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2017-12-21
Stratégies et constructions identitaires des locuteurs
de langue française en Alberta : Évolution de la
référence nominative
Macé, Fanny T.
Macé, F. (2017). Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de langue française en
Alberta : Évolution de la référence nominative (Unpublished doctoral thesis). University of
Calgary, Calgary, AB.
http://hdl.handle.net/1880/106235
doctoral thesis
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UNIVERSITY OF CALGARY
Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de langue française en Alberta :
Évolution de la référence nominative
by
Fanny T. Macé
A THESIS
SUBMITTED TO THE FACULTY OF GRADUATE STUDIES
IN PARTIAL FULFILMENT OF THE REQUIREMENTS FOR THE
DEGREE OF DOCTOR OF PHILOSOPHY
GRADUATE PROGRAM IN EDUCATIONAL RESEARCH
CALGARY, ALBERTA
DECEMBER, 2017
© Fanny T. Macé 2017
ii
Abstract
This study focuses on the minority francophone community in Alberta, particularly the
plurality of French speakers living in Calgary and their identity repertoires. Given the
current context of globalization, the Albertan francophone history, and the types of
discourse prevailing in the francophone world, I have concentrated on studying the
evolution of nominative references in relation to the expression of certain identities
involving French. The main objective is to shed light on the interdependence between
languages, cultures, and identities among French speakers who would not necessarily be
recognized and called “francophones”: French-speaking newcomers, immersion graduates,
and francophiles. In order to carry out this project, I proceeded in three stages. First, I
critically analyzed excerpts of newspaper articles written in French representing 20th
century Albertan discursive practices. Then, I distributed a questionnaire to about 100
people and around 50 people completed it. Finally, I interviewed a sample of around 30
participants drawn from the questionnaire, who were selected for their francophone
diversity. The approach promoted throughout this research has been both sociolinguistic
and critical, since it advocates for change.
My research was therefore aimed at examining the linguistic and cultural representations
and ideologies of French speakers living in Calgary through their discourses and dynamics
of closeness and remoteness. The inclusion of various types of French speakers within the
Calgary francophonie allows us to propose a new transcultural alternative reflecting the
global sociolinguistic changes. The underlying idea was to start from the social experiences
and the meaning given to French speakers to build the knowledge needed to understand the
social, cultural and linguistic phenomena involved. From semi-structured interviews, the
iii
voices of various French speakers resonated on themes such as bilingualism and its values:
attraction, prestige, power, language hegemony, and implication of presenting oneself as
francophone, francophile or bilingual, and as Canadian, Franco-Albertan, or Franco-
Canadian.
Keywords: Critical Discourse Analysis; Identity Strategies; Minority
Francophonie; Sociolinguistics for change; Qualitative Method; Transculturalism.
________________________________________________________________________
Résumé
Cette recherche doctorale s’intéresse à la francophonie minoritaire albertaine, en particulier
à la pluralité des locuteurs de français évoluant à Calgary et à leurs répertoires identitaires.
Compte tenu du contexte actuel, du passé francophone de l’Alberta et du type de discours
prévalent en matière de francophonie, je me suis attachée à étudier l’évolution de la
référence nominative en relation à l’expression de certaines identités impliquant le français.
L’objectif principal a été d’approfondir l’interdépendance entre langues, cultures et
identités chez les locuteurs de français que l’on ne qualifierait généralement pas de
« francophones » : les nouveaux arrivants, les finissants de l’immersion et les francophiles.
Pour mener à bien ce projet, j’ai procédé en trois temps : d’abord, à travers une analyse
critique de discours d’articles de journaux représentant les pratiques discursives albertaines
au XXe siècle, puis en proposant un questionnaire de sélection à une centaine de personnes
et enfin, une entrevue à un échantillon d’une trentaine de participants issus du
questionnaire. L’approche défendue tout au long de ce travail s’est voulue
sociolinguistique et critique puisqu’elle s’inscrit d’emblée en faveur du changement. Ma
recherche a donc pour but de se pencher sur les représentations et les idéologies
iv
linguistiques et culturelles des acteurs de la francophonie vivant à Calgary à travers leurs
discours et leurs dynamiques de rapprochement et d’éloignement. L’inclusion au sein de
la francophonie calgarienne de locuteurs ayant le français en partage permet de proposer
une nouvelle alternative transculturelle reflétant les changements sociolinguistiques ayant
lieu dans une telle métropole. L’idée sous-jacente est de partir des expériences sociales et
du sens donné à celles-ci afin de construire le savoir nécessaire à la compréhension des
phénomènes sociolinguistiques en présence. À partir d’entrevues semi-guidées, la voix de
divers locuteurs de français se fait entendre sur des thématiques telles que le bilinguisme
et les valeurs qui lui sont associées : l’attraction, le prestige, le pouvoir, l’hégémonie
linguistique, et l’implication de se présenter comme francophone, francophile ou bilingue
ou comme Canadien, Franco albertain, Québécois ou Franco-Canadien.
Mots-clés : Analyse Critique de Discours; Francophonie Minoritaire; Méthode
qualitative; Sociolinguistique pour le changement; Stratégies identitaires;
Transculturalisme.
v
Remerciements
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué à leur manière, de près
ou de loin, à rendre la rédaction de cette thèse possible. Cela n’a pas été sans heurt mais
c’est ce soutien indéfectible qui m’a permis de terminer ce travail de longue haleine.
D’abord, je voudrais adresser ma plus profonde gratitude à ma superviseure, Dr.
Sylvie Roy. Cela a été un privilège d’avoir l’opportunité de travailler avec une directrice
de thèse francophone sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, la francophonie
minoritaire. Un deuxième privilège qui s’est présenté en cours de chemin, c’est d’avoir eu
la possibilité d’effectuer ce travail de recherche entièrement en français, devenant ainsi la
première étudiante au doctorat de l’École d’Éducation Werklund à rédiger ma thèse en
langue française. Pour moi, qui suis initialement venue de France pour écrire ma thèse en
anglais, cela a été une véritable révélation que d’avoir à me questionner sur la légitimité de
la langue que j’allais utiliser dans la présentation de cette recherche. Ceux qui me liront, et
qui vivent en milieu linguistique majoritaire, ne comprendront certainement pas
l’importance de la portée de cet acte. Jamais, je n’aurais cru que l’aboutissement de ce
parcours doctoral me ramènerait à la case départ en quelque sorte : je suis francophone de
naissance. Mais, en réalité, il n’en est rien! Les perspectives abordées tout au long de ce
travail de recherche m’ont ramenée à un « chez moi » ailleurs, qui est devenu mon « chez
moi ».
Je souhaiterais également exprimer mes plus vifs remerciements aux membres de
mon comité de supervision : Dr. Eileen Lohka et Dr. Ozouf Sénamin Amedegnato pour
leurs conseils et leur soutien de tous les instants. Ils ont su me guider et me rassurer lorsque
j’en ai eu besoin. Je tenais aussi à remercier chaleureusement les membres externes du
vi
comité, Dr. Martine Cavanagh et Dr. Rahat Zaidi, qui ont accepté de nous rejoindre pour
la partie finale de ce projet – leurs remarques et suggestions ont été grandement appréciées
– ainsi que Dr. Katherine Mueller, qui a occupé le rôle de Présidente impartiale (Neutral
Chair) lors de la soutenance.
Un grand merci aussi à tous mes amis, étudiants et collègues de Werklund, de
l’École de Langues, Linguistiques, Littératures et Cultures, de la Faculté des Arts et de
l’Institut Taylor ainsi que de la communauté de l’Université de Calgary qui sauront se
reconnaître; en particulier Dr. Robinson Ayala, Nadine Bésègue, Dr. Veronika Bohac-
Clarke, Dr. Mark Conliffe, Eliana Elkhoury, Dr. James Field, Valère Gagnon, Dr. Angela
George, Dr. Kimberley Grant, Dr. Janet Groen, Dr. Richard Heyman, Riley Klassen-
Molyneaux, Michael Kudi, Patrick Ménard, Dr. Mary O’Brien, Dr. Jim Paul, Ganna
Pletnyova, Dr. Delphine Rajesky, Dr. Tom Ricento, Dr. Elizabeth Ritter, Dr. Friedemann
Sallis, Dr. Mozhdeh Shahbazi, Dr. Anthony Wall, Dr. Ian Winchester, et Brock
Wojtalewicz, qui ont cru en moi, m’ont fait confiance et m’ont chacun aidé à travers ce
parcours exigeant.
J’ai aussi une pensée spéciale pour deux professeurs qui ont su me captiver alors
que je n’étais qu’une étudiante de premier cycle à la Sorbonne-Paris IV : Dr. Liliane Gallet-
Blanchard et Dr. Jean-Claude Redonnet. De plus, les collègues s’intéressant aux questions
de francophonie minoritaire en Amérique du Nord et que j’ai pu rencontrer lors de congrès
et autres conférences méritent que je les mentionne ici car ils ont été sources de respect et
d’inspiration, et ont contribué sans aucun doute à la réflexion nécessaire à l’écriture de
cette thèse : Dr. Suzie Beaulieu, Dr. Estelle Dansereau, Dr. Yves Frenette, Dr. Lise
Gaboury-Diallo, Dr. Monica Heller, Dr. Lucie Hotte, Dr. Yves Labrèche, Dr. Thierry
vii
Léger, Dr. Pierre-Yves Mocquais, Isabelle Monnin, Dr. Pamela Sing, et Dr. Christophe
Traisnel. Je profite également de cet espace pour revenir sur le rôle crucial des participants
à cette étude qui, par leurs remarques et leurs réflexions pertinentes, ont contribué de
manière inestimable à cette recherche.
Finalement, je dédie ce travail à ma famille ici et en France : d’abord, à mon
conjoint, Arnaud, qui m’a accompagnée et soutenue à chaque instant dans ce périple
intellectuel; ensuite, à ma grand-mère, (Marie-)Jeanne, à ma mère, Rose-Andrée, et à ma
sœur, Charlotte, trois générations de femmes qui par leurs attitudes face à la vie m’ont
aidée à me construire et ont contribué à faire de moi qui je suis aujourd’hui; enfin, à mon
père, Hervé, qui n’aura malheureusement pas vu ce travail achevé mais qui m’aura aidé, à
sa manière, à le terminer.
Fanny Macé, Décembre 2017
viii
Dédicace
À Arnaud, sans qui rien de tout cela n’aurait été possible.
ix
Table des matières
Abstract ............................................................................................................................... ii
Résumé ............................................................................................................................... iii
Remerciements .....................................................................................................................v
Dédicace ........................................................................................................................... viii
Table des matières.............................................................................................................. ix
Liste des tableaux ............................................................................................................. xiii
Liste des graphiques et schémas ...................................................................................... xiv
Chapitre 1 : Établir le contexte de recherche général ....................................................1
1.1 Introduction ................................................................................................................1
1.2 Problématique ............................................................................................................3
1.3 Importance et pertinence du problème .......................................................................7
1.4 Contexte particulier de l’étude ...................................................................................9
1.5 Vers une évolution dans la perception de la francophonie canadienne ...................15
1.6 Questions de recherche et positionnement de la chercheuse ...................................19
1.7 Structure de la thèse .................................................................................................21
1.8 Généralisation de l’étude .........................................................................................23
1.9 Concepts clés et définitions de travail .....................................................................24
1.9.1 Identité individuelle : entre identités personnelle et sociale. ..............................25
1.9.2 Distinction entre identités sociale et culturelle. ..................................................26
1.9.3 Représentation sociale et appartenance. .............................................................27
1.9.4 Stéréotypes et attitudes. ......................................................................................29
1.9.5 Francophone et bilingue. .....................................................................................32
1.10 Résumé du chapitre 1 .............................................................................................36
Chapitre 2 : Contexte historique et politiques linguistiques ........................................38
2.1 Contexte historique de la minorité francophone albertaine .....................................38
2.2 Le transculturalisme, alternative au multiculturalisme? ..........................................45
2.3 La politique linguistique albertaine .........................................................................49
2.4 Résumé du chapitre 2 ...............................................................................................51
x
Chapitre 3 : Recension des écrits et cadre théorique ....................................................53
3.1 Du Canada français aux francophonies canadiennes minoritaires ...........................54
3.2. Discours identitaire et idéologies ............................................................................64
3.2.1 Définition du terme discours en relation avec la construction identitaire et la
représentation sociale. .........................................................................................64
3.2.2 Études de discours et analyse du discours. .........................................................66
3.2.3 L’analyse critique de discours (désormais ACD). ..............................................67
3.2.4 Idéologies, attitudes et pouvoir. ..........................................................................71
3.3 Stratégies identitaires et multiples dénominations ...................................................72
3.3.1. Entre identités individuelles et collectives. ........................................................73
3.3.2 Entre identité francophone et identité bilingue. ..................................................75
3.4 De Culture(s) à Transculturel ..................................................................................76
3.5 Résumé du chapitre 3 : Cadre théorique ..................................................................79
Chapitre 4 : Méthodologie...............................................................................................81
4.1 Construction des savoirs et posture épistémologique ..............................................82
4.1.1 Vers un savoir commun construit socialement. ..................................................82
4.1.2 L’approche constructiviste en sciences sociales. ................................................83
4.1.3 Une approche qualitative et interprétative : l’étude de cas. ................................86
4.1.4 Posture épistémologique, rôle de la chercheuse et prise en compte du
lectorat. ...............................................................................................................88
4.2 Procédures de collecte de données : Triangulation ..................................................90
4.2.1. Rôle des articles de journaux. ............................................................................92
4.2.2 Rôle du questionnaire : sélection de mon échantillon de répondants. ................93
4.2.3 Rôle des entrevues semi-structurées : construction du savoir. ...........................98
4.3 Rôle et choix des participants ................................................................................102
4.4 Limites de la recherche ..........................................................................................103
4.4.1 Détermination et délimitation du terrain de recherche. ....................................105
4.4.2 Nature de l’interrogation sur les questions relatives à l’identité et à la
culture. ..............................................................................................................105
4.4.3 Interprétation et transcription : subjectivité du chercheur?...............................106
4.4.4 Données de recensement et polysémie. ............................................................108
4.5 Résumé du chapitre 4 .............................................................................................108
xi
Chapitre 5 : Résultats ....................................................................................................111
5.1 Ce que révèlent les journaux ..................................................................................112
5.2 Ce que révèlent les questionnaires et les entrevues ...............................................131
5.3 Données démographiques. .....................................................................................132
5.3.1 Répartition homme-femme. ..............................................................................132
5.3.2 Tranche d’âge....................................................................................................134
5.3.3 Questions de provenance. .................................................................................138
5.3.4 Identités exprimées. ..........................................................................................141
5.3.5 Langues premières et langues parlées. ..............................................................144
5.3.6 Répertoires linguistiques. ..................................................................................149
5.3.7 Répertoires ethnoculturels. ...............................................................................150
5.3.8 Influence de la scolarité. ...................................................................................152
5.4 Représentation transculturelle de l’identité francophone calgarienne ...................154
5.5 Résumé du chapitre 5 .............................................................................................156
Chapitre 6 : Analyse et Discussion ...............................................................................157
6.1 De multiples appartenances aux appartenances uniques .......................................160
6.1.1 De la citoyenneté d’origine au gentilé de la ville d’arrivée. .............................168
6.1.2 Canadien et …...................................................................................................170
6.2 Des identités englobantes .......................................................................................175
6.2.1 Francophonie canadienne globale : de Canadien-français à Franco-canadien. 177
6.2.2 Définitions du Canadien français en fonction du contexte social. ....................177
6.2.3 Définitions du Franco-canadien en fonction du contexte social. ......................190
6.3 Francophonie canadienne locale : Franco-albertain, Acadien, et autres Franco- ..191
6.3.1 Franco-albertain : Une identité territoriale et linguistique? ..............................191
6.3.2 Acadien .............................................................................................................196
6.3.3 Franco-ontarien .................................................................................................199
6.4 Stratégies identitaires .............................................................................................200
6.4.1 La conformisation et l’anonymat. .....................................................................201
6.4.2 L’assimilation. ..................................................................................................203
6.4.3 La différenciation. .............................................................................................205
xii
6.4.4 Du sentiment d’infériorité à la visibilité sociale : évolution du discours
minoritaire francophone. ...................................................................................208
6.5 Identité bilingue .....................................................................................................213
6.6 Devenir Francophone c’est possible? ....................................................................220
6.7 Résumé du chapitre 6 .............................................................................................227
Chapitre 7 : Conclusions ...............................................................................................228
7.1 Résultats particuliers à l’étude ...............................................................................232
7.2 Corrélation entre l’utilisation des références nominatives et l’idéologie en place 234
7.3 Recommandations pour les recherches futures ......................................................238
Références ........................................................................................................................241
Annexe 1 : Situer Calgary ................................................................................................284
Annexe 2 : Protocole de transcription ..............................................................................285
Annexe 3 : Questionnaire .................................................................................................286
Annexe 4 : Entrevue (questions type) ..............................................................................290
xiii
Liste des tableaux
Tableau 1 : Nombre d’occurrences des 3 références dans les journaux entre 1928 et
2000 ......................................................................................................................... 116
Tableau 2 : Répartition des 3 références nominatives dans La Survivance entre 1926
et 1970 par tranche de 5 ans .................................................................................... 121
Tableau 3 : Répartition des occurrences par tranche de 5 ans dans Le Franco-
albertain .................................................................................................................. 126
Tableau 4 : Représentation de la population calgarienne par tranche d’âge-2011 ........ 138
xiv
Liste des graphiques et schémas
Diagramme circulaire 1 : Pourcentage d’occurrences de « canadien français » dans
les journaux ............................................................................................................. 117
Diagramme circulaire 2 : Pourcentage d’occurrences de « français albertain » dans
les journaux ............................................................................................................. 118
Diagramme circulaire 3 : Pourcentage d’occurrences de « francophone » dans les
journaux .................................................................................................................. 119
Diagramme circulaire 4 : Répartition en pourcentage des 3 références dans La
Survivance ............................................................................................................... 122
Diagramme circulaire 5 : Répartition en pourcentage des 2 autres références lorsque
« canadien français » est à son paroxysme (1931-35) dans La Survivance ............ 123
Diagramme circulaire 6 : Répartition en pourcentage des 2 autres références lorsque
« franco albertain » est à son paroxysme (1946-50) dans La Survivance ............... 124
Diagramme circulaire 7 : Répartition en pourcentage des 2 autres références lorsque
« francophone » est à son paroxysme (1961-65) dans La Survivance .................... 125
Diagramme circulaire 8 : Répartition des références « canadien français » ; « franco
albertain » et « francophone » dans Le Franco-albertain ...................................... 126
Diagramme circulaire 9 : Répartition des références lorsque « francophone » est à
son paroxysme (1991-95) dans Le Franco-[albertain] .......................................... 127
Diagramme circulaire 10 : Répartition des références lorsque « franco albertain » est
à son paroxysme (1986-90) dans Le Franco-[albertain]........................................ 128
Diagramme circulaire 11 : Répartition des références lorsque « canadien français »
est à son paroxysme (1976-80) dans Le Franco-[albertain] .................................. 129
Diagramme en colonnes 1 : Répartition des termes « canadien français », « franco
albertain » et « francophone » dans La Survivance entre 1931 et 1966 .................. 130
Diagramme en colonnes 2 : Répartition des termes « canadien français », « franco
albertain » et « francophone » dans Le Franco-albertain entre 1967 et 1995 ........ 131
Diagramme circulaire 12 : Répartition questionnaires / entrevues .............................. 132
Diagramme circulaire 13 : Ratio hommes / femmes dans les questionnaires .............. 132
Diagramme circulaire 14 : Ratio hommes / femmes dans les entrevues ...................... 133
xv
Diagramme en colonnes 3 : Comparaison ratio homme-femme dans les
questionnaires et les entrevues ................................................................................ 134
Diagramme en colonnes 4 : Répartition par tranche d'âge ........................................... 135
Diagramme circulaire 15 : Répartition par tranche d'âge dans les questionnaires ....... 135
Diagramme circulaire 16 : Répartition par tranche d'âge dans les entrevues............... 136
Diagramme circulaire 17 : Population calgarienne par tranche d'âge-Statistique
Canada 2011 ............................................................................................................ 137
Diagramme circulaire 18 : Représentation générale de la population calgarienne-
2011 ......................................................................................................................... 138
Diagramme en lignes 1 : Pays d'origine des répondants - Questionnaires .................... 139
Diagramme en lignes 2 : Pays d'origine des répondants - Entrevues ............................ 140
Diagramme en lignes 3 : Province d'origine des répondants - Questionnaires &
Entrevues ................................................................................................................. 141
Diagramme en colonnes 5 : Identités exprimées en fonction du temps passé en
Alberta ..................................................................................................................... 142
Diagramme circulaire 19 : Précision sur les identités exprimées ................................. 143
Diagramme circulaire 20 : Langues premières ............................................................ 145
Diagramme circulaire 21 : Langues parlées ................................................................. 145
Diagramme en colonnes 6 : Langues dans l'enfance .................................................... 147
Diagramme en colonnes 7 : Langues à présent ............................................................. 147
Diagramme circulaire 22 : Répertoires linguistiques ................................................... 149
Diagramme circulaire 23 : Autres combinaisons linguistiques .................................... 150
Diagramme circulaire 24 : Répertoires ethnoculturels ................................................. 151
Diagramme circulaire 25 : Types de scolarité .............................................................. 152
Schéma 1 : Représentation transculturelle de l’identité francophone calgarienne ......... 155
1
Chapitre 1 : Établir le contexte de recherche général
L’intervention sociale est une visée majeure d’une « science avec conscience » en général et des
travaux sociolinguistiques en particulier. (Blanchet, 2004, p. 32)
1.1 Introduction
La francophonie au Canada, définie comme une « notion aux multiples contours »
(Statistique Canada, 2011b), est une réalité sociale au sens de Sandstrom, Lively, Martin
& Fine (2014)1 qui s’inscrit, aujourd’hui, non seulement, dans les contextes canadiens de
dualité linguistique et de multiculturalisme (contextes fragilisés) mais aussi, à une échelle
plus macroscopique, dans celui du transculturalisme et de la mondialisation. Suivant cette
logique, la crise économique mondiale de 2008 (Grande Récession) et ses diverses
conséquences ont profondément modifié le paysage démographique canadien qui demeure
en constante évolution. Ainsi, en 20112, les Canadiens nés à l'étranger représentent plus de
6,5 millions de personnes, soit 20,6% de la population totale canadienne (Statistique
Canada, 2011b). Ces nouveaux arrivants apportent avec eux différentes pratiques
sociolinguistiques et culturelles puisqu’ils utilisent plus de deux cents langues quand on
comptabilise les langues maternelles et celles parlées à la maison (Statistique Canada,
2011b). Dans ce contexte pluriel, les questions d’appartenance culturelle, ethnique,
linguistique et sociale s’expriment en différents termes selon les fluctuations, les
1 Selon la perspective (psychologie sociale au sein de la discipline plus large de la sociologie) de ces
auteurs, la réalité sociale appelée aussi « interactionnisme symbolique » est « créée, négociée, et évolue au
cours des interactions sociales » (4e de couverture, 2014). 2 La présente étude se base sur les chiffres du recensement de 2011 car ils constituaient un ensemble fermé
analysable lors de la rédaction de cette thèse.
2
modifications, les variations sociales auxquelles ces locuteurs de français sont confrontés.
Des négociations entre les diverses communautés de langue française et les différents
paliers de gouvernements s’avèrent indispensables car les politiques actuelles ne peuvent
souvent répondre que partiellement aux modifications culturelles, linguistiques et sociales
en cours. Par exemple, les communautés établies historiquement ne sont pas toujours en
mesure d’accueillir des nouveaux venus dont les pratiques socio-langagières et culturelles
se distinguent trop des leurs (Kymlicka, 1998). Le Canada se retrouve ainsi confronté à de
nouvelles problématiques parmi lesquelles l’inclusion non seulement de nouveaux
arrivants se réclamant des minorités de langue officielle mais aussi d’autres publics
(finissants des programmes d’immersion par exemple) utilisant la langue française à des
degrés divers.
Redéfinir ce qui constitue les identités ethnolinguistiques et culturelles des
différents locuteurs de langue française vivant en situation minoritaire au Canada se révèle
ainsi nécessaire afin de mieux cerner et appréhender la question identitaire sous l’angle de
sa construction, en prenant en compte la « constitution de nouveaux répertoires de
référents » (Labrie dans Bélanger, Garant, Dalley, & Desabrais (dir.), 2010), voire de « ses
stratégies » (Camilleri, Kastersztein, Lipiansky, Malewska-Peyre, Taboada-Leonetti &
Vasquez, 1990). Le but étant, pour ces acteurs sociaux, de s’inclure, de se sentir inclus et
d’être effectivement inclus dans la francophonie canadienne selon une logique
transculturelle. Selon Slimbach (2005),
Transculturalism is rooted in the quest to define shared interests and
common values across cultural and national borders. At its best, it comes to
3
the forefront in transnational efforts to address consequential global issues
such as personal prejudice, group violence, environmental protection, and
human rights. Effective personal and collective responses to complex
quality-of-life issues have always depended upon some level of cultural
awareness.
Suivant cette perspective, j’avance ainsi que dans le contexte multiculturel
calgarien3, la notion de francophone doit être élargie afin d’accroître la visibilité de la
francophonie calgarienne et de l’inclure dans la pluralité, résultat de l’époque postmoderne
et mondialisée dans laquelle nous vivons.
1.2 Problématique
Language and culture [are] central to the evolution of a national policy of multiculturalism within
a bilingual framework. (Haque, 2012, p. 139)
À une époque où redéfinir la communauté francophone de l’Alberta s’avère
indispensable (Violette dans Leblanc, Martineau & Frenette (dir.), 2010, p. 267), il est
devenu crucial de s’interroger sur le rapport entre le fait de parler français à Calgary et la
manière de se présenter non seulement vis-à-vis de soi-même mais aussi d’autrui. En
conséquence, il s’agit de se pencher sur la question d’appartenance en relation à ses langues
et cultures affichées ou non. En d’autres termes, est-ce que le seul fait de parler français en
milieu minoritaire modifie le sentiment d’appartenance à une communauté culturelle
3 Dans ce travail de recherche, j’ai choisi d’utiliser le terme « calgarien » tel que préconisé dans le
dictionnaire Termium Plus publié par le gouvernement du Canada :
http://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha-
fra.html?lang=fra&i=1&srchtxt=calgarien&index=alt&codom2nd_wet=1#resultrecs
4
particulière? Quels sont les critères qui vont faire basculer le bilingue ou le multilingue
vers le francophone et vice-versa?
La communauté francophone est une construction discursive. En Alberta, en
général, et à Calgary, en particulier, le discours ayant trait à la francophonie minoritaire a
plutôt lieu en français. Comme nous le suggère Heller (2002), le chercheur doit se
questionner sur la pertinence de la diffusion de sa recherche surtout lorsque cette dernière
a lieu en français. Il faut dès lors garder présent à l’esprit que « chaque texte, chaque
communication constitue un choix politique » (Ibid., p. 3); la légitimité de la notion de
communauté passant par le discours ainsi que par la langue dans laquelle ce discours a lieu,
quelle serait la légitimité de la communauté francophone si ce dernier ne se faisait qu’en
anglais? Au final, l’appréhension de la notion de communauté n’est pas universelle et
soulève également la problématique de l’appartenance.
Communities are not necessarily place-bound, and the traditional influences
of geography, topography, and climate are much less fixed than in days past.
Increasing numbers of people are now explicitly “transnational” in their
orientation, migrating from homeland to other places for work or study, but
maintaining their ties to home. (Angrosino & Rosenberg dans Denzin &
Lincoln, 2011, p. 472).
Dans ce contexte, que signifie « francophone », « francophile » ou « bilingue »
pour des locuteurs de français dans un milieu minoritaire urbain tel que Calgary? Est-ce
que les frontières entre ces trois termes sont aussi étanches qu’il n’y paraît à première vue?
Où se placent les termes de « Canadien-français » et de « Franco-albertain » dans ce
5
continuum? Est-ce que ces différents termes sont liés à des formes identitaires particulières
(cf. hybridité par exemple)?
À l’heure actuelle peu de recherches sur la francophonie albertaine s’intéressent au
milieu urbain et au particularisme de la francophonie calgarienne. Tout au plus devrait-on
mentionner les travaux de Hébert (1993, 2010, 2013); Hébert, Wanner & Acapovi (2009);
Hébert, Wilkinson, Ali & Oriola (2008); Roy & Gélinas (2004) et Stebbins, (1994, 1996).
Si l’on se tourne vers les recherches sur les identifications des jeunes francophones en
milieu minoritaire elles s’entendent pour dire que les jeunes continuent de s’identifier
comme canadiens-français et comme bilingues parmi d’autres étiquettes identitaires
(Bernard, 1998; Boissonneault, 2004; Deveau & Landry, 2007; Duquette, 2004, 2006;
Gérin-Lajoie, 2003, 2004; Hébert, Wilkinson, Ali & Oriola, 2008; Pilote, 2003, 2006,
2007a, 2007b, 2014; Pilote & Magnan, 2012; Pilote & Molgat, 2010). Dans le contexte de
la mondialisation plus prégnant que jamais, les nouvelles générations ainsi que les
nouveaux arrivants voient au-delà du local et se tournent vers le global quant à leur prise
de conscience identitaire et à leurs différents groupes d’appartenance. Alors que pour
certains il est toujours question de frontières, d’identité, de définition de la communauté et
du sens d’appartenance (Denis, 2006, 2008), pour d’autres, les identités s’avèrent pour
ainsi dire plus fluides et mouvantes comme le résume Braidotti (2006, cité dans Frosh &
Baraitser, 2009, p. 159) :
The effects of globalization and technology in particular mean that
according to such theorist, the fragmented and unstable subject of post-
modernity has now given way to the ‘post-human’ subject: a
6
technologically mediated, fluid, ethical nomadic, simultaneously global
and locally produced subject.
La question de la diversité se pose dorénavant en différents termes dès lors que l’on
décide d’inclure dans les rangs des francophones, les finissants des programmes
d’immersion, les personnes bilingues ou multilingues (niveaux B2, Cadre Européen de
Référence, CECR ou 8, Niveaux de Compétence Linguistique Canadiens, NCLC) et les
nouveaux arrivants, dont le français constitue la première langue officielle parlée
(désormais PLOP), utilisant toujours le français au moins de manière régulière (études,
travail, maison), et que l’on décide de nommer ce nouvel ensemble « Francophones ». Le
choix du critère de compétence à un niveau B2 du CECR ou au niveau 8 de l’échelle NCLC
permet de se questionner sur la corrélation entre le fait pour un locuteur d’une langue
seconde ou additionnelle de parvenir à un certain niveau de compétence et de s’identifier
d’une manière particulière (Abdallah-Pretceille, 1991; Charaudeau, 2001). Les niveaux de
compétence retenus dans le cadre de cette recherche correspondent à ce que l’on appelle
généralement « intermédiaire/pré-avancé ». La pertinence du choix de ce niveau (B2-8)
repose sur deux facteurs : le premier est que les finissants d’immersion en Alberta
atteignent en général ce niveau (du moins dans certaines compétences) à la fin de leur
douzième année; et que ce niveau constitue un prérequis pour aller étudier dans de
nombreuses universités francophones de par le monde.
Comme nous le rappelle Charaudeau (2001), il faut bien entendu garder à l’esprit,
le fait, qu’à une certaine époque, la langue était considérée comme la clé de voute de
l’expression d’une identité collective. Ce rôle identitaire faisait que les locuteurs d’une
7
même langue et surtout d’une même variété pouvaient « se reconnaître comme appartenant
à une collectivité unique » (Ibid., p. 341). Aujourd’hui, ce n’est pas seulement la langue
qui se trouve au centre de l’expression d’une identité linguistique commune mais plutôt les
discours, c’est-à-dire les usages de cette langue au sein d’une communauté que l’on
pourrait nommer discursive (Charaudeau, 2001) ou en anglais « communities of practice »
(Pyrko, Dörfler & Eden, 2017).
Afin de rendre la francophonie calgarienne plus inclusive à l’égard de catégories
qui, jusqu’à présent en étaient exclues, mon objectif principal sera de montrer comment les
nouveaux membres de cette francophonie cherchent tout d’abord à la définir afin de s’en
sentir inclus ou exclus. Dans le cadre de cette recherche, l’analyse de contenu d’anciens
numéros de journaux francophones albertains a été nécessaire puisqu’elle nous a permis de
situer la francophonie calgarienne actuelle en fonction d’une construction discursive
préexistante. Cependant, il s’est également avéré indispensable de compléter ce discours
par la trame narrative des participants à l’étude, témoignage inestimable nous permettant
de cibler les spécificités de la francophonie plurielle calgarienne actuelle. Ce faisant, cette
recherche s’inscrit donc à la fois dans le changement et dans une certaine continuité.
1.3 Importance et pertinence du problème
Depuis 2007, on assiste à un changement de paradigme en ce qui a trait à la
démographie canadienne. En effet, alors que l’Ontario a continuellement affiché la plus
forte croissance démographique entre 1979 et 2006, la situation a changé depuis,
positionnant les trois provinces des Prairies en tête de ce classement entre 2011 et 2014;
8
une situation jamais expérimentée au cours des quatre décennies précédentes et
s’expliquant par une augmentation du solde migratoire international. En effet, dès 2008, le
poids démographique des provinces situées à l’ouest de l’Ontario a dépassé celui de celles
situées à l’est de l’Ontario (Statistique Canada, octobre 2015). Si l’on se penche à présent
sur la situation albertaine, on peut ajouter à ce premier élément deux autres facteurs ayant
contribué à cette croissance : une forte augmentation migratoire interprovinciale assortie
d’un fort accroissement naturel. Ainsi, la proportion de personnes nées ailleurs qu’en
Alberta (que ce soit dans une autre province ou territoire (26%) ou à l’étranger (20%))
s’élève au total à 46% (Ibid., 2015). Il est pertinent de prendre en compte ces changements
démographiques car ils commencent déjà à avoir des répercussions sur les sociétés
canadienne, albertaine et calgarienne. Cette diversité ethnoculturelle accrue nécessite déjà
une réflexion collective quant aux questions identitaires, comme le révèle, dans le cas du
Québec, le récent article4 de Danielle Beaudoin (Radio-Canada) qui reprend les
problématiques liées au fait de parler français et l’expression d’une identité culturelle
québécoise dans le contexte de 40 ans d’implémentation de la loi 1015.
Dans ce contexte de mutation démographique sans précédent il apparaît que
catégoriser à outrance dessert la francophonie en général et la francophonie minoritaire en
particulier. Mon but est de prouver que le recours à certains termes tels que « Canadien
français » et « Franco albertain » se fait aujourd’hui dans des contextes particuliers et que
4 « La crise identitaire des enfants de la loi 101 »; http://beta.radio-canada.ca/nouvelle/1049353/crise-
identitaire-enfants-loi-101-francais-quebec; 18 août 2017 5 La loi 101 ou Charte de la langue française mise en place en 1977 fait du français la seule langue
officielle au Québec
9
d’autres termes peuvent s’avérer plus inclusifs en situation de francophonie minoritaire
urbaine. Mon objectif sera ainsi de démontrer que la prescription en matière de
catégorisation n’est peut-être plus la solution. L’expérience de la vie en français à Calgary
nous incite à voir plus loin et nous permet de comprendre en quoi la notion de stratégies
identitaires peut répondre à nos besoins de Francophones minoritaires. Ainsi, Taboada-
Leonetti (dans Camilleri et al., 1990) nous rappelle que le recours à la notion de « stratégie
identitaire » incarne « le refus des identités prescrites et des rapports sociaux qui les
légitiment […] » (p. 76).
1.4 Contexte particulier de l’étude
La présente étude s’est ainsi donné l’objectif d’étudier de plus près le contexte
francophone du sud de l’Alberta, en particulier celui de la ville de Calgary. Pour ceux qui
ne se sentiraient pas très familiers avec le contexte canadien, je me permets de dire deux
mots sur cette région de l’Ouest canadien qu’est l’Alberta6. Cette province est bordée à
l’Ouest par la Colombie Britannique, à l’Est par la Saskatchewan, au Nord par les
Territoires du Nord-Ouest et au Sud par l’État américain du Montana. L’Alberta est une
province dynamique abritant en son sein des ressources naturelles telles que le gaz et le
pétrole et comptant au recensement de 2011 plus de 3,5 millions d’habitants (Statistique
Canada, 2012a) qui se répartissent principalement entre les deux grandes villes de la
province. Au Nord, se trouve Edmonton, la capitale provinciale, et à environ 300 kms au
6 Voir cartes de l’Alberta en annexe 1 : Situer Calgary ; p. 284 de cette thèse.
10
Sud, Calgary7, centre d’affaires multiculturel et dynamique situé à environ 1 heure des
Rocheuses.
L’exemple de l'Alberta illustre particulièrement bien ce phénomène de
transformation démographique puisque selon les données de recensement de 2011, « le
taux d'accroissement de la population ayant le français comme langue maternelle ou
comme langue parlée le plus souvent à la maison a été le plus important entre 2006 et
2011 » (Statistique Canada, 2012b). La population francophone (langue maternelle) de
l'Alberta croît plus vite que toute la population de langue française au Canada passant ainsi
de 68 435 à 81 085, soit une hausse de près de 13 000 personnes entre 2006 et 2011 ce qui
constitue une augmentation de plus de 18 %. À ces chiffres s’ajoutent aussi ceux des
individus ayant déclaré le français comme langue parlée à la maison (74 220 en 2011 contre
56 685 en 2006, soit une variation de 31%) ainsi que ceux dont le français constitue la
première langue officielle parlée (62 790 en 2006 et 71 370 en 2011, soit une variation de
presque 14%). Cependant, c’est lorsque l’on se réfère aux personnes capables de soutenir
une conversation en français que l’on obtient le nombre de locuteurs le plus important :
238 770 en 2011 comparé à 225 085 en 2006 mais aussi la variation la plus faible avec 6%.
L’Alberta occupe ainsi le cinquième rang de la population bilingue canadienne (Statistique
Canada, 2012). On peut sans doute expliquer ce phénomène en invoquant les fluctuations
des conditions économiques et sociales; ces dernières ayant régi la demande en matière de
compétences, en particulier linguistiques. L'Alberta affiche ainsi le taux le plus élevé de
7 Pour de plus amples informations, référez-vous à Encyclopédie canadienne;
http://encyclopediecanadienne.ca/fr/article/calgary-6/
11
passation du DELF (Diplôme d'études de langue française) au Canada avec un total de 2
219 candidats évalués en 2014-15 ayant obtenu un taux de réussite de 94 % (Secrétariat
francophone, 2017).
Afin de compléter ce panorama tournons-nous maintenant vers les chiffres des
élèves fréquentant les écoles francophones et les programmes d’immersion ou de français
langue seconde (désormais FLS) : force est de constater que « le nombre d'élèves inscrits
dans les programmes de langue française en Alberta est en augmentation constante et se
chiffre à 198 264, [ce qui représente] 29 % des élèves de la maternelle à la 12e année en
2014-15 » (Secrétariat francophone, 2017). Toujours selon les chiffres de 2014-15, ces
programmes se répartissent leurs étudiants de la manière suivante : 42 285 étudiants
fréquentent les programmes d'immersion française, soit 6,3 % de la population scolaire
albertaine; 148 711 élèves suivent les programmes de FSL alors que 7 430 élèves
fréquentent les écoles francophones (Ibid., 2017). Malgré la prudence qui s’impose lors de
la lecture de ces résultats, l’on remarque que leur analyse nous permet d’affirmer que
l’Alberta a déjà amorcé des changements sociolinguistiques qui auront sans doute des
répercussions sur la manière dont on nomme et dont se nomment les locuteurs de français
dans la province. Pour finir, l’Alberta compte 3 645 257 personnes, ce qui représente déjà
une variation de 10,8 % par rapport à 2006. À titre de comparaison, la moyenne nationale
canadienne ne s’élève qu’à 5,9% (Statistique Canada, 2012). Dans ce contexte, la région
métropolitaine de Calgary comptabilise la plus forte augmentation (12,6% par rapport à
2006) de la province avec 1 214 839 habitants recensés. On peut donc imaginer que cet
accroissement démographique va avoir un impact sur le nombre de ceux que l’on peut
12
identifier comme francophones. Par conséquent, définir précisément qui sont les locuteurs
de langue française aujourd’hui en Alberta s’avère-t-il un enjeu crucial. À un moment où
les locuteurs de français vivant en Alberta sont issus de contextes ethnolinguistiques et
culturels plus hétérogènes et hybrides que jamais, les notions d’identité « canadienne-
française » et « franco-albertaine » ne semblent plus fournir une représentation fidèle et
satisfaisante de l’ensemble de la minorité de langue française albertaine. Dans ce nouveau
contexte, l’on s’interrogera sur la manière d’appréhender, de définir et de nommer le
groupe de langue officielle minoritaire en Alberta. Ceci nous amène à nous interroger sur
la pertinence du seul critère linguistique. Suffit-il à insuffler un sentiment d’appartenance
à la communauté des locuteurs de français vivant en Alberta, paramètre nécessaire à
l’expression d’une identité linguistique et culturelle collective? Ou est-ce que ces locuteurs
particuliers n’ont que la langue de Molière en commun? Finalement le fait de parler une
même langue, de surcroit minoritaire en Alberta, se révèle-t-il déterminant quant à
l’expression d’une culture et d’une identité communes?
C’est dans cette optique que « le concept d'une identité collective francophone » en
Alberta tel que questionné par Thompson (2011, p. 265) peut paraitre alléchant de prime
abord ; cependant, quand on y regarde de plus près, le recours à l’utilisation de l’adjectif
« francophone » s’avère particulièrement problématique même si la gamme de définitions
correspondant à francophones ne cesse de s’accroître. Au Canada, dans l’inconscient
collectif, il semble que seuls les locuteurs de langue maternelle française puissent jouir de
la légitimité que leur confère le statut de « francophones de langue maternelle française ».
Si l’on se penche toutefois sur l’ensemble des définitions proposées par Statistique Canada,
13
il peut être intéressant de les comparer. Comme le font remarquer Forgues, Landry &
Boudreau (2009) :
Deux définitions courantes permettent de définir la population francophone
du Canada. La première comptabilise le nombre de personnes dont la langue
maternelle est le français, c’est-à-dire la première langue apprise et encore
comprise. Elle exclut [ainsi] les personnes dont le français n’est pas la
langue maternelle, mais qui parlent le français le plus souvent à la maison
et même celles qui, des deux langues officielles, ne connaissent que le
français. La seconde utilise une variable dérivée à partir des données portant
sur la connaissance des deux langues officielles, la langue maternelle et la
langue la plus souvent parlée à la maison. C’est la définition dite de la
« première langue officielle parlée » (PLOP).
Pour les besoins de cette recherche, j’ai ainsi choisi de travailler avec une définition
élargie de « francophone » et que j’identifie visuellement comme Francophone (dans le
sens plus général et inclusif de ceux qui parlent et utilisent le français de manière régulière).
Ainsi, j’ai intégré à ma recherche non seulement des francophones dont le français
constitue la langue maternelle mais également des locuteurs de français dont la compétence
de production orale s’élève à un niveau B2 (CECR) ou niveau 8 (NCLC) au sens
linguistique du terme. En conséquence, les participants retenus sont-ils capables :
(…) [de] comprendre le contenu essentiel de sujets concrets ou abstraits
dans un texte complexe, y compris une discussion technique dans [leur]
spécialité. Il[s] peu[ven]t communiquer avec un degré de spontanéité et
14
d’aisance tel qu’une conversation avec un locuteur natif ne comporte de
tension ni pour l’un ni pour l’autre. Il[s] peu[ven]t s’exprimer de façon
claire et détaillée sur une grande gamme de sujets (…) (B2, Description
globale, p. 25, CECR)
[De] comprend[re], dans des situations prévisibles ou imprévisibles,
tant formelles qu’informelles, les idées principales et certaines idées
secondaires de propos ou de discours qui traitent de sujets concrets ou
quelque peu abstraits liés à l’expérience personnelle ou professionnelle, à
la culture générale ou à certains domaines de spécialité. Il[s] peu[ven]t
comprend[re] l’intention de communication, les affirmations, les
explications et les exemples, releve[r] des informations explicites et
implicites, infér[er] le sens de certains mots et expressions et suivre des
conversations rapides entre locuteurs natifs qui n’ont pas un accent
prononcé et n’emploient pas de régionalismes. (Niveau 8, Performance
globale, p. 47, NCLC)
Si l’on se réfère au CECR et au NCLC, l’utilisateur B2 ou de niveau 8 est un
locuteur de langue française intermédiaire/pré-avancé indépendant; c’est-à-dire dans le
contexte de mon enquête, tout à fait capable d’interagir dans une situation de
communication visant à répondre à un questionnaire puis à participer à une entrevue en
français.
15
1.5 Vers une évolution dans la perception de la francophonie canadienne
Selon Statistique Canada, en 2011, le nombre de Canadiens déclarant pouvoir
soutenir une conversation en français s’élevait à environ 10 millions de personnes, soit un
peu moins d’un tiers (30,1%) de la population canadienne totale (33,1 millions). Il est
pertinent de noter, que parmi ces 10 millions de locuteurs, 10,6 % (soit environ 1,6 million
de locuteurs) n’ont pas appris le français comme langue maternelle. Ainsi, si l’on se réfère
aux résultats du recensement de 2011, ils nous révèlent que les locuteurs de langue
française se répartissent en différents groupes en fonction de leurs expériences
ethnolinguistiques, culturelles et sociales : ceux dont le français constitue la langue
maternelle (7,3 millions), la langue d’usage à la maison au moins régulièrement (7,9
millions) et la première langue officielle parlée (7,7 millions de locuteurs) (Statistique
Canada, 2011a). Même si ces chiffres accusent une légère baisse, proportionnellement à
l’augmentation de la population canadienne générale, il est pertinent de remarquer la part
prépondérante que représentent à présent les locuteurs pouvant « soutenir une conversation
en français », ou ceux dont le français constitue soit « la principale langue d'usage à la
maison », soit « la première langue officielle parlée » (Statistique Canada, 2011a). En
suivant cette même logique, l’on est en droit de s’interroger sur la pertinence de l’inclusion
dans une telle communauté « francophone » (dans le sens plus général et inclusif de ceux
qui parlent le français et l’utilisent au moins de manière régulière que ce soit à la maison,
à l’école ou encore au travail) non seulement des nouveaux arrivants mais aussi des
étudiants canadiens issus de l’immersion française voire des programmes de français
16
langue seconde (ayant atteint les niveaux de compétence précisés précédemment) et qui se
définissent souvent comme bilingues ou multilingues.
On est donc, à présent, en mesure de se demander, quel est le rapport entre la part
accordée à la langue et à la culture d’expression française et le choix des étiquettes
identitaires dont ces locuteurs se réclament. Afin de cerner la situation actuelle dans
laquelle évolue cette problématique, il conviendra d’explorer les différents contextes
historico-politiques dans lesquels s’inscrit la francophonie minoritaire canadienne en
général mais aussi la francophonie albertaine en particulier, cette dernière faisant plus
particulièrement l’objet de notre étude. Je mènerai cette entreprise en utilisant un cadre
théorique basé sur la sociolinguistique critique du changement (Heller, 2002, 2007a,
2007b, 2008, 2011; voir aussi Auger, Dalley & Roy, 2007; Boutet & Heller, 2007; Dalley
& Roy, 2008) en relation avec le post-socioconstructivisme ou plutôt « le socio-
constructivisme postmoderne » pour reprendre les mots exacts de Hottois (2005, p. 47)
dans un contexte transculturel (Cuccioletta, 2001-2; Slimbach, 2005).
Inclure « la sociolinguistique pour le changement » (Auger, Dalley, & Roy, 2007;
Dalley & Roy, 2008) dans mon cadre conceptuel, révèle un double objectif : introduire,
d’une part, une dimension discursive et critique à mon analyse et permettre, d’autre part,
l’émergence d’une réalité co-construite dont l’objectif serait le changement à travers la
discussion et le débat. Afin de mieux comprendre ce qui constitue le socle de « la
sociolinguistique pour le changement » et suite à ce qu’en disent Auger, Dalley, & Roy
(2007), je me donc suis penchée sur un article de Heller (2014) dans lequel elle nous
rappelle que l’approche sociolinguistique critique (Heller, 2002, 2007a, 2007b, 2011) se
17
situe dans la lignée de ce qui constitue la sociolinguistique pour Gumperz : une
sociolinguistique intrinsèquement interactionnelle, puisqu’elle se base sur des indices
contextuels et qu’elle cherche à comprendre comment les locuteurs co-construisent le sens
en interaction, lui conférant ainsi une dimension dynamique, voire constructiviste. Dans un
deuxième temps, l’approche socioconstructiviste que j’ai souhaité privilégier est le « socio-
constructivisme postmoderne » d’Hottois (2005). Pour cet auteur, le postmodernisme est
fondé sur six principes :
(1) [l’]hyperculturalisme (valorisation de la richesse culturelle et
historique); (2) [le] refus des différences hiérarchisantes et des dichotomies
qui y sont associées (aucune préférence ne peut être universalisée et
objectivement fondée); (3) [l’]abandon des grands récits de légitimation; (4)
[un] projet politique favorable à la démocratie et au cosmopolitisme; (5)
[une] prise de distance par rapport à toute revendication de la Raison, de
l’Absolu, de la Vérité, etc.; (6) [l’]importance du consensus pour gérer les
conflits inévitables engendrés par la diversité des perspectives (Hottois,
1998 cité dans Jacquemain & Frère (dir.), 2008, p. 112)
De plus, suivant les principes énumérés ci-dessus, Hottois ajoute, dans son ouvrage
de 2005, que la démarche socioconstructiviste postmoderne « valorise les mélanges, les
métissages, l’hybridation généralisée » (p. 47) et se doit de ne pas extérioriser les contextes
historico-culturels mais plutôt les intégrer au processus étudié. Dans un troisième temps,
j’ai décidé d’ajouter l’aspect transculturel à ce cadre conceptuel car il permet d’aborder les
thématiques à l’étude sous un angle valorisant les intérêts collectifs et les valeurs
18
communes au-delà des frontières nationales et culturelles (Slimbach, 2005). De plus, le
transculturalisme ou « multiculturalisme social » (Cuccioletta, 2001-2) propose une vision
pluraliste de la société canadienne dans laquelle l'un des principaux objectifs est de « se
voir dans l'autre » [seeing oneself in the other] ce multiculturalisme a aussi été appelé
« critique » sous la plume de Dubé (2009, p. 26). Il le définit d’ailleurs comme suit : « [le]
Multiculturalisme critique […] valorise la diversité dans sa fécondité pour une véritable
inclusion de l’autre dans la structuration sociale et identitaire de l’avenir francophone ».
