SOMMAIRE
PARTIE I : AVANT LE MUSEE LALIQUE
1. Les Vosges du Nord : une région de tradition verrière ancienne
2. Le site verrier du Hochberg
3. René Lalique et la fondation de la Verrerie d’Alsace
4. L’héritage de René Lalique
PARTIE II : LE PROJET DU MUSEE LALIQUE
1. Le musée Lalique en quelques dates
2. La genèse du projet
3. Le maître d’œuvre : Wilmotte & Associés
4. Le projet architectural
5. Le chantier
6. Un projet qui s’adapte au site et le met en valeur
7. Les jardins
8. Scénographie intérieure
PARTIE III : CONCLUSION ET REFLEXION PERSONNELLE
AVANT LE MUSEE LALIQUE…
1. Les Vosges du Nord : une région de tradition verrière ancienne
Dans les Vosges du Nord, l’artisanat verrier se développe à partir de la fin du XVème
siècle, principalement avec l’arrivée de verriers venus d’outre-Rhin. La région leur offre en
effet les matières premières nécessaires à l’exercice de leur art : l'épais manteau de grès
couvrant la contrée fournit la silice, élément de base pour la fabrication du verre, et les forêts
abondantes le combustible. Gros consommateurs d'énergie, les verriers sont en quête
perpétuelle de bois de chauffage. Ils restent généralement vingt-cinq ou trente ans au
même emplacement, le temps d'utiliser les bois concédés, puis reprennent leurs migrations et
sollicitent de nouveaux acensements. Ce caractère semi-nomade explique la sobriété des
halles et des maisons d'habitation et l'appellation verreries « portatives » ou « volantes ».
Après un XVIIème siècle marqué par la guerre de Trente Ans et les guerres de
Succession, le retour à la paix favorise le développement économique de la région. Ainsi, le
secteur du verre connaît un véritable essor au XVIIIème siècle, encouragé par les seigneurs
territoriaux soucieux de dynamiser leurs territoires. A partir de cette époque, les verreries vont
se sédentariser et parmi celles fondées au siècle des Lumières certaines accèderont à la
notoriété et contribueront à la renommée du territoire des Vosges du Nord. On peut ainsi
citer celles de Meisenthal, Goetzenbruck et Saint-Louis en Lorraine, et celles de Wingen et du
Hochberg en Alsace.
Sur l’actuel ban de Wingen-sur-Moder, deux établissements seront successivement
fondés : la verrerie de Wingen, à l’emplacement de l’actuelle mairie, qui fonctionnera entre
1707 et les années 1755, et la verrerie du Hochberg, qui sera quant à elle en activité entre
1715 et 1868. C’est à l’emplacement de celle-ci que se développe le nouveau musée
Lalique.
2. Le site verrier du Hochberg
Vues sur le site du Hochberg en 1830 (tableau de Simon) et 1839 (dessin de Schoell). Représentation de l’intérieur de la verrerie en fonctionnement.
Fondée en 1715, la verrerie du Hochberg sera en activité jusqu'en 1868, fabriquant
des bouteilles, des verres de montre et du verre à vitre, production dans laquelle elle se
spécialise au cours du XIXème siècle.
Des études historiques ainsi que la réalisation d’un diagnostic archéologique mené en
2007 ont permis de mieux comprendre le fonctionnement du site verrier du Hochberg. Ainsi,
le cœur de la verrerie se constitue d’une halle, un bâtiment construit en bois sur des
fondations de pierre, autour duquel la vie s’organisait. Des maisons ont ensuite été construites
à proximité et les premiers essarts ont été transformés en champs, prés et jardins, par accord
du comte de Hanau-Lichtenberg en 1715, en même temps qu’il autorise l’établissement de
la verrerie. Ainsi, en complément de leur travail à la verrerie, les verriers peuvent exercer des
activités agricoles et pastorales afin de subvenir à leurs besoins. La structure agraire du
hameau qui se forme autour de la halle est induite par cette double activité d’ouvriers-
paysans : la forme de village « en tas » est liée d’une part à la volonté des maîtres-verriers de
ne pas habiter trop loin de la halle et d’autre part à l’exploitation des terres agricoles.
