J Fr. Ophtalmol., 2008; 31, 1, 42-50
© 2008. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
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COMMUNICATION DE LA SFO
Injection de toxine botulique dans les strabismes précoces. Efficacité et incidence sur les indications chirurgicales ultérieures
À propos de 74 cas traités avant l’âge de 36 mois
D. Thouvenin (1, 2), C. Lesage-Beaudon (1), J.L. Arné (2)
(1) Unité Ophtalmopédiatrie-Oculomotricité, Clinique Saint Nicolas, Toulouse.(2) Service d’Ophtalmologie, CHR Purpan, Toulouse.Correspondance : D. Thouvenin, Unité Ophtalmopédiatrie – Oculomotricité, Clinique Saint Nicolas, 55, allée Charles de Fitte, 31300 Toulouse.E-mail : [email protected] présenté en communication orale lors de la session sur la toxine botulique de la réunion annuelle de la SFO, en mai 2006.Les auteurs certifient qu’ils n’ont aucun intérêt financier en rapport avec le contenu de la communication ci-jointe.Reçu le 20 avril 2007. Accepté le 14 novembre 2007.
Botulinum injection in infantile strabismus. Results and incidence on secondary surgery in a long-term survey of 74 cases treated before 36 months of age
D. Thouvenin, C. Lesage-Beaudon, J.L. Arné
J. Fr. Ophtalmol., 2008; 31, 1: 42-50
Purpose:
To evaluate the long-term results of early treatment of infantile strabismus withbotulinum toxin A injection and its incidence on secondary oculomotor surgery.
Patients and methods:
A cohort of 74 cases of children presenting infantile strabismus, aged7-36 months (mean, 18 months), received no more than two injections of 5 IU of botulinumin both medial recti. Secondary surgery was performed when horizontal and/or vertical devi-ation persisted.
Results:
The patients were examined 2-7 years after the last injection (mean, 3.5 years). Fortycases needed only one injection. We found 46 (62%) cases of microtropia (from –4 to +4 PD),17 cases of esotropia less than 20 PD, eight cases of esotropia greater than 20 PD, and threecases of exotropia. Horizontal deviation was improved in 82.4% of the cases. The only pre-dictive factor of failure was the presence of high adduction (
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<0.05). DVD was found at thesame frequency in all groups (50%). Twenty-seven cases (35%) had secondary surgery, 19 ofwhich were associated with vertical surgery. The relaxant role of botulinum seems to be clearlyproven given that we only found 22% of esodeviation persisting under general anesthesiawith myoresolution during secondary surgery (approximately 70% in untreated cases).
Conclusions:
Early treatment of infantile strabismus with botulinum seems effective and safe,improving 82.4% of our cases. Medical treatment is, however, still mandatory. Only 35% ofour cases needed secondary surgery versus 70% of patients in spontaneous progression. Theamount of horizontal surgery seems reduced after botulinum treatment. Vertical factors, foundin 70% of operated cases, seem a major factor of instability of the results.
Key-words:
Infantile esotropia, botulinum toxin, surgery, early surgery, early treatment, ver-tical deviation, dissociated vertical deviation, nystagmus in abduction.
Injection de toxine botulique dans les strabismes précoces. Efficacité et incidence sur les indications chirurgicales ultérieures. À propos de 74 cas traités avant l’âge de 36 mois
But :
Évaluer les résultats à long terme du traitement précoce des strabismes précoces (apparueavant l’âge de 1 an) par la toxine botulique de type A, et l’incidence sur la chirurgie oculomo-trice ultérieure.
Patients et méthode :
Soixante-quatorze cas successifs d’enfants âgés de 7 à 36 mois(moyenne 18 mois), présentant une ésotropie précoce, ont été inclus dans cette étude. Ils ontreçu au plus 2 injections de 5 UI de toxine botulique A dans les deux muscles droits médiaux.
