UNIVERSITE SORBONNE NOUVELLE – PARIS 3
UFR Arts & Médias
Département de Médiation culturelle
LA REAPPROPRIATION ET LA REINVENTION DE L’IDENTITE DES
METIS CANADIENS.
LA LITTERATURE : UN MEDIUM DE REVENDICATION IDENTITAIRE.
VILFROY Audrey
Mémoire dirigé par Mme BERTHO - LAVENIR Catherine
Soutenu à la session de juin 2012
2
« De tous les peuples fondateurs de ce pays, nous sommes les derniers à être
reconnus. Nous sommes incompris et notre statut d’Autochtone est remis en
question de pars et d’autre et ce, d’une manière dégradante, comme si nous
n’avions pas le droit d’exister. Si nous, les Métis, sommes le peuple oublié du
Canada, alors je considère être une mission que de faire en sorte que l’on se
souvienne de nous […] Etre Métis est un droit de naissance, mais trouver de la
fierté dans le fait d’être Métis et la capacité de s’exprimer à travers l’art en tant
que Métis est un défi pour tous les artistes Métis. »
BELCOURT Christi,
« Purpose in Art, Métis Identity, and Moving Beyonf the Self »
Native Studies Review, vol.17, n°2, 2008, p.147
Citation originale:
“We are the least celebrated of all the founding peoples of this country. We are misunderstood and our
Aboriginal status is questioned from all sides in a demeaning manner, as if we have no right to exist. If we, the
Metis, are Canada’s forgotten people then I consider it a mission in life to make sure we are remembered […]
Being Métis is a birthright, but finding pride in being Métis and the ability to express oneself through art as a
Métis person is a challenge for every Métis artist.”
3
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS ............................................................................................. 5
INTRODUCTION ................................................................................................. 6
CHAPITRE I : ACTEURS A L’ORIGINE ET A LA TETE DE LA LITTERATURE
DES METIS ......................................................................................................... 9
1.1 Le XIXe siècle et Louis Riel ............................................................... 10
a. Louis Riel : fier d’être Métis.................................................................. 10
b. Des engagements politiques et religieux plus prononcés ..................... 14
1.2 Etre Métis aujourd’hui ....................................................................... 21
a. Pemmican Publications : une maison d’édition pour les Métis ............. 22
b. Les écrivains contemporains ............................................................... 27
CHAPITRE II : LES GENRES LITTERAIRES PRIVILEGIES ............................ 38
2.1 La poésie : « le langage du milieu » ...................................................... 39
a. La poésie : une transition naturelle entre tradition indienne et tradition
européenne ................................................................................................ 27
b. La poésie : une remise en question du langage ................................... 44
2.2 Le roman ................................................................................................. 48
a Le roman : médium de créolisation ? ................................................... 49
b. Le roman : une logique associative ...................................................... 52
CHAPITRE III : CONTENUS DES ŒUVRES, LA PREPONDERANCE DE
STEREOTYPES ................................................................................................ 57
3.1 Le « syndrome des filles natives » ....................................................... 58
4
a Une violence physique ......................................................................... 59
b. Les violences psychologiques ............................................................. 62
3.2 Pensionnats et familles d’accueil ......................................................... 67
a. Survol historique des pensionnats ....................................................... 67
b. Les politiques gouvernementales......................................................... 69
c. Le cas particulier des Métis ................................................................. 72
d. Les familles d’accueil ........................................................................... 74
3.3 Le sentiment d’entre-deux ..................................................................... 76
a. Définitions des termes Métis et « Sense of Metis Self » ....................... 76
b. La stratégie du « Passing » ................................................................. 78
c. Le troisième espace : un processus en trois étapes ............................. 83
CONCLUSION .................................................................................................. 87
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................. 90
SITOGRAPHIE .................................................................................................. 96
ANNEXES ....................................................................................................... 100
5
REMERCIEMENTS
En préambule à ce mémoire, je souhaite témoigner ma reconnaissance
aux personnes qui m’ont apporté leur aide et qui ont contribué de près ou de loin
à l’élaboration de ce projet.
Je voudrais avant tout adresser toute ma gratitude à la directrice de ce
mémoire, Catherine BERTHO-LAVENIR pour sa direction, sa disponibilité, son
écoute et surtout ses conseils pertinents qui m’ont permis de mener à bien cette
étude.
Mes remerciements s’adressent également à l’équipe du centre de
documentation du centre culturel canadien de Paris pour la mise à disposition de
documents non destinés au public et qui ont considérablement alimenté ma
réflexion. Je leur en suis sincèrement reconnaissante.
Je tiens aussi à exprimer ma gratitude envers Mr Thomas Emmanuel,
Mme Nadia Duboc et Mlle Claire Rochet pour leurs regards extérieurs sur la
question ainsi que leur gentillesse de lire et corriger ce travail.
Je n’oublie pas mes proches et plus particulièrement Mlle Lee Hyunah
pour m’avoir apporté un support moral tout au cours de la réalisation de ce
mémoire.
Enfin, j’aimerais adresser un remerciement particulier à Mme Ferré-Rode
Sandrine, Maître de conférences de l’U.V.S.Q et spécialiste de la littérature
régionale et minoritaire au Canada, pour avoir suscité mon intérêt quant à ce
domaine d’étude.
6
INTRODUCTION
Le 11 juin 2008, le premier ministre canadien, Stephen Joseph Harper
revient sur le comportement passé du gouvernement envers les peuples
autochtones et explique :
« Le système des Residential schools avait deux principaux objectifs.
Extraire les enfants de l’influence de leur foyer, de leur famille, de leurs traditions
et de leurs cultures afin de les assimiler à la culture dominante. Ces objectifs
étaient fondés sur l’idée selon laquelle les cultures et les croyances des
autochtones étaient inférieures et inégales (à la culture canadienne européenne).
En effet, certains pensaient, et ont tenu notoirement qu’il fallait « tuer l’indien
dans l’enfant » […] La pratique des langues et des cultures des Premières
nations, des Inuits et des Métis étaient interdite dans ces écoles. »
Souvent décrit comme une mosaïque culturelle, le Canada qui questionne
sans arrêt la nature et les contours de son identité est, à tord ou à raison, perçu
comme plus ouvert et plus innovateur quant à la question de la multiculturalité.
Aujourd’hui, les artistes canadiens à l’instar de Ken Lum abordent ces
questions d’identités dans leurs œuvres. A titre d’exemple, la création de Lum
intitulée Il n’y a rien de mieux qu’être chez soi1, conçu pour la façade de la
Kunsthalle de Vienne illustre cette idée. Ce travaille réunissant six photos de
personnes, accompagnées d’un texte court : leur parole, questionne la
construction de l’identité des immigrants dans leur pays d’accueil.
Les autochtones canadiens quant à eux, s’emparent depuis quelques
années de l’art pour se faire entendre. L’expression artistique est considérée et
utilisée par les peuples autochtones du Canada comme un médium de
revendication identitaire. Ces derniers ont dû se battre pour maintenir leur place
dans la société canadienne et, aujourd’hui encore, c’est le défi qu’ils continuent
de relever.
Ceci est d’autant plus vrai pour les Métis canadiens qui ne sont reconnus
comme peuple autochtone par la constitution canadienne que depuis 1982. Leur
statut particulier leur confère une double identité ainsi qu’un double héritage
culturel qui entraîne une définition peu précise du peuple Métis. A la fois de
1 Cf. Annexe n°, LUM, Ken, There is no place like home, 2000-2001, 3 épreuves couleurs, 105 x 74 cm
chacune.
7
descendance européenne et autochtone, les Métis doivent constamment justifier
leur identité et leur culture. Souvent regardés de haut par les canadiens
européens et les Premières nations, la culture des Métis n’est pas reconnue
comme une culture unique mais comme une vulgaire combinaison des deux
cultures « mères » qui la composent.
Par le passé, les Métis revendiquaient leur identité et se battaient pour
celle-ci, le soulèvement de la rivière rouge en est l’exemple. Puis, le
gouvernement canadien mis en place des politiques visant à « tuer l’indien qui
est en eux», c'est-à-dire à civiliser les autochtones afin d’unifier la culture
canadienne autour de la culture européenne.
En réponse à ces actions politiques, les Métis sont entrés dans une
tactique de survie qui consistait notamment à s’assimiler à l’une de leurs cultures,
n’exposant pas ou très peu leur appartenance à cette communauté. De toute
évidence, les politiques gouvernementales ont échoué et c’est à partir des
années 1980 et 1990 que l’on constate une appropriation du médium littéraire
par les Métis.
En conséquence, ce médium leur permet de se réapproprier et de
réinventer leur image auprès de la société canadienne. Une œuvre d’art n’est
pas seulement une image, du contenu mais aussi une organisation avec son
mode de fonctionnement qui nous force à réfléchir. En ce sens, le dispositif sert
des intérêts, supposés avoir un impact sur le spectateur.
Ceci vient éclaircir le sujet que la présente recherche entend approfondir
à savoir : comprendre comment le dispositif des œuvres littéraires des Métis
incarne en lui-même une revendication identitaire. Dans cette optique, la
littérature sera abordée comme un objet matérialisant la voix des Métis. Il s’agit
de déconstruire l’objet pour déchiffrer son mode de fonctionnement, sa logique
interne, afin de comprendre comment les Métis se l’approprient et l’utilisent pour
reprendre le contrôle de leur image culturelle.
Dans un premier temps, nous exposerons les différents acteurs de la
littérature des Métis et les raisons pour lesquelles ces derniers s’engagent et
utilisent le médium littéraire pour revendiquer leur identité et leur culture. Le
lecteur, avant même d’avoir lu le livre qu’il a entre ses mains dégage une idée
rien qu’en regardant le nom de l’auteur. L’écrivain, par sa nature, son identité
Métis, représente une certaine image de sa communauté. C’est en découvrant
Louis Riel, militant politique et écrivain, la maison d’édition Pemmican
8
Publications dédiée aux auteurs Métis et les écrivains Métis contemporains que
nous essaierons de comprendre comment ils abordent la littérature et comment
ils jouent avec ses codes.
Ces interrogations formeront une transition avec le deuxième chapitre,
abordant la question du genre littéraire. Nous questionnerons les raisons qui font
de la poésie et du roman les genres les plus privilégiés par les Métis. La forme
est une interface entre l’émetteur et le récepteur, sa structure offre au lecteur de
nombreuses informations sur la logique de ce dispositif. Nous démontrerons ici,
que ces deux genres littéraires permettent aux écrivains de combiner des
éléments de leur culture canadienne européenne et indienne afin de créer une
logique associative et non séparative.
Cette dernière question nous amènera à aborder dans le dernier chapitre
le contenu des œuvres et plus spécifiquement la récurrence des thèmes abordés
par les Métis. Le lecteur tire des conclusions à partir de ce que l’auteur lui
raconte. C’est pourquoi, il est nécessaire de comprendre en quoi ces
thématiques sont révélatrices de l’action menée par les auteurs afin de véhiculer
une image autre des Métis.
Cela nous conduira à conclure sur le discours tenu par les auteurs Métis
quant à leur identité et leur culture en s’emparant du médium littéraire. Dans
quelles mesures cet outil leur permet de changer leur image et, par extension,
leur place au sein de la société canadienne ? L’utilisation qui en est fait par les
auteurs contribue-t-elle à améliorer la perception des autres membres de la
société, ou à l’inverse, ne fait-elle qu’alimenter les stéréotypes dont les Métis
veulent se défaire ?
9
CHAPITRE I :
Acteurs à l’origine et à la tête de la littérature des Métis
Au cours de ce premier chapitre, nous nous concentrerons sur les acteurs
à la tête de l’invention d’une nouvelle identité métisse. Il nous faut comprendre
les raisons qui motivent ces différents acteurs et par quels moyens ils essaient
d’inventer une nouvelle identité.
Pour cela, nous nous pencherons sur le cas de Louis Riel, puisque cet
auteur est devenu une figure emblématique, une référence pour la littérature des
Métis. Nous essaierons donc de comprendre ce qui a fait que cet homme est
devenu célèbre au sein de la communauté métisse et canadienne en générale,
mais aussi les convictions de Louis Riel, fervent défenseur de la communauté
métisse.
Après avoir pris en compte les prémisses de la littérature métisse du XIXe
siècle, nous pourrons faire un bon dans l’histoire et nous attarder plus
précisément sur la création d’une maison d’édition en 1980, toujours en activité,
et exclusivement réservée aux auteurs Métis, à savoir Pemmican Publications. Ici,
nous nous concentrerons sur un média, en d’autres termes sur une institution
structurée pour médiatiser des contenus, parce que cette maison d’édition fait
partie des différents acteurs qui inventent cette nouvelle identité métisse. En y
prêtant attention, nous acquerrons une idée plus précise de la situation actuelle
de la littérature des Métis au sein de la société canadienne.
Enfin, nous porterons notre regard sur les auteurs Métis contemporains
puisqu’ils sont aujourd’hui les ambassadeurs de la communauté métisse. Il
semble donc crucial de comprendre leur définition et leur position en tant
qu’auteur et en tant que Métis.
Cette démarche historico-chronologique nous aidera à appréhender la
littérature des Métis telle un médium de revendication identitaire. C’est en
essayant de comprendre les raisons qui poussent les différents acteurs,
mentionnés ci-dessus, à prendre position en faveur de la communauté métisse,
que nous pourrons comprendre en quoi cette littérature est en effet marquée par
ce besoin de revendication.
10
1.1 Le XIXe siècle et Louis Riel
a. Louis Riel : fier d’être Métis
Louis Riel est né à St-Boniface en octobre 1844. Très tôt, dès l’année
1864 et alors âgé de 20 ans, il écrit et collecte des poèmes dans le « calepin de
poésies ». Les années qui suivent, Louis Riel rédige de nombreux écrits et fournit
alors aux Métis son premier écrivain reconnu. Il faut entendre par là que la
littérature des Métis existait et existe toujours sous une forme orale, c’est pour
cette raison que Riel devient l’un des premiers écrivains à transmettre sa pensée
en utilisant un médium plus couramment employé par les européens : la
littérature « écrite ». Nous reviendrons sur ces notions plus en détails au cours
d’un chapitre sur les genres littéraires employés par les auteurs Métis. Par
conséquent, il est nécessaire pour appréhender la littérature contemporaine, de
comprendre les engagements des premiers écrivains Métis et, en l’occurence,
ceux de Louis Riel.
Louis Riel, en plus de sa vie d’écrivain est un homme engagé envers le
peuple métis. Souvent catégorisé de personnage controversé, tantôt poète,
tantôt leader du soulèvement de la rivière Rouge, il devient le sujet de bien des
légendes. Ces clichés ne quitteront pas Louis Riel. En analysant avec plus de
précision quelques uns de ses poèmes, nous prendrons connaissance des
images préconçues qui se sont développées sur cet auteur et qui ont contribué à
créer un personnage charismatique. Par ses écrits de jeunesse, nous essaierons
de comprendre la vision du monde de Louis Riel dans le but de démontrer que
ses œuvres littéraires ont marqué les débuts d’une revendication identitaire qui,
nous le savons, donnera lieu à des événements historiques bien précis.
Dans un premier temps, il semble indispensable d’apporter quelques
explications quant à l’éducation de Louis Riel, puisque cela influence en partie sa
stylistique et surtout ses futurs idéaux politiques. Son enfance est marquée par
une éducation religieuse chrétienne. Ce détail est de grande importance puisque
plus tard, dans les années 1870, Louis Riel sera convaincu d’être choisi par le
Saint-Esprit pour incarner le « Prophète du Nouveau-Monde ».
11
Il écrit d’ailleurs :
« Mes premières années ont été parfumées des meilleures odeurs de la
foi. Car mon bien-aimé père ne permettait à personne de dire du mal en ma
présence. La prière en famille, le chapelet ont toujours été sous mes yeux. Et ils
sont dans ma nature comme l’air que je respire. »2
Nous sommes forcés de constater l’éloge que le jeune Riel fait de sa
conviction religieuse. Il va même jusqu’à préciser que cette conviction est
primordiale à son existence. Ce passage accentue son engagement futur et nous
permet d’affirmer que cet écrit est un écho à sa prise de position pour le peuple
Métis. Les événements historiques qui s’en suivront, et sur lesquels nous
porterons une certaine attention, confirmeront cette idée. Notons également qu’il
étudie à l’école des Sœurs Grises de Saint-Boniface en 1853 ainsi qu’à l’école
des Frères des Ecoles Chrétiennes, où il y apprend le latin. Cette éducation,
marquée par une domination de la culture française renforce son opposition à la
culture dominante anglaise, et, a donc un impact sur ses futurs écrits et futures
actions.
De fait, Louis Riel poursuit son parcours scolaire au collège de Montréal.
Malgré de nombreuses absences tout au long de sa première année3, il fait
néanmoins preuve de nombreuses aptitudes scolaires en décrochant plusieurs
mentions « très bien », notamment en philosophie.
Un camarade de Louis Riel émet une précision qui a une certaine
importance. Bien que cet écrit soit relaté par un autre que Riel, ce qui est raconté
souligne une caractéristique quant à sa personne et nous apporte plus amples
informations sur l’esprit de revendication qui habite Louis Riel:
« Dans les heures de récréations […] on se groupait autour de lui […] Il
leur narrait quelque histoire comique sur les us et coutumes de son pays, ou
2 Archives du Séminaire de Trois-Rivières, Lettre de Louis Riel à Mgr A. Taché, 24 juillet 1885
3 CAMPBELL, FLANAGAN, MARTEL, Louis Riel Poésies de jeunesse, texte no XIV, p.1
12
quelque aventure terrible dont il n’était jamais victime […] scènes déchirantes
d’incendie dans les prairies de l’ouest, d’enfants broyés ou emportés par des
chevaux sauvages, de chasseurs intrépides qui sautaient d’un seul bond une
grande rivière pour couper court aux poursuites acharnées des animaux
féroces. »4
Ici, ce n’est pas tant la stylistique employée par l’auteur qui nous importe,
bien qu’elle puisse avoir un intérêt certain afin d’expliquer l’idée que se font les
canadiens européens des Métis et de leur vie, mais plutôt le souvenir qu’un
camarade de Louis Riel garde de sa personne. Nous remarquons que dès son
plus jeune âge, et en dépit d’une éducation religieuse qui trouve ses sources
dans le modèle européen, Louis Riel garde des caractéristiques propres à la
culture des Métis canadiens. En d’autres termes, il utilise un mode de
transmission orale pour raconter ses histoires, ces dernières faisant référence à
la vie des Métis dans « les prairies de l’ouest » ainsi qu’aux légendes métisses
sur les enfants, les animaux. Prud’homme insiste sur le fait que tous se
« groupaient » autour de Riel. Cela dénote les talents d’orateurs du jeune
homme qui lui seront fort utiles par la suite. Nous pourrions même nous
demander si la culture des Métis et le mode de transmission orale des récits ne
contribuent-t-ils pas à former de bons orateurs ? Une qualité précieuse qui
explique en partie pourquoi Louis Riel est désigné pour mener le mouvement de
résistance des Métis.
D’autres descriptions de Riel par ses camarades le peignent comme une
personne qui « discutait souvent les ordres qu’il jugeait trop sévères et
arbitraires. »5
L’un de ses poèmes est d’ailleurs un clin d’œil à cette position contre la
domination des canadiens européens. Une emprise que nous pourrions désigner
comme étant arbitraire. Cette insubordination, qui se manifesta très tôt, ne quitta
jamais Louis Riel :
4 PRUD’HOMME, E., « Louis Riel », L’Opinion publique, 19 février 1870
5 MOUSSEAU, J.O., Une page d’histoire, Montréal : Daniel, 1886, pp. 5-13
13
XVII. « Un homme haut placé… »
Un homme haut placé, Directeur d’un collège,
(C’est une dignité) Laissa certain travers
Entrer dans sa cervelle. Hélas donc, vous dirais-je
Le plus sûr quelquefois peut tourner à l’envers !
La tête la moins folle
Prend souvent, pour agir, une raison frivole.
Celui même par qui fut mis à mort Condé
Ne s’est pas bien gardé
Contre cette imprudence.
Le travers de notre homme avait pour conséquence
De mettre un élève en Défaut
Nonobstant parfaite innocence.
Cet écolier avait un petit tort : L’air haut.
Une apparence
D’indépendance
Dans certaines maisons suffit
Pour qu’on nous juge en grand délit.
Se Dominant à peine
Dans son préjugé vain, notre surintendant…
14
A travers ce poème, nous pouvons percevoir la position de Riel contre les
injustices, ou du moins les décisions arbitraires des dirigeants de l’établissement
scolaire, « nonobstant parfaite innocence », qui justifient leur décisions sur la
simple apparence des choses. Le directeur « haut placé » ne fait plus preuve de
raison mais se laisse guider par son « préjugé vain ». Encore une fois, si l’on
compare ce poème avec les engagements futurs de Louis Riel pour le peuple
métis, ce dernier confirme l’esprit révolté et contestataire dont fait preuve
l’écrivain. En ce sens, et en dépit du fait de son appartenance au peuple métis,
Louis Riel apparaît comme une personne qui n’accepte pas les abus de pouvoir
qu’un homme, sous prétexte d’être en position de dominance, exerce sur autrui.
Ainsi, dès son plus jeune âge, à travers divers de ses écrits qui se
réfèrent à différents moments de sa vie, il nous est possible d‘observer le
caractère contestataire de Riel, qui n’hésite pas à dénoncer par l’écrit ce qu’il
considère être des injustices. Par certains de ses récits, il est évident que Riel
reste attaché aux traditions des Métis, puisqu’il continue de raconter des
histoires métisses en employant le médium de transmission Métis, la voie orale.
Si, dans ses tout premiers poèmes de jeunesse, il ne se fait pas voix de la
revendication identitaire des Métis, il n’hésite pas, cependant, à prendre parti
pour d’autres causes avec conviction, démontrant ainsi sa personnalité engagée.
b. Des engagements politiques et religieux plus prononcés
● Rebellions politiques et militaires
Comment Louis Riel en est-il venu à se rebeller au point de devenir le
leader de soulèvements tels que la rébellion du Nord-Ouest en 1885 ou celle de
la rivière Rouge entre 1869 et 1870 ? Si ses premières années d’études se
déroulaient sans véritables difficultés, la situation changea. Un an après le décès
de son père, en 1864, Louis Riel quitte le Collège de Montréal après s’être fait
renvoyer. La raison est son non respect des règles de vie du collège. Cependant
les propos tenus par le directeur, Mgr Henri Faraud précisent la cause de ce
changement de comportement, et accuse son identité culturelle. Selon ce
dernier : « Je l’avais vu quelques jours auparavant et il m’avait dit être très décidé
15
à poursuivre jusqu’au bout. C’est vraiment impossible, de conté [sic] sur ces
pauvres métis […] »6
Il serait trop facile de dire que le désir de revendication identitaire dont
Louis Riel fera preuve provient de ce moment précis, cependant, ce qui nous
intéresse est la perception que les canadiens européens ont des Métis. Il semble
limpide que cette vision repose sur des jugements de valeurs, dont nous
essaierons de comprendre au cours d’un autre chapitre, si oui ou non ils sont
fondés. Ce qu’il nous faut retenir ici, c’est le point de vue de ce directeur qui
associe la dégradation du comportement de Louis Riel à son appartenance au
groupe autochtone Métis. Nous pouvons affirmer que la perception de cet
évêque reflète la pensée de la majorité de la population montréalaise de l’époque.
La place de l’Eglise et l’influence exercée par la religion ne sont pas à
mésestimer, puisqu’elles influent sur la vie sociale des différentes communautés
qui composent la société canadienne.
En ce sens, la majorité de la population a une vision extrêmement
dépréciative et erronée à l’égard de cette culture, si tant est, qu’à cette époque,
elle soit considérée comme culture. Ce genre d’événement contribue à confronter
Louis Riel à son appartenance à la communauté métisse, et ainsi le pousser à
s’engager comme porte-parole de ces derniers dans le but de revendiquer
l’existence de leur culture, en essayant de déconstruire les images stéréotypées
qui leurs sont indissociables. A partir de ce moment, Louis Riel commence à se
concentrer sur ses écrits puis s’exile deux années aux Etats Unis, une période
dont nous n’avons pas grandes informations puisqu’il n’entretient que peu de
correspondances avec ses proches. L’une de ses sœurs écrit à une autre :
« Louis ne m’a pas écrit, je ne sais pas du tout à quoi attribuer ce long silence
[…] »7
Il retourne au Canada en 1868 et commence alors à s’intéresser aux
affaires publiques et politiques, qui sont de plus en plus au cœur des discussions
dans la colonie de la rivière Rouge. Quelques années plus tard, en 1875, vient
alors le moment où Louis Riel va être convaincu de sa mission de prophète.