La verrerie du Hochberg est contrainte d’éteindre son dernier four en 1868, elle aussi,
faute de bois suffisant. Réduits au chômage, les verriers prennent le chemin de la proche
Lorraine ou quittent la région pour des horizons plus lointains : Westphalie, Italie, Espagne et
même Mexique. Il faudra attendre près d’un demi-siècle pour que l’activité verrière renaisse
dans le village avec la fondation de la Verrerie d’Alsace par René Lalique.
3. René Lalique et la fondation de la Verrerie d’Alsace
Portrait de René Lalique (1860-1945). Ornement de corsage Jasmin (vers 1899-1901). Flacon Leurs Ames pour D'Orsay (1913). Vase Serpent (1924).
René Lalique est un artiste décorateur des plus audacieux de la fin de XIXème et du
début du XXème siècle. Il s’est tout d’abord rendu célèbre par ses créations étonnantes de
bijoux, étant rapidement reconnu comme l'un des plus importants dessinateurs de bijoux Art
nouveau de France. Il est, depuis l'enfance, fasciné par la nature. Son coup de crayon en
capture sans relâche la singulière beauté. En tant que bijoutier, les fleurs sont pour lui une
source inépuisable d'inspiration. Il les accroche à des colliers, des ornements de corsages, les
entremêle, détail audacieux pour l'époque, à des corps féminins sublimés. Il travaille sans
relâche, dessine, modèle, explore la nature et étudie le corps féminin. On parle des « 3F », les
thèmes chers à Lalique : Femme, Faune et Flore. Son obsession est de créer quelque chose
que l'on n’aurait pas encore vu.
Dans ses créations, il n’hésite pas à avoir recours à des matériaux jusque-là peu utilisés
comme la corne, l’ivoire, l'émail ou les pierres semi-précieuses, autant de matériaux
jusqu'alors méprisés. A ses yeux, mieux vaut la recherche du beau que l'affichage du luxe...
L'esprit reprend le pas sur la matière. Dès 1885, cette petite révolution fait de Lalique
l'inventeur du bijou moderne, selon Emile Gallé. En 1900, il triomphe à l'Exposition universelle.
Dès lors, cette figure de l'Art nouveau sera copieusement imitée. René Lalique est loin d'en
être flatté. Inventeur qui ne veut suivre personne, il déteste être suivi. Las d'être plagié, il va
progressivement se tourner vers d'autres horizons. A l’apogée de sa carrière de bijoutier, il
nourrissait déjà parallèlement une nouvelle obsession, celle d’apprivoiser le verre. Une
nouvelle carrière se profile alors pour le créateur.
Ses premières expérimentations sur le verre remontent certes aux années 1890, mais sa
rencontre avec le parfumeur François Coty en 1908 va jouer un rôle décisif, l'amenant non
seulement à créer mais aussi à produire des flacons pour les plus grands parfumeurs. S'y
ajouteront petit à petit boîtes, vases, luminaires, etc. Progressivement et jusqu’à la fin de sa
vie, il se consacre exclusivement au verre, dont il maîtrise et contrôle les effets de
transparence et les reflets. Créateur éclectique, il signe également des bouchons de
radiateur pour les luxueuses automobiles des années folles, la décoration de trains (tel
l'Orient-Express), de paquebots (parmi lesquels le Normandie), de boutiques, etc. Il s'intéresse
aussi à l'architecture religieuse, réalise des fontaines exceptionnelles, etc.
La nouvelle verrerie de Wingen-sur-Moder, construite en 1921 par René Lalique à 1km de la verrerie historique (photos de l’usine en 1924 et 1923).