INTRODUCTION
L’utilisation de la toxine botulique detype A (TBA) dans le traitement desstrabismes du nourrisson remonte àplus de 25 ans [1]. Son intérêt a étédémontré dans de nombreuses sériesinternationales (pour revue [2]), évi-tant une intervention chirurgicale surles strabismes dans de nombreux cas.Des problèmes de méthodologie fontque beaucoup de ces séries ont unrecul trop court pour juger de l’effi-cacité à long terme ou ne sont pashomogènes en termes de critèresd’inclusions des cas. Nous avonsvoulu évaluer l’efficacité à long termede l’injection de TBA dans les musclesdroits médiaux sur une série de casconsécutifs d’ésotropies précocestraités avant l’âge de 36 mois. Les ré-sultats ont été évalués plus de24 mois après la dernière injection.Par ailleurs, nous avons analysé lescas ayant nécessité une interventionchirurgicale ultérieure, incluant lesmotivations de l’intervention selonl’état oculomoteur post-injection etles protocoles utilisés.
PATIENTS ET MÉTHODES
Nous avons inclus 74 cas consécutifsd’enfants, âgés de moins de 36 mois
Vol. 31, n° 1, 2008 Toxine botulique et strabisme précoce
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au moment de la première injection de toxine botulique.Ils présentaient tous un syndrome d’ésotropie précoce[3] : ésotropie permanente constatée avant l’âge de1 an, ne disparaissant pas avec une correction optiquemaximale évaluée sous cycloplégie répétée. L’ésodévia-tion mesurée avec correction optique était stabilisée àplus de 20 D avant la première injection dans 63 cas,dont tous les enfants âgés de moins de 18 mois. Onzeenfants âgés de plus de 19 mois ont reçu le traitementpour une ésotropie entre 15 et 20 D persistant malgréla correction optique. Les autres éléments spécifiquesdu syndrome étaient présents de manière inconstante,ou apparaissaient parfois en cours d’évolution : fixationen adduction, nystagmus manifeste latent (NML),déviation verticale dissociée (DVD). D’autres élémentsmoins spécifiques du syndrome étaient égalementretrouvés fréquemment, tels l’élévation en adduction(EEA) et les syndromes alphabétiques.
Tous les enfants ont été pris en charge avant l’âge de1 an. Un premier examen sous cycloplégie permettaitde mettre en place une correction de l’amétropie. Laskiascopie était répétée au minimum tous les 6 mois du-rant les 3 premières années de vie. Une occlusion alter-née sur peau de plus de 3 heures d’éveil par jour étaitsystématique avant l’injection de toxine, et adaptée,quand à sa durée et à son alternance, au type de do-minance oculaire évaluée cliniquement. Ce traitementpréparatoire était prolongé au moins 1 mois avant l’in-jection, et aucune amblyopie n’a été notée lors de lapremière injection de toxine. Pour les enfants traités partoxine après l’âge de 18 mois, un relais de l’occlusionpar des pénalisations optiques alternées était mis enplace avant l’injection.
L’injection de TBA chez ces enfants de moins de12 ans a été réalisée hors AMM (autorisation de misesur le marché), mais cette indication spécifique s’appuiesur une vaste expérience internationale. Les parents ontreçu une information orale complète et une fiche d’in-formation spécifique concernant le strabisme précoce,les principes et le but du traitement par toxine botuliqueet ses alternatives. Durant ces consultations préopéra-toires, la compliance au traitement et la facilité de suiviultérieur ont été évaluées. La surveillance et l’organisa-tion du suivi post-injection étaient organisées avecl’ophtalmologiste et l’orthoptiste traitants, qui ont été
prévenus et informés du traitement et des implicationsen terme de surveillance postopératoire.
L’injection a été réalisée sous anesthésie générale enhospitalisation ambulatoire. Une boutonnière conjonc-tivale était réalisée en regard du muscle droit médial quiétait mis en charge sur crochet afin de bien l’isoler etle faire bomber sous la conjonctive. Cinq UI de Botox
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(Allergan) ont été injectées dans le muscle droit médialpar une aiguille de 20 G. La dilution était de 4 ml desérum physiologique pour 100 UI, comme préconisé àl’époque (1999-2004). L’ouverture conjonctivale étaitensuite refermée au Vicryl
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8/0. L’injection était réaliséesystématiquement de manière bilatérale. Un traitementpostopératoire associant un antibiotique et un corti-coïde était prescrit sous forme de collyres pour un mois.