6 Archives de l’Archevêché de St-Boniface, Lettre de Mgr Henri [Faraud], évêque d’Anemont à Mgr Taché,
Montréal, 2 avril 1865
7 Provincial Archives of Manitoba, Riel, no 8
16
L’une de ses motivations est un fort sentiment d’appartenance à la « nation »
métisse. Louis Riel essaie de prouver le fait qu’il existe une véritable nation
métisse dans son mémoire « Les Métis du Nord-Ouest »8. Dans cet ouvrage, il
affirme que les Métis constituent une nation, puisqu’ils ont un gouvernement
nommé « gouvernement provisoire » ainsi que les « lois de la prairie »9. Il précise
d’ailleurs en ce qui concerne le gouvernement provisoire que ce dernier:
[…] s’organisait partout où s’agglomérait une caravane assez considérable, et
cessait d’exister avec elle ; [il] s’organisait pareillement dans tout établissement métis où
une assez grande diversité d’intérêts tendait à engendrer des difficultés, où il y avait des
dangers à conjurer, des hostilités à repousser. »10
Le « gouvernement provisoire » fait à la fois office de conseil et de
tribunal. Une assemblée nationale composée par le peuple est présente ainsi
qu’une armée. En ce sens, Louis Riel considère qu’une nation métisse existe bel
et bien.
Néanmoins, c’est surtout son sentiment de mission envers le peuple Métis
qui pousse Louis Riel à s’engager avec tant de ferveur. Cette mission
d’inspiration divine, qui le pousse jusqu’à comparer les Métis au peuple « juif »,
peut sembler étonnante en vue de ses écrits de jeunesse. En effet, dans ses
poésies n’apparaissent pas de thèmes particulièrement Métis. Cependant nous
avons constaté que Louis Riel avait, très tôt, la sensation que la nation métisse
était une nation assujettie par les anglo-saxons. Il dépeint cette idée dans l’une
de ses fables « Le Chat et les Souris » :
« Un chat de bonne race
Anglais par la naissance, austère dans ses mœurs
Bien moins qu’on ne croirait, flegmatique d’ailleurs.
Comme un lord sans pitié, ne vivait que de chasse.
[…]
8 RIEL, Louis, « Les Métis du Nord-Ouest », Montréal Daily Star, 28 novembre 1885
9 Ibid.
10 Ibid.
17
Qu’un barbare tyran dans son âme hautaine
Condamne de la sorte à la destruction !
Quoi donc ! La seule ambition
D’un méchant peut mener un peuple à sa ruine ! »11
Dans cet extrait, nous constatons le procédé d’animalisation que Louis
Riel emploie pour tirer le portrait de la relation entre les britanniques et les Métis.
Ces derniers sont présentés comme victimes de l’emprise des anglo-saxons qui
détruisent et mènent le peuple Métis à sa fin. Cependant, le « chat » finit par être
puni après que les « souris » se soient unies et se soient soulevées contre ce
« chat », symbole de la tyrannie.
Nous prenons également note du sentiment nationaliste qui surgit des
écrits de Louis Riel. Il semble qu’il soit animé de ressentiment et d’hostilité
envers la domination des britanniques sur la nation métisse. Clairement, cela
présage l’union des peuples autochtones Métis et des Premières Nations contre
le gouvernement canadien quelques années plus tard. Louis Riel s’investit de
plus en plus en politique, militant en faveur de la « nation » métisse afin de
garantir leurs droits, faire en sorte que la rivière Rouge soit reconnue comme une
province canadienne et non plus comme une simple colonie du Manitoba, et
enfin, unifier les différentes tribus indiennes.
Néanmoins, ces idées ne rencontrent pas la réussite espérée et le choix
de Louis Riel de faire exécuter Thomas Scott qui s’était révolté contre ses actions
ne fera que lui apporter le mépris des anglophones canadiens et le conduira à
devoir s’exiler et à mener une vie de fugitive entre le Canada et les Etats-Unis
pendant cinq années, entre 1870 et 1875. Suite à cela, il passe deux années au
sein d’un asile de fous après avoir clamé haut et fort son nouveau dessein, à
savoir devenir le « nouveau Prophète ». Quand il recouvre la liberté, il renonce à
son statut de citoyen canadien, en 1883, et adopte la citoyenneté américaine.
Pourtant un an plus tard, suite à la demande d’une délégation qui voit le jour
dans la province du Saskatchewan, Louis Riel accepte d’endosser le rôle de
11
CAMPBELL, FLANAGAN, MARTEL, Louis Riel Poésies de jeunesse, Op.cit., p.105
18
leader et de mener le nouveau mouvement en faveur des droits des Métis. Des
négociations débutent mais John A. Macdonald refuse de négocier. Riel engage
alors une rébellion à la fois politique et religieuse mais cela ne dure pas. Louis
Riel n’est en effet pas un bon tacticien militaire, et, ne peut faire face à une
armée plus moderne, de surcroît en possession de plus d’équipement. Il finit par
se rendre, et est jugé pour trahison puis condamné à mort le 16 novembre 1885.
● Une fin de vie marquée par une ardeur religieuse
Pendant toutes ces années, Louis Riel a tenu des journaux intimes
relatant les faits cités ci-dessus. Cela reste cependant très bref. Toutefois, nous
notons la conviction de Louis Riel quant à l’avenir des Métis. Selon lui, la
« Nation » métisse réussira à se libérer de la domination anglo-saxonne. Ses
journaux intimes montrent un changement de l’état d’esprit de Louis Riel, qui ne
se consacre plus à la rédaction de poésie mais s’investit en politique et surtout
en théologie. Ainsi, ces journaux nous livrent les pensées de Louis Riel sous un
ordre chronologique en suivant les divers bouleversements de sa vie quotidienne,
nous donnant ainsi accès à l’évolution de ses idées. En 1884, il écrit: « Chef des
Manitobains ! Vous savez que Dieu est avec les Métis ; soyez humble et ouvrez
votre cœur. »12
Si nous prenons un autre exemple en laissant s’écouler une année nous
remarquons que sa conviction religieuse ne le quitte pas. Dans cet extrait, il
relate les messages apportés par le divin :
« L’esprit de Dieu m’a fait voir sept ou huit jeunes Métis qui sont venus
en courant vers moi […] Ils gagnent leur salut, ils se préoccupent de leur salut.
Vous pourriez penser qu’ils jouaient au chat et à la souris, mais ils ne jouent pas :
ils se sauvent eux-mêmes, en gagnant le paradis. Ils gagnent la terre que les
12
“Leader of the Manitobans! You know that God is with the Métis; be meek and humble of heart.”,
FLANAGAN, The Diaries of Louis Riel, Hurtig Publishers, 1976, p. 26
19
autres veulent leur retirer. De la bouche d’un de mes frères canadiens-français,
l’Esprit de Dieu me dit ce mot Cri : Ayoco. »13
A noter qu’en appel de note de l’ouvrage mentionné figure une explication
du mot Crie « Ayoco » qui signifierait « celui-là » ou « c’est lui ».
L’une des dernières pages que Riel écrit dans son journal fait toujours
allusion tant à la religion qu’aux Métis :
« 28 Octobre, Prophéties
L’Esprit de Dieu me fait chanter des idées comme celle-ci avec une voix
élevée, magnifique, dotée d’une douceur ineffable.
- Marguerite a toujours sa terre.
- Et tout ce qui meurt, meurt.
- La nation Métisse que vous avez souhaité déraciner reste sur le
sol que lui a accordé la Providence. »14
Ces divers extraits peignent une ardeur religieuse qui se manifeste par
des prières, des prophéties ainsi que des méditations ou des hymnes. La
description qu’il fait des jeunes Métis courant jusqu’à lui, « celui-là », Louis Riel,
cet être désigné par le divin pour mener son peuple lui confère une étiquette de
« sauveur ». Sa conviction semble être sans faille puisque dans l’une de ses
13
“The Spirit of God made me seen seven or eight young Métis who came running towards me. […] They are
earning their salvation, they are concerned with their salvation. You might think they were playing tag, but
they are not playing: they are saving themselves, gaining paradise. They are winning the land that others
want to take from them. Through the mouth of one of my French-Canadian brothers, the Spirit of God spoke
the following Cree word to me: Ayoco.”, Ibid., p. 60
14 “ October 28, Prophecies, The Spirit of God makes me sing ideas such as these in raised tone of voice,
magnificent with ineffable sweetness:, ‘Marguerite still has her land.’, ‘And all that dies, dies.’, ‘The Métis
nation which you wished to uproot still remains on the soil bestowed by Providence. », Ibid., p. 157
20
toutes dernières prophéties, il assure que les Métis ne seront pas déracinés de
cette terre qui leur a été donnée par la Providence.
Louis Riel est sans conteste une figure emblématique du peuple métis,
tant par sa vocation de poète qu’il découvre au fil de ses études, que par son rôle
en politique. Louis Riel use la poésie afin de protéger les intérêts de son peuple
et déverser sa colère, ses ressentiments et ses désillusions envers les abus des
dirigeants canadiens dont son peuple est victime. L’ouvrage le plus représentatif
de ses opinions reste Les Métis du Nord-Ouest (1885) dans lequel il certifie les
droits des Autochtones et attaque l'attitude oppressive dont fait preuve le
gouvernement canadien auprès des Métis. En raison de son exécution, Louis
Riel laisse une œuvre inaccomplie : Massinahican 15, un mot Crie qui équivaut à
« Le Livre ». Ce dernier ouvrage semble être une sorte de bible métisse qui
regroupe également la mythologie indienne et réunit l’ensemble des pensées
politiques, philosophiques ainsi que des croyances religieuses.
Jusqu’au bout, Louis Riel, écrivain prolifique, n’a cessé de se servir de la
littérature comme d’un médium de protestation. Ce n’est pas une originalité de
dire que le support littéraire représente un outil de choix pour véhiculer des idées
et des revendications. En revanche, en ce qui concerne les Métis, la littérature
constitue la seule arme de défense valable au XIXe siècle, afin de protéger leur
culture. Mésestimés par les dirigeants canadiens, qui n’hésitent pas à employer
la force pour enrayer toute contestation, ce support écrit est un moyen de faire
entendre la voix des Métis et de l’inscrire à travers le temps. D’ailleurs le fait que
Louis Riel soit aussi prolifique soulève une autre question, celle qui concerne la
publication de ses divers ouvrages. Si la littérature donne la possibilité à un
auteur de se faire porte-parole d’un peuple et de faire passer diverses idées, il
nous faut de façon égale amener notre réflexion sur les acteurs en charge de la
fabrication et de la diffusion de ces œuvres dans le but d’observer l’évolution des
protestations des Métis au travers de leurs écrivains. En partant du XIXe siècle
nous nous attarderons sur le XXIe siècle afin de concentrer notre attention sur
les changements quant à la production de la littérature des Métis qui se fait de
15
TOUSSAINT, Ismène, « Louis Riel. », L’Encyclopédie canadienne., Fondation Historica, 2012. Disponible sur
Internet : http://www.thecanadianencyclopedia.com/articles/fr/louis-riel#SEC916413 (consultation février
2012)
21
plus en plus conséquente tant par la quantité d’ouvrages publiés que par
l’émergence de nouveaux auteurs.
1.2 Etre Métis aujourd’hui
Dans un ouvrage intitulé Comprendre la télévision et ses programmes16
François Jost met en avant le fait qu’une chaîne de télévision « n’est pas
seulement un intermédiaire qui parle de notre monde, mais aussi un acteur qui
intervient pour nous défendre. »17
Bien que cela renvoie à un média tout autre, cette distinction entre
« intermédiaire » et « acteur » peut tout à fait être appliquée à la maison d’édition
Pemmican Publications. Sa création marque un tournant pour le futur de la
littérature des Métis et souligne une affirmation identitaire.
Dans un premier temps, nous prendrons en compte le contexte historique
et social des communautés autochtones canadiennes durant les années 1980,
une période de changements marquée par l’affirmation de l’identité des
autochtones et notamment par une prise de contrôle artistique au travers de la
littérature.
Cela nous amènera également à prendre connaissance du processus de
la création ainsi que la mission que cette maison d’édition s’est fixée.
Nous en viendrons enfin à questionner brièvement les différents enjeux
que soulèvent la création de cette structure et des politiques qu’elle choisit de
développer.
En abordant le contexte dans lequel cette institution a vu le jour, les
objectifs ainsi que les répercutions de cette dernière dans le monde culturel,
nous pourrons comprendre en quoi ce média n’est pas seulement, pour revenir à
notre fil conducteur, un simple « intermédiaire » mais un véritable « acteur » qui
contribue à l’invention d’une nouvelle identité métisse.
16
JOST, François, Comprendre la télévision et ses programmes, Paris, Armand Colin, coll. 128, 2e ed., 2009
17 Ibid., p.32
22
a. Pemmican Publications : une maison d’édition pour les Métis
● Les Métis et les années 1980 au Canada
C’est surtout à partir des années 1980 que des changements
commencent à apparaître quant à la place des autochtones au sein du monde
culturel canadien. Ces derniers s’affirment de plus en plus. De son côté, le
gouvernement canadien se penche avec plus d’attention sur la place
qu’occupent les communautés autochtones dans la société canadienne. Il n’est
donc pas étonnant que la maison d’édition Pemmican Publications voit le jour
cette année là. Ces années représentent le moment opportun pour créer une
institution en charge de promouvoir l’identité des Métis auprès de la société
canadienne. C’est d’ailleurs au cours de cette période que le terme
« autochtones » fait son apparition. Il vient se substituer aux termes « Indiens »,
« Esquimau » et « Métis » pour décrire ces différents peuples.
Ce terme est officiellement employé dans l’article 35 de la Loi
constitutionnelle de 198218 :
« 35. (1) Les droits existants - ancestraux ou issus de traités - des peuples
autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.
(2) Dans la présente loi, « peuples autochtones du Canada » s'entend
notamment des Indiens, des Inuits et des Métis du Canada. »
Symboliquement ce terme confère aux peuples autochtones, qui
cherchent à disposer d’eux-mêmes et obtenir une autonomie gouvernementale,
plus d’égalité aux côtés des deux peuples fondateurs de la société canadienne à
savoir les Anglais et les Français. Cette avancée est considérable quand on sait
que les autochtones se définissent avant les années 1980 comme « un peuple
18
« Loi constitutionnelle de 1982 : document. » , L’ Encyclopédie canadienne. Fondation Historica.
Disponible sur Internet : http://www.thecanadianencyclopedia.com/articles/fr/loi-constitutionnelle-de-
1982-document (Consultation 18 mars 2012)
23
du quart monde » 19 . Spécialiste en sociologie et en anthropologie, René
D.Gadacz explique dans un article de l’Encyclopédie canadienne intitulé « loi
constitutionnelle de 1982 : document » qu’à l’instar des minorités Aïnous du
Japon ou encore des Maoris de Nouvelle-Zélande, les Autochtones canadiens se
considèrent comme un peuple colonisé, exploité et sans pouvoir au sein d’un
Etat industrialisé, capitaliste et démocratique.
A ce sentiment vient s’ajouter le fait que la littérature des groupes
ethniques minoritaires, c'est-à-dire les groupes qui n’appartiennent pas aux
peuples européens fondateurs : les Britanniques protestants et les Français
catholiques, est souvent considérée comme ne faisant pas partie du corpus
littéraire canadien et est souvent négligée par les institutions littéraires. La
création d’une maison d’édition dédiée aux Métis était donc nécessaire pour
donner à ces derniers la possibilité de s’exprimer et par extension de revendiquer
leur identité.
Pemmican Publications joue alors un rôle primordial dans l’apparition
d’auteurs d’origine autochtone et plus particulièrement des Métis qui laissent petit
à petit leur empreinte dans la littérature canadienne. Cette structure physique, qui
en elle-même matérialise la parole autochtone, modifie les relations humaines et
sociales entre les autochtones et le reste de la population canadienne. Ces
derniers par le biais de la littérature sont invités à découvrir la culture métisse à
travers le regard métis qui n’est pas un regard « colonisateur ».
Les années 1980 au Canada marquent le début de changement. Le
gouvernement n’est plus dans une démarche d’ethnocide, parce qu’il s’agissait
bien de mettre à mort la culture métisse, point sur lequel nous reviendrons
ultérieurement en abordant les Residential Schools, et souligne une volonté de
rendre à l’autre sa mouvance. En anthropologie, cela renvoie à accepter la
négociation permanente entre stabilité et instabilité dans le domaine du possible.
En d’autres termes, et pour reprendre les propos de Stuart Hall20, sociologue
spécialiste des Cultural Studies, cela revient à accepter qu’il est possible de
19
GADACZ, Rene.R., « Premières nations. », L’Encyclopédie canadienne. Fondation Historica. Disponible sur
Internet : http://www.thecanadianencyclopedia.com/articles/fr/premieres-nations (Consultation 18 mars
2012)
20 HALL, Stuart, Identités et cultures: politiques des cultural studies, Editions Amsterdam, 2007
24
découper le réel autrement, de revenir sur les sélections consciemment opérées
pour structurer la culture et lui donner un sens et qu’il y a donc toujours des
possibilités de faire des connections entre les cultures. C’est cette démarche que
le gouvernement canadien semble vouloir entreprendre à partir des années 1980,
très certainement inspiré par l’influence que les Cultural Studies ont sur le
continent américain depuis les années 1970.
● Pemmican Publications : création et objectifs
Pour en revenir à cette maison d’édition, Pemmican Publications est une
organisation à but non lucratif fondée en 1980 par la Fédération Métisse du
Manitoba21, représentant officiel de la communauté métisse du Manitoba depuis
sa création en 1967 et qui vise à promouvoir les droits et les intérêts politiques,
sociaux, culturels et économiques des Métis du Manitoba.
Pemmican Publications est ainsi la seule maison d’édition canadienne à
ne publier que des auteurs Métis. Cette organisation s’est donnée pour objectif
d’introduire au public les auteurs et illustrateurs Métis, ainsi que des récits qui
reflètent l’histoire des Métis afin d’instruire et d’éclairer les lecteurs sur cette
communauté tout en la distrayant au travers de ces histoires. A titre d’exemple,
leur catalogue propose de nombreux ouvrages renvoyant tant à la fiction, la
poésie et nous remarquons un nombre important d’ouvrages littéraires pour
enfants.
Cette démarche n’est pas neutre et souligne une position quant à un
choix de publication stratégique puisque cela contribue à donner ou plutôt
inventer une nouvelle image des Métis. En développant la littérature pour enfant,
il semble que cette structure tende à les éduquer en enrichissant leurs
connaissances sur leur propre culture, et ainsi susciter un désir de participation à
l’invention d’une nouvelle identité métisse. Cette jeune génération est celle qui
doit continuer à défendre les acquis de la communauté métisse. Ils doivent
perpétuer la culture des Métis et donc participer, s’engager à construire cette
nouvelle identité.
21
The Manitoba Metis Federation. Disponible sur Internet: http://mmf.mb.ca/ (Consultation mars 2012)
25
Cette démarche n’est pas originale en soi. Il est, en effet courant qu’un
peuple concentre une grande partie de son attention sur les enfants puisque ces
derniers symbolisent la survie de sa culture et de son identité. Cette prise de
position quant à la publication plus volumineuse de la littérature pour enfants
peut donc être considérée comme une réponse stratégique de la maison
d’édition face aux injustices de la société canadienne, d’une part, quant à
l’éducation des enfants et d’autre part, quant aux images stéréotypées qui font la
réputation des Métis et qui n’aident pas ces derniers à définir leur place au sein
de la société canadienne. L’enjeu est de taille pour cette maison d’édition qui se
bat pour modifier l’image des métis en éduquant les nouvelles générations afin
qu’elles puissent contribuer à la construction et à la diffusion d’une image plus
positive, en d’autres termes, essayer de réduire le regard péjoratif porté sur cette
communauté dont les stéréotypes qui leurs collent à la peau sont difficiles à
abolir.
La naissance de la maison d’édition Pemmican Publications aide les
Métis à reprendre, petit à petit, le contrôle de leur identité grâce au médium
littéraire, leur offrant ainsi l’opportunité de changer l’image que la société se fait
d’eux. C’est en ce sens que cette structure se fait plus qu’un simple média et
devient un véritable médium, un acteur qui prend part à un mouvement de
revendication identitaire. Ici, Pemmican Publications devient un objet créé en
réponse à des intérêts, des besoins, des questions ainsi que des problèmes qui
touchent cette communauté autochtone. Elle contribue à matérialiser la
structuration de l’identité des Métis par la culture en incitant ces derniers à
affirmer leurs valeurs, et par extension, à prendre conscience de leur
appartenance à une collectivité. Concrètement Pemmican Publications offre une
possibilité d’action aux Métis, une occasion de prendre part à l’invention d’une
nouvelle image ; invention d’une nouvelle identité en mettant l’accent sur la
créativité. Nous pouvons affirmer que l’art ne se fait pas, ici, uniquement vecteur
de messages mais que la création littéraire en elle-même contribue à l’invention
d’une nouvelle réalité qui vise à construire de nouvelles significations afin de
modifier les préjugés qui perdurent quant à la culture métisse.
26
Par ailleurs, un document à l’intention du personnel enseignant mené par
une équipe de chercheurs Québécois « L’intégration de la dimension culturelle à
l’école »22 aborde la notion de « repères culturels »23.
Pour résumer, ces repères sont des objets d’apprentissage dont
l’exploitation est :
« un moyen privilégié d’amener l’élève à établir un rapport étroit avec la
culture […] Cette action s’inscrit dans une optique de construction d’une vision du
monde de l’élève, en enrichissant le regard qu’il porte sur lui, les autres ou
l’environnement. »24
Ce qui est intéressant de retenir dans cette idée c’est qu’il est possible
d’appréhender Pemmican Publications tel un repère culturel pour les Métis. Cela
vient renforcer l’idée suggérée précédemment, à savoir que cette institution en
elle-même, incarne à la fois un objet et un rapport culturel qui va être exploité.
Cette structure, en tant qu’objet, est créée pour répondre à des problèmes et des
besoins qui émanent de divers rapports humains. Dans ce cas précis cela
renvoie à la place des Métis au sein de la société canadienne, à leur besoin de
s’y intégrer et d’être reconnus par le reste de la population tout en essayant de
changer la perception que les canadiens ont sur eux. L’enjeu est de faire
reconnaître leur culture et leur identité comme une « véritable » culture à part
entière, avec ses propres spécificités et non pas comme d’un simple mélange qui
serait le fruit de la combinaison des deux cultures « mères », indienne et
britannique ou française.
Qui plus est, l’individu participe à l’élaboration d’un rapport à soi, aux
autres et au monde. Nous notons la présence croissante de la thématique de
l’origine ethnique dans les œuvres des écrivains contemporains. Ces derniers
22
BOUCHARD G., VALLIERES C., RAYMOND C., « La culture toute une école ! L’intégration de la dimension
culturelle à l’école. Document de référence à l’intention du personnel enseignant. », Gouvernement du
Québec, Bibliothèque nationale du Québec, 2003. Disponible sur Internet :
http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/cultureeducation/medias/99-6487-02.pdf (Consultation mars 2012)
23 Ibid., P.9
24 Ibid.,
27
font d’ailleurs preuve d’une nouvelle fierté à l’égard de leurs origines ethniques,
tout en protestant constamment contre la discrimination raciale et l’injustice
affligées aux minorités.
Un écrivain contemporain, Marilyn Dumont revient lors d’une interview
avec un magazine canadien sur ses propos, tenus à l’Université de Toronto au
cours d’une conférence, concernant la publication d’écrivains autochtones : « Les
auteurs autochtones ne sont pas suffisamment publiés. »25
Elle s’explique un peu plus auprès du journaliste en expliquant que même
si les auteurs autochtones sont de plus en plus présents dans la sphère littéraire
canadienne, cela reste insuffisant. Petit à petit, des changements s’opèrent, que
ce soit quant à la contribution des autochtones que de la part des maisons
d’édition qui leur portent plus d’attention.
