« Place et rôle du tuteur dans les dispositifs de formation hybride et à distance en FLE : état des lieux de la recherche et expérience
personnelle »
Sébastien LEFEVRE
Sous la direction de Thierry SOUBRIÉ
Université Stendhal Grenoble 3
Mémoire de Master 1
Mention sciences du langage
Spécialité FLE
SOMMAIREIntroduction......................................................................................................... .7
Chapitre 1. Le contexte....................................................................................10
I. Enseigner/apprendre hors de classe............................................................10
A. Du professorat au tutorat......................................................................10
B. Les formations hybrides et à distance...................................................12
II. Le tutorat dans l’enseignement/apprentissage formel................................14
A. Tutorat dans le domaine universitaire..................................................14
B. Tutorat en ligne dans les institutions...................................................17
Chapitre 2. Notions Théoriques......................................................................21
I. Didactique des langues et Internet..............................................................21
A. Technologie et méthodologie................................................................21
B. Tâche et cybertâche.............................................................................23
II. Du tutorat au tutorat en ligne.....................................................................24
A. Du tuteur au tuteur en ligne.................................................................24
B. De nouveaux rôles pour le tuteur en ligne............................................27
C. Internet et les TICE pour l’apprentissage en situation hétéroglotte....30
Chapitre 3. Cadre Méthodologique................................................................32
I. Les dispositifs de formation à distance disponibles sur Internet................32
A. Les sites compagnons associés aux méthodes......................................32
B. Les communautés d'apprentissage des langues...................................35
C. Les MOOC pour apprentissage/enseignement du FLE.........................39
D. Autres sites et blogs..............................................................................42
II. Présentation du dispositif personnel...........................................................46
A. Une expérience du tutorat en ligne.....................................................46
B. Le dispositif « Au bon fil ».....................................................................46
Chapitre 4. Analyse et bilan............................................................................51
I. Internet en classe à l’Alliance française de Buenos-Aires............................51
A. Objectifs du questionnaire....................................................................51
B. Une institution à Buenos Aires..............................................................52
II. Les acteurs de l’enseignement à distance...................................................54
A. La multiplicité des acteurs....................................................................54
B. Les tuteurs du web 2.0..........................................................................55
III. L’apprenant acteur dans son apprentissage..............................................58
A. Un nouvel espace pour l'apprenant......................................................58
B. Préparer à l’environnement numérique................................................59
SOMMAIRE détaillé partie 2
Chapitre 2. Notions théoriques..........21
I. Didactique des langues et internet...............................................................21
A. Technologie et méthodologie...................................................................21 1. De l’audio oral à l’approche communicative.........................................21
2. La perspective actionnelle....................................................................213. La tâche................................................................................................22
B. Tâche et cybertâche.................................................................................23 1. Internet et la perspective actionnelle................................................23
2. Les ressources..........................................................................................3. Le scénario pédagogique......................................................................24
II. Du tutorat au tutorat en ligne.....................................................................24A. Du tuteur au tuteur en ligne.....................................................................24
1. Tuteur et rôles du tuteur en formation à distance................................242. Fonctions du tuteur en ligne.................................................................25
B. De nouveaux rôles pour le tuteur en ligne...............................................271. Développer l’interculturalité.................................................................282. Guider l’autonomie...............................................................................283. Évolution du statut de tuteur................................................................29
C. Internet et les TICE pour l’apprentissage en situation hétéroglotte .......301. Accroître la motivation grâce à l’interaction.......................................302. Rallonger le temps de classe................................................................303. Collaborer et télécollaborer.................................................................31
CHAPITRE 2 – NOTIONS THEORIQUES
I. Didactique des langues et Internet
A. Technologie et méthodologie
1. De l’audio oral à l’approche communicative:
Une étude récente de Dejean-Thircuir et Nissen (2013), fait un lien entre
l’évolution des technologies et les évolutions didactiques ; selon les recherches
menées, il est tentant « de considérer que les évolutions technologiques sont
relativement en phase avec l’état de la didactique des langues » :
l’enseignement assisté par ordinateur dès les années 1970 mais surtout durant
les années 1980. Selon V. Glikman (2002), l’ALAO proposait surtout à l’époque
des tutoriels et exerciseurs1, qui correspondaient à la vision béhavioriste de
l’apprentissage propre aux méthodes audio orales. L’ordinateur-machine
propose alors à l’apprenant des exercices structuraux et l’imitation de modèle
sonore répété de manière intensive ainsi que mémorisation des aspects
grammaticaux. Automatisation également très présente dans la méthodologie
audio-visuelle qui donne également une place prépondérante aux méthodes
imitatives et répétitives.