La surveillance était hebdomadaire pendant les pre-mières semaines. L’efficacité de la toxine a été évaluéepar l’importance de la divergence provoquée et laparésie des muscles droits médiaux et du torticolis defixation en abduction. Une adaptation du rythme del’occlusion ou du port des pénalisations était souventnécessaire, en fonction de la qualité de l’alternance defixation. La skiascopie était répétée 3 à 6 mois aprèsles injections afin d’évaluer une éventuelle évolutionréfractive. L’utilisation des pénalisations alternées étaitsystématiquement reprise dès que l’angle de divergencerevenait en dessous de – 20 D.
Un examen oculomoteur et sensoriel complet a étéréalisé à 1 mois (pleine efficacité), à 4 mois (fin d’effet),à 1 an puis tous les ans. Lors de ces examens, l’anglehorizontal a été mesuré, et la présence d’une parésiedes droits médiaux, les signes de diffusion de la toxineà d’autres muscles (ptôsis, déviation verticale paré-tique), la présence d’une amblyopie qui pouvait toucherl’œil initialement dominé ou non, la présence d’autressignes oculomoteurs (torticolis, NML, DVD, EEA…) ontété notées. Un examen du fond d’œil en ophtalmo-scopie indirecte était réalisé systématiquement 1 moisaprès l’injection et lors de chaque skiascopie.
L’exodéviation durait 3 à 6 mois le plus souvent, puisrégressait progressivement. Dans les cas où une conver-gence réapparaissait en fin d’effet de la toxine, unenouvelle skiascopie sous cycloplégique était réalisée,avec adaptation si nécessaire de la correction optique.Si cela était insuffisant, une deuxième injection était
Une chirurgie était proposée ultérieurement lorsqu’une déviation horizontale ou des éléments verticaux importants persistaient.
Résultats :
Les enfants ont été examinés en moyenne 3,5 ans après la dernière injection (2 à 7 ans). Quarante cas n’ont nécessité qu’une seuleinjection. On notait une microtropie de – 4 à +4 DP dans 46 cas, une ésotropie inférieure à 20 DP dans 17 cas, une ésotropie supérieure à 20 DPdans 8 cas et une exotropie dans 3 cas. Une amélioration était notée dans 82,4 % des cas. Le seul facteur prédictif d’un échec était la présenced’une élévation en adduction (p < 0,05). Une chirurgie a été réalisée ultérieurement dans 27 cas, dont 19 en raison d’une verticalité persistante.Il existait une faible proportion d’ésodeviations sous anesthésie générale chez les patients opérés (22 % contre 70 % dans les ésotropies classiques),soulignant le rôle anti-contracture de la toxine botulique A.
Conclusions :
Le traitement de l’ésotropie précoce par injection de toxine botulique est efficace (amélioration notée dans 82,4 % des cas) etpeu agressif. Il ne dispense pas cependant d’un traitement médical du strabisme. La toxine botulique A semble également réduire le recours àla chirurgie ultérieure, avec seulement 35 % des cas ayant nécessité une intervention dans cette étude contre plus de 70 % en cas d’évolutionspontanée. La présence de facteurs verticaux associés au strabisme est un signe d’instabilité du résultat.
Mots-clés :
Strabisme précoce, toxine botulique, chirurgie, traitement précoce, chirurgie précoce, chirurgie, déviation verticale, déviation verticaledissociée, nystagmus manifeste latent.
D. Thouvenin et coll. J. Fr. Ophtalmol.
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réalisée sous anesthésie générale. En cas de réappari-tion de la convergence malgré la deuxième injection,une intervention chirurgicale était proposée après unestabilisation du strabisme de plus de 6 mois. Bien quecertaines équipes suggèrent de poursuivre le traitementpar toxine (pour revue [2]), nous avons arbitrairementlimité le nombre d’injections à 2. En cas de récidive dustrabisme après cette deuxième injection, l’âge atteintpar les enfants, alors susceptibles d’être scolarisés, nousorientait plutôt vers la réalisation d’une chirurgie, moinsgênante que des injections de BTA.
