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Revue d'histoire des sciences etde leurs applications
Les premiers linéaments de la science géologique : Agricola,Palissy, George Owen.Pierre Brunet
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Brunet Pierre. Les premiers linéaments de la science géologique : Agricola, Palissy, George Owen.. In: Revue d'histoire
des sciences et de leurs applications, tome 3, n°1, 1950. pp. 67-79.
doi : 10.3406/rhs.1950.2770
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es premiers
l inéaments
de
la science géologique :
Agricola,
Palissy,
George Owen
1° Indépendamment du traité Des pierres
de
Théophraste, duivre V du traité De la
matière
médicale
de
Dioscoride
et
des
ivres XXXIII-XXXVII
de l Histoire
naturelle
de
Pline (1) ainsi
que
de quelques
remarques
intéressantes,
mais
éparses, de certains
géographes
tels que
Hérodote, Strabon, etc. (2), l Antiquité n avait
guère
légué au Moyen-âge, concernant
la
minéralogie et
la
géologie,
si l on
excepte
les vues théoriques (généralement développées
de
façon
trop
abstraite),
qu une double série
d observations
: les
unes
plus spécialement techniques
sur
l exploitation des mines (3), les
(1) Sur
la
minéralogie et
la géologie
de
Théophraste, nous
avons donné
quelques
indications
bibliographiques
dans notre volume
concernant l Antiquité {chap. XV, n.
4,
p.
295). Sur l ensemble
du problème
géologique et
minéralogique
dans l Antiquité, on
pourra utilement
consulter
les
ouvrages
de K. A.
von
Zittel, K.
Hummel,
A.
Geikie
et E.
von
Lasaulx,
cités
dans
la
Bibliographie
générale
de
notre
volume rappelé plus
haut (p. 1 143). On y ajoutera, pour la période antique et
les
suivantes,
Sainte-Claire Deville,
Coup ďozil
historique
sur la géologie, Paris, 1878, mais certaines de
ses
interprétations
sont fantaisistes.
Rappelons
aussi,
de notre Bibliographie générale pour
l Antiquité
(p. 1137),
l ouvrage de
K.
Mieleitner,
Geschichte der
Mineralogie in Alterlum und
Mitte-
laller,
2
vol., Jena, 1922. Voir Précisions pour une
histoire des
origines de la Paléontologie,
par
G.
Bugler, Revue ď Histoire
des Sciences,
1949, fasc.
3.
(2) Nous aurons
à y
revenir plus
loin.
(3)
Voir
à
ce
sujet
les
études
de
L. de
Launay,
L industrie
du cuivre
dans
la
région
ďHuelva {Annales des mines, nov. 1899). — Histoire de V industrie, minière en Sardaigne
(ibid., mai 1892). —
Les
mines du Laurion dans V Antiquité (ibid., juill. 1899). —
Les
mines
d or
de V Antique
Egypte
(La Nature, 20 déc. 1903). Sur ces mines d or, le même auteur
a donné, dans ses Richesses minérales de l Afrique (Paris, 1903,
p. 119) la
traduction
d un passage de
Diodore
de
Sicile. On trouvera dans notre volume concernant
l Antiquité
(p.
519
et
suiv.) la traduction
d un texte
de
Photius
(érudit byzantin du
ixe
siècle)
reproduisant, comme celui de
Diodore,
mais
avec quelques
variantes, la description faite
de ces mines
d or
de
l ancienne Egypte,
par
Agatharchide
(sur cet auteur,
voir notre
volume cité, chap. XXVII,
p.
515). Rappelons aussi
de Ed.
Ardaillon,
Les
mines du
Laurion
dans
ГAntiquité,
Paris, 1897.
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68
REVUE D HISTOIRE DES SCIENCES
autres,
assez souvent
fantaisistes, ou plus ou moins mêlées de
croyances d origine magique sur les
talismans, ayant
trait aux
pierres précieuses (1). Encore faut-il remarquer
que
les premières
elles-mêmes
n étaient
pas
exemptes
d une
certaine empreinte
astrologique, qui
avait amené non seulement à établir des
correspondances entre les divers métaux et telle ou
telle
planète (2),
mais
encore à
expliquer par
des influences astrales
la
génération
des
métaux.
Cette
fâcheuse
tendance se retrouve au
Moyen-âge,
aussi bien
chez
Albert
le Grand
que
chez des
auteurs
de moindre
valeur, et
jusque
chez Agricola, dont
nous aurons pourtant
à
signaler,
sur nombre de
points,
les excellentes observations et les
ingénieuses explications (3).
Il
ne
nous
semble
pas
opportun
de
retracer
avec quelques
détails
l histoire des
écrits qui
jalonnent
la
marche des idées
dans
cette
double direction.
Dans
la
première
surtout
nous
ne
rencontrons
guère
avec l œuvre
de
Marbode
et à côté d elle,
que
des essais de
répertoires,
plus ou moins
exacts dans la description
et plus ou
moins complets
dans
le dénombrement, des
pierres considérées
comme précieuses.
De
ces lapidaires, où abondent
surtout
les
considérations
de
caractère
extra-scientifique,
l influence se fait
sentir
jusqu à
notre époque, dans
certaines croyances absurdes où
se donnent libre cours l imagination et la crédulité
des
foules
ignorantes
;
mais
on
en
décèle
des
marques
certaines
dans
toute
la
production,* sinon vraiment
scientifique, du
moins pseudo-scienti-
(1) Sur les lapidaires
de l Antiquité,
voir
F.
