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TROIS QUATORZELe journal de PIE — NumĂ©ro 59 — 2019

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PROGRAMMES INTERNATIONAUX D’ÉCHANGES — 04 42 91 31 00 / 01 55 78 29 90 — 87 BIS RUE DE CHARENTON, 75012 PARIS / 39 RUE ESPARIAT, 13100 AIX EN PROVENCE —WWW.PIEFRANCE.COM — WWW.AMÉRIQUEAUPAIR.ORG — ASSOCIATION À BUT NON LUCRATIF, LOI DE 1901 — N° SIRET : 324 285 204 00032 — APE : 9499Z — CERTIFICATD’IMMATRICULATION : ATOUT FRANCE (ARTICLE R111-21 DU CODE DE TOURSIME) : IM075110045 — GARANTIE FINANCIÈRE : HSBC — RCP : GENERALI — MEMBRE DE L’OFFICE —MEMBRE DE L’U.N.A.T — MEMBRE DE L’U.N.S.E. MBRE DE L’OFFICE NATIONAL DE GARANTIE DES SÉJOURS ET STAGES LINGUISTIQUES

Retrouvez TROIS QUATORZE : www.piefrance.com / Facebook : www.facebook.com/journaltroisquatorze / Instagram : pietroisquatorzeÉcrire Ă  TROIS QUATORZE : [email protected] / Rejoindre le RÉSEAU PRO DE PIE : www.piefrance.com/linkedinDE DES SÉJOURS ET STAGES LIN-

GUISTIQUES

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’ASSOCIATION PIE — CONVOCATION ET MANDATCet avis tient lieu de convocation — Mandat à retourner à PIE, 39 rue Espariat, 13100 AIX EN PROVENCE

La prochaine ASSEMBLÉE GÉNÉRALE (A.G.) de PIE se tiendra le lundi 1er juillet 2019, Ă  18 h, au siĂšge social de l’association, au 87 bis rue de Charenton, Ă  PARIS 75012. L’ordre du jour de l’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE sera le suivant :● Approbation du compte-rendu de l’assemblĂ©e 2018 ● Rapport moral et financier de l’exercice clos le 31.10.18 ● Renouvellement du conseil ● Fixation de la cotisation annuelle ● Questions diverses.

Je soussignĂ©(e) : , absent(e) lors de l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale ordinaire (A.G.),

donne pouvoir Ă  : , pour m’y reprĂ©senter et participer Ă  tout vote en mon nom.

Fait à : , le Signature, précédée de la mention « Bon pour pouvoir »

Sommaire du numéro 59

IMAGES ET RÉCITS DES PARTICIPANTS — PP. 4, 10 Ă  15, 20 Ă  23, 27, 30 Ă  32TĂ©moignages des participants aux programmes de longue durĂ©e Ă  l’étranger.Un numĂ©ro axĂ© tout particuliĂšrement sur l’amitiĂ©.

LES MÉTAMORPHOSES D’ALICE — PORTRAIT RÊVÉ — PP. 16 Ă  18Un participant, « fait de tous les participants, qui les vaut tous et que vaut n’importe qui ».

DÉSTABILISER DANS LE CADRE — ENTRETIEN — PP. 24 Ă  26Mathieu Baldit a engagĂ© le lycĂ©e d’Espalion dans un projet ambitieux d’accueil delongue durĂ©e d’élĂšves internationaux.

LE RÉSEAU PRO DE PIE — P. 28 Ă  29Margherita Incerti : « La France est une sƓur ».

CARNET DE L’ASSOCIATION — P. 34

TROIS QUATORZE ïżœ LE JOURNAL DE PIE ïżœ PROGRAMMES INTERNATIONAUX D’ÉCHANGES

Couverture : Juliette, Sydney, Ohio — Participante au programme 2x6 / USA-Mexique — 2018-2019Dos de couverture : Rosalie, Glandale, Arizona — Participante au programme d’une annĂ©e scolaire aux USA — 2017-2018

VOCATION & ACTION DE PIE — PARTIR OU ACCUEILLIR — L’ASSOCIATION ORGANISE, EN FRANCE ET À L'ÉTRANGER, DES SÉJOURS CULTURELS DE LONGUE DURÉE, EN DEHORS DETOUTE CONSIDÉRATION SOCIALE ET ETHNIQUE, ET INDÉPENDAMMENT DE TOUT POUVOIR POLITIQUE, IDÉOLOGIQUE OU RELIGIEUX : ÉCHANGE TRIMESTRE, SEMESTRE OU ANNÉE SCOLAIRE — ACCUEILLIR UN LYCÉEN ÉTRANGER — ÉTUDES UNIVERISTAIRES AUX USA — AU PAIR AUX USA (L’AMÉRIQUE AU PAIR))NTIE DES SÉJOURS ET STAGES LINGUISTIQUES

3.14 — Direction de la Publication : PIE — Gratuit — n° 59 — 10 000 ex. — RĂ©daction : Xavier Bachelot — Maquette & graphisme : JosĂ© Maria Gonzalez & Xavier Bachelot — Assistante de rĂ©daction : Pauline ArnouldPhotos et textes : les participants PIE — Ont participĂ© Ă  la crĂ©ation de ce numĂ©ro : Afif Boucetta, BĂ©nĂ©dicte DĂ©prez, Sarah Gonzales, AndrĂ©e Hamonou, Anne-Nelly LLorca, Maya Ludwiczak, Camille Olive, Sarah Souini...

38E ANNÉE — « Quiconque a beaucoup vu peut avoir beaucoup retenu » La Fontaine — N° 59 — NE PEUT ÊTRE VENDU

COMPAGNON DE ROUTE DE PIE, LE JOURNAL TROIS QUATORZE RELATE LA VIE ET L’EXPÉRIENCE DES ADOLESCENTS ET DES FAMILLES QUI SE LANCENT DANS L’AVENTURE DU SÉJOURSCOLAIRE DE LONGUE DURÉE — TROIS QUATORZE PUBLIE DEPUIS PLUS DE TRENTE ANS ENTRETIENS, TÉMOIGNAGES, REPORTAGES, PORTRAITS...O

Mascotte promo 2018-2019La Sardine Citrouille

Sardine — C.N.T.R.L. A. − ICHTYOL. Petit poisson de

la famille des Clupéidés, trÚs abondant dans les mers

d'Europe, au corps en forme defuseau recouvert d'Ă©caille lisses,

argentĂ©es, qui vit en bancs etdont la chair est estimĂ©e. Bancde sardines; pĂȘche Ă  la sardine;

sardine bretonne, portugaise;sardine de Royan, de Marseille;

sardine de dérive; grandesardine (synon.pilchard).

Citrouille — WIKIPEDIALe citrouille est un nom de cou-leur dĂ©signant des nuances du

champ chromatique desorange, en référence à la couleur

extérieure ou intérieure de laCitrouille ou du Potiron.

FRIENDS GRAFFITIMathilde, Toronto, OntarioÉchange Trimestre Canada

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Je vis actuellement la meilleure annĂ©e de ma vie.Partir 10 mois, loin de ma famille et mes amis, dansune langue et un pays Ă©tranger, ou opter pour maroutine française, celle que je vis depuis 16 ans ?Cette question, je me la suis posĂ©e des centaines de fois. Je suis fiĂšre d’avoir choisi la premiĂšre option. Je vais vous raconter comment, en une semaine, ma vie a complĂštement changĂ©. J’entrais en terminale et je n’avais aucune idĂ©e dece que je voulais faire aprĂšs le bac. Dans ma tĂȘtej’étais perdue : j’avais envie de partir, mais peur delaisser ma famille et mes amis derriĂšre moi. Celame semblait impossible de vivre aussi longtempsloin de mon entourage. Au final, mes parents m’ontproposĂ© de choisir ce programme. Je ne les en remercierai jamais assez. En juillet, on m’a annoncĂ© que j’avais une famille !J’ai sautĂ© de joie : j’étais plus excitĂ©e que jamais !Un mois et demi plus tard, me voilĂ  envolĂ©e versl’inconnu sans idĂ©e de ce qui m’attendait. Lepremier mois est le plus difficile, car on ne comprend pas l’accent et on parvient Ă  peine Ă  sefaire comprendre. Je me revois, revenant de monpremier match de rugby, et ma mĂšre d’accueil quime demande si j’avais « Any bruises » (« Des bleus ? »).J’ai rĂ©pondu « No, thanks ! » et toute ma famille a ri :j’étais vraiment perdue. Aujourd’hui je suis fiĂšredes progrĂšs que j’ai accomplis et fiĂšre de pouvoirparler anglais correctement, de pouvoir regarderune sĂ©rie en VOSST (version originale sans

sous-titres). Le premier mois est le plus difficile, mais aussi un des plus excitants. IntĂ©grer la « High School », aller aux premiers « Football Games » avec les « Pom Pom girls » et finir les cours Ă  2:30pm
 ça c’est magique
 c’est comme jouer dans un film ! Au dĂ©part,j’intriguais et j’intĂ©ressais les gens, car j’étais Ă©trangĂšre ; ils voulaient en savoir plus sur la France, notre culture, etc. Je me suis donc ditque ça allait ĂȘtre facile de me faire des amis ! Mais ça a durĂ© deux semaines et aprĂšs, le trou noir ! Heureusement il y a d’autres« Exchange Students » dans mon lycĂ©e et ça m’a permis de crĂ©er des amitiĂ©s trĂšs fortes. Et puis au fur et Ă  mesure que le temps a passĂ©, j’ai pris confiance en moi et j’ai pu crĂ©er des amitiĂ©s incroyables. Il faut surtout persĂ©vĂ©rer et oser aller vers les gens, car, c’est sĂ»r, ce n’est pas eux qui viendront Ă  vous. Je conseille Ă  tous de participerau maximum de clubs et de pratiquer le plus de sports possibles, afin de rencontrer des personnes. Pour ma part, j’ai directement intĂ©-grĂ© l’équipe de rugby avec ma « Host Sister »  aux cĂŽtĂ©s de cette autre « famille », j’ai pu prendre confiance en moi.

RÉCITS des participants aux sĂ©jours scolaires de longue durĂ©eMÉMOIRE D’UNE ANNÉE — Ils ou elles sontparti(e)s pour un an Ă  l'Ă©tranger. Elles ou ilsnous envoient de leurs nouvelles. Dans ce nu-mĂ©ro, il est plus spĂ©cialement question de ren-contres et d’amitiĂ© : Tom Ă©voque ses potes denatation, Juliette nous parle de Laura et MaĂŻwen

de Mako
 Laura loue sa petite sƓur, Fabrice etSandra leur fille d’accueil... Marguerite pleure lasĂ©paration d’avec sa grand-mĂšre japonaise,avant de conclure par ces mots : « Les rencontresque l’on fait, c’est ce qui donne son caractĂšre Ă notre sĂ©jour. »

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VOSSTApolline, Grand Haven, MichiganUne annĂ©e scolaire aux États-Unis

GIRL FRIENDSPauline, Manor, Texas — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

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& AMIESAudrey, Edgewood, Iowa — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

AMIS...Louis, Toronto, Ontario - Échange Trimestre Canada

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GREEN CRUISEPhilomĂšne, Trussville, Alabama — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

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BLUE MOONPierrick, Williston, North Dakota — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

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EN GUISE D’ÉDITORIAL — PIE & LE PETIT CHAPERON ROUGE

C’est sans doute le plus cĂ©lĂšbre des contes. Son personnage principal, Le Petit Chaperon rouge, donne son nom Ă ses deux versions les plus rĂ©pandues (parmi la centaine qu’on dĂ©nombre).

L’argument est limpide : une jeune enfant est invitĂ©e par sa mĂšre Ă  rejoindre sagrand-mĂšre et Ă  lui apporter de quoi se restaurer. Il lui faut pour cela traverser la forĂȘt. MalgrĂ© les recommandations maternelles, le Petit Chaperon quitte lechemin, s’égare en forĂȘt et y rencontre le loup. Ce dernier la charme et la distrait :il l’invite Ă  cueillir des fleurs. Pendant que la petite batifole, le Loup la devance etse prĂ©sente, avant elle, Ă  la demeure de la Grand-mĂšre. Il dĂ©vore cette derniĂšre,se substitue Ă  elle. Plus tard, il accueille le Chaperon qu’il dĂ©vore Ă  son tour.

Les variantes et dĂ©tournements du conte ne manquent pas : en tout genre, entout lieu, en tout temps. Quant aux interprĂ©tations, elles sont lĂ©gionsĂ©galement : psychanalytiques, sociologiques ou anthropologiques, sombres,rĂ©alistes ou romantiques
 Toutes ou presque s’accordent Ă  voir dans la forĂȘtun symbole du monde extĂ©rieur, un univers semĂ© d’obstacles et de tentations.Le loup, symbole de la plus puissante d’entre elles, s’impose comme le prĂ©dateurabsolu qui menace, dans tous les sens du terme, l’intĂ©gritĂ© physique et moralede la petite fille. Pour la plupart des exĂ©gĂštes, la piĂšce Ă  l’évidence se joue Ă  quatre personnages et la lutte se circonscrit Ă  une opposition fĂ©minin/masculin :le loup versus la fille, sa mĂšre et sa grand-mĂšre.

Dans la version qui nous intĂ©resse —celle des frĂšres Grimm—, souvent qualifiĂ©e d’édulcorĂ©e, un cinquiĂšme larron intervient : le chasseur. C’est lui qui,dans l’épilogue, arrive en sauveur, pour ouvrir le ventre du loup et en extraire

encore vivants et le Chaperon et sa grand-mĂšre. Ce « happy-end » est en fait trĂšsintĂ©ressant, car il modifie sensiblement la lecture de l’ensemble du drame. Attachons-nous dĂ©jĂ  Ă  un dĂ©tail. Il est Ă©crit, dans les premiĂšres lignes du conte :« On appela dĂ©sormais [la fillette] le Petit Chaperon rouge
 », comme pourbien souligner que le protagoniste principal est une fille, mais que son appellation courante, le « Petit Chaperon » fait d’elle aussi un garçon, et que legenre, en l’occurrence, importe peu. Notre petit Chaperon, c’est clair, est Ă  lafois fille et garçon.

Si on regarde le rĂŽle de la mĂšre, on se rend compte que, d’un cĂŽtĂ©, elle prendtoutes les prĂ©cautions pour prĂ©venir sa fille du danger, mais que de l’autre, c’estelle qui paradoxalement la « met en danger » en l’envoyant seule dans la forĂȘtinconnue, menaçante et immense : la mĂšre jette donc —et Ă  proprement par-ler— sa fille « dans la gueule du loup ».Attachons-nous maintenant au L oup et posons-nous les questions suivantes : si le but de ce dernier est de « dĂ©vorer » le Chaperon, pourquoi, lors de sa premiĂšre rencontre avec la fillette dans la forĂȘt, ne se jette-t-il pas directementsur elle et ne se rend-il pas ensuite (et seulement ensuite) Ă  la maison de lagrand-mĂšre, pour la dĂ©vorer Ă  son tour ? À quoi lui sert ce stratagĂšme de l’invitation Ă  la cueillette et Ă  la dĂ©couverte des plaisirs de la forĂȘt ? Et si la mĂ©taphore sexuelle —clĂ© de la lecture psychanalytique— est fondĂ©e, comment expliquer que le loup s’intĂ©resse autant Ă  la grand-mĂšre qu’à la jeune fille ?

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UN GRIMM PRESQUE PARFAIT

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De la grand-mĂšre, le conte ne nous dit pas grand-chose sinon qu’elle a de grandesoreilles, de grands yeux, de grandes mains et une « grande gueule » (!)... qu’ellea, autrement dit, tous les attributs de l’expĂ©rience et de la sagesse : ceux du« bien entendre » (=comprendre), du bien voir, du bien saisir (comprendre encore), et du bien parler.

Reprenons maintenant l’ensemble et admettons que le Chaperon, sa mĂšre, sagrand-mĂšre, le Loup et le Chasseur ne fassent qu’un, qu’ils ne soient autres queles cinq versants d’un mĂȘme personnage. Tout alors s’éclaire diffĂ©remment. Relisons l’histoire. La mĂšre du Chaperon devient maintenant un double de lapetite fille, une voix intĂ©rieure qui ordonne Ă  l’enfant d’aller voir le monde, mais qui dans le mĂȘme temps l’invite Ă  s’en mĂ©fier. C’est cette voix qui incitele Chaperon Ă  faire le « grand voyage »  mais qui tient aussi et avant tout Ă l’y prĂ©parer. Une voix connue de tous, celle qui nous dit « Oui » et qui nous dit« Non ». La forĂȘt reste la forĂȘt, cet ocĂ©an intĂ©rieur Ă  traverser, cet AtlantiqueĂ  vaincre, ce monde inconnu plein de piĂšges Ă  surmonter, de beautĂ©s Ă  contempler, de nouveautĂ©s Ă  expĂ©rimenter.