Dumont précise également que les écrivains Métis, et autochtones en
règle générale, doivent apprendre à maîtriser la littérature écrite :
« Ecrire des histoires sur papier est un nouveau média pour les
autochtones qui ont pour tradition, et ce, depuis la nuit des temps de raconter ces
histoires. Aujourd’hui encore et bien qu’il nous faille encore du temps pour y
parvenir, nous apprenons à utiliser ce nouvel outil pour présenter nos
histoires. »26
b. Les écrivains contemporains
Après avoir pris connaissance de deux acteurs fondamentaux qui ont
permis de développer la construction de la littérature des Métis, il est temps de
prêter attention aux auteurs Métis contemporains. Nous l’avons vu
précédemment, la littérature des Métis se développe surtout à partir des années
25
Guest Contributor, « Interview with Cree/Metis poet Marylin Dumont», Racialicious. Disponible sur
Internet: http://www.racialicious.com/2010/11/25/interview-with-creemetis-poet-marilyn-dumont/
(Consultation avril 2012)
26 Ibid.,
28
1980 et aujourd’hui le monde littéraire voit apparaître de plus en plus d’auteurs
Métis. Ces derniers contribuent directement au renouvellement de l’identité
métisse.
Tout d’abord, nous nous attarderons sur le côté multi-facette, si nous
pouvons dire, de ces différents auteurs. En effet, nous verrons que ces
personnes ne sont pas seulement des écrivains mais endossent très
régulièrement plusieurs « casquettes ». Tantôt conférenciers, professeurs ou
encore travaillant dans des maisons d’édition, ces auteurs multiplient les activités.
Des activités qui, nous le verrons, sont étroitement liées à un engagement en
faveur de la communauté à laquelle ils appartiennent et dont le but principal,
rappelons-le une fois encore, est d’amener le reste de la population canadienne
à bousculer leurs préjugés mais aussi et surtout à regarder et à interagir
différemment avec la communauté métisse et ce grâce à une meilleure
compréhension de leur culture.
Dans un deuxième temps, nous nous concentrerons sur la définition ou
du moins la perception que ces auteurs ont d’eux-mêmes en tant que membres
d’une communauté autochtone. Quelles perceptions ont-ils de leur propre
communauté, de leur identité et culture ? Nous questionnerons par la même
occasion l’influence de ces perceptions dans la création de leurs œuvres. Enfin,
nous en viendrons à essayer de comprendre comment ces auteurs appréhendent
la littérature. Ont-ils conscience de l’impact que cet objet peut avoir sur le reste
de la population ? Que pensent-ils de ce médium et comment se l’approprient-ils
pour faire passer leurs idées et messages ? C’est en pointant du doigt la
diversités des actions que les écrivains mènent, leur avis quant à leur position en
tant qu’individu au sein d’une communauté autochtone mais également au sein
de la communauté littéraire ainsi que leur représentation du médium littérature
que nous essaierons de comprendre en quoi et comment ces écrivains
s’inscrivent dans une démarche de revendication identitaire ayant pour but de
changer la perception négative associée à la communauté métisse et qui est
l’une des principale cause au rejet dont ils sont sujets.
29
Dans l’un de ses travaux de recherche « Becoming métis »27, le docteur
en philosophie Catherine Richardson développe l’idée selon laquelle les Métis
n’auraient pas le sentiment d’avoir une histoire unique. C'est-à-dire qu’ils n’ont
pas ou peu conscience d’avoir des habitudes culturelles qui leurs sont propres.
Richardson souligne également leur difficulté à définir qui ils sont, et ajoute que
bien souvent ce sont les non-autochtones qui leur imposent une définition de ce
que représente ce « moi » Métis. Ce que Richardson nomme « le sens du moi
métis » 28 renvoie aux personnes métisses qui au cours de leur construction
identitaire, se revendiquent métis, en ayant conscience de tout ce que cela
implique et en intégrant toutes les influences qui composent la culture métisse.
Les écrivains contemporains entrent dans cette dernière catégorie, et cela peut,
peut-être expliquer en partie la raison qui les pousse à démultiplier les activités
pour reprendre le contrôle de leur image et la définition de leur identité.
Afin d’illustrer ce propos, portons notre attention non pas sur tous les
écrivains métis, mais sur quelques uns d’entre eux. La sélection de ces auteurs
repose sur leur année de naissance ; à chaque fois une décennie les sépare. La
raison est simple. Le but est de démontrer que peut importe la génération à
laquelle ces écrivains appartiennent, ils s’affèrent tous à d’autres activités que
l’écriture.
● Des écrivains qui multiplient les activités
Le premier auteur né en 1939 est Duke Redbird. De son véritable nom
Gary James Richardson, ce métis aux origines Ojibway et Irlandaise est reconnu
sur la scène littéraire pour ses poèmes. Toutefois, Redbird a représenté le
Canada de bien des façons. Il fut vice-président du conseil municipal des
autochtones du Canada, puis président de l’association des Métis de l’Ontario et
des Indiens non-statués. Duke Redbird endosse également un rôle de militant
social, et cette caractéristique est reflétée tant dans ses écrits que par ses
actions et ses prises de positions politiques. Il va même jusqu’à faire des
apparitions à la télévision et passer en radio se faisant alors porte parole des
27
RICHARDSON, Catherine, Becoming Metis : the relationship between the sense of métis self and cultural
stories, Canada, University of Victoria Press, 2004,
28 Ibid, p.17
30
associations au sein desquelles il travaille. Redbird prend l’initiative de créer un
documentaire sur la question des Indiens du Canada, dans lequel il inclut
certains de ses poèmes tels que « I Am the Redman »29. Ce poème est l’un de
ses tous premiers et reflète son dégoût et sa colère envers le gouvernement
Canadien qui exploite les peuples autochtones. En outre, Duke Redbird prend
souvent part à des conférences ou bien donne des cours dans les universités
canadiennes. A titre d’exemple, il dispense des cours de poésie et de théâtre au
sein de l’Université de York. Nous pourrions penser que Duke Redbird est une
exception et pourtant d’autres écrivains s’investissent tout autant en faveur de la
communauté métisse.
Marilyn Dumont est née le 15 mars de l’année 1955. Descendante direct
de Gabriel Dumont (l’un des métis qui a marqué l’histoire canadienne notamment
pour sa participation au soulèvement de la Rivière Rouge, aux côtés de Louis
Riel) elle tire ses origines indiennes du peuple Cree. Marilyn Dumont est réputée
pour ses talents de poète. Pourtant, cette dernière commença par travailler sur la
production vidéo pour le comité national du film du Canada envisageant même
d’intégrer l’université d’Arts d’Alberta. Cependant elle finit par se diriger vers
l’écriture d’invention en intégrant une autre université : University of British
Columbia. Plus tard, elle devient professeur d’écriture d’invention auprès de deux
universités : Simon Fraser University et Kwantlen University College à Vancouver.
Dumont ne s’arrête pas là, et devient également un écrivain permanent au sein
de plusieurs universités telles que celles d’Alberta, de Windsor ou encore
Toronto. Marilyn Dumont parcours le globe pour dispenser des lectures de ses
poèmes en Belgique ou encore en Ecosse, et, comme le mentionne le site de
l’ambassade canadienne30, elle a tout récemment pris part à la Honouring Words
Celebration of indigenous writing by Canadian aboriginal, Maori and Australian
Aborigine authors and storytellers qui s’est tenue en Nouvelle-Zélande (2002 ?).
Depuis 2009 elle dispense des cours pour le programme Aboriginal Emerging
Writers au Banff Centre. Aujourd’hui elle est également un membre de la
29
Cf. Annexes n°3
30 Student&Academic services, “Marilyn Dumont”, Anthabasca University, Canada. Disponible sur Internet:
http://www2.athabascau.ca/cll/writers/english/writers/mdumont/mdumont.php (Consultation avril 2012)
31
commission canadienne des Droits du prêt public 31 . (Public Lending Rights,
Commission of Canada)
Un autre écrivain, né en 1966 suit lui aussi les pas de ces deux
prédécesseurs et s’investit dans différentes activités autres que l’écriture mais en
rapport direct avec la communauté métisse. Il s’agit de Joseph Boyden. Des trois
écrivains pris en exemple c’est celui qui s’investit le moins entre guillemets, ou
plutôt qui n’a pas autant de champs d’actions que ses confrères. A l’instar de
Marilyn Dumont, Boyden se concentre surtout sur l’enseignement. Avant de
commencer sa carrière d’écrivain, et même avant de débuter ses études
universitaires, Joseph Boyden s’essaya à divers petits « jobs » comme on le dit
plus communément. Ainsi il fut fossoyeur et gardien dans un cimetière. Quelques
années plus tard, il enseigne la communication, les sciences humaines auprès
d’étudiants autochtones en Ontario au sein du Northern College in Moosonee.
Aujourd’hui, il enseigne la littérature canadienne et l’écriture d’invention à
l’université de la Nouvelle-Orléans, aux Etats-Unis.
● Relation des auteurs avec le système éducatif
Ce dernier point nous amène à aborder la relation qui lie ces auteurs avec
l’enseignement au sein des universités canadiennes. Nombre d’entre elles ont
petit à petit ouvert des postes dédiés à une spécialité telle que la littérature
canadienne qui permet d’une part d’aborder la littérature des auteurs
autochtones, et d’autre part de faire dispenser ces cours par des autochtones
eux-mêmes.
Cette démarche permet de renouveler le corpus littéraire régi par les
grands auteurs classiques occidentaux et de remettre en question les critères
esthétiques ainsi que cette hiérarchie qui domine l’enseignement de la littérature
à l’université. A titre d’exemple, l’Ontario College of Art and Design University
compte en son sein 106 étudiants autochtones et l’un des professeurs n’est autre
31
Guest Contributo., « Interview with Cree/Metis poet Marilyn Dumont», Racialicious. Disponible sur
Internet: http://www.racialicious.com/2010/11/25/interview-with-creemetis-poet-marilyn-dumont/
(Consultation avril 2012)
32
que l’écrivain mentionné ci-dessus : Duke Redbird qui officie au sein du
Aboriginal Visual Culture Program mis en place par l’O.C.A.D en 2007 32 ,
programme qui précise vouloir introduire une stratégie qui:
« identifie la diversité culturelle comme une tendance clé dans la société
contemporaine [...] et reconnaît la nécessité de créer des programmes spécifiques et des
espaces pour l'apprentissage culturel autochtone. La jeunesse Autochtone est en pleine
croissance au sein de la population canadienne et constitue un élément essentiel
de l'avenir du Canada et de l'Ontario. Toutes les études postsecondaires quant à
l’enseignement de la culture autochtone démontrent l’importance de développer des
programmes qui feront participer les jeunes Autochtones, tout en renforçant les capacités
et les connaissances de ces communautés sur leur propre droit au sein de la société
canadienne.»33
Les institutions en charge de l’enseignement ainsi que beaucoup
d’écrivains Métis sont conscients de la nécessité d’introduire les jeunes
autochtones ou non-autochtones à la culture de ces peuples. C’est certainement
pourquoi les auteurs Métis prennent part à divers projets artistiques ou
dispensent des cours en universités parce qu’en variant leurs activités ils
contribuent activement à renforcer la participation des autochtones au sein de la
société canadienne.
● Les auteurs Métis et leur perception sur la littérature
Redbird suggère cette idée lorsqu’il donne une interview sur Nation Talk,
un site internet qui regroupe diverses informations par et pour les communautés
autochtones. Il parle de la nécessité d’enseigner aux jeunes l’importance de
changer leur perspective et de briser l’influence européenne exercée sur la
manière de penser et de voir la culture :
32
Ontario College of Arts and Design University, Toronto, Canada. Disponible sur Internet:
http://www.ocadu.ca/ (Consultation avril 2012)
33« Aboriginal Visual Culture Program», Ontario College of Arts and Design University,Toronto, Canada.
Disponible sur Internet: http://www.ocadu.ca/Asset4729.aspx (Consultation avril 2012)
33
« La culture c’est tout ce que vous inventez pour découvrir ou pour
satisfaire vos besoins. C’est ce qu’est la culture. Et découvrir ces choses, les
inventer, les introduire dans notre foyer, les utiliser, cela ne signifie pas que nous
utilisons la culture de quelqu’un d’autre. Cela devient notre culture. »34
Les auteurs ont en effet en plus de leurs activités, un regard souvent
précis sur leur place ou plutôt sur le rôle qu’ils pensent devoir incarner auprès de
la société canadienne en tant que représentants de leur communauté. Joseph
Boyden au cours d’une interview revient brièvement sur l’importance qu’il
accorde à ses origines et à l’influence que cette culture a sur ses œuvres
littéraires :
« Mes origines jouent un très grand rôle sur ce que j’écris et sur qui je
suis. Bien que mon sang autochtone ne soit qu’une petite partie de mes origines,
cette petite part est très importante. Elle est à l’origine de ma passion pour
l’écriture. »35
Boyden n’est pas le seul qui est influencé par son appartenance à la
communauté métisse. D’autres écrivains mentionnent l’impact de cette identité
sur leur écriture et sur les personnes qu’elles sont. Marilyn Dumont explique que
son appartenance à la culture métisse influence ses travaux et représente une
des motivations qui la pousse à écrire et à s’engager pour la communauté. Elle
précise lors d’une conférence qu’elle donne pour le programme Canadian Writers
in Person (CWIP) tenue par l’université de York au Canada :
34
« Duke Redbird – Aboriginal mentor & advisor at OCAD», Nation Talk, Canada. Disponible sur Internet:
http://www.nationtalk.ca/modules/webshow/singlelink.php?lid=228# (Consultation avril 2012)
35 BRAYTON, Rebecca. « Interview with Joseph Boyden, author of Through Black Spruce», watchmojo.
Disponible Sur Internet:
http://www.watchmojo.com/video/title/Interview%20With%20Joseph%20Boyden,%20Author%20of%20Thr
ough%20Black%20Spruce/ (Consultation avril 2012)
34
« Quand je pense aux raisons qui me poussent à faire ce que je fais […]
c’est pour les personnes qui n’avaient pas la possibilité de s’exprimer. C’est
aujourd’hui encore ce qui me motive. Etre en mesure de dire ce qu’ils ne
pouvaient pas dire. »36
Pour la plupart, les auteurs métis font le choix de représenter cette
communauté, d’écrire des œuvres littéraires afin de faire partager l’histoire et la
culture des métis et ce, pour diverses raisons. Dumont renvoie surtout au besoin
qu’elle a de se faire la voix des métis, réalisant qu’elle a une possibilité de se
faire entendre par le reste de la population canadienne, une opportunité que bien
des Métis n’avaient pas et aujourd’hui encore acquièrent plus ou moins
difficilement. Qu’est ce que cette affirmation révèle sur la vision de l’auteure sur
sa propre communauté ? Le besoin de se faire porte parole d’une communauté,
d’une culture vient souligner le fait que cette culture est en danger. En d’autres
termes, ces auteurs sont parfaitement conscients du regard que porte le reste de
la population canadienne sur la communauté métisse depuis des années. Et si
ce regard tend à changer, les auteurs ont la conviction que c’est par leurs actions
qu’ils réussiront à faire évoluer cette perception. Perception qui amène à
regarder la culture métisse et plus particulièrement ses membres en ayant déjà
en tête des idées préconçues sur ce que sont et ce que ne sont pas les Métis et
leur culture.
Boyden souligne et explique avec justesse cette idée lors de son interview
avec la journaliste Rebecca Brayton à laquelle il répond :
« La beauté des personnes qui vivent dans ces réserves c’est qu’elles
aiment rire, passer du bon temps et ces personnes m’ont toujours plutôt bien
intégré et accepté. Avec « Black Spruce », ce que j’ai tenté de montrer c’est
qu’on entend parler des problèmes d’addiction, de violence, d’abus, des
Residential Schools et qu’on a rarement l’occasion d’entendre parler de la beauté
36
« Marilyn Dumont », Canadian Writers in Person, Canada. Disponible sur Internet:
http://cwip.artmob.ca/contributors/marilyn-dumont (Consultation avril 2012)
35
de la vie autochtone, de cette beauté physique, émotionnelle et spirituelle. C’est
ce que j’ai essayé d’explorer dans ce roman. »37
Cette affirmation nous amène à réfléchir sur l’autre rapport que les
auteurs métis entretiennent avec le médium littéraire. Parce que si ces derniers
reconnaissent que leur identité culturelle explique en partie le pourquoi ou plutôt
ce qui fait qu’ils appréhendent la littérature à travers leur regard autochtone, il
nous faut également nous interroger sur l’autre raison qui les pousse à
s’approprier ce médium dans le but de mieux comprendre les raisons qui font
que la littérature est l’un des vecteurs privilégiés par les artistes Métis. La
réponse fait référence au rapport singulier que l’auteur entretient avec cet outil.
Ce qui est frappant chez les auteurs Métis, c’est que cette raison, à quelques
différences prêt, est la même : ils associent la littérature à une thérapie. Prenons
quelques exemples pour illustrer cette idée. Gregory Scofield explique en parlant
de son dernier ouvrage « Thunder Through My Veins »:
« Ce qui était difficile en fait, c’était de se plonger dans un processus où il
me fallait revivre mes souvenirs. Ce difficile processus qui consiste à s’asseoir et
coucher ses souvenirs sur le papier pour les voir prendre vie. […] Mais c’était une
vraie thérapie de le faire et de voir l’histoire dans son ensemble et de pouvoir
l’affronter.»38
Dans le reste de l’interview, Scofield souligne la relation qu’il entretient et
que beaucoup, pour ne pas dire presque tous, les auteurs Métis entretiennent
avec la littérature, à savoir être une interface entre une histoire collective et leur
expérience personnelle. Cela renvoie aux concepts de mémoire collective et de
mémoire individuelle. Chacun a une histoire, une singularité et pourtant des
similitudes émergent de ces différentes histoires.
37
Ibid.,
38 RICHARDS, Linda, « Gregory Scofield. », juanuarymagazine. Disponible sur Internet:
http://januarymagazine.com/profiles/scofield.html (Consultation avril 2012)
36
C’est en ce sens que si on aborde les auteurs séparément on retrouve
dans leurs travaux des caractéristiques communes quant aux raisons qui les
poussent à utiliser la littérature pour exprimer leur histoire singulière qui en fait se
fait représentative d’une histoire collective.
Joseph Boyden mentionne ce sentiment thérapeutique voire même
salvateur que la littérature lui a apporté :
« Ce qui m’a sauvé c’est la lecture et puis l’écriture. J’empruntais la
mauvaise route, j’étais impliqué avec des gangs. J’ai finalement dû faire des
choix. A seize ans, j’ai essayé de me suicider. […] Coucher sur le papier ce qui
me dévorait de l’intérieur m’a littéralement sauvé la vie. »39
Ce qui nous importe dans ces propos que tiennent ces deux auteurs
d’origine métisse c’est que tous deux voient la littérature comme un moyen de
relater leur histoire personnelle, les difficultés qu’ils ont rencontrées parce que
ces difficultés touchent de nombreuses personnes de la communauté métisse.
Nous pourrions penser que ces auteurs sont des exceptions, mais les questions
de suicide, de dépression, de violence sont des expériences que vivent
beaucoup de Métis. Nous reviendrons plus en détails sur cette idée au cours du
dernier chapitre de ce travail.
Si le 19e siècle est marqué par une revendication identitaire virulente en la
figure de Louis Riel qui va donner naissance à des soulèvement militaires et
politiques pour répondre au manque de considération du gouvernement
canadien quant aux Métis, qui ne servent que de simple intermédiaires pour
temporiser les relations entre anglophones, francophones et les peuples
autochtones. Le 20ème et 21ème siècles quant à eux continuent de mener un
combat pour revendiquer l’identité métisse et obtenir plus de droits mais sur un
autre champ de bataille : le monde de la culture et tout particulièrement celui de
la littérature. Sur les années 1980 souffle le phénomène des Cultural Studies qui
39
JACKSON, Cheryl, « Joseph Boyden on writing about the Aboriginal experience. », tvoparents, décembre
2011. Disponible sur Internet: http://tvoparents.tvo.org/bcid/1256794172001 (Consultation avril 2012)
37
apportent des changements pour la communauté métisse en inspirant le
gouvernement canadien, qui commence à porter un autre regard sur les peuples
autochtones en général et à leur donner plus de liberté et de reconnaissance (loi
constitutionnelle de 1982).
Le Canada entre dans une ère où le mot « multiculturalité » est à
l’honneur. Mais ce sont surtout les créations de structures spécialisées telle que
la maison d’édition Pemmican Publications, les politiques universitaires et
d’enseignement qui visent à éduquer, informer et faire participer autochtones et
non-autochtones dans la création d’une nouvelle perception de l’identité et de la
culture métisse qui fait avancer la place de ces derniers au sein de la mosaïque
canadienne. Le rôle des auteurs contemporains n’est donc pas à mésestimer.
Pour conclure ce premier chapitre quant aux différents acteurs et les moyens
employés par ces derniers pour revendiquer et inventer une nouvelle identité
métisse, nous pourrions citer Matana Roberts, une saxophoniste américaine qui
au cours d’une de ses création artistique intitulé Coin Coin où elle a exploré son
héritage culturel et historique a écrit : « I speak memory, I shout her-his-tory ».
En d’autres termes, « Je parle de la mémoire, je hurle sa, son histoire ». La
saxophoniste fait ici un jeu de mot. Elle décompose le mot « history », « histoire »
en anglais, en jouant avec les pronoms possessifs « her » et « his », « sa » et
« son », pour souligner le caractère à la fois singulier et collectif de l’Histoire et
de la mémoire. C’est de cette même façon que les auteurs Métis appréhendent
l’outil littéraire. Ils l’utilisent pour exprimer leur propre expérience qui est aussi
l’expérience de toute une communauté.
38
CHAPITRE II :
Les genres littéraires privilégiés
Au sein de ce deuxième chapitre nous aborderons les genres littéraires
privilégiés par les auteurs métis, et plus spécifiquement deux d’entre eux: la
poésie et le roman. Quelles sont les raisons qui font que ces deux genres soient
les plus exploités par les auteurs métis ? Le genre littéraire, peut importe qu’il
s’agisse de la poésie, du roman ou de l’autobiographie, sera dans ce chapitre
très peu exploité pour son contenu, point que nous aborderons à la fin de ce
travail de recherche, mais pour sa structure. Si nous voulons aborder la littérature
comme un outil nous devons nous intéresser à sa forme avant de prêter attention
au message contenu.
La forme est déjà une interface entre l’émetteur et le récepteur. Par la
structure d’une œuvre littéraire le lecteur obtient des informations sur la logique
de ce dispositif. L’art, et ici la littérature ne sert pas seulement à faire passer un
message par le contenu. La structure d’une œuvre produit elle aussi un sens
précis qui peut être, et c’est régulièrement le cas de la littérature métisse,
complémentaire au contenu de l’œuvre, au message général que l’auteur
souhaite exprimer.
Un auteur effectue un choix en décidant d’utiliser tel ou tel genre littéraire.
Il prend la décision de faire sa propre découpe du monde, c'est-à-dire qu’en
utilisant une forme précise il entre dans une logique associative. Il va jouer et
exploiter cette forme littéraire soit pour accentuer un peu plus les propos tenus
dans son ouvrage ou bien pour marquer un contraste. Pour autant, on peut aussi
considérer que les auteurs métis, lorsqu’ils utilisent cette logique associative ne
se « branchent pas à tout et n’importe quoi ». Cette logique amène à faire des
associations entre des éléments précis. C’est ce que nous démontrerons dans ce
chapitre. Si la poésie et le roman sont les deux structures les plus exploitées
c’est parce qu’elles permettent aux auteurs de combiner des éléments précis
entre leurs cultures indienne et anglophone.
Dans un premier temps, nous démontrerons que la poésie représente par
sa structure même cet entre-deux, métaphore de la culture des métis souvent
partagés entre deux langues, deux cultures, deux peuples.
39
Dans un second temps, nous aborderons un autre genre, celui du roman.
Ce qui est intéressant avec ce genre c’est qu’il offre la possibilité de « dire la
vérité en trompant.» Cette forme implique donc la suspension de son incrédulité
par le lecteur.
2.1 La poésie : « le langage du milieu »
Quant bien même les auteurs métis s’emploient à utiliser divers genres
littéraires il n’en reste pas moins que la majorité d’entre eux passent par, ce que
l’on pourrait presque considéré comme un rite, la réalisation d’un travail relevant
de la littérature orale. La littérature métisse se fraye un chemin parmi la littérature
canadienne anglophone, francophone et celle des autres peuples autochtones
en variant l’utilisation des genres littéraires. L’un des genres les plus exploités est
la poésie.