Entrevoyant les extraordinaires possibilités de développement que lui offre la
production de flacons de parfum, René Lalique décide de louer la verrerie de Combs-la-Ville
en région parisienne dès 1909. Mais, rapidement, elle ne suffit plus à répondre seule à la
demande. Aussi, au lendemain de la Première Guerre mondiale, profitant des mesures
incitatives du gouvernement qui cherchait à faire de l'Alsace et de la Moselle retrouvées des
vitrines de la France, René Lalique choisit de s'installer dans les Vosges du Nord. Il savait aussi
pouvoir trouver dans cette région de tradition verrière ancienne la main d’œuvre qualifiée
indispensable à l’exercice de son art. Après avoir sollicité en vain les manufactures de
Meisenthal et de Saint-Louis, il décide finalement de construire sa nouvelle verrerie à Wingen-
sur-Moder : la Verrerie d'Alsace. Après une éclipse de près d’un demi-siècle, le village de
Wingen-sur-Moder renoue avec la tradition verrière.
L'installation de cette verrerie marque une nouvelle étape de la rationalisation et le
passage à une véritable structure d'usine du XXème siècle. Humaniste, Lalique développe la
production en série dans ses usines afin de limiter les coûts et de permettre au plus grand
nombre d'accéder à ses créations : Le peuple est le réservoir de l'art à venir ; c'est lui qu'il
faudrait initier, au lieu de le gaver d'horreurs qui le dévoient. Il faut mettre à sa portée des
modèles qui éduqueront son œil, il faut vulgariser la notion esthétique. Les objets d'art
coûtent trop cher. Changeons ça !
4. L’héritage de René Lalique
René Lalique (1860-1945), sa fille Suzanne Lalique (1892-1989), son fils Marc Lalique (1900-1977), sa petite-fille Marie-Claude Lalique (1935-2003).
Lalique est plus qu’un nom, c’est une famille sur trois générations. Après René Lalique,
c’est son fils Marc qui lui succède en 1945 à la tête de l’entreprise. Il restera dans l’histoire de
Lalique celui qui, après avoir rénové et modernisé l’usine de Wingen-sur-Moder
endommagée par la guerre, a fait entrer l’entreprise dans l’ère du cristal. Sous son impulsion,
la cristallerie Lalique trouve rapidement sa place parmi les grandes cristalleries françaises et
étrangères. Marie-Claude Lalique, troisième génération de créateurs, devient en 1977, à la
mort de son père Marc, l’artiste de l’entreprise jusqu’en 1996, date à laquelle le groupe
Pochet prend en main la destinée de la Maison Lalique. L’entreprise est ensuite rachetée en
2008 par la Société suisse Art et Fragrance, dont le Président Directeur Général et
propriétaire, Silvio Denz, est considéré comme le plus grand collectionneur au monde de
flacons de parfum Lalique (il a d’ailleurs accepté de prêter au musée 228 pièces
exceptionnelles de sa collection personnelle). Son objectif est de renforcer la marque dans le
monde entier et d’augmenter les capacités de production de la cristallerie de Wingen-sur-
Moder.
A travers les années, la Maison Lalique a su évoluer et se moderniser. Si l’actuel musée
de Wingen-sur-Moder fait la part belle aux œuvres de René Lalique qui occupent les 4/5ème
de l'espace, un hommage est aussi rendu aux créations de ses enfants et petits-enfants, qui
ont su eux aussi perpétuer les savoir-faire et mettre leurs tours de main et leurs connaissances
au service de la création.