Le Loup ce n’est plus le mĂąle, mais le mal
 un Ă©quivalent baroque de la tentation. Il est Ă  la fois le plaisir et les dangers associĂ©s au plaisir ; il est lespulsions les plus vives du Chaperon (pour ne pas dire ses dĂ©mons) ; il incarneles forces contradictoires qui nous habitent, nos conflits intĂ©rieurs ; il est celuiqui mange et qui nous pousse Ă  manger ; celui qui nous invite Ă  nous « perdre »en prenant des chemins de traverse. Le Loup est lui aussi —et bien entendu—le double de la grand-mĂšre, puisqu’un simple bonnet de nuit, mal ajustĂ© sur sa tĂȘte, suffit Ă  faire illusion sur la petite fille et Ă  « tromper son monde ».

Et la grand-mĂšre —elle dont on apprend qu’elle sort du mĂȘme ventre que l’en-fant (et au mĂȘme moment qui plus est)— qu’est-elle donc, sinon un autre dou-

ble du Chaperon ? « Quand le chasseur eut donnĂ© quelques coups de ciseaux, ilaperçut le rouge du Chaperon [
], puis la vieille grand-mĂšre sortit Ă  son tour,vivante elle aussi ! » La grand-mĂšre c’est notre Chaperon devenu grand,c’est celle/celui qui a tout appris de la grande traversĂ©e. La grand-mĂšre c’estl’adulte en puissance.

Oh, comme il nous parle ce conte, Ă  nous tous qui choisissons de voyager de par le monde (au sens premier du terme), qui voulons repousser nos frontiĂšres,affronter l’inconnu des terres lointaines, des rivages et des visages exotiques. La psychanalyse voit dans le rouge du petit chaperon la couleur des Ă©motionsviolentes de la sexualitĂ©. Le moyen-Ăąge et sa symbolique y voyaient un signe deprotection
 Question de lecture et d’époque. Le conte dans la version desfrĂšres Grimm eĂ»t Ă©tĂ© Ă  nos yeux parfaitement juste si, au lieu d’ĂȘtre rouge, lechaperon en question eĂ»t Ă©tĂ© jaune et bleu. En se parant des couleurs de PIE,l’histoire aurait reflĂ©tĂ© avec encore plus de justesse notre rĂ©alitĂ© et aurait fait dece conte incontournable la plus belle des paraboles de ce voyage initiatique quereprĂ©sente, Ă  l’heure oĂč l’on quitte l’enfance, une annĂ©e de vie loin des siens.

Cette dĂ©cision de s’éloigner loin et longtemps —toutes les Ă©ditions de 3.14, entĂ©moignent—demande un peu de cette force et de ce courage liĂ©s Ă  ce que lesadultes appellent « prise de risque » ou « insouciance ». Cette dĂ©cision de vivre unan Ă  l’étranger, les adolescents la prennent pourtant —et seuls parfois—,confiants dans ce que l’avenir leur rĂ©serve, car conscients que, quoi qu’il advienne,ce sont eux qui traceront leur voie et qui tireront les enseignements de leur dĂ©marche. Pour nos participants, le voyage n’est pas une « mise en danger », maisbien une mise en perspective. Ils savent d’instinct qu’en empruntant ce chemin detraverse du sĂ©jour long, ils affronteront autant de joies que de peines, d’« anges »que de « dĂ©mons » ; et ils sentent, en bons Chaperons, que de l’autre cĂŽtĂ© de leurforĂȘt se cache un bout de leur identitĂ© et se joue un peu de leur avenir.

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Il y a un an, je lisais les articles du journal de PIE ; je les montraisĂ  mes parents pour essayer de les convaincre de me laisser partir,et pour essayer de me persuader moi-mĂȘme de sauter le pas « de le faire ». Et tout s’est fait si vite !J’ai eu l’idĂ©e de partir en voyant une publicitĂ© dans des annales de brevet : c’était le 20 fĂ©vrier. Le 25, je recevais mon dossier, il n’yavait plus qu’à le complĂ©ter. Et, mi-mars (sans trop savoir encoredans quoi je m’engageais), j’ai envoyĂ© ce dossier Ă  PIE. Oui, pourmoi, c’est lĂ  que l’aventure a commencĂ© : au moment oĂč j’ai postĂ©mon dossier ! Pendant quatre mois, je savais que je partais aux USA, mais je ne savais pas quand, je ne savais pas dans quel État, je ne savaispas chez qui. Je savais juste qu’il n’y avait plus qu’à attendre.Le 24 aoĂ»t, j’ai enfin pris l’avion. Je me sentais plus libre quejamais, j’étais avec d’autres jeunes de PIE, on s’envolait, on allait passer cinq jours ensemble Ă  visiter NYC, Washington et Philadelphie. C’était un peu comme une colonie de vacances : on oubliait un peu le stress et la peur, on essayait juste de resterconcentrĂ©s sur le moment prĂ©sent.Six mois aprĂšs, je rĂ©alise que ma vie a changĂ© d’une façon bienplus profonde qu’attendue. Jusque-lĂ , je n’ai pas Ă©tĂ© « homesick »— alors que c’est ce que je redoutais le plus.Pour autant tout n’a pas Ă©tĂ© parfait
CĂŽtĂ© linguistique par exemple, j’ai compris qu’il fallait s’armer depatience, qu’on ne devait jamais baisser les bras et toujours serappeler les raisons pour lesquelles on Ă©tait venu. En fait, les personnes que l’on rencontre, la famille d’accueil, les nouveauxamis, n’attendent pas de toi que tu sois bilingue, la seule chosequ’ils veulent, c’est que tu essaies et que tu leur montres que tuveux progresser. Je sais aujourd’hui que la langue n’est qu’unĂ©lĂ©ment de l’intĂ©gration, et que, dans ce domaine, un sourire estuniversel et qu’il peut remplacer tous les savoirs !Je tenais Ă  parler de tout ça, car dans les tĂ©moignages de « Trois Quatorze » — que je lisais il y a un an maintenant, Ă  lamĂȘme pĂ©riode — je cherchais les rĂ©ponses Ă  toutes ces questionsau sujet de mon annĂ©e Ă  venir et des difficultĂ©s qui m’attendaient.Cher futur participant, dis-toi une chose : tout ce que tu peuximaginer, tout ce que tu peux penser avant ton dĂ©part, n’est quela « partie cachĂ©e de l’iceberg ». Parce que, crois-moi, quand bienmĂȘme, en montant dans l’avion, tu penses avoir planifiĂ© tes dixprochains mois, tu n’as pas la moindre idĂ©e de ce qui t’attend.Ce que tu vas vivre est bien plus fort que tu ne le penses et vabien au-delĂ  de tes attentes : tu vas apprendre et dĂ©couvrir plusde choses que tu ne l’imaginais, tu vas devoir te confronter Ă  dessituations que tu n’aurais jamais mĂȘme envisagĂ©es
 et tu vasgrandir plus que jamais. Il se peut que mon tĂ©moignage ne prennetout son sens qu’au moment oĂč tu vivras ce que je suis en trainde vivre, et que tu ne comprennes ce qu’il y a Ă  comprendre qu’enle vivant toi-mĂȘme. Si tu lis cette lettre et que tu hĂ©sites encore Ă partir, arrĂȘte d’hĂ©siter : saute dans le vide. N’aie aucune attente,sois juste ouvert. On ne peut pas mettre de mots sur une aventure comme celle-lĂ .Il me reste encore quatre mois Ă  vivre ici et j’ai la vague impres-sion d’ĂȘtre arrivĂ©e hier. Je sais que cette impression sera encoreplus forte quand, le 22 juin, je serai Ă  l’aĂ©roport et qu’il s’agira derentrer dans mon autre pays, de rejoindre mon autre famille etmon autre maison. Mon cƓur maintenant bat aussi ici, auxÉtats-Unis, comme il bat lĂ -bas, en France.

UN SOURIRE DE TOIOrienda, AmĂ©ricaine, Chevenoz — Une annĂ©e en France

UN SOURIRE VAUT UN SAVOIRMathilde, Toronto, Ontario — Échange Trimestre Canada

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Les semaines qui suivent l’arrivĂ©e sont trĂšs intĂ©ressantes carce sont celles de la dĂ©couverte. C’est amusant de mesurer lenombre d’émotions qui te traversent et que tu ressens sur unesi courte durĂ©e ! Depuis le premier jour, je fais vraiment partiede la famille. J’ai un petit frĂšre de six ans et une petite sƓur detrois ans. Ils m’appellent « Grande SƓur ». Nous faisons beau-coup d’activitĂ©s ensemble : restaurant, piscine, anniversaires...En ce qui concerne l’école, nous commençons Ă  7h30 tous lesjours et finissons Ă  14h30. Les journĂ©es sont plutĂŽt courtes, ce qui permet de faire des activitĂ©s dans les clubs du lycĂ©e. Je suis dans l’équipe de basket du lycĂ©e. La saison n’a pas encore commencĂ©, mais on se prĂ©pare dĂ©jĂ , sur la base de quatre entraĂźnements par semaine. C’est intense, mais tellement amusant ! Je me suis fait beaucoup d’amis, et jecontinue Ă  m’en faire, puisque les gens qui m’entourent sonttrĂšs ouverts d’esprit. Je fais du shopping, je vais au restaurant,je vais voir des matchs de football amĂ©ricain
 et j’ai lachance d’ĂȘtre dans un lycĂ©e qui se trouve Ă  10 minutes de la plage. En bref, l’expĂ©rience est incroyable !

Ça a Ă©tĂ© dur pour moi de quitter ma famille, mais le fait qu’il y ait, avant le dĂ©part ce petit stage m’a permis de faire larencontre de personnes qui sont devenues aujourd’hui devĂ©ritables amis. On se soutenait tous. L’ambiance Ă©tait trĂšsbonne ! Les dĂ©buts au Canada ont Ă©tĂ© un peu difficiles, car ma famille me manquait, et parler anglais tout le temps Ă©tait unvrai challenge. Ma famille d’accueil a Ă©tĂ© adorable avec moi ! Ils m’ont emmenĂ©e Ă  Ottawa, aux chutes du Niagara, Ă  la CN Tower,aux « Blue Jays Game », on a fait un tas d’activitĂ©s ! Au fil dutemps, mon anglais s’est amĂ©liorĂ©, et au moment oĂč les coursont dĂ©butĂ©, j’ai vraiment ressenti un dĂ©clic : ce fut plus simplepour moi de communiquer. J’ai adorĂ© suivre les cours auCanada et cela m’a permis de faire de fabuleuses rencontres.La relation que j’ai entretenue avec ma correspondante Ă©tait gĂ©niale : on partageait tout, elle est devenue une amie. Le dialogue s’est vite installĂ©. Elle m’a fait connaĂźtre les spĂ©cialitĂ©s du Canada, les lieux ou activitĂ©s cultes. Le soiron regardait des films ou sĂ©ries, on partageait beaucoup.Elle m’a habillĂ©e comme une vraie Canadienne et je compte bienfaire de mĂȘme Ă  son arrivĂ©e en France. Elle m’a prĂ©sentĂ©e Ă  sesamis et grĂące Ă  elle, mon expĂ©rience a pris une autre tournure. Nous sommes trĂšs fusionnelles et trĂšs complices.Je me rĂ©jouis de l’accueillir en France. Quand je me suis inscrite au programme, j’avais peur que ce sĂ©jour soit trop long
 et tout, en fait, a filĂ© trop vite.

ÇA VA TROP VITEMathilde, Toronto, Ontario — Échange Trimestre Canada

MA PETITE SOEUR & MON PETIT FRÈRE AMÉRICAINSLaura, Coconut Creek, Florida — Une annĂ©e scolaire aux États-UnisVoir image en page 33

MA PETITE SOEUR AMÉRICAINEMatĂ©a, Stone Mountain, Georgia — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

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Une anecdoteJe venais juste d’arriver chez ma famille d’accueil, et en voulant prendre une douche et me changer, j’ai dĂ©couvert que je n’avais pas de sous-vĂȘtements de rechange
 En changeant de valise, mes parents avaient oubliĂ© de transvaser mes sous-vĂȘtementsqui Ă©taient cachĂ©s dans une poche dans la nouvelle valise. J’ai dĂ» demander le premier jour oĂč je pouvais acheter quelques sous-vĂȘtements en attendant que mesparents m’en envoient. Sympa pour briser la glace... Un conseilAvant de partir n’essaie pas d’imaginer ce que pourrait ĂȘtre ta vie lĂ -bas, car turisques d’ĂȘtre déçu. Accepte toutes les opportunitĂ©s qui s’offrent Ă  toi, mĂȘme si ellesn’ont pas grand-chose Ă  voir avec ce que tu imaginais. Un regretEn dĂ©but d’annĂ©e, j’ai « mal choisi » certains de mes amis et je l’ai regrettĂ© par lasuite
 je ne me sentais pas Ă  ma place et dans certaines situations, je me suis sentierejetĂ©e. C’est seulement au bout du sixiĂšme mois que j’ai rĂ©agi alors que j’aurais dĂ» lefaire bien plus tĂŽt et cela m’aurait Ă©vitĂ© pas mal de problĂšmes. Mon meilleur souvenirMon voyage en Californie. En plus de rĂ©aliser mon rĂȘve d’aller en Californie, j’ai faitmes plus belles rencontres ! Une dĂ©dicace Ă  mon amie Lina de Berlin ! On n’est restĂ©es que 10 jours ensemble et Ă  la fin on ne voulait pas se quitter. Mon pire souvenirLes entraĂźnements de natation Ă  5h30 du matin. Ce que j’ai apprisBeaucoup de choses sur moi-mĂȘme, mes limites et mes envies. J’ai aussi appris Ă m’engager dans les causes qui sont importantes pour moi. Par exemple j’ai fait lamarche des femmes Ă  Raleigh et j’ai aussi marchĂ© pour honorer les victimes du shooting en Floride et pour dire « Non » aux armes Ă  feu dans les lycĂ©es. Ce que je vais regretter une fois en FranceLa relation Ă©tudiant/professeur et la libertĂ© qu’on a au lycĂ©e. Un dernier conseil pour la routeSi tu te sens « Homesick », essaie d’en parler, de poser des mots sur ce que tu ressens.Pendant tout le mois de fĂ©vrier, j’étais en dĂ©pression car je voulais rentrer et retrouverma famille et mes amis. J’ai donc rejetĂ© mes amis car je croyais que je me sentaismieux seule. C’était faux. Il a fallu qu’une amie me remette les pendules Ă  l’heurepour que j’accepte enfin leur aide.

Lorsque j’ai choisi mes cours pour monannĂ©e aux États-Unis, ma mĂšre d’accueilm’a proposĂ© ce que l’on appelle « JROTC »(Junior Reserve Officers’ Training Corps).C’est, en quelque sorte, une formation qui permet d’apprendre les bases pourdevenir soldat dans l’armĂ©e amĂ©ricaine.J’ai Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ© d’avoir Ă©tĂ© choisi, moi qui suis de nationalitĂ© française !VoilĂ  donc un mois que je suis impliquĂ©dans la vie militaire de mon unitĂ© (A23 :Alpha, 2nd Peloton, 3rd Squad). Je portele treillis militaire amĂ©ricain tous les jeudis et je participe Ă  des Ă©vĂ©nementssportifs (sortie dans un camp de scoutspar exemple). Mais mon activitĂ© favoriteau sein de ce cours est la « Raider Team ».C’est une Ă©quipe d’une vingtaine d’élĂšvesqui s’entraĂźne physiquement 3 fois parsemaine (lundi, mercredi, vendredi), le matin de 5h50 Ă  6h50 avant l’école.J’ai souhaitĂ© m’investir totalement donc je me suis inscrit ! C’est une chose merveilleuse. On apprend Ă  travailler ensemble et l’entraĂźnement est complet.Je suis prĂȘt Ă  poursuivre cette formationdurant toute mon annĂ©e amĂ©ricaine !