Plus tard un changement de perspective s’opère en méthodologie de
l’enseignement / apprentissage des langues, quand la centration ne se fait plus
sur la grammaire, l’activité de l’apprenant et ses besoins mais sur la
communication comme moyen d’apprentissage et comme but ; c’est l’apparition
de l’approche communicative : selon Bange (1992 : 54) cité par Dejean-Thircuir
et Nissen (2013) « c’est en communiquant qu’on apprend à utiliser peu à peu la
langue ». Les actes de parole et les situations de communication en
apprentissage devaient alors s’approcher de la réalité et la communication
pratiquée en classe être la plus authentique possible. Des cd-roms interactifs à
l’époque tentent de privilégier les mises en situation qui se veulent les plus
proches possible de la vie réelle. Laperrousaz et Teutsch (2003) évoquent dans
un article, le dispositif « Croisières » qualifié de « logiciel interactif » sous la
1 Tutoriel : séquence pédagogique complète et linéaire Exerciseurs : logiciel d’entrainement qui contient des exercices répétitifs
direction du CNED (Beacco et al. 2000) qui propose déjà en plus d’activités de
compréhension et de production, une assistance asynchrone (tutorat en ligne).
Ces différents parcours permettent une approche communicative et la
découverte des différentes cultures francophones.
2. La perspective actionnelle
Dès les années 1980, alors que partout en Europe pour
l’enseignement/apprentissage des langues domine l’approche communicative,
dans les pays anglo-saxons apparait une déclinaison : l’approche par les tâches.
L’accent est alors davantage « mis sur le sens (faire réaliser des activités
réellement significatives) plutôt que sur la forme (grammaire, lexique, etc.) ».
En évoluant, l’accent a été mis sur le fait que la tâche devait avoir un résultat
bien défini qui doit permettre d’en évaluer sa réussite (Mangenot & Soubrié
2010). La perspective actionnelle (PA) appelée « approche par les tâches : Task-
based language learning and teaching » est alors considérée comme une
déclinaison de l’approche communicative (AC). « Alors que l’AC mettait les
apprenants dans une situation de communication définie à l’avance en vue de
développer leurs compétences communicatives, la PA attend des apprenants
qu’ils réalisent des actions »(…) « Finalement on cherche à ce que les
apprenants soient capables de réaliser ce que l’on veut qu’ils fassent plus tard
dans la société » (Puren 2006).
Préconisée par le Conseil de l’Europe (2001) on ne parle pas de perspective
actionnelle sans l’accomplissement de tâches par l’apprenant, tâches qui doivent
être liées à des pratiques sociales avérées. Trois actions forment les bases de la
perspective actionnelle: « faire faire, communiquer, travailler plusieurs
compétences en même temps ». Dejean-Thircuir & Nissen (2013) dans leur
étude des évolutions technologiques à la vue des évolutions didactiques,
remarquent que la PA commence à se généraliser au milieu des années 2000 ce
qui correspond à l’avènement du web 2.0 (vers 2004). Selon leurs recherches il
est entre autre reconnu que « PA et réseaux sociaux basés sur la technologie du
web 2.0 sont en parfaite harmonie » (Dejean-Thircuir et Nissen, 2013), la
perspective actionnelle permettant alors l’apprentissage de la langue en
contexte.
3. La tâche
Une caractéristique des méthodes issues de la perspective actionnelle est
d’aborder la réalisation d’une tâche comme n’étant pas seulement langagière
mais également de permettre la réalisation d’une tâche qui peut sortir des murs
de la classe. A l’instar de F. Mangenot (2011) nous différencieront les tâches
dites « ouvertes »: celles qui visent une production langagière non prévisible à
l’avance et donc non évaluable par l’ordinateur des tâches fermées (auto
correctives) que nous ne considérerons plus que comme des exercices (et non
des tâches).
La tâche est composée de deux paramètres essentiels selon Mangenot &
Louveau, (2006) ; « le(s) document(s) support(s) et la production verbale (soit le
résultat attendu) ». Pour les documents supports ils « considèrent que le lien
entre le document support et la production attendue constitue l’un des éléments
cruciaux de la tâche : dans l’idéal, la ressource doit contribuer à la mise en
situation, fournir du matériau langagier sur la thématique abordée par la
tâche ». Quant au résultat attendu (la production), d’après le Conseil de
l’Europe, il doit être clairement identifiable.
Ellis (2003) s’attache à la notion centrale d’authenticité de la situation dans
laquelle se trouve l’apprenant pour la réalisation de la tâche. Le chercheur
aborde l’importance de différentes notions :
l’authenticité situationnelle (tâche crédible)
l’authenticité interactionnelle (échanges ayant du sens)
le besoin d’échange d’information (ou information gap )
la divergence d’opinion (opinion gap ).
Tous les éléments fondamentaux de la communication authentique sont
présents dans la tâche; les apprenants doivent maîtriser les éléments
(linguistiques, communicationnels et de production qu’on leur demande pour
réaliser la tâche. Cette tâche doit être planifiée pour créer un produit final et
être délimitée dans le temps. Elle est souvent précédée de micro-tâches pour
faciliter la production. Enfin elle doit être évaluable.
