Henri TEDONGMO TEKO
L’entrepreneur social à l’épreuve de
la culture nationale en contexte africain :
une étude de cas au Cameroun
Aimé Norbert MELINGUI AYISSI
Dynamique entrepreneuriale en milieu
rural et développement communautaire
au Cameroun :
cas du Département de la Lékié
Jeannette LEUMAKO NONGNI
Responsabilité sociale et environnementale
dans une entreprise agro-industrielle au
Cameroun : une analyse en termes de
parties prenantes
Robert NKENDAH
Analyse de l’environnement du commerce
transfrontalier pour un développement
durable des pays membres de la CEMAC
Tibi Didier ZOUNGRANA
Analyse des e
commerciale sur la croissance économique
et la pollution atmosphérique au
Burkina Faso
Edition 2018
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INNOVATION ENTREPRENEURIALE ET
DÉVELOPPEMENT DURABLE EN AFRIQUE
Dossier spécial de la Revue de ESCA Ecole de Management
Coordonné par
Emmanuel KAMDEM
Avec la collaboration de
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SOMMAIRE
Mot du Président de ESCA Ecole de Management
Thami GHORFI…..………….…….……………………….…………………
Note éditoriale
Emmanuel KAMDEM…………………………………………………………
L’entrepreneur social à l’épreuve de la culture nationale en contexte africain :
une étude de cas au Cameroun
Henri TEDONGMO TEKO……………………………………………………
Dynamique entrepreneuriale en milieu rural et développement communautaire au
Cameroun : cas du Département de la Lékié
Aimé Norbert MELINGUI AYISSI..……………………………………………
Responsabilité sociale et environnementale dans une entreprise agro-industrielle au
Cameroun : une analyse en termes de parties prenantes
Jeannette LEUMAKO NONGNI.………………………………………………
Analyse de l’environnement du commerce transfrontalier pour un développement
durable des pays membres de la CEMAC
Robert NKENDAH…………….…………………………………………………
Analyse des effets de l’ouverture commerciale sur la croissance économique et la
pollution atmosphérique au Burkina Faso
Tibi Didier ZOUNGRANA…………………………………..…………………
Présentation des auteurs………………………………………………………
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MOT DU PRÉSIDENT DE ESCA Ecole de Management
Thami GHORFI
Les institutions universitaires ont un rôle majeur à jouer dans la mise en lumière les grandes tendances en
Afrique. Le continent africain n’a jamais été en ébullition autant que depuis le début de ce millénaire. Mutations
dans les modes de gouvernances, les peuples expriment plus que jamais leur soif de démocratie, de plus
d’éducation et de volonté de s’approprier leurs destins. Mutations économiques pour pratiquement tous les pays
d’Afrique, avec volonté de reconnaître plus que jamais le rôle de l’entrepreneur et du secteur privé dans la
dynamique de création de richesse. L’Afrique cherche à libérer les énergies de ses entrepreneurs, à montrer les
succès, à reconnaître les capacités de ceux qui montrent le chemin et créent de l’espoir auprès de centaines de
millions de jeunes. Les mutations économiques viennent aussi des réalités qui s’imposent aux économies
africaines. Après avoir vendu leur produits et leurs richesses (minerais, agriculture…) en l’état brut, les africains
ont compris que les crises mondiales successives et multiformes ne constituaient aucune opportunité réelle. Le
ralentissement de l’économie chinoise, la crise économique en Europe, la crise des matières premières dans le
monde, la chute des prix du pétrole, amènent les Chefs d’Etats à engager leurs pays dans la transformation de
leurs ressources naturelles. A cela, il faudra rajouter la belle illustration de la dynamique entrepreneuriale dans
des dizaines de pays africains. Dans un environnement difficile voire hostile, les africains font de
l’entrepreneuriat une source de subsistance, d’existence, de création de richesse et de réalisations. Ils ont une
capacité d’innovation qui leur est propre. Ils la tiennent de leur enracinement dans leurs cultures, leurs sociétés,
leurs contextes, leurs réalités. D’ailleurs le BCG dans un récent rapport dédié à l’Afrique « La nouvelle
concurrence des "Lions africains" »1, démontre la capacité des entreprises africaines locales à gagner des parts
de marché face aux multinationales, y compris les mastodontes mondiaux. Un des facteurs de réussite de ces
entreprises réside en leur capacité d’innovation, pragmatique, tactique et adaptée aux attentes de leurs marchés.
Les entrepreneurs africains savent qu’ils doivent aller vite et être au rendez-vous des consommateurs, de cette
classe moyenne qui ne fait que grossir, de cette urbanisation accélérée, de cette jeunesse qui aspire à un avenir
meilleur. Ils savent aussi que les attentes des parties prenantes sont démesurées. Les entreprises qui réussissent
sont celles qui savent s’engager en retour vis à vis de la collectivité, du village, de la ville ou du pays. Les
travaux présentés dans cet ouvrage témoignent de cette double dimension d’innovation entrepreneuriale et de
développement durable. Les entrepreneurs intègrent dans leur stratégie des principes de base de responsabilité,
de précaution, d’anticipation et de participation. Ils sont à l’écoute des populations auxquelles sont destinés leurs
produits ou services. Ils savent qu’il est essentiel de préserver l’environnement qui regorge de richesses.
L’Afrique est devenue le plus espace d’expériences d’innovations sociales, visant à soutenir et renforcer
l’inclusion des populations. Cet entrepreneuriat social est une solution en soi d’ailleurs, mais ne peut être
suffisante. L’Afrique a besoin de soutenir tous les entrepreneurs qui cherchent à saisir les opportunités et à
contribuer à créer de la valeur ajoutée dans les territoires où sont ces mêmes opportunités. Les travaux de
recherche académiques menés dans le cadre de l’INSEAM, démontrent la cohérence de cette double exigence :
entreprendre et cultiver la responsabilité.
1 Dueling with Lions, Playing the New Game of Business Success in Africa, The Boston Consulting Group, Patrick Dupoux,
Lisa Ivers, Adham Abouzied, Abdeljabbar Chraiti, Fatymatou Dia, Hamid Maher, and Stefano Niavas. November 2015
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NOTE ÉDITORIALE
Emmanuel KAMDEM
Ce dossier spécial s’inscrit dans la continuité de la parution, en 2016, de l’ouvrage collectif, Innovation
entrepreneuriale et développement durable en Afrique : défis et opportunités, Paris, L’Harmattan. L’ouvrage a publié les
contributions validées par le comité scientifique du colloque organisé à Paris, du 20 au 21 février 2014, par l’Institut Euro-
Africain de Management (INSEAM), réseau d’excellence des business schools africaines. Le dossier spécial publie les
contributions validées par le comité scientifique et qui, pour différentes raisons compréhensibles liées à l’indisponibilité des
contributeurs, n’ont pas été présentées au colloque.
Henri TEDONGMO TEKO (Université de Yaoundé I et CÉRAME, Université de Douala) propose une analyse
théorique et pratique du lien entre l’entrepreneuriat social et la culture nationale : « L’entrepreneur social à l’épreuve de la
culture nationale en contexte africain : une étude de cas au Cameroun ». L’auteur défend la thèse selon laquelle
l’émergence de l’entrepreneuriat social en contexte camerounais n’est pas du tout déconnectée des structures sociales et des
processus sociaux. Il explique comment l’entrepreneuriat social, défini comme un modèle d’entrepreneuriat qui n’est pas
exclusivement guidé par la quête de la rentabilité financière et de la création de la valeur actionnariale, peut être une source
créatrice d’emplois ; contribuant ainsi à la réduction de la pauvreté, surtout dans les couches sociales défavorisées longtemps
limitées aux activités de débrouillardise.
Aimé Norbert MELINGUI AYISSI (Université de Douala, Cameroun) s’intéresse principalement à la
construction de la dynamique entrepreneuriale dans une communauté territoriale camerounaise : « Dynamique
entrepreneuriale en milieu rural et développement communautaire au Cameroun : cas du Département de la Lékié ».
Cette construction a débuté avec la faillite de la culture du cacao, principal produit agricole principalement destiné à
l’exportation. La faible compétitivité internationale de la production nationale de cacao a progressivement conduit à
l’abandon de cette culture par les populations rurales. Pour assurer leur survie, celles-ci se sont lentement et difficilement
engagées dans un processus de reconversion professionnelle ; par la création d‘activités génératrices de revenus, notamment
dans le commerce des biens de consommation.
Jeannette LEUMAKO NONGNI (Université de Yaoundé I, Cameroun), présente l’expérience d’une entreprise
agro-industrielle dans le domaine de la RSE : « Responsabilité sociale et environnementale dans une entreprise agro-
industrielle au Cameroun : une analyse en termes de parties prenantes ». Cette entreprise, anciennement propriété de
l’État a été privatisée et rachetée par une firme multinationale étrangère. Elle a connu une crise organisationnelle profonde
qui a failli remettre en question sa pérennité. La riposte de la direction s’est traduite par l’élaboration et la mise en œuvre
d’un programme ambitieux de RSE qui a permis, entre autres, de réduire considérablement les externalités négatives de
l’activité agro-industrielle ; de mobiliser l’implication des salariés et des populations locales dans le fonctionnement de
l’entreprise ; de réduire les sources des tensions conflictuelles entre l’entreprise, ses salariés et les populations.
Robert NKENDAH (Université de Douala, Cameroun) explique l’impact considérable du commerce
transfrontalier sur la promotion du développement durable : « Analyse de l’environnement du commerce transfrontalier
pour un développement durable des pays membres de la CEMAC ». L’auteur analyse les caractéristiques du commerce
frontalier entre trois pays d’Afrique centrale (Cameroun, Gabon, Guinée Équatoriale). Il examine aussi la contribution de
cette activité commerciale à l’amélioration du pouvoir d’achat des principaux acteurs et des conditions de vie des populations
frontalières de ces trois pays. Les résultats montrent un déséquilibre considérable entre ces trois pays, au profit du Cameroun
qui semble tirer les meilleurs avantages de l’activité commerciale transfrontalière. Celle-ci est principalement dominée par
l’exportation-importation des produits agricoles destinés à la consommation alimentaire.
Tibi Didier ZOUNGRANA (Université Aube Nouvelle, Ouagadougou, Burkina Faso) s’inscrit dans la même
perspective d’analyse de l’activité commerciale : « Analyse des effets de l’ouverture commerciale sur la croissance
économique et la pollution atmosphérique au Burkina Faso ». En adoptant le modèle d’analyse inspiré de la courbe
environnementale de Kuznets (CEK), appliqué sur des données macroéconomiques du Burkina Faso, l’auteur fait un constat
significatif. La libéralisation économique et l’ouverture commerciale ont une très faible influence sur la croissance
économique et la pollution atmosphérique dans ce pays. Ce constat permet de revisiter et de nuancer les discours
actuellement dominants sur les facteurs et les conséquences de la croissance économique en Afrique. Il permet aussi de
relancer le débat en cours sur la vision et les pratiques de développement durable en Afrique.
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L’ENTREPRENEURIAT SOCIAL À L’ÉPREUVE DE LA CULTURE NATIONALE
EN CONTEXTE AFRICAIN : ÉTUDE DE CAS AU CAMEROUN
Henri TEDONGMO TEKO
Résumé
L’objectif de notre recherche est de contribuer à l’analyse du lien entre l’entrepreneuriat social et la
culture nationale en contexte africain. En nous appuyant sur l’étude de deux mini-cas d’entrepreneurs sociaux
au Cameroun, nous allons au-delà d’une conception statique et homogène de la culture nationale. Nous
identifions et analysons les comportements entrepreneuriaux qui émergent sous l’effet d’une culture nationale
dynamique et constamment reconfigurée par des acteurs locaux. Notre recherche permet ainsi d’identifier des
singularités distinctives de l’entrepreneur social et de révéler la complexité des formes de construction de
l’entrepreneuriat social en contexte africain. Nous montrons aussi que l’entrepreneuriat social peut offrir des
opportunités considérables, en termes de création d’emplois décents et d’amélioration des conditions de vie
pour les populations généralement exclues du système économique ultra-libéral. Toute cette démarche s’inscrit
dans la perspective du développement durable en contexte africain.
Mots clés : Entrepreneuriat social, culture nationale, développement durable, Cameroun.
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THE SOCIAL ENTREPRENEURSHIP IN THE EVENT OF NATIONAL CULTURE
IN AFRICAN CONTEXT: CASE STUDY IN CAMEROON
Abstract
The aim of our research is to contribute to the analysis of the link between social entrepreneurship
and national culture in an African context. Based on the study of two mini-cases of social entrepreneurs in
Cameroon, we go beyond a static and homogeneous conception of national culture. We identify and analyze
entrepreneurial behaviors emerging as a result of a dynamic national culture constantly reconfigured by local
actors. Our research thus makes it possible to identify the distinctive singularities of the social entrepreneur and
to reveal the complexity of the forms of construction of social entrepreneurship in the African context. We also
show that social entrepreneurship can offer considerable opportunities in terms of creating decent jobs and
improving living conditions for populations generally excluded from the ultra-liberal economic system. This
approach is in line with sustainable development in the African context.
Keywords: Social entrepreneurship, national culture, sustainable development, Cameroon.
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INTRODUCTION
L’entrepreneuriat social apparaît de plus en plus comme un champ fécond d’observation des pratiques
entrepreneuriales (Pache et Sibieude, 2011). En fait, depuis les années 90, émergent, disparaissent ou survivent
chaque jour des organisations locales, nationales, régionales ou internationales que la littérature scientifique
considère de plus en plus comme étant des entreprises sociales (Weisbrod, 1998 ; Boncler et Hlady-Rispa, 2003 ;
Draperi, 2010).
Plus qu’un ensemble de pratiques, l’entrepreneuriat social est un phénomène très ancien, redevenu un
phénomène de mode qui s’impose avec plus ou moins de succès dans les sociétés africaines ; à la faveur de
l’émergence du concept de développement durable (Abéga, 1999 ; Sebisogo, 2005). Cependant, malgré l’intérêt
croissant accordé à l’étude de l’entreprise en Afrique, l’entreprise sociale reste une réalité peu étudiée. Elle ne
l’est généralement qu’en comparaison avec les entreprises capitalistes, dans le but de la distinguer de celles-ci.
Ce constat n’est pas seulement valable dans le contexte africain. Selon Emin et Schieb-Bienfait (2009, p. 4), qui
abordent la question dans la perspective de l’économie sociale et solidaire, cette dernière est « un véritable
creuset de spécificités entrepreneuriales, encore trop peu étudiées dans l’univers des sciences humaines et
sociales. » Peu d’études s’intéressent au lien entre l’entrepreneur social et les formes de conduites
entrepreneuriales dominantes ou émergentes dans ce modèle économique (Autes, 2006).
Notre recherche vise précisément à montrer en quoi l’épreuve de la culture nationale, à laquelle ne peut
se soustraire l’entrepreneur du secteur capitaliste en contexte africain, est encore plus intéressante lorsqu’elle est
mobilisée dans l’analyse des dynamiques entrepreneuriales. Nous allons au-delà d’une conception statique et
homogène de la culture nationale pour identifier et analyser les expériences entrepreneuriales émergentes, sous
l’effet d’une culture nationale dynamique et constamment reconfigurée par des acteurs locaux.
L’entrepreneur social est en réalité, plus que l’entrepreneur du secteur capitaliste, soumis à une double
contrainte. Il s’agit, d’abord, de la conservation d’une forme contingente de conduite entrepreneuriale. Ensuite, il
y a l’assimilation de modèles entrepreneuriaux universalistes, prônés soit par les pouvoirs publics, soit par les
organismes internationaux de développement. La reproduction de ces modèles supposés universels conditionne
parfois l’accès aux financements et aux subventions.
Plus précisément, face à l’échec croissant des entreprises en Afrique, la principale raison évoquée par
les partenaires au développement est l’absence de l’esprit d’entreprise. C’est dans cette perspective que ces
derniers élaborent et mettent en œuvre des programmes de « renforcement des capacités » des entrepreneurs
sociaux. L’objectif de ces programmes est de diffuser en Afrique le modèle de référence de la réussite
entrepreneuriale. Toutefois, malgré ces initiatives pédagogiques, la réussite de l’entreprise sociale selon le
modèle des bailleurs de fonds est encore assez problématique (Abéga, 1999 ; Eboussi Boulaga, 1999).
Le choix de l’environnement camerounais nous semble fécond puisque ce pays de l’Afrique centrale
connaît déjà, depuis quelques années, une forte émergence d’entreprises sociales dont la dynamique
entrepreneuriale mérite d’être mieux élucidée (Banégas et Warnier, 2001). Cette situation nouvelle se traduit
aussi par de nouveaux itinéraires d’accumulation qui se construisent dans le sillage d’une culture entrepreneuriale
émergente. Cette dernière s’articule désormais autour d’une double logique d’accumulation (personnelle et
communautaire).
En nous appuyant sur l’étude de deux mini-cas d’entrepreneurs sociaux de générations différentes, nous
relevons l’influence que l’hétérogénéité et la complexité de la culture nationale a sur les formes de construction
de l’entreprise sociale. L’analyse proposée s’inspire de la sociologie des logiques d’action de l’entrepreneur
social en contexte africain. Elle vise un double objectif : d’une part, comprendre l’influence de la culture
nationale sur le comportement de l’entrepreneur social ; et d’autre part, décrypter les rationalités mobilisées par
ce dernier pour réussir son projet entrepreneurial.
Trois articulations principales constituent l’ossature de ce texte. Nous procédons d’abord à la revue de
littérature autour des notions d’entrepreneuriat social, de culture et de culture nationale. Ensuite, nous présentons
le contexte de la recherche, la méthodologie et les deux mini-cas d’étude. Enfin, nous proposons une discussion
critique de ces derniers ; en dégageant les implications pour la recherche dans ce domaine.
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REVUE DE LITTÉRATURE
L’entrepreneuriat social n’est pas un phénomène nouveau, puisqu’il est déjà présent dans le champ de
recherche sur l’économie sociale et solidaire. Selon Boncler et Hlady-Rispa (2003, p. 13), en Europe, c’est « au
Moyen-âge dans les guildes, les confréries et jurandes, les corporations et compagnonnages » qu’il faut
chercher les origines de ce phénomène. Selon Sibille (2009, p. 279), ce phénomène a connu un regain d’intérêt
aux États-Unis dans les années 1990 : « La Social Enterprise Initiative est lancée en 1993 par la Harvard
Business School et de grandes fondations qui mettent sur pied des programmes de soutien aux entrepreneurs
sociaux. »
Définition et caractéristiques de l’entrepreneuriat social
La notion d’entrepreneuriat social connaît un champ de définitions divers comme celle d’entrepreneuriat
(Defourny, 2005). Verstraete (2001, p. 5) fait le constat suivant : « Il n’y a pas de consensus sur une théorie
unique de l’entrepreneuriat, encore moins une définition univoque. » Les définitions de l’entrepreneuriat social
varient selon que le phénomène est considéré comme un ensemble de pratiques assimilables à l’entrepreneuriat
capitaliste, ou selon qu’il est considéré comme un projet politique. Mais, de manière générale, plusieurs auteurs
s’accordent à considérer l’entrepreneuriat social comme un sous-champ d’étude dans le champ général de
l’entrepreneuriat. Selon Draperi (2010, p. 15), « les entreprises sociales sont des entreprises à finalité sociale,
sociétale ou environnementale et à lucrativité limitée. » Dans cette perspective, l’entrepreneuriat social peut être
défini comme « une conception politique qui promeut des entreprises ayant pour finalité de traiter la pauvreté,
l’exclusion et les atteintes à l’environnement. » Sont classés dans cette forme d’entrepreneuriat, les associations,
les mutuelles, les organisations non gouvernementales (ONG), les coopératives, les syndicats et les fondations.
Quelques traits caractéristiques permettent de distinguer l’entrepreneuriat social. Rousseau (2007) en
distingue principalement deux : d’une part, la dimension collective de l’action dans laquelle s’inscrit la fonction
du dirigeant qui implique un savoir-faire spécifique pour associer les parties prenantes du projet ; d’autre part, la
récurrence d’une tension permanente entre la performance économique et la performance sociale.
Hazard (2012, p. 1) soutient que la motivation et les objectifs de l’entrepreneur social le distinguent de
l’entrepreneur capitaliste. Pour Sibieude (2012, p. 85), « l’entrepreneur social est un acteur de changement dont
l’action est guidée avant tout par la maximisation de son impact social, et sa recherche de logique économique
est mise en œuvre comme un moyen d’y parvenir et non comme une fin. »
De manière générale, l’entrepreneuriat social fait référence à des initiatives qui se caractérisent par la
primauté accordée à la dimension sociale ; par la création de la valeur ; par la recherche de l’intérêt collectif.
L’on peut aussi mentionner le souci manifeste de concilier l’économique et le social ; de réaliser une hybridation
entre les pôles (marchand et non marchand), entre les dimensions (mercantiliste et non mercantiliste) de
l’économie. Par ailleurs, ces initiatives sont pour la plupart conduites par plusieurs personnes. Dans cette
perspective, l’entrepreneur social est davantage un entrepreneur collectif très fortement connecté à son
environnement de proximité (Obrecht, 2009).
L’entrepreneuriat social en Afrique
L’intérêt accordé à l’entrepreneuriat social en Afrique se traduit, depuis plusieurs années, par l’analyse
des dynamiques organisationnelles de l’économie sociale et solidaire. Face à la conception néo-libérale de
l’économie, aux crises économiques, sociales, culturelles et politiques qui ont profondément marqué et fragilisé
les sociétés africaines, le paradigme de l’économie sociale est de plus en plus présenté comme un paradigme
fondamental dans l’étude des dynamiques sociales africaines ; et comme un levier déterminant pour
l’amélioration des conditions de vie des populations. Selon Sebisogo (2005, p. 67), « l’économie sociale ailleurs
qualifiée d’économie populaire est la base économique du continent africain. »
Les recherches menées dans le cadre de l’économie sociale en Afrique soulignent, à quelques exceptions
près, la nécessité d’une rupture épistémologique d’avec les postures à référence occidentale. Cette rupture
apparaît comme nécessaire, afin de développer des grilles de lecture appropriées pour l’analyse des expériences
entrepreneuriales africaines. Cette démarche se retrouve dans les travaux de plusieurs auteurs. De Villers (1992),
par exemple, la mobilise pour analyser la dynamique d’émergence des phénomènes informels en Afrique.
Peemans (1997) s’inspire de cette démarche pour identifier des approches de réinvention du développement en
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République démocratique du Congo. Assogba (2004) analyse les dynamiques organisationnelles de l’économie
sociale et populaire en Afrique, dans le cadre de la sociologie de la vie quotidienne et de l’économie populaire en
Afrique. Selon cet auteur, « la sociologie de la vie quotidienne semble bien appropriée à une analyse des
activités d’économie sociale et populaire sous l’angle des dynamiques sociales. » (Assogba, 2004, p. 17). Diop
et Benoist (2007) font l’analyse socio-anthropologique des activités associatives en Afrique, en relevant leur
complexité et leur enracinement culturel.
Tous ces auteurs soulignent la nécessité d’élaborer de nouveaux cadres épistémologiques pour l’analyse
de l’économie sociale en Afrique. Cela revient à s’intéresser aux dynamiques sociales à l’œuvre dans les sociétés
africaines, sous l’impulsion des entrepreneurs sociaux ; au poids des logiques sociales et de proposer un ou des
modèles pouvant faciliter l’émergence et la réussite de l’esprit d’entreprise fortement enraciné dans
l’environnement socio-anthropologique (Kamdem, 1999)
L’un des dénominateurs communs des études sur l’entrepreneuriat social en Afrique est le
désengagement de l’État dans la plupart des pays. Ce désengagement, qui a été plus ou moins imposé aux pays
africains sous la forme de Plans d’ajustement structurel (PAS) et de mesures d’austérité, a considérablement
réduit la marge de manœuvre de l’État en tant que pourvoyeur d’emplois ; garant de la sécurité alimentaire et
sociale ; et principal acteur de la croissance économique (Abéga, 1999 ; Maphosa, 1998).
Cette situation a contribué à de profondes transformations qui ont affecté tous les secteurs des sociétés
africaines entraînant de fait, la privatisation systématique de l’économie ; la réduction des effectifs dans la
fonction publique ; l’émergence des crises (sociale, culturelle, politique) (Banégas et Warnier, 2001). Cependant,
face à cette situation, on observe quelques initiatives de résistance qui se veulent entrepreneuriales et qui sont
impulsées par des acteurs qui se positionnent comme des partenaires de l’État : « Après plusieurs décennies
pendant lesquelles l’État était au cœur de l’activité entrepreneuriale en Afrique, nous observons aujourd’hui
une transformation manifeste quoique lente et difficile de l’environnement institutionnel africain. » (Kamdem,
2001, p. 28).
L’Afrique offre à la recherche, dans le champ de l’entrepreneuriat social tout comme dans celui de
l’entrepreneuriat de manière générale, un terrain d’observation des « constructions entrepreneuriales » (Copans,
1995, p. 132), à la fois dynamiques, contingentes et diversifiées (Kamdem, 1996, 2001, 2002). Maud (2008, p. 1)
relève cette réalité en ces termes : « Les contextes de crise et d’ultralibéralisme qui traversent actuellement
l’Afrique façonnent un grand nombre d’entrepreneurs d’un nouveau genre : ils ne sont pas forcément
commerçants, promoteurs, petits patrons ou businessmen du secteur informel, mais ils évoluent dans d’autres
mondes sociaux. »
L’entreprise sociale en Afrique apparaît aujourd’hui comme une parfaite vitrine d’observation des
ripostes des populations africaines face à la crise du modèle libéral de l’économie de marché (Eboussi Boulaga,
1999 ; Assogba, 2004 ; Sebisogo, 2005). Cette entreprise est à la fois le lieu où se révèlent de nouvelles logiques
managériales et le lieu où se structurent au quotidien les rationalités des acteurs économiques. Qu’elle prenne la
forme d’une association, d’une société coopérative, d’un groupe d’initiative commune (GIC) ou d’une
organisation non gouvernementale (ONG), l’entreprise sociale en Afrique est une réalité problématique pour les
sciences sociales ; mais aussi, pour les dirigeants des sociétés africaines. À cet effet, il est utile d’explorer les
notions de culture et de culture nationale, afin de mieux cerner l’entreprise sociale en contexte africain avec ses
spécificités et ses réalités.
Culture : une notion polysémique et controversée
Notion polysémique (Cuche, 1996), son émergence s’inscrit dans le courant des travaux sur le
management comparatif des années 1950 à 1970 (Livian, 2011). Dans le cadre de notre recherche qui fait un
focus sur la culture nationale, nous présentons d’abord les principales approches de cette notion ; ensuite, les
approches pertinentes relativement au contexte africain.
Plusieurs modèles classiques d’analyse de la culture peuvent être identifiés. Dans ses travaux sur les
relations entre les Indiens Hopis et Navajos et leurs environnements (institutionnel et culturel), Hall (1971)
présente la culture comme un système de communication. Son modèle conceptuel est constitué des trois
dimensions suivantes : le contexte, l’espace et le temps.
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Pour Hofstede (1980), la culture est une programmation mentale de l’ensemble des façons de penser,
d’agir ou de réagir qu’un individu intériorise à travers un apprentissage continu et très souvent inconscient. Le
modèle proposé par cet auteur décrit cinq dimensions culturelles (distance au pouvoir ; intolérance face à
l’incertitude ; individualisme-collectivisme ; masculinité-féminité ; orientation à long terme).
Trompenaars et Hampdon-Turner (1997) proposent une classification des cultures suivant la
combinaison des modèles comportementaux et de valeurs. Ils identifient huit dimensions culturelles des
dirigeants d’entreprises (universalisme-particularisme ; espace ; individualisme-collectivisme ; spécifique-diffus ;
neutre-affectif ; accomplissement-attribution ; perspective temporelle ; relation avec l’environnement.
Ces trois conceptions de la culture restent dominantes dans le champ de la recherche en sciences
sociales (Tsui et al., 2007). Elles mettent principalement en valeur « un ethnocentrisme occidental déguisé »
(Livian, 2011, p .7) qui transparaît de l’opposition qu’elles font entre « la souplesse et le caractère démocratique
des valeurs occidentales » d’une part et « le caractère rigide et autoritaire des valeurs dominantes en Asie ou en
Afrique d’autre part. » (Livian, 2011, p. 6).
Culture nationale : perspectives d’analyse en contexte africain
D’Iribarne (1989) a proposé une analyse comparée de la notion de culture nationale, pour comprendre
les différences observées dans les pratiques managériales de trois pays occidentaux (France, Hollande, États-
Unis). En Afrique, tout comme en Occident, l’analyse de la culture nationale peut suggérer des convergences et
des divergences suivant les régions et les pays. L’échec relatif des modèles d’entrepreneuriat et de management
importés d’Occident, et les formes originales de comportements entrepreneuriaux observés au sein des sociétés
africaines, justifient l’actualité de la culture nationale dans la recherche sur l’entrepreneuriat.
Il existe une intéressante littérature sur ce sujet, en contexte africain. De cette littérature, trois
principales approches se dégagent. La première est une approche universaliste. Celle-ci s’appuie sur un ensemble
de pratiques de gestion à l’occidentale considérées comme bonnes (« best practices ») et sur un style de
leadership et de management considéré comme étant le meilleur (« one best way »). Pour les défenseurs de cette
approche, la culture nationale est considérée comme le principal facteur responsable du faible taux de création
des entreprises ; ainsi que des échecs observés en contexte africain. Ils préconisent donc une instrumentation à
l’occidentale des pratiques de management (Etounga-Manguellé, 1990 ; Monga, 1993).
La deuxième est une approche contingente. Celle-ci s’appuie sur l’échec des modèles importés en
Afrique et recommande de prendre en compte l’influence des réalités socio-culturelles africaines dans les
pratiques de gestion. La culture nationale est ici considérée comme une variable explicative de la réussite
entrepreneuriale et de la performance managériale. Selon les défenseurs de cette approche, la réussite
entrepreneuriale en contexte africain passe par la mobilisation des savoir-faire endogènes. Ils recommandent une
instrumentation à l’africaine des pratiques de gestion. Garofoli (1992) par exemple souligne qu’en Afrique, le
milieu se présente comme « un ensemble de facteurs historico-socio-culturels, qui se sont sédimentés dans la
communauté et les institutions locales. »
La troisième approche est une approche contextualiste. Celle-ci préconise une instrumentation mixte des
pratiques de gestion qui tient compte à la fois des pratiques développées à l’extérieur et des pratiques
développées en contexte africain. Le plus important ici est de développer et de mettre en œuvre des pratiques de
gestion adaptées au contexte. L’entrepreneur est considéré comme un acteur qui agit en contexte et qui est
socialement encastré. Loin de soutenir l’existence d’une exception africaine du phénomène entrepreneurial, cette
approche permet en fait de développer des pratiques entrepreneuriales qui correspondent aux réalités de chaque
contexte. Les perspectives néo-institutionnalistes (Maguire, Hardy et Lawrence, 2004), néo-pluralistes (Ackers,
2002) et socio-anthropologiques (Kamdem, 2002, 2015 ; Mutabazi, 2001, 2006) s’inscrivent dans cette
approche.
Ces trois approches ne sont pas exhaustives. Chacune d’elles aborde, selon une posture donnée, le lien
entre la culture nationale et la dynamique entrepreneuriale en contexte africain. Les développements théoriques
antérieurs nous conduisent à formuler une proposition de recherche sur les interactions entre la culture nationale
et l’entrepreneuriat social en contexte camerounais.
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Modélisation conceptuelle
Notre cadre conceptuel d’analyse est inspiré du modèle de l’hybridation culturelle développé par Hall
(1991, 1995). Pour cet auteur, « la mondialisation nous oblige à conceptualiser la culture de manière
nouvelle. » (Hall, 1995, p. 178). Cette approche dynamique et renouvelée de la culture permet d’articuler les
niveaux structurel et individuel dans l’analyse de la culture nationale (Erez et Gati, 2004).
Avec le choc des identités et des cultures du fait de la disparition des barrières du temps et de l’espace,
la culture nationale ne peut plus être définie par la pureté, l’essence, la spécificité ou l’authenticité, mais plutôt
par l’hybridité. En effet, « au sein d’un même pays, coexistent des éléments culturels anciens, des éléments
importés, des métissages innovants et des "bricolages" en tous genres que la recherche classique a bien du mal
à appréhender. » (Livian, 2011, p.17).
La modélisation conceptuelle de notre analyse fait référence au modèle d’association entre la culture et
le processus entrepreneurial, proposé par Hayton, George et Zahra (2002). Ce modèle découle des travaux
empiriques sur la relation entre la culture nationale, l’entrepreneuriat et les caractéristiques de l’entrepreneur. Les
motivations, les croyances et les comportements, la cognition et les valeurs culturelles constituent les dimensions
de la culture nationale. Dans ce modèle, la culture est considérée comme « le régulateur/catalyseur de la relation
entre les facteurs contextuels et le comportement entrepreneurial. » (Bayad et Bourguiba, 2006, p. 13).
