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Master Économie Internationale, Gouvernance et Développement
Semestre 1
Abdelhamid EL BOUHADI Abdelkader EL KHIDER
Université Cadi Ayyad
Faculté des Sciences Juridiques,
Économiques et Sociales, Marrakech
Département de Sciences Economiques
Macroéconomie approfondie
Le vocable de « macroéconomie » a été inventé par Frish, R. en 1933. Avec
Tinbergen, J., il participe à l’émergence de cette discipline qui porte l’ambition
d’unifier les recherches quantitatives, théoriques et empiriques de la science
économique. Il est ainsi l’un des premiers à opposer l’analyse microéconomique à
l’analyse macroéconomique.
La logique macroéconomique, vue comme rouage et interdépendance entre
quantités ou variables ou encore classes sociales se trouve déjà dans l’œuvre des
physiocrates, celle en particulier de François Quesnay, dans son tableau économique
reliant les trois classes sociales : les paysans, les propriétaires terriens et les artisans.
Introduction :
En revanche, la distinction véritable[1], savante et assez argumentée entre la
microéconomie et la macroéconomie est apparue dans la théorie générale de
l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie de John Maynard Keynes, publiée en 1936.
L’ouvrage est conçu et publié en période de crise économique (la « Grande
dépression des années 1930 »). Cette crise, appelée crise de surproduction est
précédée d’une crise financière et bancaire d’une brutalité, historiquement, jamais
sentie par le capitalisme auparavant.
[1] Alphandéry, E., parle d’une opposition avant tout méthodologique. « L’analyse
microéconomique appréhende les phénomènes économiques par l’intermédiaire de la
formation de l’équilibre sur tous les marchés. En revanche, l’analyse macroéconomique
simplifie ces mécanismes à un petit nombre d’équilibres, en établissant certaines relations
entres des agrégats ». Cours d’analyse macroéconomique, Economica, 1976, p. xvi.
Chapitre 1. Origines et Évolution de la macroéconomie
La macroéconomie est l’étude des équilibres économiques globaux, généraux
d’un État ou d’un secteur, à court terme[1]. Ces équilibres sont liés à des
phénomènes ou à des comportements de consommation, d’épargne,
d’investissement, de production, de revenu, de répartition, etc. Il ne faut pas
confondre ces équilibres globaux avec l’équilibre général walrassien. Ce dernier est
un équilibre d’interdépendance des marchés, considérés isolément (si l’équilibre
existe sur un des marchés, tous les autres marchés s’auto-équilibrent
automatiquement et spontanément).
Les équilibres macroéconomiques sont des équilibres en nombre limité, parfois
indépendants ou partiels, voire isolés. La logique de fonctionnement et de
réalisation de ces équilibres est liée à la relation qui existe entre les agrégats à
travers le principe de circuit. Qui dit circuit, dit flux ; qui dit flux, dit niveau ; qui
dit niveau, dit stock ; qui dit stock, dit stock initial et stock final.
[1] Le court terme en macroéconomie est une période comprise entre une année et trois ans.
A l’opposé de ce que prêchent les classiques et les néoclassiques, le degré et
l’importance des flux ne se gèrent, ne se débitent et ne se créditent pas d’une manière
régulière et automatique. Autrement dit, la valeur ou le volume des stocks ne se
réalise, ne se compense pas automatiquement. Ce que conteste et réfute, en-dessus de
tout Keynes et avant lui Marx, c’est cette logique prétendant que ce qui existe en
termes de stock pour une variable est compensé par le même niveau de stock pour
une autre variable.
Pour tendre vers ces équilibres et stimuler ces flux entre les agrégats (revenu,
épargne, investissement, consommation, production et emploi), il est impératif de
donner à l’État un rôle actif à travers une politique économique active et en se basant
sur l’augmentation des dépenses budgétaires.
Tandis que les néokeynésiens défendaient et affiner les idées du « Maître de
Cambridge », les postkeynésiens prenaient le contre-pied de l’analyse keynésienne
dans sa globalité en refusant le rôle actif de l’État, en déplorant les dépenses
budgétaires excessives à cause, en particulier, de l’éviction du secteur privé du
champ économique. Les monétaristes par exemple attribuaient au patrimoine (le
revenu permanent) et à la monnaie des rôles primordiaux dans l’activité économique
(croissance) et à la maîtrise de l’inflation que Keynes et les néokeynésiens ont
souvent négligé.
Selon les monétaristes, il faut que le marché joue son rôle pleinement par le jeu et
la spontanéité de ses mécanismes. Le marché du travail ne peut aboutir à un équilibre
de plein-emploi car le chômage est structurel, inhérent à la structure économique,
géographique et sociale d’un pays.
De même, selon les théoriciens de l’offre, la demande lorsqu’elle est excessive,
elle comprime les conditions de production ; la baisse des profits (à cause de la
hausse des salaires, des taxes et des coûts de production d’une manière générale)
emmène les entrepreneurs à réduire leur offre.
Ce chapitre retrace brièvement le développement de la pensée
macroéconomique depuis les physiocrates. Nous passons en revue trois points
essentiels, à savoir l’apport des physiocrates et des classiques et l’apport décisif de
Keynes et des keynésiens ainsi que leurs détracteurs rangés au sein du courant
libéral ou plus exactement néolibéral, celui en particulier des monétaristes et des
théoriciens de l’offre.
Section 1. L’apport des physiocrates et des classiques
On peut historiquement situer les origines de l’analyse macroéconomique dans
l’œuvre des physiocrates, au 18ème siècle. Les physiocrates estiment que la richesse
se crée en termes d’échange de flux entre les classes sociales d’un point de vue
global (ou sectoriel). Seul le secteur agricole est producteur de produit net, de
richesse économique. Le schéma de production est pour l’essentiel basé sur la
distribution des revenus dont la création émane des paysans.
L’ag arianisme des physiocrates rend stérile toute tentative en termes de pensée
économique novatrice donnant du sens à l’activité, à la création économique, à la
croissance économique et enfin à la valorisation humaine des objets
en un mot à la valeur. La théorie physiocratique est une théorie de la valeur-
substance incomplète puisqu’elle se base à la fois sur le travail (mais pas n’importe
quel travail) et sur la terre (et seule la terre).
La théorie physiocratique est aussi une théorie de l’offre avec tous les
défauts[1] que celle-ci comporte, comme l’est et par excellence celle des classiques.
La théorie physiocratique demeure une théorie de classes sociales, celle des
propriétaires terriens, en l’occurrence.
[1] L’un des défauts majeurs des théories de l’offre demeure son incapacité à prévoir les
crises de surproduction.
Le principe macroéconomique énoncé dans la pensée physiocratique par le
« docteur » Quesnay dans son tableau économique (1758) ne résout en rien
théoriquement la problématique épineuse de l’époque, c’est-à-dire celle relative à la
répartition des revenus (la classe montante de l’époque, celle des propriétaires
terriens, des marchands et des entrepreneurs agrariens avait pour but le recentrage
du produit net de la terre pour qu’il soit orienté et distribué différemment, à leur
profit, au profit des nouveaux féodaux mais à l’exclusion du clergé et des cerfs). Il
ne résout pas non plus le problème de crises liées tantôt aux disettes tantôt à la
surproduction.
Avec les classiques, en particulier chez les plus optimistes parmi eux (Smith et
Say), on avait l’habitude de faire « fi » des crises et des périodes de leur
survenance. L’approche macroéconomique des classiques, vue comme optimum
social, ou comme le résultat de la somme des intérêts individuels, est une approche
où seule l’offre règle spontanément toutes les questions de demande. Le système
productif de la fin du 19ème siècle et de début du 20ème siècle était un système
basé sur une accumulation élargie du capital, une gestion de production à la Taylor
(organisation scientifique du travail, OST) puis à la Ford (introduction du travail à
la chaîne et du système de convoyage) dans les années 1920, c’est-à-dire celle
débouchant sur l’affaiblissement du pouvoir syndical et une légère hausse des
salaires (« Five dollars Day » comme politique pratiquée dans les usines Ford).
Durant cette période, de nombreux bouleversements économiques et sociaux
ont véritablement secoué le monde. Le résultat en est la grande dépression des
années 1930, celle notamment liée à une politique de l’offre, héritage notamment
des thérapeutiques issues de politiques économiques classiques et néoclassiques :
l’offre crée sa propre demande et le marché est spontanément autorégulateur de
déséquilibres économiques et sociaux par le seul et unique jeu de la flexibilité des
prix et des salaires. Les années 1930 vont marquer l’histoire par l’apparition du
fléau de chômage de masse, chômage que ces mêmes thérapeutiques n’ont pas pu
éradiquer.
Section 2. L’apport de Keynes et des keynésiens
Avec Keynes, une nouvelle manière d’expliquer théoriquement les problèmes
économiques et de mettre en avant des solutions de politique économique va
apparaître. Son ouvrage Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie,
édité en 1936, donna naissance à un courant de pensée nouveau et novateur : le
« courant keynésien ». Keynes défendait une vision où l’État devrait jouer un rôle
important par son interventionnisme budgétaire et fiscal, voire monétaire. En
mettant en place une politique de gestion de la demande globale, l’État devrait être
en mesure de réguler l’activité économique, d’empêcher les récessions et de
maîtriser les périodes de forte croissance et de surchauffe.
La période 1945-1973, baptisée par Jean Fourastié les « trente glorieuses »,
marqua l’histoire par l’application des politiques keynésiennes dans de nombreux
pays. Le consensus autour des idées keynésiennes ne peut en aucun cas laisser ni
les ralliés, ni les détracteurs indifférents. De nombreux macro économistes,
appartenant à deux bords, ont contribué, d’un coté, à asseoir une certaine
sophistication de la théorie keynésienne et de l’autre à la faire démonter.
En tout état de cause, globalement, ces politiques ont bel et bien connu un
succès malgré un niveau d’inflation chronique qui s’est enchérit vers la fin des
années 1960 et surtout à partir de 1973, date du premier choc pétrolier.
La pensée keynésienne est une pensée qui va révolutionner non seulement la
manière de rendre compte des comportements économiques des agents, mais aussi
la façon dont les richesses devront se créer (ou s’accumuler) et se distribuer. La
théorie keynésienne va se donner les moyens pour se procurer les outils lui
permettant une analyse fine des rouages macroéconomiques.
A l’opposé de ce que prêchent, en filigrane, la pensée physiocratique et la pensée
classique, la « société keynésienne », au fond, est une société sans véritable
stratification sociale. Comme le note Di Ruzza, c’est une société qui « n’est
constituée que de deux types d’agents économiques : les entreprises (dirigées par
des entrepreneurs) et les ménages. Pour Keynes, ces agents économiques ne
raisonnent jamais sur des biens ou des marchandises, mais uniquement sur des
grandeurs monétaires globales, prenant ainsi le contre-pied de la théorie
marginaliste et fondant ce qui deviendra la macroéconomie par opposition à la
microéconomie des économistes néoclassiques »[1].
[1] Di Ruzza, R., « L’actualité de Keynes (1883-1946) », Institut d’Histoire Sociale de la
CGT, Conférence du 7 juin, 2007, p. 3.
http://www.ihs.cgt.fr/IMG/pdf__l_actualit_351_du_keyn_351sianisme__1__.pdf
A l’opposé des néoclassiques, mais aussi de tous ses prédécesseurs, Keynes ne
fait pas d’inventaire (de nomenclature) de biens sous forme de paniers Il n’établit
pas non plus de relation en termes de prix relatifs (rapports d’échanges) entre ces
différents biens. De ce dernier point, Keynes en tire l’idée selon laquelle les biens
ont une expression monétaire : les biens équivalent à un stock de monnaie. Les
agents économiques ne doivent raisonner que sur des grandeurs monétaires. L’unité
monétaire (le nominal) est la première unité de mesure économique des biens.
Autrement dit, les prix et les salaires devront être exprimés en termes nominaux :
les recettes et les coûts globaux pour les entrepreneurs, les revenus pour les
ménages.
La deuxième unité économique de mesure utilisée par l’approche keynésienne
est le « temps ». Selon Keynes, « le plus court intervalle du temps après lequel il est
possible à l’entreprise de réviser sa décision relative au volume d’emploi à offrir.
Cet intervalle est pour ainsi dire l’unité effective minimum de temps économique ».
La notion du temps, à court terme, chez Keynes n’a pas de durée préétablie : elle
peut varier entre six mois et trois ans. Elle dépend d’une série de considérations, à
la fois politiques, économiques et commerciales. Le temps chez Keynes est un
temps statique ; Keynes refuse les comparaisons inter temporelles et les processus
dynamiques, c’est-à-dire ceux qui se déroulent dans le temps : « Dire que la
production nette est plus considérable, mais le niveau du prix plus bas aujourd’hui
qu’il y a un an ou dix ans,
c’est énoncer une proposition analogue par sa nature à l’affirmation que la Reine
Victoria était une souveraine meilleure mais non une femme plus heureuse que la
Reine Elisabeth. Cette proposition n’est dépourvue ni de sens ni d’intérêt, mais elle
est impropre à servir de matière au calcul différentiel. Notre précision serait
dérisoire si nous prétendions placer de semblables concepts en partie vagues et non
quantitatifs à la base d’une analyse quantitative ».
2.1. La révolution keynésienne
La théorie générale est une théorie qui a révolutionné l’analyse économique ou
d’au moins réhabilité et mis à jour certains raisonnements qu’on trouvait déjà dans
l’œuvre de Marx ou dans celle de Wicksell.
La théorie générale est essentiellement une théorie de l’emploi, en rupture
totale avec les théories classique et néoclassique. Pour Keynes, le chômage ne se
démontre pas à partir du marché de l’emploi comme le prétendent les
néoclassiques. Le chômage doit être recherché sur le marché des biens et services.
C’est la faiblesse de la demande qui est à l’origine du chômage. Ce n’est pas en
baissant les salaires que le chômage sera définitivement éradiqué. L’idée d’un
chômage volontaire, c’est-à-dire si un reliquat du chômage persiste, c’est par ce
que les travailleurs n’accepteraient pas d’être payés à un salaire inférieur au
salaire d’équilibre est une idée fausse.
Pour Keynes et les keynésiens, le chômage est involontaire. Autrement dit, il
existe des demandeurs d’emploi qui acceptent de travailler à un salaire inférieur au
salaire d’équilibre et qui ne se trouvent pas être embauchés.
