Rapport de stage
Présentation personnelle
Dans le cadre de ma troisième année d’étude au baccalauréat en éducation préscolaire et
enseignement primaire à l’Université de Montréal, un stage, d’une durée de 9 semaines,
m’a été offert. C’est en partenariat avec l’organisme Mer et Monde que j’ai pu participer
à cette expérience riche en couleurs.
Le 9 janvier 2014, nous étions 10 étudiantes en enseignement primaire (Béina, Mélanie,
Marie, Roxane, Marianne, Jessica, Marie-Pier, Agnès, Maude et moi, Sabrina) et une
stagiaire individuelle (Charlotte) à quitter le Québec en direction du Sénégal. À notre
arrivée, nous avons été accueillies par l’équipe-terrain de Mer et Monde. Nous nous
sommes vite senties chez soi et en confiance. Nous avons passé une journée à la grande
maison pour être informés des prochains événements avant de nous lancer officiellement
dans cette aventure…
Le village où je demeurais et où j’enseignais se nomme Koudiadiène. Ma famille
sénégalaise se situait dans le secteur de Thiafathie. Ce village accueillant se situe à une
dizaine de kilomètres de Thiès et à 5 kilomètres de Lalane et de Diassap. Dans ma
famille, je comptais 5 sœurs [Raïssa 30 ans, Ghislaine 27 ans, Nina 22 ans, Mélanie 18
L’équipe Mer et Monde au Sénégal (Gilbert, Awa, Adèle, Pierre et Madeleine)
Les 11 stagiaires (Roxane, Marianne, Marie-Pier, Jessica, Mélanie, Béina, Agnès, Maude, Marie, Charlotte et Sabrina
ans et Arame 12 ans], 3 frères [Daniel 24 ans, Étienne 20 ans et Joseph 15 ans] ainsi que
mes parents papa Jean-Paul et maman Agnès. Ils étaient catholiques et ils étaient issus de
la culture sérère.
Composé de grands rôniers, de larges baobabs, de maisons en pierre, de clôtures en béton
ou en paille, de champs à perte de vue et d’animaux de toutes sortes, le village entier de
Koudiadiène m’a accueilli comme si j’étais chez moi au Québec. Les gens me disaient
« Bonjour! Ça va? », me souriaient, me prenaient la main, m’invitaient à prendre le thé
ou même à discuter avec eux sous les arbres. Mon stress est parti d’un seul coup et je me
suis alors sentie en sécurité, accepté et intégré. J’habitais désormais à Koudiadiène. À
l’intérieur de ce grand village, on retrouvait un dispensaire, une église, une garderie, le
noviciat pour les futurs prêtres, un atelier de teinture, une école, un terrain de basketball,
une salle pour les rassemblements ou les cérémonies, un cimetière et quelques boutiques.
À l’intérieur de ma concession, il y avait un moulin pour moudre le mil, une charrette, un
âne, des poules, une douche, une toilette turque. Dans la maison, il y avait 6 chambres,
une cuisine et un salon. D’ailleurs, l’électricité était accessible et j’ai pu écouter des
feuilletons, des matchs de football [soccer] et des combats de lutte à la télévision. Même
si j’avais l’électricité, la préparation des repas se faisait directement sur le feu ou à l’aide
d’une bombonne de propane, car l’électricité coûtait cher. Aussi, j’avais accès
directement à l’eau via un robinet, mais ce n’est pas toutes les concessions qui dotaient
Ma famille sénégalaise [Papa Jean-Paul, Maman Agnès, Étienne, Raïssa, Nina, Mélanie, Joseph, Ghislaine et moi]. Il manque Daniel et Arame.
d’un robinet. Certaines devaient aller chercher l’eau à un point d’accès et la rapporter
dans des bidons lourds que les femmes transportaient sur leur tête. C’était très
impressionnant!