Figure 1 : Modèle d’association entre la culture et le processus entrepreneurial (Hayton, George et Zahra,
2002).
Source : Hayton, George et Zahra (2002).
Ce modèle permet d’articuler les niveaux structurel et individuel dans l’analyse de la culture nationale. Il
permet aussi d’étudier les différentes phases du processus entrepreneurial à partir des différentes logiques
d’action mobilisées par les différents entrepreneurs sociaux. Il permet enfin d’observer comment des acteurs
locaux construisent leur processus entrepreneurial, tout en étant influencés par le contexte dans lequel ils opèrent.
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CONTEXTE, MÉTHODOLOGIE ET PRÉSENTATION DES MINI-CAS
Nous présentons ici le contexte et la méthodologie de recherche, les deux mini-cas étudiés.
Contexte
Le Cameroun est un terrain privilégié pour l’analyse du rapport entre l’entrepreneuriat social et la
culture nationale en contexte africain. Ce pays est principalement caractérisé par « une diversité ethnique sans
pareil » (Evina Akam et Mimché, 2010) ; « un statut colonial particulier » (Temgoua et Saha, 2010) ; « le
processus d’accession à l’indépendance le plus sanglant d’Afrique centrale » (Kenné, 2010). En effet, « plus
que tout autre pays, le Cameroun est constitué de tant de diversités qu’il a fini par prendre le nom symbolique
d’Afrique en miniature. C’est cette africanité du Cameroun, c’est sa multiculturalité, qui définit également son
propre défi. » (Mono Ndjana, 2010, p. 5).
L’étude des itinéraires d’accumulation au Cameroun par Geschiere et Konings (1993) ; les travaux de
Warnier (1993) sur l’esprit d’entreprise au Cameroun ; ceux de Kamdem et Fouda Ongodo (2000) sur les faits et
les méfaits de l’ethnicité dans les pratiques managériales au Cameroun ; sont autant de contributions importantes
qui soulignent la pertinence de la prise en compte de la variable culturelle dans l’analyse des pratiques
entrepreneuriales managériales dans l’environnement camerounais.
L’observation attentive de cet environnement multiculturel est susceptible de contribuer à la
compréhension des transformations à l’œuvre dans les sociétés africaines. Elle permet aussi de renouveler le
débat sur le lien entre la culture nationale et l’entrepreneuriat social. Ce lien émerge et se développe, sous des
formes de plus en plus complexes, depuis la période coloniale et à la faveur de l’échec des mesures d’austérité
(Abéga, 1999). Cet environnement offre également les meilleures conditions empiriques pour la mobilisation du
modèle d’association d’Hayton, George et Zahra (2002).
Méthodologie
Notre méthodologie est qualitative. Nous avons retenu deux mini-cas qui correspondent à des formes
d’entreprises sociales engagées dans des activités d’amélioration des conditions de vie des populations en milieu
rural. Ces deux mini-cas permettent de construire la relation entre la culture nationale et l’entrepreneuriat social.
Ils présentent des expériences antinomiques et représentatives de deux modèles d’utilisation de la culture dans le
contexte actuel du Cameroun : l’instrumentalisation négative de la culture nationale (forme universaliste) et la
mobilisation positive de la culture nationale (forme contingente). Par ailleurs, un autre critère important a été pris
en compte dans la sélection des mini-cas : l’appartenance générationnelle des entrepreneurs. La première
expérience entrepreneuriale sociale est celle d’un groupe de jeunes âgés de moins de 25 ans. Dans la deuxième,
les membres de l’équipe entrepreneuriale sociale sont âgés de plus de 50 ans.
Pour rédiger les deux mini-cas, nous avons préparé un guide d’entretien autour des thématiques
suivantes : la démarche de création de l’entreprise ; le développement de l’entreprise ; l’ancrage territorial des
activités de l’entreprise. Ces entretiens ont été réalisés du 02 juillet 2013 au 18 septembre 2013. Ils ont été
enregistrés et complétés par l’observation des activités des deux catégories d’entrepreneurs depuis 2010. Ces
derniers étaient alors responsables des programmes au sein d’une organisation de la société civile œuvrant pour
la promotion des droits humains. Nous avons également associé à ces entretiens la recherche documentaire
relative aux activités des entrepreneurs sociaux concernés. Les personnes ayant vécu l’expérience de ces
entrepreneurs ont également été consultées. L’anonymat des personnes et des entreprises a été respecté et nous
leur avons donné des noms d’emprunt.
Le dépouillement a été effectué manuellement, pour l’analyse de contenu. Pour l’analyse thématique,
nous avons décrypté le contenu des discours pour reconstruire ce qui, d’un entretien à un autre, se réfère à la
problématique de notre recherche.
Mini-Cas 1 : L’entrepreneuriat social et l’instrumentalisation négative de la culture nationale
Messieurs Simo, Kameni, Todjo et Lontsi sont depuis 2001 promoteurs et dirigeants d’une association
de protection de l’environnement et de lutte contre le VIH/SIDA dans un village de l’Ouest du Cameroun. Ils
sont respectivement titulaires d’une licence en sciences juridiques, d’un baccalauréat A4, d’une licence en langue
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espagnole et d’une maîtrise en droit. Âgés respectivement de 22, 24, 20 et 25 ans, aucun d’eux n’exerce un
emploi stable. L’idée de créer l’association est née de Lontsi qui a effectué, en 2000, un stage de vacance au
siège de la représentation sous régionale de l’organisation non gouvernementale (ONG) CARE. Ce dernier décrit
son stage ainsi : « Pendant ce stage, j’ai découvert que les ONG recevaient beaucoup de financements et que je
pouvais moi aussi me lancer dans cette activité. Cependant, je ne pouvais pas me lancer seul. Il me fallait
chercher des associés qui avaient un profil crédible. » De retour au village pendant les vacances, il a convaincu
trois de ses amis et ensemble, ils ont décidé de créer une association.
En s’inspirant des connaissances acquises et des documents obtenus pendant son stage à CARE, Lontsi
et ses amis sont allés dans un cyber-café de la ville la plus proche de leur village ; pour recueillir des
informations sur les différentes possibilités de financement et sur les différents types de programmes. Sur la base
des informations obtenues, ils ont décidé de créer une association de protection de l’environnement et de lutte
contre le VIH/SIDA. Ces deux activités étaient les plus financées par les organismes internationaux. Kameni
déclare : « Une fois que nous avons créé notre association en la déclarant à la préfecture, nous avons commencé
à monter des projets et à postuler à des appels d’offre. Nous étions quatre et chacun de nous occupait un des
postes mentionnés dans le procès-verbal du dossier de création d’une association. »
Six mois après, l’un de leurs projets a été retenu pour le financement. Ils ont suivi plusieurs séminaires
de renforcement des capacités au cours desquels des experts venus de l’étranger leur montraient comment gérer
une association et comment organiser efficacement la lutte contre le VIH/SIDA. Ils ont également bénéficié d’un
financement à hauteur de 6 millions de francs CFA2 pour organiser une vaste campagne de sensibilisation des
jeunes et de dépistage gratuit du VIH. Lontsi déclare : « Lors de la réception de cet argent, nous nous sommes
partagés chacun un million de francs CFA. C’était notre business et on devait être les premiers à en profiter.
Nous avons également donné 500 000 F CFA aux 2 évaluateurs locaux du projet et ils ont transmis un rapport à
l’organisme qui finançait le projet, un rapport qui jugeait satisfaisante la réalisation du projet. »
En douze années d’existence, le bilan de cette association présente 5 projets réalisés dont 3 consacrés à
la lutte contre le VIH/SIDA et deux à la réalisation de 7 forages dans le village. Ces forages ne fonctionnent plus
depuis 4 ans. Ces 4 promoteurs sociaux roulent aujourd’hui dans des voitures luxueuses et vont très
régulièrement à l’étranger pour suivre des séminaires. Ils se présentent comme des experts en gestion des projets
et déclarent qu’ils ont des aptitudes pour concevoir des projets qui trouveront des financements. Plusieurs jeunes
associations font appel à leur expertise dans l’élaboration de leurs projets et en contrepartie, ils perçoivent un
pourcentage lorsque le projet est financé. Kameni conclut : « Nous faisons ce que tout le monde fait au
Cameroun. La chèvre broute là où elle est attachée. »
Mini-cas 2 : L’entrepreneuriat social et la mobilisation positive de la culture nationale
C’est en 2001 que messieurs Fampou, Tokam et Moyo décident de créer une association. Selon
Fampou, « nous avons créé cette association pour améliorer les conditions de vie dans notre village. » Ils sont
respectivement instituteur retraité (50 ans), ingénieur agronome retraité (62 ans) et infirmier retraité (55 ans). Ils
vivent dans leur village et se consacrent à diverses activités (agriculture, élevage, petit commerce, etc.). Au cours
de leurs discussions, chacun d’eux évoque avec nostalgie les expériences vécues pendant l’exercice de sa
profession antérieure. Un jour, l’ingénieur retraité affirme : « J’ai évoqué l’idée d’une association qui pourrait
fédérer les expériences des uns et des autres afin d’exploiter les énormes potentialités du village. Cette idée a été
adoptée par les autres et nous avons décidé d’en parler au chef du village. Ce dernier a approuvé l’idée et il
nous fallait maintenant trouver des financements. »
Le chef du village a institué une contribution obligatoire afin de constituer des ressources nécessaires
pour la réalisation des activités. Les contributions s’élevaient à 2000 FCFA pour chaque femme vivant au
village ; 5000 FCFA pour les hommes vivant au village ; 10 000 FCFA pour les femmes vivant en ville ; 20 000
FCFA pour les hommes vivant en ville. Chaque contributeur recevait un reçu de paiement qui était demandé
chaque fois qu’un membre de ce village voulait organiser une cérémonie traditionnelle (funérailles, initiation des
jumeaux, etc.)
Cinq ans après, cette association qui était toujours informelle avait un bilan très impressionnant : une
école primaire entièrement prise en charge par l’association des parents d’élèves a été créée ; une tontine a été
créée et le siège installé à la chefferie ; deux sources d’eau ont été aménagées pour les populations ; un centre de
2 1euro équivaut à 655 FCFA.
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santé pour les premiers soins a été également créé ; des champs et des petites fermes communautaires ont été
crées. L’école primaire est coordonnée par Fampou, instituteur retraité. L’établissement de micro-finance est
administré par le chef du village. Le centre de santé est coordonné par l’infirmier retraité. Les sources d’eau, les
champs et les fermes communautaires le sont par l’ingénieur retraité. Pour Moyo : « Nous avons été choisis pour
diriger les différentes activités parce que nous avions déjà chacun une expérience dans ces domaines. »
En 2007, l’école primaire et le centre de santé ont été reconnus par l’État ; les champs et les fermes
communautaires ont été placés sous l’administration d’une société coopérative légalisée ; la tontine est devenue
un établissement de micro-finance (EMF) ; l’association initialement créée par Fampou, Tokam et Moyo est
devenue un comité de développement légalisé en tant qu’association. Celle-ci regroupe tous les fils et filles du
village, résidants à l’intérieur ou à l’extérieur du village. Aujourd’hui, Fampou, Tokam et Moyo parlent avec
beaucoup de satisfaction de ce qu’ils ont fait pour leur village : « Nous nous sommes sacrifiés pour notre village
sans rien attendre en retour. Aujourd’hui, nous sommes fiers lorsque nous voyons les fruits de notre projet. Le
chef du village a même fait de nous des notables pour nous remercier. Nous sommes des exemples à suivre pour
les plus jeunes de notre village. »
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DISCUSSIONS ET IMPLICATIONS HEURISTIQUES
Ces deux mini-cas présentent des expériences entrepreneuriales principalement orientées vers
l’amélioration des conditions de vie et du bien-être des populations en situation de précarité. Chacune de ces
expériences reflète un processus entrepreneurial qui varie tant dans la démarche de création, dans le
développement de l’entreprise que dans l’ancrage territorial des activités. La discussion qui va suivre fait
davantage référence aux deux modèles théoriques d’analyse de la culture nationale (universaliste et contingent).
Il ne nous a pas été possible de trouver une troisième expérience entrepreneuriale sociale pour illustrer le
troisième modèle de notre analyse (contextualiste). La discussion des résultats permettra de porter un regard
critique sur le sujet traité et de faire un focus sur les implications heuristiques.
Démarche de création
La démarche de création varie en fonction des trois dimensions de la culture nationale qui ont été
retenues dans notre modèle conceptuel : les motivations, les croyances et les comportements, la cognition et les
valeurs culturelles des entrepreneurs.
Les entrepreneurs du mini-cas 1 sont de jeunes diplômés qui n’ont aucune profession stable. Ils ont tous
reçu une formation scolaire et académique qui ne les prédispose pas directement à l’exercice d’un emploi. Ils
vivent une instabilité professionnelle et sont dans un besoin matériel récurrent. L’opportunité de créer leur
entreprise est motivée par la recherche d’un emploi et par un contexte institutionnel favorable à leur activité. Ces
propos de Simo expriment assez clairement cette réalité : « Le Chef de l’État demande régulièrement aux jeunes
de créer leur propre emploi parce que l’État ne peut pas embaucher tout le monde. En créant notre association,
on voulait faire ce que le Chef de l’État demande aux jeunes de faire. C’est pour cela que nous n’avons eu
aucun problème administratif pour la légalisation de notre association. »
Au moment de l’identification et de l’exploitation de l’opportunité, ces jeunes sont dans une démarche
de tâtonnement. Ils essayent juste pour voir. À ce moment, ils ont un profil qui correspond au profil de
« l’entrepreneur débrouillard » (Kamdem, 2002). C’est une figure d’entrepreneur social qui a émergé au
Cameroun à la faveur des crises sociales et économiques des années 1990 ; et surtout après la promulgation de la
loi sur la liberté d’association.
Ces jeunes ne sont pas véritablement animés par une vocation entrepreneuriale. Kameni affirme : « En
créant notre association, on voulait essayer pour voir si ça pouvait nous donner un peu d’argent. On n’avait pas
trop le choix. On ne pouvait plus continuer à vivre dans la pauvreté. Il fallait faire quelque chose. Qui ne risque
rien n’a rien ! » Il s’agit d’un entrepreneur occasionnel dont la démarche de création correspond plus à ce que
Fayolle et Nakara (2010) appellent « l’entrepreneuriat subi ou l’entrepreneuriat de nécessité » ; en d’autres
termes, un « entrepreneur occasionnel ».
Dans le mini-cas 2, les acteurs sont des fonctionnaires retraités engagés dans des activités agricoles et
pastorales. Ils sont à l’abri du besoin et l’opportunité de créer leur entreprise est motivée par une croyance
communautaire exprimée par Tokam, en ces termes : « Chez nous les Bamiléké, chaque fonctionnaire doit
rentrer dans son village à la retraite. C’est pendant la retraite qu’on peut réellement contribuer au
développement de sa communauté. Quand nous sommes en ville, c’est juste pour un temps. Le village est la terre
de nos ancêtres. »
Ces personnes ont acquis pendant leurs carrières professionnelles des connaissances et des expériences
diverses. En créant leur entreprise, elles veulent ainsi mobiliser leurs expériences passées pour exploiter des
savoir-faire locaux. Leurs profils correspondent davantage au profil des entrepreneurs asiatiques du Sud-Est.
Elles s’efforcent de « réinventer une nouvelle société autour des valeurs d’authenticité culturelle, de réussite
économique et de rayonnement universel. » (Kamdem, 2002, p. 149). Ce qui les rapproche du profil de
« l’entrepreneur challenger », décrit par ce dernier auteur.
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Développement de l’entreprise
Le développement de l’entreprise est une phase du processus entrepreneurial qui varie suivant la forme
de conduite entrepreneuriale adoptée par chaque entrepreneur social. Dans le cas mini-cas 1, les acteurs adoptent
une forme universaliste pour le développement de leur activité. Pour le faire, ils cherchent à acquérir, lors des
séminaires de formation, des outils, des méthodes et des manuels de procédures. Ces différentes acquisitions leur
permettent de se construire une crédibilité auprès des bailleurs de fonds et d’obtenir des financements. Ici, le
choix des activités n’est pas guidé par les besoins réels de la communauté. Il l’est par les priorités définies et
financées par les bailleurs de fonds (campagne de lutte contre le VIH/SIDA, construction des forages d’eau).
Pour exprimer leur volonté d’adopter la forme universaliste prônée par les bailleurs de fonds, ces
entrepreneurs reflètent la figure de l’entrepreneur "imitateur" (Ngok Evina, 2002). Ce dernier s’efforce de
ritualiser la conception mythifiée de l’entrepreneur en général ; et de l’entrepreneur social moderne en particulier.
La ritualisation de cette conception moderne de l’entrepreneur se traduit par le désir
d’instrumentalisation des pratiques entrepreneuriales et managériales. Cependant, à cette instrumentalisation qui
n’est que stratégique, est associée la corruption des acteurs locaux. Cette pratique de corruption fait référence à
une opinion largement répandue au Cameroun et que Kameni exprime ainsi : « Nous faisons ce que tout le monde
fait au Cameroun. La chèvre broute là où elle est attachée ! » Cette métaphore illustre, dans l’environnement
camerounais, le droit de jouir autant que possible des avantages liés au statut social ou à la fonction exercée ;
comme le rappelle Mono Ndjana (1984-1985, p. 26) : « Dans l’esprit du Camerounais, ce symbole de la chèvre
ne sert qu’à justifier certaines indélicatesses, certaines malversations financières… »
Dans le mini-cas 2, le groupe d’entrepreneurs sociaux adopte une posture contingente pour le
développement de leurs projets. Les ressources humaines et matérielles mobilisées sont essentiellement locales.
Quant aux ressources financières, elles sont obtenues grâce à la contribution obligatoire instituée par le Chef du
village. Le caractère obligatoire de cette dernière est fondé sur des croyances liées à un contexte culturel
fortement marqué par l’attachement des populations à leurs traditions ancestrales.
Les cérémonies (funérailles, rites initiatiques des jumeaux, etc.) dont l’organisation, par chaque membre
de la communauté, est conditionnée par le paiement d’une contribution sont des cérémonies pour lesquelles les
populations sont prêtes à consentir tous les efforts possibles. Il s’agit d’un mode d’accumulation du capital
financier répandu dans plusieurs communautés camerounaises, pour traduire les capacités de ces dernières à
mobiliser les ressources de leur autonomie financière (Kamdem, 1996). Ici, l’entreprise se développe à travers
des « interactions sociales et des confrontations entre les porteurs du projet d’entreprendre et leur contexte
d’évolution. » (Verstraete et Fayolle, 2005, p. 35).
Les activités réalisées (création d’un établissement de micro-finance à partir du modèle de la tontine,
création d’un centre de santé communautaire, aménagement des sources d’eau, création des champs et des fermes
communautaires) s’inspirent des besoins réels de la population. Chaque membre de la communauté villageoise y
contribue parce qu’il se sent fortement impliqué.
Ancrage territorial des activités
Analyser l’ancrage territorial des activités des entrepreneurs sociaux, dans les deux expériences
présentées, revient à analyser l’efficacité de leur action entrepreneuriale au sein du territoire où ils opèrent. Il est
utile de rappeler que les entrepreneurs sociaux concernés se présentent comme des entrepreneurs institutionnels
qui agissent dans un contexte précis en vue de le transformer. Chacun d’eux procède à des arrangements
institutionnels pour ne pas agir de manière isolée. Dans le mini-cas 1, les acteurs développent des alliances et des
coopérations avec les autorités locales, les organismes internationaux qui peuvent financer leurs activités et les
experts locaux chargés d’évaluer ces activités. Le choix de ces partenaires se fait en fonction de l’opportunité que
ces acteurs cherchent à exploiter ; ainsi que des ressources nécessaires pour cette exploitation.
En appréciant positivement l’action entrepreneuriale de ces acteurs, sous l’effet de la corruption, les
experts locaux contribuent à renforcer la crédibilité de ces derniers auprès des bailleurs de fonds. L’efficacité de
l’action au sein du territoire d’ancrage se mesure par la capacité à convaincre les bailleurs de fonds. L’action est
guidée par une logique d’accumulation personnelle au détriment de la communauté. Ces entrepreneurs sociaux
réalisent des projets modernes et coûteux, mais peu bénéfiques à la communauté. L’objectif manifeste de
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contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations n’est qu’un prétexte pour l’atteinte des objectifs
individuels aux dépens de la communauté (enrichissement, affirmation de soi, embourgeoisement).
Dans le mini-cas 2, les entrepreneurs sociaux développent des alliances et des coopérations avec les
autorités locales et les membres de la communauté. Le choix de ces partenaires se fait en fonction des
opportunités qui s’offrent à ces entrepreneurs, ainsi que des ressources dont ils disposent. L’objectif manifeste de
contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations est atteint à travers différentes activités. Le
projet entrepreneurial initial est producteur de plusieurs autres projets entrepreneuriaux (la tontine qui devient un
établissement de micro-finance ; l’association des parents d’élèves qui est reconnue et légalisée ; la création des
champs et des fermes communautaires transformés en groupement d’intérêt communautaire ; la structure
associative initiale qui devient un comité de développement). L’action de ces entrepreneurs est guidée par une
logique d’accumulation communautaire profitable à l’ensemble de la communauté.
Ainsi, à l’entrepreneur social qui choisit d’adopter une forme universaliste de conduite entrepreneuriale
et à l’entrepreneur social qui choisit une forme contingente, correspond une dynamique entrepreneuriale qui est
influencée par les motivations, les croyances et comportements, ainsi que par la cognition et les valeurs
culturelles.
Analyse critique des résultats et implications heuristiques
La diversité et la complexité des processus entrepreneuriaux observables dans les deux mini-cas étudiés
suggèrent de nouvelles considérations dans la théorisation et la modélisation du phénomène entrepreneurial,
relativement au contexte socio-anthropologique. La discussion des mini-cas présentés suggère deux niveaux
d’implications : la complexité théorique et empirique de la recherche sur l’entrepreneuriat social ; l’interrogation
sur l’approche interculturelle de l’entrepreneuriat social en contexte africain.
Complexité théorique et empirique de la recherche sur l’entrepreneuriat social
La diversité et la pluralité des rationalités que l’entrepreneur social mobilise dans la conception et la
conduite de son projet entrepreneurial mettent en exergue les limites d’une conception stéréotypée de la culture
nationale, soutenue par Hall (1971), Trompenaars et Hampdon-Turner (1997), Hofstede (1980).
Les deux mini-cas étudiés montrent que, dans un contexte donné, la culture nationale n’est jamais
statique ni homogène. Son influence sur les pratiques entrepreneuriales peut varier en fonction d’autres
paramètres liés au contexte dans lequel l’entrepreneur opère et surtout en fonction de la manière dont ce dernier
interprète à son compte ces paramètres. Cette réalité rejoint les résultats de plusieurs travaux empiriques réalisés
dans le cadre des théories néo-institutionnalistes (Maguire, Hardy et Lawrence, 2004), des théories néo-
pluralistes (Ackers, 2002), et des approches socio-anthropologiques (Mutabazi, 2001, 2006).
En prenant en compte la variable appartenance générationnelle, nous avons voulu souscrire à cette
recommandation de Livian (2011, p. 12) : « Dans de nombreux pays émergents, les jeunes ont une appréhension
plus ouverte des coutumes et des manières de communiquer : la recherche ‘cross-culturaliste’ doit donc prendre
en compte les cultures générationnelles. » Par ailleurs, l’entrepreneur social n’est pas un acteur qui agit suivant
une rationalité déterminée par la forme de conduite entrepreneuriale qu’il adopte. C’est un acteur qui incorpore
concomitamment des façons différentes, et souvent même contradictoires, de penser et de se comporter ; en
articulant différentes formes de conduite entrepreneuriale.
L’intérêt accordé par Hayton, George et Zahra (2002) à la cognition, dans leur modèle d’association
entre la culture et le processus entrepreneurial, montre dans le cadre de notre recherche que l’entrepreneur social
adopte une forme de conduite entrepreneuriale en fonction de la logique d’accumulation qui lui permet de
réaliser ses objectifs. Le niveau individuel apparaît ainsi comme un niveau d’analyse pertinent de notre modèle
conceptuel, puisqu’il montre que la forme de conduite entrepreneuriale adoptée par un entrepreneur social ne
détermine pas absolument tout son processus entrepreneurial. L’entrepreneur peut adopter une forme
universaliste ou une forme contingente de conduite entrepreneuriale, en fonction de la phase de son processus
entrepreneurial.
Enfin, au-delà des caractéristiques généralement reconnues ou attribuées à l’entrepreneur social, la
forme de conduite entrepreneuriale adoptée par ce dernier permet de mieux cerner l’utilité sociale de son projet
entrepreneurial. L’utilité sociale est généralement présentée comme le principal facteur caractéristique d’un
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projet entrepreneurial social, par rapport à un projet entrepreneurial qui a principalement pour objectif de créer
de la richesse financière (Draperi, 2010). Toutefois, cette affirmation suscite quelques réserves. En effet,
plusieurs recherches montrent bien que des entrepreneurs qui se réclament davantage du social et qui affirment
l’utilité sociale de leurs projets ont parfois des comportements contraires (Abéga, 1999 ; Assogba, 2004 ; Emin et
Schieb-Bienfait, 2009). Dans cette perspective, Gadrey (2004) recommande d’analyser l’utilité sociale des
organisations (notamment celles de l’économie sociale et solidaire) selon ses dimensions "externe" et "interne".
La dimension "externe" renvoie à l’apport social du projet à la collectivité concernée, en termes
économique et de valeur marchande créée. La dimension "interne" quant à elle renvoie aux « règles de
fonctionnement spécifiques dont le projet se dote et qu’il se reconnaît, et par les moyens et les pratiques adoptés
pour atteindre ses objectifs. » (Emin et Schieb-Bienfait, 2009, p. 24).
L’épreuve de la culture nationale est à la fois contraignante et habilitante pour l’entrepreneur social. Elle
suppose que les choix faits par ce dernier influencent tout son processus entrepreneurial et lui donnent également
des marges de manœuvre. Les complexités théoriques et empiriques de l’entrepreneur social, en contexte
africain, révèlent l’importance de la prise en compte de la culture nationale dans l’analyse des dynamiques
entrepreneuriales ; mais surtout la nécessité de la concevoir comme une variable dynamique et hétérogène.
Le principal défi théorique qui s’impose aux chercheurs, dans ce domaine, est de pouvoir construire une
posture théorique originale qui permet de mieux cerner la dynamique entrepreneuriale sociale en contexte
africain. La posture de dépassement proposée par Emin et Schieb-Bienfait (2009), et qui repose sur un cadre
articulant les niveaux micro, méso et macro, est une voie qu’il faut davantage explorer. En mobilisant l’analyse
multi niveaux, nous nous inscrivons dans le cadre des recherches polycontextuelles impulsées par Von Glinow
(2004). Ce cadre est approprié pour l’analyse de l’entrepreneuriat social en contexte africain.
De l’approche interculturelle à l’approche transculturelle de l’entrepreneuriat social en Afrique
En suivant l’approche contextualiste retenue dans notre recherche, nous avons montré que la culture
nationale influence les pratiques entrepreneuriales. Nous avons également montré que cette influence est relative,
parce que les entrepreneurs d’un contexte donné sont diversement influencés par leur culture nationale ; du fait,
de leur culture générationnelle par exemple.
La prise en compte du facteur générationnel permet ainsi d’aller au-delà des approches interculturelles
qui expliquent la diversité des cultures et la nécessité de développer des modèles adaptés à chaque contexte
sociétal. S’il est incontestable que la diversité des cultures est une réalité (Bouquillon et Combès, 2011), il faut
également reconnaître que toutes les cultures sont essentiellement dynamiques et constamment interprétées par
les acteurs qui la partagent en commun (Hall, 1992). La différence observée dans l’interprétation de la culture
nationale, par les entrepreneurs des deux expériences présentées (du fait de leur différence générationnelle),
suggère d’insérer la dynamique entrepreneuriale sociale dans un contexte à la fois local et global.
De ce fait, l’entrepreneur social est inséré dans ce double contexte. Son encastrement social n’est pas
assimilable à l’enfermement dans une « boîte sociale donnée » ; mais plutôt à l’insertion dans un univers social
ouvert sur d’autres univers sociaux. Dans le mini-cas 1, nous avons montré comment les acteurs se sont
familiarisés avec la forme universaliste de conduite entrepreneuriale ; pour détourner les projets à leurs profits.
La mobilisation des méthodes universelles, qui ont réussi ailleurs, ne leur a servi qu’à camoufler leurs ambitions
personnelles aux dépens des bénéficiaires des projets mis en œuvre. Dans le mini-cas 2, nous avons également
montré comment les acteurs ont intégré les normes traditionnelles dominantes dans leur communauté ; pour
conduire avec succès leurs projets entrepreneuriaux destinés aux populations.
La socialisation de ces deux catégories d’entrepreneurs sociaux montre qu’il n’existe pas d’entrepreneur
social authentiquement africain ; et que le processus entrepreneurial de chacun d’eux correspond à une
« interaction créative » (Hannerz, 1989). La création d’une entreprise sociale procède ainsi d’une série de
bricolages d’éléments culturels du contexte local et du contexte global.
Dans le mini-cas 1, les acteurs réussissent à s’approprier une forme de conduite entrepreneuriale conçue
et développée hors de leur contexte culturel. Cependant, à cette forme de conduite, ils associent les croyances et
les valeurs de leur contexte local. Dans le mini-cas 2, les acteurs s’approprient les croyances et les valeurs de leur
contexte local et les associent aux connaissances et aux expériences acquises hors de ce contexte. Ainsi, un
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entrepreneur de la jeune génération est plus disposé à s’approprier les pratiques modernes ; alors qu’un
entrepreneur de l’ancienne génération est plus disposé à s’approprier des pratiques ancestrales.
La culture nationale est constituée d’un ensemble de valeurs qui ne sont en soi ni positives ou négatives,
ni modernes ou traditionnelles, mais hybrides (Kraidy, 2002). Cette hybridation, qui est la principale
caractéristique de la globalisation culturelle, remet en question la thèse de l’homogénéisation des comportements
entrepreneuriaux. Cette dernière situation a davantage conduit à l’émergence de formes endogènes et à
l’exaltation d’un relativisme culturel peu fécond pour le développement de la recherche dédiée à l’entrepreneuriat
social.
Pour terminer, nous proposons d’analyser l’entrepreneuriat social, en contexte africain, dans une
approche transculturelle qui reconnaît le caractère dynamique et ouvert des sociétés tel que suggéré par Pool (cité
par Mattelart, 2011, p. 25) : « Toute culture est le produit d’interactions culturelles, d’enrichissements culturels
grâce à l’importation d’éléments étrangers dans la culture nationale. » Une telle approche permet de
s’intéresser aux mécanismes d’appropriation, par l’individu entrepreneur social, des codes culturels (locaux et
étrangers) utiles pour la réussite de son activité entrepreneuriale.
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CONCLUSION
Notre contribution s’est principalement intéressée au renouvellement de la recherche sur le lien entre la
culture nationale et l’entrepreneuriat social en contexte africain. Nous procédons d’abord à la discussion des
notions d’entrepreneuriat social et de culture nationale. Ensuite, en nous appuyant sur l’étude de deux mini-cas
pratiques d’entreprises sociales au Cameroun, nous relevons l’influence relative de la culture nationale dans la
dynamique entrepreneuriale. L’émergence de ces entreprises sociales se traduit par de nouveaux itinéraires
d’accumulation qui se construisent dans le contexte de la culture nationale des acteurs concernés. Ces itinéraires
s’articulent autour d’une double logique d’accumulation (individuelle et communautaire).
L’épreuve de la culture nationale, comme grille de lecture interculturelle de l’entrepreneuriat social en
contexte africain, est un projet heuristique dont la présente recherche est des premiers résultats. L’une des
implications heuristiques majeures de notre recherche est le développement de l’approche interdisciplinaire et
transculturelle qui contribue au renouvellement et à l’enrichissement de la compréhension des spécificités
contingentes de l’activité entrepreneuriale (Livian, 2002 ; Bayad et Bourguiba, 2006). Notre position rejoint celle
déjà réaffirmée par Morgan (1989, p. 138) : « On n’impose pas une culture à un groupe social. En fait, elle se
développe au fil de l’interaction sociale. »
L’entrepreneur social en contexte africain n’est pas un entrepreneur exceptionnel, mais un entrepreneur
qui se déploie en fonction de la situation dans laquelle il se trouve. Il interprète les informations qu’il reçoit de
son environnement et les exploite en fonction de ses intérêts personnels. C’est un acteur de socialités qui a la
particularité d’être à la fois produit du social et producteur du social. Il peut se servir de son projet pour atteindre
ses objectifs personnels, mais aussi pour influencer sa communauté. C’est un acteur complexe et son projet est
une initiative encore plus complexe car, dynamique dans la pratique et fugace en tant qu’objet d’étude.
