Transcript

L’Encéphale, 2006 ;

32 :

927-8, cahier 4

S 927

Efficacité et tolérance des antipsychotiques : quelles problématiques actuelles ?

O. CANCEIL

(1)

(1) CMP, 14, rue Mathurin Régnier, 75015 Paris.

L’apparition des antipsychotiques atypiques a considé-rablement modifié les pratiques cliniques, avec des règlesde prescription nouvelles qui obligent à s’adapter à de nou-veaux schémas thérapeutiques, comme par exemple lerecours à des posologies faibles.

Les antipsychotiques atypiques semblent avoir une effi-cacité équivalente à celle des neuroleptiques convention-nels sur la symptomatologie positive, et peut-être supé-rieure sur la symptomatologie négative.

Le rapport efficacité/tolérance est l’un des critèresessentiels de choix du produit antipsychotique. Ce choixse fonde sur les données de la littérature, mais aussi surl’expérience clinique en intégrant, plus récemment, descritères médico-économiques. C’est par exemple le casavec l’apparition de nouveaux antipsychotiques sousforme d’action prolongée.

Par ailleurs, le principe de précaution infiltre égalementles choix thérapeutiques, mais il tend à s’appliquer surtoutsur un plan collectif, alors que l’efficacité reste l’argumentessentiel dans la prescription individuelle.

La prise en compte du rapport efficacité/tolérance peutdifférer selon le moment de la prise en charge : la pres-cription initiale a pour objectif de favoriser l’observance enévitant des effets indésirables qui conduiraient le patientà interrompre son traitement, alors que l’adaptation ulté-rieure du traitement vise surtout à maintenir une stabilitéclinique et une optimisation de la rémission. L’habitude estde poursuivre le produit initial, en diminuant autant quepossible les posologies, mais sans qu’il existe d’argumentdéterminant étayant cette attitude thérapeutique.

Le contexte de la prescription initiale (consultation ouhospitalisation par exemple) entre également en ligne decompte dans le choix du traitement, de même que le choixou la demande du patient, et sa situation sociale (étudesen cours, activité professionnelle…).

La question de la tolérance influe aussi sur la relationmédecin-malade. Le patient a des droits désormais for-

malisés à l’information. Par ailleurs, plus la connaissancedes effets indésirables éventuels est grande, plus la res-ponsabilité du prescripteur en cas d’effet indésirable estengagée.

La balance efficacité/tolérance diffère selon lesproduits : la clozapine reste le traitement des troublesschizophréniques résistants, mais ses risques sont tropimportants pour un usage systématique. Parmi les anti-psychotiques atypiques, plusieurs s’accompagnent d’unrisque accru de syndrome métabolique, avec ou sansprise de poids.

La nécessité du dépistage de ce syndrome métaboliqueest au centre des problématiques actuelles sur le rapportefficacité/tolérance des antipsychotiques. Il suppose unbilan biologique initial, accompagné de recommandationsdiététiques, d’une éducation à la santé, de la recomman-dation d’une activité physique. Cet aspect somatique con-duit, dans la logique de la politique actuelle de médecintraitant et de parcours de soin, à restaurer le rôle du géné-raliste dans la prise en charge des patients schizophrènes.

Le bilan devrait être répété après 3 mois de traitement,puis tous les ans.

La prise en compte du risque d’allongement de l’espaceQT justifierait de pratiquer un ECG avant l’instaurationd’un traitement antipsychotique et de vérifier la kaliémie.Il n’est toutefois pas aisé de pratiquer ces examens defaçon systématique, surtout en ambulatoire.

Parallèlement à ces effets indésirables, il faut néan-moins souligner que les nouveaux produits diminuent lasédation et la stigmatisation liée aux effets neurologiques,modifiant l’approche du patient.

L’une des questions centrales en pratique psychiatri-que est de déterminer, pour un patient atteint de schizo-phrénie, le niveau d’amélioration symptomatique et derémission fonctionnelle qu’il est légitime de viser. Cettequestion dépend bien sûr en grande partie de celle du rap-

O. Canceil L’Encéphale, 2006 ;

32 :

927-8, cahier 4

S 928

port efficacité/tolérance. L’objectif doit satisfaire à la foisle patient et sa famille, le rôle du médecin étant soit delimiter des ambitions irréalistes, soit au contraire d’êtreplus exigeant et ambitieux que le patient ou sa famille, quipeuvent être découragés par la lourdeur du tableau clini-que.

La recherche d’une efficacité optimale ne règle pas leproblème de l’observance médicamenteuse, mais ellepermet l’intégration par le patient d’une expérience posi-tive du traitement, et pourra favoriser dans un secondtemps, en cas de rupture thérapeutique ou de rechute, unereprise du traitement dans de meilleures conditions.


Recommended