Cette progression de la vision du multiculturalisme permet d’envisager le transculturalisme
comme alternative.
L’outil conceptuel ainsi développé me permettra de revisiter et de mettre en relation
les notions d’appartenance, de stratégie identitaire et d’idéologie linguistique. À travers
une analyse critique des différents discours composant mon corpus constitué à la fois de
sources écrites (journaux albertains de langue française et questionnaires) et de sources
orales (entrevues individuelles), je proposerai une grille d’analyse permettant d’interroger
la relation entre le fait de parler français et les références nominatives linguistiques et
culturelles dont se réclament ces locuteurs dans la situation socio-culturelle et linguistique
calgarienne actuelle. Cette entreprise me permettra ainsi d’explorer sous un jour nouveau
l’identité francophone albertaine contemporaine en me penchant en particulier sur le
contexte urbain et pluriel de la ville de Calgary.
19
1.6 Questions de recherche et positionnement de la chercheuse
C’est à travers mon cheminement identitaire de nouvelle arrivante francophone à
Calgary qu’a commencé ce parcours doctoral. Je me suis rapidement demandé si le fait
d’être francophone (critère de langue maternelle) et de vivre en Alberta faisait
nécessairement de moi une Franco-albertaine. Cette question s’est tout d’abord posée à ma
propre échelle; est-ce que je me présentais en utilisant le terme de Franco-albertaine? Est-
ce que le fait de parler français et de vivre dans un certain lieu où cette langue est utilisée
(même de manière minoritaire) sont des critères suffisants quant à l’expression, dans notre
cas, d’une culture francophone? Est-ce que l’utilisation de certaines étiquettes telles que
« Canadiens-français, Franco-albertain » ne se limite-t-elle pas qu’à certains contextes très
spécifiques? Je voulais en apprendre davantage sur ces questions et c’est pour cela que j’ai
décidé dans un premier temps de me pencher sur des articles de journaux communautaires
dans lesquels ces deux mots en particulier étaient utilisés. Dans un deuxième temps, j’ai
voulu explorer ce que les gens concernés en pensaient (Francophones calgariens définis
selon les critères précédemment énoncés). La deuxième partie de mon cheminement s’est
faite en relation à mon expérience d’enseignante de français langue seconde et de
coordinatrice de l’examen international du DELF-DALF à l’Université de Calgary. Y-
avait-il une corrélation entre le niveau qu’un locuteur atteint dans une langue et le sentiment
d’appartenance à une quelconque forme de culture en relation avec cette langue? À partir
de quelle compétence est-ce que ce sentiment s’exprime? Est-ce un critère propre à chacun
ou y-a-t-il une forme de consensus quant au moment où l’on peut se targuer de l’appellation
« francophone »? De plus, est-ce que l’inclusion de certains acteurs sociaux remplissant
20
les critères linguistiques permettent d’affirmer l’expression d’une culture particulière? Par
ailleurs, on est donc en droit de se demander, quel est le rapport entre la part accordée à la
langue et à la culture d’expression française et le choix des étiquettes identitaires dont on
se réclame? Finalement, est-ce que le concept de stratégie identitaire peut permettre aux
finissants d’immersion et aux francophiles ayant atteint une certaine compétence
linguistique et continuant à utiliser le français au moins régulièrement de s’auto-catégoriser
comme francophones? En d’autres termes se sentent-ils francophones? Et surtout leur
permet-on de se sentir francophones?
La question du positionnement du chercheur pose d’emblée la question de la langue
dans laquelle il va choisir de diffuser son savoir. En effet, comme Heller (2002, p. 3) le
souligne : les chercheurs sont confrontés à un véritable « problème de diffusion […] [dès
lors qu’ils] travaillent sur la frontière linguistique au Canada : dans quelle(s) langue(s)
écrire, et pour quel(s) public(s)? Chaque texte, chaque communication constitue un choix
politique ». De plus, dans le cadre de notre recherche, l’importance donnée à la voix des
participants par rapport à celle de la chercheuse a fait l’objet d’un effort constant; non
seulement, pendant les entrevues, lors desquelles il fallait laisser de l’espace au participant
ou à la participante afin qu’il/qu’elle puisse s’exprimer sans trop de contraintes, mais aussi
lors des transcriptions où il fallait veiller à restituer autant que possible la parole des
participants de manière objective.
Ainsi, je propose de répondre aux deux questions suivantes :
21
1) Y-a-il une corrélation entre l’utilisation des références nominatives telles que
« canadien français », « franco albertain » et « francophone » (critère initial de langue
maternelle) et l’idéologie en place?
2) Si oui, dans le contexte calgarien actuel, est-ce que l’identité francophone peut
s’exprimer chez des individus dont le français constitue soit la PLOP, soit une langue
seconde ou additionnelle (compétence B2 ou 8) à la condition d’utiliser le français au
moins de manière régulière que ce soit à la maison ou au travail / université?
1.7 Structure de la thèse
Cette thèse s’articule en sept chapitres, s’organisant eux-mêmes en trois grandes
parties. Tout d'abord, la première partie comprend les chapitres 1 & 2. Le premier chapitre
établit le contexte général nécessaire à l’étude. Il présente ainsi la problématique, son
importance et sa pertinence. De plus, il propose un plan général de la structure de la thèse
et se termine sur la généralisation de l’étude ainsi que les concepts-clés et définitions qui
s’avèreront utiles à mesure que cette recherche se déploiera. Le deuxième chapitre explore
le contexte historico-politique nécessaire à la recherche.
La deuxième partie comporte le troisième et le quatrième chapitres soit la recension
des écrits permettant de circonscrire le cadre théorique dans lequel va s’ancrer mon
approche méthodologique et mon analyse (chapitres 4 et 6) ainsi que l’approche
méthodologique. La littérature qui a guidé la rédaction de cette recension comporte
notamment des écrits relatifs au concept de Canada français, aux questions de
francophonies canadiennes en situation minoritaire, aux problématiques identitaires et à
22
leurs représentations. Cette recension des écrits me permet également d’expliciter et de
justifier mes choix conceptuels sous-tendant la démarche méthodologique à l’œuvre dans
cette recherche. Ainsi, j’ai choisi de retenir en particulier les concepts de sociolinguistique
critique (Heller, 2002, 2007a, 2007b, 2011; voir aussi Auger, Dalley & Roy, 2007; Boutet
& Heller, 2007; Dalley & Roy, 2008), de post-socioconstructivisme (Hottois, 2005), et de
transculturalisme (Cuccioletta, 2001-2; Slimbach, 2005) pour ce cadre théorique. Dans
cette perspective, les notions de culture, de langue et d’identité ainsi que d’idéologie, de
pouvoir et de représentation constitueront les principaux concepts sur lesquels mon étude
s’appuiera. Le quatrième chapitre se concentre sur les aspects épistémologique et
méthodologique à l’œuvre et couvre la conception de la recherche dans son entièreté. Il
débute par la construction des savoirs et posture épistémologique, puis aborde les concepts-
clés ainsi que les définitions de travail nécessaires à l’analyse (chapitre 5). Ensuite, il
s’intéresse aux procédures multimodales de collecte de données (pratiques discursives
relevées à la fois dans des journaux de langue française albertains, dans les questionnaires
[sélection de l’échantillon de Francophones calgariens] et dans les entrevues [participants
Francophones à l’étude]) et se termine par les limitations rencontrées. La méthode retenue
est de type qualificatif et interprétatif et s’apparente à une étude de cas utilisant l’analyse
critique de discours circonscrite à l’exemple de la francophonie calgarienne.
Les résultats de ma récolte de données sont ainsi présentés dans le cadre de la
troisième partie constituée par les chapitres 5 et 6. Le chapitre 5 brosse un portrait des
francophones d’hier, grâce à l’analyse des journaux, et nous informe sur les Francophones
d’aujourd’hui grâce aux données issues de mon échantillon de participants.
23
L’interprétation et l’analyse des résultats exposés dans mon chapitre 5 font l’objet du
chapitre 6 et s’articulent autour des thématiques suivantes : les appartenances multiples
liées à la pluralité des répertoires ethnolinguistiques et culturels et au rattachement à une
francophonie canadienne inscrite dans la mondialisation; les stratégies identitaires
déployées par les f/Francophones en Alberta en fonction des époques; et l’identité bilingue.
Ainsi, son rôle consiste à contextualiser ces résultats à la lumière de la recherche
sélectionnée dans ce domaine afin de mettre en évidence les hypothèses soulevées en début
de recherche. Dans cette optique, cette discussion s’appuiera en particulier sur les
représentations et valeurs du bilinguisme en Alberta, et sur les stratégies identitaires des
minoritaires. Le septième et dernier chapitre de conclusion clôt cette thèse en résumant les
résultats de mes analyses et discussions et propose également des recommandations pour
les recherches futures.
1.8 Généralisation de l’étude
À cette époque de pleine redéfinition de la francophonie albertaine, il m’a semblé
judicieux de m’intéresser à un contexte urbain et d’inclure dans cette étude différents
représentants de ceux que je nomme « Francophones » calgariens et ainsi de donner une
voix à un échantillon des membres de cette francophonie que l’on entend peu; en
particulier, les étudiants issus de l’immersion et les nouveaux arrivants dont la première
langue officielle parlée est le français (et qui continuent d’utiliser le français de manière
régulière que ce soit à la maison et/ou dans le cadre de leurs études, ou encore de leur
travail). Cette recherche inscrite plutôt au niveau micro (étude de cas à l’échelle de la ville
24
de Calgary) n’a pas vocation à être répliquée en tant que telle à l’échelle canadienne,
compte tenu de la diversité des contextes. Son but est avant tout de faire comprendre
l’importance de la particularité du contexte calgarien et réside plutôt dans l’élargissement
de la perception et de la représentation de ceux qui se présentent et qui sont « ressentis »
comme francophones en Alberta dans un but inclusif. Ainsi la réplicabilité de l’étude
pourrait être envisagée à plusieurs niveaux, notamment dans d’autres villes albertaines ou
de l’Ouest; elle pourrait également concerner une réplication au niveau du cadre théorique
et/ou de l’approche méthodologique adoptés.
1.9 Concepts clés et définitions de travail
La problématique autour de laquelle s’articule cette recherche doctorale en mettant en
relation les concepts de stratégie identitaire (ethnolinguistique et culturelle), de référence
nominative et d’utilisation du français, va nous amener progressivement à nous intéresser
aux notions d’appartenance et de catégorisation, de communauté et de frontière, et de
représentation identitaire (Deschamps & Moliner, 2012), de compétence, ainsi que de
minorité. Cependant, à ce stade de mon étude, il conviendra principalement de définir ce
que l’on entend par les notions d’« identité et de représentation sociale » ainsi que
d’« idéologie et d’attitude », socle définitoire sur lequel s’appuiera mon analyse.
Classiques du domaine de la sociolinguistique, ces notions s’avèrent indispensables à une
bonne compréhension de la nature de la démarche que je vais entreprendre et dont le
principal objectif s’ancre dans la sociolinguistique puisqu’il s’agit de « décrire et
25
d’expliquer les rapports entre, d’une part, la société et, d’autre part, la (…) fonction de la
langue » (Boukous dans Calvet & Dumont, 1999, p. 15).
1.9.1 Identité individuelle : entre identités personnelle et sociale.
Le concept d’identité, comme le mentionnent fort justement Deschamps & Moliner
(2012), suscite un intérêt grandissant, probablement attribué à l’importance accordée à
l’individu dans nos sociétés occidentales mais aussi à la multiplication des conflits de tout
ordre qu’ils soient de nature ethnique ou religieuse. La problématique de l’identité se
situant au carrefour de plusieurs disciplines issues des sciences sociales et humaines elle
échappe à un traitement unidisciplinaire de la psychologie sociale dans la mesure où elle
puise ses traditions à la fois dans les domaines de la psychologie et de la sociologie (Ibid.,
2012) :
[…] Il résulte de cette situation spécifique une pluralité d’approches, de
définitions et de significations de l’identité. Toutefois, au-delà de cette
pluralité, subsiste un invariant dans les différentes définitions de la notion.
Cet invariant réside dans le postulat d’une dichotomie, mais aussi d’une
complémentarité, entre identité sociale et identité personnelle (p. 8 ;
Mon soulignement).
La notion de complémentarité est celle qui m’intéresse particulièrement ici car elle me
permet d’appréhender la notion d’identité dans une perspective transculturelle. En effet,
« l’identité sociale concerne un sentiment de similitude à (certains) autrui alors que
l’identité personnelle concerne un sentiment de différence par rapport à ces mêmes autrui
26
[…]. L’identité individuelle se construit donc sur la distinction-complémentarité entre
identité personnelle et identité sociale » (Ibid., 2012, p. 8). Oscillant entre individuel et
collectif, entre différences et similitudes, ces formes de dualité constituent ainsi l’essence
de l’identité. L’identité sociale (ou indifférenciations jusqu’à un certain niveau) et l’identité
personnelle découlant justement des différenciations sont alors conçues le plus souvent
comme deux pôles entre lesquels les conduites sociales vont et viennent sans cesse.
« Dans cette perspective, l’identité peut se concevoir comme un phénomène
subjectif et dynamique résultant d’un double constat de similitudes et de différences entre
soi, autrui et certains groupes » (Deschamps & Moliner, 2012, p. 9). Finalement, ce qui
ressort de ces pérégrinations sémantiques c’est que « la notion d’identité […] semble
s’acheminer vers une approche moins substantialiste et plus dynamique, plus
interactionniste, [en d’autres termes] plus sociale » (Camilleri et al., 1990, p. 8). Pour
pourvoir à cette dimension dynamique et fluide l’on ne parle plus simplement d’identité
mais plutôt de construction, de développement ou encore de stratégie identitaire. Afin de
signaler le caractère pluriel de ces répertoires, j’ai choisi d’utiliser le terme de « stratégies
identitaires » (Camilleri et al., 2002) qui, à mon sens, reflète davantage les pratiques
linguistiques et culturelles des acteurs sociaux qui nous intéressent.
1.9.2 Distinction entre identités sociale et culturelle.
Dès le tournant des années 70 et 80, c’est le champ de la linguistique appliquée qui
commence à établir une distinction entre identité sociale et identité culturelle. En effet,
alors que l’identité sociale fait référence à la relation entre l’apprenant individuel et le
27
monde social plus large (Norton dans Nunan & Choi, 2010, p. xii), l’identité culturelle
renvoie à la relation entre l’individu et les membres d’un certain groupe ethnique,
partageant avec ce dernier une histoire commune et une langue (Valdes, 1986).
Aujourd’hui, les frontières entre identités sociales et culturelles ne sont plus aussi strictes
que par le passé; le concept d’identité est généralement envisagé comme multiple et
conflictuel et il est possible d’embrasser une multitude d’identités tout en cherchant un
« chez soi » et une appartenance (Choi dans Nunan & Choi, 2010).
1.9.3 Représentation sociale et appartenance.
Comme le relève Moscovici (1988), le concept de représentation sociale est parfois
difficile à cerner dans la mesure où il puise dans deux traditions : la sociologie et la
psychologie, ce qui donnera la psychologie sociale.
Selon Jodelet (2003),
[les représentations sociales] nous guident dans la façon de nommer et
définir ensemble les différents aspects de notre réalité de tous les jours,
dans la façon de les interpréter, statuer sur eux et, le cas échéant, prendre
une position à leur égard et la défendre (p. 47; Mon soulignement).
Il s’agit, toujours selon la même auteure,
[…] d’une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée,
ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité
commune à un ensemble social […] [nous donnant accès à des] systèmes
d’interprétation régissant notre relation au monde et aux autres, orient[ant]
28
et organis[ant] les conduites et les communications sociales (Ibid., 2003, p.
53).
Dans cette perspective, les représentations sociales sont nécessaires à l’élaboration d’une
réalité co-construite. Cependant, leur caractère presque trop systématique – on les désigne
aussi sous les termes de « savoir de sens commun », « savoir naïf », ou encore « naturel »,
a eu tendance à les éloigner un temps du champ scientifique (Ibid., 2003). Aujourd’hui, la
situation a évolué dans la mesure où les représentations sociales jouissent d’une certaine
légitimité compte tenu « de leur importance dans la vie sociale, [notamment] de l’éclairage
qu’elles apportent sur les processus cognitifs et les interactions sociales » (Ibid, 2003, p.
53).
Jodelet (2003) nous rappelle également que la représentation ne peut avoir lieu sans
référent qu’elle nomme objet car « représenter ou se représenter correspond à un acte de
pensée par lequel un sujet se rapporte à un objet » (Ibid., 2003, p. 54). La représentation
mentale constitue en cela un acte symbolique d’interprétation dans la mesure où elle permet
de rendre compte d’une certaine réalité de cet objet que ce dernier soit présent ou non.
Ainsi, les représentations sociales agissent également comme phénomènes cognitifs dans
la mesure où elles régissent l’appartenance sociale des acteurs sociaux. La représentation
en tant que savoir partagé est en effet élaborée par l’individu à l’aide de schèmes de la
pensée sociale, elle est intégrée dans son système de valeurs dépendant de son histoire, de
ses expériences antérieures, de ses appartenances, du contexte social (Haas, 2006, p. 12).
C’est en cela que les représentations sociales donnent également naissance aux stéréotypes
et aux attitudes.
29
1.9.4 Stéréotypes et attitudes.
Lorsque l’on s’intéresse aux problématiques des représentations identitaires, en
particulier dans les contextes minoritaires, il est nécessaire de revisiter les notions de
stéréotypes, de préconstruits et d’attitudes qui découlent de la notion même de
représentation. Amossy & Herschberg-Pierrot (2005) nous rappellent qu’entre le XIXe et
le XXe siècle le concept de stéréotypie devient une référence de choix à la fois pour les
sociologues qui s’intéressent aux problématiques relatives aux collectivités et pour les
linguistes dont la recherche s’articule autour de la notion d’argumentation. Et comme entre
stéréotype et préjugé il n’y a qu’un pas, « […] il ne faut pas considérer les stéréotypes
comme corrects ou incorrects, mais comme utiles ou nocifs » (Amossy & Herschberg-
Pierrot, 2005, p. 36). Ainsi, le chercheur ne peut-il pas se permettre de s’arrêter à « des
schèmes collectifs figés ». Conséquemment, il est désormais invité à se questionner sur
« l’interaction entre [collectivités] concernées par ces stéréotypes » (Bordas, 1999, p. 126).
Ainsi,
[l]e stéréotype est une partie de la signification qui répond à l’opinion
courante associée au mot dans une culture donnée (Amossy & Herschberg-
Pierrot, 2005, p. 90) […] [qui] se fonde sur une représentation
sociolinguistique idéale, celle d’une communauté linguistique et sociale
homogène, coopérant pour ‘établir les moyens d’une communication
30
optimale et transparente8’ unie par la reconnaissance d’une norme
commune (Ibid., p.39; Mon soulignement).
Cette définition nous permet de revenir un instant sur le contexte initial de la communauté
francophone albertaine qui se caractérisait alors par une relative homogénéité ethnique
(caucasienne et dans une certaine mesure métisse), religieuse (catholique) et
démographique (rurale). Les représentations et les stéréotypes associés à l’endroit de la
communauté canadienne-française puis franco-albertaine ont continué à se perpétuer
comme en témoigne par exemple la difficulté pour l’ACFA de changer de nom en passant
de l’Association Canadienne-française de l’Alberta à l'Association de la Communauté
Francophone de l'Alberta (problématique récurrente depuis 2006)9. En effet, même si
certains opposants au changement de nom argumentent « qu'il [est] important de rendre
hommage aux pionniers canadiens-français qui ont fondé l'ACFA [en gardant le nom initial
de l’organisme]10, d’autres se positionnent en faveur du changement, comme Alphonse
Ndem Ahola, Président de l’association Francophonie Albertaine Plurielle, qui avance
que :
Les organisations comme l'ACFA, si elles veulent rester, durer, elles
doivent toujours se recréer. Je pense que cette évolution est la preuve que
8 Fradin & Marandin, 1979, p. 82 9 À ce propos, vous pourrez lire avec profit plusieurs articles signés par Étienne Alary ; Julie Fortier et Paulin
Mulatris au cours de l’année 2006. Un très bon article récapitulatif a d’ailleurs été écrit à ce sujet toujours
par Mulatris en 2009. Plus récemment, la question est réapparue dans les médias albertains : voir par exemple
les articles de Radio Canada respectivement du 18 octobre 2016 et du 28 août 2017; http://beta.radio-
canada.ca/nouvelle/809326/acfa-francophonie-changer-nom-association;
http://beta.radio-canada.ca/nouvelle/1052752/changement-nom-acfa-vote-alberta 10 Ibid., Radio Canada, 18 octobre 2016
31
l'ACFA est dynamique, cette discussion est une preuve qu'il y a de la vie à
l'ACFA.
Pour conclure le débat, Jean Johnson, ancien président de l’ACFA (2004-2009 et 2013-
2017) et nouveau président de la Fédération des communautés francophones et acadiennes
(FCFA) depuis le 10 juin 2017, tranche et tente d’établit le consensus :
On ne parle pas de changement, on parle d'adaptation pour s'assurer de
garder, de préserver quelque chose qui semble être important pour les
gens. C'était aussi important de s'assurer de tisser des liens entre le passé,
le présent et le futur en gardant ACFA (Radio Canada, 18 octobre 2016;
Mon soulignement).
Ces différents exemples visent ainsi à démontrer que les représentations et les stéréotypes
sont bien ancrés et que les changements de mentalité ne peuvent s’opérer qu’avec une
ouverture d’esprit et une propension à l’écoute des divers acteurs qui composent à présent
notre francophonie albertaine et calgarienne puisque que « le stéréotype ne se contente pas
de signaler une appartenance, il l’autorise et la garantit » (Amossy & Herschberg-Pierrot,
2005, p. 44). Le stéréotype nous dévoile globalement sa dimension idéologique dans la
mesure où il incarne « l’acception et la reconduction d’une parole autre dans la locution
individuelle » (Bordas, 1999; Italiques de l’auteur). Finalement, on peut en conclure que
pour dépasser les stéréotypes et les attitudes qui leur sont associées, il faut explorer la
problématique des dénominations avec une perspective transculturelle.
32
1.9.5 Francophone et bilingue.
Aujourd’hui, ce qui caractérise les minorités officielles de langue française c’est la capacité
qu’elles ont à effectuer « [des] va-et-vient constant[s] d’une frontière linguistique et culturelle à l’autre.
(Gérin-Lajoie, 2006, p. 1).
À Statistique Canada, nous ne donnons pas de définition unique de ce qu’est un francophone, car
il n’y a pas de consensus, explique Jean-Pierre Corbeil, directeur adjoint, Programme du recensement de la
population, à Statistique Canada11.
Lorsque le chercheur est confronté au contexte de la francophonie en situation
minoritaire, plusieurs définitions du terme « francophone », mettant en jeu différentes
variables, telles que la langue maternelle, la première langue officielle parlée, la langue
parlée le plus souvent ou le plus régulièrement à la maison ou encore au travail, s’offrent à
lui, comme le démontrent les résultats et les publications de Statistique Canada.
D’apparence simple, la question du choix des variables demeure problématique dans la
mesure où cela va avoir des conséquences directes sur la recherche effectuée ainsi que sur
ses résultats. Ainsi, compte tenu des changements démographiques et du nombre accru de
nouveaux arrivants dont le français constitue la première langue officielle parlée, le
gouvernement ontarien a pris la décision, dès juin 2009, d’élargir sa définition de
francophone. Partant de la définition initiale qui ne considérait comme francophones que
ceux dont le français constituait la langue maternelle, le gouvernement ontarien a jugé
pertinent d’y inclure ceux dont le français constituait la première langue officielle parlée
11 Vachet, B. (23 août 2017). Comment définir la francophonie canadienne ? Repéré à
https://www5.tfo.org/onfr/comment-definir-la-francophonie-canadienne/
33
(PLOP) et utilisée régulièrement à la maison. Faisant cela, une part non négligeable des
nouveaux arrivants qui ont choisi de s’installer en Ontario se sont vu octroyer l’appellation
de « francophone ».
Suivant la même logique, j’ai décidé pour les besoins de ma recherche d’utiliser
une définition de francophone élargie (locuteurs que je nomme Francophones) dans
laquelle j’englobe non seulement les nouveaux arrivants qui parlent français comme
première langue officielle apprise (PLOP) mais aussi les finissants de l’immersion ou les
francophiles ayant atteint un niveau de compétence B2 ou 8 et qui continuent d’utiliser le
français à la maison ou au travail de manière régulière. En effet, ce choix se justifie car
nous nous trouvons à un moment charnière où les locuteurs de français vivant en Alberta
semblent issus de contextes culturels plus hétérogènes et hybrides que jamais. Comme le
suggère déjà Thompson en 2011, « le concept d'une identité collective francophone » (p.
265) en Alberta peut être interrogé car c’est la notion même de « francophone » (critère de
langue maternelle ici) qui apparaît comme réductrice dans la mesure où elle semble exclure
les locuteurs de français dont le français ne constitue pas la langue maternelle. Ainsi,
Guignard-Noël, Forgues & Landry (2014) soulignent l’importance du choix des variables
dans leur rapport « qui sont les francophones? ». Selon eux, l’accent doit être mis sur le
type de variables retenues en fonction de la nature de la recherche. Suivant la manière dont
nous avons procédé pour la définition de francophone, il convient à présent de préciser ce
que l’on entend par « bilingue » dans le contexte de notre étude.
34
Dans l’imaginaire collectif, la notion de bilinguisme individuel réfère généralement
à deux langues (ou deux monolinguismes) que le locuteur idéal maîtriserait à compétences
égales. Ainsi, Gadet & Varro (2006) expliquent la raison pour une telle croyance :
Le bi- ou plurilinguisme, longtemps traité par des spécialistes relevant de
différentes disciplines selon un éclairage mettant en évidence sa péjoration
face à l’idéal supposé de monolinguisme, se trouve aujourd’hui en
position de réévaluation, avant tout pour des raisons d’évolutions
historiques et sociales qui ébranlent les conceptions traditionnelles des
situations de contacts de langues (p. 9).
Toutefois, la représentation du bilinguisme individuel est en mutation et se doit
d’être réappréhendée. Par conséquent, la définition que j’ai choisie est celle de Grosjean
(1984, 2008, 2010) selon laquelle « […] est bilingue la personne qui se sert régulièrement
de deux langues dans la vie de tous les jours et non qui possède une maîtrise semblable
et parfaite des deux langues » (Grosjean, 1984, p. 16; Mon soulignement). Elle s’aligne
avec ce qui est retenu par Statistique Canada depuis 1901 dans la définition de bilingue,
c’est-à-dire « […] la capacité de soutenir une conversation en français et en anglais »
(2013). Dans cette perspective, il faudra garder présent à l’esprit que « le bilingue est un
être communicant à part entière qui se sert de ses deux langues (séparément ou ensemble)
pour communiquer » (Grosjean, 1984, p. 20). De plus, « [l]e bilinguisme n’est pas deux
monolingues mais un tout qui a sa propre compétence linguistique et qui doit donc être
analysé en tant que tel » (Ibid., p. 20).
35
Dans ce contexte, il ne faut pas oublier de dire un mot sur le bilinguisme officiel ou
dualité linguistique préconisée à l’échelle fédérale depuis 2008. D’abord, que signifie
« dualité linguistique »? Selon la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne
2008-2013 : Agir pour l’avenir,
[la] dualité repose sur la synergie de deux grandes communautés et
s’exprime notamment dans le dynamisme des nombreuses communautés de
langue officielle en situation minoritaire à travers le pays. Cette dualité est
aussi façonnée par un grand nombre de personnes qui, grâce à leur
connaissance et leur appréciation du français et de l’anglais, jettent des
ponts entre les communautés linguistiques d’un bout à l’autre du pays
(p. 9). […]
Le gouvernement du Canada considère que la dualité linguistique est non
seulement à la base de l’identité canadienne, mais qu’elle est aussi un
outil essentiel à l’ouverture des Canadiens au monde qui les entoure
(p. 11) […]
Dans un marché de plus en plus mondialisé et axé sur le savoir, la dualité
linguistique représente un avantage concurrentiel clé, susceptible de
favoriser l’essor économique du pays (p. 16).
La dualité linguistique telle qu’interprétée par le gouvernement Harper n’a laissé que peu
de place aux contributions multiculturelles reposant davantage sur la synergie entre les
« deux nations fondatrices » qui façonnent seules l’identité canadienne. Toujours selon ce
document, la contribution des peuples autochtones et des communautés ethnoculturelles
36
est à peine évoquée par l’expression « jettent des ponts entre les communautés linguistiques
d’un bout à l’autre du pays ». L’aspect culturel n’est pas mis en avant, seul l’aspect
linguistique, vu comme un avantage économique, ou encore un moyen d’intégration
(« perception instrumentale » selon Normand Martin, politologue à l’Université d’Ottawa
12) compte. Peu de changements sont intervenus depuis la mise en place du gouvernement
Trudeau. Ce dernier semble perpétuer la vision du gouvernement précédent : le citoyen
canadien est idéalisé comme étant un citoyen bilingue parlant le français et l’anglais.
Martin ajoute que cela serait peut-être dû à une méconnaissance, chez Justin Trudeau, de
la façon dont les langues interagissent sur le terrain. Finalement, ce qui ressort de cette
notion de dualité linguistique c’est une « vision idéalisée de ce que seraient les langues
officielles plutôt qu’une vision campée sur la réalité [canadienne] »13.
1.10 Résumé du chapitre 1
Ce premier chapitre de contextualisation a eu pour objectif principal d’introduire
ma problématique et sa signification ainsi que de servir de ligne directrice à la thèse qui
suit. En me basant sur les recherches et la littérature actuelles, je tâcherai de répertorier les
manques en ce qui concerne les études mettant en relation les locuteurs de français vivant
au Canada, plus particulièrement en Alberta, et leurs rapports à leurs identités
ethnolinguistiques et culturelles. Puis je répondrai aux deux questions de recherche
suivantes : 1) Y-a-il une corrélation entre l’utilisation des références nominatives telles que
12« Langues officielles : Trudeau sur les traces de Harper? » http://www5.tfo.org/onfr/langues-officielles-
trudeau-sur-les-traces-de-harper/ ; Normand Martin, politologue, Université d’Ottawa, 17 janvier 2017 13 Ibid., 17 janvier 2017
37
« canadien français », « franco albertain » et « francophone » (critère initial de langue
maternelle) et l’idéologie en place? 2) Si oui, dans le contexte calgarien actuel, est-ce que
l’identité francophone peut s’exprimer chez des individus dont le français constitue soit la
PLOP, soit une langue seconde ou additionnelle (compétence B2 ou 8) à la condition
d’utiliser le français au moins de manière régulière que ce soit à la maison ou au travail /
université?
Mon approche étant de nature qualitative, j’utiliserai mes données desquelles
j’extrairai des thèmes permettant de discuter puis de co-construire la réalité de mes
participants. Ainsi, l’objet de mon questionnement sera-t-il basé sur les représentations
découlant de l’interaction entre les définitions en cours et les discours des journaux et des
participants, le but étant au final d’informer sur comment s’auto-définit un locuteur de
langue française vivant à Calgary dans la première moitié du XXIe siècle, c’est-à-dire dans
un contexte francophone minoritaire albertain urbain.
Le prochain chapitre vise à approfondir un tant soit peu les contextes historico-
linguistiques canadien et albertain nécessaires à mon étude.
38
Chapitre 2 : Contexte historique et politiques linguistiques
Il m’a donc paru essentiel de commencer par répertorier les éléments
sociohistoriques, et politico-linguistiques nécessaires à la compréhension du contexte
actuel dans lequel s’ancre la francophonie minoritaire albertaine. Dans cette optique, je me
suis attachée, dans un premier temps, à expliquer comment l’histoire et la mémoire de la
collectivité franco-albertaine participent aux perceptions et aux représentations sociales
nécessaires à l’élaboration d’une identité francophone albertaine. Parce que cette identité
se construit aussi dans un discours national et mondial, je tâcherai d’inclure, dans un
deuxième temps, un récapitulatif des différentes politiques linguistiques canadiennes ayant
influencé l’expression des droits collectifs de la minorité de langue française en Alberta ;
de la politique du « multiculturalisme dans un cadre bilingue » (Trudeau, 1971 repris dans
Haque, 2012) à celle de la dualité linguistique dans le cadre transculturel de la
mondialisation.
2.1 Contexte historique de la minorité francophone albertaine
Historiquement, en milieu minoritaire francophone, c’était d’abord l’aspect
ethnolinguistique qui revêtait son importance : on était Canadien français et la langue que
l’on parlait était le français; il ne semblait pas y avoir d’autres alternatives possibles du
moins dans le discours. Aujourd’hui, ce passé a été relégué aux oubliettes et lorsque l’on
interroge les Albertains sur la francophonie albertaine il y en a peu qui savent que les
francophones étaient plus nombreux que les anglophones jusqu'à la fin du XIXe siècle.
39
En effet, si l’on remonte au début du XVIIIe siècle, les Français et les Canadiens
français ont été les seconds (après les populations autochtones) à établir des communautés
à la fois dans le Nord-Ouest et dans le Sud de l’Alberta. Par conséquent, le français a été
la première langue européenne parlée dans cette région. Par exemple, l’établissement de
forts, tels que celui de La Jonquière en 1751, et dont les historiens se disputent encore
l’emplacement – certains avançant qu’il aurait pu se trouver au confluent des rivières de
l’Arc (Bow) et du Coude (Elbow) dans la ville actuelle de Calgary – a contribué, dans une
certaine mesure, à l’expansion de la langue française et ce jusqu’en 1785 environ, date à
laquelle le Fort de La Jonquière a été abandonné14.
Selon Donald B. Smith (dans Kermoal, 2003), trois périodes distinctes sont à
l’origine du peuplement francophone en Alberta : d’abord, l’époque de la traite des
fourrures, dès l’entrée dans le XVIIIe siècle, puis celle des migrations du Québec et de
Nouvelle-Angleterre dans la seconde moitié du XIXe siècle (vers 1870) et enfin le passage
de l’Alberta dans l’ère moderne, qui correspond au début du XXe siècle (1905, date de
l’indépendance de la province). Ces trois époques vont marquer chacune à leur manière
l’identité francophone albertaine. Ainsi, la première époque se caractérise-t-elle par une
mixité interraciale entre Caucasiens (Français et Canadiens-français) et Amérindiens, ce
qui conduira à la naissance de la nation métisse. Il est important de souligner qu’au tournant
du XIXe siècle, le groupe métis constitue le groupe le plus important dans le Nord-Ouest
(Smith, 2003). À mesure que l’on avance dans le XIXe siècle, l’arrivée de missionnaires
14 Calgary; http://encyclopediecanadienne.ca/fr/article/calgary-6/
40
catholiques « renfor[ce] le caractère français des groupements métis » (Ibid., 2003. p. 16)
et fera ainsi de la langue française l’idiome européen le plus parlé dans ce coin de pays.
Dès lors, l’histoire des francophones albertains peut être qualifiée d’épopée « la plus
longue […] de celles […] de toutes les ethnies non aborigènes de la province […] » (Ibid.,
2003, p. 13). La deuxième période, celle des migrations du Québec et de Nouvelle-
Angleterre va favoriser durablement l’établissement et l’expansion de colonies
canadiennes-françaises au détriment des communautés métisses initiales, qui désormais ne
constituent plus « l’élément essentiel de la présence francophone […] » (Ibid., 2003, p. 18).
Aux quelques milliers de colons québécois et américains15 que l’Abbé Morin persuade de
s’installer sur les terres fertiles du nord de l’Alberta viennent s’ajouter « un petit nombre
d’immigrants français et belges » (Ibid., 2003, p.24). Alors que l’expansion de la
population canadienne-française se poursuit dans le nord de la province, en particulier à
Edmonton où la population d’origine non autochtone est française à 60% (Ibid., 2003), le
sud de la province et la ville de Calgary ne bénéficient pas du même développement. Tout
au plus est-il intéressant de mentionner la construction du Fort Calgary (d’abord appelé
Fort Brisebois du nom de l’inspecteur de la Police Montée des Territoires du Nord-Ouest
ayant contribué à sa construction avec des ouvriers métis) en 1875 sur le site de l’ancien
Fort La Jonquière16. Déjà, ce qui caractérise la population francophone du sud de la
province est sa diversité et sa dissémination, comme le souligne fort justement Smith dans
le passage qui suit (Ibid., 2003, p. 25) :
15 Il s’agit ici de Canadiens français vivant et travaillant en Nouvelle-Angleterre 16 Smith, 2003, p. 18; Calgary Herald, 3 septembre 1953 & Calgary;
http://encyclopediecanadienne.ca/fr/article/calgary-6/
41
Des anciens officiers de cavalerie s’improvi[sent] ranchers [à Trochu], au
nord de Calgary. D’autres vétérans suiv[ent] avec leurs familles; de même
qu’un certain nombre de colons de classe bourgeoise aisée. Huit religieuses
françaises des Sœurs de la Charité […] fond[ent] un couvent et un hôpital à
Evron. Quelques aristocrates français [s’installent] aussi pendant un court
laps de temps au sud de Calgary, dans la région de Millarville, adonnés au
travail de ranch et à l’élevage des chevaux.
Il ajoute : « Quoique peu nombreux, les immigrants français en Alberta représentent[ent]
des horizons variés et inhabituels » (Ibid., 2003, p. 25). Finalement, les immigrants
francophones en provenance de l’Europe ont joint les communautés canadiennes-
françaises et se sont, en majorité, installés dans les régions fertiles du nord et du centre de
l’Alberta, et ce, avant la première guerre mondiale. À l’époque, et jusqu’à la fin du XXe
siècle, seuls les francophones du nord de la province « avaient des chances réelles de survie
linguistique, telles que n’eurent jamais les petits groupes ruraux du sud de la province »
(Ibid., 2003, p. 26). Si l’on se tourne vers le contexte urbain du sud de la province, il
apparaît que la ville de Calgary abrite bien en son sein quelques francophones : Métis et
Canadiens-français qui travaillent comme interprètes, conducteurs de convois de chariots
ou bien encore comme manœuvres mais c’est surtout Edmonton qui demeure « le centre
réel de la vie francophone en Alberta » (Ibid., 2003, p. 27).
Le début du XXe siècle marque ainsi l’achèvement de l’organisation de la
communauté franco-albertaine qui peut se targuer d’avoir réussi à asseoir sa culture
commune, catholique de langue française, non seulement à travers l’instauration d’un
42
réseau de paroisses catholiques francophones bien organisé fournissant également une
mission éducative et hospitalière, mais aussi grâce à la publication de plusieurs journaux
francophones hebdomadaires tels que L’Ouest Canadien, auquel succèdera le Courrier de
l’Ouest (1905-1916)17. Cependant cette période est rapidement marquée par de nouvelles
difficultés telles que le recul du nombre d’immigrants francophones et l’effritement du
sentiment communautaire de la collectivité franco-albertaine. Afin de pallier le manque de
francophones, les instances religieuses québécoises favorisent dès lors la migration vers
l’Ouest. Ainsi, parmi les
200 familles francophones ayant gagné Jean-Côté (une des nouvelles
colonies francophones de la rivière la Paix), soixante-quinze pour cent
d’entre eux [viennent] du Québec, quinze pour cent d’ailleurs au Canada et
d’Europe, et seulement dix pour cent des États-Unis (Mabru, 1978, p. 40
cité dans Smith, 2003, p. 30)
À cela il faut ajouter la dissolution du caractère francophone de l’Église catholique
albertaine surtout avec de nouvelles nominations de prêtres anglophones dans des régions
telles que Calgary ou encore Saint-Albert. (Smith, 2003). Un net clivage se fait également
ressentir dans la sphère politique « suite [à] l’entrée en scène d’un nouveau parti politique
en 1919, les Fermiers Unis de l’Alberta (United Farmers of Alberta) » (Ibid., 2003, p. 31).
En résulte une réduction du pouvoir politique des Franco-Albertains qui pour certains
reviennent à leurs premières amours en votant pour les libéraux pendant que d’autres
17 Suivi par La Survivance (16 novembre 1928-8 novembre 1967) qui deviendra Le Franco-Albertain (15
novembre 1967-16 février 1979) puis Le Franco (depuis le 2 mars 1979 jusqu’à aujourd’hui); Smith, 2003,
p. 27 [notes de bas de page]
43
soutiennent « le Crédit social, le nouveau parti de réforme monétaire » (Ibid., 2003, p. 31).
Dans ce contexte, il devient urgent de reconstituer une élite franco-albertaine. On
s’organise alors avec la création de programmes en français financés par des fonds privés,
puis avec l’ouverture du Juniorat Saint-Jean-Apôtre d’Edmonton – première esquisse de
l’actuel Campus Saint-Jean – dont le but était de former des missionnaires. Des études
universitaires de premier cycle en partenariat avec l’Université Laval sont également
offertes sur place (Edmonton) (Smith, 2003, p. 33). De plus, la création de l’Association
Canadienne-Française de l’Alberta (désormais ACFA) en 1926, qui vient remplacer la
Société Saint-Jean Baptiste, puis la parution du premier numéro de l’hebdomadaire La
Survivance, deux ans après, témoignent des efforts de lutte à l’endroit de la minorité franco-
albertaine (Ibid., 2003, p. 34). Ainsi, alors que l’objectif du nouveau journal est de
constituer « [un] organe officiel, [un] agent de liaison bien à elle, pour la population
française », le but affiché de l’ACFA est, comme le relève Motut (cité dans Smith, 2003,
p. 32), « de détruire le complexe d’infériorité qui trop souvent existe chez les Canadiens
français de l’Alberta comme d’ailleurs chez les groupes minoritaires ». Ces efforts visant
à promouvoir une vie en français en Alberta se cristalliseront finalement lors de « la
campagne de l’ACFA pour créer un poste radiophonique français au début des années 1940
[…] » (Ibid., 2003, p. 35). Toutefois, ces démarches seront quelque peu vaines puisque
l’entre-deux guerres va progressivement voir la communauté franco-albertaine reléguée au
4e rang des communautés « ethniques » albertaines passant « derrière les Allemands et les
Ukrainiens » (Ibid., 2003, p. 32). L’attitude de la nouvelle génération franco-albertaine,
plus ouverte à la mixité culturelle – résultant de ses expériences avec les anglophones et
44
les immigrants – laisse présager d’un changement sans précédent compte-tenu de son
désintérêt pour « [les] causes traditionnelles » (Ibid., 2003, p. 32; Italiques de l’auteur),
prérogatives de ses parents et de ses grands-parents. En effet, la jeune génération développe
de nouveaux centres d’intérêt apportés par la modernité diminuant, de surcroît, la
fréquentation dans les organismes francophones ainsi que la participation aux activités
paroissiales et communautaires : « L’ancien sentiment des Franco-Albertains de constituer
une forte collectivité identifiable s’affaiblit » (Ibid., 2003, p. 32).
D’autres épreuves attendent la minorité franco-albertaine dans les décennies qui
vont suivre. Tout d’abord, il convient de mentionner que l’Alberta a été incorporée en tant
que province anglophone en 1905 et qu’il est désormais quasi-impossible pour la minorité
franco-albertaine de prétendre au moindre statut distinct qui leur permettrait une
reconnaissance de leurs droits linguistiques et culturels (Ibid., 2003). Dans ce contexte,
l’objectif de l’ACFA est d’obtenir les mêmes droits pour les franco-albertains que les droits
obtenus pour la minorité anglophone du Québec, une requête qui restera sans réponse18.
L’entrée de plain-pied du Québec dans la modernité durant les années 60 puis surtout 70,
sous fond de Révolution tranquille, marquent toutefois une progression des mentalités en
matière de bilinguisme et de biculturalisme. La commission Laurendeau-Dunton, voulue
par Lester Pearson et son gouvernement en juillet 1963, a pour objectif d’explorer le degré
de bilinguisme et de biculturalisme à l’échelle canadienne. Cette commission royale
d’enquête, coprésidée par André Laurendeau et Davidson Dunton, aidés dans leur réflexion
18 « Conférence du président de l’ACFA donnée à la Chambre de Commerce d’Edmonton »; Le Franco; 27
février 1981, p. 4 cité dans Smith, 2003, p. 38.
45
par dix commissaires représentant les dix provinces du Canada va proposer des
recommandations, parmi lesquelles la reconnaissance des langues des « peuples
fondateurs » (Mackey, 2010 cité dans Landry (dir.), 2014, p. 1), qui apparaissent dans le
rapport final publié en 1969. Cette démarche du gouvernement Pearson en faveur du
bilinguisme et du biculturalisme va permettre aux Canadiens anglophones d’un peu mieux
comprendre le contexte québécois et le degré de mécontentement de ses habitants
francophones (Smith, 2003, p. 38). Elle va également permettre de jeter les bases d'une
véritable politique linguistique à l’échelle fédérale dont l’évolution mènera dès le début
des années 70 à la politique du multiculturalisme.
2.2 Le transculturalisme, alternative au multiculturalisme?
Multiculturalism is a prodigious movement, but its limitations are increasingly apparent
(Hollinger, 1995, p. 1)
Selon Kymlicka (1998), le Canada apparaît comme le pays « le plus ambitieux » en
matière de politique d’immigration puisqu’à la veille de l’entrée dans le XXIe siècle, il
s’affiche déjà comme l’un des pays les plus variés ethno-culturellement parlant, au monde.
En effet, depuis sa mise en place en 1971 suite aux recommandations de la Commission
royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (ou Commission Laurendeau-
Dunton), la politique canadienne du multiculturalisme semble avancer « main dans la
main » avec celle du bilinguisme officiel. Ces deux visions politiques « (…) operate
together as a contemporary national narrative » (Haque, 2012, p. i) comme semble si bien
le rappeler la formule consacrée de Pierre Trudeau qui souligne que le Canada est avant
tout « un pays multiculturel dans un cadre bilingue » (cité dans Haque, 2012).
46
Dès son instauration, le multiculturalisme apparaît comme particulièrement
innovant dans la mesure où le Canada fait figure de pionnier (Johnston cité dans Tchandem
Kamgang, 2017). Cette vision politique pluraliste a pour but de « préserver la liberté
culturelle des individus » ainsi que d’« offrir une reconnaissance des contributions
culturelles des divers groupes ethniques à la société canadienne19 ». Selon les définitions
présentes dans le rapport final de la Commission Bouchard-Taylor (2008), le
multiculturalisme serait « un système axé sur le respect et la promotion de la diversité
ethnique dans une société », qui, dans sa mise en place et son application canadienne,
conduit à l'idée que l'identité commune d'une société se définit exclusivement par référence
à des principes politiques plutôt qu'à une culture, une ethnicité ou une histoire. Une
vingtaine d’années plus tard, soit dans le courant des années 90, il apparaît toujours, pour
certains, comme une solution prometteuse face aux problèmes d'intégration propres aux
états pluriculturels et pluriethniques contemporains (Kymlicka 1991, 1995, 1998; Spinner
1994; Taylor 1992). Toutefois, le multiculturalisme est tout de même décrié (Bissoondah,
1995; Moodley, 1983) car il est perçu comme une voie dangereuse pour la cohésion sociale.