Enfin, la complexité du terrain d’étude n’a pas permis de rassembler plus de deux situations
expérimentales qui auraient permis d’intégrer le troisième pôle de notre triangle théorique (celui de la
contextualité). Les recherches futures pourraient donc être orientées dans cette voie.
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DYNAMIQUE ENTREPRENEURIALE EN MILIEU RURAL ET DÉVELOPPEMENT
COMMUNAUTAIRE AU CAMEROUN : CAS DU DÉPARTEMENT DE LA LEKIÉ
Aimé Norbert MELINGUI AYISSI
Résumé
L’Afrique est un continent en quête de développement. Pour y arriver, des actions salutaires sont
entreprises notamment celles liées à la création d’entreprises. En effet, longtemps sous-estimé par certains
acteurs économiques, l’entrepreneuriat rural devient au fil des ans l’un des viviers par excellence du
développement économique. L’entrepreneur rural est devenu un sujet digne d’intérêt pour les économistes. Il
pourrait être le moteur de la croissance économique et du développement technologique en Afrique. La
préoccupation majeure dans ce texte pourrait se résumer à la question principale suivante : Comment
l’entrepreneuriat pourrait permettre d’améliorer les conditions d’existence dans une communauté rurale
africaine ? Cette question suscite d’autres questions. Quels sont les initiatives auxquelles s'adonne la population
en milieu rural ? Quels sont les facteurs explicatifs du dynamisme entrepreneurial en contexte africain,
principalement en zone rurale ? Les banques interviennent-elles dans le financement des activités des
populations rurales ? Dans le contexte communautaire rural camerounais, il est possible de faire l’hypothèse
selon laquelle quelques secteurs clés d’activités seraient les points focaux de l’entrepreneuriat rural :
l'agriculture, l'artisanat, les petits métiers, le commerce itinérant. Les facteurs explicatifs du dynamisme
entrepreneurial en milieu rural sont divers (économique, politique, socioculturel). Notre étude vise à décrypter
ces différents facteurs. La méthodologie utilisée (multidimensionnelle et complémentaire) permet la mobilisation
des données (analytique, historique et statistique) sur le sujet traité.
Mots clés : Entrepreneuriat, entrepreneur, développement communautaire, milieu rural, Cameroun.
RURAL ENTREPRENEURIAL DYNAMICS AND COMMUNITY DEVELOPMENT
IN CAMEROON :
CASE OF THE LEKIE DEPARTMENT
Abstract
Africa is a continent in search of development. To achieve this, salutary actions are taken, in
particular those linked to the creation of companies. Indeed, long underestimated by certain economic actors,
rural entrepreneurship becomes over the years one of the pillars par excellence of the economic development.
The rural entrepreneur has become a topic of interest to economists. It could be the engine of economic growth
and technological development in Africa. The main concern in this text could be summarized as the main
question: How could entrepreneurship improve living conditions in an African rural community? This raises
further questions. What are the initiatives being implemented by the rural population? What are the explanatory
factors for entrepreneurial dynamism in the African context, mainly in rural areas? Are banks involved in
financing the activities of rural populations? In Cameroon's rural community context, it is possible to
hypothesize that some key sectors of activity would be the focal points of rural entrepreneurship: agriculture,
crafts, small trades, and itinerant trade. The factors explaining the dynamism of entrepreneurship in rural areas
are diverse (economic, political, socio-cultural). Our study aims to decipher these different factors. The
methodology used (multidimensional and complementary) allows the mobilization of data (analytical, historical
and statistical) on the subject treated.
Keywords: Entrepreneurship, entrepreneur, community development, rural environment, Cameroon.
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INTRODUCTION
Le département de la Lekié est situé dans la région administrative du Centre au Cameroun. Il est
actuellement le deuxième département producteur du cacao au Cameroun, derrière le département du Mbam, et
après avoir longtemps été le premier producteur. Hier premier producteur, il s’est vu ravir cette place par les
deux départements actuels du Mbam (Endamana et Sonwa, 1998). Les cultures de rente devenant de moins en
moins rentables, les agriculteurs de la Lekié s’engagent davantage dans les cultures maraîchères qui offrent de
meilleures opportunités de revenus. Cette situation nouvelle a permis l’émergence d’organisations et d’initiatives
entrepreneuriales dont la forme institutionnelle dominante est celle des coopératives agricoles, ou encore des
groupements d’initiatives communes (GIC). L’objectif principal de ce texte est d’analyser les possibilités que
pourrait apporter l’entrepreneuriat rural, pour l’amélioration des conditions d’existence des populations et la
réduction de la pauvreté en milieu rural camerounais. La première partie du texte est consacrée à la présentation
des articulations (conceptuelle et théorique et méthodologique). La deuxième partie présente les résultats et leur
discussion.
CADRE CONCEPTUEL, THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE
La discussion qui va suivre apporte un éclairage sur les concepts clés utilisés. Elle permet de délimiter le
cadre théorique d’analyse et de justifier la méthodologie choisie.
Cadre conceptuel
De nos jours et au Cameroun, l'entrepreneuriat est un sujet de plus en plus présent dans les milieux
politiques, économiques, éducatifs, culturels et scientifiques. Dans ces derniers, l’on observe une diversification
des champs de recherche sur l’entrepreneuriat ; animés par des gestionnaires, des économistes, des sociologues,
des psychologues, des anthropologues, des historiens, etc. (Tsapi, 2007 ; Kamdem, 2015) Chacun de ces champs
de recherche se focalise sur une dimension particulière du phénomène (approche globale de la question, données
économiques, comportements des acteurs, personnalité des créateurs d’entreprises, environnement socioculturel,
cheminement historique de la société et des entreprises). Dans les lignes suivantes, nous présentons une brève
discussion des concepts suivants : entreprise, entrepreneur, entrepreneuriat, développement communautaire.
Il n'existe pas de définition précise de l'entreprise qui fasse aujourd'hui l'objet d'un consensus entre les
différentes disciplines qui s'y intéressent. La difficulté à appréhender la notion d'entreprise, du point de vue des
sciences sociales, provient essentiellement de la multiplicité des regards dont elle est l'objet. Le créateur, le
gestionnaire, le syndicaliste, le salarié, les pouvoirs publics, etc. ont chacun une représentation différente de la
même réalité qu’est l'entreprise. De même, la diversité des regards est encore plus frappante dans la communauté
scientifique. L'économiste, le gestionnaire, le fiscaliste, l’historien analysent l'entreprise sous des prismes
différents ; et selon des points de vue souvent complémentaires, parfois contradictoires, pas toujours convergents.
Ainsi, Darbelet et Lauginie (1981, p. 11) proposent la définition suivante : « L'entreprise peut être appréhendée
de plusieurs manières. Pour l'économiste, elle résulte de l'agencement de facteurs différents : travail, capital,
nature ; pour le sociologue, elle est une distribution de rôles et de statuts ; pour le financier, elle est une source
de profits et d'investissements. »
Plusieurs économistes, à la suite de Schumpeter (1935, 1974) considèrent l'entreprise comme le lieu où
se combinent les différents facteurs de production en vue de produire des biens et services. C’est également une
unité institutionnelle, mue par un projet décliné en stratégie, en politiques et plans d'action, dont le but est de
produire et de fournir des biens ou des services à destination d'un ensemble de clients ou usagers. Pour sa part,
Cohen (1994, p. 24) considère l’entreprise comme « une organisation relativement autonome, dotée des
ressources humaines, matérielles et financières en vue d'exercer une activité économique de façon stable et
structurée. » Ici l'autonomie et la pérennité sont des caractéristiques essentielles de l'entreprise sans oublier les
ressources nécessaires pour son fonctionnement.
S’agissant du concept d’entrepreneur, il recouvre différentes significations connexes mais distinctes.
L’entrepreneur est généralement vu comme un dirigeant innovateur et créateur, porteur d'un projet d'entreprise en
phase de démarrage ou de production ; auquel il s'identifie étroitement et personnellement. Kirzner (1997)
souligne que le propre de l'entrepreneur est d'agir dans un environnement incertain.
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Casson (1991) met l'accent sur le processus de socialisation des individus à travers l’origine familiale,
l’éducation, les réseaux de relation, l’accès à l'information, etc. Il situe l'action entrepreneuriale dans le contexte
concurrentiel, d'incertitude et de prise de risque. Dans la perspective de la doctrine économique libérale de Jean-
Baptiste Say (1767-1832), dans un contexte d'industrialisation naissante, Menudo (2014) ajoute à l'incertitude et
au risque un troisième élément : l'innovation. L'entrepreneur est alors une sorte d'intermédiaire entre le savant qui
produit la connaissance et l'ouvrier qui l'applique à l'industrie. Il est l'agent principal de la production. Mais
innover, c'est aussi prendre des risques car l'entrepreneur ne peut prévoir avec certitude ce que sera le marché
futur.
Quelques travaux récents, en contexte africain, ont mis en évidence le lien entre l’innovation
entrepreneuriale et le développement durable (Kamdem, 2016 ; Develtere et Pollet, 2009 ; Tsapi,
2007 ; Fodouop Kengné, 2003 ; Ela, 1998). Ces différents travaux apportent un éclairage sur les spécificités de
l’activité entrepreneuriale en Afrique. Les pratiques entrepreneuriales observées révèlent une orientation à la fois
universelle (adoption des outils classiques de performance) et contingente (tentation plus ou moins réussie
d’adaptation au contexte local).
Schumpeter (1935, 1974) définit l'entrepreneur comme étant non pas l'homme d'une institution, ni le
bénéficiaire du profit, mais le véritable agent du progrès économique, celui qui est capable d'innover. Pour lui,
l'entrepreneur est aussi l'agent économique qui réalise de nouvelles combinaisons de facteurs de production. Cinq
combinaisons sont possibles : création d'un nouveau produit, ouverture de nouveaux marchés, présentation d'une
nouvelle méthode de production, découverte d'une nouvelle source des matières premières. L'innovation est ce
qui permet à l'entreprise d'accroître son chiffre d'affaires et sa position sur le marché. Par le pouvoir de
l'innovation, l'entrepreneur délimite son propre marché, fixe ses propres règles, maîtrise l'incertitude propre au
fonctionnement du marché.
Concernant le concept entrepreneuriat, il fait très souvent référence aux modalités de création de
nouvelles structures productives, de reprise de celles déjà existantes en vue de leur transformation.
L'entrepreneuriat est vue comme l’appropriation et la gestion des ressources humaines et matérielles, dans le but
de créer, de développer et de transformer. Bruyat (1993), à la suite de Gatner (1990), a présenté des propositions
et des contributions épistémologiques dans le champ de l'entrepreneuriat. Pour ce chercheur, « l'objet scientifique
étudié dans le champ de l'entrepreneuriat est l’individu et la création de valeur. » Cette perspective s'inscrit dans
une dynamique de changement en ces termes : l'individu est une condition nécessaire pour la création de valeur ;
il en détermine les modalités de production ; il est l'acteur principal et le support de la création de valeur.
La dynamique entrepreneuriale peut être définie comme l'ensemble du processus qui tend à favoriser la
création et le développement des entreprises. Ainsi présentée, la dynamique entrepreneuriale se rapproche de ce
que Drucker (1985) considère comme l'innovation et l'esprit d'entreprise ; à savoir une intention délibérée, une
tâche qui doit être organisée de façon systématique et qui fait partie intégrante du travail du dirigeant.
S’agissant du développement communautaire, cette expression est très souvent assimilée à celles
d’action communautaire, de développement local, de projet participatif et même d’action collective. Toutes ces
expressions mettent en évidence l’existence d’un problème collectif, c’est-à-dire d’un ensemble de problèmes
communs à une population, une collectivité ou une communauté. En clair, et de manière simple, le
développement communautaire est un ensemble d’activités élaborées et mises en œuvre par des populations qui
partagent une forte proximité géographique et culturelle (Ela, 1998).
Aussi, la dynamique entrepreneuriale est un processus qui marque une évolution, un changement, une
mutation. En devenant son propre employeur, l’entrepreneur se donne les moyens de définir une vision novatrice,
d’identifier les évolutions de son secteur et de mettre en œuvre des stratégies audacieuses qui s’inscrivent dans la
durée. La dynamique d’action de l’entrepreneur réside dans sa capacité à penser et faire quelque chose de
nouveau et de créatif. Elle se rapproche en cela de celle du créateur artistique. Boisivon (2004) définit
l’entrepreneur principalement dans la perspective de la création d’une nouvelle organisation productive.
Dans le contexte spécifique de notre recherche (département de la Lékié, région du Centre, Cameroun),
l'entrepreneuriat rural connaît une émergence avec les indépendances politiques, au cours des années 60. Les
premières plantations communautaires de cacao sont créées en 1963. Ce secteur d’entrepreneuriat connaît un
développement accentué au cours des années 1980-1990, principalement marquées par la crise économique, la
liquidation des entreprises publiques, la suspension du recrutement dans l’administration publique, la
recrudescence du chômage des jeunes. L’État ne pouvant créer de nouveaux emplois pour les citoyens, ces
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derniers ont commencé à apprendre à assumer leur destin professionnel. C’est ainsi que des initiatives
communautaires multiples vont être engrangées, principalement dans les villages, afin de limiter l’exode rural.
Les personnes ayant perdu leurs emplois, comme salariées de l’administration publique et des entreprises, se sont
progressivement engagées dans des activités d’entrepreneuriat informel, principalement dans le secteur agricole.
Cadre théorique
Le cadre théorique de l’action collective est approprié pour notre recherche, afin de décrypter les
logiques des acteurs et leurs motivations pour l’activité entrepreneuriale. Plusieurs auteurs ont étudié les
mécanismes de coopération dans l'action collective au sein des organisations. March et Simon (1991) expliquent
que l'on ne saurait prétendre analyser les organisations sans tenir compte de l'être humain. Trois conceptions du
comportement humain au sein des organisations peuvent être identifiées. La première concerne la rationalisation
du travail. Les membres des organisations sont considérés comme des instruments qui reçoivent et exécutent des
ordres et des directives sans toutefois prendre des initiatives. La deuxième conception fait état des écarts qui
existent entre les objectifs de l'organisation, les attitudes et les systèmes de valeurs des membres. La troisième
met l'accent sur la prise de décision des membres au sein de l'organisation et la résolution des problèmes
auxquels ils font face.
Crozier et Friedberg (1977) analysent l'organisation comme un cadre expérimental des difficultés et des
problèmes de coopération dans l’action collective (Lafaye, 1996). La théorie de l'action collective met en exergue
les modalités de réalisation d'un objectif commun. Elle insiste sur les intérêts contradictoires des membres d'une
organisation. Les individus qui adhèrent à une organisation participent à la poursuite des objectifs collectifs de
cette dernière, tout en cherchant également à satisfaire leurs intérêts respectifs. Ainsi, l’analyse d'une action
collective devrait se fonder sur une démarche à la fois collective et individuelle qui caractérise toute coopération.
L'approche de Crozier et Friedberg apparaît ainsi comme une intermédiation des deux premières. Ainsi l'action
d'un individu, au sein d'une organisation, apparaît comme l’expression de son besoin d’autonomie en tant
qu’acteur organisationnel.
Une autre approche théorique pertinente pour notre recherche est celle des fonctionnalités. En effet,
Parsons (1956) identifie au sein de la société moderne l'existence des structures formelles (entreprise, institutions
scolaires, armée, etc.) dont la finalité est la réalisation des fonctions précises (production de biens, des services ;
défense). Ces organisations sont des sous-systèmes du système social et entretiennent par conséquent des
relations avec l'environnement au sein duquel elles évoluent. Parsons conclut qu'il y a interdépendance entre ces
sous-systèmes constitués d'organisations et les autres sous-systèmes de la structure sociale. Il identifie quatre
fonctions communes à tous les systèmes sociaux (production, adaptation, exécution, intégration). La fonction de
production permet à l'organisation de déterminer les orientations qui guideront les activités des membres. La
fonction d'adaptation mobilise les ressources nécessaires à l'accomplissement des buts à atteindre. La fonction
d'exécution concourt à la gestion des ressources matérielles et humaines nécessaires à la réalisation des objectifs
de l’organisation. La fonction d'intégration assure l'harmonie des éléments constitutifs de l'organisation. Pour
Parsons, les organisations formelles ne se définissent qu’à partir des buts et des fonctions qu'elles fournissent au
sein de la société. Mais l’analyse des buts et des objectifs de ces organisations, sans tenir compte de l'être
humain, est insuffisante pour comprendre leur fonctionnement.
Méthodologie
Pour réaliser cette recherche, le choix judicieux et cohérent des techniques de collecte des données et
des méthodes d'analyse a été primordial (Quellet, 1982). Ainsi, nous avons recueilli et exploité les documents
écrits, consultés dans les centres de documentation et les bibliothèques des organismes suivants : Programme de
troisième cycle interuniversitaire de la Faculté des sciences économiques et de gestion de l’Université de
Yaoundé II-Soa ; Archives nationales du Cameroun ; préfecture ; sous-préfectures et mairies environnantes ;
délégations départementales dans la Lékié des ministères (Économie, Plan et Aménagement du Territoire ;
Commerce). Cette démarche empirique a permis de collecter une somme importante de données sur
l'entrepreneuriat en général, et particulièrement dans le contexte du Département de la Lékié.
Par ailleurs, ces données écrites ont été complétées par des témoignages oraux recueillis lors de nos
observations sur le terrain dans quelques autres villes de ce Département (Obala, Okola, Sa’a). Pendant la phase
empirique de la recherche, les responsables des associations, des GIC, des ministères et autres institutions en
charge de l’économie, les administrateurs et les riverains ont été interrogés. Après la collecte des données, une
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analyse diachronique et pluridisciplinaire s’appuyant sur des approches (quantitative et qualitative) a été
effectuée.
L’approche diachronique a permis de révéler la genèse, l’évolution et le développement des différentes
institutions, organisations et solidarités sans oublier leur impact sur le développement local. La pluridisciplinarité
a mis en évidence les caractéristiques des différentes organisations, leurs compositions sociologiques, leurs zones
d’influence et leurs logiques d’action. La recherche empirique s’est déroulée pendant l’année 2014.
RÉSULTATS ET DISCUSSIONS
Les principaux résultats sont regroupés autour des trois axes thématiques suivants : profil des enquêtés ;
émergence et développement des organisations communautaires ; entrepreneuriat et développement local.
Profil des enquêtés
Nous avons constitué un échantillon de 200 personnes qui ont volontairement accepté de répondre au
questionnaire de l’enquête. Trois principales variables ont été privilégiées : le sexe, le niveau d’étude et le statut
matrimonial. Ce sont celles qui permettent de mieux cerner le profil des personnes rencontrées au cours de la
recherche.
Tableau 1 : Présentation de l’échantillon
sexe Tranche d’âge Niveau d’étude Statut matrimonial
Hommes 146 40-60 ans 146 mariés
Femmes 54 40-60 ans 54 mariées
Cycle primaire 92
Cycle
secondaire
94
Cycle supérieur 08
Non scolarisé 06
Source : synthèse de l’auteur
L’analyse des caractéristiques socioéconomiques des producteurs agricoles enquêtés montre que 73%
sont des hommes, contre 27% de femmes. Cette supériorité numérique peut s'expliquer par le fait que dans le
Département de la Lékié, les hommes sont non seulement plus impliqués dans les mouvements associatifs ; mais
également ils y occupent des postes à responsabilité. Le faible pourcentage de femmes montre que bien qu'étant
sensibles aux mouvements communautaires et associatifs, peu d'entre-elles occupent des postes à responsabilité
de premier rang.
Concernant la répartition des enquêtés en fonction de l’âge, la majorité des membres des organisations
paysannes de producteurs se situe dans la tranche de 40 à 60 ans. Ceux-ci constituent la tranche de la population
la plus active sur le plan professionnel et la plus stable sur le plan familial. Pour faire face aux multiples
sollicitations et contraintes liées à leur environnement, ils ont plus tendance à adhérer aux organisations
paysannes. Par contre, la proportion des jeunes de moins de 30 ans est très faible (seulement 4%). Ce résultat
s’explique par le fait que la zone d'étude se situe à proximité de la métropole urbaine de Yaoundé qui a une très
forte attractivité sur les jeunes ruraux. Par conséquent, ces derniers ont un faible intérêt pour les activités de
développement communautaire dans leurs villages d’origine.
S’agissant de la formation et de l’éducation, 93% des personnes enquêtées ont effectué des études, au
moins dans le cycle primaire du « Cours Moyen Deuxième année » (CM2). En réalité, le pourcentage par niveau
d’étude est le suivant : non scolarisé (03%) ; cycle primaire (46%) ; cycle secondaire (47%) ; cycle supérieur
(04%).
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Figure 1 : Répartition des enquêtés par niveau d'éducation
Source : synthèse de l’auteur
En effet, dans une recherche antérieure effectuée dans un autre contexte, Rogers (1983) a fait le constat
que les innovateurs des projets avaient un niveau d'éducation formelle plus élevé. Ces résultats sont également en
accord avec ceux de Tchoumboué et al. (2001) qui constatent que les personnes plus scolarisées ont une capacité
de conception plus élaborée.
De l’analyse du statut matrimonial, il ressort que la majorité des enquêtés sont mariés (84%). En effet, le
mariage est un facteur déterminant du statut social de l’individu dans le contexte sociologique de notre recherche.
La figure ci-après indique la répartition d’après le statut matrimonial.
Figure 2 : Répartition des enquêtés en fonction du statut matrimonial
Source : synthèse de l’auteur
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Émergence et développement des organisations communautaires
Durant la période coloniale, les initiatives entrepreneuriales dans le Département de la Lékié étaient
exclusivement observées chez les étrangers, principalement les Allemands, les Britanniques, les Français, les
Grecs. Les nationaux camerounais exerçaient des fonctions salariales dans les établissements commerciaux et les
plantations agricoles de ces derniers (domestiques, cantonniers, ouvriers, etc.).
Dès la fin des années 1980, quelques initiatives entrepreneuriales endogènes ont commencé à émerger
dans l'agriculture (culture et commercialisation du manioc, du maïs). Ces dernières ont permis l’émergence des
coopératives agricoles, sous l’impulsion de l'État camerounais. L'objectif principal de ces coopératives était de
permettre aux paysans d’accomplir efficacement leurs activités quotidiennes de production, de transformation et
de commercialisation des denrées agricoles. Mais depuis la libéralisation de l’activité économique, suite à la crise
économique observée pendant la décennie 1980-1990, les initiatives coopératives paysannes ne cessent de se
développer (Fodouop Kengné, 2003).
Au Cameroun, depuis plusieurs décennies, les Groupements d'initiatives communes (GIC), structures
formelles de travail communautaire, se multiplient dans le monde rural. Tenant leur origine de la crise
économique en cours dans les années 1980, ces GIC ont bénéficié de l’appui du gouvernement camerounais.
Constitués sur le mode des tontines de travail traditionnel et dotés d'une reconnaissance officielle, ils apparaissent
comme l'affirmation à l'échelon supérieur de la volonté d'entraide et de solidarité qui a toujours animé les paysans
dans de nombreuses régions du Cameroun ; et notamment dans le Département de la Lékié.
Notre recherche montre bien que le succès des entreprises coopératives, dans ce Département, contribue
de façon notable à réduire la pauvreté de diverses manières. Il est établi que ces structures créent de l’emploi et
des opportunités de revenus permettant à leurs membres de payer les frais de scolarité, de construire des maisons,
d’investir dans des activités commerciales et agricoles et de faire face à d’autres dépenses d’ordre familial.
En clair, elles créent également des mécanismes de solidarité pour renforcer un système de sécurité
sociale traditionnelle, en mettant en place des programmes pour subvenir aux dépenses liées à l’éducation, à la
maladie, au décès et aux autres aléas socio-économiques (Develtere et Pollet, 2009).
Actuellement, elles y jouent un rôle socio-économique de première importance. En effet, elles aident les
paysans à mieux produire, à mieux transformer et à mieux vendre. Elles les aident aussi à épargner de l'argent et à
s'en servir le moment venu pour se soigner, s'équiper et financer la scolarité de leurs enfants. Grâce aux activités
des GIC, de nombreux paysans du Cameroun ont accru leurs productions, leurs ventes et leurs revenus dans des
proportions appréciables. Cependant, ces structures formelles de travail communautaire sont confrontées à
plusieurs problèmes qui les empêchent de jouer leur rôle avec le maximum d'efficacité.
Pour mieux connaître une organisation, il convient de saisir sa logique de fonctionnement. Pour ce faire,
il est nécessaire de faire une revue de ses activités, des difficultés rencontrées, des relations avec l'extérieur, des
sources de financement, des modalités d'encadrement. Nos résultats mettent en évidence la prédominance des
cultures vivrières (manioc, maïs, huile de palme) et du cacao, comme principale culture de rente. Le souci
permanent demeure la satisfaction des besoins alimentaires en vue d’assurer la sécurité alimentaire. Le tableau
suivant présente l’effectif et la répartition des organisations communautaires, en fonction de leurs activités
principales, dans le Département de la Lékié.
Tableau 2 : Effectif et répartition des organisations communautaires
Cultures Organisations des producteurs recensés
Cultures vivrières 18
Culture maraîchères 04
Cultures de rente 17
Cultures fruitières 21
Production de viande 03
Total 63
Source : synthèse de l’auteur
Entrepreneuriat et développement local
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Bien que constituée des micro-entreprises de survie, l'entrepreneuriat contribue aussi au développement
local durable. Dans le Département de la Lékié, les organisations communautaires ont fortement contribué au
développement économique et social.
Sur le plan économique, les initiatives entrepreneuriales fournissent une gamme variée de biens et
services destinés à la satisfaction des besoins réels ; à travers d'innombrables activités productives telles que la
restauration, le commerce, l'artisanat, la cordonnerie, l'agriculture, etc. Ces biens de consommation courante sont
vendus au détail et donc facilement accessibles aux populations dont les ressources financières sont limitées. Ces
initiatives entrepreneuriales communautaires génèrent des ressources substantielles à l'administration locale, à
travers la perception des taxes et des redevances diverses.
Sur le plan social, les initiatives entrepreneuriales communautaires jouent un rôle déterminant dans la
socialisation des populations. Ces dernières apprennent ainsi à mieux s’organiser afin de trouver des solutions
adaptées à leurs préoccupations quotidiennes. Cette socialisation permet aussi un partage des expériences
individuelles mutuellement bénéfiques, ainsi que l’amélioration des compétences dans les activités diverses. En
effet, du fait de leur appartenance à un groupe, les producteurs reçoivent des formations dans plusieurs domaines,
ainsi que des soutiens techniques qui contribuent à renforcer leurs capacités de production, d'organisation et de
gestion. Par ailleurs, les initiatives entrepreneuriales communautaires constituent aussi une importante source
d'emplois indépendants et de revenus pour les populations. De ce fait, elles sont un facteur essentiel de réduction
de la pauvreté et de stabilité sociale.
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CONCLUSION
L'objectif principal de notre recherche était d’analyser les initiatives entrepreneuriales communautaires
dans le Département de la Lékié, au Cameroun. Cette analyse a consisté à décrire le profil des personnes
impliquées dans des initiatives entrepreneuriales communautaires ; inventorier les organisations de producteurs
de la zone d'étude ; décrypter leurs modes de fonctionnement. Ainsi, après le traitement des données, nous avons
constaté que la dynamique entrepreneuriale a connu des mutations au fil du temps ; avec une entrée progressive
des populations rurales dans la production agricole vivrière et de rente. La dynamique entrepreneuriale dans le
contexte de notre recherche implique plusieurs acteurs individuels et institutionnels (producteurs agricoles ;
organisations religieuses ; organisations non gouvernementales ; associations communautaires ; etc.).
Les facteurs explicatifs de la dynamique entrepreneuriale sont divers (économique, politique, historique,
socioculturel). Bien entendu, nous n’avons pas insisté sur le profil de formation professionnel des acteurs. Nous
avons également omis de mentionner l’implication directe de l’Etat dans l’accompagnement financier et dans la
régulation des organisations des producteurs. Ainsi, pour une amélioration certaine de cette activité, une
adaptation du cadre juridique et institutionnel est nécessaire. Pour les entreprises communautaires rurales, il est
absolument nécessaire d’élaborer un système de régulation organisationnelle différent de celui des entreprises
capitalistes. Il est indispensable de renforcer la formation des acteurs opérant dans le secteur agricole
communautaire. Une formation professionnelle pour les entrepreneurs permet aux micro-entreprises d’être
beaucoup plus efficaces dans leur fonctionnement. Ce secteur d’activité a absolument besoin d’un mécanisme de
financement des activités qui soit véritablement adapté au contexte (banque rurale, mutuelle d'épargne et crédit,
etc.). Une dernière préoccupation constitue une source de facteurs handicapants de la performance des
organisations communautaires étudiées : la qualité déplorable des infrastructures routières et des réseaux des
télécommunications qui devraient connaître des améliorations absolument nécessaires.
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RESPONSABILITÉ SOCIALE ET ENVIRONNEMENTALE DANS UNE
ENTREPRISE AGRO-INDUSTRIELLE AU CAMEROUN :
UNE ANALYSE EN TERMES DE PARTIES PRENANTES
Jeannette LEUMAKO NONGNI
Résumé
La question de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises se pose avec acuité dans
les sociétés rurales où, la plupart des entreprises qui exploitent les ressources naturelles sont confrontées à des
interpellations dans le domaine du développement durable. Il semble toujours très difficile de concilier les
objectifs de rentabilité économique des entreprises et ceux de durabilité écologique et sociale. Ainsi, on
s’interroge sur les moyens à mettre en œuvre pour favoriser l’émergence des entreprises qui concilient à la fois
durabilité et rentabilité économique en milieu rural. Dans le présent article, nous nous intéressons à quelques
acteurs susceptibles d’influer sur la prise en compte des préoccupations sociales et environnementales au
Cameroun. Nous nous focalisons sur un cas pratique, celui de la Plantation du Haut Penja (PHP), une
entreprise agro-industrielle spécialisée dans la production de la banane dessert, implantée dans
l’arrondissement de Njombé-Penja, département du Moungo (Cameroun). Sur la base des données de deux
enquêtes qualitatives réalisées en 2003 et 2013, nous identifions et discutons les améliorations observées dans la
prise en compte des préoccupations sociales environnementales au sein de cette entreprise.
Mots clés : RSE, développement durable, agro-industrie, parties prenantes.
SOCIAL AND ENVIRONMENTAL RESPONSIBILITY IN AN AGRO-INDUSTRIAL
COMPANY IN CAMEROON:
AN ANALYSIS IN TERMS OF STAKEHOLDERS
Abstract
The question of corporate social and environmental responsibility arises acutely in rural societies
where most companies that exploit natural resources are faced with interpellations in the field of sustainable
development. It still seems very difficult to reconcile the objectives of economic profitability of companies with
those of ecological and social sustainability. Thus, the question arises as to the means to be used to encourage
the emergence of companies that reconcile both sustainability and economic profitability in rural areas. In this
article, we are interested in a few actors likely to influence the taking into account of social and environmental
concerns in Cameroon. We focus on a practical case, the plantation of the Haut Penja (PHP), an agro-industrial
company specializing in the production of banana dessert, located in the Njombé-Penja District, Moungo
Division (Cameroon). On the basis of data from two qualitative surveys carried out in 2003 and 2013, we
identify and discuss the improvements observed in taking into account environmental social concerns within this
company.
Keywords: CSR, sustainable development, agro-industry, stakeholders.
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INTRODUCTION
Situé dans la région du Littoral (Cameroun), l’arrondissement de Njombé-Penja est localisé dans la
partie centrale du département du Moungo, dans un environnement géographique très propice aux activités
agricoles. La terre est très fertile et le relief peu accidenté, favorable à une activité agricole mécanisée, comme le
souligne Barbier (1980, p. 14) : « Les sols de cette zone sont en effet particulièrement riches (…) Sols peu
évolués qui se sont formés sur les terrains volcaniques les plus récents, coulées ou projections. Ils sont situés à
l’Ouest de la route nationale, principalement dans le secteur Nyombé-Penja… » Ce site volcanique a une très
grande capacité de rétention d’eau, facteur favorable à la production agricole intensive. Par ailleurs, le climat
chaud et pluvieux (climat équatorial de type camerounéen), est propice pour la culture des plantes fruitières.
Tous ces atouts naturels, combinés à une population rurale très active, ont fait de cet arrondissement une
zone très convoitée. Ainsi, les populations locales ont été progressivement dépossédées de leurs terres, leur
principale source de survie. Aujourd’hui, la quasi-totalité des terres d’accès facile est exploitée par des personnes
ou des entreprises venues d’ailleurs et qui se sont progressivement implantées dans cette localité (Pigeaud, 2009).