Ma maison à Koudiadiène Mon âne et moi à la maison
Manguier et rôniers
La garderie de Koudiadiène L’église de Koudiadiène
Formation préparatoire
Les animateurs de la formation étaient Jean-Baptiste et Caroline. Ceux-ci nous ont suivis
durant les quatre fins de semaine complètes. La formation a débuté 3 mois avant le
départ. À la première séance, nous nous sommes présentées aux formateurs et aux autres
étudiantes. Les formateurs ont abordé les thèmes de la culture, du choc culturel, de la
communication, des réalités africaines et de la coopération internationale. À la deuxième
séance, ils ont abordé les sujets de l’histoire du Sénégal, de la pauvreté et de la capacité
d’adaptation. La mondialisation, la dette, le commerce équitable et la ligne de vie
personnelle ont été des thèmes associés à la troisième fin de semaine de formation. À la
quatrième séance, il y a été question de craintes, de bagages, de mondialisation et du choc
du retour. À travers ces journées de formation, nous avons participé à diverses activités
significatives. En effet, on a animé de nombreuses discussions, visionné des films,
réfléchi sur des sujets d’actualité, réalisé des exercices seuls ou en groupes, etc. De plus,
un souper sénégalais était préparé par les formateurs le samedi soir. On a pu goûter à
différents plats traditionnels en plus d’adopter leur technique, c’est-à-dire de s’asseoir par
terre et de manger avec la main droite dans une grande assiette commune. C’était
tellement délicieux!! Nous avons également eu l’opportunité d’aller à la Ferme Berthe-
Rousseau pour la troisième fin de semaine de formation. C’est un lieu apaisant où nous
avons pu goûter aux produits de la ferme lors des repas du matin, participer à la traie des
chèvres, marcher dans la nature sans source de bruit, etc. Les gens qui y habitent sont
d’ailleurs très généreux de leur temps.
Plat traditionnel du Sénégal : Yassa au poulet
Adaptation
Je suis arrivée à Dakar vers 23 h 45 le 10 janvier. Je n’ai pas vu le paysage, car il faisait
relativement noir, mais la chaleur de l’endroit me faisait un grand bien. Les gens étaient
sympathiques. Je me sentais « Toubab » et cette impression ne me dérangeait pas du tout.
Lorsque l’équipe-terrain de Mer et Monde est venue me déposer chez moi à Koudiadiène,
je me suis sentie anxieuse et je me posais des questions quant à mon arrivée dans la
famille. Tout était nouveau pour moi et je ne savais pas à quoi m’attendre. Mes sœurs
m’ont accueilli avec le sourire. Je me suis intégrée relativement vite. Effectivement, dès
la première journée, j’ai pris mon carnet de notes et j’ai écrit tous les mots et les
expressions sérères de base. De cette façon, j’allais pouvoir comprendre un peu les gens
qui ne parlaient pas français, saluer les gens du village et donc, de me sentir encore plus à
l’aise. C’est ce qui est arrivé. Je sortais parfois de mon village pour aller à des rencontres
avec Mer et Monde à Thiès, voir mes amies à Lalane ou à Diassap, au grand marché
central de Thiès, etc. et j’avais toujours hâte de rentrer à la maison, car c’était à cet
endroit que je me sentais confortablement bien. J’avais développé un fort lien
d’appartenance.
Dès mon arrivée, un nouvel ami, Jean-Louis, m’a présenté Koudiadiène et, du même
coup, les gens qu’on rencontrait. Il m’a montré à saluer les gens en sérère et j’ai pu
m’exercer. Ce n’est pas évident! On riait de moi, mais je riais de moi-même de toute
façon! Il y a différentes façons de dire « Bonjour! » selon le moment de la journée. J’ai
vite constaté que les Sénégalais étaient souriants, chaleureux, généreux et curieux.
Quelques enfants souriants du village… … transportant de l’eau!
Plus les jours avançaient, plus j’adoptais les habitudes quotidiennes de ma famille et plus
j’étais à l’aise. Effectivement, je me suis adapté sans problème à la toilette turque et à la
douche à la main avec un sceau. D’ailleurs, j’ai opté pour les techniques typiquement
sénégalaises sans aucune gêne et aucun problème. Du côté de l’alimentation, je n’ai pas
eu de problème majeur. Je mangeais du riz au poisson, appelé « Tiéboudjen » à tous les
repas du midi. Ma famille me préparait, pour les repas du soir, du spaghetti, des œufs, de
la salade, du macaroni, etc. C’était des repas plus occidentaux, mais une touche
sénégalaise se mêlait au goût. Par ailleurs, les plats sénégalais sont assez épicés et
pimentés. J’ai eu l’occasion de goûter au couscous et au mil avec du lait caillé. Ce sont
des goûts et des textures particuliers. J’ai été malade une nuit en raison des aliments, mais
c’est seulement parce que mon corps n’était pas habitué à digérer les plats. Par contre,
vers la fin du stage, j’ai pu goûter à d’autres plats sénégalais et même bu leur eau sans
avoir d’effets secondaires. J’étais désormais devenue tolérante à la nourriture, à l’eau, à la
chaleur, etc. D’une façon générale, mon adaptation au sein de la culture s’est bien faite
graduellement. Ce qui était difficile était l’apprentissage lors de la première semaine, car
tout tout tout était nouveau : la langue sérère, les habitudes, les règles de la maison, le
climat instable [chaud le jour et frais la nuit], l’alimentation, l’habillement, les façons de
penser et les façons d’agir.