Ainsi, il est possible de constater que tous ou presque, s’essaient à ce
que l’on nomme la littérature orale et/ou orature littéraire. Le genre poétique est
bien souvent le genre adopté par les auteurs qui voient probablement en lui la
transition la plus naturelle entre l’expression orale et écrite. C’est cette idée que
Duke Redbird confirme lors de son interview pour le magazine Sketch de
l’Ontario College of Art and Design University, à Toronto :
« (La poésie) C’est une sorte de langage du milieu. Ca correspond à cet
entre-deux, à cet espace qui est ni l’un ni l’autre. Les langues autochtones sont
comme cela. A l’inverse de l’anglais, ce ne sont pas des langues binaires. »40
40
«Duke Redbird OCAD’s new Aboriginal Advisor/Mentor», OCAD University, Canada. Disponible sur
Internet: http://www.ocadu.ca/faculty/profile_articles/20090707_duke_redbird.htm (Consultation avril
2012)
40
On peut se demander si cette forme d’expression, une sorte de retour aux
sources ne serait pas la structure la plus révélatrice de l’identité culturelle
métisse ? Il apparait nécessaire, afin de comprendre le rapport particulier des
auteurs à la transmission orale, de définir dans un premier temps ce que l’on
entend par littérature orale.
Alors ensuite, il nous sera possible d’expliciter en quoi la poésie exprime
également la tradition métisse et l’attachement des auteurs pour le storytelling
c'est-à-dire de raconter des histoires. Sans oublier que le langage est souvent
l’un des critères les plus représentatifs d’une culture et que le choix de la langue
utilisée pour rédiger un poème reflète donc une prise de position particulière.
Nous tenterons donc de détailler et de comparer les avantages que
peuvent représenter la communication orale par rapport à l’écrit et inversement
en illustrant ces propos par l’analyse de poèmes.
a. La poésie : une transition naturelle entre tradition indienne et
tradition européenne
● Le concept d’Orature
Le terme orature était utilisé avant l’invention de l’écriture et renvoie à
l’ensemble des genres dont le mode d’expression est la voix. Christian Montelle,
explique que :
« le terme de ‘littérature orale’ est un oxymore, une tournure de style qui dit
quelque chose et son contraire : cette obscure clarté qui tombe des étoiles. Littérature
vient du latin : « litera », « lettre », puis « litteratura », « écriture », « grammaire »,
« culture ». La lettre relève à l’évidence de l’écrit, comme le phonème relève de l’oral. » 41
Qui plus est, il faut différencier les différentes formes d’expression orale.
Si « l’orature littéraire » renvoie au prolongement écrit de textes oraux, la
41
MONTELLE, Christian., Littérature orale et maîtrise de la langue : nourrir l’enfant par l’oreille…, France,
Centre Méditerranéen de Littérature Orale, Alès, 2008, p.1
41
« littérature orale » fait écho à des textes écrits conçus pour être dit oralement.
Enfin la « littérature oralisée » fait quant à elle référence aux textes littéraires qui
sont exprimés oralement. Avant l’apparition de l’écriture, l’oral était le moyen de
transmission de récits littéraires. Au fil du temps et détrôné par l’écrit, l’oral s’est
transformé en un simple médium de communication immédiate. Il est vrai que
l’écrit présente bien des avantages. Cela permet de toucher un plus grand
nombre de personnes au vingtième et vingt-et-unième siècles. Auparavant, le
nombres de personnes analphabètes était plus important.
De surcroit, le support écrit laisse une trace du message qui est véhiculé
alors que les paroles ont tendance à être oubliées par l’auditeur, contrairement à
la transmission orale dont l’histoire est constamment modifiée par celui qui la
narre. L’écrit se fait mémoire de la pensée sans l’altérer. Cette dernière idée est
d’ailleurs introduite dans le poème de Maria Campbell intitulé ‘Jacob’. Le
narrateur, ou plutôt le conteur de l’histoire, établie une comparaison entre la
communauté anglophone qui utilise le support écrit pour préserver sa culture à
l’inverse des métis qui utilisent la transmission orale : « L’homme blanc, il peut
revenir mille ans en arrière, parce que lui, il écrit tout. »42
Dans ce passage, le narrateur reconnait l’efficacité de la méthode écrite,
qui permet conserver intacte plus de savoirs. Toutefois, l’orature peut renforcer
l’identité d’une communauté quant à sa culture puisque sa forme, les sujets ainsi
que le langage utilisé sont les reflets d’une tradition. Les sujets abordés sont
souvent communs à tous les membres de la communauté et l’orature peut alors
endosser une fonction initiatique. Bien des métis considèrent leurs récits comme
étant source d’enseignement, mais ils leurs confèrent également des vertus
médicinales. Certes, la transmission orale et le contenu des histoires narrées
peuvent éduquer l’auditeur cependant, comment ce support de transmission
peut-il se faire « guérisseur » ? C’est en fait le lien social que ce médium instaure
entre le conteur et son auditoire qui lui confère cette autre caractéristique.
42
“Dah whitemans, He can look back thousands of years, cause him, he write everything down.”, MOSES
DAVIS.D., GOLDIE.T., An Anthology of Canadian Native Literature in English, USA, Oxford University Press, 3
edition, 2005, p.123
42
● Un lien intergénérationnel
Une chose est sûre, les auteurs métis, de par leur identité mixte, sont en
effet très attachés à la transmission orale des récits et se considèrent d’ailleurs
plus comme étant des « conteurs d’histoires » que des « écrivains ».
Maria Campbell rend compte de cette idée en soulignant le lien
indissociable qui existe entre l’histoire et son auteur ainsi que l’importance de la
transmission orale de ces histoires pour la communauté métisse. Cette dernière
affirme d’ailleurs que ce mode de transmission est l’héritage le plus précieux des
métis parce que :
« Tu ne peux pas faire don de cette terre parce qu’elle ne
t’appartient pas. Ce n’est d’ailleurs pas « cette », « elle » est ta mère […]
le conteur à qui on a donné l’histoire ne pouvait pas la transmettre à
n’importe qui sans permission ou consentement au préalable.»43
Maria Campbell, est une auteure métisse née en 1940 au Saskatchewan.
Romancière reconnue tant pour ses livres pour enfants, son autobiographie
« Halfbreed » que pour son engagement en faveur des associations autochtones
visant à promouvoir et immortaliser le patrimoine culturel métis ; elle n’échappe
pas à la « règle » et rédigera des poèmes.
L’un d’entre eux, intitulé ‘Jacob’ revient, par sa structure tant sur le
concept de littérature orale que sur l’idée de lien intergénérationnel qui existe
dans le processus de transmission des histoires. Ce poème introduit un conteur
dont le nom nous est inconnu, et qui narre la vie de Jacob, un Métis appartenant
à la communauté du conteur. Différents éléments du récit nous permettent de
43
“Land you can’t give away because it doesn’t belong to you. And it is not “it” anyway, “she” is you Mother
[…] the storyteller who had been given the story could not pass it on to anyone else without permission or
prior consent.”, Ibid., p.123
43
comprendre que cette prose est un reflet de la transmission orale d’un récit métis.
Comme l’avait précisé Campbell, le conteur, dans les premières strophes, justifie
la provenance de l’histoire qu’il s’apprête à raconter. Elle lui a été transmise par
sa grand-mère. Effectivement, un lien est créé entre émetteur et récepteur, d’où
l’importance de la passation du médium de transmission qui vient renforcer les
liens sociaux et plus précisément les liens intergénérationnels entre les membres
de la communauté. Campbell n’est pas la seule à suggérer cette idée, Duke
Redbird la souligne également en affirmant :
« La sagesse ne provient pas seulement de l’enseignement reçu (à
l’école). Dans les communautés autochtones, il y a une tradition qui renvoie à se
tourner vers les personnes qui ont une certaine expérience de la vie. Ceux qui,
comme nous les appelons, ont passés ‘plusieurs hivers’. Nous croyons que ces
personnes possèdent la sagesse parce que la sagesse provient de l’expérience
qui nous engage à notre vie, notre environnement et notre monde depuis un long
moment. »44
Dans le reste du poème de Campbell, des échos à la tradition mentionnée
par Redbird apparaissent, lorsque le conteur souligne que les métis utilisent la
littérature orale pour conserver leurs histoires. Nous retrouvons également la
fonction « médicinale » des histoires orales lorsque les vieilles femmes métisses
chantent des « chansons qui guérissent » à Jacob dans le but de l’aider à
surmonter le décès de son épouse. Ici, nous remarquons que cette transmission
fait souvent appelle à la sagesse des anciens, des membres de la communauté
qui ont de l’expérience et sont plus à même de répondre aux questions et
besoins de la jeune génération.
En outre, la forme stylistique du texte amène le lecteur vers une lecture à
haute voix. C'est-à-dire que le langage utilisé est de fait, la langue orale, la
langue parlée.
44
“Duke Redbird OCDA’s New Aboriginal Advisor/Mentor.”, OCAD University. Op.cit., p.31
44
b. La poésie : une remise en question du langage
● La poésie métisse se joue de la langue anglaise
Campbell démontre par ce poème une position nette et précise quant à la
langue anglaise. Elle décide de délibérément mal mener ce langage. En effet, le
conteur, ne semble pas du tout maîtriser la langue de Shakespeare et commet
donc bien des erreurs. Deux explications possibles :
Campbell souhaite insister, par souci de réalisme, sur le fait que ce
conteur ne soit pas en mesure de produire un discours soutenu en langue
anglaise. C’est un argument que nous retrouvons dans beaucoup d’ouvrages
littéraires mettant en scène des personnages métis, et qui s’explique par le
contexte historique et social. Les populations métisses avaient très peu accès à
l’éducation canadienne anglophone. De nombreux Métis refusaient d’envoyer
leurs enfants dans les écoles canadiennes, contrôlées par l’Eglise, préférant ainsi
éduquer eux-mêmes leurs enfants. En conséquence, la majorité des métis ne
maîtrisaient pas la langue anglaise.
Ou bien, cette altération intentionnelle de la langue rend compte d’un
processus courant pour les Métis, en d’autres termes, le mélange des langues.
Seulement, dans le cas présent, il n’y a pas de mots « étrangers » incorporés si
ce n’est les noms indiens de certains des personnages. Campbell illustre ici un
conteur qui a des lacunes pour s’exprimer dans la langue anglophone. Cela ferait
écho à l’histoire contée puisque qu’elle relate une histoire passée, sur un
membre de sa communauté.
Jacob, le personnage principal, finit par dédier sa vie à empêcher le
gouvernement canadien d’emmener les enfants métis afin de les placer au sein
de « Residential Schools ». En d’autres termes, des pensionnats où les enfants
autochtones étaient envoyés pour y être éduqués selon les exigences de la
société canadienne. Si le conteur du poème ne maîtrise pas l’anglais, c’est que
Jacob, le protagoniste, a réussi à résister aux politiques du gouvernement
canadien. Maria Campbell, par la forme et la syntaxe du poème prend position et
dénonce l’action du gouvernement quant à la création des Residential Schools.
Elle intègre toutefois une note d’espoir en la personne du conteur qui, par sa
mauvaise utilisation de la langue anglaise, n’a pas été envoyé dans l’un de ces
45
pensionnats. Nous en déduisons que la communauté métisse de cette histoire a
préservé ses traditions de transmissions orales.
L’utilisation de la langue et son exploitation, les transformations que peut
lui faire subir un auteur marque une prise de position. La structure langagière,
sans tenir compte du contenu, produit un sens qui éclaire un peu plus le lecteur
sur le message contenu au sein même de l’œuvre. Le choix de la langue
d’expression n’est pas à négliger. Ceci est perceptible à travers le poème
d’Emma LaRoque « Where did she go ? » Ici, LaRoque s’interroge sur la place
de la langue autochtone dans sa vie : «Où est-elle partie, ma chère, ancienne,
cultivée, l’arbre (mes racines), ma mère, ma (langue) Crie ? »45
C’est la disparition de la langue Crie qui est soulignée. L’auteure fait
référence à ce langage comme un langage maternel, une langue qui symbolise
la « voix » de l’instruction au travers d’histoires. Ce qui est intéressant avec ce
poème c’est que le sujet principal est une langue autochtone et dans ce cas
précis le Crie. Si la forme du poème s’apparente plus à un style littéraire
européen, le thème du poème fait écho à la culture autochtone.
Cela accentue la volonté des auteurs Métis à faire coexister leurs deux
cultures. Cette prise de position reflète également le désire d’affirmer une
appartenance ethnique, ou plutôt de mettre en valeur l’une des cultures, bien
souvent celle qui est dominée par l’autre. Au cours d’une interview l’auteure
Marilyn Dumont revient sur la question. Elle affirme que bien qu’ayant grandit
dans un foyer bilingue, la langue anglaise semblait être « la langue privilégiée »46
par rapport au Crie.
● Le langage : un médium facilitant les échanges
Cette importance de la langue, de la transmission orale porte un nom
précis pour les métis : le storytelling est l’art de « raconter des histoires ». 45
“Where did she go, My great, ancient, cultured, Tree, My mother, My Cree?”, cf. Annexe no 4
46« Interview with Cree/Metis Poet Marilyn Dumont», racialicious. Disponible sur Internet:
http://www.racialicious.com/2010/11/25/interview-with-creemetis-poet-marilyn-dumont/ (Consultation
avril 2012)
46
Raconter des histoires est bien plus qu’un vulgaire passe-temps. Raconter des
histoires est une forme d’institution sociale, une sorte « d’université orale » dont
les enseignants sont les membres les plus âgés et expérimentés de la
communauté. Ce mode de passation des connaissances peut s’avérer être un
outil d’enseignement qui favorise l’écoute et la communication puisque cette
structure est en soi interactive. Elle insiste sur l’échange et la participation des
deux partis. C’est ce point qui est particulièrement intéressant si nous revenons
aux auteurs métis en général et à ceux qui utilisent la poésie.
Nous pouvons constater que ces derniers, qu’ils en soient conscients ou
non, invitent le lecteur par la forme même de la poésie à s’investir. La structure
poétique incite un lecteur vers la lecture à haute voix. Ce dernier, dans quatre-
vingt dix pour cent des cas, aurait certainement une autre approche de la lecture
c'est-à-dire à lire un écrit scientifique, historique ou un roman dans sa tête. En
d’autres termes, le processus de storytelling est par son essence même une
communication à double-sens. En associant ce processus à leurs poèmes, les
auteurs métis créent des connections avec leurs lecteurs.
Mc Lean et Wason-Ellam insistent, au cours d’un de leurs travaux de
recherche, sur un autre détail concernant l’engagement du lecteur avec la notion
de storytelling. Ce procédé : « donne à celui qui écoute la responsabilité de
prêter attention (à ce qui lui est raconté), à réfléchir et interpréter le
message ».47
Nous remarquons que le lecteur se voit offert la possibilité de dégager
son propre sens, sa propre compréhension du message qui lui est introduit. Cette
structure implique bel et bien une participation du lecteur. Le choix que font les
auteurs Métis quant à exploiter la poésie plutôt que d’autres genres littéraires
peut trouver une part d’explication grâce à ce processus. Généralement, les
auteurs métis visent à faire prendre conscience à leurs lecteurs des préjugés qui
entourent la communauté métisse et sa culture. L’un des principaux buts est
donc d’amener les lecteurs, en particulier les lecteurs d’origine européenne à se
défaire de leur logique séparatiste, de ce regard manichéen qui influence leur
47
MAC LEAN.M., WASON-ELLAM.L., When Aboriginal and Métis Teachers use storytelling as an Instructional
Practice, A Grant Report to the Aboriginal Education Research Network, Saskatchewan Learning, 2006. P.10
47
perception et les dirige à chercher ce qui est ou ce qui n’est pas. Cela ne leur
laisse pas la liberté de choisir par eux même leur propre découpe du réel, c'est-
à-dire qu’ils sont orientés à penser et à regarder ce qui les entoure avec une
logique d’opposition. Les auteurs métis, par la structure de la poésie et le
processus de storytelling leurs donnent accès à une logique associative en
incitant leur regard à chercher non pas « ce qui est ou ce qui n’est pas » mais
« ce qui est et ce qui n’est pas ». C’est au lecteur que revient le choix de faire
ses propres raccords entre le message délivré et ce qu’il pense ainsi qu’à revoir
les normes qui régissent son appréhension du réel, de ce monde social ou
culturel qui l’entoure.
Par ailleurs, Mc Lean et Wason-Ellam recueillent également l’avis d’un
professeur quant à sa méthode d’enseignement :
« Patricia explique le rôle du professeur de cette façon : Je crois que la
plupart du temps je me considère être une assistante (une aide). Je ne suis pas
un ‘contenant’ qui déverse les informations dans des récipients symbolisés par
les élèves. Je crois que j’envisage mon rôle comme un partage. C’est de cette
façon que j’opère parce ce que c’est ce qui marche le mieux pour moi. Je ne me
sens pas à l’aise quand je suis debout devant à leur donner les informations,
qu’ils prennent sans qu’il n’y ait de dialogue ou d’interaction. »48
Ce qui est pertinent dans la remarque de ce professeur, c’est qu’elle
décrit en un mot le rôle de la littérature métisse qui se veut être un vecteur. Ce
que cette enseignante souligne c’est qu’elle se voit elle-même comme un
« facilitator » que nous pouvons comprendre comme « un moyen qui facilite à,
qui aide à » quelque chose. Elle se représente non pas comme une incarnation
du savoir mais comme l’objet qui permet sa passation. En ce sens cette
description reflète avec justesse ce que la littérature métisse et les auteurs
essaient de faire. L’un comme l’autre ne prétendent pas contenir les réponses, le
savoir mais se revendiquent être des médiums qui donneront un accès à une
48
Ibid., p.25
48
possibilité de comprendre la communauté métisse et sa culture différemment,
sans chercher à complètement diriger la pensée du lecteur mais en l’incitant
justement à prendre du recul et à jouer avec les normes qui fondent son monde.
Et c’est justement ce que le genre poétique qui associe langage et écriture
permet de matérialiser.
2.2 Le roman
L’auteure Marilyn Dumont revient, au cours d’une interview avec le
magazine Racialicious, sur un autre point quant au mode de transmission des
histoires autochtones. Elle explique que si le fait de raconter des histoires par la
voie orale est l’une des plus vieilles traditions autochtones, elle souligne
néanmoins que mettre ces récits par écrit est quelque chose de nouveau pour
ces derniers. Les auteurs apprennent aujourd’hui encore à utiliser ce mode de
transmission. C’est le cas du roman. Petit à petit ce genre littéraire est devenu de
plus en plus exploité par les auteurs métis. Tout comme la poésie, ce genre par
sa structure à des caractéristiques précises qui permettent aux auteurs, pour en
revenir au fil conducteur de ce chapitre, de produire un sens particulier qui
contribue à leur intention d’amener les lecteurs à modifier leur regard, à aborder
la communauté métisse et sa culture sous un nouvel angle.
Premièrement, nous reviendrons sur le pacte qui définie la relation entre
l’auteur et son lecteur. Ce dernier accepte de suspendre son incrédulité quand il
s’agit de fiction, les auteurs invitent alors le lecteur à accepter de regarder les
Métis et leur culture avec une autre logique.
En prolongeant ce contrat tacite qui lie auteur et lecteur, nous porterons
également une attention particulière sur la notion de vérité dans le cadre du
roman. Le roman, et plus spécifiquement le roman fictionnel n’est pas à prendre
comme une simple invention puisqu’il permet de « dire la vérité en trompant ».
Par la compréhension de la relation qu’entretient le lecteur avec la
structure du roman, qui l’amène à suspendre son incrédulité et par sa stratégie
stylistique de raconter la vérité dans ce qui, au premier abord, semble n’être que
49
pure invention, nous constaterons que le roman, tout comme nous l’avons noté
avec la poésie, permet de jouer avec le réel et le domaine du possible pour nous
faire entrer dans une logique associative. Cela nous donnera la possibilité de
comprendre que le regard porté sur les Métis et leur culture est le résultat d’une
pensée binaire, manichéenne qui oriente la perception des individus sur une
relation d’opposition.
Afin de comprendre comment s’articule la relation entre l’émetteur et son
récepteur et en quoi le choix du genre influence partiellement l’avis du lecteur,
revenons sur le pacte fictionnel qui les lie.
a. Le roman : médium de créolisation ?
Le roman, par sa fonction esthétique prouve que la mise en forme du
message, à savoir son dispositif même, peut l’emporter sur le contenu et
démontre que la communication ne se limite pas à une simple transmission
d’informations. Le roman, par sa forme est lui aussi un discours. Il permet de
découper le réel autrement puisqu’il joue avec le domaine du possible et remet
en cause ce que serait le réel. Cette caractéristique propre au roman reflète ce
que cherche à faire les auteurs Métis, c'est-à-dire : modifier le réel pour remettre
en question ce que l’on considère être la norme et ce qui ne l’est pas. Ce genre
leur permet de questionner la logique séparatiste de la pensée occidentale,
basée sur une vision manichéenne du monde et qui influence la perception et le
comportement de la société à l’égard des Métis canadiens.
● La créolisation plus en détails
Denis-Constant Martin, directeur de recherches au Centre de recherches
et d’études internationales (CERI) de la Fondation des sciences politiques de
Paris, dans l’un de ses articles intitulé « Peut-on parler de créolisation à propos
de l’Afrique du Sud ? Métissage, hybridité ou créolisation : comment (re)penser
l’expérience sud-africaine »49 revient sur la notion de créolisation. Il explique que
49
MARTIN, Denis-Constant, « Peut-on parler de créolisation à propos de l’Afrique du Sud ? Métissage,
hybridité ou créolisation : comment (re)penser l’expérience sud-africaine ? », Revue internationale des
sciences sociales, n°187, France, ERES, 2006, p.173 à 184
50
la créolisation serait le résultat de « transformations fusionnelles », elles-mêmes
associées aux notions d’hybridité et de multiculturalisme. Il définie la notion de
multiculturalisme par la « coexistence de plusieurs cultures dans une société, un
pays. » 50 Nous en déduisons donc que le multiculturalisme est issu de
phénomènes historiques qui amènent des populations de cultures diverses à
coexister sur le même territoire. L’hybridité renvoie à ce qui est « composé
d’éléments disparates, composite. » 51 La créolisation serait un processus
complexe d’interconnexions entre différentes cultures. Toutefois, les contacts
entre les différentes cultures ne font pas oublier les différences qui existent entre
ces cultures.
De plus, Martin constate que, de manière générale, les phénomènes
historiques qui amènent à la créolisation sont des phénomènes plutôt violents, et
souvent construits autour d’un contexte d’oppressions et de luttes pour le pouvoir.
En effet, la notion de créolisation est également liée à celle de métissage. Le
métissage culturel est la « production culturelle (musique, littérature, etc.)
résultant de l’influence mutuelle de civilisations en contact. »52 Nous pouvons
considérer que les Métis canadiens et par extension leur littérature sont des
produits issus des relations entre deux civilisations. La colonisation est donc à
l’origine de ce métissage. Elle a entraîné l’écrasement de certains peuples et
cultures mais aurait également permis de créer de nouvelles cultures
« constituant la base de nouvelles formes esthétiques, et de nouvelles structures
sociales qui allaient influencer tous les secteurs de l’activité humaine et toutes les
formes d’organisation sociale, de la musique populaire à la structure même de
l’Etat. »53 En ce sens, le roman constitue par son esthétique une forme de
créolisation , une forme qui joue sur le domaine du possible en mêlant le monde
de la fiction et le monde réel pour donner naissance à un monde singulier, un
monde diégétique.
Stuart Hall, se réfère, lui aussi, aux peuples afro-antillais pour parler
d’hybridité. Il caractérise cette notion par l’acceptation, par nécessité, de
50
Le Petit Larousse, Larousse, 2004, p. 715
51 Ibid., p. 555
52 MARTIN, Denis-Constant, « Peut-on parler de créolisation à propos de l’Afrique du Sud ? » op.cit., p. 687
51
l’hétérogénéité et de la diversité culturelle. La conception de l’identité devient
celle d’une identité qui s’affirme par et grâce à la différence, par l’hybridité.
Pour autant, tous les anthropologues ne sont pas d’accord pour parler de
métissage et d’hybridation. Trois auteurs martiniquais (Bernabé, Chamoiseau et
Confiant) proposent une alternative aux notions de métissage et d’hybridité : la
créolité. Il s’agit de « l’agrégat interactionnel ou transactionnel […] des éléments
culturels caraïbes, européens, africains, asiatiques, et levantins, que le joug de
l’Histoire a réuni sur le même sol. »54
La créolité serait le résultat de la créolisation, c’est à dire, un processus
de mise en contact brutale de populations culturellement différentes sur des
territoires en général insulaires ou enclavés selon les trois auteurs. Cette notion
qui se réfère aux Antilles et aux Amériques peut s’appliquer au monde entier, et
plus particulièrement aux Métis canadiens. La créolité est donc une identité
tandis que la créolisation est un processus de construction de cette identité, un
phénomène relationnel. Nous en déduisons donc que le roman est bien le
résultat matériel d’une créolisation.