LE PROJET DU MUSEE LALIQUE…
1. Le musée Lalique en quelques dates
Les œuvres de René Lalique étaient présentées dans une cinquantaine de musées à
travers le monde et pourtant, en France, son pays d’origine, aucun équipement n’était
spécifiquement dédié à cet artiste de génie. Il n’existait jusqu’alors qu'un seul musée Lalique,
celui d'Hakone, au Japon, fondé par un riche collectionneur en 2006. L’injustice a été
réparée en 2011 avec l’ouverture d’un musée à Wingen-sur-Moder, la ville où, 90 ans plus tôt,
René Lalique choisit de construire une usine de production. Le projet de musée, imaginé par
l’agence Wilmotte & Associés, s’inscrit lui-même sur le site historique d’une ancienne verrerie,
la verrerie du Hochberg. Le musée Lalique résumé en quelques dates :
Début des années 1990 :
- Premières réunions de concertation en vue de la création d’un musée Lalique à
Wingen- sur-Moder.
1996 :
- Acquisition de l’ancienne verrerie du Hochberg par la commune de Wingen-sur-
Moder.
- Inscription de l’ensemble du site du Hochberg à l’Inventaire supplémentaire des
Monuments historiques.
2000 :
- Prospections archéologiques sur le site du Hochberg (étude géophysique).
2002 :
- Acquisition du pendentif Femme libellule (créé par René Lalique vers 1898- 1900) par
la Communauté des Communes avec le soutien du Conseil général du Bas-Rhin, de
la Région Alsace et de Dexia.
- Exposition Lalique au château de Lichtenberg.
- Don d’une quarantaine d’œuvres en cristal par la Société Lalique à la Communauté
des Communes.
2003 :
- Fouilles archéologiques dans la halle d’étendage réalisées par la société Antéa. Mise
hors d’air, hors d’eau de la halle d’étendage et des ateliers.
2005 :
- Choix de l’agence Wilmotte & Associés, associée aux architectes Chiodetti et Crupi
de Colmar, aux scénographes de Ducks Scéno et aux paysagistes Neveux et Rouyer,
suite à un concours international.
- Création de l’Association des Amis du Musée Lalique (AAML).
- Premières acquisitions importantes d’œuvres en verre signées René Lalique, en
particulier lors de la dispersion de la collection de Marie-Claude Lalique, par
l’Association des Amis du Musée.
2006 :
- Exposition Lalique au château de Lichtenberg.
2007 :
- Obtention de l’appellation Musée de France.
- Du 26 novembre au 6 décembre : fouilles archéologiques préventives sur le site du
Hochberg (halle du XVIIIème siècle) par le Pôle d’Archéologie Interdépartemental
Rhénan.
- Prêt de 9 œuvres à l’occasion de l’exposition Lalique au musée du Luxembourg à Paris (7 mars-31 juillet) et au Bröhan Museum a Berlin (7 septembre-13 janvier 2008).
2008 :
- 1er janvier : création du Syndicat Mixte du Musée Lalique.
- 8 novembre : pose de la Première Pierre du Musée.
2009 :
- 12 janvier : début des travaux.
2011 :
- 1er juillet : inauguration du musée.
- 2 juillet : ouverture au public.
2. La genèse du projet actuel
Le musée Lalique est né de la volonté politique de l’ancien président du département
du Bas-Rhin, Philippe Richert, aujourd’hui président du Conseil régional d’Alsace, de
développer le territoire d’Ingwiller dont il est originaire. Chantre de la préservation du
patrimoine, son nom est également associé à la création du mémorial de l'Alsace-Moselle à
Schirmeck, du Vaisseau à Strasbourg ou du transfert de l'Etat au département du château du
Haut-Kœnigsbourg. Dans les territoires, il faut des musées du territoire et il ne faut pas
seulement aménager là où les choses vont bien, a-t-il déclaré après s’être investi plus de dix
ans dans le projet du musée Lalique.
Le projet de musée démarre sans collection, mais avec l’acquisition en 1996 du site
de l’ancienne verrerie du Hochberg et son inscription à l’Inventaire supplémentaire des
Monuments historiques. Après des fouilles archéologiques, une première restauration du site
est mise en œuvre en 2003, consistant en une mise hors d’air et hors d’eau de la halle
d’étendage et des ateliers annexes.