Dans l’œuvre de Keynes, la monnaie joue un rôle stratégique pour déterminer la
demande globale. Keynes a inversé le schéma classique selon lequel l’offre
détermine la demande. C’est la demande globale anticipée qui détermine la
production dans le niveau peut être insuffisant pour réaliser le plein-emploi.
Pour Keynes, l’expansion du revenu global est le corollaire de l’accroissement
de l’investissement. Ainsi, en modifiant la quantité de monnaie en circulation,
l’autorité monétaire contribue à accélérer ou à ralentir la progression de revenu.
Keynes est parti de l’idée ou de constat de fait des années 1930, celui montrant la
crise de production. Le schéma keynésien de dépression peut être décrit de la
manière suivante :
Baisse de la demande globale
Baisse de revenu global
Baisse de la demande d’encaisses à des fins de transaction et de
précaution
Baisse du taux d’intérêt
Contraction de la demande et ses effets sur l’emploi
Les autorités monétaires peuvent renforcer ce mouvement par une politique
d’expansion monétaire. Si la baisse de taux d’intérêt incite les entrepreneurs à
investir plus, la demande globale augmente, tend à être supérieure à l’offre, ce qui
produit un effet expansif sur la production et l’emploi avant d’entraîner une
hausse des prix[1]. Ainsi la politique monétaire semble être un excellent instrument
de la politique conjoncturelle. Cependant, Keynes s’est lui-même longuement
interrogé sur l’efficacité et la crédibilité des autorités monétaires en émettant d’une
part de sérieux doutes sur la volonté et la capacité de la banque d’Angleterre à
modifier rapidement et en profondeur le taux d’intérêt et il a d’autre part craint
que, dans certaines circonstances, les chefs d’entreprises pouvaient être insensibles
aux variations de taux d’intérêt.
[1] Sur ce point, les monétaristes, à leur tête Friedman, expriment une opposition claire et nette dans la
mesure où l’expansion monétaire a pour conséquence immédiate la hausse des prix sans pour autant
varier les niveaux de l’investissement et de l’emploi. Comme le dit Friedman dans sa célèbre formule :
« l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire ».
En effet, selon Keynes et les keynésiens, l’inefficacité de la politique monétaire
peut théoriquement résulter des caractéristiques de la demande et de l’offre de
monnaie.
En période de marasme économique, les agents économiques sont fébriles à toute
demande supplémentaire et conséquente d’encaisses monétaires. D’autant plus que
ceux-là passeront majoritairement par le canal de crédit et/ou corrélativement par le
biais des hausses des salaires (endettement public ou planche à billets[1]).
[1] La planche à billets ou « seigneuriage » est un procédé discrétionnaire de la banque
centrale qui consiste à créer de la monnaie supplémentaire sans contrepartie réelle dans
l’économie.
De même, comme Marx, Keynes rejette l’hypothèse d’équilibre sur les marchés
formulée par les classiques et les néoclassiques. Pour lui, l’offre et la demande ne
s’égalisent pas quasi-automatiquement[2].
[2] Pour Marx, « Rien n’est plus niais que le dogme d’après lequel la circulation implique
nécessairement l’équilibre des achats et des ventes, vu que tout achat est vente, et
réciproquement (...) Si l’on n’achète pas, l’autre ne peut vendre (...) Personne ne peut vendre
sans qu’un autre achète ; mais personne n’a besoin d’acheter immédiatement parce qu’il vient
juste de vendre (l’identité parfaite entre le fait de vendre et d’acheter, la circulation les scinde
(...)). Si la scission entre l’achat et la vente s’accentue, leur liaison intime s’affirme - par une
crise ».
La formule sayienne de « l’offre crée sa propre demande » est une aberration. La
demande peut se détourner de l’offre comme l’offre ne peut répondre à la demande.
Cela entraîne ipso facto un chômage de déséquilibre qui persiste et perpétue.
Ce déséquilibre persistant existe à la fois sur le marché du travail et sur le marché
des capitaux.
Le déséquilibre sur le marché du travail est causé par une certaine rigidité des
salaires à la baisse. Selon Keynes, les salaires ne diminuent pas, ou pas assez vite,
pour que le marché s’auto-équilibre.
Le salaire nominal
Quantité du travail 0
FIG1. Déséquilibre sur le marché du travail suivant la vision keynésienne
W1
QL1
SL
DL1
DL2
W2
QL2
À partir de la figure 1, toute récession peut provoquer une diminution de la
demande de travail émanant des entreprises de DL1 à DL2. Si le niveau des salaires
reste à W1, le marché n’est plus à l’équilibre, il y a un excès d’offre (QL1 – QL2) et
un chômage de déséquilibre.
Le déséquilibre sur le marché des capitaux est induit par la hausse sensible de
l’épargne. L’approche classique suppose que lorsque l’épargne augmente,
l’investissement augmente automatiquement. Pour les classiques et les
néoclassiques, toute l’épargne est investie. Tout investissement est synonyme de
croissance économique et toute offre de biens et services est écoulée sur le marché
en respectant le principe de « l’offre crée sa propre sa demande ». Keynes rejette
cette vision des choses car, pour lui, tout accroissement de l’épargne provoque un
déséquilibre sur le marché des capitaux. C’est tout à fait vrai que par
l’augmentation de l’épargne que les taux d’intérêt baisseront ;
c’est vrai aussi que cette baisse des taux d’intérêt (de r1 à r2 sur la figure 2)
induira une certaine hausse de l’investissement (de I1 à I2 sur la figure 2). Mais
cette hausse de l’investissement n’est que provisoire car toute augmentation de
l’épargne lui correspond une baisse de la consommation. Ainsi, les entreprises, par
l’effet de la baissez des ventes, sont amenées à réduire l’offre des biens et des
services et de facto leurs investissements. Cela a pour conséquence le déplacement
de la courbe de demande de capitaux vers la gauche. Il est donc possible que le
taux d’intérêt qui équilibre l’offre et la demande soit inférieur à r2.
Taux d’intérêt
Capitaux investis (I = S) 0
FIG2. Déséquilibre sur le marché des capitaux suivant la vision keynésienne
r1
I2
S2
I
I1
S1
r2
L’analyse keynésienne du cycle des affaires est basée sur la confiance et sur les
anticipations (prévisions des entrepreneurs). Elle est fondée aussi sur la crédibilité
affichée et ressentie des autorités monétaires à appliquer une politique monétaire et
budgétaire. Dans le cas d’une amorce de récession et du manque de confiance et de
crédibilité, les entrepreneurs (les dirigeants) réduisent leurs investissements et
aggravent ainsi la récession. Pour noircir le tableau et aggraver la situation, ni
l’offre, ni la demande de capitaux ne réagissent fortement et adéquatement aux
changements de taux d’intérêt, seules des modifications très fortes du taux d’intérêt
auraient un impact positif sur le niveau de l’investissement. Une situation
d’équilibre sur le marché des capitaux est alors difficile à escompter.
Keynes réagit farouchement contre l’hypothèse de neutralité de la monnaie ; il
critique le principe sayien du « voile monétaire ». Il rejette la théorie quantitative de
la monnaie de Fisher (MV = PT[1]) selon laquelle toute augmentation de la masse
monétaire a pour corollaire une augmentation du niveau général des prix. La
monnaie est très active. Elle agit sur les quantités et peut avoir un rôle de lutte
contre le chômage. Dans une économie avec des capacités de production
inemployées, tout accroissement de la masse monétaire peut conduire à une
augmentation de la production et du revenu national sans pour autant que le niveau
des prix soit en situation de changer considérablement.
La révolution keynésienne peut aussi être lue et appréhendée à travers le rôle
actif octroyé à l’État. L’intervention de l’État dans le domaine économique est
primordiale ; elle est le moyen de lutte contre le chômage.
[1] M reflète la masse monétaire en circulation, V est sa vitesse, P est le niveau général des
prix et T est le volume des transactions.
2.2. Les continuateurs de Keynes
Dès sa publication en 1936, la Théorie Générale de Keynes a suscité de
nombreuses réactions. Des auteurs comme Harrod, Meade, Lerner, Robinson,
Kaldor, Shackle, Kalecki, Lange, Hicks, Hansen, Phillips, etc. s’interrogent sur
l’efficacité de l’outil monétaire à comprimer le chômage ou sur les relations qui
peuvent exister entre la demande effective, le taux d’intérêt, la demande de
monnaie pour le motif de spéculation et la préférence pour la liquidité, ou encore
les interactions entre la sphère monétaire et la sphère réelle.
En effet, les premiers disciples de Keynes peuvent être classés en deux grands
groupes ou tendances selon qu’on considère qu’ils acceptent quelques principes et
postulats de base de l’orthodoxie néoclassique ou qu’ils la récusent.
Incontestablement, les néokeynésiens de l’école de la synthèse néo-classique font
partie du premier groupe[1].
Ils ont constitué le courant dominant de la révolution keynésienne depuis la fin
des années 1930 mais surtout après la seconde guerre mondiale et jusqu’au début
des années soixante-dix. Ils ont eu à s’opposer parfois farouchement aux
postkeynésiens de l’université de Cambridge (Angleterre). Cela donna lieu à la
célèbre controverse des deux Cambridge.
[1] Il s’agit de Hicks, Hansen, Samuelson, Tobin, Modigliani, etc.
La synthèse néoclassique du keynésianisme a commencé avec le célèbre
article[1] de Hicks en 1937, juste une année à peine après l’édition de la théorie
générale.
En avril 1937, John Hicks publie un article dans la revue Econometrica intitulé «
Keynes and the classics ; a suggested interpretation » (Keynes et les classiques :
une interprétation), dans lequel il explique le modèle IS-LM, une sorte
d’interprétation de la Théorie Générale en ce qu’elle est un outil (en prenant l’appui
sur l’équilibre général walrasien) de se rapprocher de plein-emploi des facteurs de
production.
[1] Hicks, J.R., “Mr. Keynes and the “Classics”: A Suggested Interpretation”, Econometrica,
Volume 5, n°2, 1937, pp. 147-159.
L’article de Hicks tente de faire une synthèse des deux approches : classique et
keynésienne. Hansen[1], ne se cachant pas d’être keynésien, reprendra et diffusera
l’idée de base de Hicks, en 1952, dans son livre Théorie monétaire et politique
fiscale.
Le modèle Hicks-Hansen est considéré par certains auteurs comme une version
formalisée des idées de Keynes. Néanmoins, nombreux sont les keynésiens qui
récusent cette idée galvaudée de synthèse néo-classique dont ils nient le caractère
keynésien.
[1] Hansen a publié avant cela son ouvrage, « Full Recovery or Stagnation ? », dans lequel défendait
clairement les idées keynésiennes de relance par la demande. Hansen témoignait à plusieurs reprises
devant le congrès pour s’opposer à l’utilisation du chômage comme moyen de comprimer les prix. Il
pensait comme Keynes qu’une petite dose d’inflation ne fera pas du mal aux agents économiques et
suggérait qu’une vraie politique de lutte contre l’inflation, lorsque celle-ci prenait des taux à deux
chiffres, débutait par des contrôles des prix et des salaires et par des mécanismes fiscaux
discrétionnaires mais équitables en vue de réduire la demande globale.
Cette synthèse théorique entre l’approche néoclassique et l’approche
keynésienne, visualisée dans le modèle IS-LM porte en son sein deux idées
essentielles : l’une purement néoclassique, à savoir l’idée selon laquelle « toute
l’épargne est investie », l’autre keynésienne selon laquelle le mécanisme
économique à l’origine de lutte contre le chômage est celui privilégiant la relance
par la demande effective à travers deux outils de la politique économique : la
politique budgétaire et la politique monétaire. Le modèle IS-LM est conçu dans le
cadre d’une économie fermée.
Section 3. La contre-révolution monétariste et de la nouvelle école
classique :
Le monétarisme est fondé sur une variable macroéconomique clé qui est la
monnaie. Celle-ci est fondamentalement à l’origine des fluctuations économiques,
de l’inflation en l’occurrence. Milton Friedman, dans
The New Palgrave Dictionnary of Economics (1987) a écrit : « L’inflation est
toujours et partout un phénomène monétaire dans le sens où elle est, et peut être,
simplement provoquée par une augmentation plus rapide de la quantité de monnaie
que du niveau du produit ».
C’est un monétariste, Karl Brunner, qui a inventé le mot monétarisme en 1968.
Comme l’a dit lui-même, « Premièrement, les impulsions monétaires sont
déterminantes dans les variations de la production, de l'emploi et des prix.
Deuxièmement, l'évolution de la masse monétaire est l'indice le plus sûr pour
mesurer l'impulsion monétaire. Troisièmement, les autorités monétaires peuvent
contrôler l'évolution de la masse monétaire au cours des cycles économiques ».
(Brunner, FED de St-Louis, 1968).
Comme pour le keynésianisme, le monétarisme s’autoproclame comme une
théorie révolutionnaire. Mais Friedman préfère, lui, le concept de « contre-
révolution », en réaction quasi-viscérale aux théories keynésiennes alors
dominantes pendant la période des « trente glorieuses ».
Comme le précise Alan Meltzer dans The Structure of Monetarism (1998), « en
économie comme dans les autres sciences en développement, le changement érode
la valeur de la terminologie populaire. Le monétarisme est un nom qui a été donné à
un ensemble particulier de propositions à un moment particulier. Comme le
keynésianisme, le budgétarisme (Fiscalism), ou encore la « vue ou l’opinion du
Trésor », l’ensemble particulier de propositions appelé monétarisme ne décrit pas
entièrement le corps de la pensée acceptée par un groupe peu structuré
d’économistes qui pratiquent plus que des termes tels que Chicago, Cambridge ou
école autrichienne mais décrit la pensée de tous ceux à qui les conditions sont
appliquées ».
Les oppositions postkeynésiennes sont anciennes. Mais, celles de Friedman en
particulier, datent de la seconde moitié des années 1950.
Nous faisons allusion ici à la fameuse controverse entre keynésiens et monétaristes.
On peut situer le point de départ de cette controverse à la parution du livre
« Études sur la théorie quantitative de la monnaie » (Studies in Quantity of Money)
publié sous la direction de Friedman, en 1956.
La controverse s’est d’abord développée et entretenue entre économistes
américains avant de s’étendre pour englober les économistes européens et
mondiaux.