Kobena Mercer, universitaire noire travaillant sur le phénomène des
cultural studies, aborde également ce processus de créolisation dans son
ouvrage « Welcome to the jungle : New positions in Black cultural studies »55.
Elle constate la possibilité de construire une nouvelle culture au sein de laquelle
une multiplicité d’identités hybrides et instables interagit. Cette possibilité s’est
construite grâce à la période de la postmodernité, période pendant laquelle on
remet en cause l’immuabilité de l’identité. Dans le domaine artistique, les valeurs
esthétiques traditionnelles sont bousculées par la construction d’une nouvelle
culture. L’exemple qui nous est donné est celui du cinéma britannique des
années 1980 qui voit apparaître des réalisateurs et réalisatrices noirs. Le cinéma
« noir » incarne une contre pratique en réaction aux idées auparavant véhiculées
par le cinéma britannique qui prône la diversité au sein de la culture « noire ». Ce
54
Ibid.,
55 KOCH, Diane, « Kobena Mercer, Welcome to the Jungle : New Positions in Black Cultural Studies », Volume!
2011. Disponible sur Internet: http://volume.revues.org/2732 (Consultation avril 2012)
52
cinéma « noir », permet de bousculer les codes imposés par la culture
britannique dominante mais ne la rejette pas en bloc :
« En effet, dans des œuvres comme Looking for Langston (1988), les
réalisateurs et réalisatrices construisent un dialogue avec ces codes en
procédant à une appropriation syncrétique qui leur permet de les hybrider, de les
créoliser. Ces stratégies syncrétiques apparaissent également dans les pratiques
culturelles de la musique et des coiffures. Les peuples de la diaspora africaine
ont ainsi créé des styles noirs dans lesquels ils se sont réappropriés des
éléments de la culture dominante en les créolisant. »56
La démarche entreprise par les Métis canadiens en employant le genre
du roman s’inspire directement de l’approche menée par le cinéma « noir » en
réaction à la dominance du cinéma britannique afin de bousculer les codes
imposés. Plus généralement, nous pouvons donc retenir que la créolisation
correspond à la réappropriation par une culture de certains éléments d’une autre
culture ; réappropriation qui amène à une hybridation, un mélange entre des
éléments provenant de chacune des deux cultures données. Certains éléments
de la culture réappropriée peuvent également être réinterprétés par la culture qui
se les approprie.
En conséquence, nous pouvons affirmer que l’utilisation du roman par les
Métis canadiens est plus qu’une simple réappropriation des canons esthétiques
européens, dont le récit est une esthétique inscrite dans la culture occidentale,
mais une réinterprétation de ce dispositif qui par sa nature amène à un mélange
entre des éléments fictionnels et réalistes dans l’optique de renforcer l’adhésion
du lecteur au discours tenu.
56
Ibid.
53
b. Le roman : une logique associative
● L’association du storytelling au roman
La méthode du storytelling consiste en effet à appliquer des procédés
narratifs dans la technique de communication pour renforcer l'adhésion du public
au discours présent dans l’histoire. Il s’agit de créer une histoire dotée d’un
pouvoir de conviction tout en séduisant le lecteur. Ce processus de séduction du
lecteur permet à l’auteur de capter l’attention de ce dernier et de stimuler en lui
une envie de changement. Le roman offre cette possibilité aux auteurs Métis qui
sont alors en mesure de convaincre le lecteur, rappelons-le en majorité d’origine
canadienne européenne, et de l’amener à regarder les choses sous un autre
angle.
Stephen Denning 57 explique que l’utilisation d’histoires et de formules
symboliques permet au public de mettre provisoirement de côté son cynisme et
de garder un esprit ouvert au message transmis. Cette démarche est celle que
les auteurs Métis cherchent à mettre en application à travers la structure du
roman. Ce médium permet de jouer avec la narration de l’histoire en floutant la
distinction entre fiction et réalité mais aussi par extension avec la communication
entre l’écrivain et son lecteur.
La méthode du storytelling, qui manipule le lecteur pour agir sur la logique
de sa pensée, vient renforcer l’ambiguité avec laquelle le roman joue sur la
perception du lecteur à propos du message qui lui est présenté par l’histoire.
Ainsi, le genre du roman et la méthode du storytelling sont des phénomènes de
créolisation qui permettent d’influencer la pensée du lecteur en lui apprenant à
appréhender le monde qui l’entoure différemment. En acceptant les codes
qu’imposent le genre du roman par sa structure quant à la créolisation
d’éléments fictifs et réels, le lecteur intègre une nouvelle logique de penser de
nouvelles possibilités le temps d’une histoire. Cette démarche est rendue
possible grâce au contrat tacite que le lecteur passe avec l’auteur.
57
DENNING, Stephen, The Secret Language of Leadership, United States, Jossey Bass, 2007
54
● Le pacte fictionnel : dire la vérité en trompant
La réception du texte est fondée par un accord tacite sur ce qu’est le texte.
Cet accord s’inspire directement du pacte autobiographique que Philippe Lejeune
explique dans « Le pacte autobiographique »58. Lejeune revient sur la relation
qui lie auteur et lecteur en expliquant notamment que dans le cadre précis d’une
autobiographie le lecteur a besoin de savoir que le narrateur équivaut bien à
l’auteur. En effet, dans certains ouvrages à l’instar du roman de Proust qui
commence par : « Je me suis longtemps couché de bonne heure »59 ,le « je »
narratif n’incarne pas la personne de l’auteur.
Dans le cas du roman, le pacte autobiographique se transforme en
contrat de fiction. Le lecteur suspend son incrédulité et accepte d’intégrer les
« règles du jeu » que lui impose le roman, surtout si ce dernier est fictionnel.
Cette suspension de l’incrédulité est plus évidente et le pacte nécessaire dans le
cas des romans historiques puisque il y a absence d’éléments fantastiques. Les
événements qui y sont décrits sont supposés s’être déroulés.
La fiction doit donc créer une impression de réel : l'individu à qui la fiction
s'adresse doit pouvoir croire, même pendant un temps limité, que les faits qui lui
sont présentés par l’auteur sont possibles dans son monde à lui, celui de la
réalité. Généralement, les personnes ressentent le besoin de mettre en relation
ce qui est dit dans l’oeuvre avec ce qu’ils vivent dans la réalité et ainsi comparer
l’inconnu au connu. Il s’agit d’entrer dans une démarche associative et non pas
dans une démarche, même si elle semble l’être, de comparaison.
L’exemple de la science-fiction illustre cette initiative que prennent les
auteurs à entremêler faits réels et fiction, tout en faisant en sorte que les
événements décrits soient plausibles. Ce processus symbolise la logique
associative qui anime les auteurs.
58
LEJEUNE, Philippe, Le pacte autobioraphique, France, Seuil, 1975
59 PROUST, Marcel, A la recherhce du temps perdu, France, Gallimard, 1999
55
Octavia Butler, auteure américaine a réussi à établir dans son oeuvre de
science-fiction intitulée « Lilith’s Brood »60 un parallèle avec l’histoire des Afro-
américains et plus particulièrement sur l’esclavagisme auquel ils ont été soumis
par les blancs americains. Le récit ouvre sur la vie de Lilith et celle de ses
enfants, des êtres hybrides suite à l’invasion de la planète terre par un peuple
d’extra-terrestres, les Oankali. A l’exception d’un petit groupe d’humains, le reste
de la population terrestre est exterminé. Ce groupe est alors emmené de force
sur une nouvelle planète et réduit en esclavage. L’histoire suit la nouvelle vie de
ces humains privés de toute liberté et présente les stratégies de survie créées
par ces derniers. D’un point de vue culturel il s’agit d’accepter volontairement le
processus d’acculturation tout en essayant d’intégrer quelques éléments de sa
culture à l’autre. D’un point de vue génétique cela donne naissance à de
nouveaux êtres issus d’une hybridation entre humains et extra-terrestres.
Le roman par sa nature joue sur l’altération du monde réel, et montre la
possibilité d’altérer celui-ci. Cette altération matérialise la logique associative qui
permet de créer des connections entre les êtres humains et non pas de créer des
oppositions. Le roman émet un doute sur ce que serait le réel en insistant sur
l’autrement, en jouant avec le domaine du possible puisque tous les faits
présentés dans une fiction ne sont pas nécessairement imaginaires.
Matana Roberts, saxophoniste américaine revient sur ce point et explique que
même si on introduit des éléments de sa vie on ne la raconte pas entièrement.
On extrapole pour se rapprocher du réel. Il s’agit de reprendre certains éléments
et d’en créer d’autres à partir de cette recomposition. Evidement, cela implique
un codage par l’émetteur, à savoir l’auteur, et un décodage du message par le
récepteur, autrement dit le lecteur.
Les romans des auteurs Métis s’inspirent effectivement de faits réels, de leurs
histoires personnelles, de toutes leurs expériences. A partir de ces éléments, ils
reconstituent un monde proche du monde réel, un monde hybride issu d’un
processus de créolisation dont la logique est basée sur une association
d’éléments empruntés à deux cultures.
60
Il s’agit en fait d’une trilogie de trois volumes à savoir Dawn (1987), Adulthood Rites (1988) et Imago
(1989) , regroupés dans un seul et même ouvrage intitulé Lilith’s Brood (2000) ou The Xenogenesis Trilogy
publiés aux Etats-Unis par la maison d’édition Grand Central Publishing.
56
En ce sens, la poésie et le roman sont des genres privilégiés par les
auteurs Métis puisque la structure du premier représente un juste milieu dans
l’association de la tradition orale indienne du processus de transmission des
histoires et le processus de transmission écrite, plus couramment employé par
les canadiens européens. Le roman quant à lui, est un genre qui implique une
modification du réel, qui joue avec la frontière entre le réel et la fiction. Le monde
créé par le roman est en fait un monde altéré résultat de l’hybridation entre les
éléments fictifs et les éléments réels. Cette structure est à la fois représentative
de la logique associative des Métis qui pensent le monde et les relations entre
les peuples comme étant une relation qui permet de se connecter les uns aux
autres et non pas les uns contre les autres. Le dispositif du roman a de particulier
la capacité d’amener le lecteur à accepter de voir les choses autrement et
admettre la différence.
57
CHAPITRE III :
Contenu des œuvres : la prépondérance de stéréotypes
Attardons nous maintenant à la dernière « couche » du médium littéraire
c'est-à-dire, à son contenu. Cet écrit, rédigé par l’auteur est celui qui va
influencer le plus le lecteur qui tire des conclusions sur ce qu’il lit. Généralement,
c’est le premier réflexe de tout lecteur, lors d’une première lecture, de tirer des
conclusions à partir des éléments fournis par l’auteur. C’est pour cette raison que
ce qui est choisi d’être dit mais aussi ce qui est choisi d’être omit par l’auteur est
crucial. Tous les éléments présents ou non donnent un sens particulier au
discours de l’auteur. Le lecteur doit effectuer une double lecture afin de déchiffrer
le véritable message en prenant du recul sur le discours proposé et en le
confrontant avec d’autres discours relatifs au sujet.
Cela est d’autant plus vrai en ce qui concerne la littérature des métis
puisque qu’ils véhiculent une certaine image de la communauté autochtone.
Toutefois, ces écrivains peuvent être, qu’ils en soient conscients ou non,
instrumentalisés et endossent parfois plus le costume d’assistant social que celui
d’artiste. C’est pour cette raison qu’il faut comprendre les thèmes traités dans les
œuvres littéraires en se référant toujours au message subliminal.
Une fois cette confrontation faite, il nous sera alors possible de déterminer
si les auteurs métis, qui revendiquent vouloir affirmer leur identité culturelle et
susciter une reconnaissance de la part du reste de la société canadienne, ne
contribuent-ils pas finalement à maintenir ce sentiment de discrimination en
peignant constamment une image des métis comme étant des « victimes ». Bien
sûr, les faits historiques, sociaux peuvent venir confirmer le constat. Néanmoins
ne serait-il pas plus judicieux pour ces auteurs de souligner d’autres aspects de
la culture métis et présenter au reste de la population canadienne une autre
image des métis ?
Nous aborderons trois différents thèmes récurrents à la majorité des
œuvres écrites par les métis.
En abordant le « syndrome des filles métisses » et après avoir détaillé ces
syndromes, nous verrons depuis quand et les raisons pour lesquelles ils sont
58
associés à la communauté métisse et surtout comment ces syndromes sont
traités par les auteurs, en faisant toujours la distinction entre ce qui est présenté
au lecteur et ce qui ne l’est pas.
Nous en viendrons ensuite à se concentrer sur les Residential Schools.
Très souvent mentionnées dans les histoires elles symbolisent les questions
relatives au problème Indien nous faisant ainsi réfléchir sur la question
d’ethnocide culturel.
Enfin nous évoquerons le sentiment « d’entre-deux » éprouvé par les
métis et leurs réponses pour se forger une place au sein de la société
canadienne. Nous réfléchirons ainsi sur les questions d’hybridité et de
xénogenèse.
3.1 Le « syndrome des filles natives »
Le « syndrome des filles natives » fait écho au livre April Raintree de
Beatrice Culleton dans lequel l’écrivain soutient que ce syndrome réduit, dans
cette œuvre précise, les femmes autochtones en les minimalisant affectivement,
physiquement ainsi que moralement. Le travail de Culleton décrit les perceptions
qu’aurait le reste de la société canadienne sur les métis, à savoir qu’ils sont des
« assistés », incapables de faire quoi que ce soit. Ce « syndrome » fait référence
à des caractéristiques souvent employées lorsque l’on décrit les Métis. La plupart
des auteurs Métis traitent ces stéréotypes afin de dénoncer les abus que les
Métis subissent et qui a pour résultat de perpétuer la perception négative que
l’on a de cette communauté.
59
a. Une violence physique
La violence est l’un des thèmes les plus abordés dans la littérature des
Métis. Cette brutalité se fait d’abord physique et provient des différentes relations
entretenues avec les canadiens européens, les Autochtones mais aussi entre
Métis eux-mêmes.
● La violence physique entre Métis et canadiens européens
La violence physique est régulièrement centrale quand on aborde les
relations entre Métis et canadiens européens. Cette relation, entre la culture
dominante et la culture dominée, est présentée comme étant conflictuelle. Dans
April Raintree, le personnage principal, April, est violentée par un homme
appartenant à la culture dominante, la culture « blanche » :
« Celui qui était à mes côtés posa sa main sur moi. Je la repoussais. Il
frappa encore plus fort, comme s’il avait le droit de faire comme bon lui semble.
‘Alors comme ça tu es une vraie squaw, huh ? C’est bien, c’est comme ça que je
les aime.’ Il rit à sa propre remarque. » 61
Dans ce passage, Culleton sous-entend la raison pour laquelle la
protagoniste subit cette agression à savoir le fait d’être, en partie, indienne. Plus
encore, l’auteure suggère ici que la violence dont fait preuve l’agresseur est
justifiée. En d’autres termes, elle dépeint un agresseur occidental qui considère
avoir le droit d’agir brutalement envers la jeune femme parce que cette dernière
est à moitié indienne. Tout au long de l’histoire, les deux sœurs, des Métisses,
sont présentées par l’auteure comme des victimes. Victimes de la domination
brutale des canadiens européens.
61
« The one beside me put his hand on me. I hit it away. He hit back much harder as if he had a right to do
whatever he pleased. ‘So, you’re a real squaw, huh ? That’s good ‘cause I like my loving rough.’ He laughed
at that. »
MARACLE, Lee, I Am A Woman : A Native Perspective on Sociology and Feminism, Canada, Press Gang
Publishers, 1996, p.111
60
Lee Maracle dans son livre, qui à l’inverse de April Raintree, n’est pas une
fiction, aborde ce sujet à maintes reprises. Elle revient sans détours sur les abus
sexuels dont elle fut victime au cours de son enfance. Dans l’extrait suivant, elle
décrit la fellation que son père, du moins l’homme qui l’a élevé en tant que tel, lui
inflige :
« Tout ce que je voyais c’était cette chose rose au milieu de toute cette
peau blanche qui se rapprochait de mon visage. Je l’entendis qui me menaçait de
ne pas mordre. Quand c’était fini, il riait et moi je vomissais. »62
Encore une fois, l’agresseur est désigné comme appartenant à la
communauté canadienne d’origine européenne. Cet agresseur est clairement
dépeint comme un être bestial et immoral que se moque littéralement du crime
commis. Le personnage Métis est ici encore présenté dans sa position de victime.
Dans tous les cas, les Métis sont décrits comme des victimes, toujours en
position de faiblesse et de soumission de la part des canadiens européens. Ces
derniers sont désignés par les auteurs comme des êtres vils, démunis de toute
moralité, de toute civilité, en somme des bêtes sauvages. L’intention est de
dénoncer ce mythe de l’homme blanc civilisé et de l’autochtone sauvage en
montrant que la réalité est tout autre.
● La violence physique entre Métis et Premières nations
Cette violence physique dont les Métis sont victimes n’est pas seulement
exclusive aux relations entre ces derniers et les canadiens européens mais
également avec les Autochtones, et tout particulièrement les Indiens. Maracle le
décrit lorsqu’elle relate la relation que son amie Métisse, Rusty, entretient avec
un Indien :
62
« All I saw was that pink thin comin down at my face in the middle of a mass of white skin. I heard him
warn me not to bite. When it was over, he was laughing and I was vomiting. » Ibid., p.43-61
61
« La première fois qu’il m’a battu c’était parce que je lui avais vraiment
fait honte. Après cela, les fautes étaient de moins en moins importantes, jusqu’au
jour où il me donnait des coups comme s’il s’agissait d’une évidence. »63
Cette femme Métis est perçue comme une victime de la brutalité de son
conjoint. Cet Indien est lui aussi décrit, indirectement, comme une personne
brutale, dans une position de supériorité à la fois physique mais également
raciale.
● La violence physique entre Métis eux-mêmes
Plus encore, la violence physique est présente dans les relations entre
Métis. Souvent, cette violence apparait au sein du foyer familial.
Maracle renvoie elle aussi à la violence du foyer familial. La protagoniste relate
un souvenir d’enfance et décrit la dispute virulente entre ses parents.
« Je pouvais les entendre se disputer. Très vite, je n’entendais plus leurs
voix et le son des poings cognant sur les corps venait mettre un terme à la
discussion. »64
Le livre suggère également les violences psychologiques et physiques,
violences subies par les autochtones. Cette agressivité est présente dans leur
63
“The first time he beat me up it was because I seriously shamed him. After that, the crimes got smaller
until he just whacked me as a matter of course.”
Ibid.,
64 « I could hear them arguing. Soon the voices would drop and the sound of fists connecting with bodies
would wind up the discussion. »
Ibid., p.45
62
communauté voire même au sein de leur foyer. A l’âge adulte, les deux sœurs
vivent ensembles, la plus jeune devient alcoolique ce qui engendre des conflits et
des comportements brutaux, cette dernière n’hésite pas à battre sa sœur.
« Je saisis la bouteille et commençai à vider son contenu dans l’évier [...]
Quand il ne resta plus une seule goutte, je lâchai la bouteille. Je me tournai vers
Cheryl. Elle était folle de rage. Elle me fixa avec haine et avant même que je ne
puisse lui dire quoi que ce soit, elle leva sa main et me cogna aussi fort qu’elle le
pu en pleine figure. »65
b. Les violences psychologiques
● L’alcoolisme et les jugements moraux
Le comportement violent est souvent associé à un une dépendance alcoolique.
Ce maux est souvent associé aux Métis canadiens mais ce genre de
dépendance est de manière plus générale en étroite relation avec des personnes
exclues de la société, de condition sociale défavorisée. Maracle le souligne dans
son œuvre où elle associe sa dépendance alcoolique à sa condition de vie de
l’époque : « Après six mois dans la spirale infernale du monde de l’alcool et de la
rue…”66
Les stéréotypes concernant les métis touchent également des questions
liées aux mœurs. Dans April Raintree, c’est le comportement moral des parents
65
« I took the bottle over to the sink and began pouring the liquid down the drain [...] When the last drop
was gone, I let go of the bottle. I started turning toward Cheryl. She was enraged. She stared at me with
hatred and before I could speak to her, she brought her hand up and struck me as hard as she could across
the face. »
CULLETON, Beatrice, April Raintree, Peguis Publishers, Winnipeg, Canada, 1992, p.160
66 “After a six-month downward spiral into the world of alcohol and the street…”, MARACLE, Lee, I Am A
Woman, op.cit., p.45
63
qui est critiqué : « Je ne pouvais lui dire qu’aux yeux de nos parents l’alcool était
plus important que leurs propres filles. »67
Les parents de ces deux sœurs métisses sont loin de l’image
traditionnelle ou plutôt idéalisée que l’on se fait de la figure parentale, ces êtres
supposés prendre soin de leurs enfants, de s’en occuper ne comptant pas les
sacrifices. Le portrait que tire Culleton est donc à mille lieux du sens commun.
Plus encore, cette description entraîne une réaction de jugement de la
part du lecteur. Ce dernier est amené à critiquer et juger le comportement des
parents. Les dires de la protagoniste, qui sous-entend son sentiment d’abandon,
ne prennent pas en compte la difficulté que toute addiction aux drogues
engendre. De ce fait, malgré tout l’amour qu’un parent éprouve pour son enfant,
il y a d’autres critères à prendre en considération. Ici, c’est le sentiment ressenti
par la jeune femme envers ce qu’elle a vécu qui est mis en avant. Cette stratégie
d’amener le lecteur à s’identifier à ce que ressent le personnage n’aide pas, dans
ce cas précis, le lecteur à envisager une autre image des métis.
La violence dont souffrent les Métis n’est pas seulement physique
mais est aussi et avant tout psychique. Par le jugement des canadiens
européens qui se veut moralisateur et réducteur. Dans l’œuvre de Culleton
l’assistante sociale en charge d’April et de Cheryl, les deux sœurs métisses
énumère les différentes étapes de la vie des Métis. Cette dernière dresse une
liste exhaustive des dérives que les métis connaissent. Ce comportement tend à
rabaisser les deux sœurs en jouant avec leur estime.
« Puis, madame Semple nous tint un discours sur ce qu’elle appelait le
syndrome des filles autochtones.’…et vous allez toutes deux dans cette direction.
Ca commence avec les bagarres, la fugue, les mensonges. Vous accusez
ensuite que le monde entier est contre vous. Vient alors le manque de
coopération lorsque vous gardez le silence, le sentiment de pitié que vous
67
« I couldn’t tell her that alcohol was more important to our parents than their own daughters. »,
CULLETON, Beatrice, April Raintree, op.cit., p.93
64
éprouvez pour vous-même. Et une fois que vous vivez seule, vous tombez
enceinte de suite ou bien vous ne trouvez aucun travail. Donc vous commencez
à boire et à vous droguer. A partir de là, vous commencez à voler et à vous
prostituer, faisant des allers-retours en prison. Vous vivez avec des hommes qui
abusent de vous. Et ça continu ainsi. Vous finirez comme vos parents, exclus de
la société… »68
Ce comportement démontre comment les Métis, qui depuis leur plus
jeune âge entendent ces propos, se laissent plus ou moins convaincre de leur
véracité. Les travailleurs sociaux décrivent les communautés autochtones
comme responsables de leur propre impuissance et de leur positionnement
social. La protagoniste, April, a donc une image des métis et un avenir défini par
les autres membres de la société canadienne. Une image prédéfinit et immuable :
« Tu ne changeras jamais l’image des communautés autochtones. »69
A cela vient s’ajouter le sentiment dépréciatif des métis envers leurs
propres communautés. Culleton le sous-entend clairement dans le passage
suivant :
« Parfois je n’y peux rien, je ressens la même chose qu’April, je déteste
ces gens, ces grossières créatures. Ce sont des losers. Mais il y a une raison qui
explique ce qu’ils sont. Tout ce qu’ils avaient leur a été enlevé. Et la bureaucratie
68
« Then Mrs. Semple gave us a little speech about what she called the native girls’ syndrome. ‘…and you
girls are headed in that direction. It starts out with the fighting, the running away, the lies. Next come the
accusations that everyone in the world is against you. There are the sullen uncooperative silences, the
feeling sorry for yourselves. And when you go on your own, you get pregnant right away or you can’t find or
keep jobs. So you’ll start with alcohol and drugs. From there, you get into shoplifting and prostitution and in
and out of jails. You’ll live with men who abuse you. And on it goes. You’ll end up like your parents, living off
society…»
Ibid., p.48
69 « You’ll never change the image of the native people. »
Ibid., p.90
65
des blancs a aidé à créer cette image des autochtones en faisant d’eux des
parasites. »70
Les métis sont décrits comme des êtres bestiaux et qu’il est effectivement
possible de les mépriser. Néanmoins, l’auteure contrebalance ces propos en
indiquant qu’il y a des raisons à prendre en considération afin de comprendre le
comportement des métis. On constate le sentiment d’ambivalence qui est
éprouvé par les métis envers ce qu’ils sont ou plutôt ce qui est dit à leur sujet.