Etat des bâtiments avant la restauration de 2003 : charpentes absentes ou en mauvais état, dislocation, fissuration, déformation des murs, enduits en
mauvais état, effritement du haut des murs dû à l’absence de couverture, etc.
La restauration de la halle d’étendage : l’ancienne charpente est entièrement démontée, une nouvelle est réalisée selon les techniques
traditionnelles, puis celle-ci est peinte en noir.
Le site du Hochberg en 2007, après la restauration de 2003 et avant le projet de Wilmotte & Associés dont les travaux débutent en 2009.
3. Le maître d’œuvre : Wilmotte & Associés
Musée Les Quais Hennessy (France, Cognac, 1996). Musée des Beaux-Arts (France, Lyon, 1997). Musée national du Chiado (Portugal, Lisbonne, 1994).
L’agence Wilmotte œuvre dans cinq domaines fondamentaux : l'architecture,
l'architecture d'intérieur, la muséographie, l'urbanisme et le design, avec un souci du détail
qui lui permet d'intervenir de la plus petite à la plus grande échelle. Dans le domaine des
musées, elle a en particulier travaillé au musée du Louvre, aménageant le département des
Objets d'Art en 1999 et le Pavillon des Sessions en 2000. L'agence Wilmotte s'est également
vue confier l'aménagement de l'Espace Hennessy à Cognac (1996), le musée des Beaux-Arts
de Lyon (1991-1998), le musée de la Mode à Marseille (1993), le Centre National du Costume
de Scène à Moulins (2006), le Musée d'Art et d'Industrie à Saint-Etienne (2001) et le musée du
Président Chirac à Sarran (2000). À l'étranger, elle a, entre autres, œuvré au musée national
de Beyrouth (1999), au musée national du Chiado à Lisbonne (1994) ou encore au musée
d'Art islamique de Doha (2008).
Un concours d'architecture international a été lancé en 2004 pour le musée Lalique.
Les esquisses de Jean-Michel Wilmotte ont retenu l'attention du jury et le marché lui a été
attribué en 2005. Le respect du patrimoine bâti a été l'un des principaux critères du choix,
d'autant plus que le site est inscrit à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques.
La bonne intégration paysagère des nouveaux bâtiments a également constitué un
argument décisif. Les matériaux choisis, béton habillé de pierre et verre, se marient
harmonieusement avec les bâtiments existants. Pour ce projet, l’agence Wilmotte s’était
associée aux architectes Chiodetti et Crupi de Colmar, aux scénographes de Ducks Scéno et
aux paysagistes Neveux et Rouyer.
4. Le projet architectural
Le projet architectural de l’agence Wilmotte compose un site moderne en lien avec
les anciens bâtiments qu’il met en valeur. Au programme du musée :
- un hall d’accueil surmonté d’un lustre Lalique monumental (ancienne halle)
- une salle d’exposition temporaire (ancienne halle)
- une salle d’exposition permanente (extension moderne)
- une boutique (ancienne halle)
- une cafétéria (ancien bâtiment annexe)
- un auditorium de 85 places (ancien bâtiment annexe)
- des ateliers pédagogiques (ancien bâtiment annexe)
- des espaces de réserves et autres locaux sanitaires et techniques.
Plan de masse et volumétrie : on peut apercevoir les anciens bâtiments de la verrerie réhabilités ainsi que l’extension moderne recouverte d’un jardin.
Plan du musée : sur la gauche, le bâtiment moderne consacré à l’exposition permanente, relié par des galeries aux bâtiments de l’ancienne verrerie
du Hochberg, le tout enserrant un jardin floral qui prend des allures de cloître.
Coupes longitudinales sur l’extension moderne en porte-à-faux, recouverte d’un jardin (vue vers le bois voisin / vue vers les anciens bâtiments).
Coupe longitudinale sur l’ancienne halle verrière devenue espace d’accueil et salle d’exposition temporaire.