Au début des années 1960, le problème principal de l’économie américaine était la
faiblesse de la croissance. L’économie américaine s’est évoluée au-dessous de ses
capacités de production et le chômage était supérieur au niveau considéré à
l’époque comme incompressible (structurel). Aussi, à partir de 1967/68, c’est le
problème de l’inflation et corrélativement de déficit de la balance des paiements qui
dominent les problèmes conjoncturels américains.
L’évolution de la conjoncture américaine et celle du système monétaire
international, étroitement liées, expliquent que la controverse entre économistes
keynésiens et monétaristes se soit développée en deux temps :
* De 1956 à 1968, la controverse a porté sur le rôle de la monnaie dans la
détermination de la demande globale et donc dans l’explication des fluctuations de
l’activité économique. La controverse théorique se traduit au plan politique dans un
débat sur l’efficacité relative de la politique monétaire et de la politique budgétaire ;
* Depuis 1968, la controverse s’est concentrée sur les causes de l’inflation est
depuis 1970 sur celles de la stagflation. La controverse théorique se traduit au plan
politique différemment de la précédente : le débat porte sur l’efficacité relative des
politiques du contrôle de la demande globale (quelle soit monétaire ou budgétaire)
et les politiques du contrôle directe des revenus.
Guillaumont, S.G., dans son livre « Pour la politique monétaire »[1], tente de
montrer pourquoi les keynésiens réduisent le rôle de la politique monétaire au profit
soit de la politique budgétaire soit de la politique des revenus, tandis que les
monétaristes affichent une préférence marquée pour la politique monétaire, mais en
minimisant les résultats qu’on peut attendre de la politique monétaire et en
préconisent enfin de compte la « neutralisation ».
Bien que les deux écoles aient des conclusions politiques en complète
opposition, ils ont curieusement en commun de renoncer à toute action monétaire
conjoncturelle.
Depuis 1945 jusqu’au l’an 1955, les keynésiens ont développé leur conception de la
régulation conjoncturelle fondée sur un usage prédominant, sinon exclusif de la
politique budgétaire sans rencontrer de véritables oppositions.
[1] Guillaumont, S.G., Pour la politique monétaire, PUF, 1982.
Depuis 1956, la tentation monte, les monétaristes contestent les arguments de la
politique budgétaire au profit de ceux de la politique monétaire.
Les critiques monétaristes débutaient avec la remise en cause de la loi
psychologique fondamentale de consommation et du multiplicateur Keynésien.
Selon Friedman, la consommation ne devrait évoluer que d’une manière erratique.
La consommation est intimement liée au revenu permanent et non au revenu
courant. En effet, toute variation du revenu ne peut agir et modifier le niveau de la
consommation que si le revenu courant modifie le niveau du revenu permanent.
Cette idée sera confirmée par Friedman dans ses écrits et investigations empiriques
sur la demande de monnaie qu’il estime stable au cours du temps.
Pour illustrer l’idée de Friedman, prenons l’exemple des heures supplémentaires
financées ou subventionnées par l’État dans le cadre d’un programme à court terme,
de soutien aux entreprises. L’augmentation conséquente des revenus pour certaines
catégories professionnelles n’influence en rien le niveau de consommation global.
Pour ces ménages, les revenus reçus sont théoriquement non appelés à se renouveler
puisque le programme est circonscrit dans un cadre strictement ponctuel. La
propension à dépenser ces revenus est théoriquement nulle ou très faible.
Quand le revenu courant augmente ou baisse pour des raisons aléatoires,
temporaires ou sur une courte période, les ménages ne changent pas radicalement et
structurellement leur mode et niveau de consommation. En règle générale, lorsque le
revenu courant baisse temporairement, les ménages continuent de maintenir leur
consommation en puisant dans leur épargne. Lorsque le revenu courant augmente
temporairement, les ménages reconstituent ou augmente leur épargne au lieu
d’augmenter leur consommation indéfiniment.
Une autre critique monétariste, moins technique que celle relative à la fonction
de demande de monnaie provient du caractère expulsif et d’éviction de la dépense
publique. L’intervention de l’État dans l’économie évince le secteur privé de la
sphère de l’investissement et de la production. L’effet de cette action publique pour
relancer la machine économique et soutenir la demande de consommation et
d’investissement est, selon les monétaristes, quasi-nul. L’éviction prend deux
formes : la première se manifeste sur le marché des biens et services et par voie de
conséquence sur le marché du travail. Lorsque l’État prend l’initiative d’investir et
de produire des biens et des services, il le fait aux dépens du secteur privé et fait
enchérir les prix des ressources disponibles (matières premières, main-d’œuvre,
technologie, etc.). Une seconde forme est relative à l’éviction financière des
investisseurs privés sur les marchés de capitaux. Les dépenses publiques entraînent
une hausse des taux d’intérêt et la compression des dépenses de consommation.
Une dernière critique adressée aux keynésiens, plus radicale que celle des
monétaristes, est attribuée aux tenants de la nouvelle école classique comme Robert
Lucas, Finn Kydland, Thomas Sargent, Robert Barro, Neil Wallace, Edward Prescott
et d’autres.
Ce courant de pensée monte et déduit des modèles macroéconomiques à partir des
actions et comportements des agents considérés d’un point de vue
microéconomique. Ces agents individuels sont réputés être des agents parfaitement
rationnels. On connaît la critique de Lucas adressée contre la politique monétaire
d’obédience keynésienne et visualisée dans la courbe de Phillips. Par le jeu des
anticipations rationnelles, toute politique monétaire expansionniste est vouée à
l’échec car individuellement tous les agents vont rationnellement l’anticiper et de
facto celle-ci n’aura aucun effet sur la production et l’emploi.
Toutes ces critiques méritent une certaine prudence quant à leur validité et
acceptation dans la mesure où les politiques volontaristes de relance par les dépenses
publiques peuvent entraîner une dynamique économique par la consommation et par
la demande pour les biens d’investissement. De même, une politique monétaire axée
sur une bonne crédibilité des autorités monétaires et conjuguée d’une politique
industrielle vigoureuse et volontariste, peut à certaines des périodes être très utile.
Les exemples ne manquent pas pour étayer ces propos : les trente glorieuses, le plan
Reagan après l’échec du plan monétariste durant le premier mandat, etc.
Chapitre 2. le Modèle Keynésien
Simplifié
Dans un modèle Keynésien simplifié, on considère que l’économie est
composée de deux d’agents, les entreprises et les ménages. Les entreprises sont les
seules à investir et à produire, les ménages sont les seuls à travailler et à
consommer. Cette spécialisation implique que les entreprises doivent distribuer aux
ménages une part du revenu qu’elles tirent de la production.
Dans le modèle keynésien simplifié, Keynes considère que les ménages
cherchent à répartir l’augmentation de leur revenu entre la consommation et
l’épargne en proportion relativement stable au cours du temps. Cette hypothèse est
extrêmement essentielle d’un point de vue équilibre économique. A contrario, les
économistes classiques considéraient que la production étant déterminée sous les
conditions du plein-emploi des facteurs, toute diminution de la consommation était
nécessairement compensée par une augmentation de l’investissement et de
l’épargne. Pour Keynes, ce n’est plus le cas, la consommation et l’épargne évoluent
dans le même sens.
Une augmentation du revenu se traduit par une hausse à la fois de la
consommation et de l’épargne, une baisse du revenu se traduit par une baisse de la
consommation et de l’épargne.
La conséquence en est extrêmement importante. Reprenons le point de vue des
économistes classiques et considérons que la production totale reste constante car
déterminée par le plein-emploi des facteurs. Supposons une baisse normale de
l’investissement due à des facteurs conjoncturelles et/ou structurelles[1], cette
baisse n’a pas d’impact aussi bien sur la production que sur le revenu qui restent
inchangés. Or, un revenu inchangé implique une consommation inchangée. Comme
la production est la somme de l’investissement et de la consommation, la baisse de
l’investissement ne peut se traduire que par une baisse de la production, ce qui est
en contradiction avec l’hypothèse retenue par les économistes classiques.
[1] Épuisement de la demande, redéploiement des branches et secteurs économiques, etc.
Ainsi, une baisse de l’investissement ne peut que générer une baisse de la
production et donc du revenu. Cette baisse du revenu va générer elle-même une
baisse de la consommation et donc à nouveau de la production et du revenu. Si la
situation de départ correspondait au plein-emploi, la baisse de la production peut
amener du chômage.
Keynes a développé sa théorie en période de crise des années 1930 qui est connue
par un chômage de masse. Ainsi, le thème central qui est au cœur des idées de
Keynes se trouve dans l’analyse des causes du chômage et des moyens d’y remédier.
L’outil qui permet la lutte contre le chômage selon Keynes est l’intervention de
l’État à travers la politique monétaire et la politique budgétaire. Et le but essentiel de
cette intervention est de soutenir la demande globale dans ses « composantes » :
investissement et consommation.
Section 1. Les fonctions de consommation et d’épargne
Comme nous l’avons rappelé ci-dessus, l’analyse keynésienne privilégie un
raisonnement en termes de circuit et que les variables de ce circuit entretiennent
entre elles des relations circulaires de cause à effet : l’investissement cause la
demande, l’épargne cause l’investissement, etc.
Le modèle keynésien simplifié à deux agents (ménages et entreprises) se traduit
par la coexistence de deux fonctions de comportement : celle de consommation et
celle de l’investissement.
Les ménages dont la fonction principale est de consommer consacrent une partie
de leur revenu à cet effet. Pour traduire ce raisonnement en termes mathématiques,
nous pouvons définir donc une « fonction de consommation » qui introduit une
relation simple entre la consommation des ménages et leur revenu.
1.1. La fonction de consommation
A la différence de l’analyse néoclassique (microéconomique) qui construit la
fonction de demande d’un bien en privilégiant la relation prix-quantité demandée,
l’analyse keynésienne propose de relier la consommation globale au revenu. Et la
loi psychologique fondamentale à l’origine de cette relation est la suivante :
« Les hommes tendent à accroître leur consommation à mesure que le revenu croît,
mais non d’une quantité aussi grande que l’accroissement de revenu ». Keynes,
Théorie générale.
D’après l’interprétation de cette loi psychologique fondamentale, trois
hypothèses relatives à la fonction de consommation peuvent être mises en avant :
C C 2C 2C c
1C
1C 0C
c
1Y 2Y Y
1Y 2Y Y
1. Fonction linéaire 2. Fonction affine
cYC avec 10 c 0CcYC avec 10 c
Y
Cc
dY
dC et 0)0( 0 CC
Y
Cc
Y
Cc
dY
dC 0
C
2C
1C
0C
1Y 2Y Y
3. Fonction concave : )(YfC avec 0dY
dC et ,0)0( 0 CC 0
2
2
dY
Cd
Les fonctions keynésiennes de consommation.
La relation entre consommation et revenu s’exprime par la propension à
consommer; il faut en effet distinguer:
la propension moyenne à consommer ou rapport de la consommation totale au
revenu, soit C/Y;
La propension marginale à consommer ou rapport de la variation de (dC) à la
variation correspondante de revenu (dR), soit dC/dY=f’(y).
Dans le premier cas de figure (1), la consommation est proportionnelle au
revenu: C=cY. La propension moyenne à consommer C/Y est constante et égale à
la propension marginale:
dY
dCc
Y
Ccte
Y
C
Y
C
Y
C
i
i ...2
2
1
1
Dans le deuxième cas de figure (2), la consommation incompressible
0C est positive ; on a : .0CcYC La proportion moyenne à consommer
varie et est fonction décroissante du niveau de revenu : .0
Y
Cc
Y
C La
propension marginale à consommer est une constante : elle est inférieure à la propension moyenne qui est fonction décroissante du niveau de revenu :
dC Cc
dY Y
Enfin, dans le dernier cas de figure (3), la propension marginale et la propension moyenne varient suivant le niveau de revenu ; compte tenu de l’hypothèse de concavité de la fonction de consommation, la proportion moyenne à consommer (C/Y ) diminue avec le niveau de revenu ; la propension marginale à consommer (définie comme la dérivée de la fonction) a une valeur donnée par la pente de la tangente aux différents points de la courbe ; on peut vérifier sans difficulté que la propension marginale à consommer diminue avec l’augmentation de niveau de revenu
et de consommation (le tracé retenu correspond à 0dY
dC et ).0
2
2
dY
Cd
Remarque : Il est commode de retenir comme hypothèse de travail, la
relation correspondant au deuxième cas de figure qui est : 0CcYC et
qui facilite la représentation graphique.
1.2. La fonction d’épargne L’épargne (notée S) apparaît chez Keynes comme un résidu (le reste) ;
c’est-à-dire la partie du revenu qui n’est pas consommée.
CYS [1] La proportion moyenne à épargner : (S/Y) ; la propension marginale à épargner est : (dS/dY).
De [1], on peut tirer la formule de revenu global :
SCY Si on divise les deux membres de l’égalité par Y, on a :
1Y
S
Y
C
La somme des propensions moyennes à consommer et à épargner est égale à l’unité ; il en va de même pour les propensions marginales ; en effet, si on raisonne sur des accroissements, il est bien clair qu’un accroissement de revenu n’a que deux emplois possibles, la consommation et l’épargne, soit
dSdCdY et en divisant les deux membres par dY, il vient :
scdY
dS
dY
dC1
La fonction d’épargne se déduit par simple soustraction de la fonction de consommation ; l’épargne est donc fonction du revenu
).()( YSYfYCYS
Dans le cas de la fonction de consommation affine 0CcYC :
00 )1()( CYcCcYYS
Et puisque, ,10 c 01 cdY
dS
La formulation [2] montre que l’épargne est fonction croissante du niveau
de revenu ; la propension marginale à épargner ctecdYdS )1(/ et il
sera commode de la représenter par s (on a par conséquent : ).1 cs La
propension moyenne à épargner est évidemment variable suivant le niveau de revenu et on remarque que pour un niveau de revenu qui est
nul, l’épargne serait négative, elle est égale à );( 0C c’est la contrepartie de
l’hypothèse de consommation incompressible : si la consommation est positive pour un niveau de revenu nul, c’est qu’il y a eu « désépargne », épargne négative, prélèvement sur des avoirs antérieurs qui ont permis de financer cette consommation incompressible. L’épargne ne devient
positive qu’au-delà d’un certain niveau de revenu rY dit « seuil de
rupture », seuil au-delà duquel la collectivité cesse de désépargner ; ce
seuil de rupture est défini par ,0S avec 0)1( CYcS d’où
0)1( 0 CYc et le seuil de rupture Y est au niveau ).1/(0 cCYY r
Revenu disponible
Consommation
C=0,7Y+14
Epargne
S=0,3Y-14
0 +14 -14
10 +21 -11
20 +28 -8
46,66 +46,66 0
100 +84 +16
200 +154 +46
500 +364 +136
Exemple chiffré pour des fonctions de consommation et d’épargne affines:
D’après les calculs consignés dans le tableau ci-avant, nous remarquons que le
seuil de rupture ne permettant pas de dégager encore ou à partir duquel ce ménage
pourra dégager éventuellement une épargne positive (dans le cas bien évidemment
où le revenu est supérieur à 46,66).