Dans I Am Woman : A Native Perspective on Sociology and Feminism
l’auteure, Lee Maracle introduit l’idée selon laquelle les autochtones, et dans le
cas précis les métis, se mésestiment alors qu’ils devraient au contraire apprendre
à apprécier qui ils sont. « Ces ’ordures blanches’ ne nous fichent plus de coups
– nous le faisons nous-mêmes. »71
Ce que sous-entend l’auteure, sans pour autant le mentionner
directement, c’est qu’il y a du bon dans la culture et la vie des métis. Ce sont ces
points qui devraient être mis en avant.
Au contraire, la démarche des auteurs renforce les préjugés auxquels les
Métis sont associés. Certes, écrire sur les différents préjugés afin de démontrer
au reste des canadiens qu’il leur faut aller au-delà de ses idées préconçues est
nécessaire. Pourtant, le fait de les traiter encore et encore dans leurs œuvres
littéraires produit un effet inverse. Ce processus ne fait que rajouter de l’huile sur
le feu en alimentant cette image péjorative.
70
“Sometimes I can’t help it, I feel like April does, I despise these people, these gutter-creatures. They are
losers. But there is a reason why they are the way they are. Everything they once had has been taken from
them. And the white bureaucracy has helped create the image of parasitic natives.”
Ibid., p.174
71 « There is no ‘white trash’ kickin’ at us anymore – we are doing it to ourselves. »
MARACLE, Lee, I Am A Woman : A Native Perspective on Sociology and Feminism, op.cit., p.43-61
66
● Le suicide comme dernière solution
Ce sentiment d’infériorité et de mal être entraîne les auteurs à aborder un
sujet encore plus tragique, c'est-à-dire la question du suicide. Cet acte est
monnaie courante au sein de la communauté et est le reflet incontestable d’un
véritable malaise. « La seule chose qui avait pris possession de moi était ce désir
irrésistible d’en finir avec ce spectacle. »72
Le suicide est présenté par Maracle comme l’unique réponse à ce mal
être. En finir à tout jamais avec cette souffrance et avec cette vie sur lesquelles
les Métis n’ont pas ou plus le contrôle :
« Ne sois pas triste et ne te sens pas coupable de ma mort. [...] April, il
devrait y avoir au moins un peu de joie dans le fait de vivre et quand cette joie de
vivre disparait, on devient des morts-vivants. Et je ne peux plus vivre cette mort
vivante plus longtemps. De boire à m’en assommer, jour après jour. »73
Dépeindre les aspects positifs de la vie et de la culture des métis ou du
moins ce qui est considéré par les occidentaux comme tel serait tout aussi
efficace. En d’autres termes, la pensée occidentale désapprouve l’alcoolisme,
l’usage des drogues ainsi que la violence. En ce sens, si les auteurs se
concentrent uniquement sur ces aspects et ne développent que peu des aspects
comme les créations artistiques, le respect de la nature qui est important pour
cette communauté et qui pourrait insuffler des idées au reste du pays sur les
questions environnementales, le regard des canadiens n’est pas prêt de changer.
Le risque est que seuls les lecteurs avertis feront la démarche de se renseigner
72
« The only thing I was soaked with was an overwhelming desire to stop the show. »
MARACLE, Lee, I Am Woman, op.cit., p.43
73 “Do not feel sorrow or guilt over my death [..] April, there should be at least a little joy in living and when
there is no joy, then we become the living dead. And I can’t live this living death any longer. To drink myself
to sleep, day in and day out.”
CULLETON, B., April Raintree, op.cit., p.184
67
et de découvrir d’autres aspects de la vie et de la culture de la communauté
métisse.
Les divers stéréotypes décrits dans les ouvrages dépeignent un tableau à
la fois dure mais surtout pessimiste des métis. Ce qui ressort des écrits des
auteurs ne sont que les difficultés de la vie menée par ces derniers. La plupart du
temps, les métis sont présentés comme des alcooliques, des êtres faibles.
3.2 Pensionnats et familles d’accueil
a. Survol historique des pensionnats
Les pensionnats pour enfants autochtones, selon le terme exact les
Residential Schools, ainsi que les familles d’accueil sont des sujets qui
reviennent constamment dans la littérature des Métis. Même s’ils n’étaient pas
toujours clairement identifiés comme tels, parce qu’on les considérait être Indiens,
un nombre important d’enfants Métis furent placés dans ces pensionnats ou dans
des foyers d’hébergement jusqu’au vingtième siècle. La communauté métisse et
par extension les auteurs ont été marqués par ces lieux supposés éduquer les
enfants autochtones. La réalité était tout autre, et bien que le gouvernement
canadien ne l’a pas décrit comme tel, la démarche menée avec ces institutions
fait penser à un processus d’ethnocide culturel.
Avant d’aborder comment ces lieux sont dépeints par les auteurs métis,
revenons sur l’histoire des pensionnats74 dédiés aux enfants autochtones afin
d’en comprendre le but et le fonctionnement.
À la fin du dix-neuvième siècle, le gouvernement canadien s’associe avec
les Églises pour qu’elles dirigent les écoles, les internats mais aussi et surtout les
pensionnats pour enfants autochtones. Ces pensionnats avaient pour mission
74
FONDATION AUTOCHTONE DE GUERISON, Un chemin de guérison, Points sommaires du rapport final,.
Disponible sur Internet : http://www.ahf.ca/ (consultation mars 2012)
68
d’enseigner aux enfants autochtones la langue anglaise ainsi que la religion, les
valeurs communes au reste de la société canadienne de l’époque.
Dans les années 1940, une politique d’intégration voit le jour et les élèves
autochtones ont commencé à fréquenter les écoles publiques ordinaires. A partir
de 1969, c’est le ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord
qui se voit confier la gestion des pensionnats. A partir de 1970 et suite à une
demande de l’Assemblée des Premières Nations, le gouvernement canadien
cède la gestion de l’éducation aux Autochtones. C’est en 1998 que le dernier
pensionnat administré par les Autochtones a été fermé. Ces différentes périodes
représentent une étape précise de la politique gouvernementale menée tout au
long du dix-neuvième et vingtième siècles quant aux pensionnats pour enfants
autochtones.
Sir John A. Macdonald, le premier ministre expliquait que :
« le grand objectif de nos dispositions législatives a été d’éliminer le
système tribal et d’assimiler, aussi rapidement que et en tout point, les Indiens
aux autres habitants du Dominion. » 75
L’idée que Macdonald expose en 1887 ne change pas tellement et à
peine vingt ans plus tard, en 1903, Hugh McKay un missionnaire déclarait que
ces politiques visaient à « tuer l’Indien dans l’enfant »76. Il expliquait que ces
politiques étaient une façon d’éduquer et de coloniser un peuple contre son gré
en supprimant leur langue et leur culture, et de façon générale leurs façons
autochtones de vivre dans le monde. Les propos tenus renvoient sans détour à
une volonté d’ethnocide. D’après la définition de l’encyclopédie « L'ethnocide,
c'est la suppression des différences culturelles jugées inférieures et mauvaises,
75
FONDATION AUTOCHTONE DE L’ESPOIR, « Bibliothèque, Chapitre 1 Politique Gouvernementales ».
Disponible sur Internet : http://www.wherearethechildren.ca/fr/bookcase/grades-9-10/chapter-1.html
(consultation mars 2012)
76 FONDATION AUTOCHTONE DE GUERISON, Un chemin de guérison, Op.cit., (consultation mars 2012)
69
c'est la mise en œuvre d'un principe d'identification, d'un projet de réduction de
l'Autre au même. »77
b. Les politiques gouvernementales
Les politiques du gouvernement canadien quant à la question de
l’éducation des enfants autochtones peuvent être découpées en quatre étapes.
La première renvoie à une politique d’assimilation et se déroule entre la
fin du dix-neuvième et le début du vingtième, à savoir entre 1840 et 1910. La
Fondation Autochtone de Guérison explique que l’objectif est d’enseigner aux
enfants autochtones les compétences dont ils auraient besoin comme ouvriers
au sein de l’économie euro-canadienne courante. Ils seraient ainsi assimilés à la
population blanche et deviendraient des membres autonomes de la société.
Les précisions apportées par la Fondation confirment cette démarche
d’assimilation forcée des autochtones à la société canadienne.
Cette politique d’assimilation était conçue autour d’un plan en trois étapes
concernant l’éducation des enfants autochtones. Il s’agissait tout d’abord
d’éloigner les enfants autochtones de leur communauté et de leur famille. Le but
était de minimiser l’influence exercée sur les enfants. Ensuite, cette politique
visait à resocialiser les enfants au sein des écoles. La dernière mesure devait
faire en sorte d’intégrer les diplômés autochtones dans le monde canadien. Ce
plan était fondé sur la volonté d’assimiler les élèves à la société « blanche ». Les
enfants autochtones étaient obligés de s’adapter à la culture des canadiens
européens, à la culture dominante en laissant de côté leur mode de vie particulier
et leur propre vision du monde. Frank Oliver, journaliste et à l’époque député,
s’est prononcé contre cette politique en dénoncant ces mesures qui vont à
l’encontre du comportement inculqué par l’Eglise et la religion chrétienne :
77
Encyclopédia universalis, « histoire, culture et ethnocide ». Disponible sur Internet :
http://www.universalis.fr/encyclopedie/ethnocide/4-histoire-culture-et-ethnocide/ (consultation mars 2012)
70
« Sans vouloir vous offenser, il me semble qu’un des plus importants
commandements que Dieu ait laissé au genre humain est celui qui ordonne aux enfants
d’aimer et de respecter leurs parents. Il semble étrange que l’on institue, au nom de la
religion, un système d’éducation dont le principe de base va justement à l’encontre de ce
commandement. »78
La deuxième politique lancée par le gouvernement canadien entre 1911
et 1915 est une politique de ségrégation.
Pendant quatre années, il s’agissait d’enseigner aux enfants autochtones
les modes de vie « civilisée » de la société blanche canadienne afin qu’ils
retournent dans leurs collectivités en tant que « bons Indiens ». Cette politique
est le prolongement de la précédente, et l’objectif est toujours de « civiliser » les
autochtones. Toutefois, cette politique ne vise plus à intégrer les autochtones
dans le monde canadien mais entend les renvoyer au sein de leur communauté.
L’idée est de former des autochtones qui propageront eux-mêmes la culture
dominante dans leur communauté.
A partir de 1951, et jusqu’en 1970, une nouvelle politique, celle de
l’intégration apparait. Les politiques précédentes n’étant que peu concluantes et
surtout le pays commence à changer son regard sur les Premières Nations.
Cette nouvelle politique d’intégration, comme son nom l’indique vise à enseigner
aux élèves des communautés autochtones dans les mêmes écoles que les
autres enfants canadiens. Selon le gouvernement c’est une démarche qui donne
aux peuples autochtones les mêmes possibilités que les autres membres de la
société canadienne. L’objectif de cette politique est de redonner leur dignité aux
autochtones et améliorer leur vie au sein de la société. Cela marque le début du
processus d’élimination des pensionnats pour enfants autochtones.
C’est pourquoi, à compter de1969, le gouvernement met un terme à son
association avec les Églises qui régissaient les pensionnats. Petit à petit, ces
derniers ferment leurs portes. A côté de cela, les associations politiques et les
bandes indiennes prennent en main l’administration des pensionnats afin de
contrôler eux-mêmes l’éducation des enfants de leurs communautés. Cette
78
FONDATION AUTOCHTONE DE L’ESPOIR, « Bibliothèque », op.cit., chapitre 1
71
démarche est d’ailleurs soutenue par le gouvernement canadien jusqu’à la
fermeture du dernier pensionnat en 1998, affirmant que « tout changement
important dans le fonctionnement et l’administration des résidences sera
envisagé uniquement en consultation avec les parents indiens ou leurs
représentants. »79
A leur arrivée sur le sol canadien, les Européens pensaient que les
peuples autochtones n’avaient aucun système d’éduction pour leurs enfants. Les
peuples autochtones avaient bien un système d’enseignement mais cet
enseignement était approprié au mode de vie de la communauté. Les
communautés autochtones donnaient à leurs enfants une éducation plus
pragmatique. C’est à dire qu’ils leur enseignaient ce qui était nécessaire à leur
style de vie. Cela comprenait « la capacité de préserver la communauté, de
soutenir la vie du groupe en l’approvisionnant en nourriture et en autres choses
matérielles, de répondre aux questions de la vie de tous les jours, de soulager
les angoisses et enfin, de défendre le groupe contre les menaces provenant de
l’extérieur »80.
Le gouvernement canadien prenant conscience de cette différence
d’éducation, ne cherche plus à résoudre le « problème indien » en coupant les
enfants autochtones de leur communauté, de leur mode de vie et de leur vision
du monde afin de les assimiler à la culture dominante.
La dernière politique gouvernementale mise en place par le gouvernent
depuis 1971 et qui est toujours d’actualité est l’autodétermination. Dans le cadre
d'un mouvement menant à leur autonomie gouvernementale, les Autochtones ont
reçu un plus grand pouvoir décisionnel quant à l’éducation de leurs enfants.
En effet, on sait que l’expérience des pensionnats a laissé des traces sur
les enfants autochtones. Aujourd’hui, selon la Fondation Autochtone de l’espoir, il
reste approximativement 86 000 survivants. Le mot « survivant » désigne les
autochtones qui ont vécu dans ces pensionnats et qui y ont survécu. Ce qui
signifie également que de nombreux enfants autochtones y ont laissé leur vie.
79
Ibid.
80 Ibid.
72
Toutefois, les survivants et survivantes des pensionnats se sont rattachés
à leur culture autochtone comme un moyen de guérison. La Fondation
Autochtone de Guérison souligne la nécessité pour ces personnes de partager
leurs expériences vécues lors de leur séjour dans les pensionnats afin d’établir
un lien entre les collectivités. Ces actes de partage sont devenus le fondement
d’un nouveau discours et d’un enjeu commun concernant le programme politique
contemporain.
c. Le cas particulier des Métis
Les élèves Métis quant à eux étaient sujets à un traitement particulier. Un
système de classification vit le jour. Effectivement, le gouvernement canadien
n'avait pas la même obligation envers les enfants Métis. A cause de leur héritage
européen, plus particulièrement le lien religieux qui unissait les Métis et l’Eglise
catholique, le gouvernement canadien céda l’éducation des Métis à cette
dernière. Pour l’Eglise, endosser ce rôle présentait deux avantages, à savoir :
remplir les écoles d’élèves et les financer. La principale source de revenu était
les frais d’inscriptions.
Toutefois et en dépit de l’héritage franco-catholique ou anglo-protestant
des métis, le gouvernement devint prudent et se mit à surveiller les activités des
Métis suite à un conflit militaire entre ces derniers et le gouvernement fédéral.
C’est dans cette optique que la Commission des Sang-Mêlé fut créée par le
gouvernement. Il était question de surveiller les Métis afin de contenir les
communautés les plus susceptibles de se rebeller en utilisant les écoles.
En conséquence et comme l’explique la Fédération Autochtone pour
l’Espoir, un système de classification des Métis vit le jour. Les enfants Métis
étaient répartis dans différentes catégories selon leur degré de parenté mais
aussi les liens qu’ils entretenaient avec les Premières nations. En somme, il
s’agissait de créer une hiérarchie de classe et raciale :
« Plus le gouvernement considérait les Métis proches des Premières
nations, dans un sens géographique ou sociétal, plus ils étaient considérés
73
comme étant de classe inférieure. Cette classe inférieure avait priorité sur les
autres Métis lors des admissions dans les pensionnats, ce qui assurait que les
proscrits et ceux qui menaçaient la société, c'est-à-dire qui vivaient comme des
Indiens, seraient activement civilisés »81.
L’apparence physique était le critère principal de distinction entre les
enfants des Premières nations et ceux des Métis. C’est pourquoi les métis à la
peau foncée, associés aux Premières nations, étaient considérés comme
inférieurs aux métis dotés d’une peau claire.
Néanmoins, avoir une peau claire ne garantissait pas de meilleurs
traitements et les métis reçurent les mêmes violences psychologiques et
physiques que les enfants des Premières nations. L’auteure Beatrice Culleton le
souligne dans son roman au moment où la protagoniste explique qu’elle est
fréquemment associée à son héritage autochtone : « La couleur de la peau
n’avait pas la moindre importance dans cette école. Tous me traitaient comme
une indienne de pur sang. »82
En fait, l’unique soutien des élèves métis était leur foi religieuse qui était
pratiquée dans les écoles. Identique à l’enseignement religieux que les enfants
recevaient au sein de leur foyer, cela leur apportait un réconfort spirituel et un
sentiment de familiarité. Le milieu scolaire au sein duquel les enfants évoluaient
leur rappelait constamment qu’il n’y avait pas de quoi être fier de leur héritage
autochtone. Autrement dit, on apprenait à ces enfants à se sous-estimer eux et
leur héritage culturel. Cette situation était d’autant plus difficile puisque les élèves
n’avaient honte que d’un seul de leurs parents.
Aujourd'hui, tous les pensionnats ont été fermés et le gouvernement ainsi
que les Autochtones eux-mêmes ont fait beaucoup d’efforts pour essayer de
réparer les séquelles que les pensionnats ont faites. Cette démarche anime
toujours le gouvernement canadien. Selon le Rapport de la Commission royale
sur les peuples autochtones de 1991 :
81
Ibid.,
82 « Skin coloring didn’t matter in this school. Everyone treated me like a full-blooded Indian.” CULLETON, B.,
April Raintree, op.cit., p.58
74
« L’avenir doit inclure une place pour ceux et celles qui ont été blessés
par les pensionnats où elles pourront se tenir debout en toute dignité, se souvenir,
parler de leur douleur et de leur colère et d’être écoutés avec respect. Le Canada
doit, en collaboration avec ces personnes, rechercher la justice et la guérison
mutuelle; ils doivent construire des liens… qui rapprocheront les peuples
autochtones et non autochtones pour qu’ils puissent se faire mutuellement
confiance et… marcher côte à côte dans ce monde, dans un climat de
confiance.» 83
L’objectif réel des pensionnats était donc de faire disparaître la culture
autochtone du Canada. Dans cette optique, on retirait les enfants à leur famille et
leurs communautés afin de les « formater » et de leur inculquer le mode de vie
de la culture dominante, celle des « blancs ». Cette démarche a échoué et a
surtout causé des changements désastreux sur le mode de vie des Autochtones,
dont les effets se font, aujourd’hui encore, ressentir.
La fermeture des pensionnats prit quatre ans à se matérialiser. Pour
autant, beaucoup d’élèves autochtones continuèrent à être placés en famille
d'accueil par des organismes de services à l'enfance et à la famille administrés à
la fois par le gouvernement fédéral et des groupes autochtones.
d. Les familles d’accueil
Les familles d’accueil sont d’ailleurs souvent au centre des histoires des
auteurs. Elles permettent de revenir et de dénoncer les traitements reçus par les
enfants métis. On constate deux sortes de familles d’accueil. Les auteurs
peignent un tableau manichéen de ces foyers d’hébergements, censés
représenter l’ambivalence du traitement reçu par les élèves métis.
83
FONDATION AUTOCHTONE DE L’ESPOIR, op.cit., chapitre 1
75
D’un côté se trouve les « bonnes » familles. Les relations entre l’enfant et
la famille se passent sans difficultés apparentes. L’enfant métis est intégré au
sein du foyer familial et est considéré comme un membre de cette communauté
et comme c’est le cas dans le roman April Raintree, l’enfant peut éprouver de
l’affection envers cette nouvelle communauté avec laquelle il a développé une
relation de confiance : « J’aime les Dion parce qu’ils prenaient soin de moi et ils
étaient gentils avec moi. »84
Dans ce contexte, où l’enfant est considéré comme un membre de cette
structure familiale, il participe aux diverses obligations qui lui sont imposées et
qui régissent le mode de vie de la famille :
« Je devais étudier le catéchisme […] Nous avions des classes de
catéchisme chaque jour à l’école. Chaque soir, j’étais obligée d’apprendre mes
prières en français...»85
Dans le cas présent, la famille d’accueil en charge d’éduquer l’enfant
Métis se révèle être une famille franco-canadienne. Ce que l’auteure sous-entend
et qui fait écho à l’histoire des pensionnats, c’est que les métis étaient la plupart
du temps, pour ne pas dire toujours, envoyés au sein de familles anglo-saxonnes
ou franco-canadiennes. Il s’agit bel et bien de réduire tout contact et toute
influence avec l’héritage autochtone des métis.
De l’autre côté, on retrouve les « mauvaises » familles. Les auteurs métis
insistent sur les mauvais traitements que les membres de la famille infligent aux
enfants métis. Ces derniers sont victimes de violences psychologiques : « Et si tu
penses que je ne l’utiliserais pas, demande à Raymond et Gilbert […] elle posa le
fouet… »86
84
« I love the Dions because they took care of me and they were nice to me. »
CULLETON, Beatrice, April Raintree, op.cit., p.20
85 « I had to study catechism […] We had catechism classes every day at school. Every evening I had to learn
my prayers in French…”
Ibid., p.14
86 « And if you don’t believe that I’ll use it, ask Raymond and Gilbert […] she put the strap away… »
76
Les enfants sont menacés à longueur de journée. Une atmosphère de
terreur règne au sein du foyer. En plus de la pression psychologique, les enfants
métis souffrent souvent de mal nutrition, se voient imposer une charge de travail
excessive mais aussi et surtout subissent des châtiments corporels. Les
menaces se transforment en actes.
Ces traitements ne sont pas décrits uniquement au travers d’histoires
fictives. La lettre laissée par Richard Cardinal, un métis qui s’est suicidé à l’âge
de dix-sept ans, en fait part :
« C’était la première fois qu’il me frappait et je pense qu’il s’attendait à ce
que je hurle mais je restai planté là et le fixai simplement d’un air absent. Mes
lèvres commencèrent à saigner énormément. »87
« Trimbalé de familles en familles d’accueil », c’est en 1984 que ce jeune
métis mis fin à ses jours. Il laissa derrière lui un journal intime dans lequel il
dénonce les diverses violences subites et par extension les dérives du système
canadien quant à la question autochtone.
3.3 Le sentiment d’entre-deux
a. Définitions des termes Métis et « Sense of Metis Self »
Les termes, Métis ou sang mêlés, sont les appellations les plus
couramment utilisées afin de décrire cette communauté aux deux cultures. La
définition de ces termes, confirme l’idée d’entre-deux.
Ibid., p26
87 “It was the first time I was hit by him and I guess he expected me to start bawling but I didn’t I just stood
there and stared blankly at him. My lip began to bleed quite badly.”
CARDINAL, Richard, I was a Victim of Child Neglect, Native American testimony: a chronicle of Indian-White
relations from prophecy to the present 1492, 1992, Canada, Viking, 1991
77
Le dictionnaire canadien Oxford 88 définit le terme Métis comme “une
personne de descendance Autochtone et Européenne.” (p.912). Le terme
Européen est défini comme « personne originaire ou habitant de l’Europe et/ou
descendant de personnes européennes. » (p.480) et le terme Autochtone
comme « peuples habitants ou vivants sur une terre avant l’arrivée de colons. »
(p.4). Les Premières Nations sont décrites comme « peuples d’une bande
indienne du Canada, ou d’une communauté indienne fonctionnant comme une
bande mais qui n’ont pas le statut officiel de bande » (p.522). Le terme Indien
renvoie à « un membre des peuples autochtones du nord ou du sud de
l’Amérique, ou à un de leur descendants. » (p.717) Quant au terme « sang
mêlés », qui renvoie à la mixité sanguine, il est doté d’une connotation
hautement péjorative et est employé en cette fin pour rappeler la position
qu’occupe cette communauté au sein de la société.
Les métis ont-ils une culture qui leur soit propre c'est-à-dire une culture
distincte des cultures « mères » qui composent la leur, ou plutôt qui compose
leur identité ? Ils ont par définition deux identités, mi canadienne européenne, mi
autochtone et pourtant, l'histoire a fait qu'aucun des peuples canadiens
européens ou autochtones ne les a vraiment acceptés et reconnus comme étant
des membres de leur communauté. Plus encore, les Métis sont toujours définis
par ce qu’ils ne sont pas et jamais par ce qu’ils sont. Souvent persécutés, il leur a
fallu créer leur propre espace, un espace dans lequel il leur serait possible de
s’exprimer, de pratiquer leur culture.