D. de Mély,
Les
lapidaires de ГAntiquité
et du
Moyen-âge,
3 vol.,
Paris, 1902. Spécialement
en
ce
qui concerne les Lithica,
attribué
à Orphée,
consulter notre
volume
sur l Antiquité, p. 1071,
n. 4.
Étude
récente
de
Max
Wellmann, Die Stein- und
Gemmenbiícher
der Antike (Quellen u. Studien, 1935).
(2)
La
liste planétaire
des
métaux que
nous
avons
reproduite,
en suivant le
texte
de
Berthelot, dans notre volume concernant l Antiquité (p. 1026-1027) peut donner une
idée de ces correspondances supposées.
(3) Sur les lapidaires du Moyen-âge, consulter, outre Leopold Pannier (Biblioth.
de
l École
des
Hautes
Études,
1882),
qui
traite
spécialement
des
lapidaires
français
(dont le
premier
en
date
a paru, sous le nom de Jean de Mandeville, dans
les vingt
premières
années du xvie siècle, Lyon, s.
d. ; une autre
édition en fut imprimée
à Paris,
vers
1540),
l important ouvrage
de F.
D.
de
Mély, Les lapidaires
de l Antiquité
et du
Moyen-âge, 3 vol., Paris, 1902.
Par
certains côtés, le Speculum lapidum,
publié à
Venise,
en
1502, par
С
Leonardi
(de
Pesaro), marque un progrès sur nombre d ouvrages
similaires
;
il
n y en reste pas
moins
des
traces profondes de
préjugés astrologico-magiques.
Aussi ne faut-il pas
s étonner
qu en le
rééditant, en
1610,
Scudalupi ait présenté
de prétendus
rapports
entre
les planètes
et
les métaux.
Notons encore
que
le Livre des Gemmes (Strasbourg, 1530)
d Érasme
Stella
n est guère qu un commentaire de Pline.
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AGRICOLA,
PALISSY, GEORGE OWEN
69
fique
des xvie et xvne siècles en ce domaine. C est ainsi qu en 1669
Robert
de
Berquen,
renchérissant en cela
sur
Boèce
de
Boodt
(1),
qui
se
contentait de répartir les pierres
précieuses d après
leurs
propriétés
bienfaisantes ou
nuisibles
au
point
de vue
médical
célébrait
avec
enthousiasme
les vertus
de
l émeraude touchant
l heureuse transformation
des caractères de ceux
qui la portent.
En ce
qui
concerne
l exploitation minière et
l étude
des
métaux
il
n y a
guère
à retenir,
avant
de
considérer l ouvrage fondamental
d Agricola,
que
le
petit traité
de
Calbus
Fribergius
intitulé Berg-
buchlein
et
publié
en
1505
(2).
Né à Glauchau, en 1493, Georg Agricola (3), dont le
nom
latinisé
est une traduction de son patronyme Bauer, fit, après des études à
Zwickau, puis à
Leipzig, plusieurs
séjours
en
diverses universités
allemandes
et
italiennes, pour
y
apprendre
la
médecine.
Après
avoir poursuivi,
en 1526,
des
recherches minéralogiques dans les
Riesengebirge,
il s installa,
l année suivante, à Joachimsthal, où,
tout en exerçant
la
médecine,
il
continua
de
se livrer à
l étude
des
minéraux. Bourgmestre de
Chemnitz, en 1531,
et
appelé
à exercer
sa profession en même temps
qu à
occuper ses loisirs,
dans
un
milieu
de techniciens des
mines,
il
ne
tarda pas à travailler à
la
rédaction de son
grand
ouvrage De
re melallica, qui,
paru (posthume)
en 1556,
avait
été précédé d un certain nombre d autres
sur des
questions
analogues
ou connexes
(4). Les
dernières
années d Agricola
(1)
Et pourtant son Historia gemmarum
et
lapidum (Hanau, 1609) présente, à bien
des égards, une incontestable valeur,
récemment
mise en relief dans
un article
de
J.-E. Hiller, Boèce de Boodt, précurseur de la minéralogie moderne {Annales
Guébhard-
Séverine, 11e année, Neuchâtel, 1935).
(2) Sur ce traité,
signalons
l étude
de
G. A.
Daubrée,
La
génération des minéraux
métalliques
ďapres
le Bergbûchlein
(Journal
des
savants,
juin
1890),
dans laquelle on
trouve, outre une traduction, un résumé d autres écrits anciens sur la même question.
Pour
tout
ce
qui
concerne
les
recherches minéralogiques
et
géologiques faites en
Saxe
à
cette époque,
il convient de se référer à
l étude
d ensemble de P. Wagner, Die minera-
logisch-geologische
Durchforschung
Sachsens
in
ihrer geschichllichen Entwicklung (Isis,
1922, p.
63).
(3) Parmi les
études sur Agricole (on
trouvera
une
bibliographie dans
l article
de
P. Wagner cité dans la
note
précédente), signalons celles de
G. H.
Jacobi, Der Mineralog
Georgius
Agricola
und sein Verhàllnis zur
Wissenschaft
seiner Zeit,
Leipzig, 1889,
de
Ivor
B. Hart, Georgius
Agricola
et
les débuts de la
science métallurgique (Scientia, 1932).
(4) En
laissant
de côté les
ouvrages
d un tout
autre
caractère
nous donnerons la
liste suivante
: Bermannus,
sive
de
re metallica,
1528 ;
De
ortu
et causis
sublerraneorumt
1544
;
De
nátura eorum, quae effluunl e terra, 1545 ;
De
nátura fossilium, 1546
;
De
veleribus
et
novis metallis, 1546 ;
De
animanlibus
subterraneis,
1548.