Graphiquement, cela peut être représenté de la façon suivante :
W = Y (première bissectrice) C = 0,7Y+14 C0 = +14 S = 0,3Y – 14 45° 0 46, 66
rY Y
C0 = – 14
Utilisation de Revenu et « Seuil de Rupture ».
Nous remarquons qu’à gauche de seuil de rupture rY , la consommation est
supérieure au revenu et le résidu (le solde entre revenu et consommation)
est donc négatif (désépargne) ; il s’annule pour 46,66rY Y pour lequel
on a CY et (S = 0) et devient positif pour tout .rYY
Section 2. Le multiplicateur d’investissement et de dépense D’emblée il faut rappeler que l’analyse de Keynes n’est pas seulement une analyse de court terme. Il est vrai que le court terme (entre 1 an et 3 ans) chez Keynes prend une place importante pour la seule raison de l’état de la conjoncture ; Keynes a été amené, dans le cadre de ses écrits, à trouver des solutions conjoncturelles pour des crises conjoncturelles, celles en particulier liées au chômage de masse qui a frappé l’ensemble des pays occidentaux dans les années trente. Mais, il ne faut pas perdre de vue que la dynamique de court terme envisagée par Keynes est intimement liée aux
prévisions de moyen et long terme, celles notamment issues de la dynamique de
la demande effective.
En effet, Keynes fait dépendre le niveau de l’investissement de la période
actuelle de l’état de la prévision à long terme, c’est-à-dire de l’état et de la qualité
des prévisions du profit que génèrera un investissement pendant toute sa durée de
vie. Les entrepreneurs ne décideront d’investir que si les profits qu’ils espèrent tirer
de cet investissement sont suffisamment importants. Suffisamment importants pour
couvrir l’ensemble des charges engagées et que toute initiative d’investissement
soit en mesure de réaliser des gains supérieurs à la rémunération escomptée d’un
placement théoriquement sans risque (placements alternatifs en achat
d’obligations).
A l’opposé de ce que prêche la théorie classique, la théorie keynésienne fait
relativement dépendre l’investissement de la consommation. La théorie classique
considère à tort que le plein-emploi est facilement atteignable même si le niveau de
la consommation est en baisse car toute baisse de la consommation est compensée
par une hausse du niveau de l’investissement consécutif à celle du niveau de
l’épargne. Pour Keynes et les keynésiens, toute baisse de la consommation se traduit
forcément par une baisse de l’investissement. L’analyse keynésienne, il faut le
rappeler, est une analyse qui se base sur la confiance de l’opinion collective dans les
perspectives d’avenir quant à la croissance économique nationale.
2.1. Le multiplicateur d’investissement et le niveau de revenu
Selon les keynésiens, l’augmentation de l’investissement entraîne un
accroissement plus important (effet multiplicatif) de la production, de l’activité et
de l’emploi.
Concrètement, nous pouvons donner, comme exemple, le projet de port
Méditerranée de Tanger qui a aujourd’hui des effets multiplicatifs sur la
production, l’activité et l’emploi.
2.1.1 Les hypothèses du modèle keynésien simplifié
Théoriquement pour que l’effet multiplicatif d’un investissement fonctionne, il
faut que le système économique dans son ensemble satisfasse à trois
hypothèses essentielles :
Hypothèse 1 : Relation en forme de « L » renversé entre le niveau de production ou revenu et la variation des prix ;
P
Variation du niveau des prix
Niveau de production YPE Y
Relation entre niveau de production et la variation des prix.
En période de sous-emploi, tant que le niveau de production est inférieur à un
certain seuil YPE (qui est le niveau de revenu de plein-emploi), le système productif
national répond (avec notamment les perspectives d’amélioration du niveau de la
productivité) aux variations de la demande sans accroissement des prix. Au
contraire, lorsque le revenu atteint le seuil de plein-emploi, tout accroissement de la
demande se traduit par un accroissement des prix.
Une autre forme, moins rigide, de « L » renversé nous donne l’idée sur une
éventuelle augmentation des prix avant même d’atteindre le niveau de plein-emploi.
Hypothèse 2: Constante des capacités de production
Il est supposé, dans le court terme, que le niveau de la force du travail disponible
(le nombre de demandeurs d’emploi) reste constant; les techniques de production
sont données et exogènes. Autrement dit, il n’y a pas de changement dans la
technologie utilisée. De ces hypothèses, découlant deux conséquences:
L’emploi suit la production;
Toute variation de l’emploi se traduit par une variation égale et de sens
opposé du chômage;
Hypothèse 3: les modalités d’ajustement en situation de sous-emploi
L’ajustement se fait non pas par la variation des prix, mais par la variation des
quantités. Dit autrement, en stimulant la demande globale, on aboutit à relever le
niveau de l’activité et par voie de conséquence l’emploi.
2.1.1. L’équilibre des prix et le multiplicateur statique
Par équilibre, on entend l’égalité entre l’offre globale (le niveau de la production
Y) et la demande globale D ; soit :
(1) Y = D (condition d’équilibre sur le marché des
produits)
(2) D = C + I (équation de définition)
C est la consommation et I est l’investissement.
(3) Y = C + S (équation de définition)
Compte tenu des équations de définition (2) et (3), la condition (1) d’équilibre
sur le marché des produits s’écrit :
Y (= C + S) =D (= C + I) C + S = C + I
D’où après simplification, la condition (4) est équivalente à la condition (1) :
(4) I = S Y = D
On peut donc écrire de deux façons strictement équivalentes la condition
d’équilibre sur le marché des produits. L’égalité de l’épargne et de
l’investissement
(la condition I = S) n’est qu’une autre façon, équivalente, d’écrire l’égalité entre
offre et demande globale (Y = D).
Le multiplicateur d’investissement est le coefficient qui compare l’ampleur de
modification subie (la variation de revenu) à l’ampleur de perturbation initiale (la
variation de l’investissement).
Soit donc une économie en situation de sous-emploi avec équilibre sur le
marché des produits ; cette condition s’écrit :
(5) Y = C + I (= D) avec Y < YPE
On va maintenant prendre en compte explicitement les comportements ; ceci
signifie que, à côté des équations de définition et des conditions d’équilibre, on
introduit des équations de comportement. Par exemple, pour le comportement des
consommateurs :
(6) C = C(Y) avec dC/dY = c et 0 < c < 1
Quant à l’investissement, il est supposé exogène ; il est déterminé, par exemple,
par l’Etat ; il en maîtrise l’effort ; d’où :
(7) I = Io
Dans ces conditions, l’équation (5) devient, après prise en compte de (6) et (7) :
(8) Y = C(Y) + Io
L’équation (8) traduit les conditions d’équilibre initial sur le marché des
produits. C’est cet équilibre qui va être modifié par un accroissement de
l’investissement ; il s’agit alors de mesurer l’accroissement du niveau de
production (ou de revenu) (dY) qui découle de l’augmentation du volume
d’investissement (dI) ; rappelons que l’on est en situation de sous-emploi.
Soit dC le supplément de consommation réalisé dans la nouvelle situation
d’équilibre, celle-ci étant définie la condition d’égalité entre le nouveau volume
de production (Y a été accru de dY, inconnu) et le nouveau volume de demande
(l’investissement a été accru de dI, connu et la consommation C de dC, inconnu) ;
soit la condition d’équilibre final (après réalisation des ajustements nécessaires).
(9) Y + dY = C + dC + Io + dI (= D + dD)
Compte tenu de l’équation (5) qui traduit la condition d’équilibre initial et de
(7), l’accroissement de niveau d’activité, s’écrit :
(10) dY = dC + dI dI = dY – dC
Définition :
Le multiplicateur d’investissement (k) est le rapport de l’accroissement du
niveau de production ou de revenu (dY) à l’accroissement initial de
l’investissement (dI).
(11) dI
dYk (équation de définition)
A partir de (10) et en remplaçant dI dans (11) par sa valeur, on a :
dCdY
dYk
En divisant le numérateur et le dénominateur par dY, on obtient :
dY
dCk
1
1
Comme dC/dY est la propension marginale à consommer, la valeur k de multiplicateur d’investissement est donc égale à :
(12) c
k
1
1
Ou encore :
(13) s
k1
Comme 0 < s < 1, on a k > 1, d’ou le nom de multiplicateur. Ainsi, la valeur du multiplicateur d’investissement est d’autant plus forte que la propension marginale à consommer est élevée ou que la propension marginale à épargner est faible. Le multiplicateur d’investissement est égal à l’inverse de la propension marginale à épargner.
Exemples :
Si c = 1/2, s = 1/2, k = 2
Si c = 4/5, s = 1/5, k = 5
Si c = 9/10, s = 1/10, k = 10
Si c = 99/100, s = 1/100, k = 100
Un investissement supplémentaire de 1 million de dirhams engendre donc un
supplément de production et d’activité de k millions de dirhams ; il s’agit bien d’un
effet de multiplication puisque k est toujours supérieur à 1 dès lors que c est positif.
La variation dans le niveau du revenu et de l’activité est une fonction directe du
supplément injecté dans le système économique :
(14) dY = k dI
2.2. Le multiplicateur de dépense
En rappelant le principe keynésien de circuit simplifié à deux agents, nous
pouvons dire que les revenus des ménages sont (en partie ou en totalité) des
dépenses potentielles de consommation qui constituent par voie de conséquence les
revenus des entreprises. Une partie de ces revenus va être engagée pour
l’investissement. Par ailleurs, lorsque l’État intervient, ce qui est son rôle selon la
conception keynésienne, la dynamique d’investissement est systématiquement
soutenue à travers les subventions et les transferts (dépenses publiques).
Le circuit économique simplifié à trois agents, d’après Keynes est le suivant :
Ménages
État
Entreprises
B&M
C
Y
G
T
S I
E
C : Consommation
I : Investissement
G : Dépenses de Gouvernement
S : Épargne.
Y : Revenu disponible (C + S)
T : Taxes (G - E)
E : emprunts (Dettes publics)
B&M : Banques et marchés financiers
2.2.1. L’intervention de l’État et la politique budgétaire
L’analyse keynésienne a permis d’intégrer le rôle des finances publiques dans l’activité économique générale.
On a : TYYd ( dY désigne le revenu disponible, c’est-à-dire après
impôt)
Et : )(00 TYcCcYCC d
Et donc, la propension à consommer des ménages dépend non pas du
revenu distribué ,Y mais de revenu disponible dY .
La condition d’équilibre Y D s’écrit donc ici de la manière suivante :
GITYcCY 00 )( ( G désigne l’intervention de l’État relative à sa
dépense pour soutenir la demande globale). D’où le niveau de revenu d’équilibre :
0 0
0 0
1
Y cY C I cT G
C cT I GY
c
2.2.2. L’action sur le niveau de la demande globale
Nous prévoyons deux grandes hypothèses quant à l’action de l’État pour
soutenir la demande globale. La première hypothèse est celle de la hausse des
dépenses publiques sans augmentation des impôts et la seconde est celle de la
hausse des dépenses publiques financées entièrement par une augmentation
équivalente des impôts.
Première Hypothèse: Hausse des dépenses publiques sans augmentation
des impôts
Dans l’équation de Y précédente, il l’on dérive Y par rapport à G, on obtient le
multiplicateur de dépense publique (ou multiplicateur budgétaire) suivant :
1
1 1G
dY dGk dY
dG c c
Une augmentation de la dépense publique entraîne donc un accroissement plus
que proportionnel (effet multiplication) du niveau de revenu Y.
Cette hypothèse peut aussi être démontrée de la manière suivante :
Reprenons le revenu d’équilibre avant la prise en considération de
l’investissement public, déjà avancée dans l’équation ci-dessus :
0 0 0 0
1initial
C cT I GY
c
En pratiquant une politique de relance de la demande globale, l’État
augmente ses dépenses de ;G le montant de l’investissement public
s’élève donc à : 0G G G
Le revenu correspondant est :
0 0 0 0
1final
C cT I G GY
c
Il en découle que :
1final initial G
GY Y Y k G
c
On s’aperçoit, à l’évidence, que le multiplicateur budgétaire est identique
au multiplicateur d’investissement 1
( ).1G Ik k
c
On conclut, par
conséquent, qu’une hausse de dépenses publiques (avec probablement un déficit budgétaire) a le même effet sur le revenu national qu’un investissement supplémentaire.
Seconde hypothèse : Hausse de dépenses publiques financées entièrement par une augmentation équivalente des impôts
Dans l’équation deY ci-dessus, si l’on dériveY par rapport à ,T on obtient
le multiplicateur fiscal suivant :
1 1T
dY c cdTk dY
dT c c
La variation du niveau de production est de sens opposé à celle du niveau des prélèvements ; une augmentation des prélèvements de l’État entraîne
une diminution du niveau de revenu et de la production ;Y une
diminution des prélèvements publics entraîne une augmentation de celui-ci.
dG
dY
dT
dY
Une conséquence importante en résulte : pour lutter contre la récession et le chômage, il est plus efficace d’augmenter les dépenses publiques que de diminuer les impôts. Si maintenant nous supposons que la hausse des dépenses publiques est financée entièrement par une augmentation équivalente des impôts. Techniquement, cela revient à poser l’égalité suivante :
G T En effet,
Le montant de l’investissement public s’élève à 0G G G et celui des
impôts s’élèvent à 0 .T T T Le nouvel niveau du revenu d’équilibre
( )finalY après cette action compensatoire de l’État ( )G T est le suivant :
0 0 0 0 0 0 0 0( )
1 1final
C c T T I G G C cT c T I G GY
c c
Dans ce cas, la variation du revenu est :
( )
1final initial
G c TY Y Y
c
Par hypothèse ,G T alors :
( ) (1 )
1 (1 )final initial GE
G c G cY Y Y G k G
c c
, où 1.GEk
Le multiplicateur GEk est dit « multiplicateur du budget équilibré ». Il est
dû à l’économiste norvégien Haavelmo. Dans son étude réalisée en 1945, Haavelmo a démontré pour la première fois qu’un accroissement de dépenses publiques financé intégralement par une variation identique du niveau des impôts accroît le revenu national d’un montant égal à l’accroissement des dépenses publiques. L’effet multiplicateur n’est pas nul, car le budget de l’État n’est pas neutre. En d’autres termes, un accroissement de dépenses et un accroissement de recettes d’égal montant ne se neutralisent pas quant à leur impact sur le revenu national : la demande globale et le revenu national sont durablement accrus d’un
montant égal à .G
EXERCICE
Soit la fonction de consommation keynésienne, affine, suivante :
C = 350 + 0,65 Y
Questions :
1. Qu’indiquent les variables C et Y ?
2. Que représentent les nombres 350 et 0,65 ?
3. Trouvez la fonction d’épargne en la dérivant de la fonction de consommation : C =
350 + 0,65 Y.