5. Le chantier
Le 8 novembre 2008 est posée la première pierre du musée avant que ne débutent
les travaux le 12 janvier 2009. Quelques photos du site en chantier :
Le chantier en janvier 2009, juin 2009, septembre 2009, mars 2010, novembre 2010, décembre 2010, mars 2011, mars 2011.
6. Un projet qui s’adapte au site et le met en valeur
Un bijou de pierre, d’acier et de verre dans un bel écrin naturel. Le musée Lalique
conçu par l’agence de Jean-Michel Wilmotte se fond presque dans le décor (Emmanuel
Dosda).
Le musée Lalique s’inscrit dans un cadre paysager tout à fait exceptionnel, aménagé
sur les lieux mêmes de l’ancienne verrerie du Hochberg. Comme dit précédemment, le
projet de Wilmotte & Associés a été retenu à la fois pour son respect de l’ancien patrimoine
bâti et pour la bonne intégration paysagère des nouveaux bâtiments. Comme l’a déclaré
Henrik Siebenpfeiffer, architecte chez Wilmotte & Associés, l’agence aime particulièrement
dialoguer avec le passé et s’intégrer dans des bâtiments existants. Le site naturel a aussi tout
de suite impressionné les architectes qui ont cherché à faire un bâtiment qui jouerait avec la
nature. Placé à l’extrémité du village, le musée Lalique se veut un beau trait d’union, un
dégradé, par étapes, entre l’espace urbain et la forêt qui se déploie au loin.
Des nouvelles façades sobres qui viennent s’adapter au bâti ancien. La galerie entre la halle réhabilitée et l’extension moderne : un lien entre présent
et passé.
Importance de la topographie : des nouvelles constructions semi-enterrées. Vue panoramique sur la vallée depuis la salle d’exposition permanente.
La cour intérieure : un perpétuel dialogue entre présent et passé, minéral et végétal.
Partout, l'ancien dialogue avec le contemporain, le minéral avec le végétal. Rien
n'est tapageur dans ce projet d'architecture. Le musée Lalique est à l'image de l'artiste qu'il
célèbre : comme lui, au luxe ostentatoire, il préfère la recherche du beau. La topographie du
lieu est utilisée comme une des composantes majeures de l'architecture et les nouvelles
constructions, semi-enterrées, proposent une toiture végétalisée traitée comme un espace
vert. Elles dominent la nature par une impressionnante façade en porte-à-faux qui, depuis
l'exposition permanente, offre une vue panoramique sur la vallée en contrebas. Au cœur du
musée se cache un jardin floral que l'on découvre par les galeries de circulation du musée
qui relient les bâtiments anciens à la construction nouvelle, formant en quelque sorte un
cloître. Le bâtiment est mis en scène par la nature et la nature est dévoilée par le bâtiment.
Respectant et mettant en valeur le paysage et l'architecture originelle, le maître
d'œuvre ne s'est cependant pas moins attaché à prendre en compte toutes les
fonctionnalités indispensables à un musée du XXIème siècle, le dotant notamment, outre les
salles d’exposition et les réserves, d’un auditorium, d’un espace de restauration, de salles
pédagogiques, etc.
7. Les jardins
Inscription du musée Lalique dans son site naturel. Vue sur le musée et ses trois espaces végétalisés différenciés : parvis, cour intérieure et toit de
l’extension moderne.
Les parterres classiques du parvis du musée. Le jardin intérieur du patio et ses motifs presque japonisants qui rappellent les dessins de René Lalique.