Les résultats du traitement étaient évalués avant touteintervention chirurgicale et à plus de 24 mois de la der-nière injection. L’amélioration du strabisme a été esti-mée en comparant l’angle mesuré avant injection, àl’angle final. De manière à évaluer plus objectivementles résultats du traitement, la déviation initiale a étéconsidérée comme étant équivalente à une déviationmesurée en vision de près, car le jeune âge de l’enfantrendait impossible la mesure en vision de loin. Pour éva-luer les résultats pratiques du traitement et poserl’éventuelle indication opératoire chirurgicale finale, lesdéviations verticales ont été mesurées, et l’angle mini-mal évalué au cover test unilatéral en vision de loin,comme dans tout bilan préopératoire de strabisme. Lesindications d’intervention chirurgicale secondaireétaient posées devant la persistance d’une déviationstabilisée depuis plus de 6 mois, dépassant 15 D et/ouassociée à des facteurs verticaux importants (EEA, DVD),un torticolis de fixation, un NML important.
Nous avons utilisé des méthodes classiques pourl’analyse statistique, adaptées à la taille de l’échantillonétudié : corrélation au
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test, analyse de moyennes,étude des écarts types. Une valeur de p < 0,05 était re-tenue comme statistiquement significative.
RÉSULTATS
Soixante-quatorze enfants dont 35 filles et 39 garçonsont été inclus dans cette étude
(tableau I)
. La réfractionsphérique moyenne préopératoire était de + 2,39 D,avec des extrêmes allant de-0,50 D à + 9 D ; 3 enfantsprésentaient une anisométropie supérieure à 1 D. La pre-mière injection était réalisée entre 7 et 36 mois d’âge, enmoyenne à l’âge de 18 mois. Aucune complication sé-rieuse n’a été notée. On retrouvait 55 cas de ptôsis(74 %) dont 18 bilatéraux. Ce ptôsis persistait entre8 jours et 2 mois, et pouvait être obturant, nécessitantalors une suspension de la paupière au moyen de rubanadhésif pendant quelques jours (au plus 6 jours). Il a tou-jours été régressif en totalité. Une amblyopie était notéeaprès injection dans 35 cas (47 %), dont 16 cas (22 %)sur l’œil initialement dominant. Ces amblyopies onttoutes été traitées classiquement. Il n’existait aucune am-blyopie profonde au moment des injections.
Les résultats ont été analysés avec plus de 24 mois derecul après la dernière injection, avec un recul moyende 3,5 ans et des extrêmes allant de 24 mois à 7 ans.Nous n’avons observé aucun échappement thérapeutiqueou perte de suivi. La comparaison de l’angle préopéra-toire (mesuré en vision de près) à l’angle postopératoire(mesuré en vision de près) montre une améliorationaprès traitement dans 61 cas par le traitement(82,4 %), 9 cas d’inefficacité et 4 cas où la déviations’est même accentuée
(tableau I)
. La déviation finaleétait comprise entre – 4 et + 4 DP (microtropie) dans46 cas (62,2 %) dont 29 cas (39,2 %) après une seuleinjection
(fig. 1)
. Il persistait une ésodéviation modérée,entre + 6 et + 20 DP, dans 17 cas (23 %) et une éso-deviation importante, au-delà de 20 DP, dans 8 cas(10,8 %). Dans 3 cas (4 %), une exodéviation persistaitau-delà de – 6 DP.
Aucun facteur prédictif du résultat final n’a été re-trouvé (p > 0,05) concernant l’âge d’injection, l’anglemesuré avant injection, l’amétropie associée, la positiondes yeux sous anesthésie, le test d’élongation muscu-laire et la rapidité de récidive après la première injection.En revanche, il y avait significativement plus d’enfantprésentant une élévation en adduction dans les éso-tropies résiduelles (56 % des cas) que dans les micro-tropies ou les exotropies (30,6 %) (p < 0,05). Les DVDétaient présents en proportion similaire dans les diffé-rents groupes : 51 % dans les microtropies et dans lesexotropies, contre 48 % dans les ésotropies résiduelles.