Ces
ouvrages
furent traduite
en
italien par Michèle Tramezzini,
Vinegia,
1550. Le
De re
metallica, paru seulement
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70
REVUE D HISTOIRE
DES
SCIENCES
furent très agitées,
du
fait
des passions religieuses
alors
surexcitées
en Allemagne
;
on
peut dire qu il
fut
persécuté
même
après sa
mort, puisque la
sépulture
lui
fut refusée à
Chemnitz, où depuis
un certain temps
il
n avait plus
de
fonctions
officielles,
et que
son
corps dut
être
transporté
à Zeitz
(1555).
Le dialogue intitulé Bermannus, sive de re metallica (1528) est
plutôt un essai avant tout destiné à attirer l attention sur
la
technique minière,
en en montrant les avantages (1)
;
il
est
loin
d avoir
dans
l œuvre scientifique d Agricola
la
même importance
que
les ouvrages
postérieurs,
et au
premier
rang
de
ceux-ci le
De re metallica. Cependant, au point
de vue
historique, il prend
un
relief spécial
du
fait
que, par sa date, c est le
seul
qui ait pu
avoir
quelque influence
sur Biringuccio.
Il
est vrai
que, si
celui-ci a
peut-être
reçu
du
Bermannus
l idée
du premier
livre
de
son
ouvrage
De la pirotechnia, il a envisagé le
problème
d une
manière tellement
plus
élaborée
et
avec
des vues
si nouvelles, que
l on
ne
peut
en rien
parler
d emprunts,
ni même reconnaître dans
le second écrit
une
sorte de continuation et de développement
du
premier.
Par
contre,
en
tenant compte,
comme il convient, du
fait
que les
œuvres
importantes d Agricola sont
postérieures
d au moins quatre ans au
livre
de Biringuccio,
on est admis à
considérer
que
le savant
de
Chemnitz s est, à
plusieurs
reprises,
inspiré
de
la Pirotechnia,
dont
il
cite d ailleurs l auteur dans la préface
de son
traité De re
metallica
(2).
Du
reste,
le
De
nátura
fossilium,
dans
lequel
on trouve une
sorte de
catalogue
raisonné
et systématique
de
tous les
minéraux
alors
connus et d une grande partie des roches, peut, en
un
certain
sens,
être
regardé
comme une
étude
plus détaillée
du sujet
des
deux premiers livres
de
l œuvre
de Biringuccio.
Certes,
dans
sa
dissertation
De animantibus subterraneis,
Agricola se
montre
beaucoup
trop crédule à
l égard
des fables
concernant les bons et les
mauvais
génies
que
recèleraient
les mines ;
mais
cette complaisance à
l égard
de certaines croyances populaires
en 1556 (posthume), fut traduit en italien par
Michelangelo
Florio, Bâle, 1563. Pour les
traductions
de l ensemble en
allemand,
citons
celle de E. Lehmann (Freiberg,
1806).
Signalons aussi Georg
Agricola, Zwôlf
Bûcher vom
Ber
g-
und
Hiittenwesen, Berlin,
1928.
(1) Sur l exploitation
des
mines et
la
métallurgie,
rappelons l ouvrage historique de
Friedr.
Freise,
Geschichte der
Bergbau-
und Hiitentechnik, Berlin,
1908.
Dans notre volume
concernant l Antiquité,
nous
en
avons déjà
signalé le t. I, Alterlum.
(2)
Plusieurs
passages de l ouvrage manifestent cette influence de Biringuccio, que
nous
nous contentons
de signaler ici, faute d en
pouvoir
examiner plus longuement les
aspects.
Voir E. O.
von
Lippmann,
Biringuccio
und
Agricola
(Isis, 1936).
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AGRICOLA,
PALISSY,
GEORGE
OWEN 71
ne l empêche pas
de
se
montrer,
dans
son
De ortu et causis subter-
raneorum, fort sévère pour les alchimistes, et
de
s attaquer, dans
le De
nátura
fossilium, à
la pratique alors
courante
(et qui n a pas
complètement
disparu même
de nos
jours)
de
la rhabdomancie.
C est dire qu il y a déjà chez ce savant, encore
pénétré
de
la
mentalité
médiévale
(dans
ce que ce
terme implique de résistance aux
explications positives) un
effort pour donner
à
l expérience bien
comprise
la place qui lui revient
dans
les
sciences de
la
nature.
Quand on cherche
à
prendre une
vue
d ensemble
de
l œuvre
d Agricola,
on
peut
remarquer, qu en dehors
de
ce
qu elle
contient
de
connaissances
plus proprement chimiques
appliquées
aux
problèmes
techniques
de
la métallurgie (1), elle se développe surtout
en deux
directions
étroitement connexes : d une part
la
minéralogie
proprement
dite
et
d autre
part,
la géologie
et
la
physique
du
globe, au sens large
de
ces termes.
Bien
que
ses ouvrages
ne
puissent pas être strictement
répartis
suivant cette division
bipartite, qui d ailleurs
n a ici, de toute
évidence,
qu une
valeur
de commodité
(étant
donné
que la
minéralogie entre dans
le
groupe des sciences géologiques), on peut dire
cependant que le
Bermannus
et le
De
re metallica doivent
plutôt
être rangés dans la première
catégorie de
recherches, et les De orlu
et causis subterraneorum
et
De
nátura
fossilium,
dans la
seconde.
Dans
l une
et
l autre
de
ces
directions,
Agricola
s inspire, notons-le
(1) Sur l histoire
de
ces problèmes, consulter, outre les
ouvrages de
B.