La plus importante de ces entreprises, la Plantation du Haut Penja (PHP), est une filiale de la compagnie fruitière
de Marseille. Elle cultive la banane dessert pour l’exportation sur le marché européen, sur une superficie de
4 491, 82 ha3 (y compris les espaces en jachère) ; principalement dans l’arrondissement de Njombé-Penja. La
PHP a été créée en 2003, des cendre du complexe agro-industriel PHP-SPNP-SBM4. Elle est actuellement le
leader national de la production et de l’exportation de la banane, avec un chiffre d’affaires estimé à environ 50
milliards FCFA, en 20135.
L’activité de la PHP a suscité de nombreuses plaintes de différentes origines (ouvriers agricoles,
populations locales, ONG, médias), mettant en évidence les effets néfastes de l’activité agro-industrielle sur les
populations riveraines et sur l’environnement écologique (Pigeaud, 2009 ; Pommier, 2004). Il était reproché à
cette entreprise de ne pas se soucier des effets néfastes de son activité sur l’environnement ; mais aussi de ne pas
se préoccuper de l’amélioration du bien-être des communautés locales, autrefois propriétaires des terres
actuellement exploitées. Ces plaintes ont entraîné une prise de conscience chez les dirigeants de l’entreprise qui
ont donc commencé à porter une attention sur la question de la responsabilité sociale et environnementale.
Dans cet article, nous nous intéressons aux principaux acteurs qui ont contribué à cette prise de
conscience. Dans la première partie, nous présentons le cadre conceptuel, théorique et méthodologique de la
recherche. Dans la deuxième partie, nous présentons et discutons les résultats qui mettent en évidence les
améliorations observées au sein de l’entreprise, sur la prise en compte des préoccupations sociales et
environnementales. La discussion fait un focus sur les principaux acteurs de ces améliorations.
OSSATURE CONCEPTUELLE, THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE
Cette première partie est articulée autour de la clarification conceptuelle, de la délimitation du champ
théorique et de la justification méthodologique.
Clarification conceptuelle
Les préoccupations sociales et environnementales sont au cœur des travaux de recherche sur
l’entrepreneuriat en Afrique et particulièrement au Cameroun (Kamdem, 2016 ; Lado, 2012 ; Ondoua Biwolé,
2012 ; Tsalefac, 2012 ; Wong et Yaméogo, 2011). Ces préoccupations traduisent la lente et difficile émergence
de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) dans les pratiques entrepreneuriales et managériales. Ceci
dans la mesure où la RSE apparaît comme « une approche innovante » qui implique la création par
l’entrepreneur, en collaboration avec les autres acteurs, « des opportunités d’affaires en tenant compte de
l’équilibre entre la performance économique et l’impact social » (Ngaha Bah, 2016, p. 30). Elle intègre de ce
fait trois dimensions majeures qui sont : la viabilité économique, la responsabilité sociale et sociétale et la
responsabilité environnementale (Belhcen et Bousta, 2016). La conciliation de ces trois dimensions par
3 Source : documentation interne. 4 Il faut préciser que la PHP existe déjà, longtemps avant 2003, mais elle fait partie intégrante d’un complexe
agroindustriel appelé le groupe PHP-SPNP-SBM. La PHP appartient à la Compagnie fruitière de Marseille, la SPNP
à un expatrié français et la SBM est née des cendres de l’OCB en 1991. Mais en 2003, la compagnie fruitière de
Marseille rachètera toute les parts, et l’entreprise après restructuration va prendre la dénomination de PHP. 5 Un Euro = 655 FCFA.
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l’entreprise apparaît aujourd’hui incontournable, et oblige l’entrepreneur à s’engager volontairement pour cette
cause.
L’engagement volontaire du dirigeant d’entreprise est une exigence centrale de la RSE, ainsi définie par
un représentant du patronat camerounais, Martin Abéga (2012, p. 17), précédemment Secrétaire exécutif du
Groupement inter-patronal du Cameroun (GICAM) : « L’intégration volontaire des préoccupations sociales,
éthiques et environnementales des entreprises dans leurs activités productives et commerciales et dans leurs
relations avec leurs parties prenantes et ce, dans le but de construire une économie socialement responsable et
respectueuse de la dignité de toute personne et de la promotion de son développement intégral. »
L’engagement volontaire dans la RSE est clairement affirmé dans le Livre Vert de la Commission
européenne (2001) : « Le concept de responsabilité sociale des entreprises signifie essentiellement que celles-ci
décident de leur propre initiative de contribuer à améliorer la société et rendre plus propre l'environnement. »
Ainsi, la RSE traduit l’engagement volontaire de l’entreprise à œuvrer pour améliorer le bien-être social et à
protéger l’environnement.
Sur le champ d’application de la RSE, Lado et al. (2012, p. 14) font le constat suivant : « Aujourd’hui,
la RSE concerne pratiquement toutes les fonctions de l’entreprise, de la conception des produits à leur
commercialisation, en passant par le bien-être et le développement des collaborateurs, c’est toute la chaîne de
la valeur de l’entreprise qui est concernée. » Pour ces auteurs, la RSE concerne l’ensemble des activités de
l’entreprise, et par conséquent, l’ensemble des acteurs impliqués dans chacune de ces activités. La RSE est de ce
fait élargie au-delà de l’entreprise et concerne tous ceux qui interviennent dans le fonctionnement de celle-ci. On
peut donc, comme le suggère Cazal (2004, p. 7), « résumer la RSE par deux questions centrales : de quoi
l’entreprise est-elle responsable et devant qui ? » Il est possible d’y répondre en affirmant que l’entreprise est
responsable de l’amélioration du cadre social et environnemental interne du travail ; mais aussi qu’elle a des
engagements à assumer à l’égard de toutes les parties prenantes impliquées dans son activité.
La RSE permet ainsi de comprendre le rôle de l’entreprise, du point de vue sociologique, au-delà de sa
fonction économique de création de la richesse. Ela (2006, p. 40-41) considère l’entreprise comme « une sorte de
production sociale mettant en lumière la créativité intellectuelle et scientifique… » Toutefois, il prend soin de
bien préciser que l’entreprise créatrice de richesse économique est « une institution cardinale du capitalisme » qui
a principalement pour finalité de réaliser de nouveaux profits. Cet objectif trouve son fondement dans
l’environnement concurrentiel auquel toute entreprise est confrontée. Ainsi, l’entreprise est un lieu d’expression
de l’innovation pour engendrer le profit.
Cette perception purement mercantiliste et capitaliste de l’entreprise est remise en question, dans la
perspective de la responsabilité sociale et environnementale. La représentation de l’entreprise, comme
génératrice des profits pour les actionnaires, est élargie pour tenir compte de son utilité sociale et
environnementale. Cependant, la prise en compte de la fonction sociale de l’entreprise n’est pas toujours
évidente ; surtout dans un contexte économique mondialisé et ultra libéral.
Nous limitons notre champ d’analyse aux acteurs et parties prenantes de la RSE. Une autre approche
nous aurait orientée vers l’étude des facteurs explicatifs de l’émergence de la RSE dans le cas étudié. Dans sa
posture sociologique, Rocher (1968, p. 25) propose la définition suivante : « Un facteur est un élément d’une
situation donnée qui, du seul fait de son existence ou par l’action qu’il exerce, entraîne ou produit un
changement. » Suivant cette perspective définitionnelle, un facteur est l’élément causal d’un changement ou
d’une transformation. L’analyse en termes de parties prenantes nous semble mieux indiquée, dans la mesure où
elle met l’acteur au cœur de la dynamique organisationnelle de la RSE. Ces clarifications conceptuelles
permettent d’entrer dans le champ théorique de l’analyse.
Délimitation du champ théorique
La théorie des parties prenantes, développée par Freeman (1984) est appropriée pour notre recherche
qui mobilise différentes catégories d’acteurs individuels et institutionnels autour de la question de la
responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise (Gond et Mercier, 2006). Cette théorie a déjà été
mobilisée dans d’autres travaux de recherche en contexte camerounais, sur différents sujets : éthique des affaires
(Kamdem, 2007 ; Kamdem et Chetchoua Kamyap, 2010) ; gouvernance d’entreprise (Etoundi Eloundou, 2010) ;
citoyenneté d’entreprise (Kamdem et Ikellé, 2014). Cette théorie considère que l’organisation ne se limite pas
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exclusivement à l’accomplissement de ses objectifs économiques ; mais elle a aussi des obligations vis-à-vis de
tous ceux qui sont concernés par ses activités, comme le rappelle Mercier (2001, p.1) : « L’objectif principal de
la TPP est ainsi d’élargir la représentation que les sciences de gestion se font du rôle et des responsabilités des
dirigeants : au-delà de la fonction de maximisation du profit, il convient d’inclure dans la gouvernance de
l’entreprise les intérêts et les droits des non-actionnaires. »
Aggeri et Acquier (2005, p. 4) proposent une reformulation de cette théorie : « L’entreprise a des
stakeholders qui ont des exigences à son égard ; tous les stakeholders n’ont pas la même capacité d’influence
sur l’entreprise ; la prospérité de l’entreprise dépend de sa capacité à répondre aux demandes des stakeholders
influents ; la fonction principale du management est de tenir compte et d’arbitrer entre des demandes
potentiellement contradictoires des stakeholders. » L’approche des parties prenantes invite l’entreprise à
promouvoir les intérêts de tous les acteurs qui peuvent influencer son activité ou être influencés par cette
dernière. Elle voudrait que l’entreprise substitue à sa vision traditionnelle de produire pour le profit exclusif des
actionnaires, une vision qui prend en compte toutes les autres parties prenantes ; notamment externes.
L’on pourrait identifier quelques limites de cette théorie et du concept qui lui est associé. D’abord, le
concept de partie prenante entretient une confusion entre les individus et les groupes. Ensuite, la responsabilité
de l’entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes n’est pas toujours précisée dans la théorie. Enfin, la mesure des
intérêts des parties prenantes se pose, parce que moins évidente à déterminer que celle des actionnaires, et non
spécifiée dans le cadre théorique. Néanmoins, il est important de souligner que cette théorie permet une
interpellation éthique de l’entreprise sur ses activités, sur les conséquences qui en découlent et sur les
améliorations envisageables.
Dans le cadre de notre recherche, les parties prenantes représentent l’ensemble des acteurs ayant, de près
ou de loin, influencé les changements sociaux et environnementaux observés dans les activités de la PHP. Nous
adopterons la typologie de Carroll et Näsi (1997), reprise par Mercier (2001). Cette typologie propose un
regroupement des parties prenantes en deux catégories : les parties prenantes internes et les parties prenantes
externes. L’application de cette catégorisation à notre terrain de recherche permet de classer, dans la première
catégorie : les propriétaires et les dirigeants de l’entreprise, les salariés (principalement ouvriers agricoles), les
structures associatives (mutuelle du personnel). La deuxième catégorie est essentiellement constituée des
membres des communautés locales riveraines, des ONG (nationales et internationales), des médias, des
organismes internationaux de certification de la qualité.
Justification méthodologique
Selon Matthieu Guidère (2004, p. 4), « une science sans conscience méthodologique n’est que ruine de la
recherche. » La méthodologie apparaît alors comme une étape incontournable pour éviter au chercheur d’aboutir
à une impasse. Elle se constitue d’un ensemble de méthodes qui permettent d’assurer la validité du raisonnement
(Alpe et al., 2007). Ceci justifie le fait que, Luc Van Campenhoudt et Raymond Quivy (2011) mettent une
emphase particulière sur la nécessité de se doter d’une méthode pour engager une recherche en science sociale. Il
s’agit précisément « de distinguer et mettre en œuvre de manière cohérente les différentes étapes de la
démarche. » (p. 15) La présente étude, répondant à cette exigence, précise les étapes suivies pour parvenir aux
résultats présentés. Il s’agit de la collecte et de l’analyse des données pertinentes.
Collecte des données
Elle s’est effectuée en deux étapes, afin de mieux apprécier la nature et le contenu des changements
observés dans la prise en compte des préoccupations sociales et environnementales. Nos premières données sur
l’entreprise ont été collectées en 2003, à la faveur d’une recherche académique sur les conditions de travail des
ouvriers agricoles ; ainsi que sur les incidences de l’activité agro-industrielle sur l’environnement social
(Leumako, 2003). La collecte de ces données s’est effectuée lors des entretiens avec les représentants de la
direction de l’entreprise, les autorités administratives, les associations locales impliquées dans l’activité de
l’entreprise. Nous avons également administré un questionnaire auprès des ouvriers et des populations locales.
Lors de la seconde étape, en 2013, nous avons effectué des observations directes et de nouveaux
entretiens au sein de l’entreprise. Nous avons d’abord réalisé des entretiens auprès de l’administration de la PHP.
Cette dernière nous a mis en contact avec le responsable de la Direction Environnement et Normalisation pour
l’obtention des informations concernant les actions sociales et environnementales de l’entreprise. Avec la
Direction des Ressources Humaines, nous nous sommes davantage intéressée aux informations concernant les
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conditions de travail du personnel ouvrier au sein des plantations et stations. Ensuite, nous avons eu des
entretiens avec les autorités (administratives, municipales et traditionnelles). Enfin nous avons mené des
entretiens avec les ouvriers dans les plantations et les stations de traitement des produits. Des entretiens ont aussi
été effectués auprès de quelques personnes installées autour des plantations.
Les entretiens avec les responsables de la PHP et les autorités administratives et traditionnelles étaient
individuels. Ceux avec les ouvriers et les membres des communautés riveraines étaient collectifs. Ces entretiens
étaient conduits autour de deux objectifs majeurs : d’une part, identifier les améliorations observées dans les
pratiques de la PHP sur le double versant (social et environnemental) ; d’autre part, identifier les raisons ayant
motivé la direction de la PHP à engager ces améliorations. Tous ces entretiens ont été conduits suivant un
support simplifié présenté en annexe.
Tableau 1 : Profil des personnes interrogées
Noms et prénoms des
enquêtés
Fonctions exercées Date de l’entretien
M. Kameni Pierre Directeur de la Normalisation de la PHP Njombé, le 22 janvier 2013/le 14 août 2013
M. Lihan Directeur des Ressources humaines de la PHP Njombé, le 03 janvier 2014
M. Mandeng Directeur des Relations extérieures de la PHP Njombé, le 03 janvier 2014
M. Andjengo Emmanuel Cadre à la direction de la Normalisation de la PHP Njombé, le 05 septembre 2013
Mme Christine Tsimi Njolé Médécin de travail à la PHP Njombé le 13 avril 2013
M. Justin Mvondo
Préfet du Moungo
Nkongsamba, Le 24 octobre 2012
M. Ehabil Guy Marcel
Délégué départemental du MINDCAF
Nkongsamba, Le 24 octobre 2012
M. Moukoko Réginet Délégué départemental du MINADER
Nkongsamba, le 17 janvier 2013
M. Nouhou Bello Sous-préfet de Njombé/Penja Penja, août 2013
M. Etongue Gaspard Délégué d’arrondissement du MINADER
(Njombé/Penja)
Penja, le 23 janvier 2013
M. Djikam Samuel SG de la commune de Njombé/Penja Penja, le 23 janvier 2013
Sa majesté Songa Daniel Chef traditionnel du village Mpoula (Penja) Mpoula le 13 août 2013 ; le 06 septembre 2013
Sa majesté Ndédi François Chef traditionnel du Village Banebong II (Penja) Penja, le 13 août 2013
Sa majesté Makona Epané
Isaac
Chef traditionnel de Bonandam (Njombé) Bonandam, le 16 août 2013
Source : Auteur
Analyse des données
Les données collectées ont été interprétées par la méthode d’analyse de contenu, définie comme « une
méthode de classification ou de codification dans diverses catégories des éléments du document analysé pour en
faire ressortir les différentes caractéristiques en vue d’en mieux comprendre le sens exact et précis » (Dépelteau,
2010, p.23) C’est une technique de codage ou de classification visant à découvrir d’une manière rigoureuse et
objective la signification d’un message. Elle consiste à découper les textes en unités pouvant être quantifiables, et
« offre la possibilité de traiter de manière méthodique des informations et des témoignages qui présentent un
certain degré de profondeur et de complexité, comme par exemple les rapports d’entretiens semi-directifs. »
(Van Campenhoudt et Quivy, 2011, p. 206).
Nous avons ainsi procédé à l’analyse thématique (l’une des variantes de l’analyse de contenu) en deux
étapes : d’abord, le découpage du contenu des différents entretiens en fonction des thèmes qui en découlent ;
ensuite, le regroupement des données suivant ces différents thèmes. Nous avons donc regroupé les données
découlant de nos entretiens en deux grands thèmes. Le premier concerne les avancées de la PHP sur les questions
sociales et environnementales, à trois niveaux principalement : les conditions de travail des ouvriers de plantation
et de station, les actions pour la protection de l’environnement, les actions en faveur des communautés locales.
Le deuxième thème fait référence aux acteurs impliqués dans les changements observés (acteurs agissant au sein
de l’entreprise et en dehors de celle-ci).
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PRÉSENTATION ET DISCUSSION DES RÉSULTATS
Cette partie du texte est organisée autour des trois principaux axes d’analyse suivants : l’identification
des améliorations ; les acteurs impliqués dans ces améliorations ; la discussion sur le caractère volontaire ou
contraignant des améliorations.
Améliorations sur les questions sociales et environnementales
Comparativement aux données collectées respectivement en 2003 et en 2013, ces améliorations sont
observées à trois niveaux principalement : les conditions de travail des ouvriers ; la protection de
l’environnement ; les actions en faveur des communautés locales.
Conditions de travail des ouvriers
Le croisement des données collectées auprès des ouvriers et des dirigeants de la PHP permet de relever
les améliorations manifestes sur les points suivants : la prise en charge médicale, la sécurité au travail, la
politique salariale, l’avancement catégoriel. Le tableau comparatif des données de 2003 et de 2013 présente ces
améliorations.
Tableau 2 : Améliorations observées
Domaines
d’amélioration
Données de l’année 2003 Données de l’année 2013
Prise en charge
médicale
- Existence d’une seule infirmerie à la direction
générale basée à Njombé.
- Difficulté d’accès à l’hôpital St Jean de Malte
pour les ouvriers et leurs familles (non
disponibilité des bons de prise en charge).
- Multiplication des infirmeries qui sont passées d’une à
cinq.
- Prise en charge totale des soins médicaux, par l’hôpital
au profit des ouvriers et de leurs familles.
- Possibilité d’évacuation des ouvriers et de leurs familles
dans une structure hospitalière mieux équipée (hôpital
général de Douala).
Sécurité au travail
- Pas d’équipement adéquat pendant le travail.
- Absence d’équipement de protection pendant
l’utilisation des produits phytosanitaires.
- Présence des ouvriers dans les plantations
pendant les traitements phytosanitaires aériens
improvisés.
- Disponibilité des équipements complets en fonction du
type de travail effectué.
- Annonce des traitements aériens à l’avance et retrait des
ouvriers de la plantation, avant le traitement et jusqu’à 30
minutes après le traitement.
Politique salariale
- Pas de primes.
- Pas d’indemnités de logement.
- Paiement des primes diverses (assiduité, présence,
qualité, productivité).
- Paiement des indemnités de logement.
Avancement catégoriel
- Prévu tous les trois ans, mais non appliqué.
- Prévu tous les trois ans et appliqué, en fonction des cas.
Source : auteur
Ce tableau permet d’observer des changements plus ou moins importants dans les conditions de travail
des ouvriers de la PHP. Leur prise en charge médicale est totale (100%). Mais la prise en charge des familles est
effectuée dans la limite de 80% des dépenses médicales. Le nombre d’infirmeries disponibles pour gérer les cas
de maladies est passé d’une à cinq, reparties dans les différents sites de production de l’entreprise. Ceci a permis
de résoudre le problème de délai d’accès aux premiers soins et d’affluence dans la seule infirmerie d’alors.
Il faut aussi relever que la PHP dispose d’un hôpital de référence (hôpital Saint-Jean de Malte) qui
accueille les ouvriers dont l’état de santé est jugé préoccupant. Lors de nos enquêtes en 2003, les ouvriers
exprimaient leurs mécontentements parce qu’il leur était très difficile d’accéder aux soins de santé dans cet
hôpital. Les bons de prise en charge étaient donnés en fonction des "têtes", ou en fonction de la relation avec
l’administration compétente. Depuis lors, une mutuelle des ouvriers a été créée et sert comme structure de
concertation et de médiation entre ces derniers et la direction de l’entreprise. Les résultats de cette demande
ouvrière auprès de la direction de l’entreprise sont perceptibles. On peut ainsi constater actuellement l’octroi
d’un carnet de santé à chaque ouvrier et aux membres de sa famille. Ce carnet permet d’avoir un accès direct à
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l’hôpital pour recevoir les soins nécessaires. Il existe aussi la possibilité d’évacuation sanitaire à l’hôpital général
de Douala, si la nécessité médicale s’impose.
En outre, on peut constater que la sécurité de l’ouvrier au travail est mieux assurée en 2013 qu’elle ne
l’était dix ans plus tôt. En effet la plupart des ouvriers ne disposaient pas d’équipements de protection, et s’ils en
existaient, ils n’étaient pas adaptés à leurs tâches. Ces ouvriers étaient exposés aux produits toxiques utilisés
pendant le travail ; ainsi qu’à de multiples risques professionnels liés au manque d’équipements de sécurité. Les
ouvriers se plaignaient de l’improvisation récurrente des traitements phytosanitaires aériens qu’ils subissaient
dans les plantations et qui provoquaient de nombreuses maladies (visuelles, respiratoires, etc.).
De nos entretiens avec les ouvriers en 2013, il ressort que la question des équipements de travail est
résolue, car chaque ouvrier dispose de son équipement personnel de travail qui est renouvelé après un certain
temps d’utilisation. Et aussi la programmation des traitements phytosanitaires aériens est publiée à l’avance par le
service concerné. Le médecin du travail de l’entreprise fait le constat qu’en dix ans, on est passé d’une fréquence
annuelle de 10 000 à 100 accidents de travail. Par ailleurs, on remarque de légères améliorations dans la politique
salariale (création et paiement des primes, paiement d’une indemnité de logement).
La direction des ressources humaines de la PHP considère l’amélioration des conditions de travail des
ouvriers comme « assez considérable ». En dépit de ces améliorations, les ouvriers ne sont pas toujours satisfaits,
particulièrement en ce qui concerne la rémunération qui, selon eux, n’est ni fonction de la charge de travail, ni
fonction du coût de la vie dans la localité. Pour mieux illustrer leurs propos pendant les enquêtes, on pourrait
reprendre ce constat de Rouillé d’Orfeuil (1991, p. 27) : « Ces salaires interdisent l’épargne et
l’investissement. »
Protection de l’environnement
La protection de l’environnement semble être à ce jour une préoccupation de la direction générale de la
PHP, au travers de sa direction de normalisation. Les actions de la PHP en faveur de l’environnement sont
multiples, entre autre dans l’utilisation des produits toxiques pour la protection des feuilles des bananiers très
souvent attaquées par des maladies fongiques généralement appelées cercosporiose. Dans le passé, les produits
issus de ces traitements étaient transportés par les vents et répandus dans la nature et à différents endroits
(domiciles, écoles, centres de santé, hôpitaux, lieux de culte, etc.) La pollution était ainsi généralisée dans
l’indifférence totale des dirigeants de la PHP. Dix années plus tard, ces derniers ont pris conscience de la gravité
de la situation et ont pris des mesures appropriées. Il s’agit concrètement de l’installation des pancartes autour
des plantations pour la sensibilisation des populations, avec des messages préventifs : « Ne pas entrer en
plantation pendant les traitements aériens. »
Par ailleurs des « zones d’exclusion ou zones de sécurité » ont été créées, sur un espace de 50 mètres
autour des plantations. Ce sont des distances de sécurité qui ont pour objectif d’empêcher que les produits
chimiques toxiques atteignent les zones sensibles. Ces espaces tampons, crées entre les plantations et les « zones
sensibles » (écoles, habitations, cours d’eau, etc.), ont été délimités après l’étude minutieuse des mouvements des
vents entraînant la dispersion accentuée des produits chimiques toxiques dans la nature.
Une autre mesure protectrice de l’environnement contre les produits toxiques a consisté à créer des
"vitrines", autrement appelées « haies d’érythrines », qui sont des arbres géants plantés autour des « zones
sensibles » pour les protéger des effets néfastes des traitements phytosanitaires aériens des bananiers. Ces arbres,
considérés comme des « brises vents », renforcent la protection des « zones sensibles ».
Sur un autre plan, la direction de l’entreprise a négocié et signé un accord avec l’association des
transporteurs communément appelés "mototaxis" ou encore "benskinneurs". Ces derniers participent désormais à
la surveillance préventive de la circulation incontrôlée des populations dans les plantations et dans les « zones
d’exclusion ou zones de sécurité » pendant l’administration des traitements phytosanitaires aériens.
Une autre mesure de protection de l’environnement concerne le ramassage et le recyclage des déchets
plastiques utilisés pour l’emballage des produits toxiques. Ces déchets plastiques étaient auparavant abandonnés
dans la nature, et les populations les ramassaient pour les utiliser, s’exposant ainsi à des risques aggravés
d’intoxication.
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Des améliorations ont aussi été effectuées dans la limitation des nuisances sonores. Ces dernières
proviennent de l’utilisation des motopompes dans les stations de pompage d’eau pour l’irrigation des plantes. Les
motopompes, très bruyantes, ont été progressivement remplacées par des électropompes beaucoup moins
bruyantes.
Un programme de protection des collines, par la reforestation, a été mis en œuvre. En effet, la
destruction de la végétation dans les collines a favorisé l’écoulement des eaux et leur déversement dans les zones
d’habitation. Cette mesure s’est accompagnée de la pose des drains pour assurer une meilleure canalisation des
eaux.
Toutefois, il est important de relever les limites de ces actions engagées pour la protection de
l’environnement. Par exemple, les ouvriers agricoles doivent retourner dans les plantations seulement 30 minutes
après l’utilisation des produits phytosanitaires ; subissant ainsi les effets respiratoires de ces produits dangereux
pour la santé. Quelques-uns n’ont pas hésité à affirmer que les mesures prises par la direction pour améliorer la
situation sont « sans effet réel ». Ce point de vue est partagé par un chef de village local : « Les actions de la
PHP pour protéger les populations des effets des traitements aériens sont peu efficaces, lors d’une récente
ballade avec mon petit fils dans le village pendant que les avions de la PHP circulaient, celui-ci s’est écrié
‘grand-père on m’a versé le piment dans les yeux’. » Par ailleurs, malgré le drainage des eaux polluées par les
produits chimiques utilisés, l’on observe encore des inondations pendant et après les fortes pluies.
Actions en faveur des communautés locales
L’une des actions importantes en faveur des communautés locales est l’organisation, par la direction de
l’entreprise, du ramassage des ordures ménagères dans la localité. Cette activité est assurée par deux entreprises
sous-traitantes locales dont les salaires et les charges salariales des employés sont entièrement couverts par la
PHP. En plus, cette dernière organise des opérations de salubrité publique deux fois par mois ; en mettant à la
disposition des entreprises sous-traitantes quelques tracteurs pour le ramassage et le stockage des ordures
ménagères.
Le secteur de la santé n’est pas oublié. La direction de la PHP a considérablement facilité l’accès des
populations locales aux soins de santé au sein de son hôpital de référence qui n’est plus seulement un hôpital
d’entreprise exclusivement réservé aux salariés, mais un hôpital d’entreprise ouvert à toute la population. Dans le
secteur éducatif, l’entreprise apporte une contribution considérable à la construction, à la réfection, à
l’équipement des salles de classe ; dans les écoles publiques et confessionnelles de la localité. Elle a aussi,
quelques fois, contribué financièrement et matériellement à la circulation des populations ; notamment par la
réfection des ponts et des pistes rurales. Dans le secteur agricole vivrier, elle assure l’organisation de la
répartition des terres en jachère de la PHP aux femmes depuis 2010, pour la pratique de cultures vivrières, utiles
à l’alimentation des populations locales et à la reconstitution des sols.
Ces investissements sociaux et environnementaux ont eu un coût financier pour l’entreprise. Les
données disponibles révèlent un montant de 1 785 828 800 FCFA, en 2011.
Principaux acteurs des améliorations observées
Plusieurs raisons ont justifié les améliorations décrites plus haut : préservation de l’image de marque de
l’entreprise ; conformité aux obligations découlant des certifications internationales ; conséquences négatives des
campagnes de sabotage des plantations au cours des années antérieures ; effets néfastes des émeutes de la faim
qui ont ébranlé le Cameroun au mois de février 2008. Pour demeurer fidèle au schéma théorique de notre
recherche, nous présenterons les principaux acteurs des améliorations suivant la catégorisation des parties
prenantes (internes et externes).
Acteurs relevant des parties prenantes internes
Ces derniers sont principalement regroupés en deux catégories : les propriétaires et les dirigeants ; les
ouvriers et leur structure de solidarité (mutuelle).
- Les propriétaires et les dirigeants
Il n’a pas été possible de différencier ces deux catégories d’acteurs, du fait de la très forte similitude et
des convergences de leurs rôles respectifs.
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« La crainte de se retrouver en marge des préoccupations de l’heure », comme a déclaré l’un des
responsables de la direction de la normalisation, justifie l’engagement de la direction de l’entreprise pour les
préoccupations sociales et environnementales. En effet, les propriétaires et les dirigeants de la PHP ont été très à
l’écoute des innovations et des rencontres internationales autour du sujet brûlant du développement durable dans
le monde (déclaration de Stockholm, en 1972 ; publication du rapport Brundtland, en 1987 ; déclaration de Rio,
en 1992 ; conférence de Johannesburg, en 2002 ; charte de l’environnement, en 2005).
Le directeur de la normalisation à la PHP reconnaît que la principale raison des avancées observées de
l’entreprise sur les questions sociales et environnementales est la crainte de perdre la clientèle et le désir de
« garantir la sécurité alimentaire à ses consommateurs. »
De ce qui précède, il apparaît clairement que la détérioration progressive de l’image de marque de la
PHP a fortement motivé les propriétaires et les dirigeants à considérer les préoccupations sociales et
environnementales comme une dimension essentielle de leurs pratiques managériales.
- Les ouvriers et leur structure de solidarité (mutuelle)
Lors des entretiens avec les ouvriers agricoles, il s’est dégagé un large consensus autour de la principale
raison des changements observés dans l’entreprise à leur égard : « La grève de 2008 ». Cette grève a révélé un
sentiment de mécontentement massif des ouvriers à l’égard des propriétaires et des dirigeants de leur entreprise.
Cette grève ouvrière, à la suite du mouvement généralisé des « émeutes de la faim » en février 2008 au
Cameroun, a été l’un des éléments déclencheurs et accélérateurs des changements observés dans les conditions de
travail des ouvriers dans les plantations et dans les stations de traitement des bananes. Le journal français, Le
Monde, a repris quelques slogans des ouvriers grévistes : « Nous voulons que les Français nous paient bien.
Nous sommes chez nous après tout, nous ne sommes pas des esclaves. »6. Lors des entretiens, plusieurs nous ont
clairement affirmé : « Cette grève a entraîné une réelle amélioration dans nos conditions de travail. »
La mutuelle de solidarité des ouvriers, créée et fonctionnelle au sein de l’entreprise, a aussi joué un rôle
déterminant dans l’amélioration des conditions de travail. Elle a servi comme une structure très efficace de
communication et de médiation pour relayer les revendications ouvrières auprès de la direction.
Acteurs relevant des parties prenantes externes
Dans cette catégorie, nous regroupons les communautés locales riveraines, les organismes de
certification internationale, les ONG (nationales et internationales), les médias.
- Les communautés locales riveraines
Les émeutes du mois de février 2008, « émeutes de la faim », ont révélé la profonde frustration des
populations locales riveraines de la PHP dépossédées de leurs terres pour la culture intensive de la banane
destinée à l’exportation. Plusieurs équipements et bâtiments de la PHP ont été détruits ; des plantations ont été
saccagées ; les biens de l’entreprise ont subi des pillages. Face à cette situation dangereuse pour la survie de
l’entreprise, cette dernière a initié et mis en œuvre des actions salvatrices comme en témoigne un des dirigeants :
« Depuis les émeutes, les salaires ont d'ailleurs reçu un net coup de pouce, le salaire minimum passant à 31 000
francs CFA (46,50 euros) sans les primes, qui le portent à 45 000 francs CFA (67,50 euros). » Les violences
initiées et entretenues par les populations locales riveraines ont donc eu un impact manifeste sur le changement
du comportement de l’entreprise à l’égard de ces dernières.