4. Déterminez les niveaux de consommation et d’épargne lorsque Y = 800, puis Y =
1000 et ensuite Y = 1200. Établir, pour chaque cas de figure, le compte du secteur
institutionnel « Ménages ». Interprétez les résultats obtenus.
5. Représentez sur le même graphique les fonctions de consommation et d’épargne
affines.
6. Calculer les propensions moyenne et marginale à consommer pour Y = 800, 1000 et
1200. Interprétez.
Réponse :
1. C indique la consommation finale des ménages et Y indique le revenu disponible.
2. 350 et 0,67 représentent respectivement la consommation incompressible (ou autonome) et la part du revenu consacrée à la consommation (ou la propension marginale à consommer).
3. Nous savons que le revenu se répartit entre la consommation finale et l’épargne :
Y C S S Y C En effet, la fonction d’épargne se définit de la manière suivante :
350 0,65 0,35 350Y Y S S Y
4. Le tableau suivant consigne les valeurs de C et S pour les trois valeurs de Y :
Y C S
800 870 -70
1000 1000 0
1200 1130 70
Le compte du secteur institutionnel « Ménages » se présente dans les trois cas comme suit :
Chapitre 3 : Le modèle keynésien simplifié
Emplois Ressources C = 870 Y = 800 S = – 70 800 800 Emplois Ressources C = 1000 Y = 1000 S = 0
Emplois Ressources C = 1170 Y = 1200 S = 70 1200 1200
1000 1000
Le premier cas (Y = 800) présente une insuffisance de revenu. Le revenu dont
dispose les ménages ne suffit pas à combler toutes les dépenses de consommation
finale. Les ménages sont obligés de recourir à la désépargne de 70 pour satisfaire
leur besoins en consommation. Dans le second cas, le niveau de revenu de 1000
permet justement de satisfaire les besoins de consommation. Il en découle une
épargne nulle. Dans ce cas, nous sommes en présence du seuil de rupture, une
phase charnière entre la désépargne et l’épargne positive. Dans le troisième cas, les
ménages dégagent une épargne positive de 70. Leur revenu qui est de 1200 permet
à la fois de combler et de satisfaire les besoins de consommation des ménages et de
dégager une épargne de 70.
5. Pour représenter les deux fonctions de consommation et d’épargne, il suffit de
tracer dans un diagramme à 90° (sur l’axe des abscisses le revenu et sur l’axe des
ordonnées la consommation et l’épargne) les droites des deux fonctions (ce sont
des fonctions affines, linéaires).
6. Calcul des PMc et Pmc pour Y = 800, 1000 et 1200 et leur signification :
a. La propension moyenne à consommer : Pour Y = 800 : PMc = C/Y = 870/800 = 1,0875 Pour Y = 1000 : PMc = C/Y = 1000/1000 = 1 Pour Y = 1200 : PMc = C/Y = 1130/1200 = 0,94
b. Les deux propensions marginales à consommer :
Pmc = ΔC/ΔY = (1000 – 870) / (1000 – 800) = 0,65 Pmc = ΔC/ΔY = (1130 – 1000) / (1200 – 1000) = 0,65
On remarque que les propensions moyennes à consommer baissent reflétant la
loi psychologique keynésienne de consommation, c’est-à-dire que la part de la
consommation dans le revenu baisse avec l’augmentation de revenu. Dit
autrement, lorsque le revenu augmente, la consommation augmente mais d’une
proportion inférieure à celle de revenu.
On remarque aussi que la propension marginale à consommer est inférieure à
l’unité. Cela confirme le principe énoncé dans le cadre de la loi psychologique
keynésienne de consommation.
Chapitre 3. Équilibre keynésien de sous-
emploi et modélisation IS/LM
Le modèle IS/LM est dû à deux auteurs atypiques, difficilement classables que
sont Hicks et Hansen. Les deux auteurs adoptent une approche dite de synthèse,
une synthèse néoclassique du keynésianisme. Cette synthèse combine deux idées
essentielles : l’une purement néoclassique, à savoir l’idée selon laquelle « toute
l’épargne est investie », l’autre keynésienne selon laquelle le mécanisme
économique à l’origine d’une possible lutte contre le chômage est celui privilégiant
la relance par la demande. Le modèle IS/LM est conçu dans le cadre d’une
économie fermée.
Hicks, J.R., “Mr. Keynes and the “Classics”: A Suggested Interpretation”, Econometrica,
Volume 5, n°2, 1937, pp. 147-159.
Le modèle IS/LM tente de présenter sous forme de graphiques les conditions
d’équilibre sur le marché des biens (IS) et sur le marché de la monnaie (LM).
Quand il y a équilibre sur ces deux marchés, mais l’équilibre ne correspond pas
nécessairement au plein-emploi. Il s’agira alors d’examiner les politiques
conjoncturelles permettant de se rapprocher du plein-emploi.
Section 1. Les conditions d’équilibre sur le marché des biens et services
Sur le marché des biens et services, pour qu’il y ait équilibre, il faut que
l’épargne soit égale à l’investissement. Parallèlement, on pose que pour Keynes,
l’investissement est fonction du taux d’intérêt tandis que la consommation est
fonction de revenu.
On a par conséquent :
(1) SIICY (équation de définition : il
s’agit d’une condition néoclassique relatant le fait que toute l’épargne est investie ; l’équation de base étant :Y C S ) ;
(2) cYCC 0 avec 10 c (relation de
comportement) ;
(3) giII 0 avec 0g (relation de
comportement et g est la propension
marginale à investir, c’est-à-dire, la variation de l’investissement par rapport à la variation du taux d’intérêt).
Il faut noter que dans cette dernière relation de comportement, il y a deux
types d’investissement : un investissement 0I indépendant de taux
d’intérêt et un investissement qui est une fonction décroissante de taux d’intérêt ( 0g ).
En remplaçant dans Y, C et I par leurs valeurs, on a :
(2) giIcYCY 00
D’où :
giICcY 00)1(
Et la relation implicite : c
ICi
c
gY
1100 (5)
que l’on peut également écrire sous la forme :
(6) Yg
c
g
ICi
100 qui est la forme générale i = a –
bY
avec : g
ICa 00 et
g
cb
1
A partir des formulations ci-dessus, on peut déduire immédiatement le signe de la pente ; on a en effet :
(7) 0/)1(/ gcdYdi puisque 0g et 10 c
La relation IS est alors représenté dans le plan (i, Y) par une droite décroissante comme sur le graphique ci-dessous :
i
g
IC 00
IS Yg
c
g
ICi
100
0 c
IC
100 Y
La courbe IS et l’équilibre sur le marché des biens.
On note que si 0I s’accroît, l’ordonné à l’origine s’accroît aussi et la droite
se décale vers la droite. De même si 0g (le taux d’intérêt n’exerce
aucune influence sur le niveau de l’investissement), la droite IS est alors
représentée par l’équation )1/()( 00 cICY qui est une droite parallèle
à l’axe des ordonnées. Section 2. Les conditions d’équilibre sur le marché de la monnaie Qui dit équilibre sur le marché de la monnaie dit qu’il y a une offre et une demande de monnaie ; ce qui constitue une rupture majeure avec la tradition néo-classique pour laquelle la monnaie ne pouvait jamais être demandée en tant que telle mais simplement pour acheter d’autres biens. La monnaie est conçue alors pour être un voile. La demande de monnaie n’étant envisagée que comme une modalité détournée et indirecte de la demande de biens que l’on ne pouvait acquérir directement.
• Selon Keynes, la monnaie peut être demandée pour elle-même et pas seulement
pour acheter d’autres biens, il y a une demande de monnaie aux motifs spécifiques.
2.1. Les motifs de la demande de monnaie
Keynes indique quatre motifs à la demande de monnaie :
le motif de revenu ou de transaction: les dépenses sont échelonnées dans le temps
et les revenus, en attente d’être utilisés, sont donc conservés sous forme liquide ;
le motif d’entreprise : il est l’équivalent du motif de revenu pour les ménages.
L’entreprise conserve des liquidités (encaisses monétaires);
le motif de précaution : la monnaie sert à faire face aux aléas (achats futurs
importants ou nécessaires, maladies, dépenses non prévisibles) de la vie
quotidienne ;
le motif de spéculation : les agents économiques conservent de la monnaie sous
forme liquide pour effectuer des achats d’obligations.
le motif de finance: La monnaie est utilisée comme un moyen de financement sur
les marchés monétaires et de la dette.
2.2. La fonction de demande de monnaie
Keynes est amené à présenter, en première approximation, une fonction de
demande de monnaie notée L composée de deux fonctions L1 et L2 qui s’ajoutent,
soit : L = L1 + L2.
La première composante, notée L1, représente les quantités de monnaie demandées
par les agents économiques à la fois pour le motif de revenu et d’entreprise (que
l’on regroupe souvent sous l’appellation de demande de transaction ou encaisse de
transaction) et le motif de précaution. Cette demande ne subit pas l’influence du
taux d’intérêt ; elle dépend du revenu ; ce que l’on écrit :
L1 = L1 (Y) avec L’1 > 0.
La deuxième composante, notée L2, représente la demande de monnaie pour la
spéculation ; elle dépend du taux d’intérêt, la fonction étant décroissante soit : L2 =
L2 (i) avec L’2 < 0.
Keynes pense qu’il existe un taux d’intérêt minimum (noté im) en dessous
duquel le taux d’intérêt du marché ne peut pas baisser (Keynes estime qu’il peut
être de l’ordre de 2%). L’explication se trouve dans la liaison inverse entre taux
d’intérêt et niveau des titres ; quand le taux de l’intérêt est très faible (2%), le cours
en bourse est très élevé et il n’est pas raisonnable d’espérer des plus-values
supplémentaires. Cette situation se caractérise le plus souvent par une récession
économique et par une certaine morosité dans les affaires. Les agents économiques
préfèrent thésauriser aux dépens de l’investissement.
La décroissance de L2 en fonction du taux d’intérêt ne vaut donc que pour un
niveau de l’intérêt supérieur à im, seuil pour lequel la demande de monnaie devient
infiniment élastique par rapport au taux de l’intérêt (the liquidity trap). Mais on
peut également envisager la situation inverse, celle où le taux d’intérêt atteint un
niveau (iM) tel que la demande aux fins de spéculation s’annule ; les agents
économiques, compte tenu du niveau élevé de la rémunération offerte pour les
placements et du bas prix des titres renoncent à toute détention de monnaie aux fins
de spéculation (speculation).
i iM iYL pour ),( Mm iii
im L1(Y) L
La courbe de la fonction de demande de monnaie.
Pour ,Mii 0)(2 iL et donc )(1 YLL qui ne dépend pas du taux
d’intérêt mais du seul niveau de revenu et de production ; ce dernier étant fixe en courte période, la courbe de demande de monnaie en fonction du taux de l’intérêt est donc représentée par une parallèle à l’axe des ordonnées dont l’abscisse dépend de la quantité de monnaie demandée pour le motif de transaction et de précaution ;
Pour ,mM iii en posant par exemple une fonction de demande de
monnaie linéaire, il vient :
iYLLL 21
Pour ,mii la demande devient infiniment élastique par rapport au
taux de l’intérêt et peut donc être représentée par une droite parallèle à l’axe des abscisses. N.B. Avec des hypothèses moins simplificatrices quant à la forme des
fonctions, on aurait une demande de monnaie de type ci-dessous :
i iM ),( iYLL im L
La courbe d’une fonction de demande de monnaie concave.
2.3. Offre de monnaie et équilibre sur le marché monétaire
L’offre de monnaie est la quantité de monnaie offerte, mise à la disposition du
public, des utilisateurs éventuels du système bancaire (banque centrale et banques
commerciales). Elle ne dépend pas du taux d’intérêt ; on peut donc la représenter
dans le plan (i, Y) par une perpendiculaire à l’axe des abscisses.
M2 M1 i2 M M3 M4 M5 i1 i i3 ),( iYLL im L Restriction Expansion monétaire monétaire
Offre de monnaie et équilibre sur le marché monétaire.
Sur le marché monétaire, il y a équilibre entre l’offre de et demande de
monnaie ; sur le graphique, cet équilibre correspond à i. on a supposé par ailleurs,
ici, que la banque centrale contrôle complètement les conditions d’émission de la
monnaie. Lorsque le taux d’intérêt atteint le seuil de im, toute quantité de monnaie
supplémentaire tombe dans une trappe, disparaît sans modifier le taux d’intérêt. Les
agents préfèrent garder de la monnaie sous forme liquide que de la placer avec un
taux très faible.
2.4. La courbe LM
Les coordonnées des points d’intersection des courbes d’offre et de demande
dépendent de la préférence pour la liquidité et de l’offre de monnaie.
Puisque la demande de monnaie L dépend à la fois de i et de Y, alors que l’offre de
monnaie M est indépendante de ces deux variables, il est impossible de définir
l’ensemble des couples (i, Y) tel que L = M ; c’est cette condition qui définit la
relation LM. On a donc l’ensemble d’équations suivant :
a) L = M
b) 21 LLL (La demande de monnaie peut s’exprimer en termes
réels L/P et on peut des fois lui adjoindre une demande incompressible de monnaie (L0), donc, elle peut finalement s’écrire :
0 1 2( ) ( )L L L Y L i )
iYL pour ,mM iii
avec 0
Y
L et 0
i
L
c) :OMM l’Institut d’émission (Bank Al-Maghrib) a la maîtrise
complète de l’offre de monnaie et la fixe au niveau ).OM
i iM LM
im YM
i O
OM
MY Y
i LM i (Y) im
O
M
MY Y
La courbe LM et l’équilibre entre offre et demande de monnaie.
