tribut au siècle dans
lequel ils vivaient; on n’échappe jamais à de telles influences.
Messire curé n'ira pas à la charrue, parce que les paroissiens se considéraient tenus par l'usage et les
conventions ordinaires de lui donner une, deux ou trois "corvées de charrue en carême et en vahin" c'est 'à dire
pour les semailles de printemps et d'automne, de faire ses charrois pour les foins et les vendanges.
La paroisse était dotée de. quelques parcelles de prés et champs. Les registres de l'abbaye énumèrent durant
des siècles une location de pré avoisinant la cure. Ces terres ne suffirent pas à l'activité du curé Vuillemin, qui
en fit l'acquisition d'autres. Les archives de la seigneurie de Clerval énumèrent en 1521, 1524 et en 1531
d'autres acquisitions de pièces de terre, chargés de cens au profit de la ville de Baume.
Il n'est même pas impossible que le curé Vuillemin n’ait pas fréquenté les foires. Des lettres patentes
émanées de la Comtesse Marguerite en 1516 fixaient à l'avant-veille de l'Assomption, de la Toussaint et de la
Purification, les foires qui se tenaient autrefois la veille de ces mêmes fêtes; elle en établissait une quatrième,
qui se tiendrait le 29 avril.
Quant au temps consacré à l'étude, i1 ne devait pas être considérable. Bréviaire diocésain, statuts synodaux, mandements de l'évêque, une bible, quelques lambeaux de la légende dorée, des homélies des Pères, deux ou
trois livres classiques, écrits de la main du Propriétaire...c’était à peu de chose près, ce qui constituait la
bibliothèque d'un curé . Mais quand on voit les puissants ducs de Bourgogne être fiers de posséder 100
volumes au XVe siècle, il ne faut pas s'étonner de voir les curés réduits au strict nécessaire.
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Chapitre 46 - BIENVEILLANCE d'un conseiller de CHARLES-QUINT
Grace à la clairvoyance de Marguerite d'Autriche, gouverneur des Pays-Bas et Comtesse de Franche-
Comté, une ère de paix fut enfin octroyée à cette région terriblement meurtrie par les guerres.
Toutes les classes de la société en profitèrent pour s'ouvrir aux grandes découvertes, que venaient de réaliser
certains navigateurs à la fin du siècle précèdent. Vasco de Gama avait fait le tour du monde en franchissant le
Cap de Bonne Espérance en 1497; Quelques années plus tôt, en I492, Christophe Colomb découvrait
l'Amérique.
Toutes les classes de la société bénéficient de cette soif de connaître, qui est la caractéristique du siècle de
la Renaissance et que véhicule le Livre désormais mis à la disposition de tous. Cette explosion de
connaissances ne demeura pas enfermée dans des cercles de salon, mais pénétra la masse. Le curé Vuillemin,
quelque encombré de matériel qu'il fut, se mit suffisamment au courant des questions de son temps pour en
faire bénéficier ses paroissiens. D'ailleurs bien des représentants de l'église avaient abondé inconsidérément
dans ce domaine du renouveau, au point de négliger leurs devoirs de pasteur.
Des réformes s'imposaient dans l’église, à tous les degrés de la hiérarchie, à commencer par le pape, les
cardinaux et les évêques. Or les intéressés, qui en reconnaissaient le bien-fondé, n'étaient pas pressés de
changer de vie.
Ainsi au cours des premières années du ministère du curé Vuillemin, l'Archevêque de Besançon qui venait
de mourir, fut remplacé par un écolier de quatorze ans, qui dut attendre sa majorité pour se faire sacrer.
L’intérim étant assuré par un auxiliaire. On comprend le relâchement qui s'en suivit. Même si le lustre de sa
famille, dont le père était à ce moment, gouverneur de la province, présentait le seul mérite du candidat,
Antoine de Vergy mérite tous les respects. Ses talents, non moins que sa piété, sa prudence et sa noblesse, lui
valurent l'honneur d'être choisi pour être le précepteur de Charles-Quint. Le monarque se montra reconnaissant
à son maître et il eut sans doute comblé d'honneur son précepteur, si celui-ci n'eut renoncé à toutes les
espérances mondaines de la Cour pour se consacrer entièrement à son devoir d'évêque.
Mais tous n'agissaient pas avec un tel désintéressement; témoins les invectives de certains prédicateurs de
ces années 1510.
Le drame se joua quelques années plus tard, I5I7-1520 avec la révolte de Luther.
Les discussions ne demeurèrent pas longtemps dans le domaine de la spéculation. Des paysans de Souabe
qui se réclamaient des réformes du moine allemand, mais qu'il désavoua plus tard, se révoltèrent. Le
mouvement gagna le Sud de l'Alsace et le pays de Montbéliard. Ces révoltés parvinrent jusqu'aux portes. de
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Clerval; puis se répandirent dans le Nord de la Comté, où ils commirent de grandes déprédations, avant d'être
exterminés.
C'est par cette révolte, qui leur-fit peur un moment, que les paroissiens de Cour prirent connaissance de ce
drame, qui allait briser l'unité de la Chrétienté, mais dont ils ne pouvaient encore soupçonner l'ampleur et le
tragique.
Durant ces mêmes années, une autre initiative amenait les bourgeois de Baume à s'intéresser plus
directement de la gestion de leur Ville.
Dans la perspective d'assurer la défense de la province, le gouverneur avait prescrit aux villes de