NORTH CAROLINAHĂ©loĂŻse, Raleigh, North Carolina — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis Image en page 16

PENNSYLVANIATom, Butler, Pennsylvania Une annĂ©e scolaire aux États-Unis Texte et Image : ci-dessus et ci-dessous

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FLORIDALaura, Coconut Creek, Florida

Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

MONTANAGengis, Harding, MontanaUne annĂ©e scolaire aux États-Unis Images : ci-contre (droite et gauche)

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La premiĂšre fois que j’ai entendu parler dePIE, c’était par un ami qui Ă©tait effondrĂ© carsa fille de 16 ans venait de lui demander del’accompagner Ă  Paris pour passer un testd’anglais – et qui avait prĂ©cisĂ© : « Viens avecton chĂ©quier ! » Elle avait montĂ© toute seuleson dossier pour partir une annĂ©e. Ma premiĂšre rĂ©action fut viscĂ©rale : jamais ! Jamais je ne survivrais Ă  dix mois sans « mon » Julien (il avait 10 ans). Mais j’étaistranquille : il Ă©tait timide, rĂȘveur, trĂšs atta-chĂ© Ă  sa famille, collĂ© Ă  sa maman. Ça mesemblait impossible. Pas du tout le profil !Puis Julien est arrivĂ© en troisiĂšme
 et Ă  lalimite du dĂ©crochage scolaire. L’impasse.Nous cherchions des solutions et nous noussommes inscrits, juste pour voir, Ă  une rĂ©union d’information PIE — associationque j’avais pris grand soin d’oublier

SAVOIR FORCER SA NATUREMĂšre de Julien Ortonv ille, Michigan - Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

entre-temps. Lorsque Sarah a parlĂ© des dix mois sans voir les enfants, j’ai compris que nous « y » Ă©tions, nous aussi. C’était Ă  moid’ĂȘtre effondrĂ©e car, Ă©videmment, Julien Ă©tait enthousiaste. Le dossier a Ă©tĂ© montĂ© trĂšs rapidement. Mais nous avons pris le temps debeaucoup discuter. Le contrat Ă©tait clair entre nous : ce serait une annĂ©e rien que pour lui. Il serait dans une famille et il devrait vivreselon ses rĂšgles, pas selon les nĂŽtres. Il devait simplement ĂȘtre assurĂ© de notre amour et de notre soutien. De notre cĂŽtĂ©, il n’était pasquestion de rester prostrĂ©s Ă  l’attendre
 Il nous a fallu beaucoup de courage. Une anecdote amusante : pendant le WE d’intĂ©gration de mai, Julien avait hĂ©ritĂ© d’un prĂ©nom –Pollux– qui Ă©tait son nom de codependant ma grossesse. À partir de ce moment, j’ai arrĂȘtĂ© de douter. Il est donc parti pour le Michigan. Tendu mais courageux.Sans se retourner. Personne n’a pleurĂ©. En rentrant de l’aĂ©roport, j’ai transformĂ© sa chambre en bureau. Le dĂ©but d’une « sĂ©parationde vie familiale » de dix mois.Le premier semestre vient de s’achever. Julien a connu des hauts et des bas. Il a changĂ© de famille, changĂ© de lycĂ©e. Il a appris Ă s’adapter sur le tas. Il a su dĂ©velopper une grande capacitĂ© de rĂ©silience. Il aurait pu se sentir rejetĂ© —surtout qu’il n’a pas comprisimmĂ©diatement les raisons de son « exfiltration » du premier foyer— mais il a rĂ©ussi Ă  positiver cette expĂ©rience. Il a Ă©crit Ă  sa mĂšreamĂ©ricaine pour la remercier de son accueil et il a Ă©tĂ© ravi de dĂ©couvrir un nouvel environnement : passer d’un lycĂ©e de 150 Ă  1500Ă©lĂšves et d’une ville de 450 Ă  22.000 habitants, ça vous change la vie ! Le blues de l’hiver (point culminant : fĂ©vrier) a fait des ravages : yoyo Ă©motionnel des deux cĂŽtĂ©s de l’Atlantique ! Quelques appels ausecours (manipulations affectives qui ont parfois fait mouche dans un premier temps, je dois l’avouer Ă  ma grande honte), un auto-diagnostic de dĂ©pression
 et puis, quelques SMS plus tard (histoire de connaĂźtre le temps de cuisson du croque-monsieur ou dela quiche lorraine), la crise Ă©tait surmontĂ©e. Julien est reparti pour la derniĂšre partie de l’aventure, bien dĂ©cidĂ© Ă  en profiter jusqu’aubout ! Il a pris conscience que d’ĂȘtre peu bavard Ă©tait parfois pris pour un signe de dĂ©pression ou d’indiffĂ©rence. Il comprend peu Ă  peuque la timiditĂ© n’est pas un joker Ă©ternel : il arrive un moment oĂč il faut forcer sa nature ! Il a fini par intĂ©grer les codes du lycĂ©e et seserreurs d’incomprĂ©hension sont de l’histoire ancienne. AidĂ© par une meilleure maĂźtrise de la langue, il s’ouvre d’avantage : ses amisĂ©tudiants d’échange l’aident beaucoup (tout comme l’orchestre d’ailleurs). Le voilĂ  du coup rĂ©conciliĂ© avec la musique ; il adore l’ambiance de cette classe. Il faut dire que le triangle, c’est plus facile que le piano (et que ça offre toutes les joies de l’orchestre sansavoir Ă  fournir les efforts du piano !) Lorsque le mois dernier, il nous a dit : « Finalement, je suis intelligent », nous avons su que nousavions fait exactement ce qu’il fallait faire : le laisser partir.

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Corentin est un garçon super et il a dĂ©jĂ trouvĂ© ses marques. Kodiak traverse une pĂ©riode de chaleur inhabituelle, ensoleillĂ©e et calme : nous en avons profitĂ© pour passer un excellent week-end... trĂšs intense. Corentin a dĂ©jĂ vu plusieurs ours — dont une mĂšre avecses quatre tout jeunes oursons ; il apĂȘchĂ© avec Devon, il s’est baladĂ© autourdes lacs des environs, avec Pete, moi-mĂȘme et notre chien Cooper ; ils ont faitun feu de bois entre amis sur la plage, il a Ă©tĂ© voir un rodĂ©o et a fait une sortieen mer en canoĂ«. Il ne semble pas souffrir du tout du dĂ©calage horaire. Il est partant pour faire tout ce qui seprĂ©sente ou qu’on lui propose. Hier, ilnous a fait des crĂȘpes qu’on a dĂ©gustĂ©esavec les framboises du jardin. Ce soir,nous faisons un nouveau feu de boisavec les voisins : on mangera du saumonfrais grillĂ© et nous ferons une partie devolley. Demain matin Ă  8h30, nousavons rendez-vous, Ă  l’école, avec le« Counselor » pour choisir ses cours,puis nous ferons un tour de la ville etnous assisterons Ă  un entraĂźnementde natation pour voir quelles activitĂ©sle tentent. On devine dĂ©jĂ  que cetteexpĂ©rience va ĂȘtre fantastique Ă  toutpoint de vue. Nous sommes ravis d’avoir tentĂ© cette aventure et d’avoir Ă©tĂ© « matchĂ©s » Ă  Corentin.

Accueillir, voilĂ  un mot qui a pris tout son sens le jour oĂč nous avons ouvert notre maison Ă  Ghita, une jeune Danoise de 16 ans.Ce fut une expĂ©rience fantastique sur le plan humain, ce fut une grande « aventure ».Recevoir une inconnue au sein de sa famille et partager son quotidien avec elle, cela peut paraĂźtre insensĂ©. Au dĂ©part on se dit que c’estrisquĂ©. Mais risquĂ© en quoi ? Accueillir, cela nous a tout simplement ouvert l’esprit et cela nous a apportĂ© Ă©normĂ©ment. Accueillir, c’est un indescriptible ascenseurĂ©motionnel... il se remplit de souvenirs et de liens d’amitiĂ© Ă  chaque Ă©tage.Ghita a Ă©tĂ© si attentive, si respectueuse, si engagĂ©e tout au long de cette annĂ©e : elle a observĂ©, elle s’est adaptĂ©e.Je me souviens des premiers temps chez nous : je la revois ne pas oser se mettre Ă  table (car ce n’était pas dans ses habitudes), ne pasoser se servir, ne pas oser commencer Ă  manger ; je la revois nous regarder pour comprendre les rĂšgles et les coutumes, et doucements’intĂ©grer. Et je repense Ă  elle, si Ă  l’aise quelque temps plus tard et qui se sentait vraiment chez elle au moment de son dĂ©part.Je me souviens de Ghita -elle qui venait d’un pays si plat– dĂ©couvrant les basses collines de Seine et Marne et s’écriant : « Oh une mon-tagne, je n’en avais jamais vu ! » Je me souviens de son Ă©tonnement et de nos sourires. Je me souviens de son plaisir quand noussommes allĂ©s Ă  la montagne —la vraie—, en Savoie... elle Ă©tait perdue —perdue comme une enfant— mais si heureuse. Et je me sou-viens de notre plaisir de partager le sien.

PREMIERS JOURSMùre d’accueil de Corentin, Kodiak, Alaska — Traduit par 3.14

Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

L’ASCENSEUR ÉMOTIONNELParents d’accueil de Ghita (Danoise) — Une annĂ©e en France

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C’est un parcours banal et exemplaire que celuid’Alice, 16 ans, qui dĂ©cide un jour de s’écarterdu chemin ordinaire, et de renaĂźtre, comme enmiroir, de l’autre cĂŽtĂ© de l’Atlantique.

Dans nos lycĂ©es, nombre d’élĂšves, de toute origine et detoute condition, se dĂ©placent indiffĂ©rents et tristes ; ils traĂź-nent leur nonchalance en attendant la fin de la journĂ©e, dela semaine, de l’annĂ©e ou du cycle. D’aucuns —trop peu—brillent, d’aucuns s’enlisent en frĂŽlant soit le renoncementsoit la rĂ©volte. D’aucuns se moquent, sans toujours com-prendre que leur ironie est une forme primitive de rĂ©sis-tance. Les plus nombreux passent inaperçus, se glissentdans un anonymat gris et passent entre les gouttes : il enva de leur survie. Ceux-lĂ  parlent peu de grandeur et beau-coup de moyenne, ils comptent en points —car c’est ainsiqu’on leur a appris Ă  mesurer ce qui se rapporte au savoir—et leurs yeux ne s’éclairent qu’à la tombĂ©e du soir, Ă  l’heureoĂč les portes du lycĂ©e s’ouvrent.

Et puis il y a Alice, qui sans le savoir, rĂȘve : « Je ne savaismĂȘme pas de quoi, nous confie-t-elle aujourd’hui. De lointainpeut-ĂȘtre, peut-ĂȘtre d’aller voir le monde ? sans doute de le

comprendre ? » en ajoutant bien que « tout cela Ă©tait aussiflou qu’irrĂ©el. » Elle a 15 ans Ă  l’époque et se croit seule : c’estune constante Ă  cet Ăąge. Au dĂ©tour d’un Salon, elle rencon-tre Alexandra, une jeune femme « douce, mais ambitieuse »,qui lui rapporte son aventure : « J’avais ton Ăąge, je vivaiscette lassitude et je sentais que j’avais peur du futur, peur dedevenir adulte et d’affronter la routine : bac, permis, Ă©tudes
peur de tout faire comme tout le monde et dans le mĂȘme ordre.C’est pour ça que j’ai choisi ce sĂ©jour long et lointain, histoirede grandir vite et diffĂ©remment. »

Elle se souvient de chacun de ses mots : « Tout ce qu’elle merapportait correspondait Ă  ce que, sans le savoir, je cherchais.Elle me parlait Ă  la fois de moi et d’ailleurs. » Dans la nuit quisuit, du fond de son lit, Alice boucle son sac. Au matin, sesparents lui donnent leur assentiment, au nom de son auto-nomie. Elle suivra la voie d’Alexandra et partira Ă  son tour,Ă  la recherche de choses nouvelles et inconnues.Elle entre alors dans la phase qu’on pourrait nommer « ad-ministrative », la moins drĂŽle « mais la plus simple ». Un mĂ©-lange de devoirs et d’excitation : l’information, le dossierd’inscription, le stage, l’attente d’un placement
 tout se dĂ©-roule sans heurt et presque sans stress. Jusqu’au jour J.« Tout Ă  coup j’avais mal partout, au dos surtout. Une douleurhorrible
 » Elle a peur. On se dit que tout cela est clas-PO

RTRA

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LES MÉTAMORPHOSES D’ALICE

UNE ALICE DANS LES CHAMPSHĂ©loĂŻse, Raleigh, North Carolina — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

sique : le dĂ©part, l’arrachement, le dĂ©racinement ? « Non,pas du tout, c’était plutĂŽt comme si quelque chose d’étrangese passait en moi. » Elle pense Ă  faire marche arriĂšre. « Oui.J’ai cru que j’allais renoncer. À ce moment-lĂ , je me suis re-gardĂ©e dans la glace et j’ai compris que des ailes Ă©taient entrain de me pousser. C’est sans doute cela qui me faisaitaussi mal. » L’envol ? « Non, c’était plus que cela : une mĂ©ta-morphose. Ce 24 aoĂ»t, j’ai vraiment eu l’impression de naĂź-tre. » PoĂšte, elle ajoute : « Et croyez-moi, c’est dur de vivreau dĂ©but. »

Au terme de vingt longues heures de voyage (« Dans l’avion,j’ai senti mon cƓur Ă©clater en plusieurs morceaux »), trois volset deux correspondances plus tard, elle se pose dans le Mon-tana. « Dix fois, j’ai craint de me perdre, mais avec la certi-tude, bien ancrĂ©e en moi, qu’au final j’arriverais Ă  bon port. »L’atterrissage est brutal. Plus tard, elle Ă©crira : « J’ai cru queje dĂ©barquais chez des fous. Les gens m’ont serrĂ©e fort dansleurs bras comme s’ils me connaissaient d’avant. Ils sont ex-travertis, expansifs et grands, jusqu’à la dĂ©mesure. Leurspommes de terre sont immenses aussi. Ils dĂ©roulent leurs pe-louses comme des tapis. Leurs maisons roulent. Ils mĂ©langentla viande avec de la compote et des fruits. Ils aiment la natureet leurs voitures. J’en ai mĂȘme vus qui parlaient aux bisonspour qu’ils s’éloignent du milieu de la route. » Dans une se-conde lettre, quinze jours plus tard, elle ajoutera : « Ils fontdes concerts rock dans les Ă©glises. Ils n’ont pas de boĂźte auxlettres. J’habite Ă  trente kilomĂštres de la ville, un coin magni-fique, perdu dans une vallĂ©e, au bord d'une riviĂšre. Il n'y apas d'humains aux alentours. Juste des cerfs, des coyotes,des ours et des daims. C'est impressionnant et beau. J’ap-prends Ă  monter Ă  cheval. » Et, plus tard encore : « Je prendsle bus chaque jour. Il est vieux et Ă  la moindre bosse, je dĂ©colledu siĂšge. Je me muscle donc les fesses dix fois par semaine.Un jour que je rĂȘvassais en rentrant de l’école, mon bus a prisfeu. Il a fallu Ă©vacuer pour en prendre un autre
 qui n’étaitguĂšre plus performant. »

L’exotisme des premiers jours engendre l’enthousiasme,mais l’humeur vite se dĂ©grade : « Je me trouvais dans unefamille socialement peu favorisĂ©e, et qui avait une façon devivre trĂšs diffĂ©rente de la mienne. C’était contraire Ă  mes at-tentes. Je me suis trouvĂ©e un peu dĂ©laissĂ©e, et puis aussi“Unfortunate”. En fait je comparais. Je comparais Ă  ceux quiĂ©taient tombĂ©s Ă  Chicago ou en Californie. Je passais ma jour-nĂ©e sur Facebook et Instagram, Ă  papoter avec Ben (Benja-min) et BĂ©a (BĂ©atrice), mes amis de France. » Elle sombre
et appelle naturellement ses parents Ă  la rescousse. Ces der-niers ont l’intelligence —on a les parents qu’on mĂ©rite !— del’écouter sans la suivre : « Ma mĂšre m’a dit d’essayer une se-maine, puis une autre, et une autre encore. » Le pĂšre, Ă©nigma-tique, a ajoutĂ© : “Sois oĂč tu es”. J’ai compris qu’il parlait desrĂ©seaux sociaux. »

« À partir de lĂ , j’ai essayĂ© d’aller vraiment au bout deschoses et des gens. » Alice dĂ©cide donc et pour de bon, de« partir au bout du monde », son monde. « J’avais besoind’une bonne leçon : j’ai dĂ©couvert aussitĂŽt de la bontĂ© et devraies qualitĂ©s chez tous ceux qui m’entouraient. Et quand ondĂ©couvre ça, on oublie tout le reste. Je crois surtout que j’ailaissĂ© mon orgueil de cĂŽtĂ©. J’avais une trop haute opinion demoi-mĂȘme. Pendant que je les jugeais, eux m’ouvraient leursportes et m’offraient et leur cƓur et leur toit. “I was so stu-pid !” J’ai commencĂ© Ă  saisir les choses diffĂ©remment. Quand,par exemple, je croisais une dinde dans la baignoire (c’est lĂ qu’ils avaient l’habitude de les « stocker »), je m’en amusaisau lieu de prendre un air dĂ©goĂ»tĂ©. »

Dans le mĂȘme temps, elle dit adieu Ă  Facebook et Ă  Insta-gram : Ă  BĂ©a et Ben, « [elle] dĂ©cide de ne plus leur adresserque des e-mails », en un mot, de garder les BB mais de jeterl’eau du bain.