Il vient :
OMiY pour Mm iii
D’où dans ce même intervalle :
iMY O
YM
i O
; soit 0
dY
di
La relation LM est donc croissante pour Mm iii ; lorsque ,Mii on sait
que L2 devient nul, d’où /OM MY dont la représentation est une droite
parallèle à l’axe des ordonnées.
En outre, quand ,mii la demande de monnaie devient infiniment
élastique par rapport aux variations du taux de l’intérêt (le taux de l’intérêt
ne peut descendre en dessous de );mi la courbe LM est alors représentée à
ce niveau par une droite parallèle à l’axe des abscisses et d’ordonnée .mi
Ce tracé de la courbe LM s’explique sans difficulté. Lorsque le revenu et l’activité Y sont faibles, il faut relativement peu de monnaie pour assurer les transactions. Puisque l’offre de monnaie est constante (au niveau
),OM une quantité importante de monnaie 1 2OM L L est disponible
pour alimenter les encaisses de spéculation. Plus l’activité est faible, plus les encaisses de spéculation pourront être élevées, plus le taux de l’intérêt sera bas. (Sous réserve bien entendu de l’existence de la trappe à liquidités,
d’un niveau minimum du taux de l’intérêt ).mi
Avec le développement du niveau de l’activité, le taux d’intérêt croît jusqu’à
atteindre iM, seuil supérieur pour lequel toute l’encaisse de spéculation
disparaît ; toute la monnaie est alors absorbée par les besoins de transaction ;
dans cette situation, il y aurait pénurie de monnaie, en ce sens que le niveau
d’activité est limité, borné par la quantité de monnaie disponible pour les
transaction ; (il faut supposer que l’on est toujours en situation de sous-emploi ;
si le seuil de plein- emploi YPE était atteint avant, l’arrêt de l’expansion
découlerait non de l’insuffisance de la quantité de monnaie, mais des limitations
dans les capacités de production disponibles).
Section 3. Équilibre conjoint des marchés
Les analyses précédentes ont pour objet de montrer l’équilibre pour chaque
marché (marché de biens et services et marché de la monnaie) dans le cadre de
plan (i, Y). L’existence de l’équilibre sur les deux marchés ne garantit en rien
l’existence de l’équilibre sur le marché de travail. Il y aura au contraire un
équilibre de sous-emploi.
i LM
i IS
Y PEY Y
Équilibre conjoint sur les deux marchés de biens et services et monétaire.
Le point d’intersection entre les deux courbes (qui sont des droites) représente le couple unique de valeurs de Y et de i assurant à la fois l’équilibre sur le marché des produits (biens et services) et sur le marché de la monnaie ; selon les intuitions de Keynes, il s’agit bien de l’équilibre
de sous emploi ; YYPE étant l’écart déflationniste (de récession ou de
chômage). Cette situation de l’équilibre de sous emploi a été remarqué par Keynes dans les années 1930 aux Etats-Unis et en Europe. Pourquoi cet équilibre est-il stable ? Pourquoi le déséquilibre sur le marché de l’emploi ne se résout-il pas de lui-même ? 3.1. La rigidité des salaires à la baisse est-elle responsable du chômage ? Le profit des entreprises est le suivant :
wNpQ ;
En d’autres termes, le profit est égal à la quantité Q multipliée par le prix p ; le tout diminué du salaire versé w multiplié par la quantité de travail N.
Les profits seront maximums pour un nombre de travailleurs employés tels que ,0/ dNd soit :
0;Npf w c’est-à-dire, le prix multiplié par la productivité marginale de
travail moins le salaire est égal à zéro. Dans ce cas, le prix de vente est égal au coût de revient. Cette dernière équation peut s’écrire de la manière suivante :
Nfp
w ;
p
w étant le salaire réel.
La condition de maximisation du profit indique donc qu’il doit y avoir égalité entre le salaire réel et la productivité marginale du travail. Comme
la productivité marginale du travail diminue avec l’emploi ( 0Nf ), il
s’ensuit que l’accroissement de l’emploi nécessite l’abaissement du salaire
réel (la relation entre le nombre de travailleurs demandés DN et le salaire
réel est représentée par une droite sur le graphique ci-dessous).
p
w
1
p
w
pw
fNO
p
w
pw
N D
1DN N 1
ON N
Équilibre sur le marché du travail et position néoclassique.
Nous avons :
p
wND avec 0 ; cela veut dire que la demande du travail
(qui émane des entreprises) est fonction décroissante du salaire réel ;
p
wfNO avec 0f ; cela veut dire que l’offre du travail (qui
émane des travailleurs) est fonction croissante du salaire réel. Il y a équilibre sur le marché de l’emploi pour un niveau de salaire réel
.
p
w
Explication du graphique :
Au niveau du salaire ,1
p
w la quantité de travailleurs demandée par les
entreprises est 1DN inférieure à l’offre de travail 1
ON ; il y a donc une
situation d’insuffisance de la demande (ou d’excès d’offre) ; le nombre de travailleurs désireux de travailler au taux de salaire considéré est supérieur au nombre de postes de travail proposés par les entreprises à ce même niveau de salaire. Cette situation doit se résoudre par une
diminution du prix : quand le salaire est revenu au niveau ,
p
w le
marché se trouve en équilibre ; le chômage a disparu par l’ajustement qui s’est produit sur le niveau du salaire réel. Pour les néoclassiques, ce sont les rigidités du salaire à la baisse qui sont responsables du chômage ; le salaire est très élevé, les organisations syndicales trop exigeantes (rigidités institutionnelles) ; l’ajustement à la baisse du salaire ne pouvant être réalisé, il apparaît un chômage : il s’agit du chômage « volontaire » car les travailleurs n’acceptent pas de travailler avec un salaire qui reflète la
situation du marché du travail ; d’où un chômage 1DN 1
ON .
3.2. La position de Keynes La rupture essentielle avec la théorie néo-classique est que Keynes constate que les contrats de salaire portent sur les salaires nominaux et non sur les
salaires réels. L’offre de travail dépend donc du salaire nominal )( 0w et
non du salaire réel )/( 00 pw où 0p est le niveau des prix. Au niveau du
salaire )( 0w , l’offre du travail est infiniment élastique entre 0 et .N Ce qui
signifie qu’en dessous de ce seuil, le salaire nominal )( 0w et donc le salaire
réel )/( 00 pw sont indépendants du niveau de l’emploi ; une baisse de
l’emploi est sans conséquence sur le salaire. Par contre, bien que le salaire monétaire ne puise diminuer, il augmentera quand tous ceux désireux de
travailler à 0ww auront été employés et que davantage de travailleurs
sont nécessaires. En conséquence, la courbe d’offre de travail est fortement
croissante au-delà de .N Sur le graphique ci-dessous, la courbe de demande de travail coupe la courbe d’offre dans sa portion horizontale ; il est tentant (séduisant) de
voir dans l’écart NN1 une mesure de chômage, du nombre de travailleurs
souhaitant travailler à ce niveau de salaire )( 0w et ne trouvant pas de
travail.
p
w
0p
wfN O
0
0
p
w
0p
wN D
1N N N Équilibre sur le marché du travail et position néoclassique.
Deux remarques quant à la position réfutable de l’approche néoclassique de
Keynes peuvent être avancées :
non seulement Keynes ne dit pas qu’il faut que les salariés acceptent des baisses de
salaire pour augmenter l’emploi mais il ajoute qu’il est heureux que les salariés
s’opposent aux réductions de salaire. A la différence de l’analyse néoclassique, les
causes de chômage se situent non sur le marché de l’emploi, mais sur celui des
biens et services et sur celui de la monnaie ;
en opposition avec ses prédécesseurs néoclassiques, Keynes affirme que l’essentiel
du chômage ne peut être considéré comme « volontaire » mais au contraire
« involontaire ».
0p
wfN O
p
w
0p
wfN O
DN
0
0
p
w
p
w
0
1N 2N N N
Équilibre sur le marché du travail et position keynésienne.
Selon Keynes : « il existe des chômeurs involontaires si, en cas d’une légère hausse du prix des biens de consommation ouvrière par rapport aux salaires nominaux, l’offre globale de main d’œuvre disposée à travailler aux conditions courantes de salaire et la demande globale de main d’œuvre aux mêmes conditions s’établissent toutes deux au-dessus du niveau antérieur de l’emploi ». Explication du graphique : Que se passe-t-il s’il y a une légère hausse du prix des biens de
consommation ouvrière de 0p à p ? Les salaires nominaux restant
constants, la courbe d’offre de travail ON se déplace vers le bas, la courbe
de demande de travail DN reste au même niveau. Dans ces conditions, la
quantité de main-d’œuvre utilisée est plus élevée que dans le cas
précédent );( 12 NN dans ce cas il existait bien du « chômage
involontaire ». Envisageons maintenant une situation, représentée sur le graphique suivant :
NO
p
w
DN
0
0
p
w N’O
p
w
0
DN 2N 1N N N
Hausse des prix, impact sur la demande du travail selon les néoclassiques.
Explication : La légère hausse du prix des biens de consommation ouvrière entraîne comme dans le cas précédent, un déplacement vers le bas de la courbe d’offre de travail ; mais la courbe de demande de travail se déplace
également vers la gauche (en DN ) car la hausse des prix des biens de
consommation ouvrière a réduit le pouvoir d’achat des travailleurs et donc la demande de biens de consommation (la courbe de demande de travail n’est qu’une courbe de demande dérivée : les entreprises ne demandent de travail que parce qu’il y a une demande de biens à satisfaire). La quantité de travail effectivement employée après cette double modification est ici
encore 2N mais cette fois on a ;12 NN ici il n’y a donc pas de chômage
involontaire. Autrement dit, la seule observation de la situation initiale des courbes ne permet pas de déduire l’existence de chômage involontaire.
3.3. L’inefficacité de la politique néoclassique des ajustements par les prix
Le retour au plein emploi selon les néoclassiques ne peut se faire que par la
baisse des prix sur tous les marchés. Il s’agit d’une baisse profitable pour les
salariés puisque ceux-ci peuvent demander plus de biens et services sur le marché
des produits. Ceci peut engendrer une augmentation de production. Le graphique
suivant montre à travers les courbes IS/LM comment on parvient à augmenter le
niveau de l’emploi et de revenu (en particulier le salaire réel, c’est-à-dire, le
pouvoir d’achat des travailleurs).
LM0 i LM1 LM2 IS
0Y 1Y 2Y PEY Y
L’influence de l’expansion monétaire sur la baisse des prix et l’augmentation de l’emploi.
Explication du graphique :
Le déplacement de la courbe LM n’est pas synonyme de l’expansion monétaire.
La baisse des prix a engendré une augmentation de l’encaisse réelle (M/p). Ceci
veut dire tout simplement que le pouvoir d’achat des consommateurs a augmenté.
Ceci peut se réaliser à condition qu’il n’y ait pas d’illusion monétaire (c’est-à-dire,
une baisse des prix qui est suivie d’une baisse des salaires plus importante).
La position keynésienne est que cette politique de baisse des prix ne peut être
efficace à cause de la trappe à la liquidité (causée par un niveau le plus bas de taux
d’intérêt). Ceci a pour conséquence la rigidité de l’investissement ou son
inélasticité.
i LM0 LM1 LM2
Y PEY Y
L’inefficacité de la baisse des prix selon les keynésiens.
Explication du graphique :
A un certain seuil de taux d’intérêt, le plus faible (le minimum qui correspond
à la trappe à la liquidité), toute baisse de prix devient inefficace car deux
phénomènes peuvent en résulter :
baisse de la consommation suite à la baisse des revenus à cause du niveau bas
des taux pratiqués sur les placements à termes et à cause aussi du manque de
confiance dans l’achat des obligations à prix très élevés ;
baisse de l’investissement qui provient notamment du manque de confiance de
public dans le système de production et d’épargne.
La solution keynésienne, en matière de politique économique, consiste alors
non pas à faire baisser les prix, mais faire augmenter les quantités. C’est donc le
principe de soutien à la demande effective. A cet effet, deux politiques peuvent
être à l’origine de cette politique économique : la politique budgétaire (et fiscale)
et la politique monétaire (et financière).
Cas N° 4
Soit une économie keynésienne fictive se caractérisant par les relations entre les variables macroéconomiques exprimées dans les équations suivantes:
0
0
0
1
2
0,7 150
5880 350
550
750
7500
( ) 1,5
( ) 7350 150
d
S
C Y
I i
G G
T T
M M
L Y Y
L i i
a. Déterminer l’équation de la droite IS.
b. Déterminer l’équation de la droite LM.
c. Montrer que le couple d’équilibre de cette économie est (Y* = 108,37 ; i* = 8,37%).
En supposant qu’un revenu d’équilibre de 300 permettrait d’employer la totalité du capital humain de cette économie, une politique monétaire
expansive augmentant l’offre de monnaie de : 150SM suffirait-elle à
résorber totalement le chômage involontaire ?
Correction Cas N° 4 :
a. Il faut tout d’abord définir les fonctions des courbes (droites dans notre cas) IS et LM : - la droite IS est l’ensemble des couples Taux d’intérêt/Revenu pour lesquels le marché des Biens et Services est à l’équilibre. Sur ce marché, le Taux d’intérêt est la variable déterminante et le Y la variable déterminée : lorsque le Taux d’intérêt varie, cela influence l’investissement et de facto le
revenu. - IS : Y = C + I + G
0 0
0 0
0 0
( )
(1 )
(1 )
Y C c Y T I gi G
c Y C I G cT gi
C I G cT giY
c
La courbe IS peut s’interpréter ici de deux manières équivalentes :
Interprétation keynésienne : C’est le niveau de produit (ou de revenu) Y qui
équilibre le marché des biens étant donné le niveau de taux d’intérêt i. C’est alors le
niveau de l’épargne S qui s’ajuste au niveau de l’investissement I afin que soit
respectée l’égalité comptable Y = C + I + G, c'est à dire, S = I + (G - T).