Hollinger (1995, p. 1) nous rappelle d’ailleurs que:
[…] [Multiculturalism] has not provided an orientation toward cultural
diversity strong enough to process the current conflicts and convergences
that make the problem of boundaries more acute than ever. (Mon
soulignement)
19 La politique canadienne du multiculturalisme de 1971, n.d.
47
Le multiculturalisme est désormais ressenti comme une perversion fondamentale de l'idéal
démocratique, comme une « ethnicisation » des rapports sociaux, enfin comme une remise
en cause de la notion même de citoyenneté (Barry 2014; Hollinger 1995). Hollinger (1995)
propose ainsi une nouvelle perspective au multiculturalisme qu’il qualifie de post-
ethnique :
A postethnic perspective favors voluntary over involuntary affiliations,
balances an appreciation for communities of descent with a
determination to make room for new communities, and promotes
solidarities of wide scope that incorporate people with different ethnic and
racial backgrounds. A postethnic perspective resists the grounding of
knowledge and moral values in blood and history, but works within the
last generation’s recognition that many of the ideas and values once taken
to be universal are specific to certain cultures. A postethnic perspective is
not an all-purpose formula for solving policy problems, but it is a
distinctive frame within which issues in education and politics can be
debated. (Hollinger, 1995, p. 3)
Dans sa vision post-ethnique, Hollinger propose d’adopter un multiculturalisme qui prenne
en compte l’équilibre entre communautés de souche et nouveaux arrivants. Il préconise
également de ne pas se limiter aux valeurs de la société initiale mais plutôt de tirer avantage
des apports culturels apportés par les nouvelles générations. Selon lui, ce type de
perspective devrait être en mesure d’initier le dialogue surtout dans les domaines ayant trait
48
à l’éducation et à la politique. Ces propositions de Hollinger (1995) laissent déjà présager
de l’évolution de la politique du multiculturalisme.
De plus, progressivement limité par la portée de son action, le modèle multiculturel
canadien, qui est censé s’adresser aux diverses problématiques pluralistes présentes sur son
sol, commence à faire l’objet de violentes critiques surtout dans le Québec du milieu des
années 1990. Ainsi, cette province revendique sa distinctivité en se positionnant contre la
politique du multiculturalisme et choisit l’interculturalisme pour se distinguer des
politiques linguistiques multiculturelles fédérales et pour continuer d’asseoir sa spécificité
de société distincte au sein du Canada anglophone (Bouchard, 2014). Cette autre alternative
se révèle pertinente en ce sens où elle va plus loin, car elle se veut une politique ou un
modèle préconisant des rapports harmonieux entre cultures, fondés sur l'échange intensif
et axés sur un mode d'intégration qui ne cherche pas à abolir les différences, tout en
favorisant la formation d'une identité commune. Certains chercheurs avancent que cette
définition pourrait être le fondement d’une identité canadienne que les auteurs trouvent en
général si difficile à cerner. En 2015, Sinha a ainsi écrit un rapport pour Statistique Canada
intitulé « Identité canadienne » en se basant sur les résultats de l’Enquête sociale générale.
Les renseignements récoltés, parmi lesquels l’appréciation des symboles nationaux, les
perceptions des valeurs partagées par les Canadiens ainsi que la fierté envers les
réalisations canadiennes, ont permis l’ébauche d’une identité collective canadienne. Parmi
les faits saillants propres à cette étude, il est intéressant de noter que la valeur accordée au
multiculturalisme variait en fonction de plusieurs facteurs tels que l’appartenance
culturelle; l’âge et la province habitée. Dans ce contexte, l’on est en droit de s’interroger
49
sur la pertinence d’une transition vers un modèle plus adéquat au regard de l’évolution de
la société canadienne de ces vingt dernières années. En effet, ailleurs au Canada, le
multiculturalisme semble aussi être à présent en transition (Guo & Wong, 2015).
C’est ici que le transculturalisme ou « multiculturalisme social » proposé par
Cuccioletta (2001-2) entre en scène dans la mesure où il s’oppose en quelque sorte à la
vision proposée non seulement par le modèle multiculturel fédéral mais aussi interculturel
québécois, en cela qu’il se projette au-delà en proposant une vision pluraliste de la société
canadienne dans laquelle l’un des principaux objectifs est de « se voir soi-même dans
l’autre ». C’est ce modèle de transculturalisme qui me paraît davantage convenir au
contexte urbain d’une ville aussi diverse culturellement que Calgary, terrain de notre
enquête.
2.3 La politique linguistique albertaine
La politique linguistique albertaine ne se distingue pas nécessairement de celles des
autres provinces canadiennes dans la mesure où elle apparaît aussi comme sectorielle,
c’est-à-dire qu’elle se limite principalement au secteur de l’éducation dans la langue
minoritaire ainsi que dans une moins large mesure au secteur juridique. En effet, c’est suite
à la Révolution tranquille québécoise et ses conséquences que la province de l’Alberta
accorde partiellement des droits à sa minorité francophone. Alors que jusqu’en 1964 la part
accordée à la langue française se limite à une seule heure quotidienne, la loi scolaire de
1964 permet de « désigner le français aussi bien que l’anglais comme langue
d’enseignement de la première à la neuvième [année] » (Smith, 2003, p. 39). La prochaine
50
loi passée en 1968 autorise l’utilisation du français à hauteur de 50% dans les écoles
désignées comme bilingues (Ibid., 2003) puis finalement en 1976, le gouvernement
albertain autorise les programmes d’immersion à proposer l’ensemble des matières,
excepté l’anglais, en français. Cependant, ces écoles ne conviennent pas à un public
francophone qui semble se diriger de plus en plus vers l’assimilation. Il faudra attendre
1982 avec la Charte des droits et des libertés, et en particulier son article 23, pour que la
minorité francophone albertaine ait accès « là où le nombre le justifie » aux écoles
françaises, comme on les appelle alors (Smith, 2003).
Dans le contexte législatif albertain, la Cour suprême du Canada a tout de même
reconnu aux francophones le droit de s'exprimer en français devant un juge (Loi 60; 6 juillet
198820). Cependant, nombre d’affaires juridiques (les affaires Paquette, Bugnet, Piquette,
Caron, Marquis et Pooran) impliquant la province de l’Alberta ont prouvé que cette loi (en
particulier son article 4) est loin d’être systématiquement implémentée. En général, au
Canada, les communautés de langues officielles en situation minoritaire (désormais
CLOSM) bénéficient d’une reconnaissance de leurs droits dans le cadre de la Charte
canadienne des droits et libertés de 1982 et de la Loi sur les langues officielles (désormais
LLO) adoptée en 1969. En 1988, le législateur fédéral a en effet révisé la LLO et a ajouté
la partie VII qui se lit comme suit :
41 (1) Le gouvernement fédéral s’engage à favoriser l’épanouissement
des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur
20 Loi 60 ; https://salic.uottawa.ca/?q=alberta_loi_linguistique
51
développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et
l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne.
Dans ce contexte « avéré » de bilinguisme officiel,
(2) [i]l incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que soient prises
des mesures positives pour mettre en œuvre cet engagement […] dans le
respect des champs de compétence et des pouvoirs des provinces (Mon
soulignement).
Dans la lignée de ce qu’avance Forgues (2010), il semble que la partie VII de la LLO révèle
tout de même une évolution dans la vision adoptée par le fédéral à l’endroit des minorités
de langue officielle, surtout dans son intention d’inscrire des actes à ses paroles.
Simplement, le palier fédéral du gouvernement ne se prononce pas encore totalement
puisqu’il laisse le soin à la province de circonscrire la portée de son action (« dans le
respect des champs de compétence et des pouvoirs des provinces »). Dans le contexte
albertain, l’on constate que la politique et les droits linguistiques accordés à la minorité
francophone se bâtissent « à coup de jugements » de la Cour d’appel de l’Alberta et de la
Cour suprême du Canada comme le démontrent les affaires précédemment citées qui sont
à l’origine des droits linguistiques en Alberta.
2.4 Résumé du chapitre 2
Le chapitre 2 a eu pour objectif d’approfondir la notion de contextualisation en
proposant un éclairage sur les questions historiques et linguistico-politiques afin de mieux
présenter la totalité du contexte calgarien. La démarche critique insiste sur l’importance et
52
la pertinence de fournir un contexte aussi précis que possible afin d’avoir le maximum de
cartes en main lors de l’étape de l’analyse.
Dans le chapitre suivant, je ferai une recension des écrits afin de répertorier les
problématiques liées à la francophonie minoritaire canadienne et les auteurs qui traitent de
ces sujets puis je m’intéresserai aux discours émergeant de ces francophonies avec leurs
idéologies mais aussi leurs stratégies.
53
Chapitre 3 : Recension des écrits et cadre théorique
Les études traitant des francophonies minoritaires canadiennes constituent un
domaine de recherche riche et complexe dans lequel l’Alberta demeure une province
relativement peu représentée car comme d’autres provinces ou territoires la situation de sa
francophonie minoritaire passe à peu près inaperçue (Stebbins, 2004a). Mon projet
doctoral, en proposant d’explorer la construction discursive de l’identité francophone
albertaine en fonction du déploiement de stratégies identitaires et de la variabilité des
dénominations à disposition des locuteurs de langue française, a pour objectif de pallier ce
manque. Mon intérêt pour un tel sujet trouve tout d’abord son origine dans mon expérience
personnelle d’immigrante francophone à Calgary et se trouve également lié au
questionnement sur la francophonie minoritaire qui a cours au Canada depuis la fin des
années 60.
Les années 90 mais surtout l’entrée dans le XXIe siècle avec l’expansion des
politiques de mondialisation a eu pour effet paradoxal de revenir à des questions plus
locales qui s’inscrivent toutefois dans cette nouvelle donne sociale. De plus, la publication
des résultats du recensement de 2011 nous invite à nous questionner constamment et à
affiner la perception et la représentation de la francophonie minoritaire albertaine. Ainsi, il
apparaît de plus en plus légitime de prendre en compte les diverses contributions
identitaires (linguistiques et ethnoculturelles) des locuteurs de français résidant en Alberta
si l’on veut réellement inclure notre francophonie dans la pluralité.
La démarche que je propose d’entreprendre, dans le cadre de ce troisième chapitre,
est la suivante : après avoir répertorié les recherches articulant les concepts de Canada
54
français et de francophonies minoritaires canadiennes, je m’attacherai à circonscrire les
problématiques identitaires de ces francophonies minoritaires canadiennes et de leurs
représentations. À partir de cette recension des écrits, je serai en mesure d’expliciter les
raisons pour lesquelles j’ai choisi de retenir les concepts de sociolinguistique critique, de
post-socioconstructivisme et de transculturalisme pour mon cadre théorique.
3.1 Du Canada français aux francophonies canadiennes minoritaires
Pour le néophyte, la question de la francophonie canadienne se résume souvent au
contexte québécois; à l’extrême rigueur, sera-t-il conscient que la langue française n’est
pas seulement parlée dans la belle province. Ainsi, pour les plus avertis, la question des
francophonies canadiennes en situation minoritaire se résume aux communautés
francophones les plus « visibles », c’est-à-dire, les plus importantes d’un point de vue
quantitatif : de manière peu surprenante, celles de l’Acadie (Nouveau-Brunswick,
Nouvelle-Écosse et Île du Prince Édouard) et celles de l’Ontario (francophone). Dans cette
perspective, si l’on s’intéresse aux ouvrages collectifs, l’on se rend compte que la part
accordée à ces régions constitue la majorité des articles, des chapitres et des livres sur la
question (Allain, 2004). Trois critères essentiels permettent d’expliquer les raisons d’une
telle primauté : la proximité avec le Québec, seule province officiellement monolingue
francophone; le pourcentage important de locuteurs francophones résidant dans ces deux
provinces (Castonguay, 2004); le développement de réseaux artistiques et de publication
qui verront l’expansion des réseaux de recherche en particulier sur les francophonies
minoritaires (CEFAN) (Gervais, 1995; Harvey, 2002). De plus, si l’on se penche sur le cas
55
de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, seule province bilingue, force est de constater
également que l’importance du nombre de publications sur la question francophone tient
sans doute à l’unicité du régime linguistique néo-brunswickois. En effet, il lui a permis de
se positionner de manière spécifique dans le débat sur le fédéralisme canadien et quelques-
uns de ses principes normatifs tels que l’existence de « deux peuples fondateurs » et la
reconnaissance de l’égalité du bilinguisme officiel canadien (Caron & Martel (dir.), 2016).
Dans ce contexte et afin de situer ma recherche dans l’ensemble francophone nord-
américain et d’en comprendre les dynamiques historiques et contemporaines, il m’a paru
nécessaire de mentionner l’objectif principal qui caractérise les premiers ouvrages
collectifs traitant de la question de la francophonie et publiés au Canada entre les années
60 et 80 : faire connaître la francophonie canadienne hors Québec et élargir le champ de la
francophonie québécoise et acadienne à l’ensemble de l’Amérique française. Cette
première époque charnière sonne le glas de l’unité que constituaient les communautés
francophones minoritaires à l’intérieur du Canada français (Cardinal, 1994; Martel, 1997),
« unité […] surestimée voire […] imaginée » (Langlois & Létourneau, 2004, p. ix). Ainsi,
la fin de cette inclusion dans le Canada français marque pour certains le passage des
recherches sur les francophonies minoritaires « de l’intérieur à l’extérieur des études
générales sur le Canada français incluant le Québec » (Harvey, 2002, p. 12).
Un premier recueil a ainsi particulièrement suscité mon attention, il s’agit de
Situation de la recherche sur le Canada français (1962). Réalisé sous la direction de
Dumont et Martin, ce livre s’inscrit dans la lignée de la publication, dix ans plus tôt, d’un
autre collectif intitulé Essais sur le Québec contemporain. Alors que ce dernier ne se
56
préoccupait que des questions « québécoises », ce nouvel ouvrage dessine déjà les
prémices d’un élargissement de la problématique francophone à l’échelle canadienne. Dans
cette même logique, l’on pourra relever deux autres recueils pertinents : d’abord, publié en
1983 sous la direction de Louder & Waddell, le collectif Du continent perdu à l’archipel
retrouvé nous dévoile une approche géoculturelle et demeure un « important outil pour
comprendre toute la complexité des rapports entre le Québec et ce qui reste de l’Amérique
française » (Laforest, 1988, p. 213). Puis, dans un deuxième temps, le projet du
Dictionnaire de l'Amérique française qui est mis sur pied dès 1982 et qui s’achève par la
publication de l’ouvrage en 1988. Écrite sous la direction de Dufresne, Grimard, Lapierre,
Savard et Vallières, cette encyclopédie sur la francophonie nord-américaine hors Québec
se propose d’explorer le devenir des diasporas acadiennes et québécoises en Amérique du
Nord sous l’angle historique et mémoriel. Les auteurs, en mentionnant dès l’introduction
leur souci de représenter équitablement les quatre grandes régions dans lesquelles se
concentrent les minorités francophones, à savoir l’Acadie, l’Ontario, l’Ouest canadien et
les États-Unis (Louisiane et Nouvelle-Angleterre) se situent également dans cette
mouvance de reconnaissance de l’existence de minorités francophones en dehors non
seulement du Québec mais aussi du Canada. Cet attrait pour la francophonie hors Québec
semble par conséquent reposer sur trois éléments historiques particuliers; la tenue des États
généraux du Canada français de 1966 à 1969, résultant de l’éclatement de la nation
canadienne-française, les conséquences de la Révolution tranquille et les résultats du
premier référendum sur l’avenir de la souveraineté du Québec (1980) (Laporte, 2013). Ces
événements, en ayant précipité les francophonies canadiennes dans une quête identitaire,
57
suite à leur statut nouvellement acquis de « déterritorialisés » (Deleuze & Guattari, 1972)
vont donc logiquement chercher à se définir, en premier lieu, territorialement (Martel,
1997). En effet, ces communautés minoritaires finissent par tenter de se (re)positionner
territorialement puisque, pour reprendre les mots de Thériault, Gilbert & Cardinal (dir.,
2008, p. 9), « bien des francophones se considéraient toujours ‘sans pays’ [dans les années
1970 et 1980] » (guillemets des auteurs) et seront à la recherche d’une certaine identité
territoriale à partir de ce moment-là.
La décennie suivante (1990) s’inscrit, d’une part, dans la continuité, avec la
parution d’un certain nombre de publications proposant un état des lieux des francophonies
minoritaires canadiennes (voir par exemple, Allaire, 1999; Boudreau & Nielsen, 1994;
Thériault, 1999) et d’autre part, dans la rupture, dans la mesure où certains écrits se
concentrent davantage sur les spécificités territoriales de certaines de ces francophonies
(cf. pour l’Acadie, Daigle (dir.), 1993; pour l’Ontario français, Jaenen (dir.), 1993 ou
encore Cotman, Frenette & Whitfield (dir.), 1995). Avec la contribution d’une quarantaine
de spécialistes, Francophonies minoritaires au Canada : L’état des lieux sous la direction
de Thériault (1999) nous offre un panorama extrêmement riche des contextes francophones
minoritaires de l'Acadie, de l'Ontario et de l'Ouest canadien dans lequel les auteurs dressent
un portrait non seulement des anciennes mais aussi des nouvelles réalités pré et post années
60 (Bélanger, 2001). En effet, la pluralité de ces nouveaux contextes sont explorés sous
l’angle de la postmodernité et des défis que cette dernière pose à toutes ces communautés,
notamment la remise en question des idéologies prégnantes résultant de décennies
« d’affiliation » au Canada français. Même si un certain dialectisme entre continuité et
58
rupture semble caractériser les francophonies minoritaires des années 90, le renouveau
semble toutefois prendre le pas. Ainsi, compte tenu du contexte social dans lequel ces
publications paraissent (redéfinition des identités des francophones vivant hors Québec),
les thèmes retenus gravitent désormais autour des notions de changement, de diversité, et
de fractionnement malgré un ancrage qui se veut territorial.
Conséquemment, les écrits qui paraissent dans les années 2000 nous permettent de
préciser notre perception de ce que l’on entend désormais par l’expression « francophonies
canadiennes hors Québec ». Que l’on choisisse de la traiter sous forme de
« fractionnement, [ou de] fragmentation identitaire » (Allain, 2004; Martel, 1998;
Thériault, 1999), de « francophonie plurielle » (Allaire & Gilbert (dir.), 1998), de
« francophonies minoritaires » (Bélanger, 2001; Harvey, 2002) ou bien, plus simplement,
par celle de « francophonie canadienne » (Allaire, 2004; Martel, 1997) ou encore de
« francophonies canadiennes » (Frenette, 2004; Harvey, 2002; Juteau, 1994; Traisnel,
2010), l’abondance des choix révèle à la fois une absence de consensus (Denis, 1996) ainsi
qu’une « évolution majeure […] [de cette notion] » (Langlois & Létourneau (dir.), 2004,
p. ix). Il faudra tout de même attendre le tournant du XXIe siècle pour que le premier
ouvrage de synthèse sur la problématique de la fragmentation des francophonies en
situation minoritaire ne paraisse. Ainsi, le collectif Francophonies minoritaires au
Canada : l’état des lieux (1999) publié sous la direction de Thériault dresse un bilan
exhaustif de la situation linguistique et culturelle de la langue française en situation
minoritaire au Canada. La question que les auteurs posent en début d’ouvrage demeure
plus que jamais d’actualité en 2017, à une époque où la mondialisation bat son plein : « Que
59
sont les communautés francophones canadiennes non québécoises? » (Thériault (dir.),
1999, p. 9).
Publié sous la direction de Langlois & Létourneau (2004), l’ouvrage Aspects de la
nouvelle francophonie canadienne se positionne d’emblée, comme son titre nous le
suggère, dans cette perspective de changement et de renouveau préconisée par les auteurs
dès la préface : « notre objectif est d’apporter au moulin de la connaissance empirique des
situations identitaires émergentes et de l’interprétation qu’il est possible d’en donner, des
éléments de compréhension pertinents » (Ibid., 2004, p. xii). Thériault (2007) nous propose
également de « faire peau neuve » en revisitant les notions de mémoire, de tradition et
d’histoire absentes des problématiques identitaires des années 60-90 à la lumière de cette
(post-)modernité, résultant entre autre de la mondialisation. Le but étant à présent d’insérer
non seulement une certaine « continuité mémorielle » (Ibid., p. 6) mais aussi une spécificité
locale dans les thématiques identitaires.
À mesure que l’on s’approche des années 2010, les thématiques et les approches
privilégiées dans les publications sur les francophonies canadiennes mettent l’accent sur
les questions de francophonies minoritaires au pays (Landry (dir.), 2014) et notamment
l’exploration de leurs nouveaux enjeux, défis et mobilisations (Thériault, Gilbert &
Cardinal, 2008). Ainsi, le collectif précédemment cité, La vie dans une langue officielle
minoritaire au Canada (Landry, (dir.), 2014), mérite que l’on s’y arrête un instant afin de
mieux comprendre l’évolution des recherches en ce qui a trait aux communautés de langue
officielle en situation minoritaire (ou CLOSM). Cet ouvrage, dans lequel pas moins de dix-
neuf auteurs s’interrogent sur les réalités quotidiennes des deux minorités de langue
60
officielle canadiennes, tout en privilégiant les questions relatives à l’éducation (de la
garderie aux contextes universitaires), à la santé, aux médias et à l’engagement social, vient
ainsi faire écho à une autre publication, l’Enquête sur la vitalité des minorités de langue
officielle (Corbeil, Grenier & Lafrenière, 2007). Force est de constater que les
problématiques qui font l’objet d’explorations et d’études dans ces derniers recueils sont
celles articulant particulièrement les questions de démographie, d’éducation, d’identité et
de vitalité linguistique et culturelle. Parmi ces dernières problématiques, je m’intéresserai
plus spécifiquement à celles relatives aux identités ainsi qu’à leurs représentations. Ce
court relevé des écrits sur les francophonies minoritaires canadiennes loin d’être exhaustif
ne serait pas « complet » sans que je me penche un instant sur les publications relatives aux
francophonies minoritaires « de l’Ouest » parfois aussi appelées « des Prairies ».
Les contours de ces francophonies dites « de l’Ouest » demeurent flous et incluent,
selon les publications, l’ensemble ou une partie des provinces suivantes : le Manitoba, la
Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique et parfois même les territoires se
situant au nord de ces régions. Il s’agit donc d’un espace englobant comme ne manque pas
de l’avancer Bélanger (2001) : « il est utile de rappeler que […] l'Ouest canadien,
comprend l'ensemble des provinces et des territoires à l'ouest de l'Ontario » (Bélanger,
2001, p. 159). Ainsi, si l’on se penche sur les ouvrages collectifs traitant de l’Ouest, l’on
pourrait commencer par mentionner le Dictionnaire des artistes et des auteurs
francophones de l'Ouest canadien (Morcos (dir.), 1998) avec la collaboration de Cadrin et
61
Dubé21. Ce recueil à visée encyclopédique et à vocation culturelle a pour objectif de
répertorier les francophones qui d’une manière ou d’une autre se sont illustrés ou ont œuvré
en faveur de la reconnaissance du fait francophone dans l’Ouest. De plus, un deuxième
recueil, Répertoire littéraire de l'Ouest canadien (1984), propose, contrairement à ce que
son titre laisse supposer, une variété d’entrées non seulement littéraires (auteurs de poésies,
de romans) mais aussi des notices dont les sujets s’avèrent plus sociaux (anthropologie,
journalisme). En effet, Saint-Pierre (1984) ne manque pas de nous rappeler que le mot
« littéraire » est pris « en son sens large pour englober aussi bien les littérateurs que les
historiens, les essayistes que les folkloristes » (CEFCO, 1984, p. ix). À ces ouvrages de
types encyclopédiques, l’on pourra ajouter le chapitre 8 du collectif de Thériault (1999)
précédemment cité. En effet, cette section écrite par Gratien Allaire nous invite à
appréhender l’évolution de la francophonie de l’Ouest en fonction de son rapport à
l’altérité; cet autre (italiques de l’auteur, p. 163) se décline au gré des époques et prend
successivement, et parfois même simultanément, le visage de l’Amérindien, de
l’Anglophone, de l’Européen, du Francophone, de l’Asiatique, de l’Africain, etc.
Additionnellement, il est intéressant de mentionner deux numéros relativement récents de
la revue Francophonies d’Amérique qui traitent de deux thématiques intimement liées à
mon sujet d’étude soit le numéro 32 publié à l’automne 2012, « Recherches & réflexions
sur les identités francophones dans l’Ouest canadien » et le numéro 35 au printemps 2013
intitulé « Les journaux des communautés francophones minoritaires en Amérique du
21 Et le soutien du Campus St Jean, Université de l’Alberta
62
Nord ». Malheureusement, même si l’ensemble de ces ouvrages et numéros spéciaux
traitent de problématiques relatives à l’Ouest, peu voire aucun ne traitent spécifiquement
des problématiques albertaines.
Dans ce contexte des francophonies de l’Ouest, si l’on se tourne à présent vers les
publications spécifiques à une région, le Manitoba remporte sans surprise la palme du
nombre d’écrits, compte tenu de la riche histoire de la province en matière de francophonie
et du nombre de chercheurs impliqués dans ce genre de recherches. Ainsi, en ce qui a trait
à la francophonie minoritaire, la construction identitaire, et l’immigration, l’on pourra lire,
avec profit, certains écrits des auteurs suivants, en particulier : Frenette, 1998; Hébert, R.-
M.; 2012; Ka, 2007; Lafontant, 2007; Marchand, 1997, 2004; Martin, 2005; Piquemal &
Bolivar, 2009; Piquemal, Bolivar & Bahi, 2009; Piquemal & Labrèche, 2011. Parmi ces
quelques suggestions de lecture, la posture adoptée par Piquemal & Labrèche, 2011, dans
leur article intitulé « Parcours identitaire des minorités involontaires au Manitoba français :
Vers une éthique en matière de dialogue, de réciprocité et d’éducation interculturelle » m’a
particulièrement interpelée dans la mesure où les auteurs proposent une réflexion basée sur
la réciprocité et le dialogue entre minorités involontaires (métis et réfugiés francophones)
dans le but d’instaurer un « décloisonnement » nécessaire au « vivre ensemble » (p. 187)
ou au besoin de « faire société » (Thériault, 2007). Cette piste de réflexion nous permet
d’envisager la situation calgarienne sous un jour différent comprenant une inclusion de
différents types de locuteurs de français dans une perspective transculturelle. En effet, à
l’instar de la francophonie manitobaine plurielle, la francophonie albertaine, et de surcroît
calgarienne, se caractérise par une véritable « mosaïque linguistique et identitaire, [qui
63
s’est] regroupée […] au niveau politique pour la sauvegarde de ses droits (Marchand, 2004,
p. 147).
Comparée d’une part à l’Ontario et au Nouveau-Brunswick et d’autre part au
Manitoba, l’Alberta compte peu de recherches sur sa minorité francophone malgré le fait
qu’elle soit démographiquement la troisième province comptant le plus de locuteurs de
français après ces deux provinces situées de part et d’autre du Québec et qui hébergent à
elles seules 77% du quelque million de francophones minoritaires pour qui le français
constitue la langue maternelle (Zaninetti, 2013). Les auteurs ayant contribué à faire
connaître un peu plus les problématiques identitaires albertaines sont les suivants : Abu-
Laban & Couture, 2010; Couture & Bergeron, 2002; Dubé, 1994; Maddibo, 2010; Mulatris,
2009, 2010; Mulatris & Skogen, 2012; Thompson, 2011. Par exemple, l’ouvrage,
L’Alberta et le multiculturalisme francophone : témoignages et problématiques, publié en
2002, sous la direction de Couture & Bergeron, propose une collaboration entre la
communauté et l’université franco-albertaine afin de réfléchir et d’apporter des réponses
aux questions relatives à la cohabitation du bilinguisme officiel et du multiculturalisme au
Canada. Cette collection de témoignages révèle sans surprise, une tension inhérente au sein
d’une minorité déjà fragilisée. En effet, la délimitation des frontières identitaires est
problématisée à travers les difficultés d’intégration dans la communauté d’accueil
exprimées par les nouveaux arrivants. Cependant, grâce à la collaboration constituée par
les témoignages des participants et les analyses des auteurs, l’on parvient à entrevoir une
esquisse des modalités d'aménagement de la pluralité culturelle et linguistique à venir.
64
En ce qui concerne l’inclusion des minorités visibles dans les milieux scolaires
francophones albertains, l’on pourra lire avec profit Dalley (2008); Dalley & Roy, (2008);
Dubé (2002); Jacquet (2009); Piquemal & Bolivar (2009); Roy (2010) puisqu’ils analysent
les enjeux de la diversité dans l’école francophone albertaine. De plus, Dubé (2008, 2009)
et Dubé & Mulatris, (2012) abordent la question de l’interculturel et du transculturel en
rapport avec l’immigration francophone en Alberta. Concernant le contexte urbain
calgarien, on consultera aussi les travaux de Hébert (1993, 2010, 2013); Hébert, Wanner
& Acapovi (2009); Hébert, Wilkinson, Ali & Oriola (2008) ; Roy & Gélinas (2004) et
Stebbins, (1994, 1996). Ces dernières publications montrent déjà l’évolution de la réflexion
en ce qui concerne la francophonie albertaine et la manière dont on va chercher à la définir
dans les années à venir.
3.2. Discours identitaire et idéologies
3.2.1 Définition du terme discours en relation avec la construction identitaire
et la représentation sociale.
Le travail discursif […] s’exerce à la frontière du texte et du monde (Rizkallah & Colette, 2015, p.
33)
Il y a presque autant de définitions de discours que de chercheurs qui s’y intéressent.
Ainsi, il convient de proposer une définition en adéquation avec l’usage que l’on veut en
faire. Suivant ce précepte, la notion de discours au sens large et telle que définie par Gee
(1996) se lit comme suit :
65
Discourses are ways of being in the world, or forms of life which integrate
words, acts, values, beliefs, attitudes and social identities, as well as
gestures, glances, body positions, and clothes. A Discourse is a sort of
identity kit, which comes complete with the appropriate costume, and
instructions on how to act, talk and often write so as to take on a particular
social role that others will recognize (p. 127; Mon soulignement).
Cette définition met en parallèle deux notions absolument cruciales dans le cadre de mon
analyse : la perception du monde, c’est-à-dire les réalités dans lesquelles l’acteur social
évolue en relation à son répertoire linguistico-culturel et à sa capacité d’adaptation au
contexte; l’acteur social n’est plus perçu comme ayant une identité fixe mais plutôt un
ensemble d’identités qu’il peut tour à tour revêtir en fonction du type d’interaction (écrite,
orale, non-verbale) dans laquelle il se situe. Il est ainsi capable d’adapter son comportement
linguistique et culturel aux circonstances sociales.
De plus, il y a une dimension supplémentaire à cette définition de discours que je
voudrais ajouter : l’idée de sens commun et de construction telle qu’avancée par Grize
(1990) et selon laquelle : « […] l’activité de discours sert à construire des objets de pensée,
qui serviront de référents communs aux interlocuteurs […] et j’ajouterai que, pour avoir
ce sens en commun, il le faut construire » (p. 22; Mon soulignement).
66
3.2.2 Études de discours et analyse du discours.
Les principes de l’AD nous convient à postuler que tout le sens n’est pas donné à la
surface du texte, celui-ci est plutôt pavé de traces qui en orientent le sens (Rizkallah & Colette,
2015, p. 33)
Délimiter et répertorier le champ des études de discours aujourd’hui est
extrêmement complexe car il s’agit d’un domaine vaste et les diverses approches
théoriques et méthodologiques découlent d’une multitude de traditions scientifiques
(Angermuller, Maingueneau & Wodak, 2014). Le terme d’analyse du discours a commencé
à émerger dans les années 60. Aujourd’hui, il s’agit d’un champ d’étude particulièrement
prolifique si l’on en croit la tendance à nommer plus globalement ce champ « les études de
discours » (Ibid., 2014). Dans ce cadre extrêmement large des études de discours, son
versant critique a donné naissance à l’analyse critique de discours que van Dijk, dès 1986,
définit comme une « science critique » qui :
[b]eyond description or superficial application […] asks further questions,
such as those of responsibility, interests, and ideology. Instead of
focusing on purely academic or theoretical problems, it starts from
prevailing social problems, and thereby chooses the perspective of those
who suffer most, and critically analyses those in power, those who are
responsible, and those who have the means and the opportunity to solve
such problems (p.4 cité dans Wodak & Meyer, 2001).
67
3.2.3 L’analyse critique de discours (désormais ACD).
L’analyse critique de discours est un paradigme à présent bien établi en linguistique
et sa création en tant que mouvement international remonte à il y a un peu plus de 25 ans
avec la rencontre entre Norman Fairclough, Ruth Wodak et Teun van Dijk et la publication
d’ouvrages incontournables tels que, Language and Power (Fairclough, 1989), Language,
Power and Ideology (Wodak, 1989) et Prejudice in Discourse (van Dijk, 1984). Avant la
discipline se mélangeait avec la linguistique critique (CL) pour finir par s’en détacher dès
le début des années 2000 (Wodak & Meyer, 2001). Le développement et la base de
l'analyse critique de discours sont surtout représentés dans les publications de Fairclough
(notamment, 1989, 1992, 1995, 2003) et avec des liens plus récents aux théories
sociologiques dans Chouliaraki & Fairclough (1999). Alors que certains auteurs tels que
Toolan, 2002; van Dijk, 2008a, 2008b; Wodak, 1996; Wodak & Meyer, 2001; Wodak &
Ludwig, 1999; Weiss & Wodak (2003) choisissent de présenter l’ensemble des acceptions
représentées au sein de l'ACD; d’autres tels que Jørgensen & Philipps, 2002 et Titscher,
Wodak, Meyer & Vetter, 2000 préfèrent s’en tenir à des résumés des postures nécessaires
à l’éclairage de leur recherche. Ainsi, Billig & Schegloff (1999) discutent-ils en particulier
des relations entre ACD et analyse conversationnelle. Wodak & Chilton (2005) dans leur
ouvrage introduisent de nouvelles perspectives en ACD; van Leeuwen (2008) établit des
parallélismes entre la sémiotique et l’analyse de données visuelles.
La perspective que j’ai voulu adopter lors de cette étude a été celle de l’analyse
critique du discours (ACD). Qu’entend-on par analyse critique du discours et quelles sont
68
les perspectives offertes lorsque le chercheur décide d’utiliser une méthodologie qualitative
incluant ce type d’outil?
CDA is a – critical – perspective on doing scholarship: it is, so to speak,
discourse analysis “with attitude”. It focuses on social problems and
especially on the role of discourse in the production and reproduction of
power abuse and domination (van Dijk, 2001, p. 96).
La particularité de « l’analyse critique de discours » repose dans la perspective
justement critique d’une telle analyse, il s’agit d’analyser les discours avec une certaine
posture épistémologique présupposant une envie irrépressible de changement sociétal.
Comme nous le rappelle Maingueneau (2012) : « L’analyse du discours n’est en effet
réellement critique que si elle n’autonomise pas les textes, qu’elle les rapporte à des
pratiques sociales et à des intérêts situés » (p. 14). En cela, c’est une discipline qui s’inscrit
dans la continuité de la linguistique critique (LC; discipline à la base de l’ACD mais qui
s’en est détachée) et a des liens avec la sociolinguistique critique (Heller, 2002, 2007a,
2007b, 2011; voir aussi Auger, Dalley & Roy, 2007; Boutet & Heller, 2007; Dalley & Roy,
2008) qui s’intéresse aux processus idéologiques à l’œuvre dans le discours et qui ne se
borne pas à décrire les pratiques linguistiques en surface. En effet, l’analyse de discours
critique implique non seulement une interrelation de départ mais surtout des va-et-vient
constants entre les discours, l’agent et la société. « L’intérêt de l’analyse du discours est
d’appréhender le discours comme articulation de textes et de lieux sociaux »
(Maingueneau, 2012, p. 4). Comme le souligne Gee (2014), six éléments ou plutôt
« outils » (« six theoretical tools », p. 156) issus de plusieurs domaines voisins
69
(anthropologie et psychologie culturelles; changement social; critique littéraire; histoire;
philosophie et philosophie politique [notamment ce que constitue la nature du débat social];
psychologie cognitive et sociale; sociolinguistique) sont en prendre en considération
lorsque l’on décide de « faire » de l’analyse (critique) de discours, révélant ainsi sa
dimension interdisciplinaire. Dans le cadre de cette étude, je me suis attachée à certains de
ces aspects, plus particulièrement à la notion de « situated meaning », selon laquelle l’agent
construit littéralement ce qu’il souhaite signifier au fur et à mesure qu’il émet son discours
dans un contexte particulier (« […] humans actively build meanings ‘live on line’ when we
use language in specific contexts », Ibid., p. 156) et de « Conversations » (avec un C
majuscule) signifiant : « Discourses – historically different kinds of people enacting and
recognizing different socially significant identities – use people, texts, and media to carry
on historically significant Conversations (debates) among different themselves ». Ces deux
points me paraissent particulièrement pertinents dans la mesure où ils permettent
l’articulation entre continuité et changement.
Ainsi, lorsque le chercheur s’intéresse à l’ACD, il doit garder présent à l’esprit
quelques caractéristiques propres à cette discipline. Ainsi, selon Kress (1989) et Wodak &
Meyer (dir., 2001), la langue est un phénomène social, c’est pourquoi les individus ainsi
que les groupes et les institutions développent des significations et des valeurs spécifiques
qui s’expriment systématiquement dans le langage qu’ils utilisent; les textes [oraux et
écrits] représentent des unités pertinentes dans le processus de communication et leurs
lectorats / auditeurs ne sont pas passifs quant à leurs relations avec ces différentes formes
de textes, que l’on peut nommer intertextualité. En outre, comme le relève Meyer (dans
70
Wodak & Meyer, dir., 2001), il n’existe pas à proprement parler de méthode associée à la
collecte des données lorsque l’on utilise une approche de ACD : « there is no typical CDA
way of collecting data : first data collection, first analysis, finding indicators for particular
concepts, expanding concepts into categories, collecting further data » (p. 23). En
revanche, quelques principes nous éclairent sur ce que l’on devrait attendre d’une analyse
critique de discours : d’abord, en tant que discipline linguistique, elle devrait s’appuyer
fortement sur les catégories linguistiques et notamment sur l’analyse de marqueurs
linguistiques tels que l’usage d’actes de langage, de certains pronoms, d’un certain lexique,
de la modalité, de métaphores, de différents registres, de structures syntaxiques
particulières et des notions d’agentivité / passivité, (Fairclough, 1989) mais aussi sur les
acteurs sociaux en présence, ainsi que sur le contexte spatio-temporel (historicité) et
l’aspect argumentatif du discours (Wodak & Meyer, 2001). Plusieurs autres
caractéristiques propres au discours pourront également être prises en compte durant
l’analyse; par exemple, les macrostructures sémantiques, c’est-à-dire le traitement et la
façon dont le sujet suggéré par la question est traité (explication, relation entre plusieurs
aspects du sujet) ou pas, dans le cas d’une déviation par rapport au sujet initial; la
signification locale, en particulier les occurrences où le sens se construit à travers des
tournures implicites, contournées, indirectes, ou suggérées ou dont l’un des mots prend un
sens local. Pour finir et en relation directe avec l’ACD se situent les notions de pouvoir et
d’idéologie qui feront l’objet de la partie suivante (Wodak & Meyer, 2009).
71
3.2.4 Idéologies, attitudes et pouvoir.
Le concept d’idéologie renferme « l’ensemble des représentations mentales qui
apparaissent dès lors que des hommes nouent entre eux des liens. Les mythes, les religions,
les principes éthiques, les us et coutumes, les programmes politiques sont, dans cette
acception, des idéologies » (Baechler, 1976, p. 18-19). Dans le domaine de la
sociolinguistique, le concept d’idéologie renvoie ainsi à des croyances ingrates et
« inquestionnées » sur la façon dont le monde est […] et devrait être, en particulier en ce
qui concerne la langue (Rickford & Wolfram, 2009).
C’est en particulier le contexte de la mondialisation qui a vu un changement sans
précédent en ce qui a trait aux idéologies linguistiques et à la gamme d’identités disponibles
pour l’individu bilingue voire multilingue (Pavlenko & Blackledge, 2004). En effet, les
changements sociaux, économiques et politiques relatifs à la mondialisation en apportant
avec eux des changements sans précédent modifient les éventails d'identités offerts aux
individus. De plus, ce sont les idéologies véhiculées à travers certains discours comme
celui de la Survivance dans le cas du Canada français présentes à une époque donnée qui
rendent légitimes et valorisent plus particulièrement certaines identités. À ce propos, on
pourra par exemple se référer à l’article de Martel & Villeneuve (1995) qui apporte un
éclairage sur les idéologies liées à la nation, et à l’éducation en relation à l’identité du
locuteur majoritaire ou minoritaire.
Lorsque l’on s’intéresse aux idéologies linguistiques au Canada, les domaines de
prédilection dans lesquels les auteurs traitent plus particulièrement de la notion d’idéologie
linguistique sont en particulier les études sur l’éducation et la littératie (Auerbach, 1991;
72
Dionne, 2017; Gee, 1992, 1996; Mahé, 1999; Moodley, 1999; Roy, 2015); les discours sur
la langue, et en particulier celui sur les langues officielles (Hébert, 2002; Jedwab, 2002;
Kymlicka, 1998, 2003, 2007; Kymlicka & Patten, 2003; Mackey, 2014; Pavlenko &
Lantolf, 2004) ainsi que les politiques de bilinguisme et de multiculturalisme (Haque,
2012; Hébert, 2013; Houle, 1999). Ainsi, dans les contextes multilingues, le choix et les
attitudes face aux langues sont inséparables des arrangements politiques, de la relation du
pouvoir, des idéologies de langage et des opinions des interlocuteurs sur leurs propres
identités (Pavlenko & Blackledge, 2004).
3.3 Stratégies identitaires et multiples dénominations
Se rapprochant plus précisément de la problématique à l’œuvre dans mon projet de
recherche, Heller & Labrie (dir., 2003), dans l’ouvrage Discours et identités : La francité
canadienne entre modernité et mondialisation, se proposent d’explorer le rapport entre ce
que veut dire être francophone dans les contextes ontarien et acadien et parler les deux
langues officielles. En outre, le livre Comment un peuple oublie son nom : La crise
identitaire franco-ontarienne et la presse française de Sudbury (1960-1975) écrit par Bock
en 2001 présente la question de la dénomination comme un « dilemme identitaire » (p. 9),
caractéristique de l’Ontario français contemporain. De plus, deux articles de
Boissonneault, respectivement publié en 1996 (« Bilingue/francophone, Franco-
Ontarien/Canadien français : choix des marques d'identification chez les étudiants
francophones ») et en 2004 (« Se dire… mais comment et pourquoi? ») participent de cette
même mouvance. En nous fournissant une réflexion sur les marqueurs d’identité, l’auteure
73
revisite ainsi la problématique de l’évolution de la cohésion identitaire en Ontario français;
l’angle adopté étant celui de l’articulation entre la mémoire (souvenance) et la
fragmentation (dispersion et diversité). Cette problématique de la mémoire de l’Ontario
français se retrouve également dans le Dictionnaire des écrits de l’Ontario français : 1613-
1993 (Gervais & Pichette, 2010, p. ix), ouvrage dont la perspective historique contribue à
l’affirmation de l’identité franco-ontarienne en dotant, d’une part, cette communauté d’une
présence publique et en valorisant, d’autre part, les études sur l’Ontario français ayant pour
but la consolidation de sa communauté universitaire. Ces publications, dans leur tentative
d’expansion de la définition de francophone, permettent de lancer le débat entre identités
linguistique et culturelle. En effet, si l’on part du principe qu’un individu peut user de
« stratégies identitaires » (Camilleri et al., 1990) et revêtir tour à tour une panoplie
d’identités sociales diverses mais aussi manifester des « résistances identitaires » (Haas,
2006, p. 15), il en résulte une complexification quant à l’acception des termes utilisés pour
définir les locuteurs de français vivant au Canada.
3.3.1. Entre identités individuelles et collectives.
Traitant de thématiques relatives à l’articulation des identités individuelles et
collectives en milieux francophones canadiens, l’ouvrage La question identitaire au
Canada francophone : Récits, parcours, enjeux, hors-lieux, sous la direction de Letourneau
avec la collaboration de Bernard (1994), s’inscrit également dans ce renouveau initié par
la fin de l’État-nation et la reconnaissance de l’identité, ou plutôt devrai-je dire des
identités, qui en résulte; identités qui sont désormais perçues comme « plurielle[s],
74
confuse[s], hétérogènes[s] et mouvante[s] » (Létourneau dans Létourneau (dir.), 1994, p.
ix). Ces identités sont désormais envisagées comme résultant de « processus s’établissant
par/avec/contre les autres, c’est-à-dire comme une tension constante entre l’individuel et
le collectif, l’être et le devenir, le soi (axe biographique) et autrui (axe relationnel) (Mulatris
& Skogen, 2012, p. 334).
De plus, le rapport Qui sont les francophones? Analyse de définitions selon les
variables du recensement préparé par Guignard-Noël, Forgues & Landry, 2014) mérite
également que l’on s’y attarde quelques instants car son objectif principal était lors de sa
première mouture dès 2006 de réfléchir à « la façon de définir les francophones vivant en
situation minoritaire et, conséquemment, de quantifier leur poids démographique à des fins
de recherche et d’interventions en matière de santé (Guignard-Noël, Forgues & Landry,
2014, p. 11). Les différents experts qui se sont alors penchés sur la question étaient issus
des organismes suivants : Statistique Canada, Santé Canada, le Commissariat aux langues
officielles, le Consortium national de formation en santé (CNFS), la Société Santé en
français (SSF), la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA) et
Patrimoine canadien. Ce rapport révèle l’importance des variables utilisées dans les
définitions en relation au type de recherche effectuée. De la même façon, la revendication
d’une identité particulière doit être étudiée en fonction du contexte dans lequel elle
s’exprime.
75
3.3.2 Entre identité francophone et identité bilingue.
Dans le contexte francophone minoritaire, les dénominations utilisées pour se
référer aux locuteurs de langue françaises sont loin d’être fixes et se déclinent sous diverses
appellations (Pilote, 2007) en fonction des traits identitaires déployés ou pas. En effet,
« […] certains traits identitaires deviennent significatifs seulement dans
certaines situations pertinentes […] parce qu’ils s’inscrivent dans une
transaction ou une négociation où ils constituent tantôt des symboles ou des
arguments, tantôt des marqueurs de frontières et des repères discriminants
pour justifier l’appartenance ou l’exclusion (Assayag, 2001 cité dans
Gingras, 2005, p. 238).
Ainsi, est-on confronté à une multitude d’étiquettes identitaires telles que « identité
bilingue » utilisée notamment comme identité affichée chez de nombreux finissants des
programmes d’immersion française (Gérin-Lajoie, 2001, 2006 ; Landry, Deveau, & Allard,
2006c) ou encore « identité francophone » (Cardinal, 1994; Charron, 2017; Dallaire, 2004;
Dallaire & Roma, 2003; Deveau, 2008; Fourot, 2016; Frenette, 2015; Jacquet, Moore &
Sabatier, 2008; Jacquet, Moore, Sabatier, & Masinda, 2000; Madibbo, 2010 ; ou certaines
de ses variantes plus locales comme « franco-albertaine » (Parent, 1994 ; Roberto, 2013 ;
Thompson, 2011).
Avec le phénomène de mondialisation engendrant de nombreux déplacements l’on
remarque que les marques identitaires se complexifient ou au contraire se simplifient à
l’extrême en fonction de l’individu qui les utilisent. D’autres référents font ainsi leur
76
apparition comme « identité franco-canadienne » par exemple sous la plume de Moïse,
McLaughin, Roy, & White, 2006.
3.4 De Culture(s) à Transculturel
Ainsi, nourries par le vacillement des identités et menacées dans leur intégrité, les cultures mettent en
œuvre autant de stratégies de résistance que d’accommodement. (Paré, 2003, p. 9-10).
Lorsque l’on s’intéresse de près à la notion de culture, l’on constate le nombre
saisissant de définitions dont le chercheur dispose. Dans ce contexte, il m’a paru important
de commencer ce défrichage par la citation de Paré, en épigraphe, qui, d’emblée, situe la
culture dans un moment de transition clé lié aux transformations identitaires. La pluralité
accordée à la notion même de « cultures » renforce ce sentiment d’oscillation entre
indécision et résolution. En s’inscrivant à la fois dans « des stratégies de résistance » autant
que « d’accommodements » il me semble que l’auteur situe bien le concept de « cultures »
dans l’ère postmoderne qui caractérise notre époque globale transculturelle.
Toutefois, le caractère transculturel doit puiser ses sources à la fois dans l’apport
que constitue la culture de l’altérité mais aussi dans le respect d’une certaine mémoire de
la population initiale. Ainsi, selon El Tibi (2001, p. 17), la notion originelle de culture
renferme, d’une part,
[…] tout ce qui concerne l’évolution historique d’un peuple : le capital qu’il
a accumulé au fil des siècles, le passé commun d’un groupe d’hommes
réunis dans une société distincte, un atavisme qui se traduit dans son
quotidien […] [et] qui contribue le mieux à l’identifier.
77
Elle constitue en cela une histoire voire une mémoire commune; en d’autres termes, « son
bien le plus précieux » (Ibid., p.17). Cette inscription habituelle de la culture dans la
mémoire, telle que l’on peut aussi la retrouver chez Dumont (1995, pp. 17-18), fait que la
culture correspond,
selon son acception la plus large, […] [à] un stock de codes, de manière
d’être et de faire indispensables à nos actions comme à l’existence en
commun. […] La culture est donc un héritage. Voilà en quoi elle pose,
comme enjeu primordial, le problème de la mémoire.