De leçon d’humilitĂ© en leçon d’humanitĂ©, elle avance. Àl’école, en cours de littĂ©rature : « C’était en dĂ©but d’annĂ©e,ma prof avait demandĂ© qu’on Ă©crive un essai. Il fallait pondrequatre pages en anglais, le tout en une heure ! J’ai Ă©tĂ© prisede panique. Ma prof s’en est rendue compte, et, avant mĂȘmeque je ne dise quoi que ce soit, elle est venue me voir et m’aproposĂ© de faire mon devoir en français. J’ai acceptĂ©, j’ai ter-minĂ© mon texte et elle l’a ramassĂ©. Aujourd’hui, je ne suis passĂ»re qu’elle l’ait lu. Non, je pense qu’elle voulait juste m’allĂ©-ger. C’était vraiment classe. »

Elle va se nourrir de cette Ă©lĂ©gance, en essayant d’ajouterde la lĂ©gĂšretĂ© Ă  son Ă©preuve. Ce voyage est dĂ©jĂ  tellementexigeant qu’il faut savoir parfois « rĂ©duire ses ambitions Ă  labaisse », juste regarder autour de soi, sans calcul : « Tu rĂ©a-lises qu’une partie de toi ne convient plus, tu modifies un peutes valeurs, tu comprends ce que tu es et ce Ă  quoi tu aspires,ton futur s’étale, tu fais des projets, tu associes les choses.Et c’est alors que tu crĂ©es doucement un rĂ©seau d’amitiĂ©s. At-tention, prĂ©cise-t-elle, tu ne changes pas non plus complĂšte-ment, pas vraiment radicalement, simplement tu Ă©volues, tute dĂ©places et tu mues ! »

Dans la foulĂ©e, elle va connaĂźtre la High school et son fol-klore : « Homecoming » et la « Spirit week » (avec ses « PepRally », ses « Pyjamas days » et ses « Twin Days ») ; la « Gra-duation » (avec ses bals, ses toges et ses « Cap and Gone ») ;« ce prof qui lançait des bonbons quand on avait une bonnerĂ©ponse », et tous ceux, plus sĂ©rieux, « toujours prĂȘts Ă  m’ex-pliquer l’incomprĂ©hensible... » Elle va se battre un an avecson « Locker » et ses combinaisons, avec les rĂšgles du « La-crosse », avec les conventions du « Cheerleading » ; elle vadĂ©couvrir et adopter les « Poptarts » et les « Mac’n’cheese »,et les « Root beer float », les « Lucky Charms » et « les Smors ».Elle va goĂ»ter Ă  tout, s’en amuser et s’en instruire, s’ouvrir.Au milieu de son parcours, une simple classe de musiqueva orienter sa vie.

Et puis elle fera des rencontres, belles ou Ă©tranges : « Quandon dĂ©cide de partir une annĂ©e, on est prĂȘt Ă  tout, mais on estincapable d’imaginer ce que contient ce tout. À l’école, parexemple j’étais prĂȘte Ă  rencontrer des Ă©tudiants de tous lespays et de toutes les couleurs, mais pas Ă  rencontrer des ly-cĂ©ens “diffĂ©rents”. Un jour pourtant, j’ai fait la connaissanced’un “Junior”» que certains, bizarrement, surnommaient“Trouble” ; il Ă©tait seul dans son coin, adossĂ© contre un mur ;il semblait attendre quelque chose ou que quelqu’un lui parle.Il avait tout d’un lycĂ©en normal... sauf qu’il n’avait pas de“Locker” ! Il n’avait pas de “Locker” parce qu’il n’avait pas delivres ; il n’avait pas de livres parce qu’il n’était pas lĂ  pourlongtemps. “Pour l’instant, m’a-t-il dit, mon seul devoir est desuivre les cours. Je suis en libertĂ© surveillĂ©e” ! »

Pour Alice —et pour un an— le commun sort de l’ordinaire.L’initiation est faite de banalitĂ©s et d’extase. Quand elle nousraconte sa rencontre avec Tom (celui qui, au lieu de trouverson accent « cute », la trouve « intĂ©ressante et bizarre »), onl’imagine en Pamina, heureuse et enchantĂ©e. Elle ne nous endit guĂšre plus, prĂ©servant ce jardin mi-sauvage et mi-secret.

Avec du recul, elle se remĂ©more un autre moment clĂ© :« AprĂšs l’émerveillement, aprĂšs le gros coup de blues et l’équi-

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PARCOURS RÊVÉ

libre, c’est la fameuse routine —que j’avais fuie— qui, Ă  nou-veau, m’a menacĂ©e. » La routine qui revient sur la pointe despieds et s’installe, insidieuse et morne : « À peine trois moisque j’étais lĂ  et je ne m’émerveillais plus de la country, durodĂ©o et des chapeaux, ni des cerfs dans le jardin, ni des voi-sins qui vous hurlent “Hi” au loin. » Elle ne fait guĂšre plus at-tention au(x) proche(s). « C’est bĂȘte Ă  dire, mais le jour oĂč lesilence de ceux qui t’entourent ne pĂšse plus c’est que tu com-mences Ă  te sentir chez toi. Attention, le blues est susceptiblede revenir Ă  tout moment — un cycle, je vous dis. Il est traĂźtre,il te prend Ă  la gorge au moment oĂč tu ne t’y attends pas ; ilprend la forme d’une personne – un ami, un parent, un amou-reux — d’un lieu, d’un moment, d’une situation, d’un objetlointain, d’un goĂ»t ou d’une odeur de France, d’une am-biance. Mais tu en as besoin de ces moments de creux, cesont eux qui te font avancer. Et puis, ils sont de plus en pluscourts, de plus en plus Ă©loignĂ©s les uns des autres, de moinsen moins intenses. » Le blues repart comme il est venu. Alorsla vie reprend son cours : « Tu te remplis de tout ce que tupeux, tu prends tout ce qu’il y a Ă  prendre. Tu te dis qu’enrentrant tu feras le tri. »

Ainsi, Alice continue Ă  rĂȘver : « J’avais le sentiment quelorsque je me rĂ©veillerais, je ne me souviendrais de rien, sinonde bribes. J’avais appris Ă  parler et Ă  Ă©crire en anglais, Ă  cou-dre et Ă  chanter, Ă  cuisiner, Ă  jouer au bowling. Et je me ques-tionnais : “Quand tu te rĂ©veilleras Alice, que restera-t-il de toutcela ?” » Chaque jour la rapproche du retour, elle le sait eten fait le constat avec effroi.

Et ce jour arrive. Elle dit avoir pleurĂ© de Newark Ă  Paris, « sicontente de rentrer et si furieuse de laisser [sa] maison duMontana
 et Jeff et Brook, et les chansons, et les routes, etles bisons
 »

Douze ans aprĂšs son retour, elle se refuse Ă  tirer un bilan,sinon en usant de cette formule : « Partir c’est grandiose dansl’ensemble, mais si difficile dans le dĂ©tail. » À moins que cene soit l’inverse. On la sent et on la sait fiĂšre d’avoir construitailleurs un chez soi et d’avoir aujourd’hui deux maisons.

Au retour —on devrait dire « au rĂ©veil »—, Alice a repris lelycĂ©e. La terminale, le bac
 rien que de trĂšs classique. Àpartir de lĂ , elle se souvient avoir hĂ©sitĂ© entre les maths etla musique (« le mĂȘme grand Ă©cart qu’il y a dix ans, quandj’avais dĂ» choisir entre l’AmĂ©rique et le Japon ») et avoir fina-lement optĂ© pour le Conservatoire de Paris. S’en est suivi unbeau parcours, sur lequel elle ne souhaite pas s’étendre :« Je n’ai que trente ans, tout reste Ă  faire. » Le reste, autre-ment dit l’avenir, elle le dĂ©voile au dĂ©tour d’une rĂ©ponse :« Je veux Ă©crire et composer. » De nouvelles ailes lui poussent.Elle sourit. Une nouvelle vie s’annonce qu’elle apprĂ©hendeavec autant de crainte que de joie, car, maintenant —etaprĂšs l’avoir expĂ©rimenté— elle le sait : « MĂȘme si c’estbeau


C’est dur de vivre au dĂ©but ! »

Ce portrait imaginaire a Ă©tĂ© crĂ©Ă© Ă  partir de tĂ©moignagesde participants PIE. Trois Quatorze remercie tous ceuxqui, au fil des ans, ont participĂ© Ă  la rĂ©daction du journalet, de façon indirecte, Ă  la construction de ce person-nage, qui cristallise leurs Ă©motions : un participant « faitde tous les [participants], qui les vaut tous et que vaut n’im-porte qui. »

UNE ALICE EN LIBERTÉRose-May, Ionia, Michigan

Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

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UNE ALICE DANS LA VILLEClémentine, Germantown Hills, Illinois

Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

« Il en faut du courage pour faire ce que tu fais ». VoilĂ  la phrase qui a le plus tournĂ©dans mon entourage. Je peux comprendre, car ce n’est pas commun de partirvivre dix mois au Japon, quand on a tout juste le Bac en poche. J’ai mis deux ansĂ  convaincre mes parents de me laisser partir. À force de persĂ©vĂ©rance et de dĂ©ter-mination, ils ont fini par me dire « Oui ». Ce jour-lĂ  a Ă©tĂ© une vĂ©ritable victoire.Dans la notion de « courage », chacun met ce qu’il entend : certains pensaient quej’affronterais un tas de dĂ©sillusions par rapport Ă  mes propres perceptions dupays hĂŽte. D’autres, comme mes parents, pensaient que le choc culturel et le faitde m’éloigner me feraient mĂ»rir et grandir un peu. Aucun n’avait totalement tort. Des changements dans ma vie quotidienne, il y en a eu plein : la transition entremon petit village gersois et la Grosse Tokyo (synonyme de plus d’indĂ©pendance enmatiĂšre de transport par exemple, mais aussi d’absence d’arbres et de calme...),l’acceptation de la discipline Ă  la japonaise (cependant moins stricte que ce quej’avais imaginĂ©), la dĂ©couverte des petits dĂ©jeuners salĂ©s !Et pourtant, aprĂšs ces cinq mois Ă  l’autre bout du monde, je me rends compteque trĂšs peu de choses aujourd’hui me manquent vĂ©ritablement. Papa, Maman,je suis dĂ©solĂ©e de vous l’apprendre, mais je vis super bien de ne plus vous voiraussi souvent ! On pourrait se dire que je suis une fille atroce, mais pas du touten fait ! La raison est simple : je ne suis pas seule. Je suis mĂȘme trĂšs bien entourĂ©e. Si je devais citer une personne qui m’a beaucoup apportĂ© jusqu’àprĂ©sent, ce serait ma premiĂšre grand-mĂšre d’accueil. Elle a Ă©tĂ© parfaite en toutpoint. J’ai liĂ© des liens trĂšs forts avec ma premiĂšre famille d’accueil. Ma grand-mĂšre et mon grand-pĂšre d’accueil : Hiromi-san et Nao-san vivent Ă  troisminutes Ă  pied de chez leur fille ; quand je rentrais du lycĂ©e, j’allais souvent lesvoir et je restais avec eux. Ma grand-mĂšre d’accueil avait pour habitude de mefaire goĂ»ter chaque fois Ă  de nouveaux gĂąteaux. MĂȘme si au dĂ©but de mon sĂ©jourmon niveau de japonais Ă©tait prĂ©caire et que la communication n’était pas limpide, je me suis tout de suite sentie bien Ă  ses cĂŽtĂ©s
 j’étais si attachĂ©e Ă 

DĂšs que l’on met les pieds dans l’Est asiatique, l’on remarque vite quelque chosed’étrange... des masques, souvent chirurgicaux. Pour nous Français, cacher notre visage n’est pas dans les mƓurs. Ici, c’est bien diffĂ©rent. Le principe premier de l’usage du masque est liĂ© Ă  la santĂ©, il s’agit d’empĂȘchervirus, microbes et autres d’entrer et de sortir ! DĂšs que les symptĂŽmes d’une maladie apparaissent, il est d’usage de mettre un masque. On le garde dans lestransports en commun, Ă  l’école et mĂȘme au bureau
 Partout ! On ne l’enlĂšve en fait qu’à la maison. Il faut dire que les asiatiques sont trĂšs sensibles Ă  la propretĂ© et Ă  l’hygiĂšne et que passer son rhume, son angine ou sa grippe Ă  unĂ©tranger n’est pas envisageable : c’est une question de respect ! À la moindre Ă©pidĂ©mie tous les visages arborent donc des masques et il devient difficile de reconnaĂźtre ses amis. Il faut aussi Ă©voquer la question de la pollution. Dans cette partie du monde, qui se dĂ©veloppe Ă  vitesse grand V, l’air est plus polluĂ© qu’en Europe. De ce fait,le masque sert aussi Ă  prĂ©server ses poumons. Ceux qui travaillent Ă  l’extĂ©rieurl’utilisent au quotidien ; les autres, Ă  l’occasion des pics de pollution. Et puis, il y a la question de l’apparence. Dans nos « pays d’accueil » asiatiques,

il est souvent prĂ©fĂ©rable de se cacher que de se montrer sous un mauvais jour. Quand une jeune fille porte un masque, il peut s’agir deplusieurs choses ; soit elle a des boutons, soit elle ne s’est pas maquillĂ©e. Une vraie pression sociale sĂ©vit ici autour de la questionde l’apparence. Ne pas ĂȘtre aux standards peut ĂȘtre synonyme d’exclusion. Le masque sert aussi s’embellir. Il permet, selon la façon dont on le place, de « redessiner » le visage. Il peut aussi devenir accessoirede mode. Il existe tant de formes et de modĂšles diffĂ©rents, aux couleurs et aux motifs que vous voulez, Ă  l’effigie de vos stars prĂ©fĂ©rĂ©es


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ÊTRE OU NE PAS ÊTRE COURAGEUSEMarguerite, Tokyo — Une annĂ©e scolaire au Japon

elle que le changement de famille —qui Ă©tait prĂ©vu bien avant mon arrivĂ©e au Japon— reste encore un moment bien triste pour moi... J’ai quittĂ© une super famille qui pour moi valait tout l’or du monde ! Cette sĂ©paration au cƓur de mon sĂ©jour m’a permis de comprendreque le temps n’est pas figĂ©, et que tout passe bien plus vite qu’on ne le pense... Les rencontres que l’on fait, c’est ce qui donne son caractĂšre Ă  notre sĂ©jour. Et c’est lĂ , dans cet effort nĂ©cessaire d’aller vers l’autre, que j’ai eu le plus besoin de courage. Mais l’impatience et l’excitation de rencontrer des amis ont Ă©tĂ© pour moi les puissants moteurs utiles et nĂ©cessaires pour vaincre ma timiditĂ© et dĂ©passerma peur. Au final, je n’ai pas vraiment l’impression d’avoir Ă©tĂ© courageuse. J’ai simplement acceptĂ© de vivre ce pourquoi j’étais venue.

DE L’USAGE DU MASQUE EN ASIELĂ©a et Joseph — Une annĂ©e scolaire au Japon et en CorĂ©e du Sud

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MASQUES CORÉENSPhotos : Joseph, Daegu — Une annĂ©e scolaire en CorĂ©e du Sud

MASQUES CORÉENSPhotos : Joseph, Daegu — Une annĂ©e scolaire en CorĂ©e du Sud

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CHAMPMasumi, mùre d’accueil de Pierre

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CONTRECHAMPPierre, Saitama-shi — Une annĂ©e scolaire au Japon

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TROIS QUATORZE — DANS LE CADRE DE VOTRE MISSION, C’EST VOUS QUI IM-PULSEZ LE PROJET ÉDUCATIF ET QUI FIXEZ LE CAP. COMMENT VOUS EST VENUECETTE IDÉE D’ACCUEILLIR, RÉGULIÈREMENT ET EN NOMBRE, DES ÉLÈVES DUMONDE ENTIER ?

Mathieu Baldit — Tout est parti d’une expĂ©rience personnelle quej’avais vĂ©cue il y a quelques annĂ©es. J’étais Ă  l’époque professeurd’histoire-gĂ©ographie et j’avais Ă©tĂ© sollicitĂ© par un ami qui cherchaitun Ă©tablissement d’accueil pour un jeune Indien. Je m’étais montrĂ©favorable Ă  cette idĂ©e, quand cet ami a ajoutĂ© : « Juste un dĂ©tail : ilne parle pas un mot de français ! » J’ai rĂ©pondu ; « Pas de soucis » etj’ai lancĂ© ce dĂ©fi Ă  ma classe : « Acceptons-le pour qu’il s’intĂšgre etqu’il apprenne notre langue. » Et il se trouve que j’ai pu observer Ă 

partir de lĂ  une transformation en profondeur de la classe. Moi quipensais, au dĂ©part, rendre service Ă  l’élĂšve Ă©tranger, j’ai rĂ©alisĂ©qu’au final, j’avais rendu service Ă  la classe et Ă  mes Ă©lĂšves fran-çais : je les avais —presque involontairement— ouverts sur l’inter-national et j’avais Ă©largi leur champ de vision et de rĂ©flexion.