Interprétation néoclassique : C’est le niveau du taux d’intérêt i qui équilibre le
marché des biens étant donné le niveau du produit (ou de revenu) Y. C’est alors le
niveau de l’investissement I qui s’ajuste au niveau de l’épargne S afin que soit
respectée l’égalité comptable Y = C + I + G, cd, S = I + (G - T).
Application numérique :
150 350 550 0,7 750 5880
(1 0,7)
525 58801750 19600
0,3
1750 19600
iY
iY i
Y i
b.
- la droite LM est l’ensemble des couples Taux d’intérêt/Revenu pour lesquels le
marché de la monnaie est en équilibre. Comme Y est déterminé sur le marché des
biens et services, sur le marché monétaire, le Taux d’intérêt devient la variable
endogène (déterminée) et Y la variable exogène (déterminante) : lorsque Y varie, la
demande de monnaie de transaction en est affectée, ce qui se répercute sur le Taux
d’intérêt.
La demande de monnaie : (elle peut s’exprimer aussi en termes réels L/P et on peut
des fois lui adjoindre une demande incompressible de monnaie (L0), donc, elle
peut finalement s’écrire : ).
L’offre de monnaie est parfaitement exogène : Bank Al c'est à dire en assure
parfaitement le contrôle :
0 1 2
2 0 1
( ) ( )
( ) ( )
S D
S
S
M M
P PM
L L Y L iP
ML i L L Y
P
L’équilibre sur le marché de la monnaie est alors celui qui assure l’égalité entre
l’offre de monnaie réelle et la demande de monnaie réelle :
Si 2 0,L on aboutit alors à l’expression de la courbe LM (qui est un
ensemble de points exprimant les couples (i, Y)) suivante :
0 1
2 2 2
1 SL MLi Y
L L L P
Application numérique :
7500 1,5 7350 150
0,01 1
100 100
S DM M
Y i
i Y
Y i
c. Pour montrer que le couple (Y* = 108,37 ; i* = 8,37%) est l’équilibre de cette économie à travers sa représentation par le modèle IS/LM, il suffit d’égaliser les deux équations des deux courbes IS et LM. En effet, on a :
: 1750 196000,0837 8,37% 108,37
: 100 100
IS Y ii Y
LM Y i
d. Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord définir le chômage volontaire. Ce dernier désigne une situation dans laquelle l’individu accepterait de travailler au salaire existant (courant, d’équilibre), mais ne se trouve pas à être embauché. Pour les néoclassiques, une réduction supplémentaire du salaire d’équilibre conduirait automatiquement à une réduction du chômage involontaire. Pour les économistes keynésiens, cette solution n’est valable qu’en équilibre partiel (sur un seul marché, celui de l’offre et de la demande du travail), ne durera que brièvement, ne touchera en réalité que très peu d’actifs au chômage. Elle est donc tronquée. Car, dès lors que cette situation n’a plus cours, la baisse du salaire peut affecter la demande globale et conduire les entreprises à licencier. De même, il semble logique selon les keynésiens que la source du chômage ne se trouve pas sur le marché du travail ; il faut la situer sur les marchés des biens et services et de la monnaie.
Alors, si nous utilisons l’arme monétaire en augmentant l’offre de monnaie afin de réduire les taux d’intérêt et de relancer l’activité à travers la relance de la demande effective dans sa composante essentielle, c’est-à-dire,
l’investissement. Donc, désormais, SM augmentera de 150 et passera à:
0 7650SM M
Retrouvons donc le nouvel équilibre sur le marché de la monnaie :
7650 1,5 7350 150
0,01 2
200 100
S DM M
Y i
i Y
Y i
Nous cherchons maintenant le nouvel point d’équilibre correspondant à l’intersection entre la courbe IS et la courbe LM. Nous égalisons en effet les deux équations des deux courbes IS et LM. On a :
: 1750 196000,0794 7,94% 207,94
: 200 100
IS Y ii Y
LM Y i
Nous constatons que cette expansion monétaire de 150 qui a permis effectivement une baisse de taux d’intérêt de 0,43% n’a pas suffit à atteindre le niveau du revenu souhaitable (300), càd, celui permettant le plein emploi du facteur travail.
Chapitre 4. Le modèle IS/LM en Économie
Ouverte
Jusqu’à une date assez récente, les thérapeutiques keynésiennes de politique
économique s’appliquaient avec succès pour un bon nombre de pays occidentaux.
Les économies de ces pays juste sorties de la seconde guerre mondiale étaient
complètement épuisées et détruites. Elles se sont trouvées dans une atmosphère
caractérisée par un repli et une quasi-fermeture sur le monde extérieur. En effet,
durant les trente glorieuses, toute politique utilisant le budget (politique
budgétaire) ou l’arme monétaire (politique monétaire expansive) était conçue,
même appuyée par des plans extérieurs de restructuration et d’aide, dans une
atmosphère de guerre idéologique et politique (guerre froide, etc.). Les effets
positifs de toute intervention de l’État utilisant ces instruments de politique
économique étaient ressentis localement.
Mais, avec la montée de la mondialisation économique, l’intensification des
échanges commerciaux et la globalisation financière (mobilité de capitaux) durant
les années 1980 et 1990, les économies développées et moins développées de
l’après-guerre acceptaient de s’ouvrir de plus en plus sur le monde extérieur.
Le propos de Robert Mundell selon lequel : « le monde reste une économie
fermée, mais ses régions et pays sont de plus en plus ouverts… », reste toujours
d’actualité. L’ouverture économique et commerciale était et est considérée comme
une nécessité. Le « Big Bang » financier de la City (place financière de Londres),
les innovations financières introduites sur les marchés de capitaux américains,
l’engouement pour l’endettement souverain mais aussi privé a permis une
intégration financière sans précédent, tant avec ses avantages que ses
inconvénients.
L’objet de ce chapitre est de traiter ou d’étudier les politiques conjoncturelles
(politique budgétaire et politique monétaire) dans le cadre d’une petite économie
ouverte avec mobilité parfaite et sans restriction des capitaux et où le niveau du
taux d’intérêt national est déterminé par un taux qui prévaut au niveau
international.
Robert Mundell dans son article de 1963 « Exchange Rate Depreciation, Financial
Policy and the Domestic Price Level » et Marcuse Fleming dans son article de
1962, « Capital Mobility and Stabilization Policy under Fixed and Flexible
Exchange Rates », ont indépendamment exposé et étendu le modèle IS/LM à une
économie ouverte.
Comme le modèle IS/LM, le modèle Mudell-Fleming fait l’hypothèse forte de
l’érogénéité de l’inflation à court terme. Autrement dit, le niveau des prix est une
donnée, est une variable exogène, explicative du modèle. Cela permet d’étudier les
sources de fluctuations à court terme du revenu agrégé et partant de la demande
agrégée. De même, l’un des intérêts cruciaux du modèle de Mundell-Fleming est
que le comportement et l’évolution d’une économie quelconque dépendent de sa
capacité à gérer son régime de change.
Section 1. Le modèle de base de Mundell-Fleming
La formulation de Mundell-Fleming est une formulation d’équilibre général (ou
global) d’un pays avec une ouverture sur l’extérieur, couplée à la fois de
mouvements de biens et d’une mobilité parfaite de capitaux. La formulation
initiale est un modèle de synthèse néoclassique, Hicks-Hansen (IS/LM) en
économie ouverte.
Le début des années 1960 formait à peine une époque ayant permis une
croissance économique assez soutenue et quasiment dans tous les secteurs, le
niveau de vie des populations occidentales commençait à s’améliorer sensiblement.
Les échanges de marchandises entre pays était plus ou moins limité et concernaient
moins les produits manufacturés ; ils portaient essentiellement sur les matières
premières et les biens semi-finis. Les régimes de change étaient fixes. Le flux des
capitaux étrangers étaient très limité. La quasi-totalité des économistes
n’envisageaient pas d’étendre l’analyse de la politique économique dans un
système de change autre que celui jadis dominait à l’époque.
En revanche, une politique monétaire expansive devient, sous les mêmes
conditions, largement plus efficace. En effet, la baisse des taux d’intérêt consécutive
à une expansion de la masse monétaire décourage l’entrée des investissements de
portefeuille (obligations et bons d’État) et favorise la fuite de capitaux étrangers.
Cela entraîne en conséquence une baisse du taux de change de la monnaie nationale
qui, à son tour, relance les exportations et appelle la reprise de l’activité
économique.
Que se passe-t-il dans l’hypothèse d’un régime de change fixe ? Les effets de
toute action de politique économique conjoncturelle s’inversent : une politique
budgétaire expansive tend à rehausser le niveau des taux d’intérêt mais sans
conséquence sur celui du taux de change qui reste stable. Une politique monétaire
expansive fait baisser le taux d’intérêt qui engendre une sortie de capitaux sans pour
autant que le taux de change soit affecté. Le danger qui pourra éventuellement en
résulter demeure néanmoins la possibilité d’un épuisement, d’un tarissement total
des réserves.
L’hypothèse de fixité pure des monnaies semble aujourd’hui être révolue. Les
monnaies, dans leur fonctionnement, sont interdépendantes. Les monnaies
accessoirement fortes (l’euro, le yen, le franc suisse, la livre sterling, etc.)
dépendent étroitement de la monnaie la plus forte (le dollar). Celle-ci, en tant que
moyen de paiement le plus utilisé au niveau international oblige les autres devises à
s’y attacher, à exprimer une bonne partie de réserves mondiales de tous les pays du
monde en billet vert. Les rouages du SMI (système monétaire international) sont
fondés sur une unité de compte en premier et en dernier ressort sur le dollar. Même
les DTS (Droits de Tirage Spéciaux) sont exclusivement convertibles (ou
transformables) en dollar. Les monnaies les plus faibles (le Franc CFA, le Dinar, le
DH, etc.) n’existent et ne prévalent que localement pour servir d’instrument
d’échange pour les transactions internes. Les monnaies des pays émergents (Russie,
Chine, Inde, Brésil, Afrique de Sud, etc.) tentent de s’autonomiser mais avec
beaucoup de difficultés.
Il en découle que le système monétaire et de change mondial est amplement
hiérarchisé, à l’image d’une pyramide : au sommet, on trouve la bonne monnaie, le
dollar, au milieu (au flanc ?), les monnaies internationales peu utilisées comme
l’euro, le yen, la livre et le franc suisse, juste au-dessus de la base, les monnaies
régionales comme le rouble, le yuan, le ringgit, le rial, et à la base les monnaies
locales africaines, du monde arabe et des petits pays asiatiques et de l’Amérique
Latine.
Cette hiérarchisation monétaire en appelle une autre, la hiérarchisation financière et
de financement. Les marchés financiers américains (Wall Street) dominent les
autres marchés mondiaux.
Cette globalisation en chaîne de la finance de marché aboutit par l’ouverture
forcée à la dépendance financière (dette souveraine, paniques bancaires, recours à
l’emprunt en dernier ressort des instances internationales FMI et Banque Mondiale,
etc.) mais aussi commerciale.
L’hypothèse forte d’une petite économie totalement ouverte sur l’extérieur avec
une mobilité parfaite des capitaux
Dans cette économie, de taille petite, le taux d’intérêt national i est y déterminé en
se référant au taux d’intérêt mondial i* : i = i*
Le taux d’intérêt mondial i* est considéré pour cette petite économie ouverte
comme une donnée exogène dans la mesure où cette dernière ne peut exercer
aucune influence sur son niveau[1]. Elle peut en outre, à chaque instant qu’elle le
souhaitera, emprunter (et prêter) sans limite.
En revanche, des écarts d’ajustement peuvent être observés de temps à autre
entre i et i* : lorsque le niveau de l’épargne nationale est assez faible, le taux
d’intérêt i pourra en conséquence augmenter et s’écarter provisoirement du taux
mondial.
Et comme cette économie est largement ouverte sur l’extérieur, les capitaux
étrangers cherchant une meilleure rémunération peuvent s’affluer en profitant de la
hausse du taux. La conséquence en est le retour à l’équilibre de taux i pour s’ajuster
et se caler, toute chose égale par ailleurs, sur le taux i*. De même, lorsque le niveau
de l’épargne est assez important et celui de l’investissement est au contraire assez
faible (à cause du manque des opportunités d’investissement), cela entraîne
immédiatement une fuite (ou sortie) des capitaux induisant un réajustement du taux
d’intérêt national à la hausse pour retrouver son niveau d’équilibre : i = i*
[1] Une goute d’eau dans l’océan.
1.1.1. Les conditions d’équilibre sur le marché des biens et services : la courbe IS*
*, ,X YY C Y T I i G e M Y e
*,Y C Y T I i G XN Y e
[aa]
Suivant cette équation, le produit global (la production agrégée et implicitement le niveau global du revenu) est la somme de la consommation C (fonction de comportement), de l’investissement I (fonction de comportement), de la dépense budgétaire G et des exportations nettes XN. La consommation est une fonction croissante du revenu disponible. L’investissement est une fonction décroissante du taux d’intérêt. Les exportations nettes sont une fonction décroissante du taux de change e, défini, comme vu antérieurement, comme la quantité de devises étrangères par unité de monnaie nationale, soit, par exemple e = 100 dirhams par dollar.
Dans la littérature, il est commode de lier les exportations nettes d’importations au taux de change réel (TCR). Il est communément simple de distinguer le taux de change nominal qui est un taux exprimant le rapport entre la monnaie nationale et la devise étrangère du taux de change réel qui est un taux exprimant le rapport d’échange (exprimé en termes de prix relatifs entre les biens et services nationaux et les biens et services étrangers. Si e est le taux de change
nominal, le taux de change réel er est égal à : ,rPe e
P où P est le niveau
général des prix intérieurs et Pest le niveau général des prix étrangers. Dans le modèle Mundell-Fleming, on suppose constants les niveaux des prix intérieurs et étrangers. Cela nous amène à constater que le taux de change réel est proportionnel au taux de change nominal. Ainsi, si la monnaie nationale se déprécie et le taux de change nominal diminue en passant de 0,12 à 0,10 euro par dirham par exemple, le TCR diminue également et proportionnellement. En effet, les biens étrangers dans ce cas deviennent plus chers par rapport aux biens intérieurs et cela entraîne une amélioration des exportations et une chute des importations.