Cependant cette vision unique de la culture comme mémoire ne suffit plus à appréhender
les stratégies et les constructions identitaires complexes résultant des flux incessants de la
mondialisation et de la postmodernité. C’est pour cette raison que la deuxième partie de la
définition de El Tibi prend toute son importance quand l’auteure écrit : « [la culture] [c]’est
le désir de se faire connaître, ou reconnaître, de l’Autre, le non-soi, et la capacité de
s’ouvrir à lui » (Ibid., p. 17; Mon soulignement) car cette précision permet désormais de
positionner le culturel dans une perspective et une réflexion trans-. Cette approche n’est
pourtant pas si nouvelle puisque l’on en décèle les premières esquisses dans un article de
Lafontant intitulé « Adieu ethnicité, bonjour minorité » qui a été publié dans les Cahiers
Franco-Canadiens de l’Ouest à l’automne 1992, soit quelques 25 ans auparavant. Dans cet
article, l’auteur avance, entre autre, qu’il ne croit pas « qu’il y ait quelque caractéristique
culturelle qui soit indélébile » (p. 220) puisqu’il s’agit d’ajouts même lorsqu’il est question
de la langue. Il propose ainsi une définition relativement innovante pour l’époque puisqu’il
voit la culture comme un ensemble de panoplies interchangeables. Cependant, il reconnaît,
78
tout de même, le caractère prégnant de la culture initiale à travers l’usage d’une métaphore
vestimentaire puisqu’il la compare à un vieux vêtement que l’on continuerait de préférer
au neuf quelles que soient les circonstances. Ainsi, le cheminement des questions
culturelles et linguistiques au Canada a clairement suivi, à travers les époques, un sentier
jalonné par des politiques mettant en avant la dualité linguistique et/ou le
multiculturalisme. L’évolution du multiculturalisme vers ce que l’on peut appeler le
« multiculturalisme social » ou le « transculturalisme » se retrouve à l’échelle des
définitions proposées de la culture et en cela fait évoluer par la même occasion la notion
d’identité.
Dans le domaine éducatif, cette problématique de la définition de la culture se
repose aussi de façon constante comme le souligne fort justement Gérin-Lajoie (2010, p.
375; Mon soulignement) lorsqu’elle propose de
[…] réfléchir collectivement à la question de la culture. Il faut susciter une
réflexion chez les intervenants et les intervenantes scolaires, et non pas
seulement chez les enseignantes et les enseignants, pour arriver à une
définition commune de la culture, qui reflète davantage la réalité des écoles
de langue française en Ontario.
À travers cet exemple, l’auteure soutient deux idées fondamentales quant à l’expression du
concept de culture : le fait qu’il faille la définir en groupe et en fonction d’un contexte local
particulier.
79
3.5 Résumé du chapitre 3 : Cadre théorique
Ce troisième chapitre de recension des écrits s’intéressant au champ de la
francophonie minoritaire canadienne a eu pour premier objectif de répertorier les manques
concernant les recherches mettant en relation les locuteurs de français et leurs rapports à
leurs identités ethnolinguistiques et culturelles. Il m’a notamment permis de constater une
quasi absence de recherches articulant les problématiques identitaires dans les contextes
pluriels des métropoles canadiennes de l’Ouest. C’est pour cela que mon étude de cas s’est
concentrée sur l’exemple de la ville de Calgary.
Le second objectif a été d’extraire de cet exercice de recension des écrits le matériel
théorique nécessaire à la construction de mon cadre conceptuel d’analyse. Cet outil qui sera
à l’œuvre dans ma partie interprétative et analytique (chapitre 6) s’appuie sur la
sociolinguistique critique pour le changement, le post-socioconstructivisme et le
transculturalisme. Cet outil conceptuel me permettra de revisiter et de mettre en relation
les notions d’appartenances, de constructions et de stratégies identitaires et d’idéologies
linguistiques. À travers une étude de cas s’appuyant sur une analyse critique des différents
discours composant mon corpus constitué à la fois de sources écrites (journaux albertains
de langue française et questionnaires) et de sources orales (entrevues individuelles),
j’interrogerai la relation entre le fait de parler français et les références nominatives
linguistiques et culturelles dont se réclament les locuteurs de français à l’étude dans les
situations socio-culturelles et linguistiques calgariennes actuelles. À travers cette
démarche, j’étudierai ainsi sous un nouvel angle l’identité francophone calgarienne
80
contemporaine. Dans le chapitre qui suit je présenterai l’approche méthodologique que j’ai
choisie pour analyser les données recueillies et répondre à mes questions de recherche.
81
Chapitre 4 : Méthodologie
L’objet d’étude de la sociolinguistique n’est pas donné au chercheur, mais construit par lui et cette
construction est le premier pas de toute enquête (Calvet dans Calvet et Dumont, 1999, p. 11)
Ce chapitre a pour principal objectif de préciser la posture épistémologique ainsi
que les choix méthodologiques qui sous-tendent cette recherche. En effet, Creswell (2014)
avance que le choix d’une approche méthodologique particulière repose sur un grand
nombre de critères tels que la posture philosophique du chercheur, les procédures
méthodologiques générales (conception et démarche de recherche), les méthodes plus
spécifiques de collecte, d’analyse et d’interprétation des données mais aussi sur la nature
de la problématique, l’expérience personnelle du chercheur ainsi que le lectorat. C’est pour
ces raisons que je m’attacherai à présenter les modalités de collecte de données et
rappellerai brièvement le cadre théorique sur lequel se fonde mon analyse et mon
interprétation des données. La présentation de cette démarche se fera en trois temps :
d’abord, je présenterai ma conception du savoir en tant que construction sociale et ce que
j’entends par approche « qualitative et interprétative » ainsi que ce que cela implique quant
à ma posture et mon rôle de chercheuse; puis, je m’attarderai sur le choix du type de sources
utilisées lors du processus de création du corpus et sur le cadre d’analyse spécifique
(sociolinguistique critique, post-socioconstructivisme et transculturalisme) adopté lors de
l’analyse et de la phase d’interprétation.
82
4.1 Construction des savoirs et posture épistémologique
4.1.1 Vers un savoir commun construit socialement.
Le savoir, selon la perspective du socioconstructivisme (Creswell 2014; Berger &
Luckmann, 1991; Lincoln & Guba, 1985), repose sur une compréhension et une
interprétation individuelles du monde. Cependant, il faut garder présent à l’esprit que
même si le savoir que j’ai construit en tant que chercheuse est empreint de ma propre
conception du monde, j’ai essayé, autant que faire se peut, de le baser sur une co-
construction impliquant d’abord les diverses expériences des acteurs sociaux présents et
passés (relevés dans les discours des journaux, des questionnaires et des entrevues). Ainsi,
ces différents discours attribuent une signification et un sens aux choses et aux objets qui
les entourent et développent en cela un savoir commun, source de la réalité co-construite
(participants et chercheuse).
C’est cette multiplicité de sens et de significations qui m’a encouragée à me
confronter à cette variété de focalisations et de points de vue afin d’offrir un panorama
aussi exhaustif que possible de la francophonie calgarienne actuelle. Ce faisant, je n’ai pas
manqué de remarquer que cette subjectivité se retrouvait également à ma propre échelle
dans la mesure où j’incarnais, avec mon propre discours, mon vécu d’actrice sociale. Loin
d’être négative, cette subjectivité m’a amenée à pousser mon propre questionnement au-
delà de mes expériences sociales personnelles. En me confrontant à l’altérité, mon propre
savoir s’est retrouvé parfois bousculé, ce qui m’a amenée en définitive à m’interroger de
manière plus fine et à proposer des réponses plus nuancées, base inéluctable d’une réalité
83
co-construite. En accomplissant ces va-et-vient successifs, je suis parvenue peu à peu à
façonner et refaçonner ma vision du monde en partenariat avec le reste des acteurs sociaux.
4.1.2 L’approche constructiviste en sciences sociales.
Dans le domaine des sciences « dures », le concept de constructivisme est plus
empreint de tradition scientifique et se définit par une vision de la réalité comme
« construction intellectuelle […] dépendant [de] prérequis conceptuels et théoriques […]
façonnée par des équations de départ [hypothèses] » (Mucchielli, 2004, p. 8). En revanche,
la vocation du socioconstructivisme s’avère profondément différente dans la mesure où il
s’intéresse davantage à la compréhension de phénomènes observés au fil des interactions
à un niveau micro, censé mieux rendre compte de la complexité d’un phénomène social.
De plus, l’accent n’est pas mis sur un besoin impérieux de réplication mais vise plutôt à
une certaine transférabilité en proposant une représentation de la réalité co-construite à
partir de l’expérience sociale du chercheur et de celle des participants. Additionnellement,
le socioconstructivisme se combine souvent avec l'aspect interprétatif de la recherche
(Berger & Luckmann, 1991; Crotty 1998, Lincoln & Guba, 1985, 2000). Sur ce point,
Creswell (2014, p. 9) nous rappelle que :
Humans engage with their world and make sense of it based on their
historical and social perspective we are all born into a world of meaning
bestowed upon us by our culture. Thus, qualitative researchers seek to
understand the context or setting of the participants through visiting this
context and gathering information personally. They also make an
84
interpretation of what they find, an interpretation shaped by the
researchers' own experiences and backgrounds (Mon soulignement).
L'objectif primordial de la recherche qualitative en général et socioconstructiviste en
particulier est donc de s'appuyer autant que possible sur les points de vue des participants
concernant la situation étudiée. Pour ce faire, j’ai veillé par exemple, comme le suggère
Crotty (1998, cité dans Creswell, 2014), à ce que les questions proposées lors du
questionnaire et de l’entrevue soient ouvertes ou semi-ouvertes (dans la mesure du
possible) et aient trait à des thèmes généraux afin de privilégier la construction du sens des
participants dans une situation donnée. Souvent, ces significations subjectives sont
négociées socialement et historiquement. En d'autres termes, ces acceptions ne sont pas
simplement assignées à des individus mais se forment et se reforment par interaction avec
autrui, en relation aux normes historiques et culturelles. De plus, je reconnais également
que mes propres antécédents façonnent mon interprétation et qu'il a fallu à chaque étape
me « positionner » dans la recherche pour reconnaître comment l’interprétation des acteurs
sociaux résulte des expériences linguistiques et culturelles, et historiques propres à chaque
participant. L'intention du chercheur est alors de construire un sens (ou d’interpréter) les
significations que les autres ont sur le monde. Plutôt que de commencer avec une théorie
(comme dans le post-positivisme), les socioconstructivistes génèrent ou développent de
manière inductive une théorie ou un motif de signification et c’est de cette manière que j’ai
choisi de procéder.
La démarche scientifique sous-tendant mon projet de recherche s’inscrit ainsi dans
une conception « socio-constructivisme postmoderne » au sens de Hottois (2005) qui
85
résume particulièrement bien les points précédemment évoqués, en particulier une
approche qui prend pour point de départ les processus dynamiques dans lesquels l’objet de
l’étude, le locuteur de langue française calgarien, se construit et ce, dans un contexte
« historicisé », soit contextualisé à la fois temporellement mais aussi spatialement
(Gadamer). Cette construction s’opère ainsi dans un cadre spatio-temporel spécifique avec
un but particulier intégré ; le savoir se situant à plusieurs niveaux, comme Gergen (1985)
nous le rappelle : « social constructionism is principally concerned with elucidating the
processes by which people come to describe, explain or otherwise account for the world in
which they live » (p. 3-4). Contrairement à la conception positiviste-empiriste, selon
laquelle le savoir est universel et la science une discipline descriptive basée sur
l’observation, l’approche socioconstructiviste postmoderne permet une remise en question
de la réalité construite par la modernité (Hottois, 2005) entraînant par là-même une
discréditation de la théorie scientifique et sa façon unique de rendre la réalité du monde :
« What we take to be knowledge of the world is not a product of induction, or of the
building and testing of general hypotheses » (Ibid., p.4). Le savoir n’est donc pas universel
mais se construit plutôt au fil des expériences de chacun selon une mélodie et à une cadence
qui lui sont propres : « what we take to be experience of the world does not in itself dictate
the terms by which the world is understood » (Ibid., p.4).
86
4.1.3 Une approche qualitative et interprétative : l’étude de cas.
[…] qualitative research is all about discovery (Bloomberg & Volpe, 2008, p. 96)
Afin de comprendre le pourquoi du recours à la démarche qualitative dans mon
projet, je propose d’abord d’explorer ce que l’on entend par approche qualitative et
interprétative lorsque l’on utilise une étude de cas. Selon Paillé & Mucchielli (2016),
« l’analyse qualitative est une activité de l’esprit humain tentant de faire du sens face à un
monde qu’il souhaite comprendre et interpréter voire transformer » (p.2). De plus, Creswell
(2014), ajoute que cette démarche s’avère particulièrement pertinente lorsque le but est
d’« explorer et de comprendre le sens que des individus ou des groupes attribuent à une
problématique sociale ou humaine22 » (p. 4). En outre, toujours selon Creswell (2015), la
recherche qualitative se caractérise par trois paramètres principaux : (1) les questions de
recherche sont plutôt générales et (2) la collecte de données se présente sous la forme de
textes ou d’enregistrements recueillis par questionnaires ou lors d’entrevues semi-guidées.
Pour finir, Creswell ajoute que l’approche qualitative comprend également (3) une analyse
thématique des données se présentant sous forme de texte narratif. Merriam (1998)
souligne que la particularité d’une étude de cas de nature qualitative consiste en une
description puis en une analyse intensive voire holistique de l’objet à l’étude et que ce
dernier peut être soit un exemple ou un phénomène unique ou encore une unité sociale. Il
s’agit dans le cadre de mon étude, d’explorer et d’expliquer les stratégies du construit
identitaire proposé : « Francophones ». Comme Merriam (1998), Stake (1995) nous
22 Ma traduction; « exploring and understanding the meaning individuals or groups ascribe to a social or
human problem ».
87
rappelle que le but principal de l'étude de cas consiste à créer une description riche d'un
phénomène en étudiant à la fois sa complexité et sa particularité mais il ajoute également
le besoin pour le chercheur d’intégrer de multiples sources d'information. Recourir ainsi à
une étude de cas m’a permis de me concentrer sur une problématique dont l’échelle a été
réduite à la ville de Calgary et à un échantillon de 27 participants. En effet, « case studies
concentrate attention on the way particular groups of people confront specific problems,
taking a holistic view of the situation. They are problem centered, small scale,
entrepreneurial endeavors » (Shaw, 1978, p. 2 cité dans Merriam, 1998, p. 29).
Le type de recherche que j’ai voulu entreprendre est donc de style qualitatif et
interprétatif avec une dimension sociolinguistique critique; il s’agit en d’autres termes
d’une étude de cas s’appuyant sur une démarche empirico-inductive « qualitative » qui,
selon les termes de Blanchet (2012, p. 29), « accorde une priorité chronologique,
méthodologique et théorique aux pratiques et aux faits par rapport aux constructions
intellectuelles et théoriques ». Mais qu’entend-on au juste par démarche empirico-
inductive? Cette approche se définit en opposition à une démarche hypothético-déductive
dans laquelle le chercheur démarre sa démonstration en partant de ses hypothèses ou de ses
questions de recherche; la démarche consistant à valider ou invalider ces dernières. Au
contraire, la procédure de recherche qualitative se veut plus inductive et implique les points
suivants : des questions et des procédures émergentes c’est-à-dire découlant du processus
même de recherche, des analyses de données s’organisant peu à peu à partir du thème le
plus particulier au plus général et des interprétations générées par le chercheur grâce à ses
expériences personnelles (Creswell, 2014). En outre, sa validité ne requiert ainsi ni
88
comptage, ni quantification et ne repose ni sur une proportion ni sur une quantité mais
plutôt sur une qualité, une dimension, une extension, une conceptualisation de l’objet
(Paillé, 2009 cité dans Paillé & Mucchielli, 2016, p.2). Au final, « [l]’analyse qualitative
[…] peut être définie […] comme une démarche discursive de reformulation, d’explication
ou de théorisation de témoignages, d’expériences ou de phénomènes » (Ibid., p. 2) visant
à la construction du sens.
4.1.4 Posture épistémologique, rôle de la chercheuse et prise en compte du
lectorat.
La posture épistémologique que j’ai adoptée a permis de privilégier une
construction discursive des savoirs à partir de la construction du sens fourni par
l’interaction entre les discours des journaux et ceux des participants. De plus, dans une
logique transculturelle, j’ai voulu que mon approche soit émique, c’est-à-dire que la
perspective adoptée soit celle du sujet. Comme nous le rappelle Kottak (2006), « the emic
approach investigates how local people think: how they perceive and categorize the
world, their rules for behavior, what has meaning for them, and how they imagine and
explain things ». Cette posture spécifique a une influence sur le rôle du chercheur comme
le résume l’extrait qui suit :
These ebbs and flows have led to changing conceptions of the researcher;
as objective and so able to access objective knowledge about the
interviewee and their social world; as implicated in the processes at play
in the interview in a range of ways that affect their understanding of the
89
knowledge that can be produced in the interview; or as an advocate
speaking for or giving voice to the interviewee (Edwards & Holland,
2013, pp. 1-2).
Ainsi le rôle du chercheur ne réside pas uniquement dans son objectivité, il se veut
plutôt le garant et le co-constructeur du savoir généré par les voix des agents sociaux.
Comme nous le conseille également Creswell (2014, p. 23), le chercheur doit veiller
à s’adresser au lectorat susceptible de s’intéresser et de lire la recherche en question, y
compris les membres de la communauté et les participants à la recherche qui en feraient la
demande : « Finally, researchers are sensitive to audiences to whom they report their
research. These audiences may be journal editors, journal readers, graduate committees,
conference attendees, or colleagues in the field ». Finalement, suivant les préceptes de
Creswell (2014), le choix méthodologique adopté pour cette recherche s’appuie donc
logiquement sur les trois critères énoncés précédemment : la problématique relative à ma
recherche, mes expériences personnelles de jeune chercheuse, et le public auquel ce travail
s’adresse.
L’aspect qualitatif de ma recherche repose donc à la fois sur la méthodologie
employée lors de la collecte de données et lors de leur analyse et peut se définir comme
« cyclique » dans son approche (Hennink, Hutter & Bailey, 2011) ou encore comme
« herméneutique », c’est-à-dire dont la progression s’inscrit dans des étapes marquées par
des efforts de compréhension et d’essais d’interprétation afin de rendre compte de manière
aussi approfondie que possible du phénomène à l’étude (Paillé & Mucchielli, 2016). En
effet, ce cheminement intellectuel et méthodologique s’est fait de manière échelonnée alors
90
qu’avançait mon parcours doctoral. Ce projet a en fait commencé à germer quelque temps
après mon arrivée au Canada. En tant que nouvelle arrivante de langue française en Alberta,
il n’allait pas de soi que je pourrais m’intégrer dans la communauté francophone sans
comprendre où, moi-même, je me situais. Pour ce faire, il fallait que je comprenne le
nouveau contexte sociolinguistique et culturel dans lequel je me trouvais; c’est pourquoi
j’ai voulu explorer les différentes catégories linguistico-culturelles que je percevais dans
les discours ambiants : ce que voulait dire des termes tels que bilingue, canadien-français,
français, franco-albertain, francophile, et francophone et quelle était leur portée. Qui
décidait de leur donner une légitimité? Et à qui? Et surtout selon quels critères? Ces
différentes interrogations m’ont amenée à m’intéresser progressivement à l’évolution de la
référence nominative des locuteurs de langue française en Alberta à la fois dans la sphère
publique (journaux) et la sphère privée (questionnaires et entrevues).
4.2 Procédures de collecte de données : Triangulation
En tant que chercheuse en sociolinguistique utilisant une méthodologie qualitative
couplant l’étude de cas à l’analyse critique du discours, il m’a paru légitime de rassembler
des données aussi variées que possibles afin de constituer le corpus qui serait ensuite
soumis à l’analyse. Ce principe que l’on appelle aussi « triangulation méthodologique » ne
s’exprime pas seulement dans la variété de la nature des documents à l’étude mais à de
nombreux autres niveaux aussi. Ainsi, cette triangulation des données se manifeste-t-elle à
plusieurs degrés : d’abord, je me suis attachée à utiliser des types de discours variés : écrits
(articles de journaux, questionnaires) et oraux (entrevues); représentatifs de la sphère
91
publique et de la sphère privée; produits à différentes époques (entre 1928-2000 pour les
journaux puis questionnaires et entrevues informant la période de 2000-2017). Cette
différence s’exprime par ailleurs par le fait que le type de questions posées à la fois dans
le questionnaire et l’entrevue sont de type différent (fermées, semi-ouvertes ou encore
ouvertes). Compte tenu du grand nombre de données en présence (surtout en ce qui
concerne les journaux) et dans un souci d’approfondissement, j’ai également poussé la
randomisation jusqu’à tirer au sort les articles dont je me servirai dans mon corpus. Mon
objectif tout au long de ma collecte de données a donc bien été d’enrichir et d’approfondir
ma connaissance de l’objet de recherche à l’étude, c’est-à-dire les stratégies et les
constructions identitaires des Francophones vivant à Calgary. Finalement, j’entends la
triangulation des données comme une méthode consistant à tester les données les unes
contre les autres à la recherche de motifs de pensées communs. C’est la raison pour
laquelle, durant les différentes étapes de classement de données, j’ai eu recours à de
nombreux tableaux et schémas synoptiques notamment en ce qui concerne les données
issues des articles de journaux et les entrevues dans lesquels j’ai dégagé les thématiques et
les motifs récurrents (Wolcott, 1994).
Cette recherche porte sur un corpus constitué à la fois d’une cinquantaine d’articles
issus de la presse albertaine écrits pour la plupart en français, d’une centaine de
questionnaires et d’une trentaine d’entrevues. J’ai effectué mon analyse selon une approche
qualitative et interprétative (Creswell, 2013, p. 197) lors de laquelle j’ai procédé par
thématique en fonction des réponses reçues à la fois lors de la recherche et de l’analyse des
articles de journaux, des questionnaires et des entrevues.
92
Je voudrais également ajouter un dernier point en ce qui concerne la taille du
corpus, compte tenu du fait que j’ai choisi de travailler en utilisant une méthodologie
comprenant de l’analyse de discours critique, il a fallu restreindre la taille du corpus. En
effet, comme nous le rappelle van Dijk (2001, p. 99): « a full analysis of a short passage
might take months and fill hundreds of pages. Complete discourse analysis of a large
corpus of text or talk, as we often have in CDA research, is therefore totally out of the
question ».
4.2.1. Rôle des articles de journaux.
Le choix des journaux en français s’est naturellement fait car il me semblait qu’il
serait intéressant d’explorer comment la communauté canadienne-française « de souche »
se percevait / se perçoit et se représentait / se représente afin de comprendre comment
l’inclusion de nouveaux types de Francophones pourrait se faire. L’on ne peut répondre à
la problématique de la francophonie albertaine sans recourir à la perception et à la
représentation que ses membres initiaux s’en font. Le corpus définitif sur lequel a porté
l’analyse se compose ainsi d’une cinquantaine d’articles issus soit de La Survivance, soit
du Franco-(Albertain) écrits entre 1928 et 2000. Ces articles s’échelonnent donc du début
du XX e au début du XXIe siècle, époque à laquelle l’utilisation des termes « canadien-
français », « franco-albertain » et « francophone » ont été examinés. Avant de commencer
mon investigation, j’imaginais que les termes précédemment cités le seraient en adéquation
avec certaines thématiques et dans un contexte spatio-temporel spécifique. Je me suis donc
penchée sur plusieurs phases clés de l’histoire canadienne en particulier la fin des années
93
20-30, date de création du journal coïncidant avec la Grande Dépression; la fin des années
60, en particulier l’année 1967 marquant les États Généraux du Canada français et l’amorce
de la Révolution tranquille, ainsi que la période des deux référendums au Québec (1980 et
1995), en faveur de l’indépendance du Québec; ces différents évènements historiques en
remettant en question et en contribuant aux changements de la représentation de l’identité
canadienne-française puis québécoise sont susceptibles de nous informer quant à
l’utilisation de ces termes.
La première partie du corpus a donc été constituée en utilisant les archives du site
internet Les Prairies selon Peel [Peel's Prairie Provinces], développé par l’Université de
l’Alberta. Cette base de données – en évolution constante et contenant plus de 66 000
articles de presse, soit 4,8 millions d'articles [dernière mise à jour en 2013] – répertorie,
parmi d’autres ressources, quelques journaux albertains en langue française tels que La
Survivance et Le Franco-(albertain). La manière de procéder a été la suivante : j’ai d’abord
sélectionné les mots-clés qui constituaient la base de mon questionnement; c’est-à-dire les
dénominations utilisées en français lorsque l’on réfère aux francophones au Canada en
général et en Alberta en particulier. Les termes retenus dans la recherche initiale ont donc
été les ethnonymes culturels suivants : « canadien français »; « franco albertain »; et
« francophone » et leurs variantes orthographiques.
4.2.2 Rôle du questionnaire : sélection de mon échantillon de répondants.
« L’entretien [et] l’enquête par questionnaire […] sont autant de moyens pour
cerner une pratique sociale et linguistique qu’il convient ensuite […] d’analyser » (Calvet
94
dans Calvet & Dumont, 1999, p. 13). De plus, la sociolinguistique, qui est la discipline
dans laquelle ma recherche s’inscrit, préconise le recours à l’enquête qui en constitue le
« dispositif central » (Boutet & Heller, 2007). En outre, « les questionnaires font partie des
instruments d’enquête que l’on considère comme relevant de l’observation indirecte : en
effet, ils ne permettent pas à l’enquêteur d’assister à une performance langagière » (Maurer,
dans Calvet & Dumont, 1999, p. 115) en cela il faut garder présent à l’esprit que leur
interprétation demeure un peu plus subjective que celle relative aux entrevues.
Afin d’établir mon échantillon représentatif de participants pour les entrevues, j’ai
commencé par créer un questionnaire comportant deux parties principales : la première,
intitulée « information générale » et comportant des « questions de fait », c’est-à-dire
« relatives aux phénomènes observables, aux faits vérifiables sur le plan empirique »
(Boukous dans Calvet & Dumont, 1999, p. 16). Ces questions de fait visent à donner des
renseignements biographiques sur les participants afin de les situer dans la francophonie
canadienne, albertaine puis calgarienne. Ainsi, commence-t-on par des critères généraux
ou démographiques tels que le sexe (1), la tranche d’âge (2), le niveau d’éducation (3),
le(s) lieu(x) d’origine (villes, provinces, territoires, pays) (4) dont ceux où le participant a
vécu durant l’enfance (5) pour progressivement s’intéresser à la vie à proprement parler au
Canada (6) puis en Alberta (7). Avec une transition amorcée dès la question (8), les
questions de fait font peu à peu place aux « questions d’opinion » (Boukous dans Calvet &
Dumont, 1999, p. 16), d’abord sous forme de questions « semi-fermées » (8-12), dans la
mesure où les réponses se basent sur des critères de catégorisation proposés puis
progressivement sous forme plus ouvertes (questions 13-15). Toutefois, afin de limiter les
95
réponses automatiques, un espace vierge intitulé « Préciser » invite le participant à
expliquer ses choix plus en détail. La question (8) joue ainsi le rôle de transition et permet
d’entrer dans la deuxième partie du questionnaire afin de laisser entendre la voix des
participants. Dans cette seconde partie appelée « Langues », le but est de parvenir,
graduellement, à cerner les perceptions et les représentations relatives aux identités
ethnolinguistiques et culturelles des répondants et ainsi permettre d’obtenir un échantillon
caractéristique de la diversité linguistique et culturelle des locuteurs de français à Calgary.
Pour ce faire, j’ai proposé d’abord deux questions concernant les langues apprises,
entendues ou parlées dans l’enfance (9) et (10) puis une question récapitulative sur
l’identité linguistique (11) impliquant un (ou plusieurs) choix d’étiquettes parmi les
suivantes : anglophone, francophone, bilingue (anglais/français), bilingue (français-autre
langue), trilingue (anglais/français/autre langue), et/ou autres combinaisons. Finalement,
la question suivante (12) se présente sous trois volets : le premier (a) propose d’inviter le
participant à choisir la/les références nominatives correspondant le plus à ses identités
culturelles et à les classer selon l’importance accordée (b). Parmi les dénominations
proposées se trouvent : acadien, canadien-français, franco-albertain, autre franco-canadien,
franco d’un autre pays, québécois, autres combinaisons. La troisième et dernière partie de
la question (c) se veut un tant soit peu récapitulative puisqu’elle appelle le participant à
préciser les contextes dans lesquels il a déjà utilisé les qualificatifs choisis pour définir ses
identités. Les questions suivantes (13), (14), qui interrogent successivement les identités
ethnolinguistiques puis culturelles des participants, ont un format beaucoup plus ouvert
que les précédentes puisqu’elles ont été pensées comme une sorte d’aboutissement réflectif
96
sur l’identité individuelle de chacun. Les réponses attendues sont de type narratif et se
prêteront à une analyse interprétative (analyse critique de discours). La dernière partie de
l’enquête (15) se présente comme un espace libre de contraintes dans lequel les participants
peuvent ajouter des commentaires, des précisions, et/ou des remarques et proposer des
suggestions; il a été pensé comme une possibilité supplémentaire pour les participants de
s’exprimer, de laisser entendre leurs voix. Comme nous pouvons le constater, le
questionnaire établi pour les besoins de mon enquête est plutôt de type structuré puisque la
plupart des premières questions (1 à 10) entraînent des réponses de type fermé ou semi-
fermé (choix parmi plusieurs réponses fournies par le chercheur; 11 et 12). Cependant, j’ai
voulu aussi inclure dans ce questionnaire des questions qui se voulaient plus ouvertes (13),
(14) et (15) pour les raisons évoquées ci-dessus. Consciente du fait que partager ne serait-
ce que quelques éléments de leurs identités culturelles et linguistiques serait perçu comme
une démarche intrusive par certains, j’ai pensé qu’il serait plus judicieux de les mener
progressivement vers les questions ouvertes, situées, pour cette raison, en fin de
questionnaire. En outre, pour éviter la crispation de certains répondants, la durée du
questionnaire a été fixée à 15 minutes et je me suis efforcée d’être aussi neutre que possible
dans la formulation des questions.
Le but ultime de ce questionnaire était de retenir un échantillon représentatif des
locuteurs de français vivant à Calgary afin, dans un deuxième temps, d’interroger cet
échantillon de manière plus approfondie lors d’entrevues semi-guidées. Comme le précise
Boukous dans Calvet & Dumont (1999), j’ai veillé, dans un souci de représentation
optimale ou mesurabilité, à ce que le questionnaire comprenne les mêmes questions pour
97
tous les participants et qu’il soit administré dans des conditions similaires. De plus, bien
d’autres paramètres ont été pris en compte lors de la rédaction de ce questionnaire; le
premier ayant été celui du choix de la langue dans laquelle il se déroulerait. Alors qu’au
début de mon entreprise je comptais offrir la possibilité de répondre au questionnaire soit
en français, soit en anglais, je me suis vite rendu compte que cette entreprise ne saurait être
menée à bien pour les raisons suivantes : complexification de traitement des données liée
à un travail supplémentaire de traduction; problème de subjectivité accrue en raison de
l’exercice de traduction/interprétation; limite du temps accordé dans le cadre d’un projet
doctoral; problème de représentation en fonction de la langue dans laquelle a lieu
l’enquête/l’entrevue. De plus, je me devais également de situer, d’historiciser (au sens de
Gadamer) ma recherche dans le contexte de l’Alberta et de Calgary, contexte où les acteurs
de la francophonie albertaine minoritaire valorisent leur « développement identitaire » au
moyen de stratégies.
Dans ce contexte, il m’a paru important de questionner la légitimité de la notion de
« frontières » à l’endroit de la francophonie calgarienne; qui est francophone et qui ne l’est
pas et sur quels critères? En effet, toujours dans la logique du développement identitaire,
la définition de qui choisit de se nommer « francophone » devrait être fluide, mouvante et
sujette à changements, en fonction des expériences rencontrées par les acteurs sociaux au
cours de leur existence. Tout comme les compétences linguistiques évoluent au cours d’une
vie, les pratiques culturelles sont empreintes de nos expériences sociales multiples. Par
conséquent, certains des critères retenus quant à l’expression d’une identité francophone
méritent que l’on s’y arrête. Alors que les deux premières variables (« langue maternelle »
98
et « première langue officielle parlée ») semblent plutôt stables en apparence, les trois
derniers (« langue utilisée le plus souvent ou régulièrement à la maison » ; « langue utilisée
au travail » et « langue dont la compétence langagière se maintient au moins à un niveau
B2/8 ») semblent plus volatiles. En effet, qu’il s’agisse de la langue utilisée à la maison, au
travail, ou du maintien d’une compétence langagière à un niveau B2/8, ces éléments
peuvent évoluer au cours d’une vie en fonction des circonstances; de plus, même si le
français constitue la langue maternelle pour certains cela ne signifie pas nécessairement
qu’ils soient toujours capables de l’utiliser c’est pour cela qu’il semblerait logique
d’appréhender les locuteurs Francophones sous forme de continuums ainsi que de garder
en tête les problématiques soulevées par Guignard-Noël, Forgues & Landry (2014) en ce
qui concerne le choix des variables en général.
4.2.3 Rôle des entrevues semi-structurées : construction du savoir.
Même si l’entrevue qualitative s’est avérée indispensable dans le cadre de mon
projet, il faut cependant garder à l’esprit que l’implication et la signification présentes de
manière sous-jacente change avec le temps et en fonction de l’importance de certaines
approches philosophiques menant à des traditions scientifiques diverses en fonction des
époques (Edwards & Holland, 2013).
La posture philosophique du chercheur sous-tendant le cadre théorique et
l’approche méthodologique adoptés sont autant de paramètres déterminants quant au choix
du type d’entrevue (Edwards & Holland, 2013). Ainsi, le type d’entrevue que je propose
d’effectuer dans le cadre de mon projet de recherche s’apparente à ce que l’on nomme
99
communément l’entrevue individuelle semi-structurée. Ce type d’entrevue se présente sous
la forme suivante : un échange préétabli entre moi (la chercheuse) et le participant ; un
ensemble de thématiques mettant en relation les questions d’appartenance, de
catégorisation, d’identité, de construction identitaire et les pratiques langagières et
culturelles dont la structure se veut aussi fluide et flexible que possible et dont l’approche
s’appuie sur un savoir situé et contextualisé. Le sens, la signification et la compréhension
sont créés en interaction, ce qui suppose une négociation voire une co-production
impliquant la construction ou la reconstruction du savoir (Mason, 2002 cité dans Edwards
& Holland, 2013). De plus, les négociations linguistiques et culturelles ayant lieu entre le
chercheur et les participants lors de l’entrevue permettent d’approfondir le sens et la
signification des réponses apportées. Le rôle des répondants s’avère particulièrement
crucial dans la mesure où :
They are involved in the study as individuals, who are expected to
contribute their experiences and views from their particular life
situations. There is scope for what they see as essential, for approaching
questions differently and for providing different kinds of answers with
different levels of detail. The research situation is designed more as a
dialogue, in which probing, new aspects and their own estimations find
their place (Flick, 2011, p. 12)
En outre, le choix des entrevues semi-structurées permet de donner de l’espace, de
l’ampleur à la voix des participants qui, en ayant recours aux modalités de l’interaction
orale, (re)négocient et (re)construisent leurs compréhensions du monde, leurs sens, leurs
100
significations à partir de catégories préétablies. Dans un premier temps, le recours à des
termes clés a permis de contenir, de délimiter le champ dans lequel évolue le discours sur
l’identité francophone en Alberta et a permis, dans un deuxième temps, de (re)définir ce
qui faisait d’eux des locuteurs de français et ce qu’était leur identité de locuteur de français
ici à Calgary. De plus, l’avantage préconisé par une approche narrative définie par son
caractère qualitatif et interprétatif est la validation d’une histoire passée, d’une expérience
vécue (Norton dans Nunan & Choi, 2010). Cette approche, véritable témoignage social,
peut donc se prévaloir d’apporter un éclairage quant au développement identitaire d’un
individu mais aussi d’une collectivité. D’ailleurs, Brès, cité dans Calvet & Dumont (1999),
nous rappelle que l’interaction produite lors de l’entrevue entre le participant et le
chercheur demeure un moyen privilégié d’accéder à la voix des participants tout en gardant
présent à l’esprit le fait que cette interaction a lieu dans un cadre particulier.
La troisième phase de collecte de données a donc consisté en des entrevues semi-
guidées, effectuées en face-à-face avec la chercheuse durant lesquelles « [l]e sujet [a été]
invité à répondre librement, à livrer ses commentaires, à donner des détails, à nuancer sa
pensée, à formuler des jugements à sa guise » (Boukous dans Calvet & Dumont, 1999,
p. 17). Les participants ont tous eu l’opportunité de parcourir les questions avant
l’entrevue. Cette dernière étant semi-structurée, elle avait donc une trame générale
permettant de ne pas perdre de vue les questions de recherche mais l’un des buts principaux
était aussi de laisser assez d’espace aux participants afin d’entendre leurs voix et de
permettre l’émergence de nouvelles idées ou thématiques (Creswell, 2013). Le temps
relatif à chaque entrevue s’est échelonné de 45 minutes à 2 heures environ selon les
101
participants et leur propension à développer leurs points. En cela, ces entrevues constituent
des « big stories » au sens de Freeman (2007) dans la mesure où elles se révèlent
particulièrement valables en tant que données car elles permettent au participant qui
raconte son récit de prendre de la distance et de l’inviter ainsi à réfléchir sur la signification
de ses expériences de vie.
Afin de constituer la trame de l’entrevue, je me suis servie des réponses apportées
dans le questionnaire pour personnaliser les questions de l’entretien semi-guidé. Ainsi, la
procédure de génération des questions repose-t-elle sur les réponses aux questionnaires. De
plus, j’ai aussi fait en sorte, lorsque cela était possible, de rebondir sur les réponses
apportées durant les entrevues tout en gardant en tête le fil conducteur de mes questions
initiales. Au départ, lors de l’élaboration des questionnaires, j’avais pour objectif
d’identifier différents types de locuteurs de français pour parvenir à proposer un échantillon
de participants aussi diversifié que possible. Finalement, mon but a été, à la fois, d’être
capable de comparer les différentes réponses apportées par les participants mais également
de faire émerger et de laisser entendre la voix de chacun des participants à travers ces
entretiens.
D’un point de vue transculturel et afin de faire sens des témoignages de mes
participants, il m’a semblé judicieux de chercher à retrouver dans leurs récits des
similitudes non seulement dans leurs expériences de vie mais aussi dans les thématiques
abordées. Ce faisant, je me suis ensuite attachée à relever, dans un contexte équivalent, les
paramètres qui avait contribué à rendre l’expérience de certains différente. En procédant
de cette manière, mon but a été de renforcer ma compréhension des différents thèmes
102
introduits et de proposer une analyse aussi solide que possible (Freeman, 2007). Au final,
le but ultime des entretiens est de permettre d’approfondir la signification des discours des
participants ; ce faisant ces entrevues contribuent à la co-construction du savoir entre les
différents discours en présence.
4.3 Rôle et choix des participants
S’intéresser aux locuteurs Francophones vivant à Calgary revient à englober un
grand nombre de « locuteurs de français » au sein du groupe généralement « admis » de
« francophones ». Dans mon enquête, j’ai fait le choix de recourir à des personnes
« capables de soutenir une conversation en français » afin d’interroger leur degré
d’inclusion dans la francophonie canadienne, albertaine et calgarienne.
De plus, il me semblait pertinent compte tenu du contexte mondialisé dans lequel
nous nous trouvons à présent d’aller au-delà des discours dans lesquels ces deux
populations (« locuteurs de français parfois aussi appelés « francophiles » et
« francophones issus de l’immigration ») sont parfois mises de côté même quand elles
veulent participer à la vie calgarienne en français. Dans cette perspective, j’ai décidé
d’inclure ces deux communautés de « parlants français » dans ma discussion sur la
francophonie calgarienne – celle issue de l’immigration (langue maternelle et PLOP) et
celle issue de l’immersion (de niveau B2/8 utilisant le français au moins régulièrement).
Leur inclusion avec la population de souche francophone albertaine m’apparaît comme
particulièrement pertinente surtout dans une ville plurielle comme Calgary généralement
perçue comme monolingue anglophone.
103
La raison pour laquelle j’ai désiré inclure des personnes issues des écoles
d’immersion dans mon échantillon de participants relève du fait que pour mesurer la vitalité
d’une communauté linguistique on doit observer les institutions scolaires accessibles à ces
communautés. Ainsi, même si ces institutions ne peuvent pas être tenues pour entièrement
responsables, elles contribuent, cependant, à la vitalité linguistique et culturelle de ces
communautés dont elles sont parties intégrantes. Suivant cette même logique, j’ai trouvé
pertinent de questionner des personnes issues du système d’immersion française vivant à
Calgary pour voir si une relation existait entre la compétence langagière et le sentiment
d’appartenance à une communauté se définissant en partie par la langue française. En
d’autres termes, est-il suffisant d’atteindre une compétence intermédiaire-pré-avancée dans
une langue pour se sentir partie intégrante d’une communauté culturelle qui la parle?
J’ai veillé à ce que le nombre de répondants à l’entrevue représente à peu près un
tiers de l’effectif initial des questionnaires envoyés. De cette manière, « l’échantillon
comprend un nombre de sujets nécessaire et suffisant aux besoins de la recherche, sa taille
est fonction du nombre de questions de recherche, des variables à examiner, du volume de
la population ciblée, du caractère macroscopique ou microscopique de l’approche adoptée
[…] » (Boukous dans Calvet & Dumont, 1999, p. 16).
4.4 Limites de la recherche
Comme je l’ai mentionné préalablement, le fait d’avoir choisi une approche
méthodologique qualitative afin d’explorer l’évolution de la référence nominative des
Francophones vivant à Calgary en relation à leurs parcours identitaires présente plusieurs
104
avantages mais aussi quelques inconvénients. Ainsi, comme l’avance Creswell (2015), une
telle approche présente les avantages suivants :
[It] provides detailed perspectives of a few people; [it] captures the voices
of participants; [it] allows participants’ experiences to be understood in
context; [it] is based on the views of participants, not of the researcher; [it]
appeals to people’s enjoyment of stories
Cependant l’approche qualitative a aussi les défauts de ses qualités puisque les
recherches effectuées selon cette perspective :
ha[ve] limited generalizability; provid[e] only soft data (not hard data, such
as numbers) ; stud[y] few people ; [are] highly subjective ; minimiz[e] use
of researcher’s expertise due to reliance on participants (Ibid., 2015)
Ainsi, les données propres à notre recherche nous permettent de parvenir à des
conclusions à partir des réponses des participants à l’enquête ; toutefois, ces conclusions
ne pourront faire l’objet d’une généralisation à l'ensemble des communautés francophones
en situation minoritaire même si certains des aspects méthodologiques développés dans ce
chapitre pourraient sans aucun doute être répliqués dans une étude similaire.
Plusieurs autres paramètres viennent aussi contrecarrer le projet de recherche et
constituent ainsi des formes de contraintes que le chercheur se doit d’anticiper. Parmi ces
différents facteurs, l’on pourra s’arrêter un instant sur trois points particulièrement
pertinents en relation à mon projet de recherche : d’abord, la détermination et la
délimitation du « terrain » de recherche, puis la manière d’aborder les questions relatives à
la culture et à l’identité et enfin la subjectivité dont le chercheur doit avoir conscience
105
durant les diverses étapes de sa recherche, que ce soit lors de sa récolte de données, durant
l’exercice de transcription, ou encore pendant l’analyse et l’interprétation des résultats.
4.4.1 Détermination et délimitation du terrain de recherche.
Selon Blanchet (2012) le terrain de recherche est constitué à la fois par l’objet de
l’étude ainsi que par les moyens de parvenir aux résultats. L’envergure du terrain peut vite
se révéler particulièrement intimidante pour le jeune chercheur qui ne s’en représente pas
d’emblée les contours. L’attitude préconisée par Duranti (1997) est d’appréhender ce
terrain de recherche comme une expérience continue dans laquelle le chercheur peut
continuer à puiser des informations pertinentes. Compte tenu de la richesse de mon corpus,
j’ai personnellement trouvé réconfortant d’adopter cette attitude face à l’ampleur du projet
auquel il fallait que je m’attèle.
4.4.2 Nature de l’interrogation sur les questions relatives à l’identité et à la
culture.
Choisir d’interroger des participants à propos de leur identité est un exercice
difficile exigeant une prise de distance vis-à-vis de soi et d’autrui et auquel certains
participants ont choisi de ne pas participer. Ainsi selon Anthias (2002, p. 492),
« researchers in the field often know that they cannot find useful or interesting answers by
asking direct questions about identity » (Mon soulignement). Les chercheurs dans ce
domaine savent souvent qu'ils ne peuvent pas trouver de réponses utiles ou intéressantes
en posant des questions directes sur l'identité. Il faudra donc au chercheur faire preuve
d’ingéniosité quant à la formulation de ses questions et également veiller à ce que le temps
106
imparti puisse permettre aux répondants de développer leurs points aussi souvent que
nécessaire car c’est souvent dans ces réponses longues que se situent les réponses les plus
pertinentes.
4.4.3 Interprétation et transcription : subjectivité du chercheur?
« Comment observer, recueillir des données sans modifier le comportement des
locuteurs? De l’enregistrement à la transcription, du questionnaire à l’entretien, la
constitution du corpus est ainsi le premier problème méthodologique auquel est confronté
l’enquêteur » (Calvet dans Calvet & Dumont, 1999, p. 14). En ce sens, il est important pour
le chercheur de rester conscient à toutes les étapes de son étude des limites que constituent
non seulement les données elles-mêmes mais aussi le rôle joué par la subjectivité imputable
au chercheur. Ainsi, Treece & Treece (1986) nous rappelle qu’il faut rester vigilant en tant
que chercheur surtout lorsque l’on débute dans la pratique de l’entrevue. À la lumière de
ce conseil, il a fallu veiller à ce que les conditions non seulement lors de la rédaction des
questions mais aussi lors de l’exercice de passation des entrevues ainsi que lors de l’étape
de transcription s’effectuent dans des conditions aussi semblables que possibles afin de
limiter les biais, les parti-pris et la subjectivité. Dans cet état d’esprit, l’exercice de
transcription s’avère en fait n’être qu’une représentation imparfaite d’un discours oral. Sur
ce point, Green, Franquiz & Dixon (1997, p. 172) nous éclairent:
Transcribing [should be seen] as an interpretive process and as a
representational process. Central to these conceptualizations is the
understanding that a transcript is a text that “re”-presents an event; it is
107
not the event itself. Following this logic what is re-presented is data
constructed by a researcher for purpose, not just talk written down.
L’acte de transcription reste ainsi un acte triplement situé, en ce sens qu’il est partie
intégrante d’un projet de recherche particulier s’inscrivant lui-même dans un cadre
théorique et une démarche méthodologique unique (Green et al., 1996; van Dijk, 1985).
De plus, le rôle incarné par le chercheur qui adopte une démarche qualitative est toujours
celui d’un « acteur critique » dans la mesure où il s’agit à la fois d’un acteur social porteur
de certaines expériences, d’idées préconçues et de stéréotypes, mais aussi d’un chercheur
dont la mission demeure de relever des faits, de les analyser, de les interpréter en vue d’un
changement éventuel (sociolinguistique critique). Comme le souligne Wolcott (1994, p.
36), il faut toutefois garder à l’esprit, que le chercheur, dès lors qu’il entreprend une étude
interprétative d’un groupe ethnoculturel, ajoute une dimension supplémentaire aux
données préalablement récoltées en cherchant à en comprendre la signification. Ainsi faut-
il que le chercheur adopte une attitude de réflexion afin de prendre conscience des biais
susceptibles d’exister à différentes étapes de l’entretien. Je tiens également à préciser que
puisque mon étude de cas met en relation les langues, les cultures et les identités dans les
discours relevés, je n’ai pas jugé pertinent de me pencher sur les variations linguistiques
de mes participants (que ces variations soient d’ordre lexical, structural ou phonétique, ou
encore qu’elles concernent les registres de langue utilisés).
108
4.4.4 Données de recensement et polysémie.
Deux limites supplémentaires méritent également d’être relevées; il s’agit d’abord
de la question de l’utilisation des statistiques de recensement de Statistique Canada 2011
et 2016. Compte tenu de l’échéance de mon projet doctoral et du caractère incomplet des
données du recensement 2016 au moment de la rédaction de la thèse, j’ai dû me résoudre
à utiliser les données issues des statistiques de 2011 car elles constituaient un ensemble de
données clos à ce moment-là. Il faudra bien entendu vérifier si les tendances notées dans
les statistiques de 2011 perdurent en 2016 et ajuster ces données ainsi que les conclusions
tirées de ces dernières le cas échéant lors du processus de publication de ce doctorat. Il
s’agit ensuite du terme « franco-canadien » utilisé à plusieurs reprises par les participants
à l’étude et que je n’ai pas incorporé à ma recherche de données initiales dans les journaux.
Cette dénomination devrait faire l’objet d’une analyse de contenu à part entière dans des
recherches futures. Considérant le caractère polysémique de l’adjectif « franco » qui peut
selon les contextes référer à « qui vient de France » ou « francophone » il se pourrait que
ce facteur complexifie la procédure de cueillette et d’analyse des données. Je suggère donc
dans cette perspective d’avoir recours à une méthodologie mixte (qualitative et
quantitative) incluant de la linguistique de corpus (analyse de discours comprenant
l’utilisation de logiciels d’analyse tels que NVivo).