D’EMBLÉE VOUS INVERSEZ DONC LA PROBLÉMATIQUE EN RÉPONDANT DEFAÇON SURPRENANTE À CEUX QUI VOIENT DANS L’ACCUEIL DE JEUNES ÉTRAN-GERS UN OBSTACLE AU DÉVELOPPEMENT SEREIN DE LEUR PROJET ÉDUCATIF ?

Oui, je tiens Ă  ĂȘtre trĂšs clair sur ce point : le jeune Indien que j’avaisreçu aurait trĂšs bien pu rĂ©ussir ailleurs, mais, inversement, mesĂ©lĂšves français n’auraient pas Ă©voluĂ© si vite et si positivement sans

DÉSTABILISER DANS LE CADREentretien avec Mathieu BalditDirecteur du collĂšge et du lycĂ©e d’Espalion, dans l’Aveyron, Mathieu Baldit a lancĂ© l’an dernier un programme de grande ampleur, consistant Ă  accueillir, sur la durĂ©e et pour de longs sĂ©jours, un nombre important de jeunes lycĂ©ens Ă©trangers. Ce programme, axe fort du projet Ă©ducatif, a pu ĂȘtre mis sur pied grĂące au soutien des professeurs et avec l’aide sans limite de Carole Dujols, professeur d’anglais de l’établissement. L’ensemble de la communautĂ© Ă©ducative a portĂ© ce projet avec enthousiasme. À l’heure oĂč nombre de lycĂ©es français, voire de rectorats, hĂ©sitent encore Ă  ouvrir leurs portes aux Ă©lĂšves internationaux, il Ă©tait utile Ă©galement d’interroger Monsieur Baldit sur toutes les idĂ©es reçues qui perdurent, qui alimententles blocages et nuisent Ă  un dĂ©veloppement serein des Ă©changes Ă©ducatifs Ă  travers le monde. Nous tenions Ă©galement Ă  saluer son initiative, son engagement pour le moins passionnĂ©, et sa vision globale de l’éducation,laquelle est parfaitement en phase avec celle prĂŽnĂ©e depuis tant d’annĂ©es par PIE, Ă  travers ce journal.

sa prĂ©sence. Je me suis appuyĂ© sur cette expĂ©rience pour, une foisque j’ai eu en charge un Ă©tablissement, dĂ©velopper cette idĂ©e d’uneouverture Ă  l’international. J’ai tout de suite orientĂ© le projet surquatre axes : voyages Ă  l’étranger, apprentissage des langues,Ă©changes scolaires et —dernier Ă©lĂ©ment mais pas le moindre— ac-cueil d’élĂšves Ă©trangers sur la longue durĂ©e. Nous avons aussitĂŽtengagĂ© un Ă©change avec un lycĂ©e de Tel-Aviv et, dans le cadre duquatriĂšme axe, entamĂ©, entre autres, cette collaboration avec PIEen ouvrant notre Ă©cole Ă  vos Ă©tudiants Ă©trangers.

VOUS VOUS ÊTES ENGAGÉ « PIED AU PLANCHER » DANS CETTE DÉMARCHE ENFAISANT FI DE TOUTE ARRIÈRE-PENSÉE NÉGATIVE. VOTRE ENGAGEMENT ETVOTRE ENTHOUSIASME NOUS ONT ÉPOUSTOUFLÉS, NOUS QUI NOUS HEUR-TONS SI SOUVENT, SINON À DES REFUS DU MOINS À DES RÉTICENCES. DÈSL’ANNÉE DE LANCEMENT DE L’OPÉRATION, LE LYCÉE D’ESPALION A EN EFFETACCUEILLI, TOUS ORGANISMES CONFONDUS, PRÈS DE 20 JEUNES ÉTRANGERSSUR LA LONGUE DURÉE !

Oui. On s’aperçoit, au bout d’une annĂ©e, que l’idĂ©e a germĂ©, qu’ellefait son chemin et que le premier objectif est atteint. Je me sou-viens d’un collĂšgue et ami qui, lorsqu’il a dĂ©couvert mes ambitions,m’a dit : « Mon pauvre Mathieu, tu vas accueillir 3 ou 4 jeunes, unpoint c’est tout ! » Mais, je ne juge pas de la rĂ©ussite de l’expĂ©rienceĂ  l’aune du nombre d’élĂšves Ă©trangers que l’on reçoit mais de la« rĂ©ussite » de ces Ă©lĂšves et de l’équilibre de l’ensemble des acteurset du projet. Nous rencontrons des difficultĂ©s, je ne le nie pas, nousnous heurtons Ă  des situations nouvelles, mais pour l’instant jeme dois de tirer un bilan trĂšs positif de l’expĂ©rience.

REPRENONS LES ARGUMENTS PRINCIPAUX DES DÉTRACTEURS DE CE TYPED’ACCUEIL : QUE RÉTORQUEZ-VOUS À CEUX QUI DISENT QUE LA PRÉSENCED’UN ÉTUDIANT ÉTRANGER SUR LA LONGUE DURÉE PEUT NUIRE À LA FLUIDITÉDES COURS ET AUX PROGRÈS DE LA CLASSE ? CERTAINS NOUS DISENT : « CESÉLÈVES “RALENTISSENT” LES CLASSES ! »Permettez-moi de sourire. C’est exactement le contraire. Leur prĂ©-sence est un vĂ©ritable dynamiseur qui vous fait insensiblementpasser de la vitesse 1 Ă  la vitesse 5. L’esprit de solidaritĂ© qui naĂźtdans la classe est Ă©norme : l’entraide devient un moteur. Quandon voit, comme ce fut mon cas en Ă©tude, une Ă©lĂšve française aiderun jeune Japonais Ă  dĂ©crypter un texte, on est Ă©mu et on se ditque le tour est jouĂ©. On sait qu’on a dĂ©veloppĂ© chez « nos » Ă©lĂšvesle sens de l’autre. Qu’y a-t-il de mieux pour bien comprendre quede chercher Ă  transmettre ?Ce que j’ai pu constater, c’est que les jeunes Français aident lesĂ©lĂšves internationaux (dans la lecture, la comprĂ©hension) et queces derniers —parce qu’ils sont admirĂ©s des Ă©lĂšves français—, lesentraĂźnent Ă  leur tour. C’est un tourbillon positif qui se met enplace. Il emporte tout.

L’OBJECTION PREMIÈRE À L’ACCUEIL INTERNATIONAL EST BIEN ENTENDU CELLEDES EFFECTIFS PLÉTHORIQUES DANS LES CLASSES. QUEL ARGUMENT PEUT-ON LUI OPPOSER ?

Il faut raisonner positivement. La question n’est pas liĂ©e Ă  une sur-charge physique de la classe. Le problĂšme, en d’autres termes,n’est pas liĂ© au fait de rajouter une table et une chaise. La place,on la trouve. Le problĂšme est de rĂ©pondre Ă  cette question simple :« Comment faire en sorte que le passage en France de ce jeune soitle plus bĂ©nĂ©fique pour lui dans un premier temps, et pour les autresĂ©lĂšves ensuite ? » Un chef d’établissement a une totale libertĂ© d’ac-tion. À lui de partir du projet du jeune pour le mettre au bon en-droit et pour l’inscrire positivement dans le projet de l’école. DĂšsqu’on Ă©voque l’inscription d’un jeune je me pose donc la questionde savoir dans quelle classe, quelle sĂ©rie, quelle section, il auratoute sa place.

VOUS ÊTES EN TRAIN DE NOUS DIRE QU’IL FAUT INDIVIDUALISER L’APPROCHE,N’EST-CE PAS ?

On doit admettre que les profils des jeunes Ă©trangers sont trĂšs va-riables. Certains viennent pour apprendre le français (c’est trĂšs res-pectable et excellent pour le dĂ©veloppement de la Francophonie),d’autres conçoivent leur passage en France comme une cĂ©sure (ilsveulent enrichir leur parcours), certains sont trĂšs brillants et s’ins-crivent dans un parcours ambitieux. J’ai actuellement une Ă©lĂšvequi vient de Quito et qui a 17 de moyenne gĂ©nĂ©rale ! Je ne peuxpas raisonner de la mĂȘme façon avec elle et avec celui qui dĂ©couvrenotre langue. Je me dois de la mettre Ă  l’endroit qui soit profitableĂ  l’élĂšve et porteur pour la classe. On Ă©change avec PIE pour biencomprendre ce projet, on fait des choix et on s’adapte en cours deroute s’il le faut : le but est de rester dans cette dynamique du bĂ©-nĂ©fice rĂ©ciproque.

C’EST DONC DANS CETTE OPTIQUE QUE VOUS AVEZ MIS EN PLACE DES COURSDE FRANÇAIS/LANGUE ÉTRANGÈRE AVEC DIFFÉRENTS NIVEAUX ?

Oui, et cette structure remplit parfaitement son rÎle. Nos élÚvesétrangers progressent trÚs vite. Et tous, au bout de quelquestemps, maßtrisent suffisamment notre langue pour intégrer le cur-sus classique.

REMARQUEZ-VOUS UNE DIFFÉRENCE DE CAPACITÉ À S’INTÉGRER EN FONCTIONDE LA NATIONALITÉ ?

Absolument aucune. Ce n’est pas la nationalitĂ© qui « fait » l’accueil,mais la personnalitĂ© de l’étudiant Ă©tranger. Je vais mĂȘme plus loin :la qualitĂ© de son intĂ©gration dĂ©pend avant tout de sa volontĂ© de setourner vers les Ă©lĂšves français et d’aller Ă  leur rencontre. LesĂ©lĂšves Ă©trangers qui arrivent dans ce nouveau monde sont souventen manque de confiance (ils ont peur d’ĂȘtre jugĂ©s), or nous savonspar expĂ©rience que les Ă©lĂšves français sont trĂšs admiratifs de cesjeunes Ă©trangers qui ont osĂ© venir Ă  leur rencontre ; ils sont tous,clairement, en demande de lien. Notre travail consiste donc Ă  Ă©ta-blir le contact. Nous sommes des traits d’union. C’est dans cetteoptique que nous faisons intervenir ponctuellement les jeunes quel’on accueille dans les cours de langue Ă©trangĂšre (anglais, espagnolou autre). D’un cĂŽtĂ©, ils sont mis en valeur, et de l’autre ils appor-tent une plus-value. Si l’on admet que la finalitĂ© de l’apprentissaged’une langue est de la parler, on comprend que soudain, grĂące auxĂ©change directs avec les Ă©trangers, la langue prend corps aux yeuxde nos Ă©lĂšves français. On base tous nos Ă©changes sur les rapportstransversaux, lesquels crĂ©ent de l’interaction et de l’émulation.

VENONS-EN À L’ARGUMENT DU COÛT : QUE RÉPONDRE À CEUX QUI DISENTQU’EN ACCUEILLANT DES ÉLÈVES ÉTRANGERS, ON « CHARGE LA BARQUE » DUCONTRIBUABLE FRANÇAIS ?

J’ai souvent, alors que je prĂŽnais ces Ă©changes, entendu cet argu-ment. Il tĂ©moigne d’une vision trĂšs rĂ©ductrice. Éduquer, c’est pariersur l’avenir. On ne dĂ©pense pas d’argent dans l’éducation, on en in-vestit puisqu’on construit demain. En l’occurrence et pour ĂȘtreconcret, je dois prĂ©ciser que les Ă©lĂšves Ă©trangers ne coĂ»tent stricte-ment rien. Au niveau budgĂ©taire, je fonctionne pour ma part enmoyen constant, et donc avec exactement la mĂȘme enveloppe selonque j’accueille ou non des internationaux. Dans certains cas, uneclasse va passer de 25 Ă  27 Ă©lĂšves. Mais l’effort n’est pas financier,il est humain : il repose en rĂ©alitĂ© sur le bĂ©nĂ©volat des Ă©tablisse-ments, des enseignants, des Ă©quipes et des familles d’accueil
 etavec, en retour, tous les bĂ©nĂ©fices dont nous avons parlĂ©. Ce projet menĂ© pour les Ă©lĂšves Ă©trangers —et que nous relayons—est, par ailleurs, une chance extraordinaire pour des territoirescomme le nĂŽtre (le Nord-Aveyron) oĂč l’un des enjeux majeurs est defaire venir des entreprises et d’attirer les gens. Dans une petite com-mune rurale, compter un Ă©tudiant amĂ©ricain, un japonais et un

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mexicain, (lesquels sont actifs dans les associations sportives, auconservatoire, etc.) est un gage de dynamisme. Ces jeunes rĂ©veillentla vie de nos villages : ils nous font aller de l’avant. Je dirais Ă©gale-ment Ă  nos dĂ©tracteurs que nous formons, Ă  coĂ»t zĂ©ro, une Ă©lite in-ternationale, francophone et francophile. Nous redorons notreimage : nous formons les meilleurs ambassadeurs de notre « pays ».

3.14 — À QUEL MOMENT ET DE LA PART DE QUI AVEZ-VOUS SENTI LE PLUSDE RÉTICENCES DANS LA MISE EN PLACE DE CE PROJET ?

Je suis trop dĂ©terminĂ© en la matiĂšre —et passionné— pour donnerĂ  quiconque la possibilitĂ© d’exprimer sa rĂ©ticence. Et ce, parce quej’ai la conviction que l’on fait quelque chose qui nous dĂ©passe.Quand, un samedi soir du mois d’aoĂ»t, j’ai accueilli Ă  Aurillac, aufin fond du Cantal, ces huit jeunes participants PIE (en provenancede Colombie, de TaĂŻwan, du Canada, du Japon
 de partout enfait), j’ai ressenti une Ă©motion si forte que j’ai compris le sens detout ce qui avait Ă©tĂ© mis en place. Et c’est cette Ă©motion qui nousanime et qui nous permet de surmonter les rĂ©ticences dont on par-lait. Dans le cas prĂ©sent, le plus difficile c’est sans aucun doute detrouver des structures d’accueil, des familles disposĂ©es Ă  recevoirbĂ©nĂ©volement les jeunes.

COMMENT Y PARVENEZ-VOUS ?

On lance des appels, on mobilise, on s’appuie sur des relais (lapresse, les Maires, les associations
). On sĂšme, en s’appuyant surles expĂ©riences dĂ©jĂ  vĂ©cues (car, lĂ  encore, les jeunes Ă©trangers etleurs familles d’accueil sont les meilleurs ambassadeurs du projet).On est trĂšs surpris par les rĂ©actions de certains. On s’attend Ă  ceque celui qui est habituĂ© Ă  voyager, qui a une grande maison ettrois chambres de libre soit ouvert au projet, et c’est l’autre, l’ex-trĂȘmement modeste et plus reculĂ©, qui va s’avĂ©rer disponible et quiva rĂ©pondre Ă  vos sollicitations.

EN TANT QUE DIRECTEUR, COMMENT DÉFINIRIEZ-VOUS LA FAMILLE IDÉALE ?

La famille qui a du cƓur, car l’expĂ©rience nous prouve que c’est ellequi accueille le plus et le mieux. S’il y a de la gĂ©nĂ©rositĂ© et du cƓur,il y a partage et intĂ©gration. Il ne s’agit pas forcĂ©ment d’en faire trop(des voyages, des visites), il s’agit avant tout de crĂ©er du lien et ce

lien est synonyme de bonheur. J’ai en mĂ©moire cette grand-mĂšred’accueil qui a montrĂ© Ă  ce jeune IsraĂ©lien Ă  cuire la fouasse et luiqui, en retour, lui a appris Ă  cuisiner un plat bulgare. Quand lagrand-mĂšre s’est Ă©tonnĂ©e et lui a dit : « Mais tu es IsraĂ©lien, tu n’espas Bulgare ? », ils en sont venus Ă  Ă©voquer l’histoire de la famille,de la shoah
 de l’Europe.

DE QUELLE FAÇON LA PRÉSENCE DE JEUNES ÉTRANGERS EN EXIL INFLUENCE-T-ELLE LE PARCOURS DES LYCÉENS FRANÇAIS D’ESPALION ? EST-CE QUE CEPROJET A BOULEVERSÉ UN PEU LEUR VISION DE L’AVENIR ?