René Lalique a trouvé dans la nature une inspiratrice féconde. Il l’a disséquée et
examinée, épiant ses lignes, ses formes et ses structures particulières, y cherchant et y
trouvant l’étincelle de la vie. La nature occupe ainsi une place primordiale dans le projet
architectural et les jardins font partie intégrante du musée Lalique. Ils renforcent l’aspect
convivial du site et permettent, par le choix des essences, de relier les créations à la nature
tant observée par René Lalique. Trois espaces, conçus en association avec les paysagistes
Neveux et Rouyer, mettent en scène le potentiel créatif du végétal :
- des parterres classiques sur le parvis du musée,
- un jardin floral dans le patio, dont l’aménagement est fonction des couleurs et des
époques de floraison, qui offre une large palette de plantes, allant du lys à
l’anémone en passant par les dahlias et les bleuets,
- un jardin boisé situé sur le toit de l’exposition permanente qui complète l’ensemble.
La création de ces jardins a fait l’objet d’un important travail pour que, au-delà de
leur qualité esthétique, ils puissent jouer pleinement un rôle didactique.
8. Scénographie intérieure
Le musée propose sur 900m2 une exposition d’un total de 650 pièces Lalique (bijoux,
flacons, arts de la table, luminaires et vases). Celles-ci, qui ont fait l'objet d'achats, de dons et
de prêts, sont principalement issues de la collection parisienne de la société Lalique et de la
collection personnelle de flacons de parfum de l'actuel PDG de la société, le Suisse Silvio
Denz. La scénographie, que l’agence Wilmotte signe en partenariat avec Ducks Scéno, a
pris le parti de mettre en valeur l'ensemble des univers de création de l'artiste pour mettre en
lumière toutes les facettes de l'art verrier. Les jardins, qui ont tant inspiré l'artiste, font d'ailleurs
partie intégrante de la visite, comme on vient de l’évoquer, mettant en scène le potentiel
créatif du végétal.
Contraste entre la pénombre des espaces d’exposition qui met les œuvres en valeur et les vues éclatantes vers la nature extérieure. Lustre
monumental à l’entrée du musée.
La scénographie proposée associe architecture contemporaine et bâtiments
anciens, unifiés par la pénombre qui règne à l'intérieur. Le ton est donné dès le hall
d’accueil : on pénètre dans un noir dense, débarrassé des ornements superflus, purgé de
toute distraction, qui confère une incroyable intensité aux œuvres exposées. A commencer
par le magistral lustre d’1,7 tonne et 3 mètres de haut, créé par Marc Lalique en 1951. Celui-
ci veille sur l’entrée du musée, à l’endroit même qui tenait lieu de halle d’étendage dans
l’ancienne verrerie du Hochberg.
La scénographie s’organise en divers espaces, des volumes cubiques définis par des
vitrines en métal laqué noir et sablé, qui ne cachent pas les détails mécaniques. Le choix de
l’agence Wilmotte, connue pour son sens de la sobriété et de la finition, s’est porté sur l’acier,
un matériau costaud travaillé de manière faussement brute. Ceci participe à la mise en
valeur, par contraste, de la préciosité des objets exposés, et a aussi pour but de restituer
l’esprit des ateliers, couleur cendre, où ont été conçus plusieurs décennies auparavant les
œuvres de René Lalique et ses descendants.
C’est une scénographie qui se veut résolument moderne et didactique, présentant
des films, écrans tactiles et explications illustrées du processus de fabrication d’une œuvre
Lalique. Tout est mis en œuvre dans le musée pour que le visiteur puisse appréhender de
manière intellectuelle et sensible le créateur à l'œuvre foisonnante.
CONCLUSION ET REFLEXION PERSONNELLE…
Le musée Lalique s’inscrit dans un site exceptionnel, à la fois du point de vue
architectural et naturel. C’est dans un écrin de verdure, au cœur du Parc naturel régional
des Vosges du Nord, que le projet de Jean-Michel Wilmotte prend place, apparaissant dans
toute sa splendeur, respectant et mettant en valeur le paysage et l’architecture originelle.