Neumann,
de L. Beck, de F.
Freise,
de O. Johannsen, de J. N. Friend et de
K.
Mieleitner, cités dans
la
Bibliographie générale
de notre volume
sur
l Antiquité (p.
1137),
L. Bapst,
Les
métaux
dans l Antiquité et au Moyen-âge,
Paris,
1884 ; et aussi Th. Schafer, L industrie du
fer
dans la région
ďAllevard
au Moyen-âge, Grenoble,
1926. Pour
la bibliographie, se référer
à Leonardo
Olschki,
Die Literatur
der Technik und der angewandten Wissenschaften vom
Mittelalter bis
zur
Renaissance,
2
Bd., Heidelberg, 1919-1922.
Parmi les contemporains
d Agricola,
on
peut mentionner spécialement Christ.
Encelius
(Engel), dont
le De re
metallica (1557) est loin
d avoir
la valeur de celui du
savant
de
Chemnitz :
on
y
trouve
notamment maintes explications renouvelées de l alchimie ou
même
directement
tirées
d elle.
Un ouvrage
qui
a
quelque
analogie
avec
le
précédent
est le
De re
metallica (Madrid, 1569) de Perez de Vargas
qui
a le mérite de
fournir,
outre
des
indications intéressantes sur
le
manganèse (apparemment
les premières fournies
sur
le
peroxyde
de
manganèse),
certain procédé
de
trempe, etc.
On
en
doit encore
rapprocher l ouvrage publié en espagnol par Villa Feina, en
1572.
Pour la docimastique
(analyse chimique et dosage
des
minerais), les
ouvrages
suivants, bien que portant profondément l empreinte
de l alchimie,
ne manquent
cependant pas d intérêt : Lazare Erckern, Aula subterranea (Francfort, 1573) ; et Libavius-
Alchemia...,
Francfort,
1597.
Pour les
textes spécialement,
voir N. Gobet, Anciens minéralogistes de
France,
2 vol.,
Paris, 1779.
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revue d histoire des sciences
expressément, des mêmes directives
et
use de
la même méthode,
à
savoir le recours à l expérience, qu il a,
tout
naturellement, maintes
fois
conseillé
et
préconisé.
2° Dégagée
des nombreuses anecdotes qui tendaient à faire de
Bernard Palissy une sorte de personnage énigmatique, presque
légendaire
(1), la vie
de
ce
savant,
indépendamment
de
son
activité
dans
les questions religieuses agitées à son
époque (ce
qui
lui
valut
sa mort tragique
en prison, vers 1590), apparaît
dominée par
une
véritable
fièvre
de travail.
Né vers
1510, très vraisemblablement
en
Agenois,
mais fixé dès son enfance en Saintonge, qu il
ne
quitta
que
pour des voyages d étude, et plus tard pour Paris,
où
ses
fonctions le firent loger
aux
Tuileries, cet
arpenteur, devenu
finalement, en raison de sa technique artistique,
«
inventeur des rustiques
fîgulines
du
roi
et
de la
reine
sa
mère
»,
c est-à-dire émailleur
officiel
de
la
cour,
fut avant
tout un
artisan ingénieux et
un
artiste habile
;
mais aussi, par suite
de
son esprit curieux,
un investigateur
méthodique
sur
bien
des questions
scientifiques fort obscures
à
son
époque, et, pour
tout
dire,
un
savant original,
dont
la sagacité devait
être
reconnue plus tard par les spécialistes les plus qualifiés
(2).
C est
à
ce dernier titre
seulement
qu il nous intéresse
ici, et
qu il
convient de
lui
faire une
place dans
cette étude.
Tout
d abord, en ce qui concerne la façon
dont
furent
présentées
à
leur
époque,
les
idées
de
Bernard
Palissy
sur
les
problèmes
scientifiques,
signalons que, pour atteindre, selon sa propre
expression
«
les
plus doctes et
les
plus curieux
», le savant autodidacte,
dépourvu de
titres et
de fonction
universitaire, et ne remplissant pas
les
conditions
pour
l obtention
d une
chaire au Collège
Royal
(fondé
par François
Ier
en 1530),
eut
l heureuse idée d organiser des cours
ou plutôt des conférences publiques, dont le début se place au
printemps de 1575.
Pour n être
pas absolument neuve, une telle
initiative
rompait toutefois
suffisamment
avec les
usages
pour
(1) Cette révision
scrupuleuse de la tradition à la
lumière
des
documents, favorisée
d ailleurs
par les
recherches d érudits locaux,
a été
entreprise successivement
par
Louis Audiat, Bernard Palissy. Élude
sur sa
vie et
ses
travaux,
Paris, 1868,
et Ernest
Dupuy,
Bernard Palissy. L homme, Г
artiste,
le savant, V écrivain,
Paris,
1894 ;
nouv.
éd., revue et
augmentée,
1902. Parmi
les, biographies
plus
récentes,
D.
Leroux,
La vie de BernardPalissy,
Paris, 1927.
(2)
Contentons-nous
d indiquer ici
les
jugements de
Cuvier,
qui trouve, chez
Palissy,
« le commencement, l embryon
de la
géologie moderne » {Histoire des sciences naturelles,
Paris,
II,
p.
231), et de Dumas, qui
ne
craint pas de le mettre au nombre
des
créateurs
de la
chimie.
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AGRICOLA,
PALISSY,
GEORGE
OWEN 73
mériter
d être signalée.
Ajoutons
que, pour mieux illustrer son
enseignement, Palissy
avait
réuni,
dans
une sorte
de
cabinet
d histoire naturelle,
bon
nombre
de
spécimens minéralogiques,
parmi les
plus
intéressants
de
ceux
dont
il
avait
à
traiter.