4.5 Résumé du chapitre 4
Questionner l’identité ethnolinguistique et culturelle de mes participants découle
au départ du fait que je partage un certain nombre de traits avec eux : parler français et
109
vivre à Calgary. Le fait de retrouver certains de mes attributs personnels chez les
participants m’a naturellement amenée à me questionner sur l’objectivité de ma recherche.
Plutôt que d’occulter la dimension subjective de mon projet doctoral, j’ai préféré la
considérer dès le début et me suis ainsi rapidement questionnée sur la nature du rapport
que j’entretenais avec ma recherche. La posture que j’ai adoptée n’a donc pas été
nécessairement de chercher et de fournir une vérité absolue, chère au courant positiviste,
mais plutôt, en tant que partie prenante de l’objet à l’étude, de participer activement à la
construction de la réalité observée (Gobo, 2008).
En tant que chercheuse utilisant une approche interprétative et qualitative mêlant
étude de cas et analyse critique des discours, je me suis rendu compte qu’il fallait que je
veille à ce que ma méthodologie soit aussi rigoureuse que possible. Comme nous le rappelle
Gohier (2004) : « dans le cas d’une conception néo-positiviste de la science, on parlera de
validité scientifique alors que dans le paradigme interprétatif, on fera référence à la rigueur
méthodologique » (p. 3). Ainsi, ai-je tenté tout au long de ce cheminement de m’attacher
particulièrement aux points suivants : le type d’approche utilisée en fonction des questions
de recherche posées; la pertinence des questions posées dans le questionnaire en fonction
de nombreux paramètres parmi lesquels l’adéquation entre le questionnaire et les questions
de recherche initiales, et les différences culturelles des participants; le travail d’éthique en
amont de la collecte de données lors duquel il a fallu essayer autant que faire se peut
d’anticiper le type de réponses suscitées par les questions posées en relation aux questions
de recherche; la tension existant quant au nombre de participants; au type de données
récoltées; à l’organisation des différents corpus comme étape préalable à l’analyse; à la
110
qualité de l’analyse (du général au particulier et du plus descriptif/explicite au plus
implicite). Suivant ce que Creswell (2014) préconise, j’ai voulu, en engageant ma
recherche sur la voie qualitative, mettre l’accent sur l’aspect inductif d’une telle approche,
et me concentrer sur la signification du sens individuel mais surtout m’atteler à rendre plus
compréhensible la complexité de la situation sociolinguistique des Francophones vivant à
Calgary. Malgré ces quelques limites indéniables, il s’avère que la nature de ma recherche
peut être toutefois répliquée si l’on s’en tient par exemple à l’approche méthodologique ou
utilisée, c’est ce qui la rend transférable à d’autres contextes canadiens de francophonie
minoritaire urbaine. Dans le chapitre cinq, je présenterai les résultats issus de ma récolte
de données en suivant l’approche méthodologique développée et expliquée dans le chapitre
quatre.
111
Chapitre 5 : Résultats
Ce chapitre comprend une présentation des résultats de l’ensemble de mon corpus
composé à la fois des articles de journaux sélectionnés, des questionnaires et des entrevues.
Plutôt que de m’attacher à laisser s’exprimer les voix du passé en opposition à celles du
présent dans une relation dichotomique plus que dépassée, mon objectif a été de faire
entendre les différentes voix d’hier et d’aujourd’hui afin de comprendre les interactions et
les négociations existant au sein de ces discours; l’idée sous-jacente étant de parvenir à
exprimer ce qu’est la francophonie albertaine et surtout calgarienne dans sa continuité et
ce qu’elle est dans sa contemporanéité. Ce faisant, j’ai ainsi cherché à m’inscrire dans la
logique de la francophonie albertaine telle que perçue par certains de ces acteurs sociaux.
Ces deux éléments s’avèrent nécessaires quant à l’appréhension d’une cohésion future de
la francophonie calgarienne. De plus, les journaux sont en cela intéressants qu’ils
représentent de manière presqu’entrelacée les discours officiels (des institutions et de leurs
représentants) et non-officiels (des acteurs sociaux) d’une certaine époque. Ils constituent,
au même titre que les données récoltées auprès des participants à ma recherche, de riches
témoignages indispensables à la compréhension de la problématique de la francophonie
albertaine en situation minoritaire.
Avoir choisi d’utiliser un corpus mixte dont les éléments proviennent de contextes
sociaux variés m’a incité à explorer mes questions de recherche sous un angle plus large
que celui qui aurait été permis par les seules réponses à un questionnaire et à une entrevue.
En effet, grâce à ce corpus mixte couplée à une approche diachronique, je me suis attachée
à retracer l’évolution des dénominations utilisées en référence aux locuteurs de français et
112
ayant prévalence en Alberta entre la fin des années 20 et aujourd’hui. Cette démarche
particulière m’a permis de moduler et de nuancer ce que je pensais qui ressortirait de mon
étude, à savoir que la référence nominative en Alberta avait suivi une évolution linéaire et
non interrompue. En outre, les questions de perception et de représentation se trouvant au
cœur de ma problématique, je trouvais pertinent d’inclure une diversité de sources
susceptibles de dresser un panorama plus large des interrogations qui étaient les miennes.
Bien que l’approche méthodologique à l’œuvre dans cette recherche s’ancre dans
la tradition qualitative, j’ai eu tout de même recours à une démarche que l’on pourrait
qualifier de quantitative à deux reprises : lors de l’étape de sélection des articles de
journaux destinés à mon corpus et lors de la présentation de certains des résultats,
notamment ceux des données démographiques de mon échantillon de participants. Compte
tenu du fait que mes questions de recherche articulent les notions de stratégies et de
constructions identitaires, il m’a semblé indispensable de compiler ces résultats de cette
manière afin de mieux appréhender l’influence de certains facteurs sur les réponses
proposées.
5.1 Ce que révèlent les journaux
Des informations pertinentes pour mon étude ont été relevées dans les journaux et
ce dès l’entrée dans la phase de recherche initiale. Ainsi, concernant le journal La
Survivance, j’ai relevé quelques points saillants relatifs au contexte de création du journal
issus d’un article (« Le Congrès de l’ACFA ») de ce même journal, en date du 25 juillet
113
1929 (p. 3), soit presque 10 mois après la sortie du premier numéro, et écrit par Rodolphe
Laplante, c’est-à-dire le rédacteur-en-chef du journal à l’époque :
En octobre dernier [1928], la crise du journal français éclata. L’association
était mise sur le pavé. L’Exécutif riposta en manifestant son intention de
fonder un journal indépendant, comme nos frères en possèdent en
Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario, au Nouveau-Brunswick. Nous
n’avons pas provoqué cette crise. Laissez-moi dire ici que la présence à la
tête de notre association du docteur J.-E. Petitclerc fut l’une des causes de
notre succès. Qu’aurions nous fait si nous avions eu un esprit timoré,
peureux, incapable de prendre décision sur une question aussi vitale?
Cet extrait nous informe en effet que le journal La Survivance a été créé grâce à la bonne
volonté du docteur Petitclerc et dans la perspective de pallier un manque : l’absence de
journal en français à l’Ouest de la Saskatchewan, l’Alberta ne voulant plus être en reste.
En s’identifiant comme partie de l’endogroupe des francophones de l’ouest incarnés par
« nos frères », le journaliste vise à inscrire l’Alberta francophone dans la mouvance
d’autres journaux de langue française de l’époque tels que Le Patriote de l’Ouest (Duck
Lake, Saskatchewan) ou encore La Liberté (Winnipeg). De plus, Laplante poursuit en
précisant les objectifs principaux de ce journal :
Chaque semaine votre journal ira porter dans vos familles la directive des
chefs, le fruit de l’expérience des associations-sœurs, l’indication du
danger. Il apportera en autant que faire se peut, les correctifs pour réagir
contre l’anglicisation. Il protestera, avec calme et dignité, contre tout
114
empiètement. Il rappellera la nécessité de commissaires de notre langue
partout où c’est possible […]
Le fait que le journal La Survivance se présente d’emblée comme un véritable « guide » de
la vie en français en Alberta est particulièrement mis en avant à travers l’exemple ci-dessus
dans lequel les points essentiels garants de cette vie en français sont résumés avec l’idée
que l’anglais et surtout « l’anglicisation » constitue le danger rampant contre lequel il faut
lutter grâce notamment à l’action conjuguée « des chefs », de « l’expérience des
associations-sœurs », et des « commissaires de notre langue ». Il préconise tout de même
une lutte mais ayant toujours lieu dans le « calme et [la] dignité ». Quelques mots sur la
qualité et le nombre de pages du journal viennent compléter ce portrait :
Je n’ai pas à vous dire ce qu’il vaut, mais je sais qu’il est indépendant, qu’il
ne sert personne en particulier et qu’il n’a en vue, en pensée et pour tout
programme que de travailler pour l’Église, la race, la sauvegarde de nos
traditions, pour le prolongement intégral du passé […] Le journal n’est
à huit pages que depuis février. Que sera-ce quand nous aurons dix pages
voire même douze pages?
Il est intéressant de noter le caractère « indépendant » du journal car en tant que publication
hebdomadaire officielle de l'Association canadienne-française de l'Alberta (ACFA)
œuvrant en particulier pour « l’Église, la race, la sauvegarde de nos traditions, [et] pour
le prolongement intégral du passé » (discours de la survivance), on pourrait avoir
quelques doutes quant à son objectivité et à son côté non partisan. Cependant, il offre aussi
sans conteste un témoignage indiscutable et incontestable de la communauté francophone
115
albertaine de l’époque. Ainsi, le journal communautaire La Survivance se présente-t-il
comme un double acteur de la construction identitaire de la communauté francophone
albertaine dans la mesure où, entre le 16 novembre 1928 (date de première parution du
journal) et le 8 novembre 1967 (date de changement de nom du journal), cet hebdomadaire
a, d’une part, incarné le rôle de « porte-parole » de la communauté canadienne-française
et, d’autre part, celui de « gardien de la mémoire » en Alberta. En cela, ce journal a permis,
à travers le discours instauré, une construction identitaire collective reposant à la fois sur
la mémoire et sur la voix commune de ceux identifiés comme « Canadiens-français » et ce
pendant près de quarante ans.
Succédant à La Survivance dès novembre 1967, l’hebdomadaire Le Franco-
albertain, va porter ce titre pendant une dizaine d'années (de novembre 1967 à décembre
1978), pour devenir Le Franco en janvier 1979. Il continue de garder ce nom jusqu'à ce
jour [2017]. Si l’on regarde d’un peu plus près l’évolution du nom de ce journal, l’on
remarque que, sans surprise, il suit les différences de perception et de représentation
exprimées dans la ligne éditoriale du journal en relation à la transformation de son lectorat.
Les trois tableaux qui suivent offrent une vue d’ensemble des premiers résultats
obtenus après la recherche de données dans les journaux albertains de langue française (La
Survivance et Le Franco[-albertain]). Ils visent déjà à montrer que les termes retenus
peuvent apparaître sous différentes formes (en particulier lorsqu’ils comportent des signes
diacritiques suscrits ou souscrits mais aussi lorsqu’ils apparaissent successivement au
singulier, au pluriel, au masculin et au féminin).
116
Mots-clés & variantes La Survivance
1928-1967
Le Franco-(albertain)
1967-2000
« canadiens francais »/« canadiens
français »
« canadiennes francaises »/« canadiennes
françaises »
« canadien francais »/« canadien français »
« canadienne francaise »/« canadienne
française »
7947+7866=15813
936+928=1864
2950+2910=5860
3591+3534=7125
1676+1655=3331
461+440=901
591+581=1172
2717+2649=5366
Total: 30662 soit
74%
Total: 10770 soit
26%
« franco albertains »/« franco albertain »
« franco albertaines »/« franco albertaine »
653+192=845
69+218=287
2059+1252=3 311
223+2853=3076
Total: 1132 soit 15% Total: 6387 soit 85%
« francophones »/« francophone » 211+116 13568+10025
Total: 327 soit 1% Total: 23593 soit 99%
Tableau 1 : Nombre d’occurrences des 3 références dans les journaux entre 1928 et
2000
Ce premier tableau s’attache ainsi à nous présenter l’évolution de l’utilisation des
références nominatives suivantes : « canadien français », « franco albertain », et
« francophone » ainsi que leurs variantes orthographiques respectives, telles qu’elles
apparaissent dans le tableau, en fonction du journal et de son époque de diffusion. Voici,
pour plus de clarté, une représentation graphique de ces résultats dans La Survivance et Le
Franco[-albertain] entre 1928 et 2000 :
117
Diagramme circulaire 1 : Pourcentage d’occurrences de « canadien français » dans
les journaux
Ce premier graphique nous permet de remarquer, comme anticipé, que les
occurrences « canadien français » (1) se retrouvent majoritairement dans La Survivance (à
hauteur de 74% contre 26% dans Le Franco[-albertain]). Cela corrobore l’hypothèse de
départ selon laquelle la majorité des occurrences de « canadien français » devraient plutôt
se retrouver dans La Survivance (idéologie de la survivance).
74%
26%
La Survivance
Le Franco[-albertain]
118
Diagramme circulaire 2 : Pourcentage d’occurrences de « français albertain » dans
les journaux
Le deuxième graphique nous permet de repérer que la répartition des occurrences
« franco albertain » (2) se fait cette fois-ci au profit du Franco[-albertain] puisque ce
dernier accumule 85% des occurrences là où La Survivance n’en affiche que 15%. Comme
dans le premier graphique, ce résultat n’est guère surprenant, vu que l’époque de parution
du premier numéro du Franco[-albertain] correspond à la fin des années 60, c’est-à-dire
une période marquée par la fin du paradigme du Canada-français au profit de celui basé sur
la territorialité (Cardinal, 1994 ; Thériault, Gilbert & Cardinal, 2008 ; Martel, 1997).
15%
85%
La Survivance
Le Franco[-albertain]
119
Diagramme circulaire 3 : Pourcentage d’occurrences de « francophone » dans les
journaux
Enfin, le troisième graphique s’intéresse à la répartition des occurrences de
« francophone » (3). C’est Le Franco[-albertain] qui comptabilise la presque totalité des
pourcentages avec respectivement 99% des occurrences de « francophone » laissant un
maigre 1% à La Survivance. Ces résultats ne paraissent pas très surprenants car la
terminologie utilisée dans chacun des journaux correspond à l’idéologie véhiculée par le
journal en question et son appellation représente bien un certain contexte socio-historique.
Ainsi l’année charnière que constitue 1967 est à cet égard particulièrement pertinente
puisqu’elle correspond à l’apogée de la Révolution tranquille au Québec et surtout à celle
des États généraux du Canada français, comme le souligne un article du Devoir daté de
201023 :
23 « Les États généraux du Canada français en 1967 – le jour où le Canada français a disparu », Le Devoir,
20 novembre 2010, http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/311368/les-etats-generaux-du-
canada-francais-en-1967-le-jour-ou-le-canada-francais-a-disparu
1%
99%
La Survivance
Le Franco-[albertain]
120
Les États généraux de 1967 n'avaient aucune commune mesure avec les
assises préliminaires tenues en 1966 ou les congrès de la langue française
organisés à Québec en 1912, 1937 et 1952. […] À l'offensive sur tous les
plans, le Québec était alors en pleine Révolution tranquille. Le nouveau
premier ministre Daniel Johnson ne réclamait rien de moins que « l'égalité
ou l'indépendance ». Le mouvement indépendantiste québécois et le
nationalisme acadien étaient en pleine ascension. Le « Vive le Québec
libre! » du général de Gaulle avait quatre mois à peine. Avec le rapport
Laurendeau-Dunton, l'avenir du français devenait une préoccupation
majeure.
Le changement de nom du journal La Survivance en Franco-albertain le 15
novembre 1967, soit presque quarante ans après la date de sa première édition (16
novembre 1928), marque bien la rupture du Canada-français avec le reste de ses
communautés hors-Québec et l’entrée des francophones albertains dans une francophonie
désormais déterminée par sa territorialité (Thériault, Gilbert & Cardinal, 2008 ; Martel,
1997). Ce changement de donne va se répercuter sur le passage de la référence nominative
« canadien français » à « franco albertain », qui va de surcroit devenir le nom du journal
albertain communautaire de langue française. Le tableau (2) qui suit répertorie les périodes
de 5 ans qui ont vu l’utilisation maximale d’une certaine occurrence en comparaison aux
deux autres exclusivement dans La Survivance.
121
Mots-clés &
variantes;
Total
1926-
30
1931-
35
1936-
40
1941-
45
1946-
50
1951-
55
1956-
60
1961-
65
1966-
70
canadiens
francais
canadienne
francaise
11538
589
355
=944
1307
576
=1883
1088
374
=1462
1286
476
=1762
1054
682
=1736
938
405
=1343
564
253
=817
817
330
=1147
304
140
=444
franco
albertains
franco
albertaine
845
40
11
=51
86
16
=102
76
36
=112
55
11
=66
125
43
=168
80
21
=101
55
13
=68
81
19
=100
55
22
=77
francophones
211
0 1 0 3 1 6 4 103 93
Tableau 2 : Répartition des 3 références nominatives dans La Survivance entre 1926
et 1970 par tranche de 5 ans
En procédant de cette manière, j’ai voulu voir l’impact de l’utilisation d’une
certaine étiquette sur les deux autres. De plus, cette démarche m’a permis de me faire une
idée plus précise du moment correspondant aux changements de références, traces de
l’évolution des idéologies. Afin de rendre les données du tableau précédent plus explicites,
je les ai représentées grâce aux quatre graphiques suivants :
122
Diagramme circulaire 4 : Répartition en pourcentage des 3 références dans La
Survivance
Lorsque l’on observe les chiffres relatifs à l’emploi de l’occurrence « canadien
français » de manière globale, l’on constate que ce terme représente 91% des occurrences
alors que les termes « franco albertain » et « francophone » représentent respectivement
7% et 2% des occurrences sur l’ensemble des périodes observées soit une période d’un peu
plus de 40 ans (42 ans pour être précise). Ces résultats ne sont pas étonnants compte tenu
de l’orientation idéologique du journal La Survivance dont le nom même suffit à le
positionner. L’idéologie de la survivance prône, en effet, la survie de la nation canadienne
française grâce à sa culture, sa langue, sa religion, sa mémoire du passé et ses traditions; la
formule consacrée s’exprimant à travers le slogan : « langue gardienne de la foi ».
91%
7%
2%
canadien français
franco albertain
francophone
123
Diagramme circulaire 5 : Répartition en pourcentage des 2 autres références
lorsque « canadien français » est à son paroxysme (1931-35) dans La Survivance
Alors que nous nous penchons sur la répartition des étiquettes « franco albertain »
et « francophone » lorsque l’occurrence « canadien français » est à son paroxysme (1931-
35 ; Diagramme circulaire 5), l’on constate que la part octroyée par cette occurrence au
reste des références (« franco albertain » et « francophone ») ne représente que 5%
attribués en totalité à « franco albertain » ne laissant rien à la dénomination
« francophone ». Ces proportions me permettent de constater qu’entre 1931 et 1935, la
référence utilisée le plus souvent par le journal La Survivance était « canadien français » ;
correspondant ainsi aux idéologies du Canada français de l’époque marquées par la
persistance des valeurs traditionnelles et des termes qui s’y rattachent. Il faut toutefois
garder présent à l’esprit que les années 30 qualifiées de « première Révolution tranquille »
par certains chercheurs (Dumont, Hamelin & Montminy, 1978, p. 1) marquent un
changement progressif de paradigme qui verra son apogée dans les années d’après-guerre
comme en témoigne le schéma suivant (Diagramme circulaire 6).
95%
5% 0%
canadien français
franco albertain
francophone
124
Diagramme circulaire 6 : Répartition en pourcentage des 2 autres références lorsque
« franco albertain » est à son paroxysme (1946-50) dans La Survivance
Les années suivant la fin de la seconde guerre mondiale se caractérisent désormais
par l’augmentation des occurrences de « franco-albertain » passant ainsi de 5% à 9% en 20
ans (1931-35 et 1946-50). Lorsque l’occurrence « franco albertain » est à son « apogée »
(9% durant la période 1946-50), la répartition des autres étiquettes est la suivante :
« canadien français » représente encore 91% des occurrences et « francophone », toujours
0%. Cette période de l’après-guerre marque donc un détachement graduel pour la référence
« canadien français » au profit, du moins temporairement, pour la dénomination « franco
albertain ». On verra, dans le schéma suivant (Diagramme circulaire 7) représentant les
résultats des occurrences pour la période du début des années 60 (1961-65), que
l’utilisation de l’étiquette « franco albertain » laissera très vite la place à la référence plus
englobante de « francophone ».
91%
9%
0%canadien français
franco albertain
francophone
125
Diagramme circulaire 7 : Répartition en pourcentage des 2 autres références
lorsque « francophone » est à son paroxysme (1961-65) dans La Survivance
Le schéma ci-dessus nous informe encore de la prépondérance de la référence
« canadien français » malgré la présence de la dénomination « franco-albertain » qui
accuse une légère baisse par rapport à l’exemple précédent (de 9% à 7%). La nouveauté
qui apparaît sur ce diagramme circulaire est la présence d’occurrences pour la
dénomination « francophone » (8%) ce qui la positionne légèrement au-dessus de « franco-
albertain ».
D’emblée, l’utilisation de l’étiquette « francophone » à hauteur de 8% semble aller
de pair avec celle de « franco albertain » qui se hisse presque au même niveau en affichant
7% des occurrences. Pendant ce temps, la référence « canadien français » continue à être
encore la norme dans le discours de ce journal puisque le pourcentage de ses occurrences
s’élève à un solide 85% entre 1961 et 1965, soit au début de la Révolution tranquille
québécoise. Nous allons à présent nous tourner vers Le Franco[-albertain] afin de voir si
85%
7%8%
canadien français
franco albertain
francophone
126
la transition à ce journal a affecté l’utilisation de la référence laissant transparaître un
changement d’idéologie.
Mots-clés &
variantes
Total
1966-70 1971-75 1976-80 1981-85 1986-90 1991-95 1996-00
canadiens
francais
canadienne
francaise
4393
226
127
=353
306
260
=566
405
547
=952
249
501
=750
244
439
=683
141
411
=552
105
432
=537
franco
albertains
franco
albertaine
3311
46
17
=63
166
87
=253
339
119
=458
424
106
=530
569
242
=811
339
367
=706
176
314
=490
Francophones
13568
315 1082 1808 1895 3426 3547 1495
Tableau 3 : Répartition des occurrences par tranche de 5 ans dans Le Franco-
albertain
Diagramme circulaire 8 : Répartition des références « canadien français » ; « franco
albertain » et « francophone » dans Le Franco-albertain
Lorsque l’on observe les chiffres relatifs à l’emploi de l’occurrence
« francophone » de manière globale, l’on constate que ce terme représente 64% des
occurrences alors que les termes « canadien français » et « franco albertain » représentent
21%
15%64%
canadien français
franco albertain
francophone
127
respectivement 21% et 15% des occurrences sur l’ensemble des périodes observées soit
une période d’un peu moins de 35 ans (entre le 15 novembre 1967 et 2000).
Diagramme circulaire 9 : Répartition des références lorsque « francophone » est à
son paroxysme (1991-95) dans Le Franco-[albertain]
Si l’on regarde de plus près la répartition des termes « canadien français » et
« franco albertain » lorsque l’occurrence « francophone » est à son paroxysme (74% en
1991-95) l’on constate que la part restante pour les deux autres occurrences, « canadien
français » et « franco albertain », ne représente que 15% pour « franco albertain » et 11%
pour « canadien français ».
11%
15%
74%canadien français
franco albertain
francophone
128
Diagramme circulaire 10 : Répartition des références lorsque « franco albertain »
est à son paroxysme (1986-90) dans Le Franco-[albertain]
Lorsque la référence « franco-albertain » atteint son plus haut point, c’est juste pour
constituer 16% des occurrences enregistrées. Si on la compare aux deux autres références,
le terme « francophone » apparaît dans 70% des utilisations alors que « canadien français »
constitue tout de même 14% des occurrences.
14%
16%
70%
canadien français
franco albertain
francophone
129
Diagramme circulaire 11 : Répartition des références lorsque « canadien français »
est à son paroxysme (1976-80) dans Le Franco-[albertain]
Même si cette période est marquée par le plus grand nombre d’occurrences en ce
qui concerne le terme « canadien français », c’est encore une fois l’étiquette
« francophone » qui représente la plus grande part, soit 56% des occurrences relevées.
En essayant un tant soit peu de compiler l’ensemble des données révélées dans les
tableaux et les graphiques précédents, deux faits saillants méritent d’être mentionnés ;
d’abord, le fait que l’occurrence « canadien français » constitue la référence de choix du
journal La Survivance qui prône à travers cette utilisation un rassemblement autour de la
nation canadienne française, avérée ou imaginaire. Avec pour principe la foi gardienne,
voire garante, de la langue française ainsi que les valeurs traditionnelles qu’elle véhicule
et qui sont aussi incarnées par la ruralité albertaine. De plus, l’utilisation de ce terme
s’inscrit dans une époque particulière : celle de l’avant Révolution tranquille. Le deuxième
point qu’il est intéressant de noter est le virage opéré par le journal lors du changement de
30%
14%
56%canadien français
franco albertain
francophone
130
nom en particulier. Ce qui est très saillant à travers nos résultats de données c’est le fait
que le passage du terme « canadien français » à « francophone » va s’opérer de manière
beaucoup plus rapide que ce que j’avais envisagé compte tenu du soi-disant tournant
territorial pris par les minorités francophones hors Québec. En effet, je pensais que
l’utilisation de « franco albertain » aurait davantage marqué les années suivant la fin de la
Révolution tranquille. J’avais imaginé que cette dernière référence se serait davantage
trouvée en situation de concurrence avec le terme « francophone ». Or, ce n’est pas ce que
révèlent mes données puisqu’une dizaine d’années après le changement de nom du journal
le nombre d’occurrences de « francophone » a été multiplié par plus de 5 passant ainsi de
315 à 1808 occurrences.
Diagramme en colonnes 1 : Répartition des termes « canadien français », « franco
albertain » et « francophone » dans La Survivance entre 1931 et 1966
33
45
34
98
21
60
15
91
21
4
23
4
16
9
17
7
1 4 10 1
96
1 9 3 1 -4 0 1 9 4 1 -5 0 1 9 5 1 -6 0 1 9 6 1 -7 0
canadien français franco albertain francophone
131
Diagramme en colonnes 2 : Répartition des termes « canadien français », « franco
albertain » et « francophone » dans Le Franco-albertain entre 1967 et 1995
En observant de plus près ces derniers graphiques, l’hypothèse de départ selon
laquelle la référence « canadien-français » serait plus présente dans le journal La
Survivance est démontrée ainsi que la progression rapide de celle de francophone dès la
période charnière que constitue la fin des années 60, en particulier l’année 1967. Ce que je
n’avais pas appréhendé en revanche est la quasi-équivalence du nombre d’occurrences
entre « canadien-français et « franco-albertain » sans progression notoire de cette dernière.
Cela révèle que le journal continue de propager l’idéologie de nation canadienne-française.
5.2 Ce que révèlent les questionnaires et les entrevues
Sur une centaine de questionnaires envoyés, j’ai reçu en tout 53 réponses qui se
répartissent de la façon suivante : 44 réponses positives (formulaires de consentement et
questionnaires remplis) et 9 réponses partielles qui n’ont jamais abouti malgré de multiples
91
9
17
02
12
35
31
6 98
8 15
17
13
97
37
03
69
73
1 9 6 6 -7 5 1 9 7 6 -8 5 1 9 8 6 -9 5
canadien français franco albertain francophone
132
relances. Sur ces 44 réponses, 27 personnes ont été interviewées (entre 45 min et 2h00
environ).
Diagramme circulaire 12 : Répartition questionnaires / entrevues
5.3 Données démographiques.
5.3.1 Répartition homme-femme.
Diagramme circulaire 13 : Ratio hommes / femmes dans les questionnaires
62%
38%
Questionnaires
Entrevues
36%
64% Hommes
Femmes
133
Diagramme circulaire 14 : Ratio hommes / femmes dans les entrevues
Mon objectif, lors de cette enquête, a été de parvenir à une représentation homme-
femme relativement « équilibrée ». Comme le démontrent les deux graphiques ci-dessus,
le ratio hommes-femmes, que ce soit pour les questionnaires ou les entrevues, se situe
sensiblement au même niveau. Ainsi, pour les questionnaires reçus, le ratio homme-femme
est de 64% en faveur des femmes contre 36% pour les hommes. Pour les entrevues, la
répartition est de 63% contre 37%. Voici ce que cela donne si l’on compare les réponses
reçues au questionnaire avec celles reçues pour l’entrevue sur un graphique global :
37%
63%Hommes
Femmes
134
Diagramme en colonnes 3 : Comparaison ratio homme-femme dans les
questionnaires et les entrevues
5.3.2 Tranche d’âge.
En ce qui a trait à l’âge des participants au questionnaire et à l’entrevue, l’on note
une majorité d’individus situés dans la tranche 18-28 et une minorité en ce qui concerne la
tranche 62-72. Les tranches supérieures (73-83 et 84+) n’ont pas fait l’objet de réponses,
ce qui constitue une forme de limitation. Entre la phase du questionnaire et la période de
l’entrevue, j’ai essayé de réduire ces écarts en favorisant les répondants des tranches les
moins représentées comme en atteste le schéma qui suit. Cependant, même si la tranche
18-28 semble accuser une baisse du nombre de participants, elle reste surreprésentée par
rapport aux autres tranches d’âge.
16
10
28
17
0
5
10
15
20
25
30
Questionnaires Entrevues
Hommes Femmes
135
Diagramme en colonnes 4 : Répartition par tranche d'âge
Dans cette même logique, et afin de donner quelques précisions supplémentaires,
les deux schémas qui suivent proposent de représenter les pourcentages correspondant aux
différentes classes d’âge pour les questionnaires et pour les entrevues :
Diagramme circulaire 15 : Répartition par tranche d'âge dans les questionnaires
17
6
9
10
2
11
3
4
7
2
1 8 -2 8 2 9 -3 9 4 0 -5 0 5 1 - 6 1 6 2 -7 2
Questionnaires Entrevues
18-28
39%
29-39
14%
40-50
20%
51-61
23%
62-72
4%
18-28
29-39
40-50
51-61
62-72
136
Diagramme circulaire 16 : Répartition par tranche d'âge dans les entrevues
Afin de questionner les identités, le critère de la variété des tranches d’âge me paraît
important car il permet d’inclure une plus grande diversité d’expériences sociales au sein
de mon échantillon de participants. Ainsi, nous remarquons que les tranches d’âge « 18-
28 » et « 51-61 » sont celles qui, en dépit du fait que le nombre de participants soit passé
de 17 à 11 pour la première et de 10 à 7 pour la seconde, affichent une légère augmentation
de leur pourcentage passant respectivement de 39 à 42% et de 23 à 26%. Pour les deux
autres tranches situées entre celles que nous venons de mentionner (soit 29-39 et 40-50) le
nombre de participants a baissé entre la participation au questionnaire et à l’entrevue. Ainsi,
le nombre de répondants pour la catégorie « 29-39 » s’élève à 6 pour le questionnaire et à
3 pour l’entrevue ce qui correspond à une baisse de 3% entre les deux étapes (14 à 11%).
Pour la tranche « 40-50 », le nombre de participants passe dans ce cas-ci de 9 à 4 (soit de
20 à 15%). Seule la catégorie « 62-72 » a gardé le même nombre de participants, 2, ce qui
18-28
41%
29-39
11%
40-50
15%
51-61
26%
62-72
7%
18-28
29-39
40-50
51-61
62-72
137
correspond à 4% des individus ayant répondu aux questionnaires et 7% des participants à
l’entrevue. Ceci étant, je suis tout à fait consciente que ces proportions par tranches d’âge
ne sont pas totalement représentatives de la répartition de la population calgarienne en 2011
comme l’atteste le schéma suivant qui représente la répartition de la population calgarienne
par tranche d’âge selon les chiffres de recensement fournis par Statistique Canada (2012a) :
Diagramme circulaire 17 : Population calgarienne par tranche d'âge-Statistique
Canada 2011
Je note à ce sujet qu’il s’est avéré difficile de contrôler le nombre de participants
dans chaque catégorie par manque de moyens temporels et financiers. En effet, certains
des répondants au questionnaire que je souhaitais interviewer n’ont soit pas donné suite,
soit ont indiqué qu’ils ne désiraient pas faire partie de la cohorte des interviewés. En
revanche, la cohorte étudiée correspond tout de même à la tranche d’âge la plus
représentative de la population calgarienne en 2011, comme en atteste le tableau et le
graphique qui suivent :
28%
21%20%
18%
13%15-29
30-39
40-49
50-59
60-74
138
Tranche d’âge Hommes-femmes
0-14 18,3%
15-64 71,9%
65 et plus 9,8%
Tableau 4 : Représentation de la population calgarienne par tranche d’âge-201124
Diagramme circulaire 18 : Représentation générale de la population calgarienne-
2011
5.3.3 Questions de provenance.
Afin de comprendre comment l’origine peut influer sur l’expression d’un élément
du répertoire linguistique et/ou ethnoculturel et sur les catégories utilisées, je vous propose
24 Statistique Canada. (2012b). Série « Perspective géographique » : Recensement de 2011. (Produit no 98-
310-XWF2011004). Ottawa, ON. Produits analytiques. Repéré à http://www12.statcan.gc.ca/census-
recensement/2011/as-sa/fogs-spg/Facts-cma-fra.cfm?Lang=fra&GK=CMA&GC=825
18%
72%
10%
0-14
15-64
65 et plus
139
de répertorier plusieurs données dans les trois diagrammes qui suivent. Le premier et le
deuxième graphique représentent ainsi respectivement la proportion de répondants au
questionnaire (Diagramme en lignes 1) et à l’entrevue (Diagramme en lignes 2) en fonction
de leur pays d’origine. Le troisième graphique se veut un peu plus précis et présente « les
provenances canadiennes » selon leurs provinces d’origines.
Diagramme en lignes 1 : Pays d'origine des répondants - Questionnaires
1
1
1
1
1
7
1
1
1
1
24
1
1
1
1
0 5 10 15 20 25 30
TURQUIE
MAROC
LIBAN
INDE
ÎLE MAURICE
FRANCE
ESPAGNE
EL SALVADOR
CÔTE D'IVOIRE
COLOMBIE
CANADA
BELGIQUE
ARGENTINE
ALGÉRIE
AFRIQUE DU SUD
140
Diagramme en lignes 2 : Pays d'origine des répondants - Entrevues
Le Canada est le pays d’origine le plus représenté parmi les pays dont sont
originaires les participants à l’entrevue. La France est le deuxième pays le plus représenté
dans mon échantillon; on peut sans doute expliquer cela du fait que je suis moi-même
française et il s’agit sans doute d’une forme de biais. Je pense en effet que l’origine du
chercheur a une influence sur certains participants qui vont décider de participer ou pas à
une certaine étude. Dans la même lignée, j’ai pu aussi remarquer qu’il m’était difficile
d’atteindre des personnes susceptibles de s’identifier comme franco-albertaines.
111
3111
15111
0 2 4 6 8 10 12 14 16
MAROC
LIBAN
INDE
FRANCE
ESPAGNE
CÔTE D'IVOIRE
COLOMBIE
CANADA
BELGIQUE
ALGÉRIE
AFRIQUE DU SUD
141
Diagramme en lignes 3 : Province d'origine des répondants - Questionnaires &
Entrevues
5.3.4 Identités exprimées.
La première question mentionnant l’identité est la question 8 du questionnaire; j’ai
voulu résumer les différentes identités qui apparaissent à ce premier stade du
questionnement afin que l’on comprenne un peu plus la démarche qui a été la mienne lors
des étapes suivantes du questionnaire et surtout durant l’étape cruciale de l’entrevue. Pour
cette raison, je me suis cantonnée à présent à ne prendre en compte que l’échantillon
définitif de répondants; les participants à l’entrevue. Voici donc ce que ces premiers
résultats donnent :
8
21 1 1 1
10
5
20 1 0 0
7
QC ON NÉ NB MB CB AB
142
Diagramme en colonnes 5 : Identités exprimées en fonction du temps passé en
Alberta
Ces premiers résultats quant à la question identitaire montrent que la dénomination
« albertain » n’est pas utilisée par les répondants de mon échantillon qui vivent en Alberta
depuis moins de 10 ans à ce stade du questionnement. Ce que l’on peut aussi noter c’est la
propension à donner plusieurs réponses ce qui démontre déjà l’idée de la pluralité du
répertoire ethnoculturel des Francophones vivant à Calgary. Ainsi, plutôt que de fournir
des réponses uniques les individus qui vivent en Alberta, depuis au moins une dizaine
d’années, choisissent de se présenter différemment en fonction du contexte. Cette tendance
s’accroît nettement avec les répondants qui vivent en Alberta depuis plus de 20 ans, en
particulier ceux qui vivent en Alberta depuis plus de 27 ans. Afin de creuser un peu ce
phénomène de répertoires d’identités plurielles je vous propose un autre schéma explicatif
2
4
1 1
5
7
1 1
4 4
2
3
1
2
8
1
1--4 5--9 10--14 15-20 21-26 27+
canadienne albertaine autres N/A
143
visant à présenter la multiplicité des réponses comprises sous la dénomination « autres »
(Diagramme circulaire 19).
Diagramme circulaire 19 : Précision sur les identités exprimées
Afin d’étayer un tant soit peu la représentation ci-dessus, je tiens à ajouter quelques
éléments relevés lors des entrevues pour expliquer ce qui apparaît sous la dénomination
« double appartenance » par exemple (Grosjean, 1993 utilise « double personnalité »). Les
identités exprimées sous cette catégorie correspondent à diverses réalités en fonction des
répondants. Ainsi, pour la participante 18 l’identité déployée s’exprime-t-elle par le recours
à une double identité « canadienne et algérienne » séparée par une barre oblique
canadienne / algérienne (choix de la participante) alors que dans le cas de la participante
20, la multiplicité des étiquettes auto-catégorisantes se déclinent sous plusieurs références
nominatives ethniques : canadienne, française, puis « française d’Afrique du Nord » pour
finir par « franco-canadienne ». Dans les différentes ethnicités exprimées, j’ai pu relever
6%6%
13%
25%13%
31%
6%
Acadienne
Calgarienne
Québécoise
Franco-canadienne
Double appartenance
Éthnicité
Immigrante
144
en plus de « canadienne » (P. 3; P. 4; P. 6; P. 7; P. 10; P. 14; P. 15; P. 16; P. 17; P. 19; P.
22; P. 24; P. 26, seule occurrence; P. 18; P. 21; P. 27, deux occurrences) l’utilisation de :
« française » (P. 1, seule occurrence; P. 20, une occurrence parmi deux), « belge » (P. 2,
seule occurrence), « espagnole » (P. 13, seule occurrence) et « indienne » (P. 28, seule
occurrence). En ce qui concerne les appellations ethniques canadiennes : j’ai relevé à ce
stade du questionnaire, les dénominatifs « acadien » à une reprise et « québécois » à deux
occasions; je précise en ce qui concerne la référence « québécois » que le participant 27
pose d’emblée les jalons de son utilisation du terme dans la mesure où il précise : « mais
Canadien de préférence ». J’ai également noté que l’un des participants (P. 23) qui va
s’identifier comme « québécois » dans la suite des réponses a omis (volontairement ou pas)
de répondre à la question 8, ce que j’ai identifié dans mes données par N/A. L’analyse et
la discussion du chapitre 5 approfondiront les thèmes sous-jacents ayant contribué à
l’utilisation des référents identitaires choisis.
5.3.5 Langues premières et langues parlées.
La suite du questionnaire nous permet d’en apprendre un peu plus sur l’éventail
linguistique des répondants. Ainsi, grâce aux réponses apportées sommes-nous en mesure
de répertorier les langues apprises, parlées et utilisées par les participants en relation à
l’expression de leur identité linguistique. Les résultats sont compilés dans les schémas qui
suivent :
145
Diagramme circulaire 20 : Langues premières
Diagramme circulaire 21 : Langues parlées
Les participants ayant répondu « le français » « comme langue première »
représentent 27% alors que ceux ayant coché « le français » comme « langue parlée en
27%
9%
27%
9%
14%
9%5%
Français
Français & autre(s)
Français-anglais
Français-anglais & autre(s)
Anglais
Anglais & autre(s)
Autre(s)
36%
9%23%
9%
9%
5%9%
Français
Français & autre(s)
Français-anglais
Français-anglais & autre(s)
Anglais
Anglais & autre(s)
Autre(s)
146
grandissant » représentent 36% de mon échantillon. Ceci peut s’expliquer par le fait que
certains ont déclaré plusieurs langues sous la case « langues premières » dans la mesure où
celles-ci incluent aussi les langues entendues dans l’enfance. Le deuxième point qu’il est
intéressant de noter est la proportion de participants ayant déclaré les deux (français-
anglais) comme langues premières (27%) et comme langues parlées (23%). Encore une
fois, il semble que le choix d’avoir inclus les langues entendues dans l’enfance peut
expliquer ces pourcentages. Ce qu’il est également pertinent de remarquer c’est la
proportion de Francophones pour qui le français ne constitue que l’un des éléments du
répertoire linguistique puisque 9% ont soit choisi « français et autres » ou « français,
anglais et autres » pour définir leurs langues premières. On remarque aussi qu’un certain
nombre de francophiles font partie de la cohorte qui nous intéresse puisque pas moins de
28% (respectivement 14%, 9% et 5%) ont inscrit « anglais; anglais & autre(s) ou autre(s))
en ce qui a trait aux langues premières. De plus, si l’on se tourne vers la/les langues(s)
parlées en grandissant les catégories « français, anglais & autre(s); anglais; anglais &
autre(s) ou autre(s) » représentent 32% des répondants avec respectivement 9%, 9%, 5%
et 9%.
147
Diagramme en colonnes 6 : Langues dans l'enfance
Diagramme en colonnes 7 : Langues à présent
Dans cette même logique identitaire, l’importance accordée aux langues parlées à
la maison, mais aussi dans une certaine mesure à l’école ou au travail, prend tout son sens.
En effet, même si l’on remarque une baisse dans le nombre de répondants parlant français
le plus souvent à la maison entre la période de l’enfance et de l’âge adulte, on peut aussi
voir cette pratique monolingue donner lieu à des pratiques multilingues. Il faut garder
15
4 0 2 2 3
16
11
4
Maison École
68 8
1 2 2 0
7
1
13
2 1 0 0
Maison Travail/université
148
présent à l’esprit que plusieurs de mes participants ont grandi dans des régions ou pays
majoritairement francophones; ils parlaient français à la maison et à l’école même si c’était
parfois en complément d’autres langues, telles que l’alsacien, l’arabe, le créole, le nouchi,
ou encore certains dialectes belges. Vivant à présent à Calgary, ville où le français a un
statut de langue minoritaire, leurs pratiques langagières se sont diversifiées ou au contraire
simplifiées à l’extrême pour ceux qui utilisent majoritairement l’anglais.
Intéressons-nous à présent à ce que les répondants ont partagé concernant leurs
identités ethnolinguistiques et ethnoculturelles : en ce qui a trait au déploiement des
identités ethnolinguistiques, le terme que nous retrouvons le plus souvent est
incontestablement celui de « bilingue » (13 répondants parmi 27, soit presque la moitié),
ce qui est prévisible en situation de francophonie minoritaire. Quelques participants ont
tout de même inscrit « francophones » (3) et une personne s’est identifiée comme
« anglophone ». Pour contrer la difficulté liée à la variété des réponses, j’ai rassemblé
toutes les réponses qui différaient des 3 catégories mentionnées ci-dessus sous le terme
« autres ». Dans un deuxième schéma, j’ai détaillé les réponses classées sous cette
catégorie.
149
5.3.6 Répertoires linguistiques.
Diagramme circulaire 22 : Répertoires linguistiques
La répartition par pourcentage nous indique la prépondérance de la réponse
« bilingue » (48%), référant au bilinguisme « français-anglais ». La catégorie « autres »
atteint un score tout à fait honorable de 37%. Les identités singulières ne se révèlent pas
aussi populaires puisque « francophone » et « anglophone » obtiennent respectivement
11% et 4%. À présent nous allons explorer un peu plus en détail ce qui se cache sous cette
catégorie « autres » :
11%4%
48%
37%
Francophone
Anglophone
Bilingue
Autres
150
Diagramme circulaire 23 : Autres combinaisons linguistiques
Dans la catégorie « autres », la dénomination « bilingue » (français & autres) ainsi
que « francophone et autres » se partagent la part du lion puisqu’elles atteignent 60% des
réponses (30% chacune, soit 3 répondants). Le reste des catégories proposées correspond
à une réponse unique dans chaque cas.
5.3.7 Répertoires ethnoculturels.
Dans le cas des identités culturelles, il est plus difficile de rassembler le type de
réponses obtenues car une plus large gamme de termes a été utilisée par les participants du
fait de la pluralité de leurs répertoires culturels et des réponses qui en résultent. J’ai tout de
même rassemblé mes données dans le graphique suivant :
10%
10%
30%30%
10%
10%
Allophone
Bilingue & autres
Francophone & autres
Bilingue (français & autres)
Bilingue (anglais & autres)
Multilingue
151
Diagramme circulaire 24 : Répertoires ethnoculturels
Il faut toutefois rester prudent et critique quant aux résultats présentés : même si les
pourcentages les plus importants, respectivement 18% pour une réponse contenant
« Franco+provinces » et 11% pour « canadien-français », je me suis vite aperçue avec la
suite du processus de récolte de données (en l’occurrence l’entrevue) que ces termes ne
représentaient pas forcement la même réalité sociale pour l’ensemble de mon échantillon
de répondants et que chaque dénomination pouvait faire l’objet de représentation non
consensuelle (ex : « canadienne-française » pour la participante 1 qui, lors de l’entrevue,
m’a expliqué ce qu’elle entendait par ce terme : canadienne et française (originaire de
France). Le chapitre 5 me permettra d’approfondir l’analyse des données extraites des
journaux, des questionnaires et des entrevues.
14%
11%
14%
18%
5%
2%5%
5%
12%
9%5%
Canadien
Canadien français
Franco canadien
Franco+provinces
Acadien
Québécois
Albertain
Calgarien
Ethnicité d'origine
Canadien/Albertain+ethnicité
Linguistique
152
5.3.8 Influence de la scolarité.
Afin de compléter les résultats de la cueillette de données, je me suis ensuite
attachée à répartir les répondants en fonction du type de scolarité suivie. En effet, dans les
processus de construction identitaire, la recherche canadienne, en particulier dans le milieu
francophone minoritaire, s’attache à dire qu’il s’agit de l’un des piliers fondamentaux de
la construction identitaire de l’individu (Landry, Deveau & Allard, 2006c) alors j’ai voulu
voir s’il y avait un impact dans mon échantillon de participants.
Diagramme circulaire 25 : Types de scolarité
Les données recueillies dans les entrevues m’ont permis de répertorier les types de
scolarité que mes participants ont suivis. Pour certains, surtout quand le français n’est pas
la langue de la majorité, les parcours sont variés et comprennent plusieurs modalités
d’enseignement du français; français langue maternelle, français langue étrangère ou
langue seconde; écoles francophones ou encore programmes d’immersion; écoles de
langue française dans un pays où le français constitue la langue majoritaire, ou l’une des
51%
26%
10%
13%
francophone
immersion française
anglophone
autres
153
langues officielles; écoles situées dans des pays où le français bénéficie encore d’un certain
prestige (Côte d’Ivoire, Ile Maurice, Inde, Liban par exemple). Les programmes ainsi que
le nombre d’heures allouées peuvent ainsi varier du tout au tout. On peut toutefois noter
que plus de la moitié de mes répondants ont tout de même fréquenté une école de langue
française a un moment ou à un autre de leur parcours scolaire. De plus, les étudiants ayant
suivi les programmes d’immersion ont été rassemblés dans un même groupe qu’ils aient
fréquenté les programmes d’immersion partiellement ou en totalité. En réalisant ce
graphique j’ai voulu me concentrer sur la pluralité des parcours individuels; c’est pour cela
que j’ai additionné les différentes expériences car elles font partie des répertoires
linguistiques et culturels des répondants.
L’analyse des journaux ainsi que des extraits proposés par certains participants va
nous permettre de mieux comprendre ce que l’on entend généralement par « canadien-
français » dans le contexte qui nous intéresse, c’est-à-dire celui de la francophonie
minoritaire hors Québec, en particulier le paysage sociolinguistique de l’Alberta et de la
ville de Calgary en cette première moitié du XXIe siècle. Tout d’abord, afin de parvenir à
une compréhension aussi globale que possible du terme « canadien-français » il a fallu
effectuer une recherche diachronique de ce dernier dans les journaux La Survivance et Le
Franco-albertain, grâce aux archives en ligne du site Peel’s Prairie Provinces. Dans La
Survivance ce terme apparaît ainsi à 2910 reprises entre le 16 novembre 1928 [date de
parution du journal] et le 1er novembre 1967 [avant-dernier numéro avant de passer au
Franco-albertain], avec un pic à 536 dans les années 30; il serait intéressant d’aller y voir
un lien possible avec la crise économique de 1930 et ses conséquences (démarche qui ne
154
fera pas l’objet de la présente étude). Si l’on se penche vers Le Franco-albertain, la même
recherche n’indique que 581 occurrences avec un nombre plus important d’occurrences se
situant dans les cinq années 1976-1980. Encore une fois, nous pouvons émettre l’hypothèse
que ces résultats seraient en relation avec l’atmosphère post-Révolution tranquille et
préréférendaire soufflant sur l’ensemble du pays et à l’œuvre en particulier dans les
communautés francophones minoritaires.