Réaliser des tâches aide donc à donner du sens à l’apprentissage, Dejean &
Nissen (2013) rappellent que « Freinet avait déjà constaté que la réalisation de
la tâche fait d’autant plus sens que son produit s’adresse à un public élargi, et
non seulement dans l’objectif d’être vu par l’enseignant ». Voilà pourquoi la
tâche proposée aux élèves doit avant tout être significative à leurs yeux : mais
surtout grâce à l’utilisation du web 2.0, il devient possible de produire et de
publier des contenus accessibles à tous bien au-delà des murs de la classe.
B. Tâche et cybertâche
1. Internet et la perspective actionnelle
Il est largement admis « qu’Internet se prête bien à la perspective
actionnelle, car dans le quotidien la toile permet la réalisation de nombreuses
tâches » (Mangenot 1998). F. Mangenot et al. (2006) parlent de « deux types
principaux d’usages d’Internet que sont la recherche d’informations d’une part
et les outils de communication d’autre part ». Il existe d’ailleurs sur la Toile un
grand nombre de sites qui permettent aux internautes de rechercher de
l’information, d’en diffuser et d’interagir en acteurs sociaux et en usagers de la
langue. Ce nouvel instrument montre bien évidemment de nombreux avantages
pour les apprenants en situation hétéroglotte qui y trouvent un moyen d’être
davantage en contact avec la langue et la culture cible.
Certains auteurs comme Mangenot et Soubrié (2010) parlent même de
cybertâches ; terme réservé à la dénomination de « tâches qui, soit font appel à
des documents supports disponibles uniquement en ligne, soit font appel de
manière obligatoire à une communication en ligne ». L’utilisation des outils
d’Internet demande une organisation de travail de groupes à distance
(tuteur/apprenant et entre apprenants); les outils de communication employés
vont d’une part dépendre de la modalité (synchrone ou asynchrone) mais
également de la forme (orale ou écrite) ; les outils de clavardage, systèmes de
visioconférence, forums, plateformes d’apprentissage, sont autant d’exemples
qui attestent des nombreuses options proposées par l’Internet. L’apprenant est
amené à réaliser une tâche valorisée par sa diffusion et sa portée, donnant ainsi
davantage de sens à l’apprentissage « faire entrer la vie dans la classe » selon
Freinet.
2. Les ressources
Il est souvent fait référence dans la perspective actionnelle à la nécessité
d’utiliser des documents authentiques pour permettre à l’apprenant d’effectuer
des tâches qui donnent du sens à l’apprentissage et en lien avec la vie hors
classes. Or les enquêtes montrent que les enseignants utilisent surtout les TICE
pour préparer les cours et peu avec les élèves.
Les ressources ont longtemps été produites et diffusées par le secteur privé
(éditeurs de méthode de langue) grâce aux nombreux outils et logiciels qui
facilitent la production de contenus (sonores, écrit, multimédias) de plus en plus
d’enseignants contribuent à leur conception. Cette diversité de nouvelles
ressources et leurs échanges sur Internet enrichit le travail de l’enseignant,
toutefois selon Bruillard (2013), « les ressources disponibles sur Internet ne
permettent pas nécessairement un gain de temps ; les enseignants deviennent
plus exigeants sur le choix des document-supports. Ils passent beaucoup de
temps à chercher, ce qui augmente le temps de préparation ». Internet et ses
applications suscitent ainsi beaucoup d’intérêt pour faciliter la création, la
diffusion et l’échange des ressources. Des études envisagent « un répertoire
national des ressources », mais selon l’auteur (Bruillard 2013) cela « ne va pas
sans la mise en place d’une animation suffisante autour de celles-ci ».
3. Le scénario pédagogique
Mangenot (2011) cite également une autre dimension de la tâche: le scénario
de communication qui s’articule selon l’auteur autour de cinq paramètres.
la disponibilité du tuteur durant la réalisation de la tâche
la temporalité de la formation
les propriétés des outils
le paramètre social et communicationnel
le mode de travail collectif
Scénario de communication et tâche sont associés selon l’auteur (Mangenot
2008) considérés comme un scénario pédagogique. Le tuteur doit scénariser un
ensemble d’activités pédagogiques qui répondent aux besoins de l’apprenant ; il
effectue une recherche de ressources et les « pédagogise». Les ressources
brutes (absence de consignes) deviennent pédagogisées lorsqu’elles sont
conçues à des fins d’apprentissage. On reconnait la ressource devenue matériel
pédagogique à sa consigne (ensemble de stratégies qui mène à une production
langagière avec ce contenu pédagogique) d’après F. Demaizière (2000).