Ma sœur Raïssa, son fiancé Bruno et ma sœur Ghislaine mangeant le Tiéboudjen Ma sœur Arame et moi faisant le lavage
Stage
Mon stage en enseignement primaire a été réalisé à l’école Cinco à Koudiadiène. L’école
se situait à 15 minutes de marche de ma maison. Les horaires des cours sont du lundi au
vendredi de 8 h à 13 h en plus du mardi et jeudi de 15 h à 17 h. J’enseignais le français et
les mathématiques à mes 13 élèves de CM2. Ils parlaient très bien français. Ma classe
était composée de 7 filles et 6 garçons et environ la moitié était issue de la religion
catholique et l’autre, musulmane. D’ailleurs, les différences entre ces deux religions,
autant dans le village qu’à l’école, n’existaient pas. Tous se respectaient et cohabitaient
sans conflit. M. Alioune Dramé, mon enseignant associé, est un homme passionné par
l’enseignement depuis plusieurs années. Il accueillait, pour la première fois, une stagiaire
canadienne dans sa classe. C’est un homme disponible et à l’écoute. Je n’aurais pas pu
mieux tomber pour mon encadrement tout au long du stage.
Dès mon arrivée à l’école, je me suis sentie accueillie comme au moment de mon entrée
dans la famille. Les enseignants et le directeur m’ont tous saluée et souri. M. Dramé m’a
présenté la classe, les documents affichés sur les murs de la classe, les fiches de
planification, le matériel fourni par l’école, les documents assignés aux enseignants par le
ministère de l’éducation sénégalais, etc. Je me suis informée auprès de mon enseignant
associé et auprès du directeur concernant leur système éducatif. J’ai tenté de comprendre
Mon enseignant associé, M. Alioune Dramé, et moi vêtus de nos « boubous » traditionnels
Les élèves de ma classe de CM2
le fonctionnement. J’ai discuté sur les niveaux scolaires des élèves, sur les examens
nationaux, sur les études des enseignants, etc. Les enseignants m’ont aussi questionné
pour en connaître sur le système éducatif québécois et ces échanges m’ont permis de
mieux comprendre mon programme québécois. J’ai expliqué nos valeurs et nos buts en
tant qu’enseignant et les discussions m’ont également fait réaliser que je veux être une
enseignante accomplie et dévouée pour mes élèves. Pour le stage de quatrième année, je
vais assurément préparer mes activités en tenant compte du programme d’éducation de
l’école québécoise ainsi que la progression des apprentissages. Ce sont des ressources
importantes et je vais les consulter pour me référer.