- Les organismes de certification internationale
La PHP a obtenu la certification ISO 14001 en 2001, en reconnaissance des actions engagées par la
direction générale pour améliorer ses pratiques de production et de management ; dans le but de diminuer les
impacts négatifs sur l’environnement naturel et humain (utilisation minimale des pesticides ; utilisation exclusive
des produits phytosanitaires homologués par le Cameroun et l’Union européenne). Une autre certification
internationale a été obtenue en 2004, auprès de la Global GAP, pour la protection du consommateur : « Elle lui
apporte l’assurance que la nourriture qu’il achète a été produite dans le cadre de bonnes pratiques agricoles
avec un impact environnemental limité, et une approche responsable dans le respect de la santé et de la sécurité
des salariés. »7 Un troisième projet de certification est en cours, depuis le mois d’octobre 2012, concernant le
6 Journal Le Monde, 09/06/2008. 7 Extrait du manuel sur la responsabilité sociale et environnementale de la PHP, 2011, p. 32.
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fair trade (commerce équitable). Il est encore tôt pour se prononcer définitivement sur l’impact de cette dernière
sur la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise.
Ces certifications s’accompagnent d’obligations, pour la direction de l’entreprise, à assurer la promotion
du développement durable par des actions concrètes ; et à ne pas se focaliser exclusivement sur la préservation de
son image et la promotion commerciale de ses produits.
- Les ONG (nationales et internationales)
L’action des ONG a été déterminante dans la dénonciation publique des pratiques managériales
longtemps en vigueur à la PHP, mais aussi et surtout dans les changements positifs observés. Quelques exemples
concrets permettent d’illustrer cette analyse.
Le Centre pour l’environnement et le développement (CED) a engagé en 2011, la projection d’un film intitulé
« La Banane »8, mais celle-ci a été interrompue par les autorités administratives camerounaises. Ce film dénonce
les pratiques sociales et environnementales de la PHP.
L’antenne régionale de l’Action chrétienne pour l’abolition de la torture (ACAT-Littoral), une ONG
confessionnelle engagée dans la protection des droits humains, a effectué une enquête sur les conditions de
travail à la PHP et en a produit un rapport accablant sur les limites de la responsabilité sociale et
environnementale.
Le Comité catholique de lutte contre la faim et pour le développement (CCFD), dans un rapport intitulé
« Cameroun : la banane, un régime de misère », classe la PHP dans la catégorie des « Sociétés à irresponsabilité
illimitée » (CCFD, 2009, p. 27). Se fondant sur le rapport de l’ACAT-Littoral, le CCFD met en évidence la
situation paradoxale de la PHP : « Sur le papier, l’entreprise se veut exemplaire…Sur le terrain les échos sont
différents. »
- Les médias
Au cours des années précédentes, plusieurs reportages et écrits médiatiques sur la PHP ont fortement
dénoncé le désintérêt des propriétaires et des dirigeants pour les questions écologiques et environnementales. Ces
publications, justifiées par différentes preuves (témoignages personnels, états des salaires, fréquence des
maladies professionnelles provoquées par l’utilisation des engrais et des pesticides), ont largement circulé dans
les réseaux sociaux au Cameroun et dans le monde entier.
Quelques exemples illustratifs : « Au Cameroun, une exploitation de banane au goût amer »9 ; « La
banane, un sujet très sensible au Cameroun »10 ; « Indigestion des terres pour la République bananière »11 ; etc.
Ces titres médiatiques ont considérablement affecté l’image de l’entreprise dans les communautés locales, au
niveau national et à l’international. Par ailleurs, ils ont eu un impact considérable sur la stratégie de
communication institutionnelle de l’entreprise ; comme cela a pu être observé, dans un autre contexte, par Martin
(2013, p. 53) : « Si l’on accepte de considérer que le message sur le prix n’est pas le seul qui intéresse le
consommateur ou, plus largement, le client de l’entreprise, les enjeux du développement durable pourront être
intégrés tant à l’image qu’aux messages et aux informations délivrés par l’entreprise. »
Dans le même registre, un documentaire intitulé « Les récoltes de la honte »12, présentait les conditions
déplorables des ouvriers agricoles dans les bananeraies. Ce documentaire a suscité une prompte réaction de la
direction de la PHP qui, une semaine plus tard, a publié un communiqué de presse commun avec sa maison-mère,
la Compagnie fruitière de Marseille (CFM), dans lequel elles contestaient le contenu de cette émission qui
interpellait la responsabilité des clients et des consommateurs sur les conditions de travail déplorables des
ouvriers agricoles, assimilées à de l’esclavage.
Face à cette campagne médiatique, jugée agressive, la position de la direction de la PHP a parfois été
plus défensive que proactive : « Les ONGs vivent de ces sabotages » (Directeur de la normalisation) ; « Les
8 Le film intitulé « La Banane » est une réalisation de M. Frank Belieu. 9 Journal Libération, 09/06/2008. 10 Journal affaires-stratégiques.info, 27/04/2011. 11 Journal Défis Sud, n° 89, bimestriel, juin-juillet 2009. 12 Publié lors de l’émission « Cash Investigation » sur la chaîne de télévision française France 2, le 18 septembre
2013.
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reportages et autres films …ont diffusé des affirmations sans fondement, n’ayant fait l’objet d’aucune
vérification auprès des services compétents de la PHP ou du ministère du travail. » ; « La PHP met les points
sur les " i "» (Directeur général)13.
La présentation des principales améliorations et de leurs acteurs nous conduit à relancer la discussion
sur les réelles motivations de l’entreprise, pour la prise en compte des préoccupations sociales et
environnementales.
Responsabilité sociale et environnementale à la PHP : engagement volontaire ou subi ?
Le discours dominant actuel sur la RSE et le développement durable repose sur trois piliers
majeurs (économique, social, environnemental). Des travaux récents suggèrent la reconnaissance d’un quatrième
pilier fondé sur l’interculturalité et qui invite à tenir compte des différences culturelles et des traditions (Esoh,
2004 ; Wong et Yaméogo, 2011 ; Wong, 2016). Ces travaux ne remettent pas du tout en question la solidité et la
profondeur du pilier économique, comme en témoigne Martin (2013, p. 46) : « Il faut admettre que le
développement de l’entreprise, l’accroissement de son chiffre d’affaire, le gain de part de marché, sont des
objectifs traditionnels de l’entreprise. Il n’en va pas du tout de même des piliers environnementaux et sociaux. »
Les externalités négatives de l’activité industrielle ont remis à l’ordre du jour la prédominance du pilier
économique et ont considérablement relativisé l’image attendue de l’entreprise dans la société. Pommier et al.
(2004, p. 8) font ce constat : « L’entreprise a toujours été en relation avec son territoire. Mais elle l’a été de
façon univoque, voire prédatrice. Le territoire s’entendait alors comme un espace géographique contenant des
ressources naturelles…une réserve de main d’œuvre. » Ils poursuivent : « Une entreprise ne se développe pas
dans un désert. » (Pommier et al., 2004, p. 14)
L’expérience de la PHP permet d’affirmer que l’engagement dans la RSE, quoiqu’initialement présente
dans la vision des propriétaires et des dirigeants, a été davantage une riposte à des situations de crise
organisationnelle susceptibles de compromettre durablement son fonctionnement optimal et la réalisation de ses
objectifs de rentabilité économique et financière. L’entreprise n’est pas restée passive face à ces crises auxquelles
elle a réagi à travers des actions utiles pour les salariés et pour les communautés locales riveraines. Par
conséquent, l’engagement dans la RSE peut être considéré comme une forme d’innovation contextuelle et
appropriée dans le cheminement historique de cette entreprise dont les investissements financiers dans la RSE
sont relativement importants14.
Toutefois, quelques interrogations subsistent encore au sein de la communauté des ouvriers agricoles
interrogés pendant l’étude empirique. S’agit-il d’une innovation qui traduit un changement fondamental ou plutôt
un changement superficiel pour préserver l’image de marque de l’entreprise ? Ces interrogations sont justifiées
par le fait que la culture organisationnelle de l’entreprise demeure encore très fortement enracinée dans le pilier
de la rentabilité financière des investissements économiques effectuées depuis la restructuration en 2003. Cette
analyse conforte la position de ceux qui pensent que l’engagement dans la RSE est davantage perçu, par
l’entreprise, comme une contrainte à subir. Martin (2013, p. 47) est entièrement de cet avis : « Il est assez facile
de montrer que les enjeux sont tels qu’il est sans doute illusoire de croire que des démarches volontaires ou de
simples incitations suffiront à faire progresser les choses. Les avancées dans ces domaines passent sans doute
par une certaine dose, voire une dose certaine de contrainte. »
La RSE a un coût, et par conséquent, il faut, soit que l’organisation l’intègre volontairement à sa culture,
soit qu’elle l’intègre par contrainte. L’interpellation de la RSE montre bien qu’on est face à « des entreprises
écartelées entre shareholders et stakeholders » ; c’est-à-dire entre les actionnaires et toutes les autres parties
prenantes qui cherchent à trouver « un compromis entre des contraintes économiques, sociales et
environnementales. » (Pommier, 2004, p. 16).
Malgré les améliorations observées à la PHP, les résultats de notre recherche révèlent des attentes
insuffisamment satisfaites des ouvriers agricoles et des populations locales qui ne cachent pas leur sentiment à
l’égard de leur entreprise : « La banane est plus importante que les êtres humains. » Ce constat nous situe au
cœur du « grand écart qui existe entre les firmes multinationales et leurs actions (…) et les véritables attentes
des parties prenantes. » (Bikanda, 2012, p. 34). Pommier et al. (2004, p. 10) suggèrent que face à ces écarts,
13 Interview au journal Quotidien de l’Économie, 23 août 2013. 14 Selon la Direction de la Normalisation, les investissements dans la RSE sont évalués à 1 785 828 800 FCFA, en
2011. Un Euro = 655 FCFA.
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l’entreprise devrait inscrire ses actions RSE dans une « logique de compensation », pour gérer au mieux les
externalités négatives de ses activités sur les populations et dans l’environnement.
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CONCLUSION
L’interrogation qui a fondé notre investigation a porté sur les principaux acteurs qui ont contribué à la
prise en considération des questions sociales et environnementales dans une entreprise agro-
industrielle implantée au Cameroun : la PHP. La théorie des parties prenantes nous a permis de procéder à un
décryptage de la situation. Après avoir présenté les différentes avancées de la PHP sur le sujet, nous avons
identifié deux catégories d’acteurs (parties prenantes internes et parties externes). Au terme de notre
investigation, nous parvenons au constat que les actions de la PHP dans le domaine de la RSE découlent plus de
la réaction à la pression des parties prenantes (ouvriers agricoles et populations locales), que d’un engagement
volontaire délibéré de la direction. Toutefois, il est important de reconnaître que ces actions ont eu un impact
appréciable sur le plan social et environnemental (amélioration des conditions de travail dans l’entreprise ;
amélioration des conditions de vie des populations ; limitation de la pollution de l’air, des sols et des eaux).
En définitive, il est incontestable de reconnaître l’efficacité des actions critiques des principaux acteurs
identifiés dans les parties prenantes. Ces derniers ont agi comme des déclencheurs de la prise de décision, par la
direction de l’entreprise, de s’engager dans la RSE. Par ailleurs, il est important d’insister sur le rôle central de
l’État et de l’administration publique comme parties prenantes de la RSE ; notamment dans la régulation
institutionnelle de celle-ci, la protection des salariés et des populations souvent confrontés au comportement
mercantiliste des entreprises. Ce rôle apparaît clairement lorsque les représentants de l’administration publique
(membres du gouvernement, autorités administratives locales, élus locaux, inspecteurs du travail, etc.) sont
mobilisés comme interlocuteurs lors des conflits sociaux. Cette catégorie de parties prenantes est absente de notre
recherche et pourrait donc constituer une piste intéressante à explorer pour les recherches futures.
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ANNEXE
Guide d’entretien simplifié.
Nos questions avaient pour objectif de connaître l’opinion de nos divers enquêtés sur les points suivants :
- conditions de travail des ouvriers ;
- perception de l’entreprise dans la localité ;
- relations avec les communautés riveraines ;
- contribution de l’entreprise au développement durable ;
- changements apportées aux politiques et pratiques sociales, environnementales en dix ans ;
- motifs des changements ;
- perception des changements par la population locale et les ouvriers.
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ANALYSE DE L’ENVIRONNEMENT DU COMMERCE TRANSFRONTALIER
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES PAYS MEMBRES DE LA CEMAC15
Robert NKENDAH
Résumé
Notre contribution analyse l’environnement institutionnel et économique du commerce transfrontalier
en zone CEMAC, afin de comprendre et d’améliorer le cadre de l’innovation entrepreneuriale des acteurs et de
favoriser le développement durable de la sous-région. En effet, selon l’Organisation mondiale du commerce
(OMC), le commerce est un puissant allié du développement durable à travers son effet sur la réduction de la
pauvreté. C’est pourquoi l’accent est mis sur l’analyse de l’environnement institutionnel et les formes
d’innovations entrepreneuriales commerciales observées entre les acteurs du commerce transfrontalier. Ce
dernier concerne d’une part, le Cameroun et les pays voisins de la sous-région ; d’autre part, les produits
agricoles échangés entre ces pays. L’analyse proposée est basée sur des données statistiques réelles du
commerce transfrontalier. Elle passe en revue les acteurs et leurs activités économiques, dans le but d’informer
les futurs investisseurs et les autorités en charge des formulations des politiques économiques pour le
développement durable de la sous-région. Les résultats montrent que les principaux déterminants des
innovations entrepreneuriales dans les échanges informels, au sein de la sous-région, découlent de deux facteurs
clés : d’une part, la position géographique du Cameroun (principal pays de la sous-région en termes de flux
commerciaux) ; d’autre part, la capacité et la diversité de son offre, des habitudes alimentaires et du pouvoir
d’achat des consommateurs. Néanmoins, on voit que la richesse quantitative et structurelle des offres du
Cameroun, sur les marchés sous régionaux, apporte une contribution significative à la sécurité alimentaire dans
la zone CEMAC et nécessite une attention particulière de la part des futurs entrepreneurs et des autorités en
charge de la formulation des politiques économiques durables.
Mots clés : Environnement entrepreneurial, commerce transfrontalier, développement durable, CEMAC.
Abstract
Our contribution analyzes the institutional and economic environment of cross-border trade in the
CEMAC zone, in order to understand and improve the entrepreneurial innovation framework of the actors and
to promote the sustainable development of the sub-region. Indeed, according to the World Trade Organization
(WTO), trade is a powerful ally of sustainable development through its effect on poverty reduction. This is why
the emphasis is on analyzing the institutional environment and the forms of commercial entrepreneurial
innovation observed between the players in cross-border trade. The latter concerns, on the one hand, Cameroon
and the neighboring countries of the sub-region; On the other hand, agricultural products traded between these
countries. The proposed analysis is based on real statistical data on cross-border trade. It reviews the actors
and their economic activities, with the aim of informing future investors and the authorities in charge of
formulating economic policies for the sustainable development of the sub-region. The results show that the main
determinants of entrepreneurial innovations in informal trade within the sub-region stem from two key factors:
on the one hand, the geographical position of Cameroon (the main country in the sub-region in terms of Trade
flows); On the other hand, the capacity and diversity of its offer, the eating habits and the purchasing power of
consumers. Nevertheless, it is clear that the quantitative and structural richness of Cameroon's offerings on sub-
regional markets makes a significant contribution to food security in the CEMAC zone and requires special
attention on the part of future entrepreneurs and authorities in charge of the formulation of sustainable
economic policies.
Keywords: Entrepreneurial environment, cross - border trade, sustainable development, CEMAC.
15 CEMAC : Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale.
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INTRODUCTION
L‘intégration des pays en développement (PED) dans l’économie mondiale a connu une formidable
accélération au cours de la dernière décennie, notamment sous l’effet de la réduction, voire la suppression des
barrières commerciales. Ce mouvement de globalisation s’est accompagné dans la plupart des régions du monde
de la constitution de blocs régionaux (ou du renforcement des ensembles existants), à la fois pour favoriser la
libéralisation des échanges et pour améliorer la capacité des pays concernés à affronter la concurrence sur les
marchés mondiaux.
Cette insertion accélérée des PED dans l’économie mondiale et la formation de blocs régionaux ont pour
fondements la théorie du commerce international et la théorie des unions douanières. Selon la première théorie, la
participation au commerce international est susceptible de procurer certains bénéfices car elle permet à un pays
de tirer parti de ses avantages comparatifs, d’exploiter des économies d’échelle et de garantir le jeu de la
concurrence. Ce qui renforce la diversité des produits et, potentiellement, la stabilité des marchés
(Caballero, 2001). En ce qui concerne la théorie des unions douanières (Viner, 1950), la formation d’un bloc
économique provoque les effets de diversion et de création de commerce et est bénéfique aux membres si l’effet
de création l’emporte sur l’effet de diversion.
Cependant, l’accélération du commerce international suscite quelques inquiétudes au sein de l’opinion
publique ; s’agissant notamment de quelques sujets d’actualité comme la protection de l’environnement et le
développement durable. Selon Aka (2008), les questions environnementales ont connu un regain d'intérêt et plus
d'attention au cours de ces dernières années en raison de problèmes climatiques liés à l'accumulation accrue de la
pollution et de la détérioration de la qualité de l'environnement. Pourtant, le souci de l’OMC est de poursuivre la
promotion de la libéralisation commerciale ; sans remettre en question l’objectif du développement durable qui
passe par la protection de l’environnement.
En 1992, la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) ou
« Sommet de la Terre » qui s'est tenue à Rio a reconnu la contribution que le système commercial multilatéral
pouvait apporter au développement durable. En effet, le commerce est un puissant allié du développement
durable qui est reconnu comme un principe essentiel dans l'Accord sur l'OMC et qui est présent dans tous les
domaines des négociations de Doha. Selon l’OMC, c'est l'impact potentiel de la croissance économique et de la
réduction de la pauvreté qui fait du commerce un puissant allié du développement durable.
L’objectif principal de cette contribution est d’analyser l’environnement du commerce, notamment
transfrontalier, dans la promotion du développement durable au sein des pays membres de la Communauté
économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Plus spécifiquement, il s’agit de passer en revue
l’environnement commercial pour comprendre si ce dernier peut favoriser les innovations entrepreneuriales des
acteurs ; ou dans le cas contraire, comment l’améliorer. En effet, dans la CEMAC, malgré la réduction récente
des droits de douane et la suppression de la plupart des barrières non tarifaires officielles entre les États
membres, les disparités des politiques commerciales persistent et constituent de puissants facteurs incitateurs du
développement d’un commerce informel ou non enregistré.
Bien que le commerce informel prend différentes formes ou est connu sous différentes dénominations
(commerce non-enregistré ; commerce illégal ; commerce non officiel ; commerce souterrain ; commerce
mobilisant des activités du marché parallèle, des activités du marché noir ; commerce fondé sur des
surfacturations ou des sous-facturations, sur la contrebande ou sur la thésaurisation, etc.), il est surtout caractérisé
par sa non prise en compte dans la comptabilité nationale d’un pays ou d’une région ; en ce qui concerne sa
contribution au commerce national et international. Cette omission du commerce informel peut donner des
signaux erronés aux futurs entrepreneurs, aux responsables en charge de la définition des politiques économiques
et constituer un handicap aux innovations entrepreneuriales en Afrique centrale.
D’où l’objectif d’analyse de l’environnement du commerce transfrontalier. Il s’agit de l’environnement
institutionnel et les formes d’innovations entrepreneuriales commerciales observées entre les acteurs du
commerce transfrontalier (cas du Cameroun et des pays frontaliers de la sous-région, pour ce qui concerne les
produits agricoles). Les facteurs retenus pour l’analyse de l’environnement sont principalement : le cadre
institutionnel et règlementaire de l’activité économique en zone CEMAC ; les principaux produits échangés ; le
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profil des entrepreneurs ; l’estimation des quantités échangées ; les principaux obstacles au développement des
activités et des innovations entrepreneuriales, commerciales transfrontalières.
Le texte est structuré autour de quatre principaux axes d’analyse : l’environnement institutionnel et
réglementaire de l’activité commerciale en zone CEMAC ; les principaux produits échangés ; le profil des
entrepreneurs du commerce transfrontalier ; l’estimation des quantités échangées.
ENVIRONNEMENT INSTITUTIONNEL ET RÉGLEMENTAIRE DE L’ACTIVITÉ COMMERCIALE
EN ZONE CEMAC
Le cadre institutionnel et réglementaire peut être considéré comme un élément important dans le
dispositif du climat des affaires. Si ce cadre est bien élaboré et compris de tous, on pourrait s’attendre à des
innovations entrepreneuriales formelles ; et dans le cas contraire, il s’agirait plutôt des innovations
entrepreneuriales informelles. C’est pourquoi nous passons d’abord en revue ce cadre qui, dans le cas de la zone
CEMAC, peut-être appréhendé à un double niveau : international ou supra-communautaire d’une part, et
intracommunautaire d’autre part.
Cadre institutionnel supra-communautaire
Du General Agreement on Tariffs and Trade (GATT) à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC)
Au terme de la deuxième guerre mondiale, le GATT16 est crée en 1947 pour résoudre la désorganisation
des échanges internationaux ; cette dernière est alors perçue comme l’une des sources lointaines de cette guerre.
Deux objectifs lui sont assignés : assurer le respect des principes permettant une concurrence loyale entre les
nations et mettre en œuvre un processus continu de libéralisation de l’échange international. Dès sa naissance
donc, le GATT s’attelle à promouvoir la levée des barrières tarifaires d’abord et, quelques années plus tard, celle
des barrières non tarifaires. Il procède par des négociations commerciales multilatérales guidées par trois
principes fondamentaux dont il est important de faire un bref rappel. La suppression des discriminations entre
pays : un pays doit accorder à tous ses partenaires ce qu’il accorde à son partenaire privilégié, c’est la clause de
la nation la plus favorisée. La suppression des discriminations entre produits importés et produits locaux : le
traitement doit être le même pour les produits importés et pour les produits locaux, c’est la clause du traitement
national. La réciprocité : chaque pays doit accorder des avantages équivalents à ceux qu’on lui accorde.
Au terme de ses six premiers cycles de négociation qui se déroulent entre 1947 et 197917, le taux moyen
des tarifs douaniers des pays industrialisés sur les produits manufacturés passe de 40% à près de 5% (Rainelli,
2000). Seulement, à ce point, l’action du GATT ne s’arrête qu’aux frontières et il n’a pas de compétence sur les
produits agricoles et les services. Pour cette raison, son septième cycle de négociations, l’Uruguay Round (1986-
1994) s’occupe à traiter des formes modernes de protectionnisme et à intégrer dans les règles du GATT les
commerces qui lui échappent encore ; à savoir l’agriculture et les services. Conclu en 1994, ce dernier Round
aboutit à un acte final, l’Accord de Marrakech, qui institue l’OMC et regroupe 29 accords juridiques distincts
dont l’Accord relatif à l’agriculture. Cet accord visent notamment plusieurs objectifs : faciliter l’accès au marché
en réduisant les droits de douane et autres protections à l’importation ; réduire les soutiens internes ayant un
impact sur la compétitivité des agriculteurs face à leurs concurrents étrangers, en particulier les subventions et
autres programmes qui visent à accroître ou à garantir les prix à la production et les revenus des agriculteurs ;
réduire les subventions à l’exportation et autres soutiens appliqués pour assurer de façon dirigée la compétitivité
des exportations.
Le champ d’intervention de l’OMC dépasse ainsi le cadre des politiques strictement commerciales, pour
intégrer d’autres politiques nationales qui interfèrent avec le commerce : les politiques agricoles ; les régimes
d’investissement et de protection de la propriété intellectuelle. Il répond à quatre objectifs principaux : améliorer
l’accès au marché des biens et services ; renforcer le système des règles commerciales internationales ; garantir la
stabilité, la prévisibilité et la transparence du commerce mondial ; améliorer le système de règlement des conflits
commerciaux.
16 GATT : Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. 17 Genève (1947) ; Annecy (1949) ; Torquay (1951) ; Dillon Round (1960-1961) ; Kennedy Round (1964-1967) ;
Tokyo Round (1973-1979).
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Les accords conclus sous l’égide de l’OMC s’imposent à tout autre accord régional ou sous régional.
C’est pour respecter cette contrainte que la convention de Lomé entre les pays de l’actuelle Union européenne
(UE) et le groupe des pays Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) auquel appartiennent les États de la CEMAC
évolue vers des Accords de Partenariat Économique (APE).
De la convention de Lomé aux APE
Aux termes de la quatrième convention de Lomé, signée en décembre 1989, la quasi-totalité des produits
originaires des pays du groupe ACP (99,5%) peut entrer librement dans la Communauté économique européenne
(CEE). La réciprocité n’est pas obligatoire et les pays ACP sont seulement tenus de garantir à la Communauté le
bénéfice de la clause de la nation la plus favorisée. Cette quatrième convention porte sur la période 1990-2000 et
vient à la suite de 03 autres : Lomé I (1975-1980) ; Lomé II (1981-1985) et Lomé III (1986-1990). Elles
prennent le relais des deux conventions de Yaoundé (1964-1969) et (1971-1975), dans l’encadrement des
relations commerciales entre les pays de la CEE et les pays nouvellement indépendants d’Afrique, des Caraibes
et du Pacifique.
À la suite de Lomé IV, l’accord de Cotonou déjà caractérisé par le terme de "partenariat", recouvre un
engagement et une responsabilité mutuels. C’est ainsi qu’il prévoit le démantèlement des préférences
commerciales non réciproques accordées aux pays ACP, depuis la première Convention de Yaoundé. Ce
démantèlement est envisagé au terme d’une période préparatoire de huit ans, en vue de la conclusion en janvier
2008 de nouveaux accords commerciaux conformes aux règles de l’OMC ; en l’occurrence les Accords de
Partenariat Économique (APE). Débuté formellement en septembre 2002, le processus de négociation a toutefois
enregistré un certain retard du fait de désaccords de principe entre les parties portant sur le moment et la
couverture de la libéralisation commerciale, les mesures de compensation pour le manque à gagner et le degré
d’asymétrie dans la mise en œuvre. En conséquence, seul un APE « à part entière » a été conclu jusqu’à la fin de
2007, avec le Cariforum. Une série d’accords intérimaires, concernant presqu’exclusivement la libéralisation des
marchandises, ont été conclus avec plusieurs pays individuellement et des régions en Afrique et dans le
Pacifique, en vue de négocier des APE à part entière dans un proche avenir.
Les pays de la CEMAC étant tous membres de l’Organisation mondiale du commerce, le cadre
institutionnel et réglementaire dans lequel s’inscrivent l’ensemble des échanges intracommunautaires doit se
conformer aux accords internationaux conclus au niveau de cette Organisation ; en même temps qu’il intègre les
contraintes et opportunités des conventions et accords avec l’Union européenne. Toutefois, dans le souci de
faciliter la mise en œuvre de ces accords supra-communautaires, et surtout en vue d’en tirer les plus grands
avantages possible, les pays de la CEMAC ont dû concevoir et mettre en œuvre des institutions propres à leur
communauté.
Cadre institutionnel intra-communautaire
Dès sa création par le traité de Ndjamena, signé le 16 mars 1994, la Communauté économique et
monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) se dote d’institutions propres pour faciliter l’émergence d’un véritable
espace économique par le développement des échanges entre les États membres. Ces institutions sont au nombre
de quatre : l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC) ; l’Union monétaire de l’Afrique centrale
(UMAC) ; la Cour de Justice ; le Parlement communautaire. Dans le même temps, la CEMAC s’approprie de
divers autres dispositifs institutionnels dont ses États membres sont parties prenantes au niveau régional (Afrique
francophone en particulier). Ce sont notamment ceux confectionnés par l’Organisation pour l’harmonisation en
Afrique du droit des affaires (OHADA) ; la Conférence interafricaine des marchés de l’assurance (CIMA) ; la
Conférence interafricaine de la prévoyance sociale (CIPRES).
Dispositifs en faveur de l’activité commerciale intra-communautaire
L’article 2(c) de l’UEAC prévoit la mise en œuvre progressive d’un marché commun au terme d’un
processus en cinq étapes : l’élimination des droits de douanes intérieurs, des restrictions quantitatives à l'entrée et
à la sortie des marchandises, des taxes d'effet équivalent et de toute autre mesure d'effet équivalent susceptible
d'affecter les transitions entre les États membres ; l’établissement d'une politique commerciale commune envers
les États tiers ; l’institution de règles communes de concurrence applicables aux entreprises et aux aides d’États ;
la mise en œuvre du principe de la libre circulation des travailleurs, de la liberté des prestations de services, de la
liberté d'investissement et des mouvements de capitaux ; l’harmonisation et la reconnaissance mutuelle des
normes techniques ainsi que des procédures d'homologation et de certification.
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En outre, des mécanismes et des dispositifs adjuvants à la réalisation de ce marché commun sont prévus
et organisés. Ils sont principalement au nombre de cinq, rappelés dans les lignes suivantes. La charte des
investissements instituée par le règlement du 17 décembre 1999 qui constitue un cadre général commun
regroupant les dispositions destinées à améliorer l'environnement institutionnel fiscal et financier des entreprises.
Ce règlement harmonise par exemple les législations nationales en matière de TVA en fixant les règlements
communs relatifs à la détermination du champ d'application de la taxe, au fait générateur, à l'exigibilité, à la base
d'imposition et au taux, ainsi qu'au régime des déductions (1).
La mise en place d’un système bancaire sous régional dans le cadre de l’UMAC en vue de garantir la
stabilité de la monnaie, promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement et conduire les opérations
de change à travers la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC), la sécurité de l’ensemble du système
bancaire - y compris le secteur de la micro finance - étant assurée par la Commission bancaire de l’Afrique
centrale (COBAC) (2). La projection d’un système judiciaire avec un conseil régional de la concurrence et une
cour arbitrale pour réprimer les pratiques anticoncurrentielles (3). La signature de divers textes sur les services de
transport (protocole de 1993 sur les procédures de passage des marchandises en transit, convention CEMAC de
1996 sur le transport multimodal, convention de 1999 sur le fret routier et en transit à partir du Cameroun vers la
Centrafrique et le Tchad, accord CEMAC de 1999 sur le transport aérien régional, etc.) pour en organiser
l’exercice et faciliter la circulation des personnes et des biens (4). L’adoption des actes de l’OHADA et de la
CIMA, en vue de sécuriser les droits de propriété des agents exerçant diverses activités économiques dont celles
du commerce (5).
Modestie des résultats
Entrées en vigueur en 1994, les réformes fiscales et douanières se sont traduites par la création d’un tarif
extérieur commun à quatre taux (0% pour les produits de première nécessité ; 10% pour les matières premières ;
20% pour les produits mixtes ; 30% pour les produits de consommation finale). De plus, elles ont aussi permis la
création d’une taxe sur le chiffre d’affaires ; cette dernière est progressivement convertie en taxe sur la valeur
ajoutée.
Malgré ces avancées manifestes, on observe toujours une faible intégration des systèmes productifs ;
cette dernière est peu incitative aux innovations entrepreneuriales formelles. Ainsi, les chiffres de la direction des
statistiques du commerce du FMI indiquent qu’en 2001, la part des exportations vers la CEMAC des pays
membres de cette communauté ne s’élevait qu’à peine à 1,15% du total de leurs exportations (FMI, 2001). Il est
clair que ce chiffre renvoie exclusivement au commerce formel. Néanmoins, bien que le cadre institutionnel
supra et intra communautaire présenté a été prioritairement conçu pour régir les activités commerciales formelles,
il reste également le socle institutionnel sur lequel s’effectuent les transactions commerciales, transfrontalières et
informelles entre le Cameroun et les autres pays de la CEMAC. D’ailleurs, outre le cadre institutionnel, ces deux
facettes du commerce transfrontalier ont en commun la diversité des produits échangés qui échappe plus ou
moins au contrôle des autorités.
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PRINCIPAUX PRODUITS AGRICOLES ÉCHANGES ET CIRCUITS DE DISTRIBUTION
Les échanges commerciaux dans la zone CEMAC sont organisés à partir du Cameroun qui est le pays
phare de la sous-région. Géographiquement, le Cameroun se situe au cœur de la CEMAC ; c’est le seul pays à
avoir une frontière commune avec tous les autres pays membres. Cette position centrale permet le développement
des échanges transfrontaliers avec chacun des autres pays de la communauté, à la faveur de la diversité des voies
de désenclavement (figure 1).
Figure 1 : La diversité des voies de désenclavement entre le Cameroun et les pays
voisins
Source : Bennafla (2003).
Bien qu’elles ne soient pas toujours facilement praticables, ces voies contribuent à faire du Cameroun le
premier partenaire commercial des autres pays membres de la CEMAC. Ainsi, puisqu’il présente en moyenne
générale les meilleures performances agricoles de cette communauté, le Cameroun exporte des denrées
alimentaires vers chacun des pays de la CEMAC. La gamme des produits exportés est large. Sans prétendre à
l’exhaustivité, on peut citer : la banane-plantain ; le manioc et ses feuilles ; le macabo-taro ; les ignames ; les
pommes de terre ; le haricot ; le haricot vert ; la tomate ; les oignons ; l’ail ; le gombo ; le concombre ; les
courgettes : le poivron : le piment ; les mangues ; les avocats ; les prunes ; les arachides ; le riz ; le maïs ; les
ananas ; la papaye ; les oranges ; les pamplemousses ; les pastèques ; le poisson ; les animaux vivants ; les œufs18.