Bruillard (2013) rappelle qu’une activité centrale des enseignants est de
« concevoir, chercher et sélectionner, transformer, améliorer les ressources
présentées à leurs élèves comme support à leurs activités » L’agencement de
ces ressources pédagogiques participe au scénario pédagogique. Avec Internet
et l’approche actionnelle, l’enseignant / tuteur se voit attribuer un nouveau
rôle : il construit une session de formation en sélectionnant les ressources et
propose un scénario pédagogique qui mène à une production.
II. Du tutorat au tutorat en ligne
La fonction de tuteur à distance est en émergence, selon V. Glikman (2011),
le perfectionnement des instruments et les avancées des recherches poussent à
cette dynamique ; pourtant « on peut constater qu’il n’existe actuellement en
France, aucun recensement, ni aucune statistique permettant d’avoir une vue
globale de l’ensemble des tuteurs à distance ».
A. Du tuteur au tuteur en ligne
1. Tuteur et rôles du tuteur formation à distance
Les activités et la marge d’initiative des tuteurs varient selon le type de
dispositif, mais pour V.Glikman (2011) leur rôle « consiste à suivre les étudiants
dans leurs apprentissages, leur permettre de s’approprier les connaissances, les
guider dans l’usage des matériels et des logiciels et dans l’organisation de leur
travail ». Les tuteurs participent également à l’évaluation des acquis.
Bernatchez (2003) propose à partir des travaux de Carrier et Shofield
(1991) , Lebel (1995), Keating (2000) et Forgues (2000), « de définir le rôle du
tuteur en retenant quatre catégories de rôles utilisées pour médiatiser ses
interactions avec les apprenants ».
TABLEAU 2 : 4 catégories de rôles du tuteur selon Bernatchez
rôle de soutien pédagogico-intellectuel
Lié à l’expertise du contenu cette catégorie comprend le plan cognitif (aspect méthodologique et conceptuels) et métacognitif (organisation des processus cognitifs) mais aussi administratif (procédure institutionnelle).
rôle de soutien socio-affectif
Assure la création d’un environnement social valorisant l’apprentissage, sur le plan psychologique, émotif, social et motivationnel
role de soutien technique et logistique
Conduit à la maitrise technique et des procédures, afin de rendre la technologie accessible pour que les apprenants puissent se concentrer pleinement sur la tâche à réaliser.
rôle de gestion des
Pour assurer la gestion des interactions et la bonne marche des discussions.
communications
Ces rôles sont définis à l’origine d’après l’étude de diverses formations à
distance traditionnelle (hors ligne) mais peuvent également s’avérer pertinents
pour du tutorat en ligne.
2. Fonctions et rôles du tuteur en ligne
L'apparition des outils numériques suscite des modifications dans
l’apprentissage, de même que le rôle de l'enseignant s’en trouve modifié. Pour
l’étude des dispositifs à distance il sera fait référence dans ce travail aux
« fonctions tutoriales » de l’enseignant qui en mode distantiel sera considéré
comme un « tuteur » en ligne.
Selon Glikman (2011), c’est à partir de l'année 2005 que dans les
publications sur les métiers qu’apparaît l'intitulé « tuteur virtuel » (Dictionnaire
encyclopédique de l'éducation et de la formation : 3ème édition). De nos jours
dans la littérature universitaire le terme varie de l'enseignant à distance au
tuteur en passant par le médiateur ou animateur. La chercheuse (Glikman,
2002, p. 225) soutient par ailleurs qu’ « en formation d’adulte, le tuteur est
chargé d’intervenir pour faciliter la démarche d’apprentissage et assurer un
suivi pédagogique. Il a un rôle d’accompagnateur, de guide, de personne-
ressource. Il doit à la fois faciliter le transfert des connaissances et aider
l’apprenant dans son processus personnel d’apprentissage et d’assimilation de
ces connaissances »
Pour V. Glikman (2011) la fonction tutorale à distance ne prévoit pas la
conception du dispositif de formation, la fonction tutorale s’exerce après la
conception du cours, pendant le processus d’apprentissage. « Le tuteur a en
charge un groupe d’apprenants (d’une dizaine à plusieurs dizaines) selon
l’institution, la nature de la formation et le temps qui est consacré à ce travail ».
Selon la même auteure (Glikman 1999) la réussite de la formation FOAD dépend
de nombreux facteurs : « motivation, capacité à transposer des expériences
d’apprentissage antérieures, maîtrise de l’outil informatique, attitude réflexive
par rapport à l’ensemble du dispositif ».