Semaine après semaine, j’ai réalisé que je veux être une enseignante dynamique et qui
agit en tant que guide et de modèle pour les élèves. J’ai eu besoin de plusieurs semaines
avant de construire un bon lien de confiance avec mes élèves sénégalais, car les élèves
n’entretiennent pas de relation avec leur enseignant, alors j’ai dû travailler pour leur
montrer que j’étais disponible pour les aider. Je réalise que ce lien et la relation entre
l’enseignant et les élèves sont importants et qu’il influence beaucoup le climat de classe
et il aide à la gestion. Les activités doivent également être variées. J’ai eu l’occasion de
faire quelques activités en équipes dans ma classe au Sénégal, mais ce n’est pas une
habitude pour l’enseignant
Ma classe de CM2 à l’école Cinco à Koudiadiène
Le personnel enseignant à l’école élémentaire de Koudiadiène
Réflexion synthèse
L’expérience de stage dans une école sénégalaise m’a beaucoup appris à me développer
personnellement et professionnellement durant les neuf semaines. Je suis une personne
qui aime être entourée, mais ce stage m’a permis de comprendre que j’ai besoin de mes
moments de solitude et que j’ai besoin de réfléchir. Je réfléchissais sur ma vie au Québec,
sur mes accomplissements, sur mes voyages, sur mes objectifs de stage, sur ma carrière,
sur mes buts, etc. Tout au long de mon séjour, j’ai découvert que j’étais une personne très
sensible. J’ai vécu toutes les émotions possibles : joie, peine, déception, surprise, etc. Ces
émotions ont été vécues à travers différents événements : fiançailles de ma sœur Raïssa,
décès d’un membre du village, soirées de danse en famille, enseignement à l’école, fin de
semaine à Kaolack pour la Journée mondiale de la Jeunesse, etc. Je suis très attachée aux
gens et j’aime être près des gens et je me sentais à ma place au Sénégal. J’ai été très
ouverte d’esprit et j’ai su être à l’écoute. J’ai eu des discussions sur différents sujets avec
des Sénégalais pour avoir leur opinion. On a discuté, entre autres, de la religion, du
travail, de l’argent, de l’homosexualité, du mariage, de la vie, etc. J’ai appris à connaître
leur culture et je me suis approprié certaines habitudes. Effectivement, j’ai pu goûter à
différents plats, j’ai offert mon aide pour les tâches de la maison, etc. J’ai également
découvert que j’étais une personne très compréhensive, c’est-à-dire que j’ai tenté de
comprendre certaines traditions et certains rituels sans juger. Pendant mon séjour, je n’ai
porté aucun jugement parce que j’étais là pour apprendre. J’apprenais à vivre dans une
société différente et j’apprenais à m’intégrer et à m’adapter à la société. À l’école, j’ai
appris que j’étais une personne patiente et qui pouvait imposer ses limites avec aisance.
Les élèves étaient turbulents et ils aimaient avoir de l’attention, alors quand ils
dépassaient ma limite je ne me gênais pas pour leur dire. Ils ont vite appris à connaître
mon fonctionnement. Cette aptitude va grandement m’aider pour le prochain stage. Si
j’énonce mes attentes et mes règles, je serai plus en contrôle pour gérer la classe. La
gestion de la classe est souvent un problème qu’on retrouve dans les écoles québécoises,
alors si on impose nos limites et nos attentes, les élèves seront plus disciplinés. De plus,
j’ai appris à être ouverte aux différentes religions et aux autres cultures. Mes activités et
mes propos étaient neutres quant à ma pratique personnelle. Je voulais montrer aux élèves
que j’étais ouverte à cette réalité. Étant donné que je demeure à Montréal, j’ai eu
l’occasion dans mes stages précédents et dans mes journées de suppléance de voir cette
réalité comme on retrouve au Sénégal. Dans les écoles montréalaises, on accueille des
élèves de différentes ethnies et de différentes cultures, alors le stage m’a permis de
constater que c’est une réalité que je vais côtoyer durant toute ma carrière et l’ouverture
d’esprit est une attitude à privilégier en tant qu’enseignant. Pour le quatrième stage, je
considère que je vais enseigner avec plus d’aisance et de confiance. Les enfants sont à
l’école pour apprendre et j’ai envie de leur donner le goût et le plaisir d’apprendre. J’ai
aussi réalisé qu’il y a beaucoup de façons d’enseigner. Au Sénégal, c’est toujours
l’enseignant qui explique les leçons, mais les élèves peuvent également apprendre de
diverses façons. Il n’y a pas que l’enseignement direct, mais l’enseignement par approche
inductive, par approche déductive, approche expérimentale, etc. Le stage vécu au Sénégal
a été une expérience incroyable. Je ne regrette rien et je repars avec la tête pleine d’idées
et de créativité en vue du dernier stage de mon baccalauréat.
Sabrina Dolbec
Étudiante au baccalauréat en éducation préscolaire et primaire
Université de Montréal
Réception des invités lors des fiançailles de ma sœur Raïssa à la maison
Quelques enfants et moi lors de la récréation à l’école. On peut voir un baobab derrière.