Pour 40 enfants (55 %), une seule injection a été réa-lisée. Le résultat de l’injection était satisfaisant sur lestrabisme dans 27 cas ; il existait un facteur vertical ma-jeur indiquant en lui-même une intervention chirurgi-cale dans 8 cas. Dans 4 cas, le résultat était insuffisant,mais l’âge plus élevé de l’enfant nous a poussés à pro-
Figure 1 : Comparaison de la déviation strabique (en dioptries prisma-tiques) avant et après injection de toxine botulique A chez 74 enfantsstrabiques de moins de 3 ans au moment de l’injection. Le recul moyenaprès injection est de 3,5 ans. Le graphique montre la répartition desdéviations en pourcentage, le nombre de cas est indiqué au-dessus dechaque colonne. Et = ésotropies. Xt = exotropies.
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Vol. 31, n° 1, 2008 Toxine botulique et strabisme précoce
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D. Thouvenin et coll. J. Fr. Ophtalmol.
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poser plutôt une intervention chirurgicale pour ésotro-pie résiduelle. Enfin, une exotropie importante et per-sistante a été opérée dans 1 cas.
Une intervention chirurgicale a été nécessaire dans27 cas (35,5 %) : 7 microtropies, 2 exotropies, 11 éso-tropies de moins de 20 D, et 7 ésotropies de plus de20 D. Les 7 enfants avec microtropies (15,2 % dugroupe des microtropies) présentaient tous des dévia-tions verticales persistantes, et les 2 enfants atteintsd’exotropies (sur 3 cas), un syndrome en V majeur avecEEA. Onze cas sur 17 d’ésotropies persistantes de moinsde 20 D ont été opérés (64,7 %), dont 7 (41 %) essen-tiellement pour un geste sur la verticalité. Huit de cescas étaient en rectitude sous anesthésie générale aveccurarisation et n’ont eu pour traitement de la part ho-rizontale de la déviation qu’un ancrage postérieur desmuscles droits médiaux. Les trois autres cas présen-taient une ésotropie sous anesthésie générale et ont né-cessité en complément un recul, toujours inférieur à3 mm, des muscles droits médiaux. Sept des 8 ésotro-pies persistantes au-delà de 20 D ont été opérées(87,5 %), dont 4 avec geste sur les muscles obliques.Seuls 3 de ces cas présentaient une ésotropie persistantsous anesthésie générale et ont nécessité un recul desdroits médiaux associé à l’ancrage postérieur.
Au total, sur l’ensemble des enfants opérés (27 cas),seuls 6 cas (22,2 %) présentaient une ésotropie sousanesthésie générale et 19 cas (70 %) ont nécessité ungeste sur la verticalité.
DISCUSSION
De nombreuses séries de résultats ont été publiéesconcernant l’efficacité de l’injection précoce de toxinebotulique dans les ésotropies précoces (pour revue, [2]).Ce traitement est proposé comme alternative à la chi-rurgie précoce.
L’obtention d’une microtropie la plus précoce possibleest une préoccupation constante et discutée des stra-bologues. Elle permet, pour ses défenseurs, de remettrele système visuel dans des conditions subnormales, à unâge de plus grande plasticité cérébrale, espérant ainsiobtenir une normalisation de la vision binoculaire.Celle-ci n’a jusqu’à présent jamais pu être obtenue,aussi précoces que soient les traitements. Chino
et al.
[4] ont montré pourtant à l’occasion d’études menéessur des animaux une récupération quasi-complète de lavision binoculaire quand le strabisme est traité précoce-ment. Chez l’homme, la période sensible de récupérationde la vision binoculaire n’est pas clairement établie ;mais, elle se situe durant les premiers mois [5]. Elle aété déduite d’études réalisées sur les animaux qui mon-trent clairement l’importance de l’age d’apparition de ladéviation strabique, mais qui mettent aussi en évidenceque la durée de cette déviation est aussi importante.Zhang
et al.
[6] ont ainsi démontré que des périodes de
3 jours de strabisme aux stades précoces d’acquisitionde la vision binoculaire sont suffisantes pour avoir desconséquences définitives sur la maturation de la bino-cularité chez le primate. Rapporté à l’homme, cela équi-vaut à une durée de déviation de 2 semaines.