M. Linard (2001) cité par Philippe Teutsch et al. (2004) aborde
l’apprentissage comme une activité à part entière et rappelle que : « La
cascade de conditions à remplir (dans la quête de l’apprentissage) requiert tant
de dispositions favorables à la fois que l’on comprend pourquoi les apprenants
ont si souvent besoin d’un soutien extérieur pour réussir. Il est dans ces
conditions, critique d'accorder une grande attention à la mise en œuvre de
moyens permettant d'entretenir la motivation de l'apprenant et d’apporter le
soutien nécessaire à son activité d’apprentissage ».
C’est pourquoi nous considérons le tuteur comme un acteur indispensable au
bon déroulement de la FOAD. Par ailleurs, Garrot-Lavoué, E., George, S. &
Prévôt, P. (2009) attestent de la diversité des rôles attendus par le tuteur en
ligne, dans leur étude des différents « rôles du tuteur », ils relèvent que le
tutorat est distinct d’un type de formation à l’autre. Les auteurs s’attachent à
définir « l’acteur d’apprentissage que l’on nomme tuteur » en étudiant ces rôles
en fonction de trois facteurs :
la médiatisation des communications : la formation est médiatisée ou
pas.
la nature de la tâche : elle peut être collaborative ou individuelle.
la temporalité : en formation ponctuelle ou durable.
Dans cette étude les chercheurs relèvent seize rôles du tuteur à partir de ces
trois facteurs ; les données recueillies sont issues de données récoltées suite à
l’étude de diverses formations2 de tutorat à distance.
TABLEAUX 3, 4 & 5 : les rôles des tuteurs en fonction des trois facteurs
Rôles liés à la médiation des communicationsLa formation est médiatisée1 Organisateur
de session Tuteur en ligne qui assure l’organisation de la formation : objectifs, contenu, discussions, agenda, emploi du temps
2 Catalyseur social
Le tuteur participe à la création d’un environnement propice à l’apprentissage : retour sur intervention, aide pour l’interaction entre étudiants
3 Catalyseur intellectuel
Il pousse à la production de commentaires, de discussions, redirige les apprenants
4 Accompagnateur technique
Le tuteur aide les étudiants à être familier avec les TICE et les logiciels. Il en assure le bon usage.
Rôles dépendants de la nature de la tâchePour les situations d’apprentissage individuelles et collaboratives5 Pédagogue Pour assurer les interventions pédagogiques :le tuteur
fournit les ressources, rend les contenus assimilables, sollicite communication et partage entre apprenants
6 Expert du contenu
Le tuteur adapte le contenu aux apprenants, il détaille le cours
7 Architecte Il construit une session de formation en sélectionnant les
2
pédagogue ressources : il propose un scénario pédagogique répondant aux besoins.
8 Qualimétreur :
Le tuteur assure un contrôle de qualité général pour améliorer le processus de rétroaction (démarche qualité)
9 Evaluateur formatif et/ou sommatif
Il évalue, certifie (sommatif) mais aussi rappelle les critères d’évaluation, incite à l’autoévaluation et propose des retours –feedbacks - sur les activités (formatif).
Pour l’intégration de l’apprenant au sein du groupe. Assurer le bon fonctionnement de la communauté d’apprentissage : faire le lien entre l’individu et le groupe.10 Coordinateur
du groupe de travail
Accompagne le groupe pour un projet commun (recherche de ressources, organiser et réguler échanges)
11 Coach relationnel
Le tuteur soutient pour assurer à l’apprenant son intégration au groupe (il stimule, motive
12 Meta-catalyseur
Il permet à l’apprenant d’articuler un projet personnel à celui du groupe et d’assurer une collaboration à distance
Rôles qui dépendent de la temporalité de la formationen FOAD (dispositif hybride) 13 Personnalisat
eurLe tuteur est à l’écoute des apprenants, évalue les besoins en particulier
14 Autonomisateur
Il facilite la maitrise des compétences métacognitives
La formation est en suivi pédagogique synchrone :le tuteur intervient auprès des apprenants et suit le déroulement de leurs activités 15 Superviseur Le tuteur s’occupe du déroulement des activités pendant
les sessions synchrones16 Intervenant Il répond aux demandes, aide en cas de difficulté
Il est intéressant de constater que pour les auteurs il y a contradiction avec
V. Glikman (2011) qui considère que la fonction tutorale à distance ne prévoit
pas la conception du dispositif de formation, et que la fonction tutorale ne
s’exerce qu’après la conception du cours. Pour Garrot-Lavoué, E. , George, S. &
Prévôt, P. (2009) le tuteur fournit les ressources (pédagogue), adapte le contenu
à l’apprenant (expert du contenu), ou construit une session de formation
(architecte pédagogue).