Ces jeunes Ă©trangers, je l’ai dĂ©jĂ  dit, forcent l’admiration de nosĂ©lĂšves : partir un an, quitter sa famille, ses amis, son quotidien etses facilitĂ©s, pour se plonger dans l’incertitude
 tout cela les ques-tionne. D’autant qu’ils les voient maĂźtriser rapidement une autrelangue, voire plusieurs langues. Nous ne sommes pas dans un ter-ritoire oĂč les jeunes partent facilement, rien donc n’est acquis,mais je sens qu’à travers l’exemple des jeunes que l’on a accueillis,nos jeunes Français s’interrogent et se demandent Ă  leur tour :« Pourquoi ne pas partir une annĂ©e Ă  l’étranger ? »

ON SAIT QUE LES FREINS AU DÉPART SONT NOMBREUX. VOUS PARLIEZ DU CONTEXTELOCAL. MAIS IL EN EXISTE D’AUTRES, LIÉS NOTAMMENT AU CONTEXTE CULTUREL ETÀ LA QUESTION DE LA SCOLARITÉ. L’IDÉE QUE L’ÉLÈVE VA INTERROMPRE LE COURSNORMAL DES ÉTUDES, L’IDÉE QU’IL VA « PERDRE UNE ANNÉE » OU PIRE ENCORE« PERDRE SES ACQUIS », QU’IL AURA BIEN LE TEMPS DE FAIRE UNE CÉSURE PLUSTARD
 FONT PARTIE DES LEITMOTIV QUI BLOQUENT LE PASSAGE À L’ACTE. EN TANTQUE CHEF D’ÉTABLISSEMENT, QUEL MESSAGE SOUHAITEZ-VOUS FAIRE PASSER AUXJEUNES QUI ONT DES VELLÉITÉS DE DÉPART AINSI QU’À LEURS PARENTS ?

Je leur dis qu’il faut savoir « prendre le temps » : cessons de plani-fier l’avenir de nos jeunes. Pensons plutĂŽt Ă  solliciter leur curiositĂ©.Se refuser (ou leur refuser) d’aller passer une annĂ©e Ă  l’étranger,c’est s’interdire (ou leur interdire) une prise d’autonomie et d’indĂ©-pendance Ă  un moment crucial du dĂ©veloppement. L’ñge idĂ©al pourse mouler dans son environnement, pour dĂ©velopper sa capacitĂ© Ă s’en sortir, pour apprendre rĂ©ellement Ă  parler et Ă  comprendre unelangue, est celui de l’adolescence. C’est une question de souplesseet d’adaptabilitĂ©. En partant en fin de seconde ou de premiĂšre vousavez la certitude de revenir transformĂ© par votre sĂ©jour et de boni-fier vos acquis (rĂ©flexion sur vos Ă©tudes et sur votre avenir, ouver-ture, capacitĂ© Ă  prendre du recul
). En partant plus tard, vouspouvez bien entendu acquĂ©rir une expĂ©rience, mais vous pouvezĂȘtre sĂ»r que vous serez quasiment le mĂȘme Ă  votre retour. QuantĂ  la durĂ©e, elle est fondamentale Ă©galement. Il est Ă©vident que l’en-gagement sur toute une annĂ©e est essentiel pour s’assurer d’uncĂŽtĂ© de consolider ses acquis, et pour s’assurer de l’autre de l’in-vestissement de l’élĂšve et de sa motivation. L’élĂšve qui vient touteune annĂ©e scolaire n’est pas un Ă©lĂšve de passage.

LES NEUROSCIENCES NOUS DISENT QU’IL N’Y A PAS D’APPRENTISSAGE POSSIBLESANS ÉVEIL DE L’ATTENTION, SANS MOTIVATION ET SANS QU’UNE ÉMOTION(CERTAINS PARLERONT DE PLAISIR) SE DÉGAGE. DANS NOTRE COURTE ENTRE-VUE VOUS AVEZ ÉVOQUÉ TOUTES CES NOTIONS. LE PROJET QUI EST LE VÔTRE(DÉVELOPPER DE FAÇON INTENSE LES ÉCHANGES INTERNATIONAUX, FAVORISERLA RENCONTRE AVEC DES ÉLÈVES DU MONDE ENTIER ET PERMETTRE À CESDERNIERS DE CONNAÎTRE UNE AUTRE ÉCOLE) SEMBLE DONC ÊTRE EN PARFAITEADÉQUATION AVEC L’OBJECTIF PREMIER DE L’ÉCOLE.

Éduquer, c’est dĂ©stabiliser dans le cadre. Il me semble que ces sĂ©-jours conçus sur la longue durĂ©e entrent dans cette approche.Dans le cadre de ces Ă©changes, les enfants engagent un virage Ă 180 degrĂ©s, loin de leurs bases, mais ils le font dans un contextescolaire et familial bien dĂ©finis, et en Ă©tant rigoureusement suivispar une association comme la vĂŽtre. Tout est donc en place pourmener Ă  bien une vraie mission Ă©ducative.

Carole Dujols & Mathieu Baldit (chef d’établissement et coordinateur de l’ImmaculĂ©eConception / Directeur du CollĂšge et du lycĂ©e d’Espalion)

Participants PIE du lycĂ©e d’Espalion (2018-2019) et leurs familles d’accueil : Inaki,Mexicain / famille BALITRAND - Lisa, Allemande / famille GUIRAL - Dingje (Victo-ria), Chinoise / famille BOUTEILLE - Ilaria, Italienne / famille AZEMAR - Gaelle, Ca-nadienne / famille DE SEGUIN DE REYNIES - Yu-Hui (Ben), Taiwanais / famillePITON - Daniel, Colombien / famille BOUTEILLE - Jasmina , Allemande / familleBESSIERE - Sophia, Allemande / famille CONQUET

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1 — Vincent, Lima, Ohio — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis 2, 8 — LĂ©a, Jourdanton, Texas — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis3 — Audrey, Edgewood, Iowa — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

4 — Celia, Hermitage, Missouri — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis5 — Lucas, Oakwood Hills, Michigan — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

6 — Laura, Oklahoma City, Oklahoma — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis7 — Églantine, Kershaw, South Carolina — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

9 — Sofia, Beamsville, Ontario — Échange Trimestre Canada10 — Rose-May, Ionia, Michigan —Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

11, 12 — Laura, Coconut Creek, Florida — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis13 — Maxence, Peoria, Arizona — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

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Amitiés

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TROIS QUATORZE — Pourquoi as-tu choisi de venir en France ? Pourquoi ne pasavoir optĂ©, comme tant d’autres, pour les USA ?Margherita — Je savais que j’en viendrais un jour ou l’autre Ă  apprendre l’anglais etque des occasions se prĂ©senteraient de faire un sĂ©jour dans un pays anglophone.C’était moins sĂ»r pour le français. Alors j’ai choisi de commencer par ça. Je dirais quepour moi, l’anglais Ă©tait une nĂ©cessitĂ© et le français un plaisir. J’aime cette langue.

3.14 — Tu as donc choisi la langue plutĂŽt que le pays ? Margherita — Les deux Ă©taient (et sont) tout de mĂȘme intimement liĂ©s. Une langueest toujours le reflet d’un pays et d’une culture.

3.14 — On se souvient, Ă  PIE, de ton arrivĂ©e et de tes premiers pas dans notrepays, car nous avons eu un mal fou Ă  t’inscrire Ă  l’école. Nous avons eu droit Ă l’époque au dĂ©roulĂ© de tous les arguments « classiques » mais difficilement recevables : « Les classes sont surchargĂ©es », « on ne peut pas y intĂ©grer en plusdes Ă©trangers », « elle n’aura pas le niveau », etc. Dans ton cas, l’AcadĂ©mie nousa mĂȘme demandĂ© Ă  ce que tu passes un test de langue, rĂ©servĂ© pourtant auxmigrants ! Quel souvenir gardes-tu de cette pĂ©riode ?Margherita — J’ai attendu plus de vingt jours avant d’intĂ©grer mon lycĂ©e. Je n’étais pas au courant de tout ce qui se tramait, mais je me souviens avoir entendu que « J’allais ralentir la classe ». C’était un peu inquiĂ©tant pour mes parents naturels, pĂ©nible pour la famille qui m’accueillait et stressant pour moi car j’avais l’impression que je n’allais pas apprendre Ă  parler français et que je n’allais pas atteindre mon objectif. Je craignais aussi d’arriver dans une classe dĂ©jĂ  formĂ©e et d’avoir du mal Ă  me faire ma place.

3.14 — Ton cas a certainement Ă©tĂ© un des plus difficiles que nous ayonsrencontrĂ©s. C’est d’autant plus Ă©tonnant au regard de l’intĂ©gration qui allait

ĂȘtre la tienne par la suite et du parcours brillant que tu rĂ©alises aujourd’hui ausein de l’institution française
 Nous y reviendrons. Mais, du coup, qu’as-tufais de toute cette pĂ©riode de « dĂ©scolarisation » ?Margherita — Ma famille m’a inscrite au volley et au hip-hop, j’ai visitĂ© Paris, une stagiaire de PIE m’a accompagnĂ©e et me parlait français
 J’en ai profitĂ©. Et, au final,je crois que quand j’ai dĂ©barquĂ© Ă  l’école, j’étais presque plus mĂ»re pour l’intĂ©grer ques’il n’y avait pas eu cette phase intermĂ©diaire. Ce qui m’a le plus surprise, ce sont lesprogrĂšs en français que j’avais pu rĂ©aliser durant ces vingt premiers jours
 et celasans mĂȘme mettre un pied au lycĂ©e. J’ai compris Ă  cette occasion que l’école n’était pasle seul lieu de formation et que le vrai apprentissage se fait au quotidien et sans toujours s’en rendre compte (rires).

3.14 — Si tu devais rĂ©sumer en quelques mots ton annĂ©e en France, que dirais-tu ?Margherita — Je me souviens de cette annĂ©e avec une grande prĂ©cision, de son intensitĂ©,de ce que j’ai vĂ©cu et appris. Je sais que tout s’est dĂ©roulĂ© de façon simple et quasi parfaite,en famille comme Ă  l’école. Dans le cadre de l’école et des activitĂ©s extra-scolaires, je mesuis fait plein d’amis. J’ai intĂ©grĂ© un tas de groupes, j’étais toujours sollicitĂ©e : j’écoutais, je parlais, j’étais toujours en Ă©veil
 Je rĂ©sumerais, je crois, en disant que j’ai tout aimĂ©.

3.14 — Un mot sur la famille et sur l’accueil qu’elle t’a rĂ©servĂ© ?Margherita — J’ai Ă©tĂ© reçue le mieux possible. MatĂ©riellement, ils m’avaient fait uneplace de choix (j’avais ma chambre, ma salle de bains
). Et humainement, ils ont Ă©tĂ©simples et parfaits. J’ai sans doute vĂ©cu le tout dĂ©but un peu sur la rĂ©serve —parceque je suis un peu timide— mais au bout d’un mois ou deux, je me suis sentie« comme chez moi ». Je dirais mĂȘme que j’étais « chez moi ». Tout cela a glissĂ© naturellement. Les Merminod ont cinq enfants. L’aĂźnĂ© ne vivait plus Ă  la maison, le second Ă©tait parti pour un an aux USA. Je vivais donc avec les trois filles de 15, 12 et

Le RÉSEAU PRO de PIE - Parcours d’anciens Tous les participants PIE ont Ă  la fois des compĂ©tences et des capacitĂ©s qui les distinguent, ainsi qu’une force commune qui les lie et leur inspire une mutuelle confiance. Fort de cedouble constat, PIE a crĂ©Ă© en 2015 un rĂ©seau professionnel. Objectif : entraide et conseils professionnels, recherche de stages et de stagiaires, d’emplois et de partenaires
“LE RESEAUPRO” publie une gazette mensuelle. “LE RESEAU PRO” compte aujourd’hui prĂšs de 800 membres LinkedIn et plus de 3 500 abonnĂ©s Ă  sa gazette. Dans ce numĂ©ro, TROIS QUATORZErelate le parcours d’un ancien participant au programme.

LA FRANCE EST UNE SOEURC’EST UN PARCOURS ASSEZ EXCEPTIONNEL QUE CELUI DE MARGHERITA,TOUTE JEUNE PARTICIPANTE ITALIENNE AU PROGRAMME« HIGH SCHOOL – ACCUEIL » (C’ÉTAIT EN 2O15/2016), QUI

REVIENT EN 2017, PAR LA GRANDE PORTE, PUISQU’ELLE INTÈGREALORS LE LYCÉE LOUIS LE GRAND ET SA CLASSE PRÉPARATOIRE À L’ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE
 RETOUR NOURRI PAR UNECERTAINE PASSION FRANÇAISE.

Margherita, Notre-Dame, Paris, France — 2018

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5 ans. Je suis devenue la « grande sƓur ». Belle inversion des valeurs pour moi quiavais deux grands frĂšres et qui Ă©tais la benjamine. Je crois que j’étais un peu unexemple pour les plus petites. Je pense que cela m’a responsabilisĂ©e.

3.14 — Quelle relation gardes-tu avec eux ?Margherita — Ils comptent beaucoup pour moi. Bien que je sois en France, je les voismoins aujourd’hui (car j’ai beaucoup de travail). Mais je sais qu’ils sont là. Ils restent unpoint d’ancrage.

3.14 — Comment as-tu Ă©tĂ© amenĂ©e Ă  revenir en France ?Margherita — AprĂšs mon annĂ©e en France, je suis naturellement rentrĂ©e en Italie, Ă Reggio Emilia. J’ai pu sauter ma quatriĂšme annĂ©e et intĂ©grer directement la derniĂšreannĂ©e. J’avais gardĂ© dans un coin de ma tĂȘte l’idĂ©e de retourner assez vite en France. J’aiprĂ©parĂ© l’« Esame di Maturita » (Ă©quivalent du bac) et postulĂ© Ă  des Ă©tudes supĂ©rieuresen Italie, mais en parallĂšle, j’ai complĂ©tĂ© le dossier des APB en France (ancĂȘtre de « Par-coursup »). J’étais attirĂ©e et intĂ©ressĂ©e par ce systĂšme des grandes Ă©coles et des classesprĂ©paratoires que nous n’avons pas en Italie. Je ne voulais pas me spĂ©cialiser tout desuite dans une seule matiĂšre, et l’idĂ©e de continuer mes Ă©tudes en suivant un parcourspluridisciplinaire —à la fois gĂ©nĂ©raliste et pointu— me plaisait. Je sentais aussi que jen’en n’avais pas fini avec la France. J’ai donc candidatĂ© Ă  Henry IV et Ă  Louis-le-Grand.

3.14 — Un peu comme on jette une bouteille Ă  la mer, n’est-ce pas ?Margherita — Oui, exactement. Je me suis dit : « Sait-on jamais ? », mais ça ne mestressait pas plus que ça. Et cela a marchĂ© : j’ai Ă©tĂ© acceptĂ©e Ă  Louis-Le-Grand. En internat, qui plus est, ce qui rendait le projet viable financiĂšrement !

3.14 — Et tu as donc dĂ©barquĂ© dans la plus prestigieuse des Ă©coles prĂ©para-toires françaises ? Comment expliques-tu que tu aies Ă©tĂ© choisie ?Margherita — Je me pose parfois la question. J’avais un trĂšs bon bulletin de terminaleen France et j’avais obtenu le DALF (« DiplĂŽme approfondi de langue française » niveauC2), ça a dĂ» jouer, tout comme le fait que j’étudiais le latin et le grec.

3.14 — Tu as donc dĂ©barquĂ© de nouveau en France, Ă  Paris intramuros cettefois, et en Lettres SupĂ©rieures. Cette annĂ©e tu es en 2e annĂ©e (KhĂągne). Es-tu satisfaite de la direction que tu as prise ?Margherita — Oui, c’est trĂšs intĂ©ressant, car ce sont des Ă©tudes littĂ©raires assez poussĂ©es, couplĂ©es Ă  des matiĂšres plus en relation avec le rĂ©el. J’ai des cours de philo,latin, italien, littĂ©rature, histoire et gĂ©ographie. GrĂące Ă  un professeur extraordinaire,j’ai vraiment dĂ©couvert la gĂ©ographie —dans toutes ses dimensions— et j’en ai faitma spĂ©cialitĂ©. Tout cela est passionnant. La force du systĂšme français, c’est qu’il en appelle vraiment Ă  la rĂ©flexion de l’élĂšve et Ă  son intelligence. On le sollicite vraiment. Ce principe de la dissertation, c’est tellement français. Ça vous correspond totalement.Je sais qu’en Italie on peut se contenter de coller au « catalogue » au lieu d’intĂ©grer leschoses dans une rĂ©flexion plus large, qui fasse rĂ©ellement appel Ă  la rĂ©flexion critique.

3.14 — Et la faiblesse de ce systĂšme Ă©ducatif ?Margherita — Il gĂ©nĂšre bien trop de stress ! Il me semble que plus le niveau monteplus le stress augmente. Au lycĂ©e ça allait, mais lĂ , c’est juste dĂ©lirant. Je reste persua-dĂ©e que l’on pourrait faire aussi bien sans ce niveau de pression.

3.14 — Comment envisages-tu la suite ?Margherita — Je ne l’envisage pas ! Je ne veux pas me fixer de limites (rires). Actuellement je prĂ©pare Normale Sup, mais je dois reconnaĂźtre qu’au moment oĂč j’aipostulĂ© aux classes prĂ©paratoires, c’était plus pour les cours que pour intĂ©grer l’ENS.Donc je prends les choses comme elles viennent. Si j’ai l’examen, je rentre Ă  NormaleSup, sinon je verrai. Est-ce que je « repiquerai » ? HonnĂȘtement je n’y pense pas trop.Je crois que je resterai en France au moins 4-5 ans, le temps des Ă©tudes. Mais pasforcĂ©ment pour la vie. Pour l’instant, je ne veux pas me fixer de barriĂšres.