De l’avis des commerçants rencontrés, même s’il n’y a à proprement parler pas de spécialisation des
produits exportés vers des destinations précises, les plus grands débouchés des exportations camerounaises sont
le Gabon et la Guinée Équatoriale du fait, non seulement de leur moindre éloignement des principaux sites
d’approvisionnement (ce qui est propice à la préservation des denrées généralement facilement périssables et au
conditionnement quelconque) ; mais aussi de leur pouvoir d’achat relativement élevé dans la sous-région Afrique
centrale.
18 Les listes des produits échangés par le Cameroun, proposées ici, sont construites à partir de Bennafla (2002),
Bondoma (2005) ; et de nos discussions avec des commerçants-acteurs sur quelques marchés de Douala et
Yaoundé (marché Sandaga, marché Congo et marché des oignons à Douala ; marché du Mfoundi à Yaoundé).
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En retour, le Cameroun importe quelques produits agricoles de ses voisions, généralement pour la
consommation des villes frontalières19 ; même si leurs volumes sont relativement peu significatifs au regard de
ceux de ses exportations. Ainsi, le Cameroun achète : des animaux vivants, des poissons, des légumes et des
fruits en provenance du Tchad ; des animaux vivants, des peaux et des cuirs en provenance de RCA ; du bois en
provenance du Gabon ; des mangues, des bananes plantains et quelques tubercules de la Guinée Équatoriale.
Ces exportations et importations empruntent généralement les mêmes circuits de commercialisation qui
peuvent être des voies routières, maritimes, ferroviaires "pures" ou mixtes20. Les circuits ou itinéraires choisis
dépendent de la destination (ou de l’origine) de la marchandise dans le pays partenaire de l’échange. Et même
s’ils varient quelquefois en fonction du climat politique et social dans les différentes localités traversées, certains
circuits s’imposent pour les échanges avec chacun des pays (figure 3). Pour les échanges avec le Tchad, deux
circuits routiers semblent privilégiés. Le premier est l’axe
N'djamena/Kousseri/Maroua/Garoua/Ngaoundéré/Meiganga/Bertoua/Yaoundé/Douala. Quant au deuxième axe
routier, il suit le parcours suivant : N'djamena/Ngaoundéré/Tibati/Banyo/Bafoussam/Douala. Une bifurcation au
nord de Garoua relie Moundou via Figuil, Léré et Pala.
Pour les échanges avec la RCA, les itinéraires empruntés pour joindre Douala depuis Bangui transitent
soit par Berbérati, soit par Bouar. Les deux routes fusionnant au Cameroun, dans la ville de Bertoua. La route de
Gamboula est la plus suivie, notamment par les grumiers et les transporteurs de coton et de café, de même que
par les importateurs de marchandises. La route de Bouar et de Garoua Boulai est empruntée pour permettre de
rejoindre le transcamerounais ; il s’agit donc d’un itinéraire mixte. Ces deux itinéraires sont également utilisés
pour desservir le Nord du Congo. Un troisième axe émergent se développe à travers les itinéraires suivants :
Bangui/Bozoum ; Bossangoa/Mbaiboum/Garoua ; Ngaoundéré. Bien qu’il soit aussi emprunté par les
contrebandiers, ce circuit sert à évacuer le coton fibre sorti des usines de Pendé et Ndim jusqu'au terminus
ferroviaire de Ngaoundéré.
L’observation des échanges entre le Gabon et le Cameroun permet d’identifier trois axes de circulation :
l'un maritime, les deux autres terrestres. La voie maritime dessert directement le port de Libreville, à partir de
celui de Douala. Elle est moins sollicitée par les commerçants, parce que plus onéreuse que les voies terrestres
qui sont principalement au nombre de deux : Libreville/Ndjolé/Oyem/Bitam/Eboro/Ambam/Ebolowa/Yaoundé ;
puis Yaoundé/Ebolowa/Ambam/Ngoazik/Kyé Ossi/Meyo Kyé/Bitam/Oyem/Ndjolé/Libreville. Le flux enregistré
sur l'une ou l'autre route dépend de l'état de fonctionnement de deux bacs qui permettent de franchir le fleuve
Ntem (figure 2). Ces bacs sont installés à Eboro et à Ngoazik.
19 Excepté pour les produits du règne animal. 20 C’est-à-dire une combinaison d’au moins deux types de voies "pures" ; par exemple, la route suivie de la voie
ferrée.
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Figure 2 : L’espace frontalier Cameroun-Gabon-Guinée Équatoriale, entre voie
maritime et voies terrestres
Source : Bennafla (2003).
À partir de la localité de Kyé Ossi, située à la frontière de trois pays, le deuxième des axes précédents
offre une bifurcation vers la ville de Bata en Guinée Équatoriale via Ebebiyin (figure 3).
Figure 3 : L’espace frontalier Cameroun-Gabon-Guinée équatoriale, la position
carrefour de Kyé Ossi
Source : Bennafla (2003).
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Pour la même ville de Bata, il existe une autre desserte terrestre par la localité de Campo, prolongeant
l’itinéraire Douala/Edéa/Kribi. Cependant, les échanges avec la Guinée Équatoriale passent également par des
voies maritimes d’autant plus incontournables que Malabo, la capitale de ce pays est située sur une île (cf. figure
3). Les circuits présentés ci-dessus sont empruntés et exploités par divers entrepreneurs vivant entièrement ou
partiellement de ce commerce transfrontalier entre le Cameroun et ses pays frontaliers.
PROFILS DES ENTREPRENEURS DU COMMERCE TRANSFRONTALIER
Les entrepreneurs du commerce transfrontalier interviennent à la fois dans le secteur privé et public.
Qu’ils exercent de manière formelle ou informelle, ces derniers présentent des profils divers et exploitent des
opportunités d’affaires dans les localités frontalières camerounaises avec la CEMAC. On peut cependant
esquisser une typologie, suivant de leur statut public ou privée, pour les regrouper en fonction de leur activité
principale dans le processus d’acheminement d’un produit du lieu d’origine à la destination finale. Suivant cette
démarche, le tableau suivant présente une synthèse des principaux entrepreneurs intervenants dans le commerce
transfrontalier formel ou informel entre le Cameroun et les autres pays de la CEMAC.
Tableaux 1 : Principaux entrepreneurs du commerce transfrontalier
Cameroun-CEMAC des produits agricoles
Secteur Entrepreneur intervenant Fonction principale dans le circuit
Privé
Agriculteur / Eleveur Produit les biens agricoles, objet des échanges
Commerçant/ Négociant Achète les produits chez l’agriculteur pour les revendre à d’autres commerçants ou au
consommateur final
Transporteur Transporte les produits d’un point à un autre, dans le circuit de commercialisation
Rabatteur/Pisteur Sert quelquefois d’interface entre le commerçant et l’agriculteur, dans les zones
rurales au Cameroun
Passeur Fait passer la marchandise d’un pays à un autre au niveau de la frontière, en évitant la
douane
Convoyeur/Guide/Interprète Accompagne les commerçants peu expérimentés en territoires voisins
Public
Policier / Gendarme Assure le contrôle et la sécurité dans le circuit de distribution
Diplomate Délivre les titres et autres autorisations de séjour hors du territoire national
Douanier Veille au respect de la réglementation douanière, notamment le paiement des droits de
douane
Agent phytosanitaire Veille au respect des normes sanitaires sur les produits échangés
Source : Construction de l’auteur.
Comme on peut le constater, ce tableau se limite aux entrepreneurs qui interviennent dans les circuits
commerciaux transfrontaliers, c'est-à-dire ceux qui sont susceptibles d’être physiquement rencontrés sur le terrain
lorsqu’on parcourt l’un de ces circuits. De plus, nombre d’entrepreneurs privés ont réussi à réaliser une
intégration verticale qui leur permet d’intervenir dans différents secteurs d’activités : propriétaires de plantations
(agriculteurs) ; propriétaires de camions (transporteurs) ; négociants/commerçants. D’ailleurs, la plupart des
négociants/commerçants sont occasionnellement transporteurs et vice versa.
Puisqu’ils sont ceux qui, à proprement parler, développent le commerce transfrontalier, on s’appesantira
essentiellement sur les profils de ces négociants/commerçants individuels. À cet égard, on adoptera l’approche de
Bennafla (2002) qui retient le critère de l’environnement social d’attachement comme principal élément de
discrimination. Suivant cet auteur, les profils des deux principaux groupes de commerçants transfrontaliers
Cameroun-CEMAC peuvent être synthétisés dans le tableau suivant.
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Tableau 2 : Profils des entrepreneurs transfrontaliers individuels
Origine Groupe
ethnique
Frontières
desservies
Produits
négociés Autres caractéristiques
Grands
entrepreneurs
musulmans
Nord
Cameroun
Peul,
Haoussa,
Arabes
Daba
Tchad
RCA
Céréales Bétail
Oignons
Ail
Arachides
Ancienne
génération
Installation dans les années
60
40-50 ans et plus
Études limitées au cycle
primaire
Tchad
Arabes,
Kanembou
Ouaddaiens
Cameroun
RCA Céréales Bétail
Nouvelle
génération
Installation dans les années
90
25-35 ans
Études secondaires et/ou
supérieures RCA Haoussa
Cameroun
Tchad
Bétail
Oignons
Ail Natron
Arachides
Entrepreneurs
Grassfields Cameroun
Bamiléké
Bamoun
Bamenda
Gabon
Guinée
Équatoriale
Congo
RCA
Vivriers
Ancienne
génération
Installation dans les années
60
40-50 ans et plus
Études limitées au cycle
primaire
Liens permanents avec le
village d’origine
Individualistes
Nouvelle
génération
Installation dans les années
90
25-35 ans
Études secondaires et/ou
supérieures
Liens permanents avec le
village d’origine
Individualistes
Source : Construction de l’auteur à partir de Bennafla (2002).
Ces deux grands groupes n’ont pas le monopole de la pratique du commerce sur les frontières indiquées
comme étant desservies par eux. Ainsi, aux côtés des « Grands négociants musulmans », on retrouve d’autres
catégories de personnes de différentes communautés ethniques originaires de la partie septentrionale du
Cameroun : Toupouris, Massas, Moundangs. Avec un niveau d’éducation en moyenne plus élevé, ces derniers ne
sont généralement pas musulmans et interviennent principalement dans la commercialisation du riz. De même,
aux côtés des Grassfields, on signalera la présence grandissante depuis les années 90 d’autres populations
camerounaises ; notamment les Bassas et les Ewondos. Par ailleurs, on retrouve certains membres de l’un des
groupes exerçant sur les frontières de prédilection de l’autre.
Enfin, il importe d’ajouter que les femmes n’occupent qu’une place marginale dans la population des
commerçants transfrontaliers. Leur participation à ce commerce ne remonte qu’aux années 80. Néanmoins, sur
les itinéraires Cameroun-Gabon-Guinée Équatoriale, on retrouve des femmes originaires du Cameroun dans le
commerce des produits agricoles ; elles sont essentiellement Bamoun et Bamiléké. De même, à la frontière
septentrionale du Cameroun, dans le Bassin du Lac Tchad, on retrouve ces mêmes femmes du Cameroun dans le
commerce du poisson ; en compagnie de leurs homologues chrétiennes du Sud du Tchad.
Au total, le commerce transfrontalier des produits agricoles entre le Cameroun et les autres pays de la
CEMAC attirent un grand nombre de personnes aux origines et profils divers. Ces personnes se retrouvent aux
différentes frontières du Cameroun où elles échangent des produits dont il importe d’évaluer les quantités, en vue
d’apprécier l’intensité des transactions.
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ESTIMATION DES VOLUMES ÉCHANGÉS ET CONTRIBUTION AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE
Après une esquisse d’estimation des quantités échangées, on s’interrogera sur la capacité du commerce
transfrontalier à promouvoir le développement durable des pays membres de la CEMAC.
Estimation des volumes échangés
S’il ne fait aucun doute que le Cameroun est le maillon central des échanges dans la CEMAC, par la
taille de son économie, cela n’implique nullement que sa balance commerciale soit automatiquement
excédentaire par rapport à celle de tous les aux autres pays de cette communauté. En effet, l’évaluation de la
balance commerciale vis-à-vis de chacun de ces pays révèle que le Cameroun est généralement déficitaire face à
la Guinée Équatoriale et, depuis 2005, face à la République du Congo (figure 4).
Figure 4 : Évolution de la balance commerciale du Cameroun (en volume) vis-à-vis des autres pays de
la CEMAC
- 250 000 000
- 200 000 000
- 150 000 000
- 100 000 000
- 50 000 000
-
50 000 000
100 000 000
150 000 000
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
BC- RCA
BC- Congo
BC- Gabon
BC- Guin. E.
BC- Tchad
Toutefois, ce constat ne signifie pas que ces pays ont des économies forcément plus compétitives que
celle du Cameroun. En effet, il est par exemple possible que cette situation soit le résultat des facilités
d’importations offertes par ces pays qui deviennent alors de simples lieux de transit des produits importés de
partout à travers le monde. Cette explication paraît d’ailleurs d’autant plus vraisemblable que, lorsqu’on
s’intéresse uniquement aux produits agricoles pour lesquels ces pays disposent d’importantes dotations
factorielles naturelles, on constate que les exportations du Cameroun vers ces pays n’ont cessé de croître depuis
2004 (figure 5).
Figure 5 : Estimation de l’évolution des exportations de produits agricoles
(en tonnes) du Cameroun vers quelques pays de la CEMAC21
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2000
4000
6000
8000
10000
12000
14000
16000
18000
20000
Gabon 5421,40 12550,93 18300,93
Congo 1163,03 9826,26
Guinée Eq. 941,94 2051,95 2536,07
2004 2005 2006
Bien que ces chiffres ne soient que des estimations à partir des données d’enquêtes de la Direction des
enquêtes et statistiques agricoles du Ministère de l’agriculture et du développement rural (MINADER) du
Cameroun, on peut croire qu’ils indiquent les tendances de ces flux. Cette tendance haussière est d’autant plus
21 Compilation de l’auteur à partir des données d’enquêtes aux frontières (AGRISTAT, n°13, février 2007 et n°14
Avril 2008).
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profonde qu’elle est concomitante à une inflation sur les denrées échangées de l’ordre de 7.5%. C’est dire qu’elle
s’explique davantage par une pression grandissante de la demande que par une quelconque baisse des prix.
Ces mêmes enquêtes du MINADER révèlent par ailleurs que certains produits agricoles tels que la
banane plantain, l’oignon, le macabo, la tomate et dans une moindre mesure la pomme de terre constituent
généralement le gros des exportations des denrées agricoles vers la Gabon et la Guinée Équatoriale (tableau 3).
Tableau 3 : Liste des produits les plus exportés vers le Gabon et la Guinée Équatoriale
(rangés dans l’ordre décroissant en fonction des quantités exportées)
2004
2005
2006
Produits Exportations en
tonnes Produits
Exportations en
tonnes Produits
Exportations en
tonnes
Banane plantain 2678,15 Banane
plantain 3479,84 Pomme De Terre 5232,4
Macabo 2253,96 Oignon 2356,32 Banane Plantain 4516,1
Oignon 1038,665 Tomate fruit 1416,9 Oignon 3361,45
Tomate fruit 789,12 Macabo 1352,91 Tomate Fruit 1470
Oignon 629,34 Pomme de
terre 928,99 Macabo 1318
Avocat 515,34 Avocat 612,5 Avocat 557
Tomate fruit 478,02 Poivron 451,77 Manioc Farine 457
Avocat 383,7 Carotte 377,44 Carotte 445
Oignon 324,15 Manioc trempé 280,84 Poivron 349
Manioc farine 284,5 Chou 102,76 Choux 169
Source : Construction de l’auteur à partir de AGRISTAT n°13 & 14.
Des mêmes sources de données, il ressort que les importations des produits agricoles par le Cameroun à
partir des autres pays de la CEMAC sont fort peu significatives. Par exemple, en 2004, le Cameroun n’aurait
importé que 70 tonnes d’arachides du Tchad et 37 tonnes de citron du Gabon et de la Guinée Équatoriale.
Par ailleurs, il est intéressant de noter qu’une enquête commanditée par AGROCOM en 2005, dans le
cadre de l’étude sur le commerce intra régional des produits bio-alimentaires dans les pays de la CEMAC,
produit des résultats qui corroborent ceux qui sont présentés dans le présent article. Cela semble d’autant plus
normal que l’enquête AGROCOM (2005) porte précisément sur les échanges transfrontaliers dans la vallée du
Ntem au Sud du Cameroun. Or, dans cette vallée se trouvent justement les postes phytosanitaires de Kyé Ossi et
Abang Minko qui, avec celui d’Aboulou sont les principaux lieux de collecte des données AGRISTAT exploités
dans notre étude.
Toutefois, malgré ce leadership agricole incontesté dans la sous région CEMAC, lorsqu’on intègre les
produits agricoles de rente, on réalise que, à l’instar de ses voisins, le Cameroun exporte la plus grande partie de
sa production agricole à l’extérieur de la CEMAC, notamment vers l’Union européenne. Les principaux produits
exportés sont : le cacao en fèves, la banane et le café (CCIMA, 2006). Si cette situation trouve une explication
dans le fait que la demande de ces produits de rente est beaucoup plus forte dans les pays de l’hémisphère nord,
en raison de leurs habitudes de consommation et de leur pouvoir d’achat plus important, cela ne doit surtout pas
conduire à ignorer l’existence de moult contraintes qui freinent l’expansion du commerce transfrontalier intra-
CEMAC.
Commerce transfrontalier et développement durable dans la CEMAC
Après la revue de l’environnement du commerce transfrontalier, on est en droit de se demander si ce
dernier peut promouvoir le développement durable des pays de la CEMAC ? La réponse est oui si ce commerce
peut contribuer à relever les niveaux de vie, par un commerce plus équitable entre les États membres. En effet,
dans le préambule de l’accord instituant l’OMC, il est dit que les membres reconnaissent que « leurs rapports
dans le domaine commercial et économique devraient être orientés vers le relèvement des niveaux de vie, la
réalisation du plein emploi et d'un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel et de la demande effective
[…] ». Dans la même perspective, le commerce équitable « est un partenariat fondé sur le dialogue, la
transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial.
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Le commerce équitable contribue au développement durable en proposant de meilleures conditions
commerciales aux producteurs marginalisés, spécialement dans le Sud, et en assurant le respect de leur droit.
Pour cela, il se base sur de meilleures conditions d’échange et mène des campagnes de sensibilisation et de
lobbying. »
Sachant que les enjeux du commerce équitable découlent de ceux du développement durable, on peut en
déduire que le commerce transfrontalier entre les pays de la CEMAC pourrait contribuer au développement
durable seulement à certaines conditions : être solidairement économique ; être écologiquement tolérable ; être
socialement équitable ; assurer une juste rémunération du travail des producteurs et des artisans les plus
défavorisés, leur permettant de satisfaire leurs besoins élémentaires ; garantir le respect des droits fondamentaux
des personnes ; instaurer des relations durables entre les partenaires économiques ; favoriser la préservation de
l'environnement ; proposer aux consommateurs des produits de qualité pour leur sécurité alimentaire.
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CONCLUSION
Avec la diversité et l’abondance de son offre de produits agricoles, le Cameroun est au cœur d’un
commerce transfrontalier informel (non enregistré) et formel (enregistré) des produits agricoles dans la sous
région CEMAC. Ce commerce prend appui sur le cadre institutionnel libéral de la CEMAC, pour se développer
grâce à l’esprit d’entreprise des commerçants/négociants qu’on retrouve dans tous les pays de la communauté ;
bien que leurs profils ne soient pas toujours les mêmes. Les volumes des denrées exportées du Cameroun
indiquent une tendance croissante en dépit de la hausse constatée des prix. Les plus grands débouchés de ces
produits camerounais sont le Gabon et la Guinée Équatoriale.
Pour ce qui est des recommandations, les investisseurs qui sont les commerçants informels doivent se
conformer au cadre réglementaire de l’activité économique afin de maximiser leurs bénéfices, accroître leurs
innovations entrepreneuriales et surtout contribuer à la croissance de la sous région grâce à la promotion du
commerce équitable entre les États membres. Ce commerce équitable permettra ensuite de préserver
l’environnement, de relever les revenus des commerçants et de favoriser ainsi le développement durable de la
sous-région. Ceci nécessite, chez ces entrepreneurs commerçants transfrontaliers, un effort de compréhension des
règlementations commerciales en zones CEMAC ; mais aussi qu’ils acceptent de sortir de l’informel pour un
commerce transfrontalier formel pouvant leur garantir les bénéfices conséquents. Les autorités publiques doivent
chercher à comprendre ce type commerce, afin de mesurer son importance sur la sécurité alimentaire sous
régionale et sur le développement durable dans la sous région.
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ANALYSE DES EFFETS DE L’OUVERTURE COMMERCIALE SUR LA
CROISSANCE ÉCONOMIQUE ET LA POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE AU
BURKINA FASO
Tibi Didier ZOUNGRANA
Résumé
La question de la protection environnementale est au cœur des préoccupations mondiales. Ce texte
examine, suivant une approche économétrique, les effets de l’ouverture commerciale sur la croissance
économique et la pollution atmosphérique au Burkina Faso. Trois modèles sont utilisés pour atteindre les trois
objectifs de la recherche : identifier les déterminants de la croissance économique en mettant un accent
particulier sur les ressources environnementales ; vérifier l’hypothèse classique de Kuznets sur la forme en U-
inversé de la courbe environnementale ; apprécier les effets de court et de long terme de quelques variables
(investissements directs étrangers, produit intérieur brut, ouverture commerciale,) sur les émissions de CO2. Les
données utilisées sont celles de l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD) et du World
Development Indicators (WDI), sur la période de 1980 à 2012. Les résultats révèlent des situations paradoxales
de la croissance économique au Burkina Faso. Lorsque les émissions de CO2 augmentent de 1%, le PIB réel
par habitant augmente de 0,10%. Par contre, l’ouverture commerciale a une influence négative et non
significative sur le PIB réel par habitant. Par ailleurs, l’hypothèse de la courbe environnementale de Kuznets
n’est pas vérifiée dans le cas du Burkina Faso. On obtient une courbe convexe par rapport à l’origine. En ce qui
concerne les effets de court et de long terme, le modèle à correction d’erreur a fourni des élasticités qui
montrent que les IDE ont un impact à court terme sur les émissions ; mais pas à long terme. Par contre, le PIB
réel par habitant influence les émissions de CO2 à long terme ; et non à court terme. L’ouverture commerciale
semblerait donc, au regard des résultats obtenus, n’avoir aucun impact bénéfique sur la croissance économique
du pays. En outre, l’ouverture commerciale n’affecte pas la santé de l’environnement.
Mots clés : Dioxyde de carbone (CO2), ouverture commerciale, croissance économique, protection
environnementale.
ANALYSIS OF THE EFFECTS OF COMMERCIAL OPENING ON ECONOMIC
GROWTH AND ATMOSPHERIC POLLUTION IN BURKINA FASO
Abstract
The issue of environmental protection is at the heart of global concerns. This paper examines, using
an econometric approach, the effects of trade openness on economic growth and air pollution in Burkina Faso.
Three models are used to achieve the three research objectives: to identify the determinants of economic growth
with particular emphasis on environmental resources; Check the classical Kuznets hypothesis on the U-inverted
shape of the environmental curve; To assess the short- and long-term effects of a few variables (foreign direct
investment, gross domestic product, trade openness) on CO2 emissions. The data used are those of the National
Institute of Statistics and Demography (INSD) and the World Development Indicators (WDI), over the period
1980 to 2012. The results reveal paradoxical situations of economic growth in Burkina Faso. When CO2
emissions increase by 1%, real GDP per capita increases by 0.10%. On the other hand, trade openness has a
negative and insignificant influence on real per capita GDP. Moreover, the hypothesis of the environmental
curve of Kuznets is not verified in the case of Burkina Faso. A convex curve is obtained with respect to the
origin. In terms of short- and long-term effects, the error-correction model provided elasticities that show that
FDI has a short-term impact on emissions; But not in the long term. On the other hand, real per capita GDP
influences long-term CO2 emissions; And not in the short term. Trade openness, therefore, would appear to
have no beneficial impact on the country's economic growth. In addition, commercial openness does not affect
the health of the environment.
Key words: Carbon dioxide (CO2), trade openness, economic growth, environmental protection.
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INTRODUCTION
La mondialisation économique a entraîné un accroissement du commerce au niveau mondial, avec le
démantèlement progressif des barrières commerciales entre les pays. Le commerce est perçu comme une
opportunité pour attirer des revenus substantiels dans les pays. Les mouvements d’imports et d’exports ont des
incidences sur la balance commerciale et donc sur le produit intérieur brut (PIB) des différents pays. Le
commerce mondial est de plus en plus caractérisé par la circulation des produits manufacturés. Le commerce des
produits manufacturés s’est accru de 10% en termes réels en 2005, sa plus forte progression depuis 2000. Cette
expansion plus vigoureuse du commerce mondial des produits manufacturés est due surtout à la reprise des
exportations de l’Amérique du Nord (9%) et de l’Europe (7%). Les services viennent en seconde position, soit
19,59% du commerce mondial, en 2005, dans les volumes totaux échangés (OMC, 2005). L’accélération du
commerce mondial exige une forte demande en énergies diverses, principalement les hydrocarbures. Cette
situation influence les prix des facteurs et des produits commercés.
En 2008, selon les données de l’International Trade Statistics Yearbook, l’Afrique subsaharienne
représentait 2,02% des échanges commerciaux dans le monde ; soit une hausse de 9,1% par rapport à l’année
2007. Par ailleurs, les prix des produits de base tels que les produits alimentaires, le pétrole et le gaz ont été très
instables en 2008. Entre janvier 2007 et juillet 2008, les prix des combustibles ont augmenté de 144%,
c’est‐à‐dire qu’ils ont plus que doublé. Mais, de juillet 2008 à la fin de 2008, ils ont reculé de 63%. Les prix de
l’énergie ont quant à eux augmenté de 40% en moyenne ; tandis que les prix des produits alimentaires et des
boissons ont progressé de 23% (FMI, 2010). Ces statistiques montrent l’importance de la demande des
combustibles dans le monde actuel.
Au Burkina Faso, le commerce extérieur présente un solde structurellement déficitaire. L’écart entre les
exportations et les importations se creuse davantage au fil du temps. En effet, pendant que les exportations
stagnent autour de 173 milliards de F CFA, les importations sont en nette progression ; passant de 352 milliards
en 2000 à plus de 903 milliards en 2008, soit une hausse de 156% par rapport à 2000 (INSD, 2009). L’on
observe donc une forte prédominance des importations sur les exportations. Au niveau des importations, les
principaux partenaires du pays, en 2009, classés par ordre décroissant des échanges en valeur sont : la Côte
d’Ivoire, la France, la Chine, les États-Unis et les Pays Bas. Les importations du Burkina Faso en provenance de
ces pays sont constituées essentiellement d’hydrocarbures (gas-oil, super carburant), des médicaments, des
motocycles, des transformateurs à dialectique liquide, des tombereaux automoteurs, du fuel oil domestique.
La nomenclature de ces produits importés montre que les importations du pays ne sont pas sans danger
pour l’environnement. Le pays, à l’instar des autres pays africains, est de plus en plus menacé par les
phénomènes de pollution. Cette dernière a plusieurs sources, entre autres : pollution sonore et acoustique
(Thiombiano, 2008) ; pollution des eaux par l’utilisation des pesticides non autorisés (Ouédraogo et Nonguierma,
2009). Une autre source, non moins importante, est la pollution provenant du commerce ; notamment la pollution
de l’air par les émissions de CO2. La part des émissions du Burkina Faso représente moins de 1% des émissions
globales en 2002. Le Burkina Faso importe des voitures et des moyens de transport d’occasion ou de « secondes
mains » ; eu égard à la faiblesse du revenu moyen par tête. La pollution issue de ces moyens de transport affecte
la santé humaine et environnementale.
Dans le souci de ne pas perdre de vue les préoccupations à long terme pour la protection de
l'environnement, le gouvernement burkinabè est confronté à plusieurs interpellations : lutte contre la dégradation
des sols, sécheresse, désertification, pollution de l’air. Les conséquences du progrès technique et de l'urbanisation
ont conduit les pays du Sud à ne négliger aucun phénomène susceptible de nuire à la santé humaine et au biotope.
Le Burkina Faso n'est pas en marge de ce mouvement mondial. C’est dans cette optique que le Ministère de
l'environnement et du développement durable a été créé pour élaborer et mettre en œuvre la stratégie de lutte
contre la pollution et les autres formes de dégradation environnementale.
Dans cette perspective, le gouvernement a adopté plusieurs approches dont celle de la police
environnementale (PE). Cet engouement, de plus en plus croissant des gouvernants pour la protection de
l’environnement par la régulation et le contrôle des échanges, suscite des interrogations sur le lien entre
l’ouverture commerciale et la pollution atmosphérique. D’où la principale question de recherche suivante : Quel
est l’impact de l’ouverture commerciale sur la pollution atmosphérique au Burkina Faso ? La réponse à cette
question nécessite que les facteurs de la croissance économique soient analysés en intégrant l’environnement et le
commerce, comme des variables d’intérêt. Cela suggère quelques questions secondaires. Quels sont alors les
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facteurs déterminants de la croissance économique au Burkina Faso ? La croissance économique au Burkina Faso
contribue-t-elle à améliorer la qualité environnementale ? Les effets de l’ouverture commerciale sur la pollution
peuvent-ils être différents selon l’horizon temporel ? Autrement, quels sont les effets de court terme et de long
terme de l’ouverture commerciale sur la pollution ?
L’objectif principal qui guide cette recherche est d’analyser les effets de l’ouverture commerciale sur la
croissance économique et la pollution atmosphérique au Burkina Faso. De façon spécifique, il s’agit d’identifier
les déterminants de la croissance économique au Burkina Faso ; de mesurer la contribution de cette dernière à
l’amélioration de la qualité environnementale à la suite de l’ouverture commerciale (courbe environnementale de
Kuznets) ; et enfin d’évaluer les effets de court et de long terme de cette ouverture sur l’environnement (pollution
atmosphérique). Notre recherche est innovante dans la mesure où il n’y a quasiment pas encore d’études sur le
lien entre l’ouverture commerciale et pollution atmosphérique au Burkina Faso.
Le texte est structuré en deux (2) parties. D’abord, la première partie présente les fondements théoriques
de la relation entre l’environnement et la croissance économique d’une part, et de celle entre l’ouverture
commerciale et l’environnement d’autre part. Ensuite, elle expose les méthodes et les matériels de la recherche
(modèles et outils d’analyse), en présentant les données mobilisées. La deuxième partie présente les résultats et
les analyses qui en découlent, suivant le cadrage théorique et méthodologique effectué.
CADRAGE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
Comme indiqué plus haut, cette première partie repose sur trois principaux piliers : relation entre
l’ouverture commerciale et la croissance économique ; relation entre l’ouverture commerciale et
l’environnement ; méthodologie de la recherche.
Ouverture commerciale et croissance économique
Plusieurs études ont mis en évidence la relation entre le commerce international et la croissance
économique, dans différents pays. En effet, le commerce international est né sous la doctrine libérale. Si les
mercantilistes considéraient le commerce comme un jeu à somme nulle, les auteurs classiques soutiennent le
contraire. Pour ces derniers, l’ouverture permet aux nations de réorienter leurs ressources rares vers des secteurs
plus efficients d’une part, et d’améliorer le bien-être des populations d’autre part. Les théories qui ont suivi ont
confirmé les gains engendrés par l’ouverture commerciale. Mais compte tenu des rendements d’échelle et de la
concurrence imparfaite, les gains restent statiques.
Grossman et Helpman (1991) démontrent que l’ouverture permet d’augmenter les importations
domestiques des biens et des services (y comprises les nouvelles technologies). Grâce à l’apprentissage par la
pratique et le transfert des technologies, le pays connaît un progrès technologique ; sa production devient plus
efficiente et sa productivité augmente. Grossman et Helpman (1992) affirment également qu’un pays qui protège
son économie peut stimuler sa croissance. Cela est possible dans le cas où l’intervention gouvernementale
encourage l’investissement domestique, selon les avantages comparatifs du pays. Dollar (1992), Edwards (1998),
Barro et Sala (1997), Sachs et Warner (1995), Greenaway et al. (1998), Vamvakidis (1998) affirment avec
conviction que la libéralisation du commerce est favorable à la croissance économique.
En effet, selon Levine et Renelt (1992), la relation entre l’ouverture et la croissance se fait à travers
l’investissement. Si l’ouverture au commerce international permet l’accès à des biens d’investissement, cela
débouchera sur une croissance à long terme. Un pays qui libéralise ses échanges s’attire des flux
d’investissements étrangers. Cependant, ce choix risque d’engendrer une baisse de l’investissement domestique
due à une plus forte concurrence internationale ; et l’effet net reste alors ambigu. Sur le plan empirique, des
études ont montré l’apport positif du commerce à la croissance économique (Sami, 2010 ; CEPII, 2009,
Billmeier et Nannicini, 2011 ; Frankel et Romer, 1999).