Les tuteurs sont toutefois considérés par V. Glikman (2013) comme les
« pivots des dispositifs de formation à distance, dont ils incarnent la dimension
humaine et relationnelle ». Les tuteurs à distance ou télé-tuteurs pour Jacquinot
(2008) ou encore e-tuteurs selon Edutechwiki3« ont pour mission de gérer les
interactions entre les apprenants et les savoirs, l’institution, les enseignants
315 L’étude des rôles du tuteur s’est basée sur des Travaux de recherche des FOAD :
concepteurs des cours et de provoquer des échanges entre apprenants. Ils sont
des médiateurs, des intermédiaires, des passeurs, qui doivent être proches des
apprenants tout en conservant la dissymétrie nécessaire à la relation
pédagogique ».
Selon l’auteur, le terme « accompagnateur » est de plus en plus employé
pour marquer une proximité. Pour Paul (2009) « accompagner comporte une
dimension relationnelle (se joindre à quelqu’un) renvoyant à tout ce qui se
réfère à la présence attentive à autrui, à la sollicitude et au respect de sa
personne, à son écoute et au dialogue, et une visée de parité, tandis que le
tutorat est toujours porté par un modèle traditionnel basé sur la transmission
des savoirs » Paul (2009) .
B. De nouveaux rôles pour le tuteur en ligne
Lors d’une formation hybride l’enseignant devient enseignant/tuteur, les
instruments et ressources à disposition permettent de développer de nouveaux
rôles qui vont permettre de : développer l’interculturalité, guider l’autonomie
en entrainant une évolution du statut de tuteur.
1. Développer l’interculturalité
Depuis l’approche communicative, les méthodologies intègrent à
l’apprentissage des langues l’intérêt socioculturel dans les activités de
compréhension et de production. Il est alors avéré que l'apprentissage d'une
langue étrangère peut difficilement séparer les trois composantes essentielles
que sont la langue, la communication et la culture. Dejean-Thircuir et Nissen
(2013), parlent de communication médiatisée par ordinateur (CMO) pour leur
recherche sur les échanges en ligne à distance. Selon cette étude, les échanges
en ligne favorisent la rencontre avec l’autre et ouvrent de nombreuses
perspectives concernant la rencontre interculturelle.
Campus Learn-Nett http://tecfa.unige.ch/guides/methodo/edu-tech/thesis-examples/design-ict-environments-qualitative/joye-learnnett.pdfDESS UTICEF: http://cursus.edu/article/9036/dess-uticef-technologies-pour-enseignement-formation/#.VTVgnpOYXKgOpen University http://www.openuniversity.edu/ Projet e-tutor: http://isdm.univ-tln.fr/PDF/isdm18/30-georges-prevot-amgar-pierson.pdfCroisières: http://mfi.univ-lille1.fr/reunions/20050429/teutsch.pdfPegasus: http://oten.fr/?La-formation-a-distance-au-DAUE-enFormid : https://edutice.archives-ouvertes.fr/edutice-00000725/document http://edutechwiki.unige.ch/fr/E-tutorat
Développer l’interculturel dans un dispositif répond ainsi à une
préconisation du CECR qui rappelle que « l’apprentissage d’une langue favorise
le respect de l’altérité ». Par ailleurs, le CECR fait référence aux compétences
socioculturelles comme à « un ensemble de savoirs, savoir-être, savoir-faire et
savoir-apprendre liés à la transformation des attitudes et des représentations
initiales de l'étranger ».
2. Guider l’autonomie
Dans une formation hybride en langue, l’apprenant travaille en partie à
distance, ceci lui donne une certaine autonomie ; il est question ici de proposer
à l’apprenant de soutenir son autonomie. Nissen (2007) cite Barbot (2001)
pour qui l’'autonomie dans l'apprentissage peut être définie comme : « une
valorisation de la capacité de chaque sujet de s'autoréguler, d'autocentrer avec
des normes les conditions de son apprentissage, de la calibrer selon le mode
d'être qui lui est propre et ses nécessités (…) il ne s'agit donc pas d'anarchie, de
rejet des normes, mais de se connaître, de décider en connaissance de cause et
de se prendre en charge». Le tuteur collabore aux apprentissages, il n’est plus
le seul garant de l’enseignement. Plutôt que d’enseigner des connaissances, il
s’agit d’accompagner l’apprentissage.
Par la suite B. Albero (2003) reconnaît dans les FOAD différents types
d'autonomie qui peuvent être sollicités et distingue pour un dispositif de
formation en langues, « huit domaines d'application de l'autonomie dans les
activités de l'apprenant :
technique (maîtriser les technologies ; s'adapter, savoir où trouver de
l'aide) ;
informationnel (maîtriser les outils de la recherche documentaire ; savoir
chercher, stocker et restituer l'information) ;
méthodologique (savoir organiser son travail et s'autoévaluer) ;
psycho-affectif (réguler ses émotions, savoir prendre une initiative, assumer
sa part de responsabilité dans la formation, tolérer une relative incertitude) ;
cognitif (analyser les éléments observés, recouper avec les éléments déjà
connus, anticiper par formulation d'hypothèses) ;
métacognitif (activité réflexive sur l'action, sur la démarche d'apprentissage
choisie, régulation) ;
social (communiquer pour apprendre ; demander et obtenir de l'aide).
langagière (agir, éventuellement avec d'autres, en langue étrangère dans un
contexte personnel, professionnel ou d'études) ».