Observateur,
il ne se contentait pas
de
l être, il voulait encore
que
les
autres
le fussent.
Nous insisterons particulièrement ici sur
ce que lui
doivent
la
géologie, la
minéralogie
et,
si l on veut bien accepter
l emploi
peut-être
un peu prématuré
du
terme,
la
cristallographie.
En ce
domaine,
comme dans les
autres, laissons délibérément de
côté les
erreurs,
dont on
pourrait
dresser une
liste
fastidieuse et
inutile, pour ne considérer
que
les idées fécondes, dont le temps
mettra
plus
tard en valeur le caractère original
et
novateur.
A ce
point
de
vue,
il
est vrai,
il
nous
faudra
faire
des réserves
sur
quelques
points et nous garder
d un
enthousiasme
que ne
justifierait pas
tout à fait
la prise en
considération de tous
les
antécédents
au
moins possibles. Cependant,
mis de
côté les emprunts à Vitruve, et
plus
encore
à Cardan,
il
reste, dans
la
pensée de Palissy, une
nouveauté incontestable ; à savoir
que
ce qui, chez les autres,
fait
figure
d aperçus
plus ou
moins
nets,
se
hausse, chez lui, à
la
valeur
d une
explication
scientifique
présentée
comme
telle. C est
le cas,
par exemple, pour
la
théorie des
fossiles
qui, pour avoir été, en
dépit
des
trop
fameuses
railleries
de Voltaire,
reprise
par
Reaumur
et acceptée par Fontenelle
(1),
avant d être développée par
Buffon
(2),
puis par Cuvier
(3),
s impose pour ainsi
dire,
d elle-même
à l attention,
dès qu on entreprend
un
examen
de l œuvre
scientifique
du potier
saintongeois.
Hérodote,
voulant
établir
que l Egypte
était un
ancien golfe
comblé
par alluvions du Nil, en donnait entre
autres
preuves
l existence de coquillages
marins dans
le sol de ce pays
(cf. II, 10).
Strabon,
s il
discute contre
Ératosthène
(I,
chap.
Ill, 3 à 20) au
sujet
de
l explication
de
ce fait, ne met pas en doute la réalité
de
(1)
Réaumur
présenta,
en 1720, à l Académie
des
Sciences de Paris
des
Remarques
sur les
coquilles fossiles
de
quelques cantons
de la Touraine
(Mém.
de
VAcad. des
Se, 1720,
p. 400
et
suiv.) ; ce
qui
donna à
Fontenelle
l occasion
d écrire,
dans YHisioire de
cette
Académie
(1720, p.
5-6), quelques
lignes fort élogieuses à l égard de Palissy
«
aussi grand
physicien que
la Nature seule en puisse former
un ».
(2)
Voir sa Théorie de la
terre
(1749)
et les Époques
de la nature (1778).
(3)
Voir
spécialement,
outre
ses Recherches sur
les
ossements fossiles (4 vol.,
Paris,
1812),
le
Discours sur la
théorie de
la
terre
(Paris, 1821)
et le
Discours sur les révolutions de la
surface du globe (Parie, 1825).
8/17/2019 Fossili Leonardo Da Vinci
9/14
74 revue
d histoire des
sciences
celui-ci, et
signale
même
que,
selon
Ératosthène,
cette existence
de
coquilles
marines à l intérieur de
l Egypte
est une question qui a
« particulièrement exercé
la
sagacité des philosophes ». Des
remarques
analogues
se
rencontrent chez
Plutarque,
et aussi chez
quelques
auteurs
romains,
spécialement Lucrèce, Sénèque,
et
même Ovide.
Aussi est-ce vraisemblablement
un
écho
de
ces
écrits,
plus ou moins
recueilli et peut-être
déformé à
travers
tout
le
Moyen-âge,
que nous
trouvons encore
chez
Boccace, dont la pensée
sur
ce point est même
formulée
avec
une précision
qui
ne va pas sans étonner.
Dès
lors
il
n est sans doute pas impossible de rattacher
encore
à
une influence
antique les idées
exprimées
avec une remarquable netteté par
Leonardo da
Vinci sur
l origine
marine des
coquillages fossiles
;
d autant plus
qu à
la même époque, en Italie, d autres savants se
trouvaient
d accord
sur
ce
point
avec
leur
grand
compatriote.
Qu il nous suffise
de citer
Fracastoro
dont
les études
sur
les fossiles
de
Vérone se placent vers 1517,
et
Alessandro degli Alessandri
(1460-1523),
qui
allait jusqu à supposer
que
l émergence de certaines
régions autrefois recouvertes par la
mer pourrait
être due à quelque
changement
dans l axe
de rotation de
la
terre.
Quant
aux remarques
de
Cardan
sur
l origine animale
des
fossiles
elles tirent,
selon
toute
vraisemblance
leur inspiration de
Leonardo da
Vinci ;
et, comme il
est
assez probable d autre
part
que la lecture du
De subtilitate (dans
la traduction française
publiée
par Richard
Le
Blanc,
en
1556,
à
Paris) n a pas été sans faire sentir assez profondément son influence
sur Palissy,
il se
pourrait
que
celui-ci
ait
indirectement emprunté
au savant
italien
le thème général
de
sa théorie des fossiles.