Les accords de partenariat économique (APE) entre les pays de l’Afrique, des Caraibes et du Pacifiques
(ACP) et l’Union européenne (UE) ont relancé les débats en matière d’ouverture commerciale. Stiglitz (2003)
fait un constat alarmant sur les méfaits de la mondialisation et de l’ouverture commerciale dans les pays en
développement. Une condition essentielle est nécessaire pour que l’ouverture commerciale ait un impact positif
sur la croissance économique. Il s’agit principalement de la promotion des exportations, comme cela a été le cas
en Asie de l’Est (Sachs, 1987). Selon Batra (1992) et Leamer (1995), la libéralisation des échanges réduit les
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tarifs et ne produit pas les avantages attendus (Taylor, 1991 ; Doucouré, 2004). Rodriguez et Rodrik (1999)
soutiennent qu’il est difficile d’établir une relation positive entre le commerce et la croissance économique.
Ouverture commerciale et environnement
Selon Aka (2008), les questions environnementales ont connu un regain d'intérêt et plus d'attention au
cours des vingt dernières années ; principalement pour deux raisons : les problèmes climatiques liés à
l’accentuation de la pollution ; la détérioration de la qualité de l'environnement due à l'activité humaine. L’impact
de l’ouverture commerciale sur l’environnement n’est pas toujours évident. Il convient de l’analyser de près avec
des méthodes appropriées.
L’environnement constitue aujourd’hui un des défis majeurs de l’Organisation mondiale du commerce
(OMC). Cette interpellation environnementale n’a émergé que dans la phase terminale des négociations de
l’Uruguay Round (1986-1993). De façon générale, la relation entre la libéralisation commerciale et la protection
de l’environnement n’est pas toujours facile à établir. Le souci de l’OMC est de poursuivre la promotion de la
libéralisation commerciale sans porter préjudice à l’objectif du développement durable qui passe par la
protection de l’environnement.
Les liens entre la libéralisation des marchés mondiaux et l’environnement ne sont pourtant pas
univoques (OCDE, 2001). Selon Stern (2004), l'étude de la relation entre la pollution et le revenu s'est
principalement concentrée sur l'étude de la courbe environnementale de Kuznets. L’idée de Kuznets (1955), à
travers sa courbe environnementale, est que l’inégalité du revenu s’accroît dans les premières années de la
croissance économique et décroît par la suite. Cette idée peut être transposée dans la relation commerce-
environnement, pour apprécier le niveau optimal de libéralisation ; afin d’éviter une tendance inverse non
souhaitée.
Les pays ont des politiques différentes en matière de sauvegarde de l’environnement. C’est ainsi que
l’inexistence ou la faible politique environnementale d’un pays lui donne une prédisposition comparative dans
des productions polluantes (Birdsall et Wheeler, 1992). Les travaux de Wheeler et Martin (1992) d’une part, et
ceux de Reppelin-Hill (1994) d’autre part, ont cherché à identifier l’effet technique du commerce sur
l’environnement. Ils démontrent que la diffusion des technologies propres est influencée positivement par
l’ouverture commerciale. La conclusion de ces travaux est théoriquement attendue, car les technologies propres
sont compatibles avec le respect de l’environnement. Dans ce sens, l’investissement direct à l’étranger joue aussi
un rôle fondamental, comme le démontrent Esty et Gentry (1997), ainsi qu’Eskeland et Harrison (2002).
Par ailleurs, les études menées par Grossman et Krueger (1995) sur l’impact environnemental de
NAFTA (North American Free Trade Agreement) montrent qu’au premier stade du développement économique,
l’intensité de la pollution augmente avec le revenu par habitant. Mais le revenu par habitant baisse lorsque la
pollution augmente au-delà d’un certain seuil. Cependant, d’autres études notamment celles de Yaguchi et al.
(2007) présentent des résultats mitigés. Aka (2008) montre que l’intensité du commerce influence négativement
la pollution et améliore l’environnement ; et que la croissance économique exerce un effet positif sur la pollution
dans le contexte subsaharien. En somme, plusieurs études empiriques ont validé l’hypothèse de Kuznets dans des
contextes différents (Aka, 2008 ; Jobert et Kranfil, 2010). Par contre, d’autres études ont abouti à la remise en
question de l’hypothèse classique de Kuznets (Hilali et Benzina, 2007). En définitive, ces analyses montrent les
divergences des discours sur la forme de la courbe environnementale.
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Méthodologie
Contexte de la recherche
Le Burkina Faso, considéré comme un pays moins avancé (PMA), est situé au cœur de l’Afrique de
l’Ouest. Il est dans une Union douanière22 avec 15 autres pays de cette partie du continent. Le pays est dans la
zone sahélienne et n’a aucun débouché maritime. Son économie repose essentiellement sur l’agriculture et plus
récemment sur l’extraction de l’or. En effet, selon les statistiques de l’INSD (2012), le taux de croissance
économique en 2012 était de 8%, ce qui constitue une moyenne appréciable dans l’espace de l’Union
économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Le produit intérieur brut courant par habitant était de
335 812 FCFA en 2012. Même si le taux de croissance économique a connu un bond qualitatif passant de 5,6%
en 2007 à 8% en 2012, l’indice du développement humain est en moyenne de 0,4. En 2012, le pays était classé
183e sur les 187 pays recensés.
- Activités de transport et dégradation de l’environnement
Déjà en 2000, il ressortait clairement que les véhicules à essence et à gasoil émettaient plus de dioxyde
de carbone. Le tableau 1 donne les sources de rejet de CO2 au Burkina Faso dans le domaine du transport.
Tableau 1: Rejet de CO2 par type de transport en 2000 (en tonnes)
Source (CO223) H4ECO2)24 (NO2 ECO2)25 TE CO226 %
Véhicules à essence 191,75 1,18 0,52 193,45 51,8
Véhicules à gasoil 107,08 0,15 0,27 107,5 28,8
Train 9,10 13,17 23,31 45,58 12,2
Avion jet AI 2-,96 0,004 0,24 27,20 7,2
Total en equivalent CO2 334,9 14,48 24,34 373,72 100
Source : Ministère de l’environnement et du cadre de vie (2000).
Les publications du Ministère des transports (2004) montrent qu’un vélomoteur pollue autant qu’une
voiture de 16 à 20 ans. Par contre, les véhicules à quatre roues produisent plus d’oxyde d’azote que les engins à
deux roues motorisées. De plus en plus, l’importation des véhicules automobiles prend de l’ampleur dans le
pays. De 2007 à 2012, le nombre de véhicules automobiles importés a plus que doublé passant de 10 373 à
25 339 véhicules (CCVA, 2012). Le graphique 1 donne l’évolution des importations des véhicules de 2007 à
2012.
Graphique 1: Évolution des importations de véhicules automobiles
Source : CCVA (2012)
Le parc automobile s’étoffe au fur et à mesure et les caractéristiques des véhicules sont souvent à la
défaveur de la protection de l’environnement. Il ressort des données du Centre de contrôle des véhicules
automobiles (CCVA) (2012) que l’âge moyen des véhicules est de 17 ans. Les pollutions et nuisances
représentent plus de 20% des défectuosités et constituent la première cause d’échec lors la visite technique. Les
22 La CEDEAO qui compte 15 pays plus la Mauritanie est devenue Union douanière en 2013. 23 Dioxyde de Carbone. 24 Méthane équivalent CO2. 25 Dioxyde d’azote équivalent CO2. 26 Total en équivalent CO2.
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pollutions et nuisances causées par les véhicules automobiles sont de 20,8% ; alors que le pourcentage de non-
conformité est de 1,45%. Les causes de la pollution automobile sont nombreuses et variées (usure du moteur ;
qualité des carburants ; absence de service après-vente ; déficit de formation des conducteurs des motocycles ;
congestion du trafic ; surcharges ; 60% des hydrocarbures importés est destiné aux sources mobiles de
combustion dans le transport).
- Secteur énergétique et émissions de CO2
Le secteur de l'énergie est l'un des domaines les plus contributifs en émissions de CO2 au Burkina Faso.
Les rejets de ce secteur sont évalués à environ 923 Gg de gaz carbonique, dont 34,3% issus des transports
routiers, 29% des industries manufacturières, 24,2% des industries énergétiques, 5,1% des ménages, 2,9% des
autres secteurs, 4,5% des soutes et des autres formes de transport (Wéthé, 2007). Pour une population évaluée à
13 386 532 habitants en 2007, il en découle une émission moyenne de 68 949, 9 grammes de CO2 par habitant
(Wéthé, 2007). Au Burkina Faso, les combustibles fossiles sont les polluants les plus importants, liés à l’énergie.
Le tableau 2 présente les différents types de gaz à effet de serre.
Tableau 2 : Différents types de gaz à effet de serre issus du secteur de l'énergie au
Burkina Faso
Type de gaz à effet de
serre
Quantité en Gg Poids par rapport au CO2 Ratio de la pollution locale (en
grammes/habitant)
CO2 902 1 67 381,2
CO 29 31,1 2 266,4
MNVOC 5 180,4 373,5
NOX 4,26 211,7 318,2
CH4 0,14 6 442,9 10,5
N2O 0,01 90 200 0,7
Source : Wéthé (2007)
Dans le secteur énergétique, le CO2 est le polluant le plus dominant parmi les polluants présents dans
les combustibles.
- Commerce extérieur du Burkina Faso
Le Burkina Faso a adhéré à l’OMC le 3 janvier 1995, sous le principe de l’engagement unique selon
lequel : « On est d’accord sur rien si on n’est pas d’accord sur tout. » Cette décision a introduit un dynamisme
nouveau dans les relations commerciales du pays avec les autres pays membres de l’OMC. Les engagements se
résument en partie aux tarifs consolidés à l’OMC. En effet, le Burkina Faso a consolidé ses droits à 98,1% pour
les produits agricoles avec des droits appliqués de 14,1% (Diouf, 2010). Au niveau de l’UEMOA, le tarif
extérieur commun était de 20% avec un relatif relèvement de 35% dans le cadre de la CEDEAO (CEDEAO,
2012). Eu égard à ces statistiques, on peut affirmer que les pays de cet espace économique sont moins protégés et
sont en droite ligne avec le consensus de Washington. Le commerce extérieur du Burkina Faso présente un solde
structurellement déficitaire.
Ainsi, le solde commercial déficitaire de 295 milliards FCFA (en 2000) accusait un déficit de l’ordre de
682 milliards de FCFA en 2008. Ce déficit est en nette progression depuis 2000. Le taux de couverture moyen
sur la période 2000‐2008 est de l’ordre de 27% (INSD, 2009). Le pays entretient des relations commerciales
avec plusieurs pays. Au niveau des exportations en 2009, les cinq principaux clients du Burkina Faso, classés par
ordre décroissant des échanges en valeur sont : la Suisse, la France, le Singapour, la Chine, la Belgique. Au
niveau des importations, les principaux partenaires du pays en 2009, classés par ordre décroissant des échanges
en valeur sont : la Côte d’Ivoire, la France, la Chine, les États Unis, les Pays Bas. La structure des importations
du Burkina Faso est beaucoup plus orientée vers des produits manufacturés et des hydrocarbures (gas-oil, super
carburant, tabac à fumer, fuel, etc.). La plupart de ces produits contiennent des gaz à effet de serre, notamment le
CO2. Ce qui contribue à l’augmentation de la pollution au Burkina Faso. En effet, les émissions de CO2 sont
passées de 432,71 tonnes à 1 716,16 tonnes en 2012 (WDI, 2012). Cette situation s’est aussi accentuée à cause
du taux d’ouverture commerciale estimé à 64,9% en Afrique subsaharienne, contre une moyenne mondiale de
52,5% en 2008 (Banque Mondiale, 2010).
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Instruments et méthodes de recherche
- Choix du modèle de croissance économique
Pour analyser l’impact de l’ouverture commerciale sur l’environnement au Burkina Faso, il est important
de chercher à cerner les variables qui peuvent influencer la croissance économique. Les modèles habituellement
utilisés dans l’estimation de la relation entre la libéralisation commerciale et la croissance reposent sur des études
empiriques consacrées aux déterminants de la croissance (Barro, 1991 ; Sala-i-Martin, 1994 ; Knight, Loayza et
Villanueva, 1993 ; Loayza, 1994 ; Islam, 1995). Or, Caselli, Esquivel et Lefort (1996) ont montré que les
résultats de ces études sont altérés par les problèmes de corrélation des effets fixes avec les termes d’erreur et
l’endogéneité de certaines variables. De plus en plus, la détermination des facteurs susceptibles d’influencer la
croissance économique intègre l’environnement et l’ouverture commerciale ; en dehors des facteurs classiques
tels que le capital humain, le progrès technique, la recherche-développement, etc.
L’impact de l’ouverture commerciale sur la croissance économique a été appréhendé à travers divers
modèles. En effet, Doucouré (2004) dans son étude sur le Mali a utilisé la fonction de production agrégée à
capital humain de Romer (l997), pour tirer son modèle économique par l’introduction du logarithme. Concernant
l’ouverture commerciale et l’emploi, l’auteur adopte le modèle statique de Leontief (1941) en faisant une
formulation matricielle. Dans la présente étude, le modèle double logarithmique est utilisé pour mesurer la
contribution des variables à la croissance économique. Ce choix se justifie par le fait que ce modèle offre
directement des élasticités. En outre, ce type de modèle tire sa source de la formulation de la fonction de
production Cobb-Douglas. Le modèle double log peut donc s’estimer aisément à partir de la méthode des
moindres carrés ordinaires (MCO).
Soit l’équation suivante : ( ),y f K L= . Cette forme traduit une relation fonctionnelle entre les
facteurs, capital (K) et travail (L) et le niveau de l’output (y). La forme cobb-douglas s’écrit comme suit :
( ),y f K L AK L = = . Les paramètres et sont à estimer et représentent aussi les élasticités, en ce
sens que si on applique le logarithme népérien à cette équation, on obtient : ln ln ln lny A K L = + + . La
constante dans ce modèle lnA traduit le facteur exogène et inexplicable par certains auteurs comme Solow qui la
considère comme une manne descendue du ciel. Par contre, d’autres auteurs l’attribuent au progrès technique.
En supposant que la croissance économique est appréhendée par des variables telles les investissements
directs étrangers (IDE) (Coulibaly, 2007 ; Doucouré, 2004) ; les émissions de CO2 à travers la prise en compte
de l’environnement (Aka, 2008 ; Hilali et Benzina, 2007) ; l’ouverture commerciale (T2) (Coulibaly, 2007 ;
Doucouré, 2004 ; Lemzoudi, 2005 ; Jin, 2004) et la population (POP) (Helpman et Hoffmaister, 1996 ; Romer et
Weil, 1992], on peut établir la relation suivante : ( )2, , ,y f IDE E T POP= . De cette relation et en
appliquant le logarithme népérien, on obtient : 2
0 1 2 3 4ln ln ln ln lny IDE E T POP = + + + +
Le modèle économétrique est obtenu en ajoutant le terme d’erreur à cette spécification déterministe : 2
0 1 2 3 4ln ln ln ln lny IDE E T POP = + + + + + .
En remplaçant y par le PIB par tête et en tenant compte de la dimension temporelle, le modèle dévient : 2
0 1 2 3 4ln ln ln ln lnt t t t t tPIBRT IDE E T POP = + + + + + ,
avec 0 1 2 3 4, , , et les paramètres à estimer et t le terme aléatoire.
Le choix de cette forme fonctionnelle n’exclut pas la possibilité qu’il y ait d’autres modèles appropriés.
Il y a parmi les modèles usuels, le modèle à correction d’erreur (MCE) et le modèle vecteur autorégressif (VAR).
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- Formalisation économétrique de l’hypothèse de Kuznets
Sur le plan de la modélisation économétrique, plusieurs approches sont utilisées. Il y a des méthodes
paramétriques et des méthodes non paramétriques. Pour Hilali et Benzina (2007), la détermination de la
possibilité d’existence d’une courbe environnementale de Kuznets (CEK) doit suivre la règle de décision qui
consiste à estimer deux relations : la forme linéaire et la forme quadratique. En comparant les résultats des
estimations, notamment le coefficient de significativité global du modèle, on retient la forme la plus appropriée
des deux cas suivants :
2
2
2
t t t t
t t t t t
CO c Y T
CO c Y Y T
= + + +
= + + + +
Dans ce type de modèle, la variable CO2 est l’indicateur permettant de mesurer l’environnement. Y est
le PIB par tête et T le degré d’ouverture( )X M
PIB
+
.
Aka (2008) part du fait que la mise en évidence de la forme en U inversée de la courbe
environnementale passe par la formulation suivante : 2
0 1 2ln ln lnt t t tE Y Y = + + + , ou E représente les émissions de CO2 et Y le PIB par tête avec la
présence du terme quadratique.
La différence fondamentale qui existe dans ces formes simples réside au niveau de l’utilisation du
logarithme ou non. Dans le cadre de cette étude, le logarithme n’est pas utilisé dans l’équation car l’objectif est
de capter les effets primaires et secondaires de la variable PIBRT sur le niveau d’émission (E) et non les
élasticités. Finalement, l’équation à estimer est : 2
0 1 2t t t tE PIBRT PIBRT = + + + . E indique les
émissions de CO2, PIBRT et le PIBRT2 représentent respectivement le PIB réel par habitant et son terme
quadratique.
- Mesure de la relation ouverture commerciale-environnement : modèle à correction d’erreur
La relation entre l’ouverture commerciale et la pollution a été analysée par Grossman et Krueger (1995),
Yaguchi et al. (2007) et Aka (2008) avec des approches différentes. En effet, l’évaluation de l’effet de
l’ouverture commerciale et la pollution doit intégrer la dimension temporelle car chaque économie a un temps
d’ajustement en fonction de la structure de son économie.
Théoriquement, les réflexions de Kuznets (1955) sur la courbe environnementale constituent une base
de justification de la relation attendue entre la libéralisation commerciale et la pollution. Cette courbe en U
inversée prouve que l'intensité de la pollution monte avec l’augmentation du capital par tête aux premières parties
du développement économique, et tombe au-delà d’un certain seuil de l’accroissement du capital par tête qui
pourrait être déterminé. Cela suppose une équation où la variable d’intérêt a un terme quadratique pour contrôler
l’effet secondaire de la dite variable.
En effet, l’équation traduisant l’idée de Kuznets est la suivante : 2
0 1 2ln ln lnt t t tE Y Y = + + + . Si le paramètre 2 est négatif et significatif, alors la théorie de Kuznets
est vérifiée. Dans notre recherche, le CO2 est utilisé comme variable dépendante comme l’ont fait Douglas et
Selden (1992). Le modèle empirique utilisé dans leur recherche est le modèle à correction d’erreur (MCE) qui a
l’avantage d’analyser les effets de court et long terme.
La relation fonctionnelle peut s’écrire comme suit : ( ), ,t t t tE Y T A= où E représente la pollution
(émissions du dioxyde de carbone), Y le PIB/tête, T est le degré d’ouverture élevé au carré27 et A un ensemble de
variables pouvant influencer l’émission du dioxyde de carbone.
27
2X M
PIB
+
où X représente les exportations et M les importations (Aka, 2008).
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Pour apprécier les effets de court et long termes, le modèle à correction d’erreur de Hendry s’écrit
comme suit :
0 1 2 3 4 1 1 1 2 1 3 1ln ln ln ln lnt t t t t t t t tE Y T A E Y T A − − − − = + + + + + + + +
Ce modèle (MCE) a été utilisé par plusieurs auteurs, notamment par Yasar et al. (2006) et par Gries et
Redlin (2009) ; du fait de sa pertinence à expliquer la dynamique de court terme et de long terme de l’ouverture
commerciale sur la croissance économique.
- Collecte des données
Les données utilisées dans notre recherche proviennent de deux sources statistiques. Les données
relatives aux émissions de dioxyde de carbone sont tirées du site de la Banque mondiale (WDI, 2012) et couvrent
la période de 1980 à 2012 ; soit 33 années. Celles portant sur le PIB/tête, les exportations, les importations et la
population sont obtenues auprès de l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD) du Burkina
Faso. Les données obtenues au niveau national sont identiques à celles obtenues auprès de la Banque mondiale
sur les mêmes périodes. Seulement à cause de l’indisponibilité de séries longues au niveau national, on a eu
recours à deux sources de données. La variable ouverture commerciale est calculée à partir des données sur les
exportations et les importations avant de les y introduire dans le modèle MCE. La période retenue se justifie par
le fait qu’avant cette période, il y a moins de données disponibles sur certaines variables comme les IDE. Aussi,
les années 80 et 90 ont été marquées par les politiques d’ouverture prônées par les institutions de Bretton Woods.
ANALYSE ET DISCUSSION DES RÉSULTATS
Cette partie comprend trois sections. La première analyse les déterminants de la croissance économique
dans le contexte burkinabè. La seconde porte sur la vérification empirique de l’hypothèse environnementale de
Kuznets. Enfin, la dernière examine les effets de court terme et de long terme en rapport avec les émissions de
CO2.
Analyse des déterminants de la croissance économique
La croissance économique puise ses racines dans l’exploitation des ressources naturelles et
environnementales. En effet, la révolution industrielle a été possible grâce en partie à l’extraction des ressources
naturelles afin d’alimenter les industries. La croissance économique contribue également à la qualité des vies
humaines, mais elle peut également avoir des conséquences non voulues. De façon intuitive, la pollution de
l’environnement s’accompagne d’une augmentation du produit intérieur brut (graphique 2). Il est de plus en plus
admis qu’il n’y a pas de croissance sans dégradation de l’environnement. Dans le contexte burkinabè, la forte
croissance démographique accroît les besoins en matériels électroniques et en véhicules surtout avec l’avancée
technologique et l’avènement de la mondialisation. Le graphique ci-dessous permet de constater une évolution
positive des émissions de CO2 et du PIB sur la période étudiée au Burkina Faso ; même si il existe un écart entre
les deux variables.
Graphique 2 : Évolution des émissions de CO2 et du PIB au Burkina Faso
Source : INSD (2012) et WDI(2012).
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Cette évolution n’ a pas été linéaire sur toute la période. En effet, les années 1983 à 1988 ont été
caractérisées par un ralentissement des pollutions à cause de la population relativement moins importante.
Cependant, autour des années 90, il y a eu une hausse des émissions de CO2 atteignant ainsi les 800 tonnes de
CO2. Cette hausse est due à l’avènement des programmes d’ajustement structurel (PAS) en Afrique,
particulièrement au Burkina Faso.
Ces PAS avaient pour ambition de rétablir les équilibres macroéconomiques en prônant le libre-échange.
Depuis lors, on assiste à une croissance importante des émissions de CO2 au Burkina Faso. La situation de la
pollution dans le pays trouve une explication dans les activités industrielles (moins développées), les
importations des matériels et des produits polluants. Face à la croissance continue des émissions de CO2, le PIB
réel au Burkina Faso a connu une évolution positive importante depuis les années 90 et varie en moyenne entre
6% et 8%. Certes, le pays est moins industrialisé mais l’accroissement du revenu par tête introduit de nouveaux
modes de consommation et entraîne une hausse des importations de produits de « seconde main », en
l’occurrence les véhicules.
En d’autres termes, une augmentation des émissions des gaz à effet de serre notamment le CO2 entraîne
une élévation du PIB par tête dans le pays. Sur le plan économétrique, le modèle double log a été utilisé pour sa
capacité à générer les élasticités. Le modèle empirique s’écrit comme suit : 2
1 2 3 4ln ln ln ln lnt t t t t tPIBRT IDE E T POP = + + + + +
La variable d’intérêt dans ce modèle est celle indiquant l’émission de CO2. L’objectif est de vérifier si
l’augmentation des émissions de CO2 induit une hausse du PIB réel par tête au Burkina Faso. Les données
statistiques ont montré qu’il y a une évolution positive des deux variables dans le temps. Il est vrai que l’émission
de CO2 ne saurait expliquer à elle seule la croissance économique (PIBRT). C’est pourquoi dans le modèle,
figurent en plus des émissions de CO2 (E), les investissements directs étrangers (IDE), le degré d’ouverture (T2),
et la population (POP). Les résultats d’estimation à partir de la méthode des moindres carrées ordinaires ont
donné des résultats biaisés, car les erreurs sont corrélées entre elles avec un Durbin-Watson (DW=1,082887) qui
indique une corrélation positive des erreurs. Dans ces conditions, la méthode de Chrocane-Orcutt permet de lever
cette difficulté (Doucouré, 2008). L’équation à estimer devient :
( )2
1 2 3 4ln ln ln ln ln 1t t t t t tPIBRT IDE E T POP AR = + + + + + + .
Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau 3.
Tableau 3 : Déterminants de la croissance économique
Dependent Variable : LNPIBRT
Variables Coefficients Prob.
LNIDE -0.002899 0.6471
LNE 0.100425** 0.0182
LNT2 -0.077831 0.3546
LNPOP 0.675219*** 0.0000
AR(1) 0.574019*** 0.0007
R-squared 0.984243
Adjusted R-squared 0.981908
***significatif à 1%, **significatif à 5%, *significatif à 10%
Source : Résultats d’estimations
La statistique de Durbin-Watson est de DW= 2, 12420. Ce résultat permet de dire que la méthode de
Cochrane-Orcutt a permis de corriger la corrélation positive des erreurs, car la statistique DW est dans la borne
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de non corrélation (Dsup, 4-Dsup) = (1,82 ; 2,18). Les erreurs sont désormais non corrélées. Les erreurs sont
également homocédastiques car les probabilités sont supérieures à 5% (annexe 3). Le modèle a donc une bonne
adéquation en ce sens que 97,92% des fluctuations du PIB réel par tête sont expliquées par le modèle ; c’est-à-
dire par les variables explicatives (lnIDE, lnE, lnT2, lnPOP).
Les variables qui influencent la croissance économique sont les émissions de CO2 et la population. En
effet, si les émissions de CO2 augmentent de 1% ; alors le PIB réel par tête augmente de 0,10%. Cette variable
est significative au seuil de 5%. Ce résultat économétrique est conforme aux prédictions statistiques. Dans le
contexte du Burkina Faso, les émissions proviennent de l’agriculture, des émissions dans les centres urbains dont
les sources sont essentiellement les importations des matériels polluants. Cette corrélation positive s’explique
aussi par le fait qu’avec le temps, le niveau de vie augmente et entraîne une élévation de la consommation des
biens importés.
La population burkinabè croît à un rythme assez important, soit 2,3% par an en moyenne (INSD, 2010).
Cette population est majoritairement jeune et en grande partie non éduquée. La main d’œuvre non qualifiée est
employée dans l’agriculture qui occupe environ 80% de la population active avec une contribution de plus 32%
au PIB. Cette forte main d’œuvre a une contribution significative de 1% à la croissance économique du pays. En
effet, si la population augmente de 1% ; alors le PIB réel par tête augmente de 0,675%.
Les variables telles les IDE et l’ouverture commerciale ont une influence négative sur la croissance
économique. Cependant, aucune d’entre elles n’est significative. Les flux des IDE au Burkina Faso sont assez
négligeables. En réalité, les investissements directs étrangers sont souvent mal utilisés dans les programmes et
projets de manière à produire des résultats non substantiels d’une part ; et d’autre part, ces flux ne sont pas
entièrement employés dans les secteurs productifs de l’économie. En somme, il y a un problème d’allocation et
de coordination. Au niveau de l’ouverture commerciale, l’effet négatif et non significatif peut s’expliquer par le
fait que les importations l’emportent sur les exportations. Or, le financement des importations constitue des
sorties de devises importantes du pays et réduit de ce fait les investissements dans les secteurs productifs de
l’économie burkinabè. Le graphique 3 indique clairement l’écart entre les importations (M) et les exportations
(X).
Graphique 3 : Évolution des importations et des exportations totales du Burkina Faso
(en FCFA)
Source : INSD (2010).
Vérification empirique de la théorie classique de Kuznets
La théorie de Kuznets prévoit deux comportements en fonction de l’évolution de deux paramètres, à
savoir les émissions de CO2 et le PIB par tête. Cette théorie démontre qu’au fur et à mesure que le revenu par
tête augmente, l’émission de CO2 augmente jusqu’à un seuil critique où l’augmentation du revenu entraîne une
dépollution de l’environnement. Ce qui signifie qu’à partir d’un seuil donné, la courbe environnementale doit
fléchir et entrer dans sa phase de décroissance. En ce moment, l’environnement bénéficie d’une meilleure
protection. Ainsi, l’équation permettant de vérifier cette hypothèse est la suivante : 2
0 1 2t t t tE PIBRT PIBRT = + + + . De cette équation, l’hypothèse kuznetsienne est vérifiée si les
conditions suivantes sont remplies :
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2
2
0
0
t
t
t
t
E
PIBRT
E
PIBRT
Les résultats de l’estimation du modèle à partir de la méthode MCO sont représentés par le tableau 4.
Tableau 4 : Résultats d’estimation pour la vérification de la CEK
Variable
dépendante E
Variables Coefficients Prob.
PIBRT -0.016451* 0.0848
PIBRT2 1.53E-07*** 0.0007
C 841.5947 0.1047
R-squared 0.960019
Adjusted R-squared 0.957354
Prob(F-statistic) 0.000000
***significatif à 1%, **significatif à 5%, *significatif à 10%
Source : Résultats d’estimation
En réécrivant l’équation de Kuznets après estimation, on obtient : 2841,5947 0.016451 +1.53E 07t t tE PIBRT PIBRT= − −
Les résultats montrent d’emblée que l’hypothèse de Kuznets n’est pas vérifiée dans le contexte
burkinabè pour ce qui est de ce polluant (CO2). Comme le soulignent Hilali et Benzani (2007), l’acceptation de
la forme quadratique par rapport à la forme linéaire ne signifie pas automatiquement l’existence de la courbe
environnementale de Kuznets (CEK). En effet, la validation de l’hypothèse d’une CEK exige un coefficient
significatif et positif de PIBRT et un coefficient négatif et significatif de PIBRT2. Il est vrai que les coefficients
associés aux variables exogènes sont significatifs, mais les signes attendus ne sont pas ceux obtenus. Autrement,
les signes obtenus traduisent la présence d’une courbe convexe par rapport à l’origine du repère. Elle a une forme
en U et non en U-inversé. Le calcul du minimum de la courbe donne un revenu de : 7 *0,016451 2*1,53.10 0 53 761,44PIBRT PIBRT FCFA−− + = = .
Ce revenu minimum est suffisamment faible pour induire une véritable prise en compte de
l’environnement dans les décisions de consommation et de production. Le niveau de revenu par tête au Burkina
Faso est très inférieur à celui des pays développés (48 100 $ aux États-Unis en 2011) ou émergents (8 400 $ en
Chine 2011)28. Or la faiblesse du revenu des citoyens d’un pays ne permet pas à ces derniers de développer des
mécanismes de protection ou de dépollution. En outre, ce qui semble fondamental est que les pays à revenus
faibles comme le Burkina Faso sont des pays où la consommation est relativement faible ; ce qui situe ce dernier
dans la phase descendante "précoce", car le niveau de consommation et de production est relativement faible
pour impacter fortement l’environnement. En effet, selon l’expérience des pays qui respectent la théorie de
Kuznets, tant que le pays ne traverse pas la phase d’industrialisation, il ne peut pas prétendre être dans la phase
descendante. Au Burkina Faso, le niveau de revenu par tête n’est pas du tout significatif pour induire des
comportements de grande consommation ou d’industrialisation de l’économie, vecteurs responsables de la
pollution à grande échelle.
Autrement dit, le faible niveau d’industrialisation de l’économie et la persistance de la pauvreté (47%)
favorisent une émission moindre de gaz polluants même si les produits importés sont généralement qualifiés de
« produits France aurevoir ». Avec l’accroissement du PIB/tête, le niveau d’émissions s’élèvera progressivement.
28 Données Banque Mondiale.
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Plusieurs tests empiriques ont trouvé des résultats similaires. Halali et Benzani (2007) ont trouvé des résultats
identiques dans les pays comme la Colombie et la Thaïlande, pour le cas précis des émissions de CO2. Ces
auteurs montrent que la Colombie subi une détérioration de sa qualité environnementale de plus en plus forte,
avec l’accroissement du revenu par tête. La phase d’amélioration de la qualité environnementale, appréciée par
les émissions de dioxyde de carbone, est achevée depuis 1993.
Par contre, l’Algérie a amorcé la phrase décroissante de sa courbe en cloche depuis une vingtaine
d’années. On peut conclure qu’un tel pays est entré dans une phase post-industrielle. Les résultats d’Aka (2008)
confirment l’hypothèse de Kuznets pour les pays de l’Afrique subsaharienne dans leur ensemble. Cependant, la
courbe n’est pas parfaitement concave. L’agrégation semble donner un résultat conforme à la théorie classique de
Kuznets ; mais pourrait cacher des effets individuels dans le cas d’une analyse par pays.