On voit que certaines formes d’autonomie sont abordées dans l’enseignement
traditionnel (autonomie langagière, psychoaffectif, méthodologique) mais pour
permettre à l’apprenant de développer de telles capacités dans ces domaines
respectifs, certaines applications s’avèrent des applications autres que celles
communément traitées par l’enseignant (par exemple : technique, information-
nel…). Le tuteur se voit alors pourvu de nouvelles fonctions pour préparer l’ap-
prenant à développer de nouveaux domaines de compétence.
3. Évolution du statut de tuteurs
Selon V. Glickman (2011) contrairement à ce qui existe dans d’autres
contextes « la fréquente absence de scénario d’encadrement dans la formation
à distance laisse peu de place à la formalisation » et donc à la reconnaissance
de statut du tuteur. Dans quelques dispositifs de formation à distance,
Jacquinot (2008) évoque une « charte tutorale », ou un contrat précis fixe un
cahier des charges, définissant la nature des rôles impartis aux tuteurs et leurs
conditions de travail, mais une telle formalisation est assez rare et peu aisée à
établir.
Dans leur ouvrage, Depover et al (2011) citent A. Baudrit (1999), qui
s’interroge sur l’utilisation du terme « métier » à propos des tuteurs en général.
Il justifie l’emploi du terme « métier » car « les tuteurs ne sont pas des
maîtres », bien qu’il n’existe ni corporation, ni diplôme de tuteur, « leur travail
est reconnu puisqu’il peut être rémunéré ou faire l’objet de compensations » ;
des études faites aux États-Unis où les TICE sont très présents (en formations à
distance diplômantes) attestent de la possibilité pour les tuteurs de se former
dans certains États, à la conception de cours en ligne. A. Baudrit indique par la
suite que « la notion de métier de tuteur se profile donc plus ou moins et ce
métier est associé à l’exercice d’activités et de fonctions particulières, même si
elles émanent de non professionnels » et que « même si, officiellement, ce n’est
pas un métier, nous pouvons considérer qu’il y a peut-être là les bases pour la
définition d’un nouveau métier ». V. Glikman (2011) retient « huit critères
permettant à une activité d’être considérée comme un métier :
l’existence de savoirs et de compétences spécifiques ;
une rémunération liée à l’exercice de l’activité concernée ;
une offre correspondante de formation institutionnalisée et diplômante ;
un contrôle de l’accès à l’exercice de l’activité ;
l’inscription dans la durée (carrière) ;
un code déontologique ;
des accords professionnels, de type convention collective ;
l’existence d’une organisation corporative ou syndicale. »
Selon Ceron (2003), « la reconnaissance du métier de tuteur à distance
permettrait d’augmenter l’efficacité du tuteur grâce à une formation adaptée, à
un temps adéquat consacré au tutorat, à un salaire plus motivant… » (Ceron,
2003). Quant à Bourdet (2007) il écrit au sujet des tuteurs en ligne que « C’est
l’usage de ces outils [technologiques]… qui va caractériser l’exercice de la
fonction tutorale et donc le métier de tuteur en ligne ». Or le statut ne va pas
sans la formation ; en ce qui concerne la formation des tuteurs : En 1998, G.
Pineau à crée le premier DESS Fonction d'accompagnement à l'université de
Tours, par la suite, cette formation est devenue un master. L’AFPA (Association
de Formation Professionnelle des Adultes) propose aussi une formation de
tuteurs. Par la suite les MOOC « Enseigner et Former Avec le Numériques »
(Efan langue et Efan 2) continuent dans ce sens en proposant par le biais de
France Université Numérique de former les enseignants au tutorat et d’en
obtenir des attestations de suivi.
C. Les TICE pour l’apprentissage en situation hétéroglotte
1. Accroître la motivation grâce à l’interaction
Raby (2008) définit la motivation d’apprentissage de la façon suivante :
« La motivation pour apprendre une langue étrangère en situation académique
peut être définie comme un mécanisme psychologique qui génère le désir
d’apprendre la langue seconde, qui déclenche des comportements
d’apprentissage, notamment la prise de parole en classe de langue, qui permet à
l’élève de maintenir son engagement à réaliser les tâches proposées quel que
soit le degré de réussite immédiate dans son interaction avec les autres élèves
ou le professeur, qui le conduit à faire usage des instruments d’apprentissage
mis à sa disposition (manuel, dictionnaire, tableau, CD-ROM) et qui, une fois la
tâche terminée, le pousse à renouveler son engagement dans le travail
linguistique et culturel. (2008, p. 10) ». En 2008 Raby cite le CD-Rom comme
instrument d’apprentissage mis à disposition de l’apprenant comme outil
numérique capable de stocker des informations.