Il est cependant probable que, dans le cadre du stra-bisme précoce, l’anomalie majeure et définitive soitl’absence de fusion bifovéale, qui pourrait même êtrel’anomalie causale du syndrome. Pour Quéré [7], lemeilleur état moteur dans lequel peut se retrouver unstrabisme précoce est celui d’une microtropie corres-pondant à une déviation horizontale entre – 8 et+ 8 DP. Nous l’avons, dans cette étude, limitée à unécart de – 4/+ 4 DP, c’est-à-dire une déviation quasi-ment indétectable à l’examen clinique. Dans cette situa-tion, il semble qu’une vision binoculaire frustre avecpseudo-fusion et stéréoscopie grossière peut apparaî-tre. La qualité de cette pseudo-fusion semble d’autantmeilleure que la microtropie ou la remise en microtropieest précoce. Birch et Stager [8] ont obtenu de meilleursrésultats sensoriels quand l’intervention chirurgicaled’une ésotropie précoce a été réalisée avant 6 moisd’âge, en comparaison des interventions chirurgicalesréalisées avant 18 mois, sans toutefois noter de guéri-son vraie. On sait par ailleurs que les microstrabismescongénitaux sont particulièrement stables sur le planoculomoteur, sauf si un facteur accommodatif nontraité les complique. Ils présentent eux aussi, un état depseudo-vision binoculaire et de pseudo-fusion, qui sembleles stabiliser. Il est donc possible que le traitement pré-coce par chirurgie ou par toxine remette les enfantsdans une position de déviation peu importante etqu’une pseudo-fusion consolide ce résultat, cette hypo-thèse devant être prouvée par des études à plus longterme.
Le principe d’une intervention chirurgicale avant l’âge18 mois, voire avant 1 an, ne peut être généralisé enraison des difficultés chirurgicales et anesthésiquesrencontrées. Par ailleurs, une intervention chirurgicaleprécoce expose à des risques aux conséquences irréver-sibles alors qu’une normalisation spontanée peut surve-nir dans les premières années, au moins sur le plan ocu-lomoteur [9]. Selon l’étude européenne ELLISSS [10],20 % des ésotropies précoces seraient spontanémentrésolutives. L’étude nord américaine du PEDIG [11] es-time que 27 % des enfants présentant une ésotropieentre 1 et 5 mois se normalisent avant 9 mois, et queles cas ayant le plus de risque de persister ont un profilclinique assez stable : une hypermétropie inférieure à+ 3D, une déviation supérieure à 40 DP à plus de 2 vi-sites après 3 mois d’âge. Dans notre série, ni l’amétro-pie, ni l’importance initiale du strabisme n’ont joué surle résultat final. Sur le plan sensoriel, si Birch et Stager[8] ont rapporté de meilleurs résultats sensoriels aprèsune intervention chirurgicale ultraprécoce (avant6 mois) comparés à des interventions chirurgicales pré-coces (avant 18 mois), l’étude ELLISSS [10] ne trouvepas de différence statistiquement significative entre des
Vol. 31, n° 1, 2008 Toxine botulique et strabisme précoce
49
interventions chirurgicales précoces (avant 18 mois) etdifférées après 18 mois. Il est donc possible, mais nonprouvé, que de meilleurs résultats sensoriels sont obte-nus après remise en microtropie très précoce et que cesbons résultats sensoriels puissent stabiliser le résultatmoteur. Aucune étude n’a pu à ce jour montrer uneréduction du nombre d’interventions secondaires aprèschirurgie précoce. En conclusion, il semble intéressantde proposer un traitement précoce de la déviation stra-bique, mais le rapport bénéfice/risque de la chirurgieprécoce n’est pas encore clairement établi, d’où l’inté-rêt de chercher une méthode de traitement précoce àmoindre risque.