Composer avec un complexe verrier du XVIIIème siècle, classé au titre des Monuments
historiques, représentait une contrainte pour le maître d’œuvre. Il a pourtant su en faire un
atout et de la sobriété de son traitement du site transparaît un profond respect qui met en
valeur les anciennes constructions comme les nouvelles, dans une mise en scène entre
nature, passé et présent. Le fait de développer un musée consacré à un génie du verre dans
une ancienne verrerie est également un symbole fort qui rend hommage à un savoir-faire.
Depuis le XIXème siècle, on s’interroge sur le rôle et le devenir du patrimoine bâti. Au-
delà des considérations historiques et pédagogiques, des notions d’affectif et d’identité
entrent aussi en jeu : on se reconnaît dans un patrimoine auquel on est attaché. Aussi, avec
l’émergence récente d’une nouvelle conscience écologique, la question de la reconversion
d’anciens bâtiments est plus que jamais au goût du jour. Avec l’essor démographique et le
danger de l’étalement urbain, il devient indispensable de s’interroger sur nos modes de vie et
sur les lieux dans lesquels nous vivons. Pourquoi réaliser de nouvelles constructions alors que
des centaines d’édifices sont en déshérence ? Le secteur du bâtiment est de plus le plus gros
consommateur d’énergie. Reconvertir des bâtiments anciens peut donc être une excellente
initiative pour plusieurs raisons. Dans les villes, de telles opérations permettent de recycler
l’ensemble des édifices disponibles et de combattre l’expansion des banlieues. Dans les
régions rurales, les reconversions peuvent servir à régénérer des zones dépeuplées,
permettant aussi l’emploi d’une architecture plus audacieuse, voire urbaine, au-delà des
limites des agglomérations. C’est dans cette catégorie que peut s’illustrer le musée Lalique,
dont l’emplacement est notamment né des volontés de Philippe Richert d’offrir un
développement à sa province natale : loin du prestige, plus près du cœur (Caroline Sallé). La
remise aux normes d’anciens bâtiments dans le cadre de leurs réhabilitations est aussi en elle-
même un geste respectueux de l’environnement, tout comme la question de la durabilité de
ces bâtiments.
A partir de là entrent en jeu des questions spécifiques à un tel processus de projet :
pourquoi a-t-on choisi de préserver l’existant, qu’a-t-on décidé d’éliminer, quels sont les
éléments auxquels les autorités locales interdisent de toucher ? Quoi qu’il en soit, outre les
considérations écologiques, la reconversion du patrimoine ancien est une manière de lui
redonner vie et de lui rendre hommage, tout en traitant des nouvelles considérations propres
à notre époque et en offrant de nouvelles qualités architecturales au lieu. C’est le cas du
musée Lalique qui réalise une apologie du travail du verre à travers son plus illustre
représentant. En juillet 2012, un an après son inauguration, 100 000 visiteurs étaient déjà venus
expérimenter et faire revivre l’ancienne verrerie du Hochberg, jadis laissée à l’abandon et
l’oubli, dans une ambiance de partage des patrimoines et des cultures.
Sources :
Site internet du musée Lalique : www.musee-lalique.com
Site internet de l’agence Wilmotte & Associés : www.wilmotte.fr
Jeammet (Corinne), « Ouverture du musée Lalique le 2 juillet ». Màj le 09/06/2011. Disponible sur internet :
http://culture.france2.fr/mode/expos/ouverture-du-musee-lalique-le-2-juillet-69045877.html
Dosda (Emmanuel), « Le vert de Lalique ». Màj le 21/06/2011. Disponible sur internet :
http://www.poly.fr/le-vert-de-lalique/
Ruelle (Benoît), « Enfin, un musée Lalique en France ! ». Màj le 03/072011. Disponible sur internet :
http://bruelle.wordpress.com/
Sallé (Caroline), « Les majestueuses transparences de Lalique ». Màj le 04/07/2011. Disponible sur internet :
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Plans et coupes de l’agence Wilmotte & Associés
Crédit photos : Musée Lalique