5.4 Représentation transculturelle de l’identité francophone calgarienne
La compilation des discours des participants m’a ainsi permis de dégager plusieurs
pistes de réflexion initiales quant à la représentation de la diversité existant au sein de
l’identité francophone calgarienne. Le schéma qui suit a été créé en prenant compte de cette
perspective transculturelle25 dans son sens propre ; c’est pour cela que les éléments
représentés s’entrelacent comme autant de matières complémentaires nécessaires à la
pleine expression d’une telle identité plurielle :
25 Le transculturel étant marqué par les flux perpétuels, j’ai donc choisi de le représenter à travers les
diverses intersections présentes sur le schéma plaçant ainsi l’identité Franco en résultant au cœur de tous
ces apports et échanges.
155
Schéma 1 : Représentation transculturelle de l’identité francophone calgarienne
Identité bilingue
Culture francoPLOP
LangueÉducation
Langue Travail
Langue maternelle
Languemaison
IdentitéFranco
156
5.5 Résumé du chapitre 5
Ce défrichage des articles de journaux couplé à celui des questionnaires et des
entrevues m’a permis de relever plusieurs thématiques récurrentes dans les différents
discours en présence : d’abord, l’épineuse question de l’appartenance identitaire (Gingras,
2005), des identités englobantes aux identités plus locales, puis celle des stratégies
identitaires déployées par les acteurs sociaux interrogés, notamment dans leur façon
d’appréhender leurs répertoires linguistiques et ethnoculturels, puis la perspective du
minoritaire et l’évolution de son discours, et enfin la problématique des identités bilingues.
Tout au long de ces divers contextes, la perspective transculturelle semble émerger des
discours et sert de dénominateur commun à la compréhension de certains phénomènes
sociaux comme je ne manquerai pas de le montrer lors de l’analyse. Ces différents thèmes
m’ont amenée à me questionner sur la question de l’appropriation sémantique de catégories
préexistantes en fonction des répertoires linguistiques et ethnoculturels des acteurs sociaux.
Dans le chapitre suivant, je m’attacherai à exploiter les résultats présentés dans le chapitre
cinq à travers une analyse critique de discours basée sur la sociolinguistique critique du
changement, la théorie des stratégies identitaires ainsi que sur le transculturalisme.
157
Chapitre 6 : Analyse et Discussion
L’identité personnelle et la culture sociale d’une communauté ne se mesurent pas à l’aune d’une
ou de deux caractéristiques. Les appartenances sont rarement singulières, souvent multiples et plurielles,
tantôt complémentaires, tantôt contradictoires (Bernard, 1998, p. 33).
Comme je l’ai mentionné dans le chapitre précédent, les discours des journaux et
des participants à l’étude ont révélé l’existence de trois axes principaux : d’abord, dans un
premier temps, les divers types d’appartenances revendiquées. Pour certains, il s’agira de
l’appartenance à la communauté ethnique (d’origine, que ce soit celle de l’individu lui-
même ou de sa famille), à la francophonie (locale et globale), et/ou à la société canadienne
ou encore à des combinaisons plus ou moins complexes de toutes ces appartenances; puis,
dans un deuxième temps, le rapport au bilinguisme et au multi- voire transculturalisme
canadiens et enfin, dans un troisième temps, les stratégies identitaires dont les répondants
font preuve. L’idée principale derrière ces différents types de questionnements a donc été
de dresser un portrait des diverses postures sociolinguistiques des Francophones calgariens
afin de comprendre en quoi leur participation à cette étude a permis de faire la lumière sur
les enjeux propres à leur éventuelle inclusion dans les francophonies minoritaires
calgarienne et albertaine.
Si l’on se tourne à présent vers les questions qui sous-tendent cette recherche,
l’objet de ce chapitre sera donc de chercher à démontrer si une corrélation existe entre
l’utilisation des références nominatives telles que « canadien-français », « franco-
albertain » et « francophone » (critère initial de langue maternelle) et l’idéologie en place
selon les époques. De plus, dans le contexte calgarien actuel, j’ai aussi cherché à montrer
158
que l’identité Francophone peut s’exprimer chez des individus dont le français constitue
soit la première langue officielle parlée (PLOP ; Statistique Canada, 1989), soit une langue
seconde ou additionnelle (compétence B2 ou 8) à la condition d’utiliser le français au
moins de manière régulière, que ce soit à la maison ou au travail / université.
En effet, la promotion de la langue et de la culture françaises dans l’expression
d’une identité canadienne ne date pas d’hier et elle se place également dans la logique des
politiques linguistiques canadiennes qui promeuvent une perspective multiculturelle
inscrite dans la dualité linguistique (Haque, 2012). Ainsi en est-il de la position exprimée
dans cet extrait de La Survivance daté du 17 juin 1964 et qui précise : « […] the French
language and culture can be powerful factors in preserving a rich and distinctive
Canadian identity in which the various cultures complement and strengthen each
other ». On retrouve ici les prémices d’une vision transculturelle dans laquelle la langue
et la culture françaises vont jouer le rôle de catalyseurs et d’instruments de cohésion quant
à l’inclusion d’autres langues et cultures dans l’expression d’une identité canadienne
nationale. Cet article, qui s’inscrit dans un contexte de début de Révolution tranquille – le
premier article faisant mention de la Révolution tranquille au Québec date du 12 février de
la même année – insiste sur le fait que le monde a changé et que, par conséquent, les
chances de devoir faire face à toujours plus de diversité sont bien réelles. Au lieu de voir
en cela une menace, la position de Jean-Louis Lebel, porte-parole des Canadiens français
de Calgary à l’époque, reflète plutôt une ouverture d’esprit dans la mesure où le lecteur est
invité à embrasser cette posture pour le maintien de la paix et de la tolérance dans le monde,
159
ce faisant il en profite pour présenter le Canada comme un champion, un leader en la
matière :
[…] We are living in an age where the methods of transportation and
communication are improving continually. Our world is becoming
smaller and smaller, and the need for tolerance and understanding
between people of different language, races, creeds, nationalities and
cultures is becoming a requisite to the survival of the human race. We
in Canada pride ourselves as being a progressive and enlightened
nation26.
Dans cette perspective d’expansion des moyens de communication, les langues, moyens
de communication par excellence, sont d’abord perçues dans leur aspect pragmatique et
utilitaire, c’est-à-dire qu’elles sont la preuve d’une certaine compétence transférable. Ainsi,
l’article suivant, issu du Franco-albertain (1977), nous apporte quelques précisions quant
à ce que cela va avoir comme impact au niveau individuel :
Cette même personne a en outre la possibilité d’élargir son champ
d’activité. Au Canada et dans le monde. Ainsi en est-il des carrières dans
le domaine culturel, dans les services gouvernementaux, en politique,
dans les entreprises et les affaires internationales ou encore dans le
secteur du tourisme. Pour faire carrière dans ces secteurs d’activité au
26 La Survivance, 17 juin 1964, p. 3.
160
Canada ou à l’étranger, la connaissance du français et de l’anglais est
particulièrement précieuse27.
Certains champs d’expertise sont privilégiés et constituent ainsi les domaines de
prédilection pour lesquels la compétence bilingue s’avère pertinente sinon nécessaire.
Cependant, le fait de parler telle ou telle langue à un certain niveau fait aussi, dans certains
cas, basculer l’identité du locuteur en fonction du recours à certaines stratégies identitaires.
6.1 De multiples appartenances aux appartenances uniques
Compte tenu de mes résultats de données, j’ai décidé de me pencher, en premier
lieu, sur l’exemple des combinaisons identitaires multiples, résultant d’une variété de
répertoires et d’appartenances linguistiques et ethnoculturels. L’expression du
multilinguisme par les répondants permet d’inscrire leurs pratiques langagières au-delà des
contextes calgarien, albertain et canadien, c’est-à-dire au niveau, pour certains d’entre eux,
de la francophonie internationale mais aussi, pour d’autres, au-delà de l’utilisation de la
langue française, c’est-à-dire à l’échelle mondialisée des pratiques langagières. L’exemple
de la participante 5, libanaise d’origine, nous éclaire sur ce point :
P. 5 : […] lorsque je rencontre quelqu’un pour la première fois et que l’on
me demande qui suis-je et quelles langues je parle je réponds que je suis
une immigrante libanaise multilingue / il faut que je dise Libanaise
immigrante multilingue/peut-être lorsque je vais avoir mon passeport je
vais dire je suis canadienne d’origine libanais et qui parle trois langues
27 Le Franco-albertain; « Les langues officielles et le citoyen canadien »; 26 octobre 1977; p. 21.
161
/ […] je ne sais pas pourquoi j’ai besoin d’une permission autoritaire d’un
agent qui est beaucoup plus grand que moi pour me donner
l’autorisation que / voilà maintenant tu es Canadienne //
Le fait, pour cette participante, de recourir d’abord à son statut d’« immigrante », puis à sa
citoyenneté d’origine « libanaise », pour enfin dire « multilingue » nous aide un peu à
jalonner le parcours identitaire (Gérin-Lajoie, 2003; Piquemal & Labrèche, 2011) suivi par
cette immigrante, parcours qui est totalement modulable puisqu’elle alterne l’utilisation
d’immigrante et de libanaise dans la même phrase. Ce changement semble indiquer une
difficulté quant au choix de cette première appartenance, qui est le pays de l’enfance, celui
de la langue maternelle, l’arabe, le répertoire linguistique de l’enfance qui comprend
surtout l’arabe et le français dans un premier temps puis l’anglais dans un deuxième temps,
et l’actuelle, la canadienne. La répondante continue et mentionne deux points qui vont
probablement l’inciter à utiliser le référent « canadienne », utilisation qu’elle ne s’octroie
pas encore [elle habite à Calgary depuis seulement 1-4 ans au moment de l’entrevue] :
l’obtention du passeport canadien et la permission d’autrui. L’hésitation quant aux multi-
appartenances de cette répondante nous rappelle les recherches de Breton, 1994; Dallaire,
2010; Migeon, 2015 mais aussi de Tajfel (1970, 1981) qui avance que l’identité sociale se
fonde sur les connaissances ou les croyances (idéologie et stéréotypes) dont disposent les
individus à propos des catégories sociales auxquelles ils pensent appartenir ou auxquelles
ils sont assignés par autrui.
L’utilisation de l’adjectif « multilingue » se retrouve aussi dans d’autres contextes
qui apparaissent au fil de mes analyses. Le participant 9, par exemple, pense avoir atteint
162
le seuil de compétence à partir duquel il devrait avoir la légitimité de se positionner lui-
même comme trilingue anglais-espagnol-français : « je pense que maintenant je peux me
considérer trilingue peut-être ». Toutefois, son incertitude se fait telle qu’il utilise « peut-
être » à la fin de sa phrase et qu’il me demande mon avis voire mon aval de francophone
avant d’oser inclure le français dans son répertoire linguistique. Ce locuteur parle aussi
italien mais le niveau qu’il a atteint dans cette langue et le statut dont elle jouit au Canada
font qu’il décide de ne pas placer l’italien au même niveau que les trois autres langues :
P. 9 : [l’italien] ça s’ra plutôt secondaire c’est pas vraiment une force /
je parle italien je le comprends très bien / donc je l’utilise dans la classe au
travail et j’ai aussi des amis sur Skype avec lesquels je parle une fois par
semaine / on fait / disons un échange de langue anglais-italien mais mon
français est plus fort que mon italien //
Cela révèle ici une certaine posture concernant la valeur que l’on accorde aux langues;
c’est un peu comme si certaines langues avaient droit de cité pendant que d’autres sont
reléguées au second plan : en effet, il apparaît que les langues ont tendance à être
catégorisées suivant le statut accordé aux groupes parlant ces langues dans un contexte
sociétal précis (Duquette, 2004, 2006; Heller, 2011).
Le répondant 9 poursuit un peu plus tard concernant le type d’éducation qu’il pense
offrir à ses enfants. La réponse est sans équivoque : elle sera multilingue, mais la façon
dont ce multilinguisme va se mettre en place s’avère un peu plus complexe à mettre en
œuvre, en particulier pour la première situation qui illustre l’exemple du Canada
163
[anglophone], contexte sociolinguistique dans lequel il ne précise pas si la langue de la
maison sera aussi l’anglais comme dans les deux cas suivants :
P. 9 : C’est une question intéressante / ce sera une éducation multilingue
mais ça dépend aussi où je vis / si je vis au Canada ce sera bien de les
envoyer dans une école française ou espagnole / si j’habite dans un pays
hispanophone alors ce sera une école française parce qu’à la maison je
parlerai en anglais / si c’était en France ou au Québec / ça serait
probablement dans une école espagnole parce qu’à la maison aussi je
parlerai en anglais //
Finalement, dans ce passage, le participant passe à l’adjectif « multilingue » même s’il
renvoie une fois encore aux langues précédemment mentionnées. Néanmoins, les situations
présentées incluent des pratiques multilingues diverses, c’est peut-être pour cette raison
que le répondant décide d’utiliser cette terminologie plutôt que celle de « trilingue ». De
plus, il faut garder en tête le fait que très souvent l’adjectif « multilingue » est utilisé pour
signifier « plus que deux langues ou plus que bilingue ». D’ailleurs, le sens plus englobant
de « multilingue » permet aussi une certaine marge de manœuvre concernant le futur de ce
participant, futur qui comprendra sans aucun doute plusieurs langues et une vie possible en
dehors du Canada.
Dans ce contexte de multilinguisme, les identités s’expriment de manière différente
en fonction des expériences de chacun. Ainsi, le profil du participant 30 est
particulièrement intéressant puisqu’il s’agit d’un francophone né en Nouvelle Écosse, à
164
Halifax et qui a grandi non seulement à Vancouver mais aussi en France. Il partage
quelques traits de son identité linguistique avec nous :
P. 30 : [Je suis] francophone mais quand même assez anglicisé; […] mon
identité est assez complexe; c’est un mélange. Je me mets dans des
situations linguistiques et quand j’en ai marre, je change; Vive la
variété!
Ce nouvel exemple, issu des questionnaires cette fois-ci, illustre parfaitement la
notion de « construction identitaire » comme relevant de vécus langagiers issus de la sphère
privée tels que définis par Landry, Allard et Deveau (2006b, 2006c, 2013). La dernière
phrase en particulier nous permet d’aller jusqu’à dire que dans le cas de ce participant, son
parcours personnel s’apparente à un véritable « itinéraire identitaire » qui, selon
l’Association Canadienne d’Éducation de Langue Française (désormais ACELF; 2011),
se manifeste par des avancées et des arrêts, des accélérations et du sur-
place, et permet même des retours en arrière, du moins apparents. Les
freinages et les détours font partie intégrante du parcours identitaire.
Ceux-ci permettent l’ouverture à de nouvelles perspectives et
encouragent des expériences innovatrices.
Cette idée de parcours caractérise aussi particulièrement la construction identitaire de la
participante 35 (questionnaire) pour qui, au premier abord, l’identité ne semble pas poser
de problème particulier puisqu’elle est née en Alberta dans une famille francophone, puis
a passé son enfance et son adolescence à St Hyacinthe au Québec. Bien qu’elle soit
francophone, qu’elle parle français à la maison sauf avec sa sœur [anglais] et qu’elle parle
165
pratiquement exclusivement anglais à l’extérieur de la maison – comme c’est souvent le
cas dans les contextes francophones minoritaires – cette répondante se présente tour à tour
comme Québécoise [avec les Français et les Québécois] ou comme Canadienne française
[avec la majorité des Canadiens]; cependant, elle poursuit en disant qu’elle utilise rarement
l’étiquette « Franco-albertaine » bien que techniquement elle devrait se dire Franco-
albertaine (critère de naissance). Elle conclut en disant : « ça fait des années que je cherche
comment m’identifier mais la recherche continue à ce jour » comme si elle venait de
faire table rase de tous les référents qu’elle avait choisis pour s’identifier jusqu’alors.
Une autre participante exprime aussi sa difficulté à se nommer « canadienne », elle
semble avoir recours à une stratégie d’évitement (Camilleri, 1989, 1990) : « euh°/°on en
parlera après » et choisit d’utiliser sa citoyenneté d’origine même si elle dit ne plus
vraiment se sentir française; ses mots semblent trahir sa pensée lorsqu’elle dit plus loin :
« je suis française », toutefois elle nuance un tant soit peu son propos :
P. 1 : Je sais pas pourquoi je m’appelle pas canadienne euh / on en
parlera après car je sais qu’il y avait des questions du ni-ni / j’me sens plus
vraiment française / mais je me sens toujours pas canadienne / si je suis
française parce que c’est un peu une fierté quand même pour moi / et
puis c’est important pour moi d’être française […]
Elle continue un peu plus tard en exprimant le fait que sa difficulté à sentir et à exprimer
son appartenance canadienne peut être mise sur le compte du peu de références communes
qu’elle a avec les Canadiens, vu qu’elle n’a pas passé son enfance dans ce pays. Cependant,
elle ajoute également qu’elle ne se sent plus « tout à fait française » et mentionne à ce sujet
166
qu’elle se sent « ni-ni », qu’elle a l’impression de se trouver dans un « no man’s land »,
encore une fois à cause du fossé causé par le manque de références communes existant non
seulement entre elle et les Français restés sur place; elle n’est plus au courant, par exemple,
des émissions qui passent à la télévision française :
P. 1 : Culturellement parfois / j’me sens ni à l’aise ici tout à fait / ni en
France / quand j’y rentre parce qu’il s’est passé des choses / y’a […] des
émissions de télé qui sont passées et que moi j’ai pas vues donc ils font des
références à ça / chais pas moi / j’en sais rien moi / l’amour est dans le pré
c’est apparemment une émission que tout le monde regarde / et moi on en
parle et chui là / hein quoi / des références des trucs que j’comprends pas
[…] bon on en parle et ça m’parle pas / du langage qui est en rapport à ça
[…] et surtout Facebook / tous mes amis ils me marquaient ça / puis moi
j’étais de quoi ils parlent / t’es obligée de faire des recherches Google pour
voir de quoi ils parlent quoi / culturellement j’dis pas que c’est si mal que
ça / que ça m’manque pas le côté télé-réalité française / parce que c’est
lamentable / mais eux ici non plus / surtout au niveau de c’qu’ils ont vu
dans leur enfance / des émissions de télé ouais de l’enfance quoi donc
voilà//
Alors que certains répondants préfèrent exprimer leur appartenance plutôt en termes
d’entre-deux, d’hybridité (« ni-ni ») voire de non-appartenance, certains choisissent
d’exposer leurs multi-appartenances. C’est ce qui caractérise le discours du participant 9
167
qui utilise l’expression de « citoyen du monde » (utilisée plus tard avec une autre
interprétation par le participant 3). Il nous en donne son interprétation :
F : Que veut dire « citoyen du monde » pour toi?
P. 9 : Ça veut dire que je considère que je suis capable de vivre dans plus
d’un pays sans aucune difficulté / ça dépend du pays bien sûr / je pourrais
aller en France j’y suis déjà allé 6 fois donc ça va pas vraiment être un choc
pour moi / je pense la même chose si je vais en Belgique / alors c’est bien
si je vais au Japon alors ce sera plus un choc culturel / donc ça veut dire
que peut-être je ne peux pas vivre dans tous les pays du monde
parfaitement / mais il y a un certain nombre dans lesquels je serais capable
au moins de survivre / peut-être de ne pas m’angoisser […]
Le participant 9 nous propose son acception de « citoyen du monde », selon laquelle la vie
dans plusieurs pays est possible sans ressentir de difficultés majeures. Il précise tout de
même que ce serait plus facile s’il s’agissait d’un pays francophone puis après avoir évoqué
l’exemple du Japon il finit par se rendre compte qu’il pourrait ressentir de l’angoisse dans
certains contextes moins familiers. Le point soulevé par le participant 9 ici est la crainte
plus ou moins avouée d’être en mesure de se sentir bien dans un tel pays et se sentir bien
pour lui passe avant tout par la capacité à survivre et par l’absence d’angoisse; en effet,
alors que pour certaines personnes le fait de s’installer dans un nouveau pays ou une
nouvelle région est source d’aventure, de dépaysement et de renouveau, d’autres individus
expérimentent cela plus comme un déracinement, source d’angoisse et de stress. C’est ce
que des chercheurs tels que Sam & Berry (2006) nomment l’acculturation. Le concept
168
d’acculturation implique un contact se déroulant à la fois au niveau collectif et individuel
et conduisant l'individu à effectuer des changements affectifs, comportementaux et
cognitifs, aussi appelés changements comportementaux et stress acculturatif, menant à long
terme à la modification de l’adaptation psychologique et socioculturelle28 » (Sam, 2006, p.
21). Ce phénomène psychologique s’accompagne ainsi de « stress lié à l’acculturation »
[acculturative stress]; il s’agit d’un concept introduit par Berry en 1970 pour remplacer
celui de « choc culturel » [culture shock] inventé par Oberg en 1960.
Contrairement à l’exemple que l’on vient d’analyser, certains participants ne
choisissent pas de se présenter en utilisant des appartenances multiples ou englobantes et
préfèrent s’en tenir à leur citoyenneté d’origine ou encore au gentilé de la ville où ils ont
choisi de s’installer et vivre.
6.1.1 De la citoyenneté d’origine au gentilé de la ville d’arrivée.
Plusieurs répondants choisissent d’utiliser une dénomination faisant référence à
leur citoyenneté d’origine plutôt que la citoyenneté du pays dans lequel ils vivent à présent.
Dans certains cas, ces participants associent cette nationalité d’origine à la province ou à
la ville dans laquelle ils habitent désormais. C’est notamment le cas de la participante 2 qui
se présente à la fois comme « albertaine et belge » avec parfois le recours à l’étiquette
« calgarienne », qui inscrit tout de même cette répondante dans une catégorie géographique
et linguistique particulière.
28 « involves contact that takes place at both group and individual levels leading to changes which for the
individual entail affective, behavioral and cognitive changes (or what may be referred to as behavioral
changes and acculturative stress) and subsequent long-term modification of psychological and sociocultural
adaptation » (Sam, 2006, p. 21; Traduction libre).
169
P. 2 : C’est intéressant / comme je vis au Canada et que je ne suis pas
canadienne / je suis albertaine et je suis calgarienne / mais avant tout je
suis belge parce que ma nationalité est belge //
L’étiquette « calgarienne » permet une identification purement géographique et
implique de manière implicite une certaine anglophonie, l’anglais étant la langue
dominante à Calgary. En utilisant cette appellation, la participante 2 veut non
seulement se détacher d’autres références nominatives telles que « francophone »
ou « bilingue », mais elle veut également se présenter et montrer que
« francophone » n’exclut pas nécessairement « anglophone », une position que l’on
retrouve chez la participante 4 qui a grandi en milieu francophone minoritaire. La
posture de la participante 4 se résume comme suit :
P. 4 : Au Centre français [de l’Université de Calgary] / j’me considère plus
comme calgarienne que francophone / parce que les autres / leur
français est beaucoup plus fort que le mien / donc je me considère plus
anglophone qu’eux […]
Ces quelques lignes illustrent parfaitement le continuum sur lequel se situe la francophonie
minoritaire canadienne, en tension entre francophonie et anglophonie. Ainsi, la répondante
établit, sans doute de manière inconsciente, une frontière entre sa francophonie qu’elle
qualifie de calgarienne, et donc incluant presque de surcroît son anglophonie, à la
francophonie des autres, qu’elle perçoit comme étant plus monolingues et donc « plus
francophones » qu’elle. Sa représentation du monolinguisme révèle un ancrage
idéologique lié à l’idée dépassée qu’à une nation doit correspondre une seule langue (voir
170
contexte européen notamment français). Selon cette logique, les locuteurs ayant évolué
dans des contextes plus monolingues, notamment en France et au Québec, auraient
d’emblée un meilleur niveau en français que les locuteurs issus de milieux bilingues ou
plurilingues, comme l’Alberta et Calgary. Cependant, le sentiment d’infériorité suscité par
ce soi-disant meilleur niveau en français se dissipe rapidement grâce à l’affirmation par la
participante d’un meilleur niveau d’anglais qu’eux. La partie suivante va s’intéresser aux
participants qui se sont dissimulés dans un premier temps derrière la dénomination large
de « canadien ».
6.1.2 Canadien et …
Le premier exemple que j’ai choisi afin d’illustrer l’utilisation du terme
« canadien » est extrait d’un article du Franco-albertain daté du 15 juillet 1988 (p. 4). Dans
cet article, Guy Lacombe, alors qu’il écrit un panégyrique de Monseigneur Baudoux, en
profite pour démontrer que l’utilisation de la référence nominative « canadien » ne
s’oppose pas nécessairement et ne s’utilise pas qu’au détriment d’étiquettes telles que
« canadien-français », « franco-albertain » ou encore « francophone » :
Certaines gens, même parmi les francophones, estiment que se déclarer
Franco-albertain, Fransaskois ou Franco-Manitobain constitue une
certaine étroitesse, qu’il faut viser d’abord et avant tout à être « Canadien ».
(…) Mais cela n’a jamais empêché [Mgr Baudoux] d’être d’abord et avant
tout Canadien-français (…). Est-on moins Canadien quand on est Franco-
albertain? Est-on moins Canadien quand on travaille à maintenir dans
171
l’Ouest les institutions qui aideront les gens à conserver leur identité propre?
Est-on moins Canadien quand on travaille à être fidèle à l’histoire qui a
façonné cette province? (Le Franco-albertain; 15 juillet 1988, p. 4).
En proposant ce premier extrait à l’analyse, j’ai voulu montrer que les différentes
dénominations ne s’excluaient pas nécessairement les unes les autres. Ainsi, un même
locuteur peut avoir recours selon les situations et les contextes sociaux à diverses
appellations. Ainsi, les répondants au questionnaire et à l’entrevue ont utilisé le qualificatif
« canadien » à de nombreuses reprises, notamment lorsque les participants ne souhaitaient
pas trop se dévoiler identitairement. C’est par exemple le cas du répondant 9 qui dit pour
justifier de son choix : « c’est difficile, simplement je suis né ici; j’ai seulement la
nationalité canadienne donc j’ai pas le choix de dire quelque chose d’autre ». Ce répondant
se présente comme défavorisé dans la mesure où sa citoyenneté lui impose le choix de la
catégorie. Comme on l’a vu auparavant, le participant 9 a aussi recours à d’autres procédés
d’identification tel que « citoyen du monde ».
Les réponses comportant le terme « canadien » se retrouvent surtout utilisées à la
question 8 du questionnaire dans laquelle les répondants s’identifient pour la première fois;
trois options sont possibles : « canadien », « albertain » ou « autre » (suivi de la mention :
« préciser »). Par la suite, les entrevues, m’ont permis de me pencher sur le sens attribué à
ce mot et surtout pourquoi les participants y ont eu recours ou pas. À ce sujet, les
participantes 5 (« j’ai besoin d’une permission autoritaire d’un agent qui est beaucoup
plus grand que moi pour me donner l’autorisation que / voilà maintenant tu es
Canadienne ») et 2 (« je ne suis pas canadienne / je suis albertaine et je suis calgarienne
172
/ mais avant tout je suis belge parce que ma nationalité est belge ») nous informent
qu’elles n’auront pas recours à ce terme tant qu’elles ne seront pas officiellement devenues
citoyennes canadiennes. De plus, à la question, « qu’est-ce que tu donnerais comme
définition au mot « canadien29 » ? », voici ce que nous propose le participant 3 :
P. 3 : […] dire que je suis canadien peut-être oui et non / moi je me définis
comme « citoyen du monde » / ma culture elle a beaucoup varié et avec les
nombreux voyages (rires) / c’est plusieurs étapes de la vie / donc j’ai
beaucoup voyagé beaucoup travaillé dans beaucoup / différents pays donc
ça te donne une autre appréhension ou bien une autre vision du monde
/ et […] c’est pas moi qui le dis / donc c’est les autres qui me voient
différemment donc je ne peux pas aujourd’hui dire que j’ai une culture
ivoirienne […] concernant mon origine je dirais que je suis d’origine de la
Côte d’Ivoire parce que ma couleur de peau déjà (rires) [inaudible] / mais
j’ai un problème / en fait pas vraiment un problème / j’ai du mal à me
définir à force d’entendre de ce que disent les autres j’ai du mal à me
définir je sais pas //
[…]
Être canadien aujourd’hui / j’ai une nationalité canadienne donc je dis
que je suis canadien / pour moi c’est un gros avantage [d’avoir vécu dans
plusieurs pays] mais souvent tu ne t’identifies plus dans quelle société tu
29 Le participant 3 a indiqué « canadien » comme l’une des réponses concernant son identité culturelle.
173
t’identifies réellement […] c’est pas que je refuse / je suis Ivoirien pour
moi mais pas vraiment de culture / je ne pense pas que ma culture
demeure encore ivoirienne […] / je reste dans ma tête ivoirien parce
qu’il y a des trucs qui a / des aspects de la société que j’apprécie
l’hospitalité et tout ça / la fraternité cette chaleur humaine / […] / quand
on voyage y’a des choses à prendre / des choses à laisser //
Les tâtonnements ethnoculturels du participant 3 illustrent parfaitement ce que l’on entend
par itinéraire identitaire (ACELF30, 2011). Même si le répondant 3 utilise un raccourci
lorsqu’il répond « canadien » au début de son discours, sous prétexte qu’il détient la
citoyenneté, il joue le jeu de l’entrevue et accepte de dérouler le fil de son parcours et nous
embarque à partager son récit personnel. Tout au long de son explication, il nous facilite le
voyage en nous aiguillant, en nous fournissant des éléments suffisamment précis pour que
l’auditeur soit en mesure de suivre sa démonstration; notamment en ce qui concerne son
identité ivoirienne, il insiste sur le fait qu’il ne peut plus se définir comme il était sans tenir
compte de l’opinion d’autrui sur qui il est devenu. Ces propos ne vont pas sans rappeler les
travaux sur l’identité sociale de Tajfel & Turner (1979) et Tajfel (1970, 1972), dans
lesquels l’identité sociale est définie comme découlant à la fois de l’image de soi que se
fait un individu de lui-même mais aussi dérivant des catégories sociales auxquelles il
comprend qu’il appartient grâce à la confrontation avec autrui. Il reconnaît également que
se définir constitue une entreprise difficile (« c’est pas que je refuse ») dans la mesure où
30 Association canadienne d’éducation de langue française ; http://www.acelf.ca/ressources/serie-
comprendre.php#
174
il termine son témoignage en avouant qu’il a recours à l’étiquette « ivoirien » mais si l’on
creuse un peu l’on peut se rendre compte que cette référence nominative reste une étiquette
de surface dans la mesure où il dit « je ne pense pas que ma culture demeure encore
ivoirienne ». Cette identité de surface joue peut-être le rôle de couvercle d’un réceptacle
renfermant beaucoup d’autres identités.
Un autre passage intéressant quant à l’utilisation de l’appellation « canadien »
émerge de l’entrevue du participant 7, dans laquelle ce terme est préféré à celui de
« canadien-français », afin de ne pas avoir à préciser son appartenance linguistique et/ou
géographique [provinciale]; le parcours personnel de ce répondant est marqué par de
nombreux déménagements et aussi par de nombreuses rencontres avec des gens de milieux
ethnoculturels et linguistiques différents ce qui explique probablement la raison de ce
choix :
P. 7 : Parce que j’ai vécu dans cinq provinces / je m’identifie plus comme
canadien que comme canadien-français […] parce que j’rencontre
beaucoup de gens de différents pays / et c’est plus facile d’utiliser le
terme Canada ou Canadien que de spécifier une région //
De plus, il faut aussi garder présent à l’esprit, surtout dans le contexte québécois, la
spécificité de l’utilisation du terme « canadien » comme référence à l’appartenance
collective au groupe ethnique « de souche » que l’on peut trouver aussi sous le vocable
« pur laine » et sans rapport avec « canadien » renvoyant simplement à quelqu’un vivant
au Canada.
175
6.2 Des identités englobantes
La francophonie calgarienne actuelle vécue par les répondants est plurielle car elle
s’inscrit sans aucun doute dans un contexte mondialisé laissant cependant entrevoir une
dimension locale. Ainsi, les références nominatives sont en constantes négociations à
travers les multiples discours qui s’entremêlent. Ainsi, certains des participants
s’identifient-ils comme Francophones mais une fois de plus cette étiquette revêt une
dimension différente en fonction de la réalité sociale dans laquelle ces participants
s’insèrent. Par exemple, le participant 3 se présente comme Francophone et nous explique
ce qu’il entend par-là :
P. 3 : Je suis francophone c’est tout […] les cultures c’est pas les mêmes
mais la base de la culture c’est la langue donc moi je suis francophone /
je ne peux pas être franco-albertain parce qu’il y a des cultures franco-
albertaines que je ne connais pas / y’a des cérémonies / je mange pas comme
les Franco-albertains / je mange pas comme les Franco-ontariens / je ne
mange pas comme les Français / je ne mange pas comme les Ivoiriens tout
le temps y’a un mélange de tout donc je suis francophone / la culture
pour moi / ce qui nous rassemble c’est la langue […] avec une variété
de cultures en fonction d’où tu viens / je me définis comme francophone
/ je ne suis pas Franco-albertain / pour moi naturellement pour être Franco-
albertain il faut être né ici ou avoir des parents Franco-albertains //
Pour ce répondant, il s’agit surtout de mettre en avant la langue comme élément central à
la base d’une culture voire d’une identité commune francophone. Dans le cas d’identités
176
multiples, il semble que les répondants aient tendance à privilégier des identités pour le
moins englobantes et correspondant à la situation sociolinguistique dans laquelle ils se
sentent le plus à même d’exprimer leurs cultures. Être Francophone pour le participant 3
se distingue ainsi fondamentalement du fait d’être Franco-albertain ce qu’il explique, par
deux fois, par l’absence de pratiques culturelles franco-albertaines. Il ajoute aussi que
« Francophone » est une étiquette assez large, inclusive qui lui permet d’incorporer « un
mélange de tout ». Toutefois, dans la suite de l’entretien, ce répondant précise aussi ce
qu’un Francophone n’est pas, en opposant ce dernier terme à celui de francophile :
P. 3 : [Concernant les apprenants de FLS] ils ne sont pas francophones /
ils sont francophiles car ça [francophone] dit que ta langue de base c’est
la langue française […] est-ce qu’ils parlent français chez eux / est-ce
que c’est leur première langue / est-ce qu’ils ont cette culture
francophone / non / ça dit que°/°un anglophone albertain ne peut pas
dire parce que je parle français je suis francophone / je ne pense pas
qu’il le dirait / il dirait peut être qu’il est francophile / ça dépendrait de
la manière dont tu vis°/°si tu vis en français tu es un francophone […]
y’a quand même une certaine base [de français] pour être défini comme
un francophone //
Dans cet extrait le participant 3 questionne donc le degré de « francophonie » des étudiants
de FLS et propose le critère de langue parlée à la maison ou si la manière dont la personne
vit implique l’utilisation régulière du français indispensable à l’expression d’une culture
francophone, selon lui. Après avoir confronté ces deux points, il est intéressant de
177
comprendre que même si le critère de langue semble fondamental dans la définition de qui
est Francophone, il l’est peut-être encore davantage en ce qui concerne ceux qui ne le sont
pas. Comme l’avance le participant 3, le fait de parler le français comme langue première,
le fait de vivre en français (du moins à la maison ou au travail) ainsi que le critère culturel
semble deux conditions sine qua non quant à l’expression d’une identité Francophone. Si
l’on s’intéresse d’un peu plus près à la relation entre langue et culture telle qu’exprimée
par ce répondant, l’on peut noter que « la langue est un aspect de la culture qui peut être
utilisé pour représenter la quasi-totalité de la vie culturelle »31.
Cependant à côté de la dénomination « Francophone » d’autres références globalisantes
elles aussi émergent des données de mon corpus, notamment des étiquettes telles que
« canadien-français » ou encore « franco-canadien ».
6.2.1 Francophonie canadienne globale : de Canadien-français à Franco-
canadien.
6.2.2 Définitions du Canadien français en fonction du contexte social.
Dans un article de La Survivance, en date du 9 mars 1932, Thérive propose la
définition suivante de « Canadiens français » : il s’agit de « ceux qui sont venus de la
province de Québec vers l’ouest du Dominion ». Il précise également qu’ils ont été
« poussés par leur instinct migrateur et l’ambition d’enrichir leur nombreuse famille »
(p. 8). Le portrait est complété, grâce à un nouvel extrait de La Survivance daté du 27
31 « Language is an aspect of culture that can be used to represent virtually the whole of cultural life […] »
(Roy, W., 2016, p. 115; Ma traduction).
178
janvier 1965 (p. 2), et écrit cette fois-ci par Beriault qui ajoute : « […] le Canadien-français
est de culture française et catholique et comme tel il appartient à cette civilisation qui
a Dieu comme clé de voûte. Mme Miquelon-Molyneaux, toujours dans un article de La
Survivance du 23 avril 1941 brosse un profil ethnique des Canadiens français, se
distinguant à la fois des Français, leurs ancêtres, et du reste des Canadiens [anglophones]
prémices à l’expression d’une identité ethnique distincte, lorsque, par exemple, elle dit :
Même quand les Français occupaient ce pays qu’ils avaient établi, on
apercevait déjà dans le caractère des Canadiens, d’évidentes tendances et
caractéristiques qui les distinguaient de leurs ancêtres. Ces marques de
différences sont déjà si prononcées et nombreuses que les Français et les
Canadiens, dont la séparation ne date que d’un demi-siècle, ne pourraient
être reconnus autrement que par leur langue, comme étant du même peuple.
[…] Nous sommes par notre position géographique destinés à former un
peuple différent, des Français et même différents de nos voisins » (p. 7).
En effet, l’idée de nation canadienne-française repose sur une identité ethnique, c’est-à-
dire une identité ayant pour composantes une culture, une langue, une religion et des
traditions collectives. L’expression d’une telle identité ethnique constitutive d’une nation
peut susciter des polémiques car il faut tout de même garder présent à l’esprit qu’une ethnie
n’est qu’une construction, qu’elle peut parfois reposer sur des stéréotypes et ainsi altérer
une certaine vision de la réalité. Dans le passé, cela a donné lieu, par exemple, à l’utilisation
de la notion de race, concept repris par les promoteurs d’une nation canadienne-française
à une certaine époque. Cependant, il faut aussi quelque peu nuancer le propos car tous les
179
protagonistes en faveur du Canada français n’utilisent pas le concept de race de la même
façon et ce n’est pas qu’une question d’époque. Ainsi dès 1929, Lavoie écrit :
Pour nous descendants des quelques milliers de Canadiens, qui ont fondé
le Canada français, il n’y a pas de doute que nous avons un droit
incontestable d’exister comme race. Or, le droit d’exister comme race
ne va pas sans le droit de conserver la langue maternelle, qui porte
l’empreinte de la race. Il reste donc à assurer à la langue française la
place qui lui revient. C’est le rôle de la famille et de l’école (La
Survivance; 3 janvier 1929, p. 1).
Dans ce passage, le journaliste met non seulement l’accent sur la préservation de la race
qui passe sans aucun doute par celle de la langue française mais aussi sur le rôle de la
mémoire et de l’histoire des Canadiens français, en particulier lorsqu’il fait référence à
« l’empreinte de la race ». On se rend compte ici que certaines des valeurs chères au
discours de la Survivance sont bien présentes et notamment la conservation de la tradition
à travers les pratiques familiales et éducatives.
L’article « L’Unité canadienne et notre fierté nationale : Une lutte de races » de
Mme Miquelon-Molyneaux s’inscrit en 1943, dans une perspective de cohésion et de
rassemblement. Son but est de promouvoir l’idée de nation canadienne-française autour de
deux points fondamentaux de l’idéologie de la survivance : la langue et la religion. De plus,
l’utilisation à deux reprises du verbe « rester » semble suggérer l’abandon, par certains, de
l’un voire des deux traits caractérisant les Canadiens-français :
180
Par les temps troublés que nous traversons il est impossible à tout
Canadien-français bien né de ne pas être angoissé par l’avenir qui sera
fait à nos descendants. Il est entendu que le fait français en Amérique
est une réalité. Ce sont nos ancêtres qui ont découvert et évangélisé le
pays que nous habitons. Et tous, malgré les divergences d’opinions que
nous pouvons entretenir nous comptons bien d’un océan à l’autre, rester
catholiques et rester français. (La Survivance, 4 août 1943, p. 2 & 7)
Cette thématique des difficultés rencontrées par les Canadiens-français quant à
l’expression de qui ils sont, se retrouve également formulée dans un extrait de
l’hebdomadaire de La Survivance en date du 13 novembre 1946. Dans cet article sont repris
quelques passages d’un discours de M. le chanoine Lionel Groulx prononcé lors du 10e
congrès de la Société St Jean Baptiste de Québec et que je cite ci-après :
[…] Restons Canadiens français, nom historique pour nous, que quatre
ou cinq générations ont arboré avec fierté. Les Canadiens tout court,
soit dit sans calembour, seraient dans notre cas des Canadiens trop courts.
Tous les Canadiens ne peuvent être ramené [sic] au même commun
dénominateur32
En particulier, l’on pourra noter que conseil est donné concernant l’utilisation de
l’ethnonyme « Canadiens français », usage qui ne doit en aucun cas se faire au détriment
de ce qu’il représente ou plutôt de ce qu’il incarne au plus profond, c’est-à-dire une certaine
32 « Restons ce que nous sommes : Des Canadiens français », La Survivance, p.1, 13 novembre 1946.
181
fierté et mémoire des ancêtres. De plus, M. le chanoine Lionel Groulx va un peu plus loin
puisqu’il énumère les causes du mal dont souffrent les Canadiens français dans la suite de
l’article :
Pour d’aucuns, la crise de la conscience nationale est imputable à notre
régime politique. Nous n’avons pas une notion nette de la patrie. À qui
devons-nous allégeance : à la province, au pays ou au Commonwealth?
Laquelle de nos multiples patries a préséance sur nous, surtout nous
d’origine française? Faut-il s’obstiner à s’appeler Canadiens français?
Ne devrait-il pas exister uniquement de vrais Canadiens qu’on appelle, en
terme « élégants », Canadiens tout court? Qu’exige de nous la
Constitution de 1867?
La référence ici à « vrais Canadiens » ou « Canadiens tout court » vise à rappeler le sens
initial de « Canadien » c’est-à-dire « de souche » ou dont les ancêtres sont considérés
comme « fondateurs » de ce pays et s’opposant ainsi à « Canadian ». Selon cette logique,
la collectivité canadienne-française se résume d’abord par l'élément fondateur : la
Nouvelle-France qui deviendra par la suite le Québec, puis viennent ensuite la langue
française, l'Église catholique et la famille qui s’ancrent elles-mêmes dans la tradition,
l’histoire, la filiation et la mémoire. L’ambiguïté principale en ce qui a trait à l’appellation
« Canadien français » réside dans le fait que deux collectivités, à présent distinctes, se
partagent le même nom : d’une part, la collectivité canadienne-française d'ascendance
française [celle à l’origine de la « création » de la Nouvelle-France dans la première moitié
du XVIe siècle] et d’autre part, la collectivité québécoise [en particulier celle d’après la
182
Révolution tranquille des années 1960]. Toutefois, depuis le rapatriement de la Charte
canadienne des droits et libertés en 1982, le terme « Canadien français » tend à faire
davantage référence aux francophones vivant en situation minoritaire. Ainsi, en
s'identifiant au terme « Canadien français », les Canadiens d'origine française [de Nouvelle
France] hors Québec cherchent davantage à exprimer une identité ethnolinguistique et
culturelle plutôt qu’une identité purement civique. Dans cette perspective, l’utilisation de
la référence nominative « Canadien français » chez les francophones vivant en situation
minoritaire a tendance à compléter plutôt qu'à remplacer l’identité francophone attachée à
la province. À titre d’exemple, certaines de mes données révèlent que l’étiquette
« Canadien français » renvoie à différentes réalités sociales en fonction de l’utilisateur et
de ses expériences personnelles. Ainsi, le participant 27, dont la vision s’inscrit dans un
contexte plus québécois, nous propose le point de vue suivant :
P. 27 : Ça existe plus vraiment maintenant French Canadian / c’est un
vieux mot / ça existe encore / y’a des gens qui l’utilisent et les
anglophones vont l’dire pour les gens qui parlent français […] c’est
surtout les personnes âgées //
Pour ce répondant, l’utilisation de l’anglais pour désigner l’étiquette « Canadien-français »
est particulièrement significative. L’alternance codique à l’endroit même de l’expression
French Canadian vient renforcer l’idée exprimée par les mots employés : « ça existe plus
vraiment maintenant French Canadian°/°c’est un vieux mot », comme si en utilisant une
autre langue que le français pour exprimer cette réalité il pouvait mieux s’en détacher. De
plus, de par l’utilisation de « French Canadian » en anglais, le locuteur nous informe sur
183
le contexte dans lequel il positionne son discours d’abord dans le contexte québécois où
nous comprenons que le mot n’est plus guère utilisé puis dans le contexte plus global de la
francophonie minoritaire lorsqu’il se reprend et renchérit : « y’a des gens qui l’utilisent
et les anglophones vont l’dire pour les gens qui parlent français […] c’est surtout les
personnes âgées ». Grâce à cette volte-face et à l’explication qui suit, le participant 27
nous permet de mieux comprendre ce qu’il entend par « French-Canadian » et pourquoi il
a recours à l’anglais quand il en parle :
P. 27 : French Canadian pour moi fait référence à « tu viens d’la France »
dans le contexte québécois / Et dans le domaine du passeport / quand on
faisait notre demande de passeport au Québec / y’avait°/°t’étais Canadian
ou t’étais French-Canadian / […] ça / ça l’a changé avec la pseudo
Révolution tranquille [...] avec les changements au Québec durant les cinq
premières années / des années 70°/°alors là / c’est là qu’le mot
« Québécois » est sorti / avant c’était French-Canadian en référence
aux Français / on utilisait Canadien-français et quelquefois on entendait
Canadien-anglais / en français, quand on utilisait Canadien-français on
disait Canadien-anglais.
Si l’on regarde de plus près cet extrait, on remarque que le participant 27 réfère à French-
Canadian pour signifier les ancêtres des « Canadiens francophones de souche » et qu’il
utilise également ce terme en opposition à Canadian ou Canadien-anglais. Il s’explique à
ce sujet dans la suite de la discussion :
F : C’était exprès d’avoir un mot pour eux aussi?
184
P. 27 : Oui mais c’est qu’en anglais on disait / You’re Canadian or you’re
French Canadian? […] nous c’est parce que ta langue / le français le
précise plus que l’anglais / alors si t’avais un French-Canadian / c’est tout
à fait normal que t’aies un English-Canadian […] Canadian et la langue
maternelle après […] mais c’est vieillot maintenant Canadien-français
/ Canadien-français et Canadien-anglais c’est plutôt une vieille
nomenclature / maintenant c’est plutôt francophone-anglophone / et
même ça / ça devient compliqué maintenant parce que si t’es né d’une
famille russe mais que tu parles anglais dans la rue et que tu parles russe
dans la maison / est-ce que tu es un anglophone?
Pour conclure et corroborer mon propos initial, le participant 27 nous informe
particulièrement sur deux points : premièrement que l’utilisation de « canadien-français »
ne se fait pas de la même façon que l’on se trouve dans le contexte québécois ou hors
Québec et deuxièmement que la connotation de ce terme peut être perçue par certains
comme désuète [« ça existe plus vraiment maintenant French Canadian / c’est un vieux
mot »; « c’est vieillot maintenant Canadien-français / Canadien-français et Canadien-
anglais c’est plutôt une vieille nomenclature / maintenant c’est plutôt francophone-
anglophone »].
La réalité de la participante 10 va nous apporter un éclairage diffèrent dans la
mesure où son témoignage s’appuie sur une expérience exclusive en milieu francophone
minoritaire que ce soit en Ontario, en Alberta ou lors de vacances ponctuelles dans sa
famille en Acadie :
185
P. 10 : Quand je vais ailleurs souvent les gens me demandent / si j’suis dans
un autre pays / en France / s’ils pensent que je suis québécoise / j’dirai que
je suis Canadienne-française //
F : Ils savent ce que ça veut dire?
P. 10 : Non peut-être pas / j’sais pas (rires)
F : Pour toi ça veut dire quoi?
P. 10 : Canadienne-française? / j’suis partie d’un / j’suis francophone du
Canada puis à cause du fait que j’suis pas seulement franco-ontarienne,
puis là que j’vis en Alberta / c’est juste comme un mélange de touT /
(rires) au lieu de dire juste franco-ontarienne ou juste franco-albertaine//
L’approche de cette répondante est intéressante car elle met l’accent sur une représentation
de minoritaire. Dans ce sens, elle semble plutôt rejoindre ce que j’ai relevé dans les
journaux notamment en ce qui concerne la problématique de la nation canadienne-française
et de l’unité nationale. En cela, ces résultats révèlent et confirment que l’on ne peut
absolument pas envisager une perspective en fonction d’une seule époque ou d’une tranche
d’âge particulière. Ce sont les répertoires linguistiques et ethnoculturels qui vont influer
sur les stratégies identitaires déployées par les acteurs sociaux. Il demeure donc important,
pour le chercheur, de veiller à rester vigilant et objectif en tout temps en proposant plusieurs
alternatives à la réalité sociale qui semble prédominante :
[w]hat we take to be experience of the world does not in itself dictate the
terms by which the world is understood. What we take to be knowledge of
186
the world is not a product of induction, or of the building and testing of
general hypotheses (Gergen & Gergen (Eds.), 1985, p.4).