Le traitement par toxine botulique essaie d’atteindrece but, au prix d’un geste moins agressif (anesthésierapidement réversible, hospitalisation ambulatoire, in-jection intramusculaire sans section musculaire), et sansles conséquences cicatricielles d’une chirurgie muscu-laire. Les complications liées à l’injection de toxinebotulique sont rares et le plus souvent spontanémentréversibles. Nous avons observé dans 72 % des cas unptôsis, toujours réversibles et ne nécessitant aucun trai-tement dans la majorité des cas. Dans quelques cas,nous avons eu recours à une suspension palpébrale parruban adhésif car le ptôsis était obturant et unilatéral,avec un risque amblyogène non négligeable, soit bila-téral et total. Dans tous ces cas, le ptôsis n’a pas eu deconséquences visuelles. Nous utilisons maintenant uneconcentration double du produit de manière à limiterle volume de produit injecté et à diminuer les risquesde diffusion du produit, notamment au muscle releveurde la paupière supérieure. L’apparition d’une amblyopieest un risque réel, mais maîtrisé par une surveillanceétroite et un traitement adéquat durant les premiersmois après injection. La poursuite du traitement pré-opératoire par occlusion alternée permet d’en éviterl’apparition. Dès que l’effet de la toxine s’amenuise,l’occlusion est remplacée par le port de pénalisationsoptiques alternées. Nous n’avons observé aucune complica-tion directement liée à l’injection (perforation, infection…),ni aucune perte de suivi, la proposition de réinjectionn’ayant été refusée qu’une seule fois, ce qui sous-en-tend un bon retour du traitement sur le plan familial.
Les résultats de notre étude sont un peu inférieurs àce qui est classiquement décrit, avec 62,2 % de micro-tropies avec 3,5 ans de recul moyen. Mac Neer
et al.
[12] ont rapporté près de 90 % de réussite, mais avecun nombre d’injections non limité. Nous sommes plusproches des résultats de Scott [13], Gomez de Llano[14] et Campos
et al.
[15], qui ont obtenu entre 60 et88 % de microtropies. Il convient également de noterque, même sans atteindre la microtropie, 82,4 % desenfants ont présenté une réduction de l’amplitude deleur strabisme par l’injection. Les auteurs sont en géné-ralement d’accord pour proposer un traitement le plusprécoce possible. Campos
et al.
[15] et Mac Neer
et al.
[16] obtiennent de meilleurs résultats si l’injection estréalisée avant l’âge d’un an (entre 5 et 7 mois pour
Campos
et al.
[15]), se rapprochant ainsi des conclu-sions des études concernant la chirurgie précoce. SeulsRuiz
et al.
[17] ne soutiennent pas un traitement avant18 mois, retrouvant de moins bons résultats finaux, etsurtout plus de décompensation des facteurs verticaux.Spielmann [18] trouve que les résultats ne sont pas sa-tisfaisants après une injection unique réalisée entre 6 et13 mois (19 cas). Il confirme ce qui est généralementconstaté : plusieurs injections sont souvent nécessaires.Dans notre étude, les résultats ont été obtenus au prixd’une seule injection dans 40 cas ; toutefois, seuls 27d’entre eux étaient en microtropie stable.
La divergence qui doit apparaître après injection estvoulue. Son importance ne préjuge pas de l’efficacitéfinale. Si cette divergence initiale est normale et prouvel’efficacité de la toxine, la persistance de celle-ci au-delàde 6 mois est rare (2,7 % dans notre étude). Elle a étéanalysée comme la mise en évidence d’un strabisme di-vergent anatomique compensé par une convergencetonique excessive durant les premières années de vie[9]. Ces quelques cas seraient équivalents aux ésotro-pies précoces qui évoluent spontanément vers une in-version de la déviation avec l’âge. Ils amènent à se poserla question du mode d’action de la toxine sur les stra-bismes précoces. Beaucoup d’auteurs, dont nous fai-sons partie, pensent que la toxine évite la pérennisationde la déviation en convergence en empêchant l’anato-misation du spasme des muscles droits médiaux et enfacilitant la remise en tension des muscles droits laté-raux. Tout laisse à penser que la toxine supprime la parttonique du strabisme et qu’un nouvel équilibre opto-moteur s’établit, et ce d’autant mieux que l’enfant estjeune au moment de l’injection. La position des yeuxsous anesthésie générale est un bon reflet la part « ana-tomique » de la déviation, liée à la rétraction des musclesdroits médiaux. Notre analyse de la position des yeuxsous anesthésie générale est discutable lors de l’injec-tion, puisque l’anesthésie n’a pas été associée à une cu-rarisation. Cela n’a pas été le cas lors des interventionschirurgicales réalisées ultérieurement, sous anesthésiegénérale avec curarisation contrôlée, durant lesquellesnous avons pu constater que seuls 6 cas (22 %) présen-taient une déviation persistante sous anesthésie géné-rale. Dans les ésotropies opérées sans avoir été traitéesau préalable par toxine botulique, cette proportions’inverse, autour de 80 % comme nous avons pu leconstater [19]. Ces résultats prouvent indiscutablementl’effet anti-contracture de la toxine sur les musclesinjectés. On notera que les injections ont été réaliséesentre 9 et 36 mois d’âge, soit un éventail assez large,et que l’âge n’influe finalement pas sur le résultat finalde notre série.