Quoi qu il en soit,
il
importe de bien remarquer que
la
méthode
même
de Palissy, essentiellement basée sur
l expérience, ne pouvait
lui
laisser
accepter
des
opinions
dont il
n eût
pas personnellement
vérifié dans
les faits le
bien-fondé. Rien n est
plus significatif à cet
égard
que
la façon dont Pratique, dans les dialogues qui
forment
le
cadre des Discours admirables,
triomphe
des objections opposées à
ses
arguments essentiellement
tirés
de
l expérience, par Théorique,
tout
imbue des explications abstraites, si
chères
à bien des
penseurs
du
Moyen-âge. A tel point
que
l on s est plu à
voir
dans le savant
saintongeois,
en même temps qu un
adversaire des
spéculations
scolastiques
et des
recettes
alchimiques, un champion de
la
véritable méthode
expérimentale. Nous verrons ailleurs ce qu il faut
penser sur ce point, mais nous pouvons actuellement en retenir
que
Palissy,
d ailleurs
admirablement
placé en
Saintonge
pour étudier
8/17/2019 Fossili Leonardo Da Vinci
10/14
AGRICOLA,
PALISSY, GEORGE
OWEN
75
les fossiles qui abondent, en cette contrée, dans des terrains
crétacés
ou tertiaires, ne s est pas dispensé
de
faire lui-même les
recherches
nécessaires. De
fait, on
constate
qu il
a
poussé
plus
loin
que
tous
ses
prédécesseurs
le
détail
des
observations,
reconnaissant
par exemple, de manière précise, l identité avec des formes actuelles
pour
toute
une
série de
formes fossiles et
allant jusqu à établir,
avant
Colonna, à
qui
on
en attribue couramment le
mérite,
la
distinction entre
les formes
lacustres ou fluviatiles
et les formes
marines. Sans doute avait-il été poussé
à
le
faire
par la répugnance
qu il éprouvait à admettre l action
de
sédimentation des mers
même
dans
les
endroits fort éloignés des côtes actuelles.
Il faut
reconnaître que, sur
ce
dernier
point,
ses vues
manquent d ampleur
et manifestent une certaine timidité dans la construction théorique.
Que,
sur
cette
question,
il
ait
été
retenu
par
le
souci
de
ne
faire
intervenir
dans ses
explications
que
des causes dont il pouvait
encore
voir l action se
prolonger
sous
ses
yeux, il
n en
reste pas
moins
que sa prudence coutumière
en
face de toute hypothèse
jugée
trop
audacieuse l a
empêché de formuler
jusqu au
bout un
des grands principes de
la
science géologique.
Car,
au
lieu
d attribuer
à l action de
la
mer
les dépôts
de
fossiles si loin qu ils soient
à
l intérieur des terres, il a préféré,
tout
en parlant des « eaux salées
de
la
terre
»,
ne pas supposer une communication entre
les
vastes
lacs
intérieurs
et
la
mer
;»bref,
il
a
éliminé,
dans
ses
explications,
tout
appel
à une variation de forme des
continents.
Bien
que la
pensée
scientifique
de Palissy
n ait
pas exercé sur
ses
contemporains
une
véritable
influence, et
que
ses idées aient
dû
attendre
plusieurs
siècles avant
de
pénétrer
tout
à
fait dans l édifice
de
la science,
on voit que
par l effort
systématique
pour se
dégager
des explications fantaisistes,
et
pour progresser dans la voie dont
les
perspectives
avaient
été
à
peine
entrevues, l expression
de
cette
pensée mérite d être considérée comme
un
moment important
de
l évolution de
la
géologie. En effet,
il
ne
faut
pas oublier
qu à
son
époque,
en
dépit
des précurseurs
proches
ou
lointains
que
nous
avons signalés, l œuvre de Palissy
en
ce domaine, tranche
avec la
plupart des recherches
alors
poursuivies.
Car on se bornait
généralement
à
dresser des catalogues
descriptifs
des fossiles (1) ou
à
en
(1)
Notons d ailleurs que
le
terme
fossiles, déjà employé
dans l Antiquité, sous sa
forme latine
fossilia
(l expression se
trouve
notamment
chez
Pline), avait
conservé,
encore
à
cette
époque,
le sens
très large que pouvait
lui assigner
son
etymologie. On
entendait par
là tout ce que l on tirait
des profondeurs
de la
terre, et par conséquent
8/17/2019 Fossili Leonardo Da Vinci
11/14
76 REVUE D HISTOIRE
DES
SCIENCES
attribuer la formation
à de prétendues conditions réalisées
indépendamment
de
toute action marine. Et ce n était pas là
seulement
le
fait de
gens
peu
versés dans l étude
de
la nature :
on
voit, par
exemple, Agricola, qui,
sur
d autres
points,
nous venons
de
le
dire,
a tant contribué au progrès de
la
géologie, supposer (1)
que
cette
imitation
de
formes
organiques par certaines pierres
pouvait être
due
à des fermentations d une sorte de matière grasse sur
la
nature
de
laquelle il
éprouvait
quelque difficulté à donner
des
précisions.
Mattioli
ne faisait
guère
que répéter cette pseudo-explication (2)
;
tandis
que Fallope
faisait intervenir quelques tumultueuses
exhalaisons
de
la
terre, et
que
Mercati, chargé par Sixte-Quint de
cataloguer la
collection de
fossiles
constituée au
Vatican, restait
fort embarrassé dans son interprétation de
l influencé
terrestre
en
ces matières
(3).
Il ne
peut
évidemment être question
ici de
relever les unes après
les
autres
les exactes descriptions
de
roches et minéraux
divers qui
abondent
spécialement
dans le traité Des pierres. L auteur ne se
borne pas d ailleurs à présenter des définitions qui, malgré
l imprécision du vocabulaire,
étonnent par leur
netteté
;
il
s efforce
en
outre
de
mettre en lumière, comme pour les fossiles
le mode de
formation.