3.14 — Qu’est-ce que tu aimes tant en France ? Margherita — J’y suis bien. J’aime l’esprit français, la culture, la langue, et Paris aussi.Vous ĂȘtes incroyables, vous les Français.

3.14 — En quel sens ? Margherita — Vous aimez le dĂ©bat et la discussion, la dialectique. Je crois que ce quivous caractĂ©rise, c’est cet esprit critique qui vous habite. Pour le meilleur et pour lepire. Le pire, car vous ĂȘtes les gens les plus rĂąleurs qui soient. Vous confondezfacilement l’esprit Critique et l’esprit de critique. Tout le monde rĂąle dans ce pays,et partout et tout le temps
 Je pense que cela participe au fait qu’on vous trouvehautains : vous prenez les gens de haut.

3.14 — Et le meilleur en quoi ? Margherita — L’autocritique. Votre art, votre littĂ©rature, tout votre pays est animĂ© parcet esprit particulier. L’insatisfaction, la volontĂ© de ne pas vous contenter de ce quevous avez, la remise en cause perpĂ©tuelle et la rĂ©volte vous habitent. Je retrouve celadans les Ă©crivains que j’aime : Montesquieu, Hugo, Baudelaire
 et le thĂ©Ăątre françaisdans son ensemble.

3.14 — L’Italie est aux antipodes de cela ? Margherita — Disons que sur ce point nous sommes peut-ĂȘtre diffĂ©rents. On apprĂ©ciepeut-ĂȘtre ce qui est plus lĂ©ger. On est moins compliquĂ©s et on a peut-ĂȘtre moins de« quant Ă  soi ».

3.14 — En France, on a tendance pourtant Ă  voir l’Italien comme celui qui« roule un peu des mĂ©caniques » !Margherita — Il est Ă©vident que, dans le fond, nous nous ressemblons terriblement.Nous sommes vraiment cousins
 plus que ça mĂȘme, nous sommes frĂšres et sƓurs.Il n’y a pas deux peuples qui soient si proches, non ?

3.14 — Si c’est le cas, pourquoi alors avoir choisi de venir en France ? Margherita — Je pense que ce qui est intĂ©ressant dans l’échange que j’ai vĂ©cu (Italie-France) —et que je vis toujours— c’est qu’il n’y a pas d’exotisme, pas de choc culturelĂ  proprement parler. Rien en somme pour venir cacher l’essentiel.

3.14 — L’essentiel serait donc un « choc » personnel ? Margherita — En tout Ă©tat de cause, une transformation profonde de ses relations, deson mode de vie, donc de pensĂ©e. Quand on part, on change de logiciel, on est amenĂ©en consĂ©quence Ă  se remettre en cause.

3.14 — Si tu devais partir de France et emporter quelque chose que choisirais-tu ? Margherita — (Elle rĂ©flĂ©chit
) Paris, je crois ! Et l’ouverture et la dimension culturellefrançaise. Je peux trouver ça en Italie, mais pas Ă  la mĂȘme Ă©chelle.

3.14 — Si tu devais apporter quelque chose d’Italie ?Margherita — (Sans avoir besoin de rĂ©flĂ©chir) La nourriture. Quand je dis ça, je nepense pas Ă  la haute gastronomie, mais Ă  la nourriture quotidienne : les pĂątes, les ra-violes, la charcuterie, la pizza
 et le sourire et le service qui vont avec. Je ramĂšneraisun peu de notre dĂ©contraction et de notre naĂŻvetĂ© Ă©galement. C’est bien de se laisservivre parfois, de savoir apprĂ©cier ce que l’on a.

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J’ai 17 ans. J’habite dans un petit villagede 200 habitants et je vais dans le lycĂ©edu district : « River Ridge High School ».Je passe une annĂ©e merveilleuse. Partirest l’une des meilleures dĂ©cisions que j’ai prises. J’ai dĂ©cidĂ© dans les premiĂšres semaines de mon arrivĂ©e de m’inscriredans le club de cross-country du lycĂ©e.Aux États-Unis, l’approche du sport est trĂšs particuliĂšre : le sport fait complĂštement partie de la culture populaire et la façon de le pratiquer en dit long sur les valeurs du pays. Ici on s’encourage, on se pousse les uns les autres, on fait plein de « High Five ». En gros, on prend chaque course etchaque compĂ©tition comme la chose la plus importante qui soit
 mais contrairement Ă  ce qu’on croit, les rĂ©sultats ne sont pas ce qu’il y a de plus important. Ici, aucun sportif n’est mĂ©prisĂ© : on applaudit chacun et chaqueperformance : on motive les meilleursmais on soutient les plus lents, on encourage son Ă©quipe tout comme cellede ses adversaires. Tout le monde dĂ©borde d’énergie, les coureurs sont positifs et souriants. Bref l’ambiance est incroyable. Pour moi,le plaisir d’ĂȘtre dans cette Ă©quipe decross-country dĂ©passe largement lespures joies de la course.

Il fait froid. FĂ©vrier vient juste de commencer. Les - 15°C qui rĂšgnent rĂ©vĂšlent la buĂ©ecristalline que nous expirons ; nous ne sentons plus nos mains engourdies depuis dĂ©jĂ quelques minutes. Il neige si fort que l’on ne peut distinguer la route, mais guidĂ©s parles chaudes lumiĂšres Ă©lectriques qui Ă©clairent notre chemin, nous arrivons finalementsur le toit de la ville. Et quelle vue, et quelle vie ! Empire de glace, royaume de l’hiver.La ville est engloutie par les montagnes, et seule la neige qui tombe trouble le calme absolu du ciel et fait rĂ©gner un silence abyssal au sol. Le froid mord nos joues rouges,nous nous extasions de la fantastique perspective qu’offre ce moment magique.Presque 6 mois que je suis parti. Les mois les plus courts et les plus longs de ma vie
Que d’aventures ! À ce moment prĂ©cis, je rĂ©alise que je rentre dans quatre mois. J’aurai18 ans. J’ai l’impression que j’ai vĂ©cu mille vies, vu mille villes. Verdict : mon existencefait enfin sens. Je me prĂ©pare Ă  vivre cette derniĂšre Ă©tape en profitant de chaque jour.25 heures par jour. MaĂźtrisant l’anglais, voyant l’ultime distance qui me sĂ©pare demon retour, je joue la montre et m’efforce d’en tirer le plus possible, mais les aiguilles, d’une prĂ©cision chirurgicale, pressent le temps, filent Ă  toute vitesse. Et s’égrĂšnentinexorablement les jours restants. DerniĂšre ligne droite vers les derniers instants.

Le Japon tel qu’on l’imagine c’est bien
 mais le Japon rĂ©el, c’est encore mieux.Voici quatre mois que je me suis envolĂ©e pour le pays du Soleil Levant, des rĂȘvesen tĂȘte et des Ă©toiles dans les yeux. Je me souviens du jour du dĂ©part : aumoment d’entrer dans l’avion, je n’étais pas triste. Je laissais, en France, les personnes que j’aimais
 mais je partais au Japon pour dĂ©couvrir de nouvellespersonnes Ă  aimer.Sans vous mentir, ĂȘtre un Ă©tudiant d’échange n’est pas chose « facile » : c’est mĂȘme trĂšs loin de l’ĂȘtre. Il faut dĂ©jĂ  s’adapter ; ensuite, il faut se faire une place dans le pays hĂŽte, se faire des amis, se construire une routine. Au Japon, ĂȘtre le « Gaijin » (l’étranger) peut parfois jouer des tours. Exemple :quand les gens ne vous connaissent pas et qu’ils jugent que vous ĂȘtes un « Gaijin », ils vous parlent en anglais, quel que soit votre niveau de japonais. Pour s’intĂ©grer, il faut dĂ©voiler le meilleur de soi-mĂȘme. Surmonter le « choc culturel » c’est se rendre compte que les choses ne sont pas mieux ou moins

À BICYCLETTEMaĂŻwenn, Kochi City — Une annĂ©e scolaire au Japon

AILLEURS EST CHEZ MOILĂ©a, Yokohama City — Une annĂ©e scolaire au Japon

AU-DELÀ DU RÉSULTATJeanne, Parch Grove, WisconsinUne annĂ©e scolaire aux États-Unis

DERNIÈRE LIGNE DROITEJean, Spokane, Washington — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

bien, mais juste diffĂ©rentes. Pour ma part, je dĂ©couvre chaque jour de nouveaux aspects du Japon, des aspects cachĂ©s. Je n’ai qu’unmessage pour les futurs Ă©tudiants d’échange : que vous vous dirigiez vers le Japon, la Nouvelle-ZĂ©lande, la SuĂšde, l’Argentine ou mĂȘmeles États-Unis, vous aurez sĂ»rement des moments de doute, de peur —tout simplement parce que vous ne serez pas « Ă  la maison »—,mais un jour votre pays d’accueil deviendra votre « maison » —pas au sens matĂ©riel, mais au sens Ă©motionnel—, et ce jour-lĂ , vous vous rendrez compte que tout ça valait le coup. Et vous vous rendrez compte aussi que vous vivez le meilleur de votre vie. Ne perdez jamaisconfiance en vous. ArrivĂ© Ă  un certain point de l’échange, et quand vous regarderez en arriĂšre, vous vous rendrez compte que tout —le positif comme le nĂ©gatif— a contribuĂ© Ă  faire de cet Ă©change une expĂ©rience magique et unique. Je vous dis « À bientĂŽt », et commeon me l’a dit quand je suis partie au Japon : « See you on the other side of the world ! »

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Ce projet de « Partir un an » me paraissait intĂ©ressant pour mavie future : savoir parler anglais, dĂ©couvrir un nouveau monde,s’ouvrir l’esprit. Le contexte me plaisait : vivre en famille, aucƓur du pays
 la vraie vie. Mais en y rĂ©flĂ©chissant pluslonguement, j’ai eu quelques doutes : ne pas voir mes prochespendant une annĂ©e me faisait un peu peur, tout comme le faitd’avoir sans doute Ă  faire ma seconde Ă  mon retour. Mais je mesuis dit que l’occasion ne se reprĂ©senterait plus et que ce moment prĂ©cis, entre le collĂšge et le lycĂ©e Ă©tait le meilleur pourpartir. Alors on a dĂ©cidĂ© (moi et ma famille) de remplir undossier pour partir un an Ă  l’étranger. Je me suis inscrit trĂšs tardivement. La date butoir approchait et je n’avais toujours pasde famille. J’étais de plus en plus stressĂ© et je me disais que jene partirais pas cette annĂ©e. Le soir du jour J, je n’avais plusaucun espoir de partir. Mais les faits allaient me dĂ©mentir, caraux environs de 20h45, j’ai reçu un appel de PIE. Une famille du Minnesota avait retenu mon dossier et avait dĂ©cidĂ© de m’accueillir pour toute une annĂ©e. Le destin avait tournĂ©. Me voilĂ  donc aux États-Unis, au cƓur de ce Minnesota. C’estune magnifique rĂ©gion agricole avec de somptueux dĂ©cors. Toutle monde est chaleureux, ma famille et tout le village. Je me faisvite des amis. Ils me font dĂ©couvrir Ă©normĂ©ment de choses(beaucoup de vocabulaire et un peu de leur culture). Dans cetterĂ©gion nord-amĂ©ricaine, la tempĂ©rature peut tomber jusqu’à -35° Celsius. C’est le cas aujourd’hui. J’ai pu observer pour lapremiĂšre fois de ma vie une sublime aurore borĂ©ale, le tout sousun terrifiant blizzard. Il y a Ă©normĂ©ment de neige (1 mĂštre enmoyenne) et tous les lacs sont gelĂ©s. On perce des trous dans laglace et on pĂȘche. De tout ça je tire un enseignement : il fauttoujours positiver et garder espoir. Tout se joue parfois in extremis
 pour moi c’était juste avant la date butoir.

CENT POUR CENT USAInĂšs, anoka, Minnesota

Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

MES GRAND-PARENTS AMÉRICAINSClĂ©mentine, Germantown Hills, OhioUne annĂ©e scolaire aux États-Unis

LA DATE BUTOIRPierre-Marie, Fulda, Minnesota — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

L’idĂ©e de partir Ă  l’étranger et de vivre l’expĂ©rience d’un« Exchange Student » pendant 10 mois me trottait dans la tĂȘtedepuis quelque temps, et puis, aprĂšs plusieurs discussionsavec mes parents, j’ai fini par sauter le pas. Ces premiers moisdans l’Illinois ont Ă©tĂ© tellement intenses, humainement et Ă©motionnellement. J’ai partagĂ© des moments exceptionnelsavec cette famille, que j’adore : ils m’ont, par exemple, emmenĂ©e passer quelques jours dans la maison des parents de ma maman d’accueil dans le Colorado. Ce sont certainementles meilleurs jours que j’ai passĂ©s ici depuis mon arrivĂ©e : lespaysages Ă©taient sublimes, les randonnĂ©es inoubliables. Quandje parlais de moments intenses humainement, mon sĂ©jour auColorado en est le parfait exemple. J’ai eu une rĂ©elle connexionavec les grands-parents, on a beaucoup Ă©changĂ© ensemble (desmoments en cuisine avec Nana, des Ă©changes sur les livres, desrires et des discussions trĂšs enrichissantes aussi avec John...).Au moment de partir, Nana, John et moi nous pleurions. C’estdingue comment en simplement quatre jours on peut autant s’attacher Ă  des personnes.

Le football amĂ©ricain aux États-Unis, est une vraie religion. C’est un peu comme enFrance, mĂȘme si ce n’est pas le mĂȘme football. Ce jour-lĂ , on est arrivĂ©s sur le terrainvers 7pm, pour une soirĂ©e 100% USA. J’avais enfilĂ© mon tee-shirt rouge et mon jeanbleu. Une fois sur place on a retrouvĂ© les autres lycĂ©ens, tous habillĂ©s de blanc, derouge et de bleu, paillettes autour des yeux et rouge aux lĂšvres. On a rejoint nos amis,on en a rencontrĂ© d’autres. Ce genre d’évĂ©nement nous permet de faire plein de nouvelles connaissances, et c’est pour ça que j’aime autant y assister. Être sociable, c’est important quand on estĂ©tudiant Ă©tranger ! L’ambiance Ă©tait incroyable, entre la fanfare, les danseuses et « Cheerleaders », les cris de joie et d’encouragement
. le tout sous un coucher de soleilaux mille couleurs. Je n’ai pas toujours compris ce qui se passait sur le terrain, maispeu importe. Ce qui compte dans ces moments-lĂ , c’est de sentir que je fais partied’une grande famille, celle d’Anoka High School. À l’heure oĂč je vous Ă©cris, la saison de football amĂ©ricain est terminĂ©e. Je suis un peu triste, car je sais que tout ça vaĂ©normĂ©ment me manquer. Il me reste les matchs de Basketball, de Volley-ball ou encore de Hockey. Toujours cette bonne ambiance, toujours ces lieux de rencontre. Et ça, je ne m’en lasserai jamais !