Ainsi, bien qu’elle soit environ âgée d’une vingtaine d’années, la participante 10 ne
considère pas le terme « Canadienne-française », qu’elle utilise d’ailleurs pour se qualifier,
comme désuet ou connoté. Le sens révélé par le participant 27 semble absent du
commentaire de la participante 10. En outre, le terme est utilisé, comme nous l’avions
mentionné précédemment en complément d’autres termes [« francophones du Canada;
j’suis pas seulement Franco-ontarienne, puis là que j’vis en Alberta »] avec lesquels il
ne rivalise pas. Il faut aussi ajouter qu’en général chez les francophones issus des
communautés minoritaires, le terme « Canadiens français » peut être utilisé, dans un
contexte actuel, afin de référer à l’ensemble des Canadiens francophones, ce que précise la
participante 10 lorsqu’elle dit : « c’est juste comme un mélange de touT au lieu de dire
juste Franco-ontarienne ou juste Franco-albertaine ».
Le commentaire de la répondante 17 [québécoise d’origine] résume, à travers son
cheminement de Canadienne-française à bilingue, la perspective québécoise d’une certaine
époque [« ma mère me disait quand j’étais très petite que j’étais une Canadienne-
française »] mais aussi l’attraction que peut constituer une langue seconde et la perspective
de son apprentissage [« on avait une voisine anglophone / c’était des personnes âgées elle
et son conjoint / puis ils étaient très très chaleureux avec nous et on les enviait de pouvoir
parler anglais / donc j’me disais un jour moi dans ma vie j’vais peut-être être bilingue »].
Son exemple nous révèle que la notion de « Canadienne-française » dans le sens québécois
187
peut aussi finir par inclure la notion de « bilingue » dépendant une fois de plus de
l’expérience individuelle :
P. 17 : J’ai toujours été éduquée en français par mes parents / ma mère me
disait quand j’étais très petite que j’étais une Canadienne-française /
alors sans trop savoir ce que ça voulait dire moi j’la croyais / alors je disais
ça aux gens et / euh je parlais toujours français / sauf que / on avait une
voisine anglophone / c’était des personnes âgées elle et son conjoint / puis
ils étaient très très chaleureux avec nous et on les enviait de pouvoir
parler anglais / donc j’me disais un jour moi dans ma vie j’vais peut-
être être bilingue / alors c’était quand même important pour moi non
seulement d’être fière d’être francophone mais aussi de possiblement
parler une deuxième langue à l’aise //
Il faut bien se rendre compte du contexte dans lequel les Québécois âgés aujourd’hui de 45
à 60 ans ont grandi. L’ouverture à l’apprentissage d’une autre langue que le français ne
semblait pas particulièrement encouragé comme l’illustre le passage qui suit et qui dévoile
le point de vue de la participante 25 :
F : Et ensuite l’intérêt a fait que toi tu t’y [l’anglais] es intéressée toi
personnellement?
P. 25 : Oui
F : C’était pas vraiment la norme?
P. 25 : Je dirais que non / non ce n’était pas la norme / et il faut penser
aussi que dans / nous / on / j’ai grandi avec la loi 101 sur les langues
188
officielles / il y avait beaucoup plus d’emphase sur l’idée de garder
notre langue que d’aller en apprendre d’autres / alors j’dirais qu’on était
un peu à contre-courant ceux qui voulaient apprendre l’anglais à ce
moment-là //
Alors qu’elle entame son explication concernant la perception et la représentation de
l’apprentissage de la langue anglaise au Québec dans le contexte des années 70, la
répondante 25 hésite entre l’utilisation des pronoms personnels « nous, on et je ». Elle se
positionne d’abord explicitement comme représentante de l’endogroupe « québécois » et
implicitement comme « francophone » lorsqu’elle réfère à son enfance : « nous / on / j’ai
grandi avec la loi 101 sur les langues officielles »; « l’idée de garder notre langue ». Puis,
dans un deuxième temps, elle se détache de l’endogroupe « québécois » qu’elle oppose à
l’exogroupe « ceux qui voulaient apprendre l’anglais » mais elle indique tout de même
qu’elle fait partie de cet exogroupe en utilisant une fois encore le pronom « on » : « j’dirais
qu’on était un peu à contre-courant ceux qui voulaient apprendre l’anglais à ce moment-
là ». À travers cet extrait, cette répondante nous permet de nous rendre compte de
l’incongruité d’apprendre des langues secondes dans le contexte québécois pourtant déjà
post Révolution tranquille. De plus, ses va-et-vient entre endogroupe et exogroupe révèlent
les stratégies identitaires qui ont été les siennes. Alors que le dialogue avec la participante
25 progresse son acception de la terminologie « canadien-français » se déploie et vient
nous apporter un angle non encore abordé par le reste des participants. En effet, bien que
québécoise d’origine, la répondante se présente parfois sous l’étiquette de Canadienne-
française. Elle nous dévoile dans les lignes qui suivent les raisons de ce choix :
189
P. 25 : Je pense que si on dit « canadien-français » dans ma tête y’a un
sens de d’ouverture / d’ouverture vers le côté anglais canadien-anglais /
qu’il n’y a pas nécessairement une ouverture mais comme une proximité /
en fait tu veux faire une distinction entre « canadien-français » et
« canadien-anglais » mais que y’a t’as vécu ou tu vis cette proximité des
deux cultures […] je les vois comme complémentaires […]
Dans la première partie de son témoignage, cette participante se range un peu du côté du
répondant 27 quant à l’idée d’une complémentarité qui fait que si l’on mentionne le côté
français alors on envisage son pendant anglais. Cependant, elle poursuit et ajoute un point
intéressant :
P. 25 : […] dans le contexte aussi politique si je dis Canadienne-française
je m’identifie comme faisant partie du Canada / alors que si je dis
Québécoise ça s’oppose presque à Canadien / alors ça c’est une chose qui
fait que / parfois je vais dire Canadienne-française parce que moi je ne veux
pas être associée à l’idée politique que le Québec ne peut pas continuer
à fonctionner à l’intérieur du Canada / alors et / j’évite les questions de
politique autant que possible / ça ne m’intéresse pas de me retrouver dans
des / dans des arguments politiques mais euh pour éviter ça parfois / je vais
m’associer / m’identifier plus comme Canadienne-française pour donner /
comme information / j’espère que je donne ça comme information / que je
suis très heureuse de demeurer Canadienne //
190
Dans ce cas particulier, la répondante souligne le fait qu’elle utilise une stratégie
d’évitement et de remplacement en ce qui concerne la manière de se présenter
culturellement. En effet, lorsque le terme « québécoise » peut engendrer la polémique elle
lui préfère la dénomination « canadienne française ».
Les exemples que je viens de présenter montrent une variation quant à l’usage et
au sens de canadien français en fonction du contexte sociolinguistique et du locuteur qui
l’utilise. À présent nous allons nous tourner vers le terme de « Franco-canadien » qui a lui
aussi fait l’objet de quelques-unes des réponses de mes participants.
6.2.3 Définitions du Franco-canadien en fonction du contexte social.
Dans la même lignée, j’ai remarqué qu’un autre terme englobant revenait dans des
contextes sociolinguistiques différents, dans la mesure où il a pu constituer le terme
préférentiel pour certains participants. Ce référent nominatif est « franco-canadien ». Ainsi,
comme pour le reste des références nominatives utilisées pour définir initialement une
certaine catégorie de Francophones, le terme « franco-canadien » renvoie à différentes
réalités en fonction de l’acteur social et de son expérience individuelle. Ainsi, pour la
participante 4, il s’agit :
P. 4 : [d]es Québécois qui sont déménagés en Alberta ou n’importe où dans
le Canada mais c’est pas les Québécois comme les Québécois j’trouve c’est
à part / les Franco-Canadiens c’est le reste du Canada qui parle le
français //
191
Quand on s’attache à la définition produite par cette participante, il est intéressant de noter
la progression du groupe auquel elle fait référence car elle retrace le chemin suivi par la
nation canadienne-française. En effet, partant au départ du groupe « québécois », qu’elle
ne définit pas, et qui se serait installé ailleurs au pays, la participante dévoile le changement
identitaire qu’auraient subi ces groupes en allant s’installer loin de l’ancienne mère patrie;
ce faisant elle élargit de manière consciente ou non sa définition lorsqu’elle conclut en
disant : « c’est le reste du Canada qui parle le français », soit toutes les communautés
francophones sauf le Québec. En cela, la définition de cette répondante semble être un
synonyme de « canadien français », dénomination étudiée lors des exemples précédents.
Trois autres participants (8, 11, et 20) utilisent la dénomination « franco-canadien » pour
signifier à la fois qu’ils sont originaires de France et qu’ils vivent à présent au Canada. Le
profil de ces participants est relativement identique dans la mesure où le nombre d’années
passées en Alberta s’échelonnent de 15-20 ans à plus de 27 ans. Encore une fois, le sens
des catégories est défini par l’utilisation qu’en fait le locuteur en fonction de ses
expériences sociales. Dans ce contexte, je vous propose d’observer à présent les différentes
utilisations d’étiquettes de la francophonie canadienne locale.
6.3 Francophonie canadienne locale : Franco-albertain, Acadien, et autres Franco-
6.3.1 Franco-albertain : Une identité territoriale et linguistique?
D’abord, la recherche du terme « Franco albertain » sur le site des archives Peel’s
Prairie Provinces, nous informe que 218 occurrences du terme sont répertoriées. Elles sont
issues d’articles publiés entre le 14 février 1929 et le 8 novembre 1967, soit presque
192
pendant toute la durée de vie du journal La Survivance. Il est donc intéressant de noter que
le recours à la référence nominative « franco albertain » n’a pas seulement commencé à
faire son apparition comme conséquence de la Révolution tranquille québécoise. Dès 1929,
ce référent, dans son utilisation surtout adjectivale, s’accompagne de substantifs tels que
« groupe » à 57 reprises ainsi que dans 2 articles des 30 mai et 3 juin 1929 et du 24 avril
1930. Peu à peu cette utilisation va évoluer vers le substantif « Les Franco-albertains »
notamment dans l’article de La Survivance du 14 juillet 1937 qui dépeint un portrait des
Franco-Albertains d’alors :
Mais, il est une dette dont les Franco-Albertains ne tiennent pas à se
libérer, c’est bien cette dette héréditaire et imprescriptible envers la vieille
province de Québec, qui a donné à l’Alberta ses enfants, c’est aussi cette
dette plus lointaine, mais sans cesse renouvelée et toujours vivante envers
la France qui a prêté aux Franco-Albertains sa langue et son idéalisme.
Les Franco-Albertains se rappellent aussi avec gratitude la dette qu’ils ont
contractée envers leurs premiers missionnaires, principalement les héros
qui furent les Pères Oblats […]. Les Franco-Albertains veulent être
fidèles à leurs traditions, et cette persévérance française que montre un
petit peuple qui vit à 2,000 milles de Québec et à près de 5,000 milles de
Paris, cette persévérance française doit être méritoire33 […]
33, « Notre dette envers Québec », La Survivance, 14 juillet 1937, p. 1.
193
Ainsi, le journaliste nous rappelle que le groupe franco-albertain est défini par son
caractère « idéaliste » et « persévéran[t] », et par son isolement (« un petit peuple qui vit
à 2,000 milles de Québec et à près de 5,000 milles de Paris »). En outre, et contrairement
à une perception fort répandue, l’utilisation « franco-albertain » ne se fait pas toujours au
dépend de l’utilisation du terme « canadien-français ». Dans un article de La Survivance,
daté du 21 avril 1937, le journaliste ajoute à ce profil la notion de « responsabilité » qui
vient avec le fait d’être minoritaire :
Avec quelle force, avec quelle persévérance, avec quel cœur ils sauront
aussi le défendre, et, au besoin, l’accroître […] Le projet était à peine
lancé par l’A.C.F.A. que déjà plusieurs offraient leurs souscriptions et
disaient à nos jeunes : Allez à Québec, avec le bagage de fierté nationale
que vous possédez déjà et puisez-y, aux sources de ces démonstrations de
la vigueur d’une grande race, de nouvelles convictions, une nouvelle
fierté que vous communiquerez à tous les Franco-albertains34.
Un autre article vient compléter l’information sur le groupe franco-albertain qui est
d’emblée qualifié de « minorité » :
La minorité franco-albertaine s’est accrue numériquement depuis 1937,
par le fait de sa natalité et par la venue d’un certain nombre de familles
émigrées de Québec ou des autres provinces. […] La majorité de la
population franco-albertaine vit en campagne ou dans les centres ruraux.
34 « Un Congrès de toute la race française : Faisons connaître notre jeunesse dans la province de Québec »,
La Survivance, 21 avril 1937, p. 1.
194
Elle est groupés [sic] en trois noyaux assez solides : au nord d’Edmonton,
dans le diocèse de St-Paul et à la Rivière-la Paix35 […]
À présent, j’ai décidé de vous présenter des points de vue de répondants qui ne
s’identifient pas comme franco-albertain (membre de l’exogroupe; P. 27) alors que d’autres
s’identifient et se définissent comme « franco-albertain » (membres de l’endogroupe, P. 4;
P. 6) :
F : Est-ce que tu pourrais être appelé Franco-albertain par des gens ici ? Ça
t’es déjà arrivé ?
P. 27 : Non / mais j’ai pas le besoin d’être identifié comme un Franco-
albertain / parce que pour moi Franco-albertain c’est la naissance plutôt
/ Je parle français / j’suis francophone / j’suis albertain mais d’aller à
Franco-albertain / est-ce que ça m’donne un 10% de plus sur mon rapport
d’impôt / non alors j’ai pas besoin de cette étiquette-là / Franco-albertain
définirait que peut-être je ne parle que français et l’anglais avec une
difficulté //
Le participant 27 nous propose sa définition de franco-albertain, lui-même ne se qualifie
pas comme « franco-albertain » mais nous donne tout de même des critères de définition :
« pour moi Franco-albertain c’est la naissance; […] Franco-albertain définirait que
peut-être je ne parle que français et l’anglais avec une difficulté »
35 « La vie française en Alberta », La Survivance, 9 juillet 1952, pp. 2-3.
195
En revanche, comme nous le rappelle la participante 4, ce qui caractérise l’identité
franco-albertaine par rapport à l’identité québécoise c’est non seulement une dimension
territoriale (le fait d’être né en Alberta) qui a également été relevé par les participants 35
(questionnaire) et 27 (entrevue) mais aussi plutôt que d’avoir une identité linguistique fixe
francophone, il s’agira plutôt d’avoir une identité linguistique bilingue français-anglais :
P. 4 : On est de souche québécoise vivant en Alberta / on connaît
l’anglais très bien / ils sont très enfermés dans leur petite province / nous
[les Franco-Albertains] on est plus ouverts / on veut explorer le monde //
La participante prend aussi l’exemple de sa propre parenté québécoise qui ne leur
rend pas souvent visite en Alberta, peut-être à cause de leur difficulté à parler
correctement anglais pour ajouter « on est plus ouverts, on veut explorer le
monde ».
Un autre point intéressant a été soulevé par la participante 6 qui présente le caractère
bilingue comme placé sur un continuum avec l’une des extrémités représentant le pôle
« francophone » alors que l’autre serait le pôle « anglophone ». Cela ne va pas sans nous
rappeler le modèle conceptuel développé par Landry, Allard & Deveau (2013). Ainsi, elle
définit « bilingue » comme suit :
P. 6 : Le Québec ça nous tient à cœur […] on veut être capable d’interagir
avec notre famille […] quand j’étais jeune j’étais moins bilingue parce
qu’on était très francophone […] ça dépend d’où on est dans notre vie
/ aussi comme / quand j’étais à l’école francophone / peut être que j’étais
196
plus bilingue mais du côté français / mais maintenant j’pense que ça
s’rait plus fort du côté anglophone //
La partie suivante va s’intéresser à l’étiquette choisie par deux de mes
participantes : « acadienne ».
6.3.2 Acadien
Dans mon échantillon total de répondants (questionnaire et entrevue), deux
participantes, 21 et 10, ont mentionné l’adjectif « acadienne » dans leurs réponses.
Toutefois, il y a beaucoup de différences entre ces deux participantes même si quelques
similitudes méritent aussi d’être relevées. La participante 21, est en fait la seule à s’être
uniquement présentée comme acadienne. Voici ce qu’elle dit à propos de son identité :
« Ben j’crois qu’être acadienne pour moi c’est d’être élevée dans les provinces maritimes
/ du Canada / pis de parler un français qui est pas toujours / propre […] ». Elle nous donne
sa définition de ce que cela signifie pour elle que d’être acadienne : un certain territoire et
une certaine langue, le chiac. Puis, elle ajoute la notion de culture qui, pour elle, passe aussi
par une certaine nourriture : « ben c’est une culture à mon avis l’Acadie c’est une culture /
la nourriture qu’on mange ».
De plus, dans mon échantillon de participants, il est intéressant de noter le rôle
identitaire que joue la nourriture qui est perçue chez plusieurs (voir par exemple
participante 10) comme un acte que l’on pourrait qualifier de transculturel dans la mesure
où il permet de se connaître d’abord soi-même à travers une pratique culturelle familière
nous permettant dans un deuxième temps une ouverture vers la culture de l’autre : l’idée
197
de culture passe ici par la notion de partage et se trouve au centre de ces pratiques
culinaires. C’est une constante que j’ai retrouvée chez plusieurs autres participants s’étant
auto-identifié comme Francophones (participants 10 et 3 par exemple) à travers des notions
telles que l’hospitalité (voir ; participant 3). Cette idée de partage est particulièrement bien
exprimée dans la suite du témoignage de la participante 21. En effet, suite à ma question,
« c’est quoi la nourriture qu’on mange par exemple en Acadie? », la répondante s’engage
dans une explication relativement exhaustive de ce que l’on entend généralement par
nourriture en Acadie :
P. 21 : Ben on mange des poutines râpées / et on mange du râpé / des crêpes
râpées / beaucoup de râpé /
F : C’est quoi le râpé? //
P. 21 : Râpé c’est quand tu prends une patate cruT / pis tu la râpes t’utilises
la râpure / on fait des crêpes / on fait des carrés comme ça / ça ressemble à
des gâteaux aux patates / on fait des poutines râpées / c’est des patates cuites
/ des patates crues pis de la viande salée / du fricot / ben y’en a comme d’la
tarte aux coques / des coques comme / des clams / les coques c’est comme
des moules mais blanc / on mange beaucoup de coques / Ok beaucoup de
crustacés […]
Plus tard dans l’entrevue, la participante explique ce qu’elle entend par caractère français :
P. 21 : not’ sang / on a un caractère comme fort / et ça / ça vient des
Français (rires) / chais pas / c’est toujours ça qu’j’ai cru (rires) […] en fait
j’pense que c’est parce qu’on est passionnés / les Français on a un
198
caractère passionné / pis têtu [elle martèle du poing sur la table comme
pour appuyer ce fait] / ben nous autres comme en Acadie on n’a pas eu le
choix d’être têtu parce que si tu regardes dans notre collectivité / on a
été chassés de notre pays / et on est revenus [elle frappe à nouveau du
poing sur la table] […] 1755 ils nous ont touT chassés mais on est revenus
nous autres s’installer / allo / ça c’est têtu comme y’en a pas d’autres
(rires) / j’crois qu’c’est en collectif pis parce qu’on a été / c’est pauvre /
c’est très pauvre / on travaille dur / on s’bat pour la survie quoi / pis j’pense
qu’en collectif on est (inaudible) //
Ici la répondante explique ce qui fait l’identité acadienne : la référence à la mémoire
collective du Grand Dérangement, la capacité et la force de la nation acadienne de revenir
sur leurs terres et de se battre pour leur langue et leur identité distinctes. De plus, elle met
aussi l’accent sur la force de leur communauté notamment grâce aux actions collectives
menées. La deuxième participante ayant eu recours à l’étiquette « acadienne » (P. 10) l’a
surtout utilisée en référence à l’identité de sa famille du côté de sa mère, accordant plutôt
un rôle symbolique à cette identité acadienne ancrée dans la mémoire de l’histoire
familiale. Compte tenu du fait qu’elle soit née en Ontario et que sa famille paternelle soit
franco-ontarienne, il semble que ce soit l’identité privilégiée par la participante, comme
elle l’explique dans l’extrait qui suit :
P. 10 : À l’école j’avais vraiment appris du côté franco-ontarien / et ma mère
même si elle avait vécu tellement en Ontario qu’elle / elle aussi commençait
à se voir comme franco-ontarienne //
199
F : Et acadienne?
P. 10 : J’avais vraiment plus appris du français en Ontario / et l’Acadie
c’était quelque chose qu’on parlait parfois / mon père / ils travaillaient dans
des groupes qui faisaient touT pour garder le français dans la communauté//
6.3.3 Franco-ontarien
La lecture de l’extrait suivant illustre le point selon lequel le recours à l’acte de
catégorisation sociale ne se révèle pas toujours aussi pertinent qu’il n’y paraît :
P. 10 : C’est intéressant parce que quand j’étais en Ontario / j’disais souvent
que j’étais Franco-ontarienne mais là que j’vis plus en Ontario j’me vois
toujours comme Franco-ontarienne / mais là j’vois que comme chui
canadienne / parce que c’est pas que j’parle juste le français en Ontario /
puis j’ai rencontré plusieurs francophones qui viennent pas de l’Ontario ou
pas du Québec / so j’trouve ça plus simple de juste dire que je viens du
Canada / parce c’est pas comme tellement nous mettre dans des p’tites
catégories […]
Le participant 27 va aussi un peu dans le sens de la participante 10 lorsqu’il dit :
P. 27 : Non (rires) / j’aime pas l’étiquette Franco-albertaine […] / j’aime
pas ces étiquettes Franco depuis mon jeune âge j’étais French Canadian //
Dans le contexte actuel caractérisée par une mobilité accrue, il semble de plus en
plus critique de se cantonner à une appellation unique. Telles des cartes que l’acteur social
200
extrairait de son jeu virtuel, la référence nominative n’a pas toujours lieu d’être comme
nous le rappelle fort justement les participants 10 et 27.
6.4 Stratégies identitaires
Selon Kastersztein (1990), la notion de « stratégies identitaires » est d’abord liée à
celle de « victoires identitaires ». En d’autres termes, elles se rapportent aux objectifs ou
« finalités » que les acteurs sociaux se fixent en matière d’acceptance, de reconnaissance
et de valorisation de leurs composantes identitaires par autrui. Il s’agit ainsi de processus
d’adaptations, c’est-à-dire de constantes (re)négociations ou plutôt de « tactiques »
interactives au cours desquelles
les acteurs [sociaux] vont réagir en fonction de la représentation qu’ils se
font de ce qui est mis en cause dans la situation [sociale], des enjeux et des
finalités perçus, mais également en fonction de l’état du système dans lequel
ils sont impliqués et qui fait peser sur eux une pression constante à agir dans
tel ou tel sens (Kastersztein, 1990, p. 31).
Dans cette perspective d’évaluation, Kastersztein (1990), nous présente différents
types de stratégies identitaires parmi lesquelles l’acteur social ou le groupe social
va puiser au gré des événements et des époques : 1) la conformisation; 2)
l’anonymat; 3) l’assimilation; 4) la différenciation; et 5) la visibilité sociale
(Goffman, 1959 & Moscovici, 1979 cité dans Kastersztein, 1990, p. 32).
Finalement, le recours aux stratégies identitaires a pour visée la
reconnaissance de l’existence de l’acteur social dans le contexte dans lequel il
201
évolue et interagit. En ce sens, cela comprend non seulement la reconnaissance de
son appartenance mais aussi la perception subjective de cette reconnaissance. Dans
cette perspective, Kastersztein ajoute que « ce double aspect : appartenance et
spécificité (ou singularité) est un élément majeur pour la compréhension des
comportements identitaires finalisés » (Ibid., p. 32). Ainsi, la notion d’appartenance
se trouve-t-elle au cœur des préoccupations des chercheurs s’intéressant à la notion
de stratégies identitaires puisqu’ « appartenir à une culture, une nation [ou encore
à un] groupe implique qu’on soit reconnu comme semblable aux autres sur quelques
caractéristiques jugées essentielles, mais rarement explicitées » (Ibid., p. 32).
La suite de ce chapitre nous propose d’explorer comment les discours des
journaux et ceux des participants à mon enquête révèlent l’utilisation de stratégies
identitaires.
6.4.1 La conformisation et l’anonymat.
Lorsque la finalité de l’acteur social est la conformisation, la stratégie identitaire
associée consiste à « évaluer consciemment ou inconsciemment le degré de similitude qui
existe entre un acteur [social] et son environnement » (Kastersztein, 1990, p. 33).
Il est évident qu’avec notre traditionnel complexe d’infériorité, nos pseudo-
intellectuels formés à l’étranger n’ont pas voulu demeurer en marge de ces
idées […] et, la peur aidant, ont vite fait de jeter par-dessus bord les
valeurs traditionnelles. Il faut être de son temps, de son époque. Puis
les idées de la grande libération des préjugés anciens ont fait leur
202
chemin. C’est la crise du Canada français. […] Dans l’un comme dans
l’autre cas, le Canadien français se tourne contre lui-même; les valeurs
qui l’avaient marqué, sa culture, sa foi, disparaissent chaque jour
davantage; la fierté de l’une et l’autre, il n’en a plus; il n’en a même
plus que faire36.
Ce passage, issu de La Survivance du 27 janvier 1965, illustre la prise de conscience
des Canadiens français qui ne veulent plus nécessairement s’afficher comme différents. Ils
se conforment aux nouvelles valeurs et idéologies découlant des changements induits par
la Révolution tranquille. Ils jettent au feu les traditions qui faisaient d’eux des Canadiens
français en particulier, la religion catholique.
Le deuxième type de stratégie mise en œuvre quand les acteurs et groupes sociaux
se trouvent dans une situation où leurs actions peuvent avoir des conséquences négatives
est l’anonymat. Dans le contexte des groupes minoritaires, le but avoué est de « se fondre
dans la foule » afin de conserver une situation un tant soit peu confortable (Kastersztein,
1990, p. 35). Dans cette perspective, on va veiller à ce que l’individu ou le groupe ne se
fassent pas trop remarquer. Un exemple de stratégie d’anonymat est issu de La Survivance
du 9 novembre 1966 :
Il est difficile de reconnaître dans la rue un Canadien français dans la foule
des autres citoyens et c’est ainsi qu’ils le veulent. Il n’y a pas de raison
pour eux de devenir un groupe rébarbatif […]37
36 La Survivance, « Les Canadiens français contre eux-mêmes », 27 janvier 1965, p. 2. 37 La Survivance, « Les Canadiens français de Calgary vus par un journaliste de The Albertan »; 9
Novembre 1966, p. 1; Ashley Ford.
203
La stratégie de l’anonymat consiste en particulier à ne pas parler français dans l’espace
public, plusieurs de mes participants ont mentionné des anecdotes qui parlaient de cette
pratique, en particulier les participantes 4 et 10.
6.4.2 L’assimilation.
Dans le contexte de l’assimilation, « les acteurs sociaux impliqués vont non
seulement tenter de faire admettre leur appartenance mais faire en sorte qu’elle ne puisse
plus être remise en cause. Ils vont prétendre avoir oublié les caractéristiques historiques et
culturelles qui les rendaient distincts et accepter l’ensemble des valeurs et des normes
dominantes » (Kastersztein, 1990, p. 35). Cependant, l’individu qui trahit sa culture
d’origine est fortement sanctionné par les membres de cette dernière. S’assimiler c’est
[aussi] accepter de subir cette sanction, sans avoir la certitude d’une bonne acceptation de
la culture d’accueil […]. Lorsque les individus […] ne parviennent pas à atteindre l’un de
ces objectifs leurs stratégies évoluent et changent (Kastersztein, 1990, p. 36).
Le parcours de la participante 19 est intéressant puisqu’il est jalonné de diverses
expériences; elle a en effet quitté la Colombie (Cartagena dans la province de Bolivar),
pour les États-Unis (New York) pour s’établir dans un premier temps à Montréal et
finalement arriver à Calgary (elle y habite depuis 5-9 ans). Cet itinéraire ne semble pas se
refléter dans l’identité exprimée : canadienne. Peu de choses sont dites sur le pays d’origine
en relation à la langue et la culture. Après presqu’une heure d’entretien, voilà ce que la
participante me confie :
204
P. 19 : Je me demande pourquoi je vais aller à la Colombie / pourquoi […]
/ ça ne m’a jamais manqué / pourquoi / je te dis vraiment depuis que je suis
petite je n’aime pas mon pays / je n’aime pas ma ville / je n’aime pas
l’environnement / j’aime beaucoup les gens mais je n’aime pas la
CULTURE / je me sens vraiment différente / je me demandais toutes les
fois si j’ai été mise par accident là-bas […] pourquoi je me sens tellement
différente? […] et quand je suis arrivée au Québec la culture c’était quelque
chose qui m’a fait me sentir bien / j’ai beaucoup aimé New York […] mais
quand je suis arrivée au Québec je me suis tout de suite identifiée avec les
gens qui parlent français / plus qu’avec les gens qui parlent espagnol à New
York ou anglais / anglais je l’aime beaucoup mais pas comme le français //
[…] Moi je m’exprime beaucoup mieux avec le français [que l’anglais] / je
suis plus confortable d’avoir un environnement francophone / aussi, je
demande dans les institutions d’avoir mes services en français //
Le désarroi de cette répondante en ce qui a trait à sa culture d’origine est un peu
déroutant et peut sans doute expliquer les raisons de son immigration au Canada. Dans un
deuxième temps, cependant, elle partage avec nous son amour pour la langue et la culture
française lorsqu’elle est arrivée au Québec, ce qui constituait sa première destination
d’immigration au Canada. Dans le deuxième extrait plus court, elle précise que même dans
un espace public anglophone comme Calgary, elle s’arrange toujours pour obtenir le
service en français là où c’est possible. Cette participante nous permet de comprendre le
sentiment d’appartenance aux communautés québécoise puis francophone de Calgary.
205
La partie suivante s’intéresse au dernier type de stratégie identitaire déployé par
certains acteurs sociaux.
6.4.3 La différenciation.
La stratégie identitaire que l’on nomme « différenciation » a été définie par
Lemaine (1974 cité dans Kastersztein, 1990, p. 37) comme
un ensemble de phénomènes par lesquels des personnes se déplacent vers
de nouvelles conduites, de nouveaux espaces de vie, inventent de nouvelles
dimensions de jugements ou d’évaluation relatives aux modes de faire et
d’être avec autrui.
Il est intéressant de noter que le premier exemple choisi pour illustrer la
différenciation comme un type de stratégies identitaires est extrait du même article que
l’exemple utilisé pour montrer la stratégie identitaire de l’anonymat. Ce choix prouve que
le recours à divers types de stratégies va être dicté par divers contextes et acteurs sociaux.
En effet, le devenir d’une communauté est également marqué par son propre parcours
identitaire qui n’est pas linéaire et qui est marqué par des mouvements de va-et-vient,
d’hésitations, qui contribuent à son enrichissement linguistique et culturel.
Il faut toutefois reconnaître que beaucoup plus de gens parlent
maintenant ou désirent parler leur langue et un plus grand nombre aussi
sont conscients de leur existence au sein de la cité. Ce fait encourage le
meilleur optimisme pour l’avenir.
[…]
206
Mais ces Canadiens français sont-ils différents des autres citoyens de la
ville? ‘Il est vrai que nous parlons une autre langue mais tout ce que nous
demandons, c’est le droit de vivre notre vie comme nous le voulons et
selon la façon dont nous avons-nous-mêmes [sic] été élevés. Et le docteur
fait aussitôt remarquer qu’il ne veut pas ainsi critiquer les Canadiens
d’expression anglaise et admet que les Canadiens français sont bien
acceptés […] ‘Quelquefois même, nous sommes très surpris de nous
adresser en français et de nous entendre répondre dans la même langue,
cela est d’ailleurs très bon’38.
Cette partie de l’article de La Survivance du 9 novembre 1966 nous permet ainsi de montrer
l’évolution des stratégies identitaires ayant eu cours au sein de la communauté francophone
de Calgary. Comme il s’agit de la période de la Révolution tranquille on perçoit déjà une
certaine transition dans le discours : de l’anonymat on est désormais passé à la
différenciation.
Dans ce type de stratégie identitaire, l’appartenance revendiquée s’avère en général
être celle d’une différence ou d’une origine spécifique. Dans le cas du pays d’origine par
exemple, il semble que les participants revendiquant leur appartenance ethnique d’origine
soient en mesure de le faire car ils perçoivent le Canada comme une société multiculturelle
où leur origine a sa place surtout en l’absence de « légitimité » canadienne comme c’est le
cas pour les participantes 2 et 5. Toutefois, la participante 1 semble se placer dans un autre
38 La Survivance, « Les Canadiens français de Calgary vus par un journaliste de The Albertan »; 9
Novembre 1966, p. 1; Ashley Ford.
207
contexte puisqu’elle s’appuie plutôt sur sa « fierté d’être française » et non pas sur le fait
d’être ou de ne pas être canadienne. Ceci a à voir avec le pouvoir, l’hégémonie dont la
variété « français de France » jouit surtout auprès de la majorité anglophone. À ce propos,
le discours de cette même participante va un peu plus loin lorsqu’elle mentionne, cette fois-
ci dans son questionnaire, le fait que ses collègues la qualifient en lui disant : « oh real
French! » (P. 1)
L’exemple de la participante 21 qui se présente comme acadienne répond elle aussi
à cette finalité de différenciation par rapport à quelqu’un qui ne s’identifierait que comme
albertain. En effet, en nous expliquant ce qu’elle entend par identité acadienne, elle ne
manque pas d’insister sur deux aspects : « le français qui n’est pas propre », en référence
au chiac et « l’utilisation de la patate dans la cuisine acadienne ». De plus, elle se positionne
aussi comme différente des Québécois en expliquant l’attitude que certains ont pu exprimer
à son égard. De manière intéressante, elle place les Québécois originaires de Gaspésie à
part, un peu comme si cette région entre Nouveau Brunswick et Québec jouait le rôle d’un
pont entre deux cultures : l’acadienne et la québécoise :
F : Et avec ta colocataire québécoise?
P. 21 : Avec elle aussi / au début j’me forçais beaucoup / elle est
Gaspésienne / ça c’est entr’le Québec et l’Acadie / alors elle aussi elle a des
expressions / sa mère elle a des expressions qui sont similaires aux nôtres /
so c’est un p’tit peu comme un pont entre l’Acadie pis l’Québec / la
Gaspésie //
208
Ce pont que la participante 21 établit met encore une fois l’accent sur l’existence d’une
perspective transculturelle au cœur de toutes ces réflexions identitaires.
6.4.4 Du sentiment d’infériorité à la visibilité sociale : évolution du discours
minoritaire francophone.
Comme l’avance Williams (1992), évoluer dans un milieu minoritaire implique, au
préalable, la légitimité du dominant, favorisant ainsi une identité négative du groupe
minoritaire. Dans ce contexte où une communauté se retrouve minorisée, ce sentiment
d’infériorité s’exprime. Ce discours du minoritaire constitue la trame narrative des discours
issus des journaux de manière relativement explicite comme les extraits qui suivent en
témoignent. Ainsi, ce premier passage extrait de La Survivance du 4 août 1943 nous
présente-t-il deux aspects fondamentaux mais aussi, à première vue, antithétiques de la
nation canadienne-française. En effet, cette dernière fait montre, selon les circonstances,
d’un sentiment de fierté jumelé à l’expression d’un sentiment d’infériorité parfois non
contenu :
Or pour nous, Canadiens-français, le premier élément de force c’est la fierté
nationale. Trop des nôtres complexe [sic] d’infériorité. Ils sont portés à se
considérer comme des intrus en pays étranger et semblent vouloir
s’excuser ou presue [sic] se faire pardonner d’être canadiens-français39
Ce double sentiment s’explique par l’histoire et la mémoire de la nation canadienne
française qui a dû lutter pour garantir quelques-uns de ses droits qui lui avaient été abrogés.
39 « L’Unité canadienne et notre fierté nationale : Une lutte de races » ; La Survivance, 4 août 1943, p. 2 &
7.
209
Cette oppression couplée à des situations sociolinguistiques inégalitaires à l’échelle du
pays font que ces sentiments s’expriment différemment en fonction du contexte et de
l’acteur social qui l’utilise; il faut en effet se souvenir que la mort de Duplessis au Québec
met fin à la période de la Grande Noirceur déclenchant par là-même une série de
modifications profondes de la société canadienne-française d’alors qui finira par s’appeler
« québécoise »; la quinzaine d’années qui va suivre va voir les conséquences de ces
changements, qui ont lieu d’abord au Québec, modifier profondément le paysage politico-
linguistique du pays tout entier, en particulier les régions francophones vivant en situations
minoritaires. Dans ce contexte de Révolution tranquille, Beriault écrit le 27 janvier 1965,
dans La Survivance :
Il est évident qu’avec notre traditionnel complexe d’infériorité, nos
pseudo-intellectuels formés à l’étranger n’ont pas voulu demeurer en marge
de ces idées […] et, la peur aidant, ont vite fait de jeter par-dessus bord
les valeurs traditionnelles. Il faut être de son temps, de son époque. Puis
les idées de la grande libération des préjugés anciens ont fait leur chemin.
C’est la crise du Canada français. […] Dans l’un comme dans l’autre cas,
le Canadien français se tourne contre lui-même; les valeurs qui l’avaient
marqué, sa culture, sa foi, disparaissent chaque jour davantage; la fierté
de l’une et l’autre, il n’en a plus; il n’en a même plus que faire40.
40 La Survivance, « Les Canadiens français contre eux-mêmes », 27 janvier 1965, p. 2.
210
Dans ce passage, l’auteur met l’accent sur l’abandon de certaines valeurs que l’on jugeait
jusque-là comme intrinsèques à l’identité canadienne française, sa langue et sa culture
françaises et sa foi catholique. En effet, dans les années 80, en Alberta, la terminologie
« canadien-français » peut encore être utilisée à des fins inclusives même si elle semble
avoir été « abandonnée » quelques années auparavant, comme le souligne Mme Côté-
Baillargeon, dans un article du Franco du 17 février 1982 :
Et en Alberta, il y a des Canadiens-français à Calgary mais il y a aussi la
Société Franco-canadienne de Calgary et puis il y a des Québécois qui sont
arrivés en hordes pour trouver du travail! C’est ce que les journaux de
Calgary prétendent. On y voit un sujet de grande discrimination envers nos
frères canadiens-français qui arrivent du Québec tout récemment.
[…]
Au diable l’histoire d’être Franco-albertain ou Franco-ontarien ou
Québécois. Redevenons ce que nous étions il y a quinze ans. Redevenons
Canadiens-français et appelons-nous Canadiens-français, rien
d’autre41.
Dès la fin des années 60-début des années 70, conséquence de la Révolution tranquille au
Québec, l’on abandonne progressivement la terminologie « canadien-français » pour se
détacher de la mère patrie et laisser peu à peu place à des ethnonymes basés sur le lieu
géographique tels que Franco-albertain. Cependant les analyses des articles de journaux ne
41 Le Franco, « Dorénavant, Canadiens français et non Franco-albertains ou Québécois », 17 février 1982,
p. 8.
211
semblent pas tout à fait corroborer cela puisque comme on l’a vu dans le chapitre précédent
la stratégie qui semble prévaloir dans le contexte francophone minoritaire est de chercher
un terme rassembleur; c’est pour cela que dans l’extrait qui suit l’auteure, Mme Côté-
Baillargeon, préconise plutôt un retour à l’utilisation de la terminologie « canadien
français » afin d’éviter la fragmentation de la nation canadienne-française :
Pour solutionner le problème, je propose qu’on fasse l’unité canadienne-
française. Et le Canada français, c’est partout au Canada où on parle
français. Alors en Alberta, comme ailleurs, pourquoi pas laisser tomber
le régionalisme mené à son plus haut degré. Redevenons Canadiens-
français.
En suggérant ainsi un retour à la référence « canadien français » plutôt que « franco
albertain », l’auteure propose le rassemblement avec une définition large du Canada
français basée sur l’aspect purement linguistique « partout au Canada où on parle français »
et ne s’attache absolument pas aux spécificités de certains groupes qui se perçoivent
comme distincts tels que celui des Québécois. Elle continue et précise que même si la
francophonie canadienne connaît une période d’émoi, il faut quand même viser l’unité y
compris avec le Québec. Cette posture qui n’est pas forcément celle adoptée par le reste
des minorités francophones à travers le pays demeure plutôt marginale. En effet, comme
Frenette l’a précisé lors d’une table ronde en 2014 : en général, ces minorités vivant en
situation minoritaire revendiquent plutôt « une forme de modernité s’exprimant par une
volonté de se distinguer de la mère patrie québécoise ». Cette différence de position vaut
212
toutefois droit de cité afin de démontrer la division sous-jacente au sein de la francophonie
canadienne :
La grande famille canadienne-française est troublée. Certains agitateurs
venant de je ne sais quels pays, essaient de nous détruire. Réveillons-nous
avant qu’il soit trop tard. Rentrons au Canada où nous appartenons
depuis 3 siècles et faisons vite avant que les Anglais nous mettent dehors
pour de bon. Hors du Canada, plus jamais, hors du Québec plus jamais! (Le
Franco, 17 février 1982; p. 8)
Dans ce contexte, le discours minoritaire connaît des soubresauts en fonction des
époques et des leaders communautaires qui font varier les stratégies identitaires. Ainsi,
dans un article de La Survivance daté du 25 juillet 1929, concernant le Congrès de l’ACFA,
la stratégie de l’auteur consiste à présenter la minorité franco-albertaine comme forte et
puissante. Pour ce faire, il établit un parallèle avec la minorité acadienne et cite à ce propos
Mgr Pâquet. Voici ce qu’il relève :
Mgr Pâquet dit quelque part, en parlant des minorités acadiennes, et de leur
réveil : « L’histoire de ce peuple est un prodige de ténacité religieuse et
nationale. Fidèles aux croyances et aux vieilles traditions françaises, les
Acadiens ont grandi dans l’épreuve et vaincu les plus rudes obstacles, et
l’énergie vitale par laquelle ils se multiplient en a fait une minorité vraiment
imposante. « La Providence se joue des calculs des hommes; et elle marque
souvent son action par d’éclatants retours de justice. Elle venge, dans
l’existence bénie des fils, l’honneur et la fortune des ancêtres ». N’est-ce
213
pas là, le cas de la minorité Franco-Albertaine? L’heure du grand réveil
a tardé mais s’annonce grandiose, réconfortant, magnifique.
La stratégie de la visibilité sociale semble correspondre à la stratégie de choix des
représentants de la francophonie calgarienne de mon échantillon. En effet, plusieurs de mes
participants ont fait référence d’une manière ou d’une autre à cette finalité et notamment
les participants 4, 6 et 10, comme on l’a déjà vu à travers plusieurs extraits.
Compte tenu que ma recherche a pour contexte l’expression de la francophonie
minoritaire à Calgary, il est peu surprenant que le dénominateur commun à ma recherche
soit l’identité bilingue. C’est pour cette raison que je lui consacrerai la dernière partie de
ma discussion.
6.5 Identité bilingue
L’expression d’une identité bilingue individuelle étant au cœur des problématiques
de francophonie minoritaire canadienne, ce type d’identité se retrouve ainsi logiquement
parmi les réponses fournies par nos participants et fera donc l’objet de la présente analyse.
Landry, Allard & Deveau (2006c, 2013) ont démontré le caractère singulier de l’identité
bilingue quand il s’agit de jeunes élèves fréquentant une école francophone et ont même
proposé un modèle conceptuel intitulé « Bilinguisme et métissage identitaire ». L’on peut
s’attendre, dans le cas de mon étude, qui s’est attachée à interroger le degré de francophonie
de plusieurs types de locuteurs de français (nommés Francophones), à une variété de
définitions en ce qui a trait à l’identité bilingue.
214
Plusieurs participants à cette étude ont mentionné l’importance d’être bilingue au
Canada (notamment P. 3, P. 9, P. 15, P. 22). Je rapporte ici ce que dit à ce propos les
participants 16 (immersion et famille anglophone), 9 (immersion tardive, famille
hispanophone) et 4 (école francophone et immersion, famille francophone) :
P. 16 : Je pense que comme canadienne c’est très important de développer
notre identité française / être bilingue est important pour moi et c’est une
grande partie de mon identité / je suis fière de pouvoir être une membre de
la communauté franco-albertaine //
Il est intéressant de préciser que cette répondante est la seule de mon échantillon à
s’identifier comme « bilingue et franco-albertaine » alors qu’elle ne parle pas français
comme langue maternelle et qu’elle ne le parle pas à la maison. Cependant, en discutant
un peu plus en profondeur, j’ai appris que l’un de ses grands-parents était francophone, ce
qui peut constituer une forme d’attachement symbolique à la langue et à la culture
françaises. Toutefois, la culture « francophone » développée au sein de l’école
d’immersion [La Série Les Cités d’Or regardée chaque vendredi ainsi que l’intérêt pour la
musique et la littérature francophones; Quand elle a terminé l’école secondaire, elle a
cultivé son français en participant au programme d’échange Explore et est allée aussi suivre
un semestre de printemps en France] encouragée par ses parents et ses frères [les parents
peuvent un peu communiquer en français et les frères de la participante ont eux aussi suivi
les cours d’immersion] ont sans aucun doute contribué à l’expression de cette identité
bilingue et franco-albertaine.
Les deux participants suivants parlent plutôt du bilinguisme à l’échelle du pays :
215
P. 9 : Je trouve que c’est important [que le Canada soit un pays bilingue]
même si dans la pratique c’est pas la réalité au moins ici [à Calgary] ça fait
du bien d’aller à l’étranger pour pouvoir parler les deux langues. Bien sûr
c’est pas l’accent canadien mais c’est le français quand même //
P. 4 : Je trouve ça dommage que la plupart du Canada parle seulement en
anglais […] non la plupart de mes amis sont jaloux que je parle 2 langues
et qu’eux ils en parlent seulement une / mes amis d’immersion […] ils ont
tout oublié de leur français et ils trouvent ça plaT //
Ces deux exemples montrent une différence de paradigme en ce qui concerne le
Canada : en effet, alors que le participant 9 présente le Canada comme un pays bilingue, la
participante 4 le présente plutôt comme un pays anglophone ce qui montre qu’elle a déjà
intériorisé le statut de minoritaire de la langue française à l’échelle du pays. Toutefois, le
participant 9 avoue qu’il faut voyager en dehors de l’Alberta pour avoir l’opportunité de
parler français.
L’identité bilingue s’exprime un peu différemment chez la participante 6 qui
conclut son questionnaire dans la partie intitulée, « ces dernières lignes sont les vôtres »
par la phrase : « je suis fière d’être francophone et anglophone en Alberta » exprimant
ici une forte identité bilingue qui peut traduire un double sentiment d’appartenance. Cela
est d’autant plus surprenant que cette répondante a commencé son questionnaire en s’auto-
désignant comme « francophone ». Le fait que le parcours de cette participante fasse
osciller son identification entre francophone et anglophone peut sans doute s’expliquer par
le fait qu’elle ait grandi à Calgary en milieu francophone minoritaire, milieu dans lequel
216
l’anglais est toujours présent même s’il n’est pas la langue privilégiée dans la sphère privée
ou familiale. De plus, si l’on revient sur certains des commentaires faits par la participante
10, on se souvient aussi de sa difficulté de trancher entre « francophone et bilingue ».
Comme le soulignent (Landry, Allard & Deveau, 2013, p. 58-59), c’est parce qu’ils sont
capables de communiquer dans une deuxième langue qu’ils se considèrent comme
bilingues. Pour d’autres, enfin, l’identité bilingue pourrait combiner autant des sentiments
d’appartenance que des sentiments de compétence.
Dans ce contexte de bilinguisme, la participante 10 commence par exprimer ce que
signifie francophone pour elle et pourquoi elle se sent bilingue aussi :
P. 10 : Et pour nous [francophones] c’est tellement une partie de notre
identité / de notre culture / puis de notre histoire en tant que famille / qu’on
est francophone / c’est très important pour nous / de le maintenir / de nous
quatre (frères et sœurs) on veut tous mettre nos enfants en écoles
francophones parce que c’est vraiment quelque chose d’important pour
nous / c’est pas comme si c’est juste on est francophone / notre histoire
/ c’est francophone des deux côtés / ma mère et mon père / c’est comme les
gens qui sont très fiers d’être Irish ou quelque chose (rires) / c’est pour nous
la même chose //
F : Alors si t’es très fière d’être francophone alors pourquoi on dit bilingue?