C est par là surtout
que
sa façon d étudier les terrains
apparaît
neuve ; et c est aussi dans cette direction, pensons-nous, qu il
convient
de
chercher
l idée
dominante de Vensemble de
cette
œuvre.
On a parlé
d un
«
système
» de Palissy ; l expression est
parfaitement exacte,
si
l on entend désigner seulement par elle
le
fait, que,
selon une remarque glissée par lui dans son traité Des sels, «
toutes
ces
matières (d enseignement)
sont si
bien
concatenées
ensemble
que l une donne intelligence
de l autre
» (II, 135), bref que
toute
la
pensée s organise autour d un thème
fondamental.
Effectivement
bien autre chose que ce à quoi nous
réservons
actuellement la désignation de fossiles.
Aussi ne faut-il pas s étonner de voir ces catalogues descriptifs s étendre bien au
delà
des
limites
que
leur
assignerait un
travail
analogue
entrepris
de
nos
jours.
Citons
parmi
eux,
Valerius
Cordus,
De fossilibus
Germaniae, 1561 ; Conrad Gessner,
De
omni rerum fossilium
génère,
gemmis, lapidibus,
metallis, 1565 ; Kentmannus,
Nomenclatura
rerum fossilium,
quae in
Misnia
inveniuntur,
1565.
Ajoutons
ici que les fossiles, dans leur
acception actuelle,
étaient assez couramment dénommés
alors pierres
figurées.
Notons
toutefois
que
Gessner
se préoccupe
aussi
de classer (et
non
seulement de
décrire) et
se demande si
les fossiles
ne seraient pas
des
restes d animaux.
(1) Voir son
étude
De
nalura
fossilium, citée plus haut.
(2)
Mattioli, Discorsi sopra
Dioscoride,
Lib. V, 1551.
(3) L ouvrage
de
Fallope
a
pour titre : De Fossilibus, 1557. Celui
de
Mercati
Metallotheca.
8/17/2019 Fossili Leonardo Da Vinci
12/14
AGRICOLA,
PALISSY,
GEORGE
OWEN 77
il
n est
guère
d explications où
n apparaisse pas le rôle
primordial
des eaux dans les phénomènes naturels. D après une
intéressante
expression
de
Leonardo da
Vinci
«
l eau
est le voiturier
de
la
nature
(il
vetturale
délia nátura)
»
(1)
;
l opinion
de
Palissy
se
trouverait, croyons-nous,
assez bien
résumée,
au moins
dans
un de
ses
aspects
par cette formule concise ; mais il faudrait, pour tenir
compte
de
tous ses traits essentiels,
ajouter qu elle
ne
l est
pas
seulement par son pouvoir
d érosion
et de sédimentation
(ce que
considérait
surtout Leonardo),
mais
aussi par
son
pouvoir
de
dissolution à
l égard
des sels, dont elle fait ainsi une
constante
redistribution. En examinant les contributions apportées par
le
potier
saintongeois à
la chimie,
nous aurons à dire quelques mots
de
l importance
qu il
a reconnue
aux
sels
;
nous
pouvons
nous
contenter pour le moment
de
signaler combien parla considération
de
son
action sur eux le
rôle
de l eau
se trouve considérablement accru.
Est-ce
à
dire
que
l on
doive regarder Palissy comme
le
précurseur (les anciens n ayant
guère
développé que des vues
théoriques)
de
la
théorie
«
neptunienne
» qu opposèrent aux explications
dites «
plutoniennes
» certains géologues
de
la
fin
du xvine siècle,
et
spécialement Werner ?
Il
y aurait
exagération
à aller jusque-là ;
mais les remarques
qui
précèdent nous
amènent
à considérer
que
c est
loin
d être par
hasard que
les Discours admirables s ouvrent,
suivant
l indication
même
fournie
par
leur
titre,
sur un
traité
De
la
nature
des
eaux
et
fontaines.
L eau,
véhicule des
sels
(le terme étant
d ailleurs pris dans
un
sens
très
large),
finit
par
apparaître, tout
au
long des écrits
du
savant potier, comme
le principe
générateur des
roches et
des minerais ;
d autant mieux que les phénomènes
d infiltration, qui s y trouvent
minutieusement
étudiés, étaient
particulièrement
de
nature à
étayer
une
telle idée. Remarquons, à
ce
propos,
que
ce
que
dit
Palissy
de
l origine des fontaines et
spécialement des
puits appelés
plus tard
artésiens,
de
la
constitution des
nappes
souterraines, du mode de
formation
des
stalactites,
stalagmites
et
tufs
calcaires, etc., n est
pas
autre
chose
que
ce qui
a été
confirmé
par les recherches ultérieures, au moins en ce
qui
concerne
les
affirmations essentielles.
Pour
ce
qui
est
de
la cristallisation, Palissy ne s est pas borné
à
la
distinguer
de
la
congélation,
alors
que
les
alchimistes,
trop
peu
(1) Sur
la
géologie
de Leonardo,
on consultera utilement : Mario Baratta, Leonardo
da
Vinci ed i
problemi
délia
perra,
1903,
et P. Duhem, Études sur
Léonard
de Vinci,
I
et II,
1906-1909.