Il nous a été impossible de retrouver des facteurs pré-dictifs du résultat final en dehors de la présence de fac-teurs verticaux de type EEA associés au strabisme. Cefacteur peut être difficile à évaluer avant injectionquand la déviation horizontale est majeure ; en revanche,on l’analyse très bien par la suite. La raison n’en est pas
D. Thouvenin et coll. J. Fr. Ophtalmol.
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claire, si ce n’est peut-être l’association à un facteuranatomique orbitaire prédisposant. La présence d’uneDVD est équivalente quel que soit le résultat de l’injec-tion, autour de 50 % des cas, ce qui rejoint les obser-vations de Ruiz
et al.
[17]. La présence d’une EEA sembledonc être un facteur d’instabilité du résultat et doitconduire à la prudence pour le pronostic ultérieur. Laprésence d’une DVD ne joue pas sur le résultat, et safréquence nous semble similaire à ce qui est observédans les cas non traités par toxine.
À notre connaissance, aucune étude du traitement partoxine botulique et des interventions réalisées dans lessuites n’a été menée sur une série équivalente. Au total,35,5 % des enfants ont eu besoin d’une intervention se-condaire (27 cas), que ce soit pour traiter un strabismerésiduel ou pour traiter un facteur cyclovertical associéou les deux à la fois. Il est difficile de dire avec exactitudequelle proportion d’ésotropies précoces constatées avantl’âge de 36 mois aura besoin d’une intervention chirur-gicale. D’après l’étude ELISSS [10], 20 % des strabismesnotés avant 1 an disparaissent spontanément, hors partaccommodative, sous-entendant qu’au maximum 80 %des strabismes traités classiquement nécessiteront sansdoute une intervention chirurgicale. L’injection de toxineréduit significativement le recours à la chirurgie, puisquenous n’avons opéré que 35 % des cas dans notre série.Dans la majorité de nos cas opérés (75 %), l’interventionest motivée avant tout par une verticalité persistante, quece soit dans les microtropies ou dans les ésotropies demoins de 20 D. Enfin, nous rappelons que seuls 22,2 %des cas présentaient une déviation résiduelle sous anes-thésie générale avec curarisation contrôlée. Le geste réa-lisé pour traiter la convergence est donc moins importantpour les strabismes préalablement traités par toxine quepour les autres, ce que confirment Ruiz
et al.
[20].
CONCLUSION
Dans cette étude, le traitement par toxine botulique apermis une amélioration dans 82,4 % des cas, facilitantsans doute le traitement médical. Par ailleurs, 64,5 %des cas n’ont pas eu besoin du recours ultérieur à lachirurgie, ce qui est largement supérieur à ce qui estobservé dans les strabismes traités médicalement.Soixante-quinze pour-cent des cas qui ont nécessité unechirurgie ultérieure présentaient une déviation verti-cale ; elle était isolée dans 20 % des cas. La consta-tation d’une élévation en adduction est un facteur d’ins-tabilité du résultat et doit rendre prudent sur l’évaluationpronostique. La chirurgie horizontale était beaucoupmoins importante que dans les strabismes habituels, etle taux de complications objectives et persistantesquasi-nul. En revanche, une vigilance accrue lors de laprise en charge est nécessaire, en raison de l’éventualitéde l’apparition ou de la modification d’une amblyopie
suite aux injections de toxine botulique. La comparaisondes résultats avec ceux de la chirurgie précoce est pluscompliquée et nécessiterait une étude prospective com-parant les résultats des deux types de traitement. Maisle rapport bénéfice/risque des deux méthodes sembleen faveur de la toxine botulique.
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