C’est ce sur quoi Catherine Richardson, une chercheuse canadienne, a
porté son attention. Au cours de son travail de recherche intitulé Becoming
Metis 89 , elle développe un concept : le « sense of Metis self ». Richardson
explique qu’il est difficile de définir clairement ce qu’est l’identité des Métis. Ils
sont souvent les premiers à vouloir garder secrète leur identité auprès du reste
de la population canadienne. Les propos tenus par Richardson sont donc en
partie confirmés. Toutefois, on constate que, par le passé, les métis n’ont pas
toujours cherché à cacher leur identité, et il en est toujours de même aujourd’hui.
88
The Canadian Oxford Dictionary, Canada, Oxford University Press, 1998
89 RICHARDSON, C., Becoming Metis: Between the Sense of Metis Self and Cultural Stories, Canada,
University of Victoria Press, 2004.
78
D’ailleurs, cette présente recherche tend justement à démontrer une
réaffirmation de l’identité et de la culture des métis notamment à travers la
littérature. Cependant, comme l’explique Richardson, beaucoup de métis après
avoir été marginalisés ont essayé de cacher cette identité.
b. La stratégie du « Passing »
Dans cette optique, il n’est possible d’envisager la question du sentiment
d’entre-deux qu’en abordant les stratégies mises en place par les métis pour
articuler leur identité. Richardson distingue deux choses. D’une part une stratégie
de « Passing », et d’autre part, ce qu’elle nomme le troisième espace et le
partage des histoires. Dans le contenu des livres, cette distinction est abordée
mais différemment. C'est-à-dire que les auteurs émettent une distinction entre le
désir des métis d’adopter l’une des deux cultures mères et de définir une identité
unique, quand d’autres font le choix de reconnaître leur identité métis. Ils
reconnaissent alors la complexité de leur identité multiple. Ces distinctions
correspondent aux deux processus décrits par Richardson au cours de son
travail de recherche.
Le désir d’appartenance à l’une des cultures « mères » renforce le désir
d’adopter une identité unique à savoir : l’identité autochtone ou l’identité
canadienne européenne. Les auteurs abordent la question en soulignant les
points de vus des différentes parties concernées.
• Regard des Premières nations sur les Métis et inversement
La perception des Autochtones sur les métis reflète régulièrement une
distanciation et un rejet de leur part. A titre d’exemple, Maria Campbell dans son
roman autobiographique relate un de ses souvenirs d’enfance. Elle décrit sa
relation avec le frère de son grand-père, chef d’une tribu indienne. Petite, elle
passait donc beaucoup de temps avec eux et était plutôt bien acceptée par ces
derniers. Campbell raconte alors une anecdote qui représente parfaitement la
situation d’entre-deux à laquelle les métis sont confrontés.
79
Un jour, la petite Maria Campbell, à la fin d’une réunion entre les
membres de la tribu indienne, à laquelle elle avait pu assister, se permit
d’exprimer tout haut son avis. Cette initiative est en règle générale mal perçue et
ce, pour deux raisons : il n’est pas permis aux personnes qui ne sont pas
membre du conseil de la tribu de prendre la parole. Second facteur, cela l’est
encore moins si c’est une femme. Campbell est pardonnée pour son audace. Ce
qui est surprenant est la raison pour laquelle elle est excusée. La femme du chef,
en prenant la défense de l’enfant souligne que : « C’est la part de blanc qui est
en elle »90
Ce qui dédouane l’enfant n’est donc pas son jeune âge, ni l’effronterie
dont ces derniers font souvent preuve, mais le fait qu’elle soit métisse. Cela
révèle l’impossibilité ou plutôt la difficulté que les membres de la communauté
autochtone ressentent à l’égard des métis, qu’ils ne voient pas comme des
membres possible de leur culture. Les autochtones font toujours une distinction
entre les deux identités et cultures. Pour ces derniers, il est impossible que les
métis intègrent complètement le mode de vie et de pensée indienne.
Au cours de ses recherches sur les tactiques de réponses à l’oppression
et au racisme91 Richardson questionne des personnes métisses et le même
résultat ressort : « Ils sont rejetés par les peuples des Premières nations parce
qu’ils sont ‘trop blancs’ ou ‘veulent être Indiens’. »92
Les Métis sont d’ailleurs conscients de ce rejet. Les personnes
interrogées l’expriment clairement :
90
“It’s the white in her”, CAMPBELL, Maria, Halfbreed, Canada, University of Nebraska Press, 1982; p.27
91 RIDCHARDSON, C., Metis Identity Creation and Tactical Responses to Oppression and Racism, Canada,
University of Victoria Press, 2006
92 « They are rejected in First Nations communities for being ‘too white’ or ‘wannabe Indians’ », Le terme
‘wannabe’ provident du jargon et signifie en fait “want to be” soit “vouloir être”,
Ibid., p.61
80
“Je fais face à de nombreux préjugés de la part des Autochtones parce
que j’ai la peau très claire. Je me sens toujours un peu nerveuse lorsque je suis
en présence de ’pur sang’ ».93
Certains éprouvent une nervosité en présence des « Indiens de souche ».
Ces derniers leur rappelant régulièrement qu’ils ne pourront jamais s’intégrer
totalement et qu’ils demeureront toujours plus ou moins à l’écart de leur
communauté.
Néanmoins, cela n’empêche pas certain métis de privilégier une des deux
cultures et de s’y identifier. C’est ce que Culleton démontre avec l’un de ses
personnages. Lors d’une discussion entre les deux protagonistes, deux sœurs
métisses, Cheryl, la cadette explique : “Je m’identifie au peuple Indien depuis
que je suis gamine. Le peuple Métis partage les mêmes problèmes avec les
communautés Indiennes. »94
Les Métis peuvent choisir de s’identifier à l’une des deux cultures et ici la
culture autochtone. L’argument souligné est que les métis partagent plus avec
les Indiens qu’avec les canadiens européens. Il est vrai que ces deux peuples se
sont fait persécutés et ont été victimes des mauvais traitements de la part des
canadiens européens. En ce sens, ayant un « ennemi » commun ainsi qu’un
mode de vie commun, il est plus facile pour certains métis de s’identifier à cette
partie de leur identité. En dépit du rejet et des discriminations des communautés
indiennes envers les métis, ces derniers sont toutefois tolérés.
A l’inverse, certains métis ne s’identifient pas avec leur héritage
autochtone et font tout pour s’identifier à leur héritage européen. En effet, ils
s’identifient parfois plus à leur héritage européen. Cela ne garantit en rien une
amélioration des relations entre métis et canadiens européens.
93
« I faced a lot of prejudices from Natives because I am very light-skinned. I still feel a bit nervous when I
am around ‘full-bloods’”
Ibid., p.61
94 “I’ve been identifying with the Indian people eversince I was a kid. The Metis people share more of the
same problems with the Indian people.”
CULLETON, B., April Raintree, op.cit., p.135
81
• Regard des canadiens européens sur les métis et inversement
On constate que les préjugés sont toujours ancrés dans les esprits. Plus
encore, les canadiens européens restent sur ces idées reçues. Le résultat est
une incompréhension de ce que sont les métis. C’est ce que dénonce Culleton
dans son roman:
« J’ai lu des choses sur les Indiens. Quel magnifique peuple. Mais vous
n’êtes pas vraiment indiens n’est-ce pas ? Quel est le terme exact pour les gens
comme vous ? »95
L’auteure donne la parole à un homme canadien européen et ses propos
démontrent à quel point le peuple métis est mal connu du reste du pays.
L’identité des métis reste floue en raison de leur lien avec deux cultures qui
entretiennent une relation conflictuelle, et ce depuis plusieurs années. Les métis
dans les deux « camps » sont toujours considérés, plus ou moins, comme un
ennemi potentiel.
De plus, les canadiens européens en vont de leurs hypothèses et refusent
tout simplement de céder la parole aux métis. L’occasion ne leur est que
rarement donnée afin de pouvoir s’exprimer et faire part de leur réflexion sur leur
identité et leur culture. C’est ce qu’indique Béatrice Culleton quelques lignes plus
loin :
« Puis deux hommes se sont approchés et l’un d’entre eux demanda à
Cheryl ce que cela faisait d’être indienne. Avant qu’elle ne puisse répondre,
l’autre homme clama ses opinions et les deux s’éloignèrent vite en discutant de
leurs idées sur la vie des autochtones, sans même avoir laissé Cheryl dire quoi
que ce soit. »96
95
“I’ve read about the Indians. Beautiful people they are. But you’re not exactly Indians are you? What is
the proper word for people like you?”
Ibid, p.91
96 « Then two men came along and one asked Cheryl what i twas like being an Indian. Before she could reply,
the other man voiced his opinion and the two soon walked away, discussing their concepts of native life,
without having allowed Cheryl to say anything.”
82
Quant à la perception des Métis sur les canadiens européens elle est
dirigée par une envie de se soustraire aux diverses discriminations auxquelles ils
doivent faire face :
« Mais avoir lu son essai n’aida pas. Connaître l’autre côté, le côté Métis,
ne me fit pas sentir mieux. Cela renforça juste mon sentiment que s’il m’était
possible de m’assimiler à la société occidentale, je n’aurais pas à vivre comme
cela toute ma vie. »97
L’auteure précise ce sentiment de rejet de l’identité autochtone pour
l’identité canadienne européenne. Identité de la majorité, supposée prévenir de
toute agression et apporter une vie meilleure, dotée de plus d’opportunités mais
aussi est surtout de plus d’égalité. Ce désir est souvent allié à un fort sentiment
de honte de l’héritage métis :
« J’ai honte. Je ne peux accepter…Je ne peux accepter le fait d’être
Métis. Mais pour moi, être métis veut dire être de ceux qui n’ont pas. Et je veux
tellement. Je veux ce que la société occidentale peut me donner. »98
Il se dégage en effet un sentiment de honte voire même de rejet de
l’identité autochtone. Cette répulsion entraîne en parallèle un sentiment d’envie
la société canadienne européenne.
Ibid., p.91
97 « But reading her essay didn’t help. Knowing the other side, the Metis side, didn’t make me feel any
better. It just reinforced my belief that if I could assimilate myself into the white society, I wouldn’t have to
live this way for the rest of my life.”
Ibid., p.63
98 « I am ashamed. I can’t accept…I can’t accept being Metis […] But to me, being Metis means I’m one of
the have-nots. And I want so much […] I want what white society can give me.”
Ibid., p.85
83
« Vois-tu, dans l’ensemble, j’ai toujours baigné dans le monde des
blancs. Alors, j’ai bénéficié de tous les avantages, tu sais, du fait d’être blanche.
Aller à l’université, obtenir mon doctorat. Si j’avais eu la peau plus foncée, ou si
j’avais ressemblé plus à une autochtone, les choses auraient pu être très
différentes. »99
Ce désir de s’assimiler à une des deux cultures renvoie en fait au
processus de Passing. Cela consiste à adopter une seule culture, une seule
identité, et dans le cas des Métis il s’agit de s’identifier avec les Premières
nations ou les canadiens européens, dont la culture est présentée comme une
culture « supérieure ». Ce processus révèle également un besoin pour les Métis
d’acquérir une identité unique, ce qui semble aller à l’encontre de ce que sont les
Métis, détenteurs d’une double identité, d’une double culture. Stuart Hall, au
cours de son travail100 revient sur ces questions et affirme qu’aucune identité
culturelle n’est unique. Nous en déduisons donc que cette identité est plurielle et
basée sur la notion de différence. Elle est pas simplement donnée mais est une
production de divers éléments sociaux et historiques.
c. Le troisième espace : un processus en trois étapes
Le troisième espace, est associé à la reconnaissance de l’identité métisse
et s’explique en trois étapes. Les Métis canadiens ont une tendance à se sous-
estimer et ainsi éprouver un sentiment d’infériorité vis-à-vis des canadiens
européens.
Lors de son enquête auprès de quelques Métis, Richardson démontre
que les Métis éprouvent un plaisir à être entourés d’autres Métis parce qu’ils se
sentent à leur place. Une participante, Patty, affirme : « Quand nous sommes
99
“You know, basically I’ve always been in the White world. So, you know, I have gotten the advantages of,
you know, being White. Going to University, getting my PhD, you know, if I was darker, or looked more
Native, it could have been a lot more different.” RICHARDSON, C., Becoming Métis, op.cit., p.126
100 HALL, Stuart, Identités et cultures, op.cit.,
84
ensembles, avec d’autres métis, c’est un plaisir. Mais sinon tu as toujours
honte. »101
C’est pourquoi le processus du « troisième espace », décrit par
Richardson, est une réponse afin de dépasser ce sentiment d’infériorité vis-à-vis
du reste de la population.
• Première étape: la reconnaissance
Cette première étape consiste à accepter son identité, en d’autres termes,
le fait d’être Métis. Il faut dépasser tout sentiment de honte sur son appartenance
à la communauté et la culture des Métis. Culleton revient sur cette étape en
suggérant que le premier pas pour reconnaitre son identité c’est de ne pas
éprouvé de honte quant à celle-ci : « Je ne vais pas te dire d’être fière de ce que
tu es. Simplement, n’en ai pas honte. »102
Il s’agit de reconnaitre la complexité de l’identité des Métis pour être en
mesure de l’accepter.
• Deuxième étape: l’acceptation
Après avoir reconnu l’existence de la culture et de l’identité des Métis et
de s’y être identifiée, il s’agit de l’accepter pleinement parce que les Métis ne
peuvent être satisfaits de qu’ils sont s’il leur est impossible d’admettre ce fait :
« Tu ne seras jamais satisfaite tant que tu n’accepteras pas ce fait. »103
Cette acceptation doit amener les Métis à assumer ce qu’ils sont, à ne
plus en éprouver de gêne. Cette démarche leur fait découvrir un sentiment de
101
“When we are together with other Metis people, it’s a pleasure. But otherwise you’re always ashamed.”,
RICHARDSON, C., Metis Identity Creation and Tactical Responses to Oppression and Racism, op.cit., p.66
102 “I’m not going to tell you to be proud of what you are. Just don’t be shamed.”, CULLETON, B., April
Raintree, op.cit., p.126
103 « you’ll never be satisfied until you can accept that fact. », Ibid., p.134
85
fierté. C’est ce que l’un des participants à l’enquête de Richardson souligne :
« Ca me rapproche du sentiment de fierté envers ma communauté métisse […]
c’est plus comme une preuve que je fais bien partie d’un peuple. »104
L’acceptation associée au sentiment nouveau de fierté permet aux Métis
d’entrer dans la dernière étape du processus de « troisième espace » celle de
l’affirmation.
• Troisième étape: l’affirmation
« Cheryl, en revanche, n’avait rien à cacher. Une chose est sure, elle ne
s’inquiétait jamais de ce que les gens pensaient d’elle. Seulement ce qu’elle
pensait d’eux avait de l’importance à ses yeux. »105
Le comportement du personnage Métis du roman April Raintree, souligne
à la fois son assurance et sa conviction qu’être Métis n’est en rien une
caractéristique identitaire à cacher. Ce que sous-entend l’auteur c’est que les
Métis doivent se concentrer sur leurs propres sentiments et mettre de côté le
regard du reste de la population canadienne. Ce regard ne devrait pas affecter
l’opinion que portent les Métis sur eux-mêmes. Evidemment, l’identité des Métis,
comme toute construction d’identité n’a de sens que dans le regard de l’autre,
mais avant de considérer l’avis de cet autre, il leur faut avant tout être en mesure
d’accepter leur propre vision sur ce qu’ils sont.
Alors, il leur sera possible d’affirmer leur identité mais surtout ils seront en
mesure de reprendre le contrôle de leur image. Ce troisième espace doit
permettre aux Métis canadiens de développer leur identité culturelle afin de
répondre au climat de violence et à l’oppression sociale qu’ils subissent. La
104
It brings me closer to feeling pride in my Metis community […] it’s more a validation that I am part of a
race of people.”, RICHARDSON, C., Metis Identity and Tactical Responses to Oppression and Racism, op.cit.,
p.65
105 “Cheryl, on the other hand, had nothing to hide. For one thing, she never worried about what people
thought of her. Only what she thought about them, was what matter to her.”, Ibid., p.95
86
construction de leur identité se fait dans ce contexte d’oppression de la part des
canadiens européens et parfois des Premières nations qui placent les Métis dans
une démarche de résistance et de revendication identitaire permanente.
Ce processus, présent dans la majorité des œuvres littéraires, fait prendre
conscience aux Métis qu’ils ne doivent plus être ce peuple « invisible », et que
c’est en reprenant la parole qu’ils parviendront à modifier leurs relations avec les
différentes communautés qui forment la mosaïque canadienne. C’est ce que
suggère l’auteure Maria Campbell en donnant la parole à une vieille femme
métisse : « N’oublie pas cela, ma fille. Marche toujours la tête haute et si
quelqu’un dit quoi que ce soit alors relève ton menton encore plus haut. »106
106
“Never forget that, my girl. You always walk with your haed up and if anyone says something then put
out your chin and hold it higher.”, CAMPBELL, Maria, Halfbreed, op.cit., p.36
87
CONCLUSION
La culture occupe sous différentes formes une place toujours plus
considérable dans la vie des collectivités humaines. « La culture décrit les
interactions entre tout individu, toute communauté et leur environnement naturel,
humain et symbolique »107. La littérature, plus précisément, joue un rôle notable
dans les relations et le processus de construction des individus.
La littérature des Métis a de particulier une démarche de revendication
identitaire et culturelle. Un engagement qui n’est pas exclusivement présent dans
le message des histoires mais personnifié aussi par l’auteur et le genre du livre.
De ce fait, le livre en tant que dispositif et dans son entièreté incarne un
médiateur entre les Métis et le reste de la population canadienne et leur permet
de se « connecter aux autres », à savoir d’établir une relation dans l’optique de
gagner en reconnaissance.
Après avoir pris connaissance des motivations qui animaient les acteurs
du dix-neuvième siècle, c’est à dire, faire valoir les droits des Métis auprès du
Gouvernement, nous avons constaté l’évolution de ce combat physique en
combat culturel. Au fil des années, l’objectif s’est transformé et consiste
aujourd’hui à métamorphoser les clichés qui collent à la peau des Métis. En outre,
le rôle des écrivains se veut informatif, dénonciateur afin de rétablir la vérité ou
plutôt, leur vérité sur l’Histoire des Métis. Ce soft power qu’est la littérature leur
offre la possibilité de reprendre le contrôle de leur image, de leur identité si
difficile à cerner. Qui plus est, les écrivains sont, symboliquement parlant,
donneurs d’espoir. Ils véhiculent la possibilité de dire que par la culture, par le
savoir, par l’éducation on peut véritablement transcender sa condition. Et c’est en
démultipliant leurs activités que leurs actions ont un impact sur la société
canadienne et en ce sens, font évoluer le statut des Métis.
L’appropriation de la littérature, plus communément associée à un
médium « européen », est employée par les écrivains Métis afin de démontrer
leur volonté de se faire entendre. Le premier public que vise cette littérature n’est
107
SAEZ, Jean-Pierre, Culture & Société, un lien à recomposer, France, Editions de l’attribut, 2008, p.11
88
autre que les canadiens européens. S’approprier ce médium et ses codes c’est à
la fois, exploiter l’une des pratiques culturelles héritée de l’une des deux cultures
fondatrices du peuple Métis mais cette démarche se révèle être également un
moyen de parler d’égal à égal, en utilisant les mêmes codes d’expression. Eva
McKay, membre du Conseil des Sioux, explique que les Autochtones ont appris
sur les us et coutumes de la culture canadienne européenne et, qu’aujourd’hui,
ce sont les Autochtones qui demandent à la population candienne de « faire un
pas en avant » 108 afin de les découvrir, eux et leur culture.
En conséquence, le choix des thèmes est crucial et ces derniers doivent
être méticuleusement sélectionnés. En effet, les propos soutenus par les auteurs
viennent accentuer l’image que les Métis souhaitent véhiculer, en d’autres termes,
les caractéristiques qu’ils désirent voir devenir les nouveaux critères de définition
de l’identité des Métis et de leur culture.
Toutefois, plusieurs réserves sont à émettre quant à l’efficacité de la
l’emploi que les Métis font de la littérature. Le résultat souhaité, à savoir :
dépasser les clichés qui définissent les contours de l’identité des Métis et ainsi
changer la perception de la population canadienne quant à ces derniers, ne
coincide pas toujours avec les résultats obtenus.
Les Métis sont souvent présentés par les auteurs comme victimes, tant
des relations avec les Premières nations et les canadiens européens que des
divers troubles mentaux et du comportement liés à l’usage de drogues et / ou
résultant d’un état dépressif. Par conséquent, la première image qui vient en tête
lorsque l’on mentionne les Métis renvoie à ces clichés. Quand bien même le but
est d’amener le lecteur à aller voir au-delà, les auteurs contribuent à renforcer
cette image dans l’esprit de ce dernier en ne ressassant que les aspects négatifs
de la vie des Métis.
Les auteurs devraient passer à une autre étape et aller de l’avant en
effectuant un travail sur le contenu et le message des histoires afin de présenter
à la population canadienne, mais aussi au reste du monde, une autre image des
Métis. Il s’agit d’introduire au lecteur d’autres aspects de la culture des Métis qui
pourraient susciter plus d’intérêts. A titre d’exemple, en ciblant des thèmes sur la
108
« We are asking now that you will come and learn from us. We are here. », GRANT, AGNES, Our Bit of
Truth : An Anthology of Canadian Native Literature, Canada, Pemmican Publications, 1990, p.347
89
relation entre les hommes et la nature, la société canadienne et les autres
sociétés en général pourraient en apprendre plus et ainsi développer d’autres
approches quant aux questions environnementales qui sont au cœur de
l’actualité.
« Il est important de cultiver ses racines et d’en prendre soin. Pour autant,
il ne faut pas demander à nos fruits de pousser sur celles-ci ». Les auteurs Métis,
par souci de vérité dénoncent, à travers les thématiques qu’ils abordent dans
leurs histoires, les divers abus dont ils ont été et sont toujours victimes. S’il est
indéniable qu’il faille montrer au grand jour l’Histoire des Métis et les difficultés
auxquelles ils font face, dépeindre constamment ces clichés ne fait qu’alimenter
l’image négative qui leur est attribuée. D’une certaine manière, il faut réussir à
trouver un juste équilibre pour préserver son patrimoine tout en cultivant la
modernité. Par conséquant, il est nécessaire de faire ces deux mouvements pour
ne pas entrer dans une démarche muséifiante ou bien dans une sorte de présent
qui serait inconstant.
Par ailleurs, la concurrence de la télévision, du cinéma, des nouvelles
technologies de l’informatique, de la communication et de l’information dans la
production et la diffusion des textes questionne la place de la littérature dans
notre société actuelle. Les Métis qui commencent à s’emparer de cet outil avec
ardeur depuis les années 1980 ont en quelque sorte un train de retard à l’heure
où l’e-book commence à prendre de plus en plus d’importance. Ce nouveau
média offre une possibilité de se libérer de l’emprise des éditeurs. Si comme
nous l’avons vu, certaines maisons d’éditions sont dédiées aux auteurs Métis,
c’est notamment pour répondre aux refus auxquels les auteurs font face auprès
d’autres maisons. En ce sens, l’e-book mais aussi l’utilisation de l’Internet afin de
mettre à disposition des œuvres en ligne peuvent se révéler être des alternatives
intéressantes afin de contourner une censure discriminante et ainsi toucher un
plus large public.
C’est d’ailleurs à ce dernier qu’il faudrait donner la parole pour
comprendre d’une part, comment il réceptionne la littérature des Métis canadiens
et d’autre part, si l’image qu’il se fait d’eux correspond ou non aux stéréotypes
dénoncés par les auteurs Métis. Une fois cette étude menée alors nous pourrons
concrétement tirer un bilan complet de l’efficacité de la littérature sur la
réinvention et la réappropriation de l’identité culturelle des Métis.
90
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http://scaa.sk.ca/ourlegacy/
THE MANITOBA METIS FEDERATION:
http://mmf.mb.ca/ (consultation mars 2012)
SASKATCHEWAN COUNCIL FOR ARCHIVES AND ARCHIVISTS:
http://scaa.sk.ca/
99
VIDEOS:
BRAYTON, Rebecca. « Interview with Joseph Boyden, author of Through Black
Spruce», watchmojo. Disponible Sur Internet:
http://www.watchmojo.com/video/title/Interview%20With%20Joseph%20Boyden,
%20Author%20of%20Through%20Black%20Spruce/
CBC NEWS, “Prime Minister Stephen Harper’s statement of apology”, CBC
NEWS CANADA, June 11, 2008, Disponible sur Internet:
http://www.cbc.ca/news/canada/story/2008/06/11/pm-statement.html
DUMONT, Marilyn, « Marilyn Dumont », Canadian Writers in Person, Canada.