8/17/2019 Fossili Leonardo Da Vinci
13/14
78
revue d histoire des sciences
attentifs
à
la
dissolution
préalable des
matières
dans l eau, ne
voulaient voir dans le phénomène qu une « transmutation
de
l eau »
; mais
en outre, en
étudiant
la
cristallisation
du salpêtre, et
en
comparant
les
cristaux
ainsi
obtenus
à
ceux du
cristal
de
roche,
il réussit en même temps
à
déterminer la nature
de celui-ci
et
à
entrevoir au moins une des lois
de
la cristallisation, à savoir
que
la
forme des cristaux varie suivant le
genre
de ceux-ci, tandis
qu elle
est constante pour
un
même genre. Qu importe dès lors qu il se
soit trompé sur
la
forme exacte de
tel
ou
tel
d entre eux,
et
qu il
n ait connu
que
la
cristallisation par voie humide ;
il
n en a pas
moins
fait le premier pas sur une voie où
il
ne sera
suivi
que fort
tard.
Encore
sera-t-on
alors obligé,
faute d avoir au
cours du temps
recueilli l écho
de
sa découverte,
de
retrouver les résultats déjà
acquis par
lui
et trop
vite oubliés.
Signalons
enfin qu une erreur
commise
par
lui
dans une
tentative
d explication des
couleurs
irisées présentées par les coquilles
marines
(sa comparaison des fossiles avec les formes vivantes l avait
conduit à examiner celles-ci avec une particulière attention, encore
redoublée par l intérêt
qu elles
présentaient pour l artiste émailleur)
lui permit d ébaucher une théorie exacte
de
Г arc-en-ciel, puisqu il
en vint à considérer, comme
il
nous en informe lui-même, «
que la
cause
de l arc céleste n estoit
sinon d autant
que
le
soleil
passe
directement
au
travers des
pluyes
qui
sont
opposites
de
l aspect
du soleil
».
Pour
avoir été devancé, sur
ce
point, par Vitello, Palissy
n en conserve
pas moins
un
mérite certain.
3° George
Owen (1552-1613),
de
Henllys,
beaucoup
moins
connu
que les auteurs
précédents,
nous arrêtera
aussi
beaucoup
moins
dans cette rapide
revue
historique des efforts
réalisés en
vue
de
constituer
sur
des bases solides,
un
ensemble systématique
de
connaissances géologiques, première ébauche
de
la géologie
scientifique qui prendra
plus
tard
son
épanouissement. Il importe
toutefois
de
ne pas passer
sous
silence, comme
on
le fait trop
communément, l œuvre de ce savant, à qui l on doit les premières
remarques méthodiques concernant la stratigraphie.
En effet,
dans
un essai de History of Pembrokeshire, qui, rédigé
en 1570, ne devait être publié
que
deux
siècles
plus tard, dans le
Cambrian Register pour 1796
(1), Owen faisait explicitement remar-
(1)
Le
fait que
ce
mémoire soit resté si longtemps dans l ombre ne doit pas nous inciter
à en
méconnaître,
sinon
1 intluence, du
moins
l antériorité
sur
les
autres recherches du
même genre.
L histoire de la pensée
scientifique
ne doit pas se désintéresser tout à fait
8/17/2019 Fossili Leonardo Da Vinci
14/14
AGRICOLA,
PALISSY, GEORGE OWEN 79
quer l ordre
régulier
selon lequel se
trouvaient
arrangées les couches
superposées des
masses
minérales constituant
la surface
de
la
terre ;
vue
singulièrement
nouvelle à
cette époque, même en tenant
compte
des
idées
de
Palissy
sur
la
sédimentation.
Si, en
raison
même
de
la publication si
tardive de
ce mémoire
particulièrement important,
Stenon
n a pu s en inspirer dans la
rédaction de
ses propres
travaux,
il
n en
reste pas moins que les
premières perspectives
de
la voie ouverte,
de
façon indiscutable,
dans la seconde moitié du xvne
siècle,
avaient
été entrevues
par ce
minutieux observateur
du
sol anglais, un siècle
auparavant, avec
une netteté de coup d œil remarquable
et
un sens très aigu des
conditions générales de
l histoire
de
la
terre.
Dès
lors
il
ne restera plus
qu à
attendre
que
toutes ces vues,
encore
éparses
malgré une
relative systématisation,
soient reprises
dans
leur
ensemble par
un
savant
génial
tel
que Stenon
(1631-1686),
pour
que
se dégage dans
tout
son
jour
la
conception rationnelle
d une vaste science aux
multiples
ramifications : la
géologie
avec
le
cortège de ses disciplines
annexes
:
minéralogie,
stratigraphie,
paléontologie,
cristallographie,
etc. Pour,
avoir
été
réservée à un
âge
ultérieur, cette mise en valeur d un immense domaine scientifique
lentement
découvert et inventorié
n en a
pas moins
été
pressentie
par ce xvie siècle
finissant,
si riche
de
pensée, à
tant de
points
de
vue.
Pierre Brunet.
des essais isolés
et
momentanément ignorés, quand, de façon
certaine, leur
consideration
rétrospective
fait apparaître en
leur
faveur une priorité
marquée. S il convient, par
exemple,
de
signaler que les manuscrits
de
Leonardo da
Vinci sont
restés fort longtemps
sans
répercussion
immédiate
dans le
développement
des
idées
scientifiques,
sur
bon
nombre
de
points importants, il importe toutefois d en réintroduire,
à
leur date
de
composition le schéma
général
et les principes directeurs dans le
courant
du développement
des
sciences. Il
y a là une
question
de méthode historique qu il est
bon
de préciser de
temps en
temps.
On
trouvera, sur ce mémoire de
G. Owen,
dans
les
Geol.
Soc.
Transactions, sér. II,
vol.
I,
1824,
une étude intéressante
de
Buckland
and
Conybeare.