P. 10 : Parce que je sais pas [très bas] / je pourrais avoir une identité
francophone en étant bilingue / chui comme les deux : bilingue avec une
influence francophone plus forte // […]
217
P. 10 : À la maison on parlait juste le français et parfois c’était un peu /
quand on était plus jeune on voulait parler anglais entre nous mais nos
parents voulaient vraiment qu’on parle français / si y’en avait eu un [des
parents] qui n’aurait pas parlé français ça aurait très difficile de nous
convaincre à parler français à la maison // […]
P. 10 : […] pas juste francophone parce que j’appartiens des DEUX côtés /
parce que n’importe quoi j’ai des amis qui sont seulement anglophones / so
j’aurais toujours une connexion avec des anglophones / so dans ce sens-là
j’trouve que je serai toujours bilingue / je vais jamais pas parler le français
ou pas parler l’anglais / c’est comme […] je texte mes amis ça s’fait en
anglais //
F : Tu textes jamais en français?
P. 10 : Non / je texte en français mais certains amis parlent seulement
l’anglais […] c’est pas tout le monde dans ma vie qui est seulement un / une
langue […]
P. 10 : Mon identité était tellement … jusqu’à ce que je suis venue en
Alberta / […] ils voulaient forcer que c’était quelque chose de séparé /
c’est difficile dans ma tête / j’pense toujours / comme chui francophone et
anglophone alors ça devient bilingue mais jamais comme touT mélangée
/ […] c’est drôle parce que nos copains et copines sont touT francophones
enfin bilingues / ma sœur est mariée avec un Québécois / ils parlent touT en
français / mais chui aussi de même quand je vois sa vie c’est comme / c’est
218
des choses très francophones / puis là il faut vraiment faire un effort de
comme garder le francophone / c’est pas comme si c’est juste mélangé / je
sais pas [très bas] //
Ce long passage que nous propose la participante 10 est très instructif parce qu’il nous
permet de nous rendre compte de la contrainte que peut constituer le fait d’être francophone
en milieu minoritaire; on peut percevoir l’inquiétude de la participante quand elle essaye
d’expliquer qu’elle est à la fois francophone et bilingue et qu’elle s’empresse de justifier
« ils voulaient forcer que c’était quelque chose de séparé » en référant aux enseignants
de l’école francophone où elle a été scolarisée jusqu’en 12e année. Elle renchérit en
spécifiant : « chui francophone et anglophone alors ça devient bilingue »; dans la
dernière partie de la phrase on sent l’urgence de se justifier : « mais mais jamais comme
touT mélangée »; la peur de l’alternance codique ou « code switching » se fait sentir.
Le participant 9, qui est un ancien étudiant issu de l’immersion tardive nous
donne sa définition de ce qu’il entend par bilingue :
P. 9 : Ça veut dire que tu peux fonctionner dans les deux langues presque
parfaitement / bien sûr parfois on manque de vocabulaire mais c’est ça on
peut changer d’âme si je peux dire […] pour moi / c’est être capable de
franchir la frontière linguistique sans / pas beaucoup de difficultés
Mon étude de cas couplée à une analyse des discours des journaux permet de
soutenir que l’identité bilingue se situe sur un continuum identitaire tel que défini par
Allard, Landry & Deveau (2006c). La tension entre le pôle francophone et anglophone fait
que l’une de ces deux identités « francophone et bilingue » va avoir tendance à s’exprimer
219
davantage que l’autre en fonction des contextes et des expériences vécues par les locuteurs.
Au final, les identités ethnolinguistiques francophones ou bilingues représentant mon
échantillon de participants se déclinent selon la gamme suivante : Allophone; Bilingue &
autres; Francophone & autres; Bilingue (français & autres); Bilingue (anglais & autres);
Multilingue. L’étape de l’entrevue m’a permis d’en apprendre un peu plus sur ce que mes
participants entendaient par ces dénominations ainsi que sur la possibilité de recourir à une
multitude de références linguistiques en fonction d’un contexte particulier. Certains
participants ont également insisté sur le caractère extrêmement mouvant et flexible de
l’identité bilingue.
P. 11 : Je pense que je suis modeste et je ne me qualifie pas de bilingue
parce que je sais qu’avec l’anglais je suis toujours en apprentissage […]
pour moi / bilingue veut dire que je suis aussi bon en français qu’en anglais
/ et dans ma tête à moi je ne suis pas aussi bonne en anglais que je le suis en
français […] [je me considère bilingue] si je vais en vacances mais je vis
professionnellement avec une langue / si j’avais un travail en anglais toute
la journée […] je me qualifierai de bilingue parce que dans la société on
aura reconnu ma langue seconde / pour moi c’est avant tout le français / et
l’anglais c’est ma langue d’utilisation de tous les jours //
Lorsque cette participante se trouve dans un contexte où l’anglais ne constitue pas
la langue majoritaire alors elle se sent suffisamment à l’aise pour se dire bilingue mais
comme en Alberta cette participante enseigne le français dans un programme d’immersion,
elle ne se sent pas aussi légitime pour affirmer son bilinguisme.
220
Même si au départ beaucoup de participants proposent une définition de l’identité
bilingue basée sur l’idéologie selon laquelle un individu ne peut se déclarer bilingue que
s’il fait preuve d’une compétence quasi égale dans les deux langues et justifier d’un haut
niveau dans les deux langues, au fil des discours les langues se délient et les discours se
font moins idéologiques.
6.6 Devenir Francophone c’est possible?
Au Canada, la diversité marquée par la pluralité des répertoires linguistiques et
ethnoculturels des locuteurs de langue française utilisant le français de manière régulière
doit plus que jamais susciter la réflexion et le débat. Selon Guignard-Noël, Forgues &
Landry (2014), « l’actualité de cette question renvoie aux diverses répercussions politiques
et organisationnelles qu’engendre le nombre de francophones ». En Alberta, par exemple,
les locuteurs capables de soutenir une conversation en français ainsi que les nouveaux
arrivants pour qui le français constitue la PLOP sont toujours plus nombreux comme nous
l’a encore rappelé le Très Honorable Kent Hehr (Ministre des Sports et des personnes
handicapées) lors de la célébration du 20e anniversaire de la Cité des Rocheuses le samedi
21 octobre 2017. Dans ce contexte, de nouvelles stratégies s’avèrent nécessaires quant à
l’inclusion de ces nouveaux venus.
Ainsi, la question de l’inclusion de nouvelles catégories de locuteurs parlant
français au sein de la catégorie « francophone » a été amorcée par de nombreux chercheurs
tels que Forgues & Landry, 2006; Gérin-Lajoie, 2004; Magnan & Pilote, 2003, 2007;
Thompson, 2011 et Violette, 2010.
221
Si l’on réfère à la définition initiale de « francophone », l’on se rend compte que la
notion a tout de même évolué en particulier au cours des quatre dernières décennies.
Comme le rappelle fort justement Allaire (2015), cette notion se veut plus inclusive comme
le montrent les initiatives à la fois de Statistique Canada qui introduit la notion de langue
d’usage dès le recensement de 1971, mais aussi du gouvernement de l’Ontario qui propose
une catégorie élargie de qui est francophone. De plus, le recensement de 2011 a également
introduit de nouvelles variables telles que la langue de travail et la PLOP (Première Langue
Officielle Parlée). Comme nous le fait remarquer Violette (2010), la tendance au Canada a
toujours été d’établir les catégories linguistiques à partir de catégories ethniques plutôt qu’à
partir de compétences linguistiques, compte tenu du statut de communauté historique de sa
minorité francophone. Depuis 2011, le critère initial de langue première n’est donc plus le
seul à être pris en compte puisque le questionnaire de recensement comporte en plus de la
question de la langue maternelle deux questions sur la langue ayant respectivement trait à
la connaissance des langues officielles ainsi qu’à la langue parlée à la maison (Statistique
Canada, 2012). Le caractère plus inclusif de ces démarches a déjà permis d’ajouter des
personnes pour qui le français ne constitue pas la langue maternelle ou l’unique langue du
répertoire linguistique. En outre, l’ajout de la variable « le plus souvent parlée à la maison »
permet de conférer à la langue française et aux locuteurs pour qui cette langue ne constitue
pas la langue maternelle une légitimité accrue. Ainsi, dans mon échantillon de participants,
j’ai noté par exemple que le contexte sociolinguistique dans lequel évolue la participante
19 correspond à la situation énoncée ci-dessus : le français ne constitue pas sa langue
maternelle puisqu’il s’agit de sa première langue officielle apprise. En effet, son parcours
222
l’a amené à vivre quelques années au Québec avant de s’installer en Alberta.
Conséquemment, cette répondante utilise le français non seulement le plus souvent à la
maison notamment avec ses enfants mais aussi au travail puisque son emploi implique une
utilisation partielle du français. De plus, c’est une personne qui tend aussi à privilégier les
interactions en français dans la sphère publique calgarienne à chaque fois que l’occasion
se présente. L’exemple présenté permet de comprendre les processus dynamiques sous-
tendant le processus d’inclusion.
À ce sujet, le discours de la participante 10 est particulièrement instructif. Selon
cette répondante, l’inclusion ne peut en effet avoir lieu que si les efforts viennent des deux
parties :
P. 10 : [À propos de canadien français] Oui parce que tu peux devenir
même si tu n’es pas né dans la culture là / si j’déménage au Québec puis
que j’vis au Québec / j’fais partie de la culture / j’peux I guess devenir
québécoise si j’voulais //
F : C’est toi qui décide ou les autres doivent te laisser devenir aussi? //
P. 10 : Un peu des deux dans le sens que tu dois vouloir faire partie de la
culture […] je trouve que si t’essayes assez tu peux en faire partie / c’’est
toi de manière individuelle qui doit chercher à en faire partie //
Elle nous rappelle aussi, un peu plus loin, qu’il ne va pas s’agir d’un processus
toujours facile et que c’est seulement aux prix de nombreux efforts que la
communauté Francophone calgarienne deviendra plus inclusive et ainsi plus
soudée :
223
P. 10 : Un peu des deux dans le sens que tu dois vouloir faire partie de la
culture / comme si tout le monde dit tu ne peux pas faire partie de ça ou de
ça / ça devient difficile de faire partie de la culture des groupes
communautaires ou comme ça mais je pense que c’est toi qui doit faire
l’effort / je trouve que si t’essaye assez tu peux en faire partie / c’est toi
de manière individuelle qui doit chercher à en faire partie//
[…]
P. 10 : Si un immigrant vient et qu’il apprend le français j’dirais / il
pourrait devenir francophone ou bilingue / spécialement parce qu’il y a
des gens que j’ai vu qui viennent de familles anglophones puis eux ils y
ont devenu francophones / comme je pense que ça c’est très possible /
ça l’est rare / ils étaient / ils voulaient devenir francophones //
Le commentaire de cette participante se conclut sur une note très positive
puisqu’elle nous démontre que l’inclusion est possible, en particulier lorsqu’elle dit : « […]
il y a des gens que j’ai vu qui viennent de familles anglophones puis eux y ont devenu
francophones / comme je pense que ça c’est très possible ». Le contraste d’une part entre
l’utilisation de « viennent de familles anglophones » et « eux », marqueurs de l’exogroupe,
se trouve atténué, d’autre part, par l’utilisation de « devenu francophones » qui montre la
possibilité pour le locuteur initial de se positionner différemment en fonction de son
parcours identitaire. L’opportunité qu’offre cette participante à l’Autre par ce discours fait
montre d’une ouverture transculturelle telle que préconisée par Slimbach (2005) et
Cuccioletta (2001-2). Elle ne va pas sans rappeler, d’ailleurs le modèle conceptuel de
224
compétences transculturelles développé par Lussier (2015). Cet exemple met aussi en
avant, la possibilité pour les personnes se situant déjà dans une perspective d’ouverture à
l’autre de servir de médiateurs sociaux et de favoriser les discours et les changements de
mentalités. De plus, sa réponse nous éclaire quant à la possibilité de passer d’une catégorie
à une autre et quant à la flexibilité des frontières. On comprend à travers sa réponse que
cela ne va pas être le cas pour tout le monde, qu’il faudra être assez motivé « ça l’est rare
/ ils étaient / ils voulaient devenir francophones // ».
Pour finir cette partie, j’aimerais aussi ajouter quelques mots sur la question de la
compétence B2/8 qui pour certains apprenants de français langue seconde marque
incontestablement un seuil leur permettant l’appréhension de la langue et des cultures
française et francophones. Elle constitue donc pour de nombreux apprenants un point de
départ mais cette question de seuil de compétence ne s’est pas révélée une variable aussi
intéressante que j’aurais pu imaginer car elle n’est au fond que peu reliée à la question de
l’appartenance. Cela a pu être démontré tout au long de ma recherche, notamment à travers
l’exemple de la participante 19 qui ne parlait pas français du tout à son arrivée au Québec
mais qui s’est sentie immédiatement attirée et partie intégrante de la communauté
francophone, sa langue et sa culture.
Ces différentes réflexions nous amènent à nous questionner sur la pertinence du
processus de catégorisation. Intrinsèquement lié à la notion de frontières et à leur
étanchéité, le processus de catégorisation et d’auto-catégorisation n’est peut-être plus aussi
adapté à une époque mondialisée se définissant plus que jamais par des échanges
translinguistiques et transculturels ou « translanguaging » selon Garcia & Wei (2013) cité
225
dans Roy (2015). Selon ces auteures, il s’agit d’un espace dans lequel les jeunes bilingues
et multilingues co-construisent leurs identités discursives mêlant la francophone, la
bilingue et d’autres encore que ces locuteurs possèdent dans leurs répertoires linguistiques
toujours plus variés. Dans ce contexte, le recours systématique à la catégorisation peut
même s’avérer néfaste à terme, comme ne manquent pas de nous le rappeler les participants
10 et 27, chacun avec leurs propres mots :
[…] Il y a des gens qui parlent français au Canada / mais ils s’identifient
pas à comme une catégorie […] so j’trouve ça plus simple de juste dire
que je viens du Canada parce c’est pas comme tellement nous mettre dans
des p’tites catégories (P. 10)
[…] j’aime pas l’étiquette Franco-albertaine […] / j’aime pas ces
étiquettes Franco depuis mon jeune âge j’étais French Canadian » (P.
27).
Ce qui ressort finalement de ces commentaires c’est que l’imposition de catégories
mènent nécessairement à un rejet de ces mêmes dénominations. De plus, l’on a remarqué
chez les participants qui avaient des parcours pluriels une simplification de la
dénomination, notamment avec l’exemple de « canadien » pour le participant 3 ou encore
de « calgarien » (participante 2 ou 4).
D’ailleurs, les derniers résultats de recensement (2016) concernant le bilinguisme
ont montré que le Canada n’avait jamais connu une proportion de Canadiens bilingues
aussi importante, leur pourcentage s’élevant désormais à 17,9%. De plus, « contrairement
à ce qui a été observé entre 2006 et 2011, tous les groupes de langue maternelle contribuent
226
à la croissance de la population bilingue entre 2011 et 2016 » (Statistique Canada, 2017).
Ce « nouveau sommet » (Statistique Canada, 2017) semble marquer une évolution vers un
nouveau contexte bilingue au Canada, un contexte marqué par plus de pluralité, sans aucun
doute. Ainsi, comme certains chercheurs le soulignent le discours sur le bilinguisme,
malgré le fait qu’il existe toujours, est en changement (Cardinal & Denault, 2008). On traite
beaucoup plus de plurilinguisme, surtout dans les grandes villes dans lesquelles les
populations multilingues coexistent depuis plusieurs années (Moore & Castellotti, 2008).
García & Wei (2013) parlent de « translanguaging ». Toutefois, les traces dans les discours
d’expressions ou de termes dénigrant la qualité de la langue que l’on parle, surtout quand
il s’agit du français, restent courantes et semblent ancrées dans les esprits, comme nous
avons pu le voir chez certains de mes participants (« parler un français qui est pas
toujours°/°propre » [P. 21]). L’idée aussi de « maîtrise parfaite » dans le cas du bilinguisme
est un exemple que l’on rencontre encore souvent.
De plus, l’un des points sur lequel je voudrais me pencher l’espace d’un instant est
la notion de fierté que l’on a rencontrée sous diverses formes tout au long de l’analyse, non
seulement dans les articles de journaux à l’étude (articles de La Survivance du 21 avril
1937; du 4 août 1943; du 13 novembre 1946; du 27 janvier 1965) mais aussi à travers la
voix de nombreux participants (notamment P. 1, P. 16 et P. 10). En effet, être francophone
et bilingue en Alberta ou dans d’autres contextes francophones minoritaires canadiens
semble susciter l’expression d’une certaine fierté; fierté que l’on retrouve à tous les niveaux
chez les Francophones de mon étude. Fierté d’avoir appris le français jusqu’à avoir atteint
un niveau B2/8 pour les finissants de l’immersion et les francophiles; fierté d’être
227
désormais bilingue; fierté d’un peuple qui a pu préserver sa langue à travers les épreuves
de l’histoire parfois au prix d’idéologie telle que celle de la survivance. C’est ce
dénominateur commun empreint de transculturalisme qu’il faut garder à l’esprit lors de
futures discussions et débats sur le caractère inclusif et pluriel de la francophonie albertaine
et calgarienne.
6.7 Résumé du chapitre 6
Si l’on revient un moment sur les différents aspects de ce dernier chapitre d’analyse,
l’on remarque la diversité des stratégies, des parcours et des constructions identitaires
revendiqués par les participants. La plupart déploient un certain nombre d’identités
ethnolinguistiques et culturelles en fonction des interactions dans lesquelles ils se situent,
révélant des combinaisons plus ou moins complexes en fonction des appartenances qu’ils
revendiquent : acadienne; albertain/e; belge; bilingue; calgarien/ne; canadien/ne;
canadien/ne français/e; citoyen du monde; français/e; franco-albertaine; franco-ontarienne;
francophone; immigrante; ivoirien; multilingue; québécois/e sont autant de dénominations
qui se déclinent au gré des discours. Le rassemblement de ces diverses postures
sociolinguistiques rapportées par les Francophones calgariens participant à cette étude
permet de comprendre en quoi leur inclusion au sein de la francophonie calgarienne est
pertinente : elle va permettre à la multitude de leurs voix et de leurs discours de se faire
entendre et ainsi œuvrer peu à peu en faveur du changement pour que les mentalités et les
idéologies évoluent grâce aux discussions et aux débats.
228
Chapitre 7 : Conclusions
Ce travail de thèse a eu pour objectif principal de contribuer au champ de la
francophonie minoritaire canadienne, en particulier dans le contexte albertain urbain de
Calgary. En m’interrogeant sur le rapport entre le fait de parler français à Calgary et la
manière de se présenter non seulement vis-à-vis de soi-même mais aussi d’autrui, cette
recherche doctorale m’a permis de me pencher sur les questions d’appartenance en relation
aux langues et cultures affichées ou non par les divers locuteurs. Quelques questionnements
initiaux ont permis d’affiner la problématique : Est-ce que le seul fait de parler français en
milieu minoritaire modifie le sentiment d’appartenance à une communauté culturelle
particulière? Quels sont les critères qui vont faire basculer le bilingue ou le multilingue
vers le francophone et vice-versa? Est-ce que le recours à l’utilisation de références
nominatives particulières, telles que « canadien français », « franco albertain » et
« francophone » influence l’identité des locuteurs qui en font l’usage?
En me basant sur les définitions habituelles de francophone qui prennent
généralement en compte les critères de langue maternelle mais aussi parfois de première
langue officielle parlée (PLOP), j’ai décidé d’élargir encore un peu plus la portée de ces
variables afin d’explorer la possible inclusion de locuteurs de français habituellement
écartés de la définition de « francophone ». Dans cette perspective, j’ai donc cherché à
montrer que l’identité francophone pouvait s’exprimer chez des individus dont le français
constituait soit la première langue officielle parlée (PLOP), soit une langue seconde ou
additionnelle, si le niveau dans cette langue atteignait un certain niveau de compétence.
Pour ce faire, j’ai choisi d’appeler « Francophone » ce groupe élargi de locuteurs dont les
229
compétences langagières en langue française se caractérisent par un niveau intermédiaire
à pré-avancé (compétence B2, CECR ou niveau 8, NCLC).
Afin de contextualiser mon étude, je me suis attachée à présenter les discours
albertains du passé grâce à un corpus d’articles de journaux issus des journaux albertains,
La Survivance et Le Franco[-albertain] publiés entre 1928 et 2000. Les discours
contemporains ont été récoltés grâce aux données issues de questionnaires (44 répondants)
et d’entrevues (27 participants). L’approche menée lors de cette étude a été
sociolinguistique et critique dans la mesure où elle s’est inscrite dans une perspective de
changement. Ainsi, le cadre théorique retenu pour l’analyse comprend les notions de
« sociolinguistique pour le changement » (Auger, Dalley, & Roy, 2007; Dalley & Roy,
2008), de post-socioconstructivisme (Hottois, 2005) et de transculturalisme (Cuccioletta,
2001-02; Slimbach, 2005). Le choix d’un tel cadre conceptuel m’a permis d’introduire,
d’une part, une dimension discursive et critique et d’autre part, de co-construire une réalité
selon une perspective transculturelle.
Les questions ayant jalonné mon parcours de recherche ont été les suivantes :
1) Y-a-il une corrélation entre l’utilisation des références nominatives telles que
« canadien français », « franco albertain » et « francophone » (critère initial de langue
maternelle) et l’idéologie en place?
2) Si oui, dans le contexte calgarien actuel, est-ce que l’identité francophone peut
s’exprimer chez des individus dont le français constitue soit la PLOP, soit une langue
seconde ou additionnelle (niveaux B2 ou 8) à la condition d’utiliser le français au moins
de manière régulière que ce soit à la maison ou au travail / université? Ainsi, s’avère-t-il
230
pertinent de proposer une catégorie élargie de « francophone » que l’on nommerait «
Francophone »?
L’idée a été, en premier lieu, de choisir d’incorporer de nouveaux types de locuteurs
dans la francophonie calgarienne locale42. Le projet doctoral visait en effet à inclure ces
nouveaux locuteurs afin de comprendre leur apport dans le discours actuel sur la
francophonie minoritaire calgarienne. C’est cette inclusion qui a permis à la démarche
transculturelle et sociolinguistique critique de se concrétiser dans cette étude et de prendre
tout son sens. L’objectif étant, grâce à la réalité co-construite par les différents acteurs de
la francophonie calgarienne d’hier et d’aujourd’hui, de faire entendre les voix
Francophones actuelles et de laisser peu à peu émerger de nouveaux discours identitaires,
propices aux changements de mentalités. Les différents parcours et répertoires identitaires
résultant d’expériences sociales diverses tendent peu à peu à modifier les discours originels
« canadiens-français » « franco-albertain » et leurs idéologies sous-jacentes. Cette étude
doctorale nous a ainsi proposé d’explorer la pluralité des représentations linguistiques et
culturelles des participants et ainsi de questionner certaines idéologies, notamment à
propos du bilinguisme, de la catégorisation et de la possibilité de « devenir francophone ».
En deuxième lieu, ce projet m’a également permis d’explorer et d’appréhender le rôle joué
par la catégorisation et le recours aux étiquettes identitaires. Il s’est avéré que l’utilisation
de ces différentes dénominations se fait toujours en fonction d’un contexte
42 Francophones=les finissants des programmes d’immersion, les personnes bilingues ou multilingues
(niveaux B2, Cadre Européen de Référence, CECR ou 8, Niveaux de Compétence Linguistique Canadiens,
NCLC) et les nouveaux arrivants, dont le français constitue la première langue officielle parlée (désormais
PLOP), utilisant toujours le français au moins de manière régulière (études, travail, maison)
231
sociolinguistique et culturel particulier. D’ailleurs, l’utilisation de ces références
nominatives se caractérise par sa flexibilité et son caractère mouvant, comme de nombreux
exemples issus des discours des participants à l’étude nous l’ont révélé. Ainsi en revêtant
tour à tour des panoplies différentes les Francophones calgariens demeurent relativement
peu visibles, tout comme leurs homologues vivant dans de grandes villes telles que Toronto
(Forlot, 2008).
La suite de ce chapitre de conclusion a pour principal objectif de mettre l’accent
sur les principaux résultats issus de cette recherche. À cette fin, je reviens un instant sur le
format global de cette thèse. Elle est articulée en sept chapitres, s’organisant eux-mêmes
en trois grandes parties. La première partie (chapitres 1, 2) avait pour objectif d’informer
le lecteur sur le contexte minoritaire canadien en général et albertain en particulier. Ainsi,
l’idée retenue a-t-elle d’abord été (chapitre 1) de circonscrire l’objet à l’étude : les discours
des Francophones de Calgary en relation à leur construction identitaire. De plus, en
proposant de contextualiser l’étude historiquement et politiquement (chapitre 2), j’ai
cherché à inscrire les discours sur la francophonie albertaine à la fois dans la mémoire et
la continuité. Puis, la deuxième partie de cette étude, comportant les chapitres 3 et 4, m’a
permis, grâce au travail de recension des écrits (chapitre 3), de délimiter et de construire le
cadre théorique dans lequel s’est ancrée mon approche méthodologique, nécessaire à la
production de mes résultats et de mes analyses (chapitres 4 et 5). Cette recension des écrits
m’a également servi à justifier mes choix conceptuels sous-tendant la démarche
méthodologique à l’œuvre dans cette recherche. Par la suite, le chapitre 4 s’est penché plus
particulièrement sur la méthodologie, avec des procédures multimodales de collecte de
232
données (pratiques discursives relevées à la fois dans des journaux de langue française
albertains, dans les questionnaires [sélection de l’échantillon de Francophones calgariens]
et dans les entrevues [participants Francophones à l’étude]) et se termine par les limites
rencontrées. La méthode retenue est de type qualificatif et interprétatif et s’apparente à une
étude de cas (Merriam, 1998) utilisant l’analyse critique de discours. La troisième partie
de cette recherche doctorale comporte deux chapitres (chapitres 5 & 6). Les résultats issus
de mes données sont ainsi présentés dans le chapitre 5, qui brosse un portrait des
francophones d’hier, grâce à l’analyse des journaux, et nous informe sur les Francophones
d’aujourd’hui, grâce aux données issues de mon échantillon de participants. Le chapitre 6
correspondant à l’analyse et à la discussion s’articule autour de thématiques issues des
résultats de mes participants et des journaux telles que les appartenances multiples liées à
la pluralité des répertoires ethnolinguistiques et culturels des participants ainsi qu’au
rattachement à une francophonie canadienne inscrite dans la mondialisation; les stratégies
identitaires déployées par les f/Francophones en Alberta en fonction des époques; et la
problématique de l’identité bilingue. Enfin, le septième et dernier chapitre clôt cette thèse
en résumant les résultats de mes analyses et discussions et en proposant également quelques
recommandations pour des recherches futures.
7.1 Résultats particuliers à l’étude
Dans un premier temps, l’analyse des journaux a permis d’offrir un contexte
historique et discursif à l’étude que j’ai entreprise puis de comprendre dans quels contextes
les différentes dénominations étaient utilisées. Cependant, cette analyse critique a permis
233
d’identifier la représentation d’une identité collective « canadienne-française », « franco-
albertaine » puis « francophone » avec leurs valeurs idéologiques associées (surtout pour
les deux premières). Comme je le faisais remarquer précédemment le nombre
d’occurrences de « franco-albertain » s’est avéré plus faible que les deux autres types de
références, comme le signe d’une communauté moins solide. D’ailleurs, cela a été
corroboré par le fait que je n’ai eu que trois participantes ayant utilisé cette dénomination.
L’opportunité de partager des éléments de cultures francophones semble avoir contribué à
développer le sentiment d’appartenance d’une des participantes ayant fréquenté
l’immersion à la communauté francophone (Dallaire, 2004, 2008, 2010; Dallaire & Roma,
2003). En s’auto-identifiant comme francophone, avec l’appellation « franco-albertaine »,
cette participante nous propose une construction identitaire particulière et qui ne semble
pas encore apparaître dans la littérature. En effet, la seule fréquentation de l’école
d’immersion ne semble pas favoriser le sentiment d’appartenance francophone mais a
plutôt tendance à développer des identités hybrides (Dallaire & Denis, 2003, 2005) ou
bilingue (Deveau & Landry, 2007; Duquette, 2004, 2006; Gérin-Lajoie, 2003, 2004 ;
Landry, Deveau, & Allard, 2006c). Cependant, cette conclusion est prometteuse car elle
permet de dire que les répertoires identitaires, véritables résultats d’itinéraires, de parcours
et surtout de stratégies pluriels, amènent les acteurs sociaux à appréhender ces questions
sous des formes nouvelles empreintes de transculturalité, produit de notre époque
mondialisée.
Toutefois, l’analyse des journaux en relation aux discours générés par mes
participants m’a également poussé à me questionner quant à l’acception de certains termes.
234
Je pense ici à l’exemple de « canadien-français » qui loin de ne pas avoir été utilisé chez
mes participants a plutôt révélé une polysémie quant aux différents sens et connotations
qu’il pouvait revêtir. Cependant, dans la bouche d’autres participants ces termes
(« canadien français » et « franco-albertain ») semblent comporter une dimension bien trop
ethnique impliquant le critère de naissance pour pouvoir être utilisé. Finalement, le point
sur lequel je veux revenir un instant est que les participants à l’étude ont également
démontré qu’ils s’étaient réappropriés certains des termes et qu’ils les utilisaient selon leur
propre acception (« canadien français » et « franco-canadien » notamment, par exemple).
Cette pratique semble particulièrement bien ancrée dans une époque postmoderne et
transculturelle comme la nôtre. De plus, on a vu à travers les résultats présentés que la
langue française à Calgary est aujourd’hui perçue comme dénominateur commun à
l’expression d’une identité et d’une appartenance partagée, comme nous l’a fait justement
remarquer le participant 3 qui se présentait comme francophone. Le passage de l’une à
l’autre des catégories d’identification possibles nous a permis de nous interroger sur leur
nécessité.
7.2 Corrélation entre l’utilisation des références nominatives et l’idéologie en place
À la lumière de mes résultats et de mes analyses, deux thématiques particulières
semblent émerger. D’abord, l’utilisation d’une référence nominative en fonction d’une
époque et d’une idéologie particulière n’a pas été totalement démontrée à travers mes
analyses et ensuite, la question de l’inclusion au sens large, que ce soit au niveau des
discours des journaux ou des participants démontre un caractère relativement consensuel.
235
Premièrement, si l’on s’intéresse à la question de la corrélation entre l’utilisation
de certaines dénominations en relation à une époque et à une certaine idéologie, il faut se
pencher à nouveau sur les résultats proposés dans le chapitre 4. Ces derniers nous informent
que les dénominations utilisées « canadien-français », « franco-albertain » et
« francophone » (ainsi que leurs variantes orthographiques) ne l’ont pas nécessairement été
en fonction d’une période particulière mais plutôt en fonction de l’idéologie véhiculée par
le journal (La Survivance / Le Franco[-albertain]) produisant ces discours. Ainsi, il
convient d’explorer, par exemple, les contextes discursifs dans lesquels l’utilisation du
terme « franco-albertain » prend place. Contrairement à ce que l’on aurait pu penser au
premier abord, la période de la Révolution tranquille n’a pas vu une augmentation
significative de l’utilisation de la référence « franco albertain » du moins dans le corpus
d’articles de journaux ayant fait l’objet de notre étude. Il semble que l’idéologie générale
de la Survivance (la survie de la nation canadienne-française grâce à la langue et à la foi
catholique) a prévalu au-delà des époques dans lesquelles elle semblait ancrée initialement
(période pré-Révolution tranquille). Afin de vérifier cet argument et de prouver que cette
tendance se retrouve, encore faudrait-il, dans le cadre d’un projet de plus large envergure,
comparer les discours en présence dans différents genres de publication de l’époque afin
de déceler les traces de cette idéologie à d’autres niveaux. Ainsi, le recours à une
méthodologie mixte qui inclurait des analyses issues de la linguistique de corpus (NVivo)
pourrait sans doute affiner ces résultats.
Dans un deuxième temps, si l’on observe le caractère relativement consensuel de
la question de l’inclusion au sens large et que l’on revient un peu sur les discours de La
236
Survivance et du Franco [-albertain], la tendance générale est plutôt à l’inclusion que ce
soit, selon les époques, au sein de la nation canadienne-française ou francophone, le but
sous-jacent étant la survivance/la survie de la communauté. L’espace restreint accordé à la
dénomination « franco-albertain » dans les journaux et dans les réponses de mes
participants tend à démontrer encore une fois que le discours a tendance à privilégier
l’ampleur du groupe en utilisant des références nominatives englobantes telles que
« canadien-français », « francophone » ou encore « franco-canadien ». Ce faisant, les
discours en évitant le recours à la dénomination plus restreinte de « franco albertain »
relègue cette dernière à une assise identitaire purement territoriale.
De plus, l’on peut noter que tout au long de l’histoire de la province et de ses
contraintes, la communauté francophone albertaine a fait et continue de faire preuve de
stratégies identitaires. Les tactiques utilisées à travers les époques et selon les circonstances
révèlent le caractère minoritaire (Taboada-Leonetti, 1990) de cette communauté. Tour à
tour et selon les acteurs sociaux en présence, ces stratégies ont eu pour finalité l’anonymat,
l’assimilation, la conformisation, la différenciation, la singularisation (individuation) ou
encore la visibilité sociale (Kastersztein, 1990) ; l’objectif ultime n’étant pas le repli sur
soi à long terme mais plutôt la survie future du groupe. L’utilisation des stratégies
identitaires se reflètent également dans les discours des participants qui eux aussi ont
recours à ces différentes tactiques sans en avoir toujours conscience. Finalement, les
discours issus des journaux et des répondants ne sont pas aussi différents que ce que l’on
aurait pu imaginer, preuve de la perpétuation de l’idéologie. D’ailleurs, l’utilisation de la
référence nominative « franco-canadien » pour se définir chez un certain nombre de mes
237
participants avec une définition personnelle de « franco » reflète l’idée de transculturalité
à la fois entre les discours journalistiques et ceux des Francophones calgariens à l’étude.
Suivant la perspective transculturelle, le concept de « communauté imaginée »
(Anderson, 1991) ne semble plus aussi imaginé qu’il n’y paraît. En effet, même si les
grands récits mythiques qui ont fondé la nation canadienne-française ne sont pas
aujourd’hui connus par l’ensemble de la communauté Francophone de Calgary, ils
constituent une mémoire importante du passé albertain dans la mesure où en tant que
communauté minorisée, les francophones albertains ont dû lutter pour préserver quelques
traces de leur histoire. Ces racines historico-culturelles se retrouvent dans les discours de
la communauté et constituent en cela une filiation indéniable qu’on ne saurait taire.
Cependant, il ne faudrait pas pour autant négliger le caractère pluriel de la Francophonie
calgarienne actuelle et ouvrir davantage le dialogue pour une meilleure cohésion de cette
communauté en envisageant un futur commun incluant d’une part la trame narrative de la
communauté initiale et d’autre part l’ouverture à l’Autre Francophone. Notre époque
mondialisée marquée plus que jamais par les parcours identitaires pluriels comme autant
d’hésitations, de va-et-vient mais aussi d’enrichissements linguistiques et culturels devrait
permettre les échanges dans une perspective transculturelle, c’est-à-dire avec des
interactions, des (re)négociations non seulement entre la société d’accueil représentée par
les membres de la communauté francophone établis à Calgary depuis plus longtemps et les
nouveaux membres qu’ils soient de langue maternelle française, que le français constitue
leur première langue officielle parlée ou encore qu’il s’agisse de francophiles désireux
d’intégrer la grande famille Francophone.
238
7.3 Recommandations pour les recherches futures
L’étude « Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de langue française
en Alberta : Évolution de la référence nominative » a fait l’objet dans le cadre de ce projet
doctoral d’une étude de cas comprenant des données issues à la fois des discours
d’hebdomadaires de langue française albertains et sur des locuteurs Francophones vivant
exclusivement à Calgary. C’est une recherche qui pourrait être dupliquée à d’autres lieux
urbains en Alberta pour voir comment s’expriment les identités Francophones ailleurs dans
la province et en particulier dans d’autres villes. Dans ma recherche, les personnes qui se
sont nommées « franco-albertaines » sont très peu nombreuses. Elles se limitent à 3
participantes, En explorant le contexte de la Francophonie calgarienne dans sa version la
plus englobante et inclusive, cette étude m’a permis de continuer la discussion sur la
question de la francophonie albertaine et de poser les jalons d’un nouveau dialogue. La
perspective de la sociolinguistique pour le changement (Auger, Dalley & Roy, 2007;
Dalley & Roy, 2008) s’est déjà révélée prometteuse et œuvre pour que les discours
empreints d’idéologies fassent peu à peu place à de nouveaux discours promouvant une
inclusion plus large. Essayer de se comprendre soi-même aussi dans son rapport à l’Autre
est la voie que nous a enseigné le transculturalisme (Cuccioletta, 2001-02). La synergie
engendrée par la sociolinguistique pour le changement et le transculturalisme ne va pas
sans faire écho à ce que Dubé a avancé dès 2009 : « L’interculturel constitue une action
structurante qui produit une véritable texture sociale reconstituante de l’identité; ce
processus débouche sur le transculturel, entendu comme « une traversée de langues, de
cultures, d’expériences, de mémoires, etc. » (Dubé, 2009, p. 26). Les voix transculturelles
239
semblent engageantes et nous encouragent vers des voies témoignant de la volonté de
transformation de la francophonie calgarienne en offrant la possibilité pour le locuteur de
français évoluant à Calgary de se projeter au-delà de catégories préétablies.
Ainsi, l’identification plus inclusive de « Francophone » que j’ai proposée permet
au Francophone de se joindre à l’ensemble de la Francophonie calgarienne afin de se
rassembler et de construire un projet d’appartenance commun. Comme le rappellent
Langlois et Létourneau dans la préface de leur ouvrage (2004, p. xii) : « notre objectif est
d’apporter au moulin de la connaissance empirique des situations identitaires émergentes
et de l’interprétation qu’il est possible d’en donner, des éléments de compréhension
pertinents ». Dans cette perspective, la consultation pancanadienne qui a eu lieu l’année
dernière (2016) a été une initiative qui a permis le dialogue entre différents acteurs de la
francophonie albertaine mais aussi à l’échelle du pays. Certaines des recommandations
s’avèrent encourageantes puisqu’elles s’inscrivent dans ce discours mêlant
sociolinguistique critique et transculturalisme : « créer des ponts entre les communautés
minoritaires et majoritaires au moyen d’activités [trans]culturelles ; soutenir le
recrutement, l’accueil, l’établissement et la rétention des immigrants francophones partout
au Canada ; faire la promotion active de l’importance de nos langues officielles auprès des
nouveaux arrivants et les encourager à suivre de la formation linguistique »43
Enfin, le dernier point sur lequel j’aimerais clore cette thèse c’est le fait que l’ACFA
évoque depuis une dizaine d’années un changement de nom de leur association. Le dernier
43Patrimoine canadien. (juin 2016). Consultations pancanadiennes. Direction générale des
langues officielles. Ottawa. Repéré à http://ouvert.canada.ca/data/fr/dataset/374c5f4e-952e-40ea-8f4e-a7a69aea2675?_ga=2.94832220.1504064912.1511167279-1748569906.1506908371
240
vote en date est demeuré en faveur de l’ancien nom, soit, « Association Canadienne-
Française de l’Alberta ». Toutefois plusieurs membres de la communauté, y compris Jean
Johnson, ex-président de l’ACFA et nouveau président de la Fédération des communautés
francophones et acadiennes (FCFA), avaient proposé l’alternative suivante : « Association
de la communauté francophone de l’Alberta », afin d’être plus inclusif. Il semblerait que
la communauté ne soit pas encore tout à fait décidée à faire le pas. Il faut toutefois garder
présent à l’esprit que le visage de la francophonie albertaine est en constante évolution et
mutation et que le nom de l’ACFA devra tôt ou tard refléter ces changements. Puissent ma
recherche et d’autres faire évoluer les mentalités dans le bon sens et faire de la visibilité de
la Francophonie à Calgary le fer de lance de notre communauté élargie.
241
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& Y. Frenette (dir.), Vues sur les français d’ici (pp. 267-284). Québec, QC : Presses
de l'Université Laval.
Weiss, G., & Wodak, R. (Eds.). (2003). Critical discourse analysis: Theory and
interdisciplinarity. Basingstoke, UK: Palgrave Macmillan.
Williams, G. (1992). Sociolinguistics. London, & Bristol, UK: Taylor & Francis.
Wodak, R. (1989). Language, power and ideology: Studies in political discourse.
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283
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Passagen Verlag.
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Zaninetti, J.-M. (2013). La francophonie est-elle menacée au Canada? Population &
Avenir, 1( 711), pp. 14-16.
284
Annexe 1 : Situer Calgary
Carte 1 : La province de l’Alberta
Source : Statistique Canada (2012b). Série « Perspective géographique » : Recensement de 2011.
Ottawa, ON. Produits analytiques. Repéré à http://www12.statcan.gc.ca/census-
recensement/2011/as-sa/fogs-spg/Facts-pr-fra.cfm?Lang=fra&GK=PR&GC=48
Carte 2 : Situer Calgary sur la carte de l’Alberta
Source : Gouvernement du Canada. Régions économiques de l'assurance-emploi d'Alberta.
Repéré à : http://srv129.services.gc.ca/rbin/fra/alb.aspx?wbdisable=true
285
Annexe 2 : Protocole de transcription
La présente partie que j’ai intitulée « protocole de transcription » vise à éclaircir les
choix qui ont été les miens lors du travail de transcription, représentation des discours ayant
émané des entrevues.
1) La barre oblique marque les découpages rythmiques des interventions, en particulier les
hésitations et les interruptions. La double barre oblique marque la fin du passage.
2) Les crochets permettent de ne pas reproduire une partie du discours ayant été jugée
comme peu pertinente par rapport à l’objet de l’analyse.
3) Les italiques ont été utilisées pour refléter l’usage de l’anglais lors des échanges.
4) Quand un mot est écrit en majuscules, cela signifie que le participant a mis de
l’importance sur ce mot.
5) Lorsque les majuscules sont présentes à la fin de certains mots, elles servent à montrer
la réalisation sonore de consonnes qui dans d’autres contextes sociolinguistiques seraient
silencieuses.
6) Les parenthèses servent à contextualiser les tours de parole si nécessaire.
286
Annexe 3 : Questionnaire
I) INFORMATION GÉNÉRALE [ENTOURER LES RÉPONSES QUI
CONVIENNENT]
1) Vous êtes un(e) Femme Homme
2) Âge
18-28 29-39 40-50 51-61 62-72 73-83 84+
3) Éducation [Entourer la réponse correspondant à votre plus haut niveau scolaire]
Élémentaire (1-6) Secondaire (7-9) Secondaire (10-12 [13]) Post-
Secondaire (Collège/Université)
4) Où êtes-vous né(e) ?
Au Canada Dans un autre pays
Préciser Ville ___________________ Province ___________ Territoire
___________ Pays ___________________
5) Où avez-vous grandi ?
Au Canada Dans un autre pays
Préciser Ville ___________________ Province ___________ Territoire
___________ Pays ___________________
6) Avez-vous vécu dans d’autres provinces/territoires avant de vous installer en Alberta ?
Non Oui, Préciser
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7) Depuis combien de temps vivez-vous en Alberta ?
Moins d’un an 1-4 ans 5-9 ans 10-14 ans 15-20 ans 21-26
ans 27+
8) Vous vous identifiez comme [Entourer la/les réponse(s) qui s’applique(nt)]
Canadien(ne) Albertain(e) Autre préciser
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II) LANGUES [ENTOURER LES RÉPONSES QUI CONVIENNENT]
9) Quelle(s) est/sont la/les langue(s) première(s) que vous avez apprise(s) ou entendue(s)
pendant votre enfance ?
L’anglais Le français Les deux Autres combinaisons
Préciser
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10) Quelle(s) est/sont la/les langue(s) que vous parliez en grandissant ?
L’anglais Le français Les deux Autres combinaisons
Préciser
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11) Si on discutait de votre identité linguistique aujourd’hui, vous diriez que vous êtes
[Entourer la/les réponse(s) qui s’applique(nt)]
Anglophone Francophone Bilingue (anglais/français) Bilingue
(français/autre langue)
Bilingue (anglais/ autre langue) Autres combinaisons, Préciser
_______________________________________
12) Si on discutait de votre identité culturelle aujourd’hui, vous diriez que vous êtes
[Entourer la/les réponse(s) qui s’applique(nt)]
Acadien(ne) Franco-Albertain(e) Autre Franco-Canadien(ne) Franco d’un autre
pays
Canadien-français Québécois Autres combinaisons, Préciser
________________________________
Si vous avez plusieurs réponses veuillez les classer selon l’importance accordée
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Donner des exemples de contextes dans lesquels vous utilisez certains labels pour vous
auto-identifier
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13) Qui êtes-vous au niveau linguistique ?
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14) Qui êtes-vous au niveau culturel ?
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15) Ces dernières lignes sont les vôtres. Vous pouvez ajouter des commentaires,
remarques ou suggestions qui viendront compléter cette enquête.
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Annexe 4 : Entrevue (questions type)
I) LANGUES : CONTEXTE GÉNÉRAL
1) Quelle(s) est/sont la/les langue(s) que vous parliez en grandissant ? Aujourd’hui,
quelle(s) langue(s) parlez-vous le plus souvent ?
2) Quelle est votre définition d’un anglophone ? D’un francophone ? D’un bilingue ?
II) LANGUES : SPHÈRE PRIVÉE
1) Donner des exemples d’utilisation du français à la maison ? (Ex : pendant les repas,
les programmes de télévision, les réunions de famille, tout le temps).
2) Utilisez-vous d’autre(s) langue(s) à la maison ? Si oui, dans quels contextes
particuliers ?
3) Est-ce que vous lisez fréquemment en français, en anglais, dans les deux langues
officielles ou dans d’autres langues ? Quels types de lecture et de support (version
papier ou en ligne) ?
4) Est-ce que vous regardez des programmes de télévision en français ? Si oui, lesquels
et à quelle fréquence ?
5) Quelles sont les fêtes et coutumes francophones que vous et votre famille célébrez ?
6) Quand vous organisez des fêtes ou des événements sociaux, est-ce que vous parlez
plus souvent français ou anglais ? Est-ce que ces événements ont lieu à la maison ou
ailleurs ? À quelle fréquence ?
III) LANGUES : SPHÈRE PUBLIQUE
Donner des exemples de l’usage du français en dehors de la maison (Ex : à l’école, au
travail, dans des organismes culturels).
291
ÉCOLE
1) Est-ce que vos enfants fréquentent une école francophone, une école anglophone
avec un programme de français langue seconde, avec un programme d’immersion ou
sans enseignement de français ?
2) Participez-vous à des activités organisées par l’école ? Si oui, auxquelles en
particulier ?
3) Si cela s’applique, pensez-vous que vos enfants seront bilingues ?
TRAVAIL
1) Quelle est votre profession actuelle ?
2) Utilisez-vous le français, l’anglais ou les deux le plus souvent à votre travail ?
Expliquer dans quels contextes vous utilisez le français.
ORGANISMES CULTURELS ET SERVICES EN FRANÇAIS
1) Êtes-vous membres d’organismes culturels francophones ou anglophones ? Si oui,
lesquels ? À quelle fréquence participez-vous à leurs réunions, activités régulières et
événements spéciaux ?
2) Pensez-vous que les organismes francophones ainsi que leurs événements et activités
contribuent à votre vie en français ? Pourquoi ?
3) Quels sont les services francophones que vous utilisez ? (Ex : communautaire,
municipal, provincial, fédéral)
LOISIRS ET VOYAGES EN RÉGIONS FRANCOPHONES
1) Quels sont vos loisirs? Quels sont ceux que vous faites principalement en français ?
Quels sont ceux que vous faites avec les membres de votre famille, vos amis ou vos
collègues ?
292
2) Est-ce que vous voyagez régulièrement dans des régions francophones ? Seul(e) ou
en famille ? Pour le travail ou le tourisme? Pourquoi privilégiez-vous ce type de
séjours ?
3) Est-ce que vous rendez visite à de la famille ou à des amis qui habitent dans des
régions ou pays francophones ? Si oui, à quelle fréquence ?
INTERPRÉTATION GÉNÉRALE
1) L’utilisation du français ou de l’anglais est-elle problématique à la maison ?
2) Est-ce que vous ou votre famille avez déjà fait l’objet de discrimination, reçu des
insultes ou été tourné(es) en ridicule parce que vous parliez français ? Dans quels
contextes ?
3) Est-ce que ces expériences négatives ont influencé la fréquence d’utilisation du
français dans votre famille par la suite ?
4) (Si bilingue, français/anglais) Aimez-vous votre style de vie bilingue ? Êtes-vous
fier/fière de votre capacité à parler les deux langues officielles du Canada ? Pourquoi ?
Trouvez-vous qu’être bilingue est un avantage dans votre vie quotidienne ? Pourquoi ?
5) Comment est-ce que vous vous définissez linguistiquement (anglophone,
francophone ou bilingue) et culturellement (Acadien(ne), Franco-Albertain(e), Autre
Franco-Canadien(ne), Franco d’un autre pays, Canadien-français, Québécois) ?
Donner des exemples de contextes dans lesquels vous utilisez certains labels pour vous
auto-identifier.
6) Est-ce que les identités linguistiques et culturelles que vous revendiquez ont déjà été
contestées par d’autres personnes ? Si oui dans quels contextes ?
7) Place à vos commentaires, remarques et suggestions : ils viendront complémenter
cette enquête !