Aujourd’hui les instruments numériques disponibles sont nombreux et variés,
l'Internet occupe une place prépondérante dans la gamme des outils disponibles
pour l’apprenant. La construction des savoirs ne se fait plus uniquement en
classe mais également par l’interaction avec ses pairs dans un environnement
virtuel, social et culturel, à travers l’usage d’un écran.
Plusieurs écrits scientifiques témoignent quant à eux, d’un taux d’abandon
élevé en FOAD, bien plus important qu’en cours en présentiel. Or il est avéré
que les interactions avec les tuteurs peuvent constituer une source de
motivation pour les étudiants tout comme les interactions avec les pairs. A.
Jézégou (2007) cite Moore et Kearsley (2005) qui proposent trois types
d’interactions avec les apprenants à distance : les interactions apprenants-
contenu, les interactions tuteur-apprenant, les interactions entre apprenants.
Les chercheurs observent que le renforcement des interactions aussi bien, entre
tuteur et apprenant, qu’interaction entre apprenants constituent un élément
déterminant dans la motivation et dans la persévérance des apprenants.
Il est ainsi avéré que la motivation reste une condition nécessaire mais n’est
pas suffisante pour acquérir la langue. Selon Klein (1989), c’est la réunion de
trois facteurs –compétence langagière, motivation, exposition - qui permet
l’acquisition de la langue. Or, comme tout apprentissage en situation
hétéroglotte (contexte où la langue apprise diffère de la langue parlée dans ce
milieu) les pratiques et contacts (exposition) avec cette langue cible sont
exclusivement limités au temps de classe.
2. Rallonger le temps de classe
L’apparition des TICE et d’Internet permet ainsi aux apprenants en langue
étrangère d’être d’avantage en contact avec la langue cible grâce à toutes les
activités disponibles en ligne (pour parler, écouter, écrire, lire et interagir en
mode synchrone ou asynchrone). Des apprenants en milieu hétéroglotte
bénéficient également, grâce à un dispositif hybride, d’une sorte de
« proximité » nouvelle avec la langue et la culture cible grâce à l’accès aux
nombreuses ressources et scénarios pour pratiquer le français. Des apports
didactiques et de réels échanges sont alors disponibles hors temps de classe
avec des pairs apprenants, tuteur ou personne ressource (natifs ou non). Le
développement de formations hybrides pour enseignement/apprentissage des
langues permet à l’apprenant d’être exposé davantage à la culture et de
participer à des échanges interculturels grâce à l’Internet et aux outils du web
2.0.
3. Collaborer et télécollaborer
Selon Bruillard (Mooc efan2 2015), l’apprentissage n’est autre qu’ « un mode
de travail en groupe qui s’apprend : savoir et apprendre à travailler de manière
collaborative est une nécessité éducative (...) Il s’agit alors de collaborer pour
apprendre mais aussi d’apprendre à collaborer ». La langue permet l’acte social
et mène à collaborer avec d’autres apprenants pour la réalisation de tâches. On
parle alors de projet collaboratif ; à la fois technique et social, savoir
comprendre et accepter le point de vue de l’autre.
Dans la littérature, nous pouvons observer que la collaboration est une notion
qui évolue, on parle alors d’ « apprentissage coopératif » : Mangenot et Dejean
(2008) citent également Bullen (1997), Henri & Lundgen-Cayrol (2001),
Karsenti & Fortin (2003), qui précisent que « collaborer » ou plus justement
« coopérer » regroupe les activités « qui décrivent des situations d’échange
d’informations ou de débat par le biais de forums de discussion ». Nissen (2003),
quant à elle, s’approche de « l’apprentissage collectif » quand elle estime « que
la coopération et la collaboration relèvent de la manière dont les étudiants
s’organisent pour réaliser la tâche ».
De nos jours ne cessent de se développer de nouveaux projets de
télécollaboration : ce terme « désigne l’utilisation d’outils de communication en
ligne pour faire travailler ensemble des classes géographiquement distantes afin
de développer leurs compétences langagières et interculturelles » (O’Dowd,
2011). Ces expériences qui permettent d’échanger avec un « vrai » interlocuteur
souvent natif de la langue cible, permettent selon F. Mangenot (1998) « le
travail de compétences langagière, numérique, interculturelle et disciplinaire ».
Cet interlocuteur peut faire partie d'un corps enseignant ou non, l’utilisation
d’Internet facilite l’accès entre interlocuteurs. La télécollaboration souvent non-
formelle (E-Tandem, Galanet, Cultura, Babelweb), mène l’apprenant à se
retrouver dans des situations où il joue son propre rôle social d’internaute qui
s’exprime en français sur Internet.