Disponible sur Internet: http://cwip.artmob.ca/contributors/marilyn-dumont
JACKSON, Cheryl, « Joseph Boyden on writing about the Aboriginal
experience. », tvoparents, décembre 2011.
Disponible sur Internet: http://tvoparents.tvo.org/bcid/1256794172001
REDBIRD, Duke, « Duke Redbird – Aboriginal mentor & advisor at OCAD»,
Nation Talk, Canada.
Disponible sur Internet:
http://www.nationtalk.ca/modules/webshow/singlelink.php?lid=228#
REDBIRD, Duke, « Duke Redbird Poem », YOUTUBE, 2007,
Disponible sur Internet: http://www.youtube.com/watch?v=l9_gbYRA9PE
100
ANNEXES:
• Annexe n°1: CBC News, “Prime Minister Stephen Harper’s statement of
apology”, CBC NEWS CANADA, June 11, 2008. Document disponible sur
Internet:http://www.cbc.ca/news/canada/story/2008/06/11/pm-
statement.html:
“Here are excerpts from the text of Prime Minister Stephen Harper's
statement of apology on Wednesday, as released by the Prime Minister's Office.
French sections, which repeat the English text, have been excluded:
Mr. Speaker, I stand before you today to offer an apology to former
students of Indian residential schools. The treatment of children in Indian
residential schools is a sad chapter in our history.
In the 1870's, the federal government, partly in order to meet its obligation
to educate aboriginal children, began to play a role in the development and
administration of these schools.
Two primary objectives of the residential schools system were to remove
and isolate children from the influence of their homes, families, traditions and
cultures, and to assimilate them into the dominant culture.
These objectives were based on the assumption aboriginal cultures and
spiritual beliefs were inferior and unequal.
Indeed, some sought, as it was infamously said, "to kill the Indian in the
child."
Today, we recognize that this policy of assimilation was wrong, has
caused great harm, and has no place in our country.
Most schools were operated as "joint ventures" with Anglican, Catholic,
Presbyterian or United churches.
101
The government of Canada built an educational system in which very
young children were often forcibly removed from their homes, often taken far from
their communities.
Many were inadequately fed, clothed and housed.
All were deprived of the care and nurturing of their parents, grandparents
and communities.
First Nations, Inuit and Métis languages and cultural practices were
prohibited in these schools.
Tragically, some of these children died while attending residential schools
and others never returned home.
The government now recognizes that the consequences of the Indian
residential schools policy were profoundly negative and that this policy has had a
lasting and damaging impact on aboriginal culture, heritage and language.
While some former students have spoken positively about their
experiences at residential schools, these stories are far overshadowed by tragic
accounts of the emotional, physical and sexual abuse and neglect of helpless
children, and their separation from powerless families and communities.
The legacy of Indian residential schools has contributed to social
problems that continue to exist in many communities today. It has taken
extraordinary courage for the thousands of survivors that have come forward to
speak publicly about the abuse they suffered.
It is a testament to their resilience as individuals and to the strength of
their cultures.
Regrettably, many former students are not with us today and died never
having received a full apology from the government of Canada.
The government recognizes that the absence of an apology has been an
impediment to healing and reconciliation.
102
Therefore, on behalf of the government of Canada and all Canadians, I
stand before you, in this chamber so central to our life as a country, to apologize
to aboriginal peoples for Canada's role in the Indian residential schools system.
To the approximately 80,000 living former students, and all family
members and communities, the government of Canada now recognizes that it
was wrong to forcibly remove children from their homes and we apologize for
having done this.
We now recognize that it was wrong to separate children from rich and
vibrant cultures and traditions, that it created a void in many lives and
communities, and we apologize for having done this.
We now recognize that, in separating children from their families, we
undermined the ability of many to adequately parent their own children and
sowed the seeds for generations to follow, and we apologize for having done this.
We now recognize that, far too often, these institutions gave rise to abuse
or neglect and were inadequately controlled, and we apologize for failing to
protect you.
Not only did you suffer these abuses as children, but as you became
parents, you were powerless to protect your own children from suffering the same
experience, and for this we are sorry.
The burden of this experience has been on your shoulders for far too long.
The burden is properly ours as a government, and as a country.
There is no place in Canada for the attitudes that inspired the Indian
residential schools system to ever again prevail.
You have been working on recovering from this experience for a long time
and in a very real sense, we are now joining you on this journey.
The government of Canada sincerely apologizes and asks the forgiveness
of the aboriginal peoples of this country for failing them so profoundly.
103
We are sorry.
In moving towards healing, reconciliation and resolution of the sad legacy
of Indian residential schools, implementation of the Indian Residential Schools
Settlement agreement began on September 19, 2007.
Years of work by survivors, communities, and aboriginal organizations
culminated in an agreement that gives us a new beginning and an opportunity to
move forward together in partnership.
A cornerstone of the settlement agreement is the Indian Residential
Schools Truth and Reconciliation Commission.
This commission presents a unique opportunity to educate all Canadians
on the Indian residential schools system.
It will be a positive step in forging a new relationship between aboriginal
peoples and other Canadians, a relationship based on the knowledge of our
shared history, a respect for each other and a desire to move forward together
with a renewed understanding that strong families, strong communities and
vibrant cultures and traditions will contribute to a stronger Canada for all of us.”
104
• Annexe n° 2: CARDINAL, Richard, "I thought of him as an enemy...",
Native American Testimony, A Chronicle of Indian-White Relations from
Prophecy to the Present, 1492-1992, Peter Nabokov, Viking Penguin, 1991,
Teenager suicide is the most unambiguous sign of community
disintegration and personal despair. In Alaska, Native American suicide is four
times the national rate; in the past twenty years suicide attempts by American
Indians between twenty and thirty years of age increased 200 to 300 percent
over that of whites in that age range.
Sometimes government practices, such as Canada's Indian child welfare
practices, exacerbated those trends. But pervasive loss of self-esteem, poverty,
alcoholism, and alienation created a frightening future for many Indian youth in
the 1980's.
The following testament of pain is from the handwritten diary of a
seventeen-year-old Chipewyan Indian named Richard S Cardinal, which he titled
"I Was a Victim of Child Neglect." The document was found after the teenager
nailed a piece of wood between two trees and hanged himself on June 26, 1984.
Richard tried to take his life twice before succeeding...
[Richard's typo's are recreated as best I could.]
I was born in Ft. Chipewyan that much I know for certain, because it's on
my birth-certificate.
I have no memories or certain knowledge of what transpired over the next
few years, I was once told by a Social Worker that my parents were alcoholic's
and that all of us kids were removed for this reason. I was separated from the
rest of my family and placed in a foster home some-were in fort MacMurry.
My earliest memories are from when I was living with a family in
Wandering-River. I have little memory of this home but I do remember that I was
playing with some wooden matches and I guess when I left one was still going
105
and the outcome was desastrous, the shed in which I had been playing had
caught on fire, which spread and caught onto the hay stack. When they had
finally put out the fire and managed to save [three quarters] of the stack I was
given the whipping of my life...I was also reunited with my brother at this home so
I did not feel so alone any more. We were moved after about a year.
Our next home was in the same town just a few miles away. This home
was good in one way but bad in alot of ways. It seemed that for every good
happenings there were two bad ones...about three months later my sister Linda
(who is the oldest of the years in our family) was moved into our foster home.
Charlie and linda were always playing together and seeing as I was still pretty
small I was always left-out so I began to spend alot of time alone...
Our next move was a few month's later, we were moved to live [deleted]
we lived with an elderly couple my the name of [deleted]. I enjoyed this home for
the first two days then everything went wrong when we had to go back to school.
The first day I was sent to the office three time's in the same day for fighting...I
began to get into alot of trouble for neglecting my chores and was hit several
time's with a stick and sent to bed. I could hear Mr. & Mrs. [deleted] arguing late
into the night, About them hitting me. In school it was worse than ever I was
constantly in trouble with the principle for fighting and not doing my work in
class...When fall returns it was back to school for us kids I can remember-trying
to get us ready before the bus arrived but we were so excited that we were
hopping around like grasshoppers on a hot summerday. I would be returning to
grade two this year. I was not considered an outcast this year and got my first
taste of puppy love with a girl named Heather. I was halfway through the school-
year when a Social Worker came to our home and I was to be moved and asked
me how soon I would be ready to move and I answered, 1 week, I should have
answered never. When I would move alone Charlie and linda would stay.
I had 4 hours before I would leave my family and friends behind and since
linda and charlie were at school, I went into the bedroom and dug out my old
harmonica and went down to the barn and sat on the fence and began to lay to
the cows. I didn't know how to play at all but I played real slow and sad like for
the occasion, but before halfway through the song my lowerlip began to quiver
and I knew I was going to cry and I was glad so I didn't even try to stop myself. I
106
guess that [deleted] heard me and must have come down to comfort me, when
she put her arm around me and I pulled away and ran up the road aways. I didn't
want no one's love any more and I had been hurt to many times so I began to
learn the art of blocking out all emotions and I shut out the rest of the world out
and the door would open to no one.
The Social Worker arrived to take me away to my new home. On the way
their he tryed to talk to me but I was'nt hearing or trying to hear. When we arrived
the Social Worker wanted to talk to the parents alone so I remained in the car...I
was taken into their house and [deleted] showed me where I would sleep. The
room was in the basement of the house. When I walked into the room I could not
believe my eye's. The floor was covered with water (about an inch and half) and
there were boards on the floor to keep your feet from getting wet. The walls had
been painted red but had long before began to peel off, the window which was no
bigger than an atlas had a gape between the foundation and the bottom which let
in the cold winter wind and the beds were no wider than two feet across and
about a foot off the floor. there was a 40 watt light that was in the ceiling (which
was not completely finished) and you had to pull a string to turn it on. It looked
like something you would see in a horror movie! "You'll be sharing this room with
another boy" he said and with that returned upstairs. The night was a night mare
in it self, The wind constantly blew through the crack in between the window and
the wall and it was like sleeping in a cool room I had a spider crawl across my
face twice before I fanally killed the dumb thing and I was constantly cold. In the
morning I was assigned chores to do and I would be fed after they were done.
When I was finished I was returning to the house to eat and found a lunch bag in
the doorway, this was my breakfast. I was not allowed to eat with the family in the
house, and the same with lunch and supper. The next few days were like living in
a jail, I was set boundaries in which to stay in and I was to come running "when I
was called." I kept telling myself that this was all a bad dream and that I would
wake up soon with charlie and linda and the rest of the family in our home back in
Ft. Chipewyan, but in reality I knew that I would'nt wake and that this was real,
and not just some bad dream. The first month's rolled by slowly and then bag! it
was my birthday, I was now nine however it seemed that everybody could
careless. I remaind "looked in my own little world and would not let anything in or
out" I was enrolled into Westlock Elementary School, I was better hear I was
away from the farm and the family that lived their.
107
Here I began to fall into bad company and got into alot of trouble. We
were let out of school for two weeks for Christmas holadays. I fogure things
would eased-up abit between The Family and I during this period however I was
weerong Things got worse. I was beginning to feel rejected and unwanted.
Christmas morning I was sent outside and not allowed back in till dinner and even
then I had to eat in the basement, This was it I could'nt take anymore of this I had
to leave, go somewhere were nobody would find me. I pack my belongings into
my back-pack and I had stoled a bottle of rye so I packed that to the garage and
rolled up the old tent and secured trhis onto the pack and I was almost ready.
I went back into the house and got a box of wooden matches and stuffed
it into my pocket's as I was comeing back-up the stairs and notice for the first
time the guns hung on the wall ther was box below the gun rack and I opned it up.
"beautiful I told myself, the box had pagages of shells for the guns. Each pack
contained 3 boxes of fifty shells. I took two packs and stuffed them into my jacket.
When I had got the gun out of the house to the garage. I slipped on my pack
picked up the gun and head away from the house. I had been gone 4 days before
I was caught and brought back to the farm however I felt as though I had done
darn good since I was only 9 years old.
I spent the rest of the winter here feeling lonly and very depressed, And I
began to seriously think about suicide. The first time I attempted it I sused a rasor
blade to cut my arms but it hurt so much I didn't try that again. When school
started up once more I began to skip classes and the [deleted] were informed.
When I returned to the farm that evening [deleted] was waiting for me and he
began to yell and scream at me. I was'nt listening and did not care. finaly he blew
his stack and hit me. It was the first time I was hit by him and I guess he exspeted
me to start bawling but I didn't I just stood there and started blankly at him. My lip
began to bleed quite badly. When I tasted the blood I spit it beside his shoe's and
told him to 'GO TO HELL," and with that I walked away while I left him standing
there looking rather stupid.
After school I would do my chores and sit in the barn and think and one
day I was in there thinking, and it struck me I could kill myself myself now and no
one would know until it was to late, and it jusy so happenes that the bail I was
sitting on still had a bailer twine on it so I slipped it off and climbed up into the
108
rafters. After I had secured the rope I climbed down and placed some straw
underneath the rope I climed on and stood up determined to go through with it. I
said a short Prayer for god to take care of my family. I placed the rope around my
neck and kicked my lungs felt like they were melting right off my head. Finaly I
blacked out and was engulfed in a blanket of black.
Unfortunately I woke up. I could see alot of people above me, all of a
sudden thay all began to talk to me at the same time. I could not make out what
they were saying all the words were echoing in my head and my eye's would not
focus in on the people above me then I was swept back into a sea of blackness.
I was released from the hospital after about a week. I was returned to the
[deleted] family my social worker was there. We sat and talked for about two
hours about how things were going. I exsplained to him that I wanted to return to
[deleted] and I wanted to be with Charlie and Linda, however he tryed to
exsplaine to me how that was impossible for me to go back because
[The original of Richard's journal end here. But the copy of the original
made by the police soon after Richard's death carries on for two more pages.
These pages have since been lost.]
she was getting too old for so many young kids to take care of an
eventually the [deleted] would get another boy my age and just before he left I
was informed that I would be seeing a phychologist every three days, then he let.
On the first day I went to see this phycologist, we just sat there and talked
about each other, generally just getting to know each other. He kept caling me
"my friend" I did not consider him my friend I thought of him as an enemy. He was
trying to make me rember, I didn't want to, I just sat and started at him blankly...
I want to say to the people involved in my life, don't take this personal it's
not your fault...
109
“Love can be gentle as a lamb or
ferocise as a lion.
it is something to be welcomed yet it is
something to be afraid of.
it is good and bad. yet people live
fight, and die for this.
somehow people can cope with it I don'
now, I think
I would not be happy with it yet I am
depresed and sad without
it. love is very strong.”
110
• Annexe n°3: REDBIRD, Duke, I Am The Redman
I am the Redman
Son of the forest, mountain and lake
What use have I of the asphalt
What use have I of the brick and concrete
What use have I of the automobile
Think you these gifts divine
That I should be humbly grateful…
I am the Redman
Son of the tree, hill and stream
What use have I of china and crystal
What use have I of diamonds and gold
What I use have I of money
Think you these from heaven sent
That I should be eager to accept.
I am the Redman
Son of the earth, water and sky
What use have I of silk and velvet
What use have I of nylon and plastic
What use have I of your religion
Think you these be holy and sacred
That I should kneel in awe.
I am the Redman
I look at you White Brother
And I ask you
Save not me from sin and evil
Save yourself…
Untitled poem by John Trudell
Wandering amongst the opulence
wondering what not to touch
times not knowing
times getting bit
111
times of temptation
times of seduction
wandering in the poverty
touched by everything
knowing the bite
no time for temptation
only time for doing
babylon in terror
world run over by machines
the economics of captured dreams
the rich are the poorer
while the poor are waiting
everyone pretending to live
calling exploitation progress
calling submission freedom
calling madness profit
calling earth a planet
plaguing her
with civilization…
112
• Annexe n° 4: LAROCQUE, Emma, Where Did She o?, Ellipse Magazine, 2007
(Translation into Laḱota by Jan Ullrich)
Where Did She Go? - Tóḱi iyaya He?
Where did she go?
That orange-red glow
from an old black woodstove
in Sapp’s “Making Rabbit Soup”
Teased out a pain,
a memory so deep¸
of a life,
a way of life,
of a face,
many faces,
of smells,
of sweetgrass smells
of stories told in a language
I will never know again.
Where do they go
The voices that sang
and cried
and cooed swinging babies
wrapped in canvas
suspended by rope
nailed to the browned
poplar beams holding up
the tar-papered roof ?
Where do they go?
The faces
In many shades of brown
aging
in concentric circles
like old cultured trees?
My grandmothers, my grandfathers,
My aunts, my uncles,
My mother
113
Where did she go
Her voice chanting Cree
In the morning,
Her voice cooing Cree
to her babies
In mid-afternoon
Her voice crying.
In the evening
grieving the dusk of her ancient culture.
Her voice raging
in the night
of her sorrow of Woman,
her sorrow of Native.
Where did she go?
Her face triumphant
at chasing away Pehehsoo the Thunderbird
from scaring her children.
Her face in determination
Swatting mosquitos
away from her blueberries
that will nourish her children.
Her face in lilting laughter
and animation
Telling on Wisakehcha
playing games on ducks and foxes
Wisakehcha playing games on humanself.
Where did she go?
Her face at rest -
in zero absolute stillness
posed for morticians
it was almost more than I could bear.
Her face, her voice
fading
in concentric circles.
Damn crazy cells
felled her
like a mad axeman
fells
a regal northern tree.
114
Where did she go?
Her voice, her faces
that wake me in the night
Where did she go
Her voices, her faces
that turn my coffee
into a cup of tears
with the first wisp of day?
Where did she go
My great,
ancient
cultured Tree,
My mother, My Cree?
Tóḱi iyaya he?
Mazoċeṫi ṫannila na sápa kin he
ziṡa iyoyanbya he.
Sapp „Maṡtinska wahanpi kágapi kin“ ṫáwa kin el.
Ċa he un iyokiṡil mahingle, yazan mahingle.
Iċin líla tanyan wéksuye hingle.
wiċoni wan
wiċoḣ‘an wan
ite wan
ite óta
wómna óta
waċanga kin wówaṡtemna
wiċooyake kin
hena iyapi wan un oyaka pi kin he
Ici‘nunpani slolwayin kte ṡni.
Hená tóḱi iyaya pi he?
Wiċaho kin lowan pi k‘un hena
ċeya pi k‘un hena
Hokṡic‘opa kahunhunza pi eya (?)
wiċayawaḣwala pi k‘un hena
Hokṡic‘opa kin mniḣuha ṡóka un iyapehan pi (?)
Wáġaċan ipatanpi kin ṫiċe ipatan k‘un hena aokatan pi na iḱanṫunyan ġegeya pi.
(ġégeya pi??)
Hená tóḱi iyaya pi he?
Ite kin hena e pi.
Hena ġimna pi, ġísapa pi, ġitka pi, ġigi pi, ġíṡa pi.
115
Hena kan áya pi
Ċokaya mimemeyela han pi.
Ċan eya ehanni ożu pi na ḱiċanyan pi
ċa áḱileċeca pi
Unciwiċawaye kin, ṫunkaṡilawaye kin hena
Ṫunwinwiċawaye kin, lekṡiwiċawaye kin
Inawiċawaye kin, atewiċawaye kin
Inawaye kin
Tóḱi iyaya he?
Ṫaho kin Laḱolya lowan
Híhanni ṡna
Ṫaho kin waḱanyeża Laḱolya wiċaglaḣwala
wÍḱuwabya ṡna.
Ḣtáyetu ṡna. (!)
Ṫaho kin ċéye
Iċin ehanni wiċoḣ‘an ṫáwa kin
ḣtamaḱaohanziya han ċa he un
Ṫaho kin ċanzeya ċéyaniya
hanhepi ṡna
Wínyan ṫawoiyokṡice cin he un (!)
Ikce Oyate ṫawoiyokṡice cin he un (!)
Tóḱi iyaya he?
Ktélakel
Ktélakel iteoyuze
Wakinyan kin ċékiya wiċayaḣapa ċa he un
Iċin waḱanyeża kin ḱokiṗewicaya pi kte
Ṫawaċinkic‘unyan iteoyuze.
Háza hetanhan ċaṗunka ḣabḣabya kahinta
Ṫawaḱanyeża kin hena yúta pi okihi pi kte ċa he un
Oṫanṫunyan na ṡliṡli iḣat‘a iyeoyuze
Iktomi ohunkakan oyake eċunhan
Iktomi magakṡica na ṡunġila wiċagnaye
Iktomi ikce wiċaṡa kin wiċagnaye.
Tóḱi iyaya he?
Lílaḣci ablakela
na asnikiyakel iteoyuze
ḣapi kin eċunhan
Líla iyotiyewakiye na
kinil ċantowakihi ṡni.
116
Ite na ho
Áṫan‘in ṡni áye
Ċokaya mimemeyela han
Ċeḣpi kin ṡicawaċin yutakuni ṡni áye
ċa yuunke.
Wiċaṡa wan witkotkoyakel waziċan
kaunke
Áḱileċeca.
Tóḱi iyaya he?
Ite na ho
Hanmiṡtinma ehan makaḣice (??)
Tóḱiya iyaya he?
Ite na ho kin hena
Ṫokahe ánpaó kinhan
waḱalyapi miṫawa kin
ki-iṡtamnihanpi hingle.
Tóḱi iyaya he?
Ċan ṫánka
ożu pi na ḱicanyan pi kin (ḱiċanyan?)
miṫawa
Inawaye kin, Laḱota miṫawa kin.
117
• Annexe n°5 : Le drapeau métis
Source : http://www.metisresourcecentre.mb.ca/history/flag.htm
Le drapeau métis fut utilisé pour la première fois par les résistants métis
avant la bataille des Sept-Chênes en 1816. Il s’agit du plus vieux drapeau
patriote autochtone canadien. L’Union Jack et le drapeau royal de la Nouvelle-
France (fleurdelisé) sont plus anciens, mais ont d’abord été hissés en Europe. Au
chapitre des symboles nationaux, le drapeau métis a précédé l’unifolié canadien
d’environ 150 ans! Le drapeau métis arbore un huit horizontal, soit le symbole de
l’infini. Ce symbole représente l’union de deux cultures distinctes et dynamiques
(la culture européenne et la culture autochtone d’Amérique du Nord) dans la
création d’une nouvelle culture distincte, la culture métisse. Le drapeau
symbolise l’édification d’une nouvelle société enracinée à la fois dans les cultures
et traditions autochtones et européennes. L’arrière plan bleu ciel fait ressortir le
symbole de l’infini et exprime la pérennité du peuple métis.
Il existe deux versions du drapeau métis : la bleue, qui est la plus connue,
et la rouge. Personne ne sait pour quelle raison les Métis ont choisi ces deux
couleurs. Toutefois, on suppose que les Métis ont choisi le bleu et le blanc parce
qu’il s’agissait des couleurs officielles de la Compagnie du Nord-Ouest, la société
de pelleterie qui employait la plupart des Métis qui parlaient le français michif. Le
drapeau métis bleu ressemble énormément au drapeau bleu et blanc de St.
Andrew, le drapeau national écossais. Le bleu et le blanc du drapeau métis
rappellent également les couleurs traditionnelles du Canada français, qui figurent
d’ailleurs sur le drapeau du Québec. Il n’est pas étonnant que les créateurs du
drapeau métis bleu et blanc aient été influencés par des Écossais et des
Canadiens français puisque ces deux groupes dominaient la Compagnie du
Nord-Ouest et sont les groupes qui comptent le plus de descendants métis.
Toutefois, tous considéraient qu’il s’agissait d’un drapeau exclusivement métis.
Le drapeau métis rouge pourrait avoir été créé par les employés métis de
la Compagnie de la Baie d’Hudson. Le rouge et le blanc sont les couleurs
traditionnelles de ce géant de la pelleterie. Ni le drapeau bleu ni le drapeau rouge
n’a été utilisé par les Métis pendant les deux grands mouvements de résistance
de 1869-1870 et de 1885. Pendant cette période, les Métis brandirent plutôt des
drapeaux qui contenaient des symboles religieux canadiens français et
catholiques. Le drapeau métis du symbole d’infini a été oublié temporairement et
ne survivait que dans la tradition orale. La renaissance de la fierté et de l’identité
métisses ont entraîné la renaissance du drapeau. Aujourd’hui, le drapeau
demeure un puissant symbole du patrimoine métis.
118
• Annexe n°6 : LUM, Ken, There is no place like home, 2000-2001, 3 épreuves
couleurs, 105 x 74 cm chacune.