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Je suis arrivĂ©e il y six mois maintenant, dans une familletrĂšs accueillante qui, dĂšs le dĂ©but, a tout fait pour que je me sente Ă  l’aise. J’arrivais en plein milieu d’annĂ©e scolaire (puisque l’Argentine se trouve dans l’hĂ©misphĂšreSud) :j’apprĂ©hendais donc particuliĂšrement mon premierjour Ă  l’école. Je suis inscrite dans une Ă©cole de 150Ă©lĂšves, une grande famille oĂč les Ă©lĂšves et les professeurssont tous trĂšs proches les uns des autres. Ils ont eu lagentillesse de tous m’intĂ©grer aussitĂŽt Ă  leur groupe. J’ai la chance de participer Ă  de nombreuses activitĂ©s scolaires, notamment et avant tout Ă  l’« Intertribu » : c’est une grande compĂ©tition organisĂ©e par l’école. L’école se divise en 2 tribus, les rouges (nommĂ©s HueltĂ©n ») et les jaunes (« Caru Cura »), qui s’affrontentpendant 3 jours en sport (basket, athlĂ©tisme, foot, volley,baseball...), art (dessin, chant, danse...) et dans toutes les matiĂšres acadĂ©miques. Les liens avec la classe et lesautres Ă©lĂšves n’ont fait que se renforcer. J’ai Ă©galement eu la chance de voyager : les « Cataratas deIguazu » (une des merveilles du monde), les plus beauxendroits de la Patagonie, au Sud du Pays. J’ai pu voir les baleines de Puerto Madryn, le glacier « Perito Moreno » auCalafate, Ushuaia —la ville du bout du monde—, et enfinune des plus belles citĂ©s du pays : Bariloche. L'annĂ©e scolaire s’est terminĂ©e dĂ©but dĂ©cembre par la remise des rĂ©compenses. Les trois classes de terminaleont reçu leur diplĂŽme, on a Ă©lu le « meilleur camarade »de chaque classe, primĂ© les trois meilleures moyennes,puis « celui qui a loupĂ© le moins de jours d’école » et « celui qui s’est le plus dĂ©vouĂ© pour la vie du lycĂ©e ». À magrande surprise, j’ai Ă©tĂ© Ă©lue « Meilleur camarade » et 3e

« Meilleure moyenne de la classe. » La semaine s’est achevĂ©e par l’« Egreso », le bal de promo des terminales.Je profite des grandes vacances : j’ai fĂȘtĂ© NoĂ«l et le Jour de l’An dehors, sous 30° Ă  l’ombre, autour d’un barbecue et en tee-shirt. Avec les autres Ă©trangers que j’ai rencontrĂ©s on se disait : « On ne vit pas une annĂ©edans une vie, mais une vie en une annĂ©e. »

UNE VIE EN UNE ANNÉEJeanne, Fulda, Balneria, Cordoba — Une annĂ©e scolaire en Argentine

TOI LA SOEUR QUE JE N’AI JAMAIS EUEJuliette, Zanesville, Ohio — Une annĂ©e scolaire aux États-Unis

FRÈRES D’ACCUEILMarin, Siren, WisconsinUne annĂ©e scolaire aux États-Unis

Je vis avec une autre Ă©tudiante d’échange Espagnole, Laura. Jamais avant de partir, je n’aurais pu imaginer que j’allais lier uneamitiĂ© aussi forte. On partage la mĂȘme chambre
 au dĂ©but ça mefaisait un peu peur : « Est-ce que je vais supporter d’avoir toujoursquelqu’un dans ma chambre ? et si on s’entend mal, etc. »Puis on s’est rencontrĂ©es, on a appris Ă  se connaĂźtre, et je me suisvite rendu compte que mon Ă©change aurait Ă©tĂ© bien diffĂ©rent sanselle : on passe tout notre temps ensemble, on rigole Ă©normĂ©ment,on partage des milliards de choses qu’il nous serait difficile departager avec notre famille d’accueil
 parce qu’ils ne peuvent pasvraiment comprendre. Comme on vit exactement la mĂȘme chose,

Dans quelques jours, je quitte les USA pour le Mexique. Ce moment charniĂšre me ramĂšneau dĂ©part et me fait repenser Ă  la façon dont tout s’est construit. Je suis arrivĂ©e ici dansl’Ohio, dans le but de maĂźtriser la langue et de faire connaissance avec des personnesĂ©trangĂšres. Tout cela Ă©tait classique. Mais je ne m’attendais pas Ă  ce qui allait arriver.Quelques temps aprĂšs mon arrivĂ©e, j’ai vĂ©cu ce que j’apprĂ©hendais le plus : un changementde famille. Personne n’était responsable de ce changement : ça n’a tout simplement pasfonctionné  question de caractĂšres ! Mais cela m’a permis de connaĂźtre deux modes de vieamĂ©ricains bien diffĂ©rents. Ce changement a donc Ă©tĂ© une rĂ©ussite. Quelques semaines aprĂšs mon arrivĂ©e, une amie d’une de mes sƓurs d’accueil est venuevivre avec nous Ă  cause de problĂšmes personnels. Nous nous sommes doucementrapprochĂ©es, et de plus en plus. Elle est devenue ma meilleure amie. Nous avons passĂ©toutes nos soirĂ©es, nos week-ends ensemble. Nous avons partagĂ© beaucoup de choses elleet moi, au niveau de la musique notamment. Elle avait sa propre voiture, ce qui nous apermis d’aller rĂ©guliĂšrement au restaurant, au cinĂ©ma ou encore faire les magasins.Ce furent des moments trĂšs prĂ©cieux pour moi. Pour mon 18e anniversaire, mĂȘme si ma famille naturelle m’a manquĂ©, je me suis sentie entourĂ©e de gens que j’aimais, et c’est cequi comptait pour moi. Au contact de ma famille et de mes amis amĂ©ricains, je pensem’ĂȘtre ouvert l’esprit, et j’espĂšre, de mon cĂŽtĂ©, avoir ajoutĂ© de la nouveautĂ© et de l’exotismedans leur vie. Je leur ai peut-ĂȘtre permis Ă  eux aussi d’élargir leur regard sur le monde. Aujourd’hui je pars au Mexique. Toutes ces personnes que j’ai connues, je ne les laisse pasderriĂšre moi : je garderai Ă  jamais gravĂ© dans mon cƓur leur gĂ©nĂ©rositĂ©. Ils sont ma famille.Et la tristesse de les quitter n’est rien au regard de la joie d’avoir pu les connaĂźtre.

QUAND LA JOIE DÉPASSE LA TRISTESSEJuliette, Sydney, Ohio — 2x6 USA/Mexique

quand ça ne va pas,on se soutient. Ensemble, on sefabrique nos meilleurssouvenirs. Elle est devenue la sƓur queje n’ai jamais eue. Ça va me faire extrĂȘmement bizarre de ne plus la voir tous les jours quand je rentrerai
 Mais l’Espagne n’est pastrĂšs loin. On a dĂ©jĂ prĂ©vu de se revoir !

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ÉTUDES UNIVERSITAIRES AUX ÉTATS-UNIS

ALL YOU NEED IS MOTIVATION – Par RosalindaAprĂšs une annĂ©e scolaire fantastique dans un lycĂ©e amĂ©ricain du Minnesota —c’était en 2015—, me revoici, bac en poche, de retour aux États-Unis.Mais cette fois, je suis sur un campus universitaire de l’État de l’Illinois. Cette fois,le dĂ©fi semblait un peu plus difficile Ă  relever. J’allais me retrouver seule (autrement ditsans famille d’accueil), loin de mes repĂšres, et non-voyante par-dessus le marchĂ© ! Mais l’intĂ©gration a Ă©tĂ© beaucoup plus facile que ce que j’avais imaginĂ©. Étant donnĂ©que j’avais dĂ©jĂ  passĂ© un an Ă  l’étranger, j’étais bien prĂ©parĂ©e psychologiquement. En revanche, je n’étais pas prĂȘte Ă  cette masse de travail Ă  laquelle j’allais devoir faireface, compte tenu notamment de mon handicap.

Mais mon universitĂ© a Ă©tĂ© merveilleuse ! Avant mĂȘme mon arrivĂ©e, des dispositionsavaient Ă©tĂ© prises pour mon matĂ©riel. Ils m’ont fourni un petit appareil appelĂ© « BrailleSens », qui fait fonction d’ordinateur et qui peut Ă©galement ĂȘtre reliĂ© Ă  un ordinateur portable et servir de plage braille (tout cela Ă  l’aide d’une connexion Bluetooth ou d’un cĂąble USB. Magnifique, non ? Ce systĂšme me permet de prendre mes cours, de rendre tous mes devoirs, etc. J’étais donc comblĂ©e. Mais ce n’est pas tout ! MalgrĂ© ma dĂ©ficience visuelle, j’ai pu intĂ©grer toutes sortes d’organisations telles que des groupes de chant (dont l’un est l’élite du campus),un club de Quiditch. J’ai mĂȘme obtenu un travail, ou plutĂŽt trois
 pour ĂȘtre prĂ©cise.Je travaille aujourd’hui Ă  la cafĂ©tĂ©ria, au service informatique du campus oĂč je contribueĂ  l’amĂ©lioration de l’accessibilitĂ© des sites internet, et j’assure de l’aide aux devoirs auxAmĂ©ricains qui Ă©tudient le français. Bref, tout va pour le mieux !

Au fil de ces derniers mois, j’ai rĂ©alisĂ© que partir et Ă©tudier Ă  l’étranger est bien ma seulechance d’accomplir ce que je veux, tout ce que je veux. En restant en France, j’aurais eumoins de possibilitĂ©s de m’en sortir. J’ai appris que ma force et ma volontĂ© Ă©taient lesclefs de ma rĂ©ussite. Je conseille Ă  chaque jeune, quelle que soit son origine et sa couleurde peau, son niveau de langue, son handicap, de tenter l’expĂ©rience. « All you need is motivation ».

UNE JOURNÉE ORDINAIRE SUR MON CAMPUS – Par FloreFlore, 18 ans, vit depuis le mois de janvier Ă  Aquinas College, une universitĂ© du Michigan.Qu’elles soient belles, grises, trop courtes, interminables, fatigantes, dĂ©routantes
 diffĂ©rentes parfois et parfois semblables, nos journĂ©es,parce qu’elles se suivent l’une l’autre, construisent notre quotidien.À l’étranger, ce quotidien nouveau nous transporte, le banal nous surprend. RĂ©veil Ă  8h, dans mon « dorm », pour ma premiĂšre classe, Introduction Ă  la philosophie. Aujourd’hui, je prends mon petit dĂ©jeĂ»ner dans ma chambre, mais il y aaussi la cafĂ©tĂ©ria oĂč l’on peut trouver plein de choses : gaufres, oatmeal
 À 9h15, fin du cours. Je ne reprends qu’à 12h15 avec LittĂ©rature anglaise. Entre-temps, je repasse par ma chambre, la range, prends rendez-vous avec monconseiller acadĂ©mique et dĂ©jeune Ă  la cafĂ©tĂ©ria avec des AmĂ©ricains et d’autres Ă©tudiants internationaux. Je vais Ă  la bibliothĂšque et j’avance dans mes recherches :j’ai un devoir Ă  rendre pour le cours The world in crisis.15 h, c’est l’heure de l’espagnol. Nous ne sommes que quatre Ă©lĂšves, c’est vraimenttop pour l’expression orale et la prise de parole. 16h20, je sors de mon dernier cours. Je repasse dans ma chambre pour rĂ©cupĂ©rer mesaffaires de sport et me changer. 17h, dĂźner Ă  la cafĂ©tĂ©ria du campus : repas lĂ©ger en prĂ©vision de mon entraĂźnementde « cheerleading ». 17h50, je me dirige vers le centre de fitness, l’entraĂźnement commence Ă  18h parl’échauffement, puis on s’entraĂźne sur les « sunts » (portĂ©s/pyramides) et aux sauts. Le prochain match a lieu mercredi, alors notre prestation de mi-temps doit ĂȘtre prĂȘte. 21h, fin de l’entraĂźnement, je prends une barre de cĂ©rĂ©ales au cafĂ© de l’universitĂ© et discute avec une copine. Enfin je rejoins ma chambre. Je rĂ©vise mon vocabulaired’espagnol pour le test de cette semaine et rĂ©ponds aux e-mails de l’universitĂ© ainsiqu’à ceux de mes professeurs. On discute pas mal avec ma « roomate » qui m’aide Ă  rĂ©viser pour un quizz de gĂ©o, on se raconte notre journĂ©e. Si j’ai encore du temps je lis,ou regarde une sĂ©rie, et voilĂ  !

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J’AI TUÉ MON PÈRE UN VENDREDI — DĂ©lĂ©-guĂ©e bĂ©nĂ©vole et mĂšre de Sarah GONZALES(Responsable de rĂ©gions / Sud), BrigitteHEUZARD, livre un rĂ©cit bouleversant quitraite de la mort volontaire, de l’amour etdes liens familiaux. Editions VĂ©rone – 19€

ROBIN SÉVETTE sur France 3 — C’EST POUR LA VIE, produitpar NOMADES (diffusion sur France 3 Hauts-de-France le 8avril 2019) — Depuis octobre 2016, le rĂ©alisateur Laurent

BOILEAU fréquente une di-zaine de personnes adultesporteuses de Trisomie 21vivant à Arras. A intervallesréguliers, il est venu vivreen immersion avec elles etobserver leur apprentis-

sage de l’autonomie et de l’autodĂ©termination dans les do-maines aussi variĂ©s que le logement, le transport, l’emploi,les loisirs ou la vie citoyenne. De cette aventure est nĂ© ce film,dans lequel intervient Robin, fidĂšle de l’association, fils deMartine et Éric (dĂ©lĂ©guĂ©s, famille d’accueil Ă  de nombreusesreprises et parents de participants). — Un film qui changele regard —www.facebook.com/trisoetalorslefilm/

BIENVENUE ET BONNE ROUTE...

...Ă  IRIS & LÉONIE... NOS BÉBÉS SÉVETTEIris, nĂ©e le 2 avril, est la fille de William (ancien participant Nouvelle-ZĂ©lande, ancien dĂ©lĂ©guĂ©) et de CloĂ©. LĂ©onie, nĂ©e le 26 mai, est la fille de David (ancien participant Canada/Nunavut, ancien dĂ©lĂ©guĂ©) et de Virginie. Martine GuĂ©rard et Éric SĂ©vette, lesgrand-parents sont des fidĂšles de PIE (voir ci-contre et voir leur portrait dans le 3.14 n°57).

...à LIAM, le fils de Coralise Foulet (notre déléguée de régions / Ouest, de 2015 à 2018)et de Baptiste, né le 14 mai 2018.

...à JEANNE, la fille de Sabrina Cadeau (ancienne participante USA/2001, déléguée àLille), née le 7 juin 2018.

...à EVA, la fille de Laurianne Favier (ancienne participante USA/1997 et déléguée bénévole à Brest), née le 2 septembre 2018.

...à CAMILLE, le fils de Marie Glicksohn (ancienne participante USA/1995, anciennedéléguée et ancienne salariée à Paris), né le 20 décembre 2018.

CORDON ROUGE — DEVENIR DÉLÉGUÉ(E) DE L’ASSOCIATION PIE

À PIE, le rĂŽle du (de la) dĂ©lĂ©guĂ©(e) est crucial. C’est le dĂ©lĂ©guĂ©, en effet, qui oeuvresur le terrain, qui recherche et sĂ©lectionne les familles d'accueil, qui rencontre lesparticipants aux sĂ©jours et leurs parents, qui informe, oriente, rassure et accom-pagne. Parents et familles d’accueil, anciens participants (qui passent alors du statut de « Cordon bleu » Ă  celui de « Cordon rouge »...). Si vous ĂȘtes intĂ©ressĂ©(e),n’hĂ©sitez pas Ă  contacter Maya : [email protected].

EN MÉMOIRE DE CLAUDE

Claude Supplisson est dĂ©cĂ©dĂ© le samedi 23 juin 2018.Claude et son Ă©pouse Zon ont Ă©tĂ©, au tout dĂ©but des annĂ©es 80, parmi les tous premiers dĂ©lĂ©guĂ©s de l’association, les pionniers du rĂ©seau de bĂ©nĂ©voles, aux cĂŽtĂ©sd’Annie, de Maryse, de Jean, de Josette, d’AndrĂ©e... Claude et Zon Ă©taient Ă  l’époquebasĂ©s Ă  NĂźmes. Claude a ƓuvrĂ© avec autant de gentillesse que de discrĂ©tion et d’efficacitĂ© Ă  la mise en place des structures de l’association et a largement contribuĂ© Ă  crĂ©er et Ă  animer cet « esprit » PIE, qui perdure. À la fin des annĂ©es 80, Claude et Zon ont transmis le relais rĂ©gional Ă  Christine Callier. À cette Ă©poque, leur fille Domitille - participante 1982, USA -, a intĂ©grĂ© Ă  son tour le rĂ©seau, auquel elle reste, aujourd’hui encore, fidĂšle et dĂ©vouĂ©e. Quelques annĂ©es plus tard, les enfants de Domitille (et petits-enfants de Claude),Etienne, Baptistine et BarthĂ©lĂ©my, sont devenus Ă  leur tour les premiers participants « deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration » (autrement dit « participants enfants de participant »). Les niĂšces et les neveux de Domitille ont suivi.

ACCUEILLIR AVEC PIEConsultez les profils des jeunes Ă©trangers en attente d’une famille d’accueil sur : piefrance.comSite et profils rĂ©guliĂšrement actualisĂ©s. Si vous voulez ensavoir plus sur l’accueil, contactez PIE au : 04 42 91 31 00

ÉCRIRE À TROIS QUATORZE Participants, amis, parents... Le journal Trois Quatorzeattend vos commentaires et vos impressions pour lespublier. Envoyez e-mails, lettres, photos, dessins Ă  :[email protected]

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PUBLICATIONS

RECHERCHE STAGERosalinda, ancienne participante High School (Opposum Écarlate 2015), est actuellement participante au programme PIE CAMPUS (Illinois - USA) en "Bachelor"(Relations internationales). Rosalinda recherche un stage entre le dĂ©but du mois de mai et la mi-aoĂ»t 2019. Rosalinda est trĂšs motivĂ©e, entreprenante. Elle est ouverte Ă  toutes sortes de propositions de stage (activitĂ©,lieu et durĂ©e)... Le rĂ©seau PRO de PIE, qui connaĂźtses multiples talents, compte fort sur le soutien de tous pour l'aider Ă  trouver ce stage.

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PIE 14-18 ansSĂ©jours scolaires de longue durĂ©eĂ  l’étranger

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