Analyse des élasticités de court et de long termes des émissions de CO2
L’objectif de cette section est d’apprécier les élasticités de court terme et de long terme en rapport avec
les émissions de dioxyde de carbone. La variable d’intérêt de ce modèle est le degré d’ouverture notée T2. Le
modèle à correction d’erreur est le plus approprié pour tester ces élasticités. Pour y arriver, les variables ont été
stationnarisées à l’aide du test de Dickey et Fuller Augmenté (annexe 1). Le modèle empirique est : 2
0 1 2 3 4 5 6ln ln ln ln ( 1) lnPIBR ( 1) ln ( 1) lnt t t t t t t tD E D IDE D PIBRT E IDE T = + + + − + − + − + + L’estimation du modèle
à correction d’erreur en une étape donne les résultats présentés dans le tableau 5.
Tableau 5 : Résultats d’estimation du modèle à correction d’erreur
Dependent Variable: DLNE
Included observations: 32 after adjustments
Variables Coefficients Prob.
DLNIDE 0.047900** 0.0314
DLNPIBRT 0.621204 0.2525
LNE_1 -0.659616*** 0.0009
LNIDE_1 0.024430 0.3212
LNPIBRT_1 1.207545*** 0.0052
LNT2 -0.086896 0.6696
C -4.377720*** 0.0060
F-statistic 6.315216
Prob(F-statistic) 0.000384
Durbin-Watson 1.99885 ***significatif à 1%, **significatif à 5%, *significatif à 10%
Source : Résultats d’estimation
La validité du modèle à correction d’erreur dépend du signe et de la significativité du coefficient associé
à la force de rappel. On constate que le coefficient associé à la force de rappel est négatif (-0,659616) et
significativement différent de zéro au seuil statistique de 1%. Il existe bien un mécanisme à correction d’erreur.
Autrement, à long terme les déséquilibres entre les émissions de CO2, le PIB réel par tête, les investissements
directs étrangers et l’ouverture commerciale se compensent de sorte que les quatre variables aient des évolutions
similaires. La force de rappel représente la vitesse à laquelle tout déséquilibre entre les niveaux (désiré et
effectif) des émissions de CO2 est résorbé dans l’année qui suit tout choc. Le chiffre -0,659616 signifie qu’on
arrive à ajuster 65,96% du déséquilibre entre le niveau désiré et effectif des émissions du dioxyde de carbone.
Ainsi, les chocs sur le CO2 au Burkina Faso sont corrigés à 65,96% par l’effet de feed back. Autrement, un choc
constaté au cours d’une année est entièrement résorbé au bout d’une année et 6 mois (1/0,6596 = 1,5160 année).
L’appréciation des comportements de court terme se fait sur la base des élasticités de court terme.
L’élasticité de court terme des émissions de CO2 par rapport aux investissements directs étrangers est de 0,0479.
Ce résultat signifie que si les flux des IDE vers le Burkina Faso augmentent de 10%, alors les émissions de CO2
vont augmenter de 0, 479%. Ce résultat est significativement différent de zéro au seuil de 5%. L’augmentation
des IDE dans un pays moins avancé comme le Burkina Faso engendre une augmentation des émissions de CO2.
Ce phénomène s’explique principalement par deux faits. Premièrement, les IDE sont très souvent orientés à
soutenir les petites unités industrielles en majorité déjà en place en dehors des opérateurs de téléphonie mobile ;
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ou à mettre en place de nouvelles unités de production. Ces unités utilisent intensément les hydrocarbures et
émettent du dioxyde de carbone. Deuxièmement, l’accroissement des IDE s’accompagne d’une augmentation des
besoins en matériels roulants notamment en véhicules pour le personnel. Généralement, ces véhicules sont de
« seconde main » et donc plus polluants.
L’élasticité de court terme des émissions de CO2 par rapport au PIB réel par tête est de 0,6212. Si le
PIB par tête au Burkina Faso augmente de 10%, alors les émissions de CO2 vont augmenter de 6,21%. Le signe
trouvé est conforme aux attentes dans la mesure où toute augmentation du PIB réel par tête indurait une
augmentation de la demande globale de produits manufacturés importés qui sont souvent des produits dont la
contenance en CO2 est élevée. Aussi, le Burkina Faso est un pays à faible revenu qui n’a pas encore enclenché la
phase d’industrialisation. De ce fait, il est très peu attendu que des mécanismes propres soient développés pour
une dépollution de l’air. Cependant, ce résultat n’est pas significativement différent de zéro même si
statistiquement on a le même résultat en termes d’évolution (graphique 2). La non significativité du coefficient
pourrait s’expliquer par le faible niveau de revenu par tête au Burkina Faso. En effet, sur la période étudiée, le
PIB réel moyen par tête est de 107 397 FCFA.
Les élasticités de long terme sont calculées en faisant le négatif de la variable retardée sur la force de
rappel. L’élasticité de long terme des émissions par rapport aux IDE est donnée par: ^
4
^
3
0.0244300,037
.
− = =0 659616
. Ce résultat signifie que si les flux des IDE augmentent de 10%, alors cela
entraînera une augmentation des émissions de CO2 de 0,37% à long terme. Cette variable a une amplitude
relativement faible comparativement à la situation de court terme. Il semble qu’il est probable à long terme
d’avoir une diminution des émissions de CO2. Toutefois, cette diminution sera infinitésimale. La quantité ^
5
^
3
1.2075451,831
.
− = =0 659616
veut dire que si le PIB réel par tête au Burkina augmente de 10%, alors les
émissions de CO2 augmenteront de 18,31%. Ce résultat confirme celui trouvé plus haut sur la courbe
environnementale de Kuznets (CEK). La théorie de Kuznets prévoit une dépollution à partir d’un certain seuil du
PIB par tête. Ici, le résultat indique clairement que le Burkina Faso ne connaîtra pas de sitôt une phase de
dépollution avec la reprise du PIB/tête. Ce qui signifie que le pays n’entrera pas, dans les meilleurs délais, dans
une phase post industrielle. En d’autres termes, l’hypothèse de la courbe environnementale en forme de U inversé
de Kuznets ne pourra pas d’emblée se vérifier dans ces conditions. On aura une forme en U et non en U inversé,
jusqu’à ce que le pays traverse la période post industrielle qui nécessite une dynamisation profonde du tissu
industriel. Le rythme d’augmentation du revenu par tête est faible si bien qu’il faut attendre, encore longtemps,
pour espérer avoir un revenu par tête comparable aux pays qui connaissent la transition entre la phase industrielle
et la phase post industrielle.
L’ouverture commerciale mesurée par lnT2 est corrélée négativement aux émissions de CO2. Une
intensification commerciale de 1% entraîne une diminution des émissions de CO2 de 0,0869%. Ce résultat n’est
pas significatif. Autrement dit, l’ouverture commerciale n’a aucune influence sur les émissions de gaz à effet de
serre (CO2) au Burkina Faso. En effet, le pays a une économie libérale et étant engagé dans les accords de
l’OMC, il doit s’ouvrir progressivement au reste du monde. L’ouverture commerciale semble être déséquilibrée
au niveau du pays, en ce sens que les importations dépassent largement les exportations. Cela pourrait
s’expliquer par la faiblesse de la production nationale et le coût relativement faible des importations.
Le pays est un consommateur de l’ouverture commerciale et non un gagnant potentiel. L’échange est
inégal eu égard aux rapports de force différents et aux nombreuses barrières non tarifaires (Aghiri, 1969). Pour
preuve, la balance commerciale est toujours déficitaire ; ce qui traduit la forte sortie de devises par rapport aux
rentrées. En d’autres termes, les recettes d’exportation ne suffisent pas à financer les dépenses d’importation du
pays. Le signe négatif semble étonnant eu égard à la non vérification de l’hypothèse de Kuznets. D’abord, le pays
n’a pas encore traversé la phase de développement industriel qui est une source de pollution selon les prévisions
de Kuznets ; a fortiori la phase post industrielle qui correspond à la dépollution. Ensuite, on peut justifier ce
résultat par le fait que le libre-échange tel que pratiqué ne profite pas aux pays du Sud ; notamment les PMA
comme le Burkina Faso. Il ne favorise pas un transfert suffisant de technologie capable de développer les
industries de production. Or, ce sont ces dernières qui émettent le plus de dioxyde de carbone. Ceci est de nature
à défavoriser l’émergence de grandes unités industrielles.
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On peut donc dire que l’ouverture commerciale est bénéfique pour le moment au Burkina Faso, en
matière de protection de l’environnement. Ce résultat est en accord avec celui trouvé par Aka (2008) qui montre
à travers une équation de long terme, que le PIB par habitant a un signe positif sur les émissions de CO2 ;
exprimant ainsi le fait que l’expansion économique influence négativement l’environnement (pollution) ; alors
que l’intensité des échanges a un signe négatif indiquant que l’ouverture commerciale est bénéfique pour
l’environnement en Afrique subsaharienne. Ce résultat confirme celui trouvé par Hilali et Benzina (2007), dans le
cas de la Colombie et de la Tunisie. En effet, l’ouverture commerciale dans ces pays est bénéfique à la protection
de l’environnement. Par contre, en Algérie, en Thailande et en Turquie, l’ouverture commerciale est néfaste à
l’environnement car elle engendre une hausse de la pollution par le CO2. La question qui se pose à ce niveau est
de savoir si une croissance économique sans pollution est possible pour les PMA qui n’ont pas suffisamment de
ressources pour adopter des mécanismes propres ; et qui font toujours face à des problèmes alimentaires aigus.
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CONCLUSION
La pollution atmosphérique est une préoccupation internationale de nos jours, du fait de la dégradation
croissante de la couche d’ozone. Les émissions les plus importantes de CO2 sont constatées dans les pays
développés dont le niveau d’industrialisation est encore plus important. L’Afrique fait partie des continents qui
émettent le moins de CO2. Notre recherche avait pour objectif principal d’analyser les effets de l’ouverture
commerciale sur la pollution atmosphérique. Un des objectifs secondaires était d’examiner les déterminants de la
croissance économique, en mettant un accent particulier sur la contribution de l’environnement. À ce niveau, le
résultat trouvé est conforme aux attentes théoriques. Les ressources environnementales et naturelles ainsi que la
population constituent les principales variables déterminantes de la croissance économique. Ces deux variables
influencent positivement et significativement la croissance économique. En effet, lorsque les émissions de CO2
(variable représentant l’environnement) augmentent de 1%, alors le PIB réel par tête augmente aussi de 0,10%.
La contribution des ressources naturelles et environnementales au PIB est importante dans les pays du Sud.
En outre, la population dans son ensemble (qualifiée et non qualifiée) a une influence significative sur la
croissance économique. La population burkinabè est en majorité jeune avec une faible qualification. Cependant,
elle constitue une force de travail dans les principaux secteurs d’activités du pays (agriculture, mines, élevage,
secteur informel). En ce qui concerne l’ouverture commerciale, elle n’est pas bénéfique aux pays moins avancés
(PMA) économiquement ; en termes de croissance économique. Dans le cas du Burkina Faso, la structure des
échanges au niveau du pays montre qu’il est un importateur net. Les possibilités d’ouverture et d’accès aux
marchés des pays européens et américains n’ont pas permis à ce dernier d’en tirer profit. C’est notamment le cas
de l’Initiative African Growth and Opportunity Act (AGOA), conduite par les États-Unis au profit des pays
d’Afrique subsaharienne. Malgré la multiplicité des possibilités d’accès aux marchés, le Burkina Faso n’a pas pu
engranger des gains significatifs à cause de la faiblesse du tissu industriel et des nombreuses barrières non
tarifaires.
Le deuxième objectif poursuivi dans la présente recherche est la vérification de l’hypothèse de la courbe
environnementale de Kuznets. Les résultats montrent que dans le cas du Burkina Faso, l’hypothèse de Kuznets
n’est pas vérifiée car la courbe environnementale a une allure convexe par rapport à l’origine du repère.
Autrement, l’augmentation du PIB par tête entraînerait de la pollution environnementale. L’utilisation du modèle
à correction d’erreur a permis d’identifier les effets de court terme et de long terme des variables susceptibles
d’influencer les émissions de CO2. Les IDE ont une influence positive sur les émissions de CO2. En général, ces
investissements ont souvent pour but la délocalisation des unités polluantes du Nord vers le Sud. Cette approche
est de nature à augmenter la pollution atmosphérique au Burkina Faso.
À long terme, le PIB réel par tête accroît la pollution atmosphérique par les émissions de gaz à effet de
serre (CO2). Ce résultat confirme celui trouvé avec la relation de Kuznets. Cependant, l’ouverture commerciale
réduit les émissions de CO2 ; mais n’est pas significativement différent de zéro. À l’état actuel des émissions et
au regard des résultats obtenus, l’ouverture commerciale n’influence pas négativement la santé de
l’environnement (pas d’empreinte carbone). Cependant, les effets de l’ouverture commerciale notamment les
émissions des gaz à effet de serre (CO2) pourraient croître avec l’augmentation du PIB par tête.
En termes de recommandations et de façon préventive, il est important de contrôler les importations
pour limiter les polluants sur le territoire burkinabè. Le CCVA devrait aussi renforcer le système de contrôle des
importations des véhicules. Au niveau national, l’éducation éco-citoyenne et les règles de la sauvegarde de
l’environnement doivent être davantage promues. Les industries naissantes et celles délocalisées sur le territoire
doivent respecter les normes environnementales. En outre, le choix des énergies à utiliser doit tenir compte de
l’environnement. En somme, quel que soit le niveau d’émission de chaque pays, des initiatives doivent être
constamment prises pour limiter les empreintes écologiques et assurer la durabilité environnementale.
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ANNEXES
Annexe 1 : Test de racine unitaire
Null Hypothesis: LNE has a unit root
Exogenous: Constant
Lag Length: 0 (Automatic - based on SIC, maxlag=8)
t-Statistic Prob.*
Augmented Dickey-Fuller test statistic -0.645789 0.8462
Test critical values: 1% level -3.653730
5% level -2.957110
10% level -2.617434
*MacKinnon (1996) one-sided p-values.
Augmented Dickey-Fuller Test Equation
Dependent Variable: D(LNE)
Method: Least Squares
Date: 08/29/13 Time: 14:27
Sample (adjusted): 1981 2012
Included observations: 32 after adjustments
Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob.
LNE(-1) -0.034000 0.052649 -0.645789 0.5233
C 0.117678 0.153577 0.766247 0.4495
R-squared 0.013711 Mean dependent var 0.018699
Adjusted R-squared -0.019165 S.D. dependent var 0.054499
S.E. of regression 0.055019 Akaike info criterion -2.901816
Sum squared resid 0.090813 Schwarz criterion -2.810208
Log likelihood 48.42906 Hannan-Quinn criter. -2.871451
F-statistic 0.417043 Durbin-Watson stat 2.263067
Prob(F-statistic) 0.523326
Null Hypothesis: LNIDE has a unit root
Exogenous: Constant
Lag Length: 0 (Automatic - based on SIC, maxlag=8)
t-Statistic Prob.*
Augmented Dickey-Fuller test statistic -2.587611 0.1059
Test critical values: 1% level -3.653730
5% level -2.957110
10% level -2.617434
*MacKinnon (1996) one-sided p-values.
Augmented Dickey-Fuller Test Equation
Dependent Variable: D(LNIDE)
Method: Least Squares
Date: 08/29/13 Time: 14:32
Sample (adjusted): 1981 2012
Included observations: 32 after adjustments
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Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob.
LNIDE(-1) -0.250674 0.096875 -2.587611 0.0148
C 2.542462 0.934804 2.719780 0.0108
R-squared 0.182466 Mean dependent var 0.133800
Adjusted R-squared 0.155215 S.D. dependent var 0.529011
S.E. of regression 0.486226 Akaike info criterion 1.456173
Sum squared resid 7.092459 Schwarz criterion 1.547782
Log likelihood -21.29877 Hannan-Quinn criter. 1.486539
F-statistic 6.695729 Durbin-Watson stat 1.823250
Prob(F-statistic) 0.014753
Null Hypothesis: LNPIBRT has a unit root
Exogenous: Constant
Lag Length: 0 (Automatic - based on SIC, maxlag=8)
t-Statistic Prob.*
Augmented Dickey-Fuller test statistic 0.056041 0.9570
Test critical values: 1% level -3.653730
5% level -2.957110
10% level -2.617434
*MacKinnon (1996) one-sided p-values.
Augmented Dickey-Fuller Test Equation
Dependent Variable: D(LNPIBRT)
Method: Least Squares
Date: 08/29/13 Time: 14:32
Sample (adjusted): 1981 2012
Included observations: 32 after adjustments
Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob.
LNPIBRT(-1) 0.001576 0.028131 0.056041 0.9557
C 0.000480 0.141157 0.003401 0.9973
R-squared 0.000105 Mean dependent var 0.008389
Adjusted R-squared -0.033225 S.D. dependent var 0.013638
S.E. of regression 0.013863 Akaike info criterion -5.658718
Sum squared resid 0.005766 Schwarz criterion -5.567110
Log likelihood 92.53949 Hannan-Quinn criter. -5.628353
F-statistic 0.003141 Durbin-Watson stat 2.330974
Prob(F-statistic) 0.955681
Null Hypothesis: LNPOP has a unit root
Exogenous: Constant
Lag Length: 1 (Automatic - based on SIC, maxlag=8)
t-Statistic Prob.*
Augmented Dickey-Fuller test statistic 1.689428 0.9994
Test critical values: 1% level -3.661661
5% level -2.960411
10% level -2.619160
*MacKinnon (1996) one-sided p-values.
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Augmented Dickey-Fuller Test Equation
Dependent Variable: D(LNPOP)
Method: Least Squares
Date: 08/29/13 Time: 14:33
Sample (adjusted): 1982 2012
Included observations: 31 after adjustments
Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob.
LNPOP(-1) 0.002458 0.001455 1.689428 0.1022
D(LNPOP(-1)) 0.785469 0.109222 7.191501 0.0000
C -0.014652 0.009381 -1.561950 0.1295
R-squared 0.825547 Mean dependent var 0.012040
Adjusted R-squared 0.813087 S.D. dependent var 0.001459
S.E. of regression 0.000631 Akaike info criterion -11.80707
Sum squared resid 1.11E-05 Schwarz criterion -11.66829
Log likelihood 186.0096 Hannan-Quinn criter. -11.76183
F-statistic 66.25105 Durbin-Watson stat 1.867885
Prob(F-statistic) 0.000000
Null Hypothesis: DLNE has a unit root
Exogenous: Constant
Lag Length: 0 (Automatic - based on SIC, maxlag=7)
t-Statistic Prob.*
Augmented Dickey-Fuller test statistic -6.957951 0.0000
Test critical values: 1% level -3.661661
5% level -2.960411
10% level -2.619160
*MacKinnon (1996) one-sided p-values.
Augmented Dickey-Fuller Test Equation
Dependent Variable: D(DLNE)
Method: Least Squares
Date: 08/29/13 Time: 14:36
Sample (adjusted): 1982 2012
Included observations: 31 after adjustments
Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob.
DLNE(-1) -1.203602 0.172982 -6.957951 0.0000
C 0.019667 0.009983 1.969933 0.0585
R-squared 0.625386 Mean dependent var -0.003457
Adjusted R-squared 0.612469 S.D. dependent var 0.084198
S.E. of regression 0.052415 Akaike info criterion -2.996906
Sum squared resid 0.079673 Schwarz criterion -2.904391
Log likelihood 48.45204 Hannan-Quinn criter. -2.966748
F-statistic 48.41308 Durbin-Watson stat 2.039003
Prob(F-statistic) 0.000000
Null Hypothesis: DLNIDE has a unit root
Exogenous: Constant
Lag Length: 0 (Automatic - based on SIC, maxlag=7)
t-Statistic Prob.*
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90
Augmented Dickey-Fuller test statistic -9.132198 0.0000
Test critical values: 1% level -3.661661
5% level -2.960411
10% level -2.619160
*MacKinnon (1996) one-sided p-values.
Augmented Dickey-Fuller Test Equation
Dependent Variable: D(DLNIDE)
Method: Least Squares
Date: 08/29/13 Time: 14:41
Sample (adjusted): 1982 2012
Included observations: 31 after adjustments
Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob.
DLNIDE(-1) -1.230984 0.134796 -9.132198 0.0000
C 0.104150 0.073558 1.415883 0.1675
R-squared 0.741986 Mean dependent var -0.060716
Adjusted R-squared 0.733089 S.D. dependent var 0.768492
S.E. of regression 0.397029 Akaike info criterion 1.052727
Sum squared resid 4.571332 Schwarz criterion 1.145242
Log likelihood -14.31726 Hannan-Quinn criter. 1.082884
F-statistic 83.39704 Durbin-Watson stat 2.312920
Prob(F-statistic) 0.000000
Null Hypothesis: DLNPIBRT has a unit root
Exogenous: Constant
Lag Length: 0 (Automatic - based on SIC, maxlag=7)
t-Statistic Prob.*
Augmented Dickey-Fuller test statistic -6.385288 0.0000
Test critical values: 1% level -3.661661
5% level -2.960411
10% level -2.619160
*MacKinnon (1996) one-sided p-values.
Augmented Dickey-Fuller Test Equation
Dependent Variable: D(DLNPIBRT)
Method: Least Squares
Date: 08/29/13 Time: 14:41
Sample (adjusted): 1982 2012
Included observations: 31 after adjustments
Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob.
DLNPIBRT(-1) -1.181615 0.185053 -6.385288 0.0000
C 0.010056 0.002974 3.381832 0.0021
R-squared 0.584360 Mean dependent var -0.000319
Adjusted R-squared 0.570028 S.D. dependent var 0.021146
S.E. of regression 0.013866 Akaike info criterion -5.656401
Sum squared resid 0.005576 Schwarz criterion -5.563886
Log likelihood 89.67422 Hannan-Quinn criter. -5.626243
F-statistic 40.77191 Durbin-Watson stat 1.965120
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Prob(F-statistic) 0.000001
Null Hypothesis: D(DLNPOP) has a unit root
Exogenous: None
Lag Length: 0 (Automatic - based on SIC, maxlag=7)
t-Statistic Prob.*
Augmented Dickey-Fuller test statistic -5.385172 0.0000
Test critical values: 1% level -2.644302
5% level -1.952473
10% level -1.610211
*MacKinnon (1996) one-sided p-values.
Augmented Dickey-Fuller Test Equation
Dependent Variable: D(DLNPOP,2)
Method: Least Squares
Date: 08/29/13 Time: 14:44
Sample (adjusted): 1983 2012
Included observations: 30 after adjustments
Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob.
D(DLNPOP(-1)) -1.000001 0.185695 -5.385172 0.0000
R-squared 0.500001 Mean dependent var 3.41E-09
Adjusted R-squared 0.500001 S.D. dependent var 0.000941
S.E. of regression 0.000665 Akaike info criterion -11.76000
Sum squared resid 1.28E-05 Schwarz criterion -11.71329
Log likelihood 177.4000 Hannan-Quinn criter. -11.74506
Durbin-Watson stat 2.000000
Annexe 2 : Estimation modèle de croissance économique
Dependent Variable: LNPIBRT
Method: Least Squares
Date: 08/31/13 Time: 19:22
Sample: 1980 2012
Included observations: 33
Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob.
LNIDE -0.006476 0.006159 -1.051548 0.3020
LNE 0.195805 0.048837 4.009332 0.0004
LNT2 -0.034370 0.067336 -0.510429 0.6138
LNPOP 0.513165 0.079338 6.468044 0.0000
C 0.902271 0.431449 2.091259 0.0457
R-squared 0.979243 Mean dependent var 5.021598
Adjusted R-squared 0.976277 S.D. dependent var 0.090974
S.E. of regression 0.014012 Akaike info criterion -5.559082
Sum squared resid 0.005497 Schwarz criterion -5.332338
Log likelihood 96.72485 Hannan-Quinn criter. -5.482790
F-statistic 330.2278 Durbin-Watson stat 1.082887
Prob(F-statistic) 0.000000
Annexe 3 : Test d’hétérocédasticité
Heteroskedasticity Test: Breusch-Pagan-Godfrey
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F-statistic 2.602891 Prob. F(4,27) 0.0582
Obs*R-squared 8.905537 Prob. Chi-Square(4) 0.0635
Scaled explained SS 4.825159 Prob. Chi-Square(4) 0.3057
Test Equation:
Dependent Variable: RESID^2
Method: Least Squares
Date: 09/01/13 Time: 16:37
Sample: 1981 2012
Included observations: 32
Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob.
C 0.007506 0.004315 1.739565 0.0933
LNIDE 0.000115 7.92E-05 1.455470 0.1571
LNE -0.000144 0.000508 -0.283873 0.7787
LNT2 -0.000109 0.000705 -0.154888 0.8781
LNPOP -0.001152 0.000794 -1.451308 0.1582
R-squared 0.278298 Mean dependent var 0.000123
Adjusted R-squared 0.171379 S.D. dependent var 0.000154
S.E. of regression 0.000140 Akaike info criterion -14.76557
Sum squared resid 5.30E-07 Schwarz criterion -14.53655
Log likelihood 241.2491 Hannan-Quinn criter. -14.68965
F-statistic 2.602891 Durbin-Watson stat 2.691245
Prob(F-statistic) 0.058233
Annexe 4 : Modèle de vérification de l’hypothèse de Kuznets
Dependent Variable: E
Method: Least Squares
Date: 08/31/13 Time: 18:22
Sample: 1980 2012
Included observations: 33
Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob.
PIBRT -0.016451 0.009229 -1.782601 0.0848
PIBRT2 1.53E-07 4.07E-08 3.758371 0.0007
C 841.5947 502.9908 1.673181 0.1047
R-squared 0.960019 Mean dependent var 920.3061
Adjusted R-squared 0.957354 S.D. dependent var 431.4414
S.E. of regression 89.09669 Akaike info criterion 11.90383
Sum squared resid 238146.6 Schwarz criterion 12.03988
Log likelihood -193.4132 Hannan-Quinn criter. 11.94960
F-statistic 360.1808 Durbin-Watson stat 1.356076
Prob(F-statistic) 0.000000
Annexe 5 : Déterminants de la croissance économique avec correction de l’auto
corrélation des erreurs
Dependent Variable: LNPIBRT
Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob.
LNIDE -0.002899 0.006262 -0.462982 0.6471
LNE 0.100425 0.039959 2.513180 0.0182
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LNT2 -0.077831 0.082636 -0.941853 0.3546
LNPOP 0.675219 0.014093 47.91217 0.0000
AR(1) 0.574019 0.148996 3.852578 0.0007
R-squared 0.984243 Mean dependent var 5.025424
Adjusted R-squared 0.981908 S.D. dependent var 0.089691
S.E. of regression 0.012064 Akaike info criterion -5.854582
Sum squared resid 0.003930 Schwarz criterion -5.625561
Log likelihood 98.67331 Hannan-Quinn criter. -5.778668
Durbin-Watson stat 2.124208
Inverted AR Roots .57
Source : Résultats d’estimations
Annexe 6 : Résultats d’estimation du modèle à correction d’erreur
Dependent Variable: DLNE
Included observations: 32 after adjustments
Variables Coefficient Std. Error t-Statistic Prob.
DLNIDE 0.047900 0.021006 2.280264 0.0314
DLNPIBRT 0.621204 0.530281 1.171462 0.2525
LNE_1 -0.659616 0.174565 -3.778639 0.0009
LNIDE_1 0.024430 0.024140 1.012052 0.3212
LNPIBRT_1 1.207545 0.394399 3.061738 0.0052
LNT2 -0.086896 0.201257 -0.431768 0.6696
C -4.377720 1.456721 -3.005188 0.0060
R-squared 0.602489 Mean dependent var 0.018699
Adjusted R-squared 0.507086 S.D. dependent var 0.054499
S.E. of regression 0.038263 Akaike info criterion -3.498043
Sum squared resid 0.036601 Schwarz criterion -3.177413
Log likelihood 62.96868 Hannan-Quinn criter. -3.391763
F-statistic 6.315216 Durbin-Watson stat 1.998857
Prob(F-statistic) 0.000384
Source : Résultats d’estimation
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PRÉSENTATION DES AUTEURS
Jeannette LEUMAKO NONGNI
Titulaire d'un Doctorat/Ph D. en sociologie. Enseignante au département de sociologie, Université de Yaoundé I
(Cameroun). Ses centres d'intérêt scientifique portent essentiellement sur le foncier rural, la gestion des
ressources naturelles et le développement local. Elle a publié « Les conflits fonciers dans le Moungo : entre
luttes interethniques et luttes pour l'acquisition de l'hégémonie économique ", Nga Ndongo V., (dir.),
Dynamiques sociales en Afrique noire. Chantiers pour la sociologie africaine, Paris, L'Harmattan, 2016, p. 39-
52.
Contact :
S/C BP 16542 Yaoundé
Tel. + 237 699 77 08 38/+ 237 675 50 52 6
Courriel : [email protected]
Aimé Norbert MELINGUI AYISSI
Titulaire d'un Doctorat/Ph. D. en histoire. Enseignant chercheur au département d’Histoire, Université de
Douala (Cameroun). Il a récemment publié : « L'habitat informel et incidences socioéconomiques de la ville de
Douala au Cameroun : 1960-2015 », La Ville en Afrique noire contemporaine : réalités d’aujourd’hui, Édilivre,
Juin 2016, p. 231-242 ; « Étude diagnostique et cadre de mise en application d’un développement
socioéconomique des jeunes du Cameroun », Cameroon Journal of Studies in the Commonwealth, vol. 3, n°1,
Special Edition on Youth, 7 novembre 2016, p. 232-248 ; « Le socle stratégique d’une relation économique
dynamique entre la France et le Cameroun, 1916-1960 », Revue Pantikar Journal of History, vol. 2, n°1, Août
2015, p. 9-73.
Contact :
Tél. + 237 677 20 96 92
Courriel : [email protected]
Robert NKENDAH
Titulaire d’une Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) en économie agricole, Université d’Artois
(France), 2014. Enseignant-chercheur à la Faculté des sciences économiques et de gestion appliquée (FSEGA),
Université de Douala (Cameroun), dans les disciplines suivantes : gestion et analyse des projets ; probabilités et
statistiques ; mathématiques appliquées ; économie du développement. Principaux domaines de recherche :
économie agricole et agroalimentaire ; gestion des projets de développement. Publication récente : (avec
Bayemi O), « Les répercussions économiques de l’insécurité grandissante en zone CEMAC : le cas de Boko
Haram et de la crise centrafricaine, Étude et Recherche Action pour le Développement de l’Afrique des
Caraïbes et du Pacifique (CERAD-ACP), n°3, Société Savante Cheikh Anta Diop, Université de Douala, 2017, p.
191-222.
Contact :
B.P. 7818 Douala-Bassa, Cameroun
Tél. + 237 677 61 28 72
Courriel : [email protected]
Henri TEDONGMO TEKO
Titulaire d'un Doctorat/Ph D. en sociologie économique. Enseignant au département de sociologie, Université
de Yaoundé I (Cameroun). Membre de l’équipe de recherche « Centre d’Études et de Recherches Africaines en
Management et en Entrepreneuriat » (CÉRAME), ESSEC, Université de Douala. Principaux domaines
d’enseignement et de recherche : entrepreneuriat ; pratiques culturelles et dynamiques religieuses en contexte
africain. Publications récentes : Réussir l’entrepreneuriat culturel, Paris, éditions Connaissances et savoir,
2016 ; « Les dynamiques socioreligieuses en Afrique : analyse des interactions entre les églises réveillées et les
églises mortes au Cameroun », Nga Ndongo V. (dir.), Dynamiques sociales en Afrique noire. Chantiers pour la
sociologie africaine, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 343-358 ; (avec Emmanuel Kamdem), « Nouvelles
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religiosités chrétiennes et pratiques de management. Étude de cas au Cameroun », Séraphin G. (dir.), Religion,
guérison et forces occultes en Afrique, Paris, Karthala, 2016, p. 211-224) ; « Les entrepreneurs de la délivrance
spirituelle au Cameroun », Kengne Fodouop (dir.), Cameroun : jardin sacré de la débrouillardise, Paris,
L’Harmattan, 2015, p. 325-347.
Contact :
B.P. 12377 Yaoundé (Cameroun)
Tél. + 237 679 91 61 11
Courriel : [email protected]
Tibi Didier ZOUNGRANA
Titulaire du Doctorat en économie environnementale. Enseignant chercheur, Université Aube Nouvelle,
Ouagadougou, Burkina Faso. Son principal domaine d’enseignement et de recherche concerne la gestion de
l’environnement.
Contact :
09 BP 1524 Ouaga 09
Tél : + 226 78 09 79 37 / + 226 72 58 42 58
Courriel : [email protected]