A partir de l’équation [aa], ci-dessus, en admettant que la mobilité des capitaux est parfaite (i = i*), l’équilibre sur le marché des biens et services est le suivant :
*Y C Y T I i G XN e [bb]
Cette équation, reflétant l’équilibre sur le marché des biens et services, peut être visualisée par une courbe reliant le revenu en abscisse et le taux de change en ordonnée :
Exportations Nettes, XN
Y1 Y2
e1
? XN
e1
e2 e2
Taux de change, e
Taux de change, e
Revenu, Production, Y
Revenu, Production, Y
Dépenses
Y2 Y1
Dépense prévue
Dépense effective
XN(e2) XN(e1)
IS*
45°
1. La hausse de taux de change…
2. fait diminuer les exportations nettes…
3. fait déplacer vers le bas la courbe de dépense prévue…
4. …et réduit le revenu.
5. La courbe IS* synthétise les variations de l’équilibre sur le marché des biens.
Fig. ??? La courbe IS* en économie ouverte.
Source : Mankiw, G., Macroéconomie, De Boeck, 2013, p. 416.
EXPLICATION : La courbe IS* se dérive ou se déduit à la fois de la courbe des exportations nettes et
du diagramme à 45°de l’équilibre keynésien. L’enchaînement (ou la logique) de cette déduction est le suivant : Toute hausse de taux de change de la monnaie nationale (de e1 à e2) entraîne une baisse des exportations nettes [voir le point A],
une baisse de la dépense prévue et de revenu [voir le point B]. Le point [C] synthétise cette relation
(illustrée dans la courbe IS*) entre le niveau du taux de change e et celui de revenu Y.
A. LE POINT DE
DEPART : LA
COURBE DES
EXPORTATIONS
NETTES
B. L’EQUILIBRE
KEYNESIEN : BAISSE DE LA
DEMANDE
EFFECTIVE
C. LA COURBE IS*
1.1.1. Les conditions d’équilibre sur le marché monétaire : la courbe
LM
A partir de l’équation de la courbe LM du modèle IS/LM en économie fermée, nous pouvons tirer l’équation qui représente la courbe LM (en termes réels) dans sa version Mundell-Fleming :
,M L i YP [cc]
Cette équation reflète l’équilibre sur le marché monétaire entre l’offre
réelle de monnaie (les encaisses réelles : MP ) et la demande de
monnaie ( , )L i Y . La demande de monnaie est une fonction décroissante
du taux d’intérêt et une fonction croissante de revenu : les agents demandent moins de monnaie lorsque le taux d’intérêt est élevé et demandent plus de monnaie lorsque le revenu est élevé. L’offre de monnaie est exogène car elle est supposée parfaitement déterminée par les autorités monétaires (la banque centrale) qui en compose la quantité d’une manière indépendante et neutre.
De même, étant donné que le modèle de Mundell-Fleming étudie les fluctuations économiques dans le cadre de court terme, il suppose de facto le caractère exogène du niveau général des prix. En effet, si i = i*, l’équation d’équilibre du marché monétaire se réécrit
comme suit :
*,M L i YP [dd]
LM Taux d’intérêt, i
Taux de change, e
LM*
Revenu, Production, Y
Revenu, Production, Y
i = i*
1. La condition d’équilibre du marché monétaire.
2. …avec le niveau du taux d’intérêt mondial, considéré comme exogène.
3. …déterminent le niveau du revenu indépendamment du taux de change.
Fig. ??? La courbe LM* en économie ouverte.
Source : Mankiw, G., Macroéconomie, De Boeck, 2013, p. 417.
EXPLICATION : Si le taux d’intérêt est supposé se caler sur le taux mondial (i devient de facto exogène) et la courbe LM conventionnelle coupe la droite (i = i*), cette intersection
détermine le niveau de revenu indépendamment du taux de change. L’équilibre sur le marché monétaire LM se détermine lui aussi d’une manière exogène et indépendamment du
niveau du taux de change.
1.1.3. Équilibre conjoint des marchés
En combinant les deux marchés (les deux équilibres ou les deux équations
d’équilibre des marchés) des biens et services et de la monnaie, nous obtenons le
modèle de base de Mundell-Fleming. Ce modèle décrit l’équilibre simultané d’une
petite économie ouverte sous l’hypothèse d’une parfaite mobilité des capitaux.
**
* *
:
, :
XN e ISY C Y T I i G
M L i Y LMP
Les variables exogènes dans les deux équations d’équilibre sont : G, T, M, P et
i*. Les variables endogènes sont : Y et e.
L’équilibre combiné des deux marchés nous renseigne sur l’état global, sous
l’ouverture et la parfaite mobilité des capitaux, des variables macroéconomiques ;
le point d’intersection des deux courbes (IS* et LM*) reflète un niveau de revenu
d’équilibre (et implicitement celui de la production) sous la condition d’un niveau
de taux de change d’équilibre.
Taux de change, e
LM*
Revenu, Production, Y
Taux de change d’équilibre.
Fig. ??? Equilibre conjoint dans le cadre du modèle de Mundell-Fleming
Source : Mankiw, G., Macroéconomie, De Boeck, 2013, p. 418.
EXPLICATION : L’équilibre conjoint des deux marchés, celui des biens et services et celui de
la monnaie détermine un niveau de revenu issu des conditions de production et de demande des biens au niveau national et international. La demande et l’offre des biens et
services au niveau international dépendent du niveau de taux de change de cette économie complètement ouverte, avec mobilité parfaite des capitaux.
IS*
Revenu d’équilibre.
Le modèle de Mundell-Fleming : le cas d’une petite économie ouverte
sous le régime de taux de change flottant
Une petite économie ouverte sur le monde doit mesurer l’impact de sa politique
économique, financière et commerciale sur l’ensemble des secteurs institutionnels
(agents économiques).
Une économie qui s’engage dans un processus d’intégration économique et
commercial international doit aussi s’engager dans un processus monétaire et de
change qui lui semble adapté pour réussir le pari de croissance et de
développement.
Le régime du flottement des monnaies est considéré comme le plus répandu parmi
les nations du monde.
Dans le cas d’un régime de flottement pur, le taux de change s’ajuste
automatiquement, par la voie de la loi de l’offre et de la demande, en réaction
spontanée et immédiate aux variations et aux changements dans les conditions
économiques. Un équilibre simultané sur le marché des biens et services et sur le
marché des capitaux s’en résulte. Par feed back (enchaînement circulaire), toute
variation engendrant un déséquilibre sur ces deux marchés (marché des biens et
marché des capitaux), aboutit par un mécanisme de transmission direct à un
changement dans la valeur d’équilibre e sur le marché de change.
La politique budgétaire
Le modèle de Mundell-Fleming précise qu’en régime de taux de change flottant,
toute politique budgétaire expansive (hausse des dépenses publiques ou baisse des
impôts) déplaçant la courbe IS* vers le haut et à droite n’a pas d’impact sur le
niveau du revenu qui demeure inchangé. La cause en est la verticalité de la courbe
LM*.
L’application de cette même politique budgétaire, expansive, dans le cadre d’une
économie fermée nous donne un effet contraire : une hausse de revenu. Le
mécanisme de cette élévation de revenu agit sur le niveau des taux d’intérêt qui ne
cesse d’augmenter entraînant de facto un accroissement de la demande de monnaie.
A l’opposé, dans le cadre d’une économie fermée, toute élévation du taux
d’intérêt national, i excédant le taux d’intérêt mondial i* entraîne un afflux massif
de capitaux étrangers sur le territoire national. Cet afflux massif entraîne en
conséquence une appréciation de la monnaie nationale, c’est-à-dire, un
accroissement du taux de change qui influe négativement sur les exportations (les
prix des biens intérieurs se trouvent renchéris) et sur le niveau des revenus.
L’impact positif d’une politique budgétaire expansive sur le niveau des revenus se
trouve neutralisé (compensé) par l’impact négatif du mouvement des capitaux sur
les exportations.
Taux de change, e LM*
Revenu, Production, Y
2…ce qui accroît le taux de change… d’équilibre.
Fig. ??? La politique budgétaire expansive en régime de flottement des monnaies
Source : Mankiw, G., Macroéconomie, De Boeck, 2013, p. 420.
EXPLICATION : Une hausse des dépenses budgétaires (ou une baisse des impôts), déplaçant
la courbe IS* en haut et à droite, engendre une hausse du taux de change et une stagnation
du niveau de revenu.
IS*1
3… et laisse le revenu inchangé.
IS*2
1. Une politique budgétaire expansive déplace la courbe IS* en haut et à droite…
La politique monétaire
Supposons un accroissement de l’offre de monnaie décidé par la banque
centrale. Supposons aussi que le niveau général des prix est resté constant (rigidité
des prix à la hausse). Dans ces conditions, toute offre supplémentaire de monnaie
induit un accroissement dans les encaisses réelles. D’un point de vue graphique,
cela se traduit par le déplacement à droite de la courbe (droite) LM qui engendre
en conséquence à la fois une hausse de revenu et une baisse du taux de change.
En économie fermée, le mécanisme de transmission qui permet la hausse du
revenu est la baisse du taux d’intérêt. En économie ouverte, ce sont les
mouvements de capitaux qui engendrent une hausse de revenu et une baisse du
taux de change ; le taux d’intérêt étant fixé et calé (tôt ou tard) sur celui observé au
niveau mondial.
Sur le court terme, si les autorités monétaires font tout pour que le niveau du
taux d’intérêt national baisse, la réaction des investisseurs internationaux est
immédiate : ils quittent avec leurs devises le territoire national à la recherche d’une
meilleure rémunération à l’étranger. Cette sortie immédiate de capitaux impacte et
empêche le taux d’intérêt national i de baisser en-dessous du taux d’intérêt mondial
i*. Comme la sortie de devises persiste sur le court terme, cela enclenche une
baisse du taux de change de la monnaie nationale et de facto une hausse des
exportations et une baisse des importations. Le résultat de ce processus en est la
hausse du revenu.
Taux de change, e
LM*1
Revenu, Production, Y
2. … ce qui réduit le taux de change…
Fig. ??? La politique monétaire expansive en régime de flottement des monnaies
Source : Mankiw, G., Macroéconomie, De Boeck, 2013, p. 421.
EXPLICATION : Une hausse de l’offre de monnaie déplace la courbe LM vers la droite, ce qui
réduit le taux de change et accroît le revenu.
IS*
3. … et accroît le revenu.
LM*2
1. Une politique monétaire expansive déplace la courbe LM* vers la droite…
La politique commerciale
Supposons que le gouvernement de cette petite économie ouverte décide de
mener une politique commerciale volontariste consistant à booster ses exportations
par le moyen d’une hausse des droits de douane (barrières tarifaires) ou par le
contingentement (barrières non tarifaires). Une réduction des importations est
synonyme d’un accroissement des exportations nettes. Provisoirement,
l’augmentation des exportations nettes engendre une hausse du revenu qui à son
tour entraîne une hausse de la demande de monnaie et parallèlement celle du taux
d’intérêt d’équilibre (i > i*). Cette hausse substantielle du i pousse les capitaux
étrangers à affluer sur le territoire national, ce qui, à terme, mène à l’égalisation
(retour à l’équilibre) du taux d’intérêt : (i = i*).
Graphiquement cela se traduit par le déplacement vers la droite de la courbe
des exportations nettes. Ceci impacte positivement le niveau des dépenses
publiques qui ne cessent d’augmenter entraînant par la même dynamique le
déplacement à droite de la courbe IS*. Mais, à cause de la verticalité de la courbe
LM*, pour l’unique raison de la rigidité du taux d’intérêt (qui se cale sur celui
observé au niveau mondial), le déplacement de la courbe IS* à droite n’engendre
qu’une augmentation du niveau de taux de change sans pour autant occasionner
un accroissement du revenu.
Taux de change, e
LM*
Revenu, Production, Y
3…et accroît le taux de change… d’équilibre.
Fig. ??? La politique commerciale de restriction des échanges en régime de flottement des monnaies
Source : Mankiw, G., Macroéconomie, De Boeck, 2013, p. 422.
EXPLICATION : Une hausse des droits de douane entraîne une hausse des exportations nettes et
fait déplacer la courbe IS* vers la droite causant par là une hausse du taux de change et laissant
inchangé le niveau de revenu.
IS*1
4… et laissant inchangé le revenu IS*
2
2. …ce qui déplace vers la droite la courbe IS*…
Taux de change, e
Exportations Nettes, XN
1. Une restriction des échanges déplace la courbe XN vers la droite…
XN2 XN1
Le modèle de Mundell-Fleming : le cas d’une petite économie ouverte
sous le régime de taux de change fixe
Le régime de fixité de change des monnaies est issu des accords de Bretton-
Woods. Ce régime consiste à fixer et surtout à défendre une parité fixe de la
monnaie nationale par rapport aux autres devises étrangères. La banque centrale est
là, sur le marché de change, en permanence pour soutenir par l’achat (lorsque le
cours de la monnaie nationale baisse) et par la vente (lorsque le cours de la monnaie
nationale augmente) de la monnaie nationale.
D’un point de vue technique, toute fixation du taux de change par les autorités
monétaires (la banque centrale) est source d’une détermination ou baromètre de
l’offre de monnaie. Deux cas peuvent se présenter : le cas où le taux de change de la
monnaie nationale devrait être fixé à un niveau supérieur à celui du taux de change
d’équilibre sur le marché et le cas où le taux de change de la monnaie nationale
devrait être fixé à un niveau inférieur à celui du taux de change d’équilibre.
Taux de change, e
Revenu, Production, Y
Fig. ??? Comment le taux de change fixe régit l’offre de monnaie
Source : Mankiw, G., Macroéconomie, De Boeck, 2013, p. 424.
EXPLICATION : Au graphique A, le taux de change d’équilibre est supérieur au taux de change fixe (fixé
par la banque centrale). Dans ce cas, les arbitragistes (ou les traders) vendent, en réalisant un profit,
les devises, la banque centrale vendent de la monnaie nationale en contrepartie (création de la monnaie centrale). D’où, le déplacement de la courbe LM* vers la droite, la réduction du taux de
change et la hausse de revenu. Au graphique B, le taux de change d’équilibre est inférieur au taux de
change fixe. Dans ce cas, les arbitragistes (ou les traders) vendent, en réalisant un profit, la monnaie nationale, la banque centrale vendent en contrepartie les devises (destruction de la monnaie centrale). D’où, le déplacement de la courbe LM* vers la gauche, l’élévation du taux de change et la baisse de
revenu. Lorsque nous parlions du taux de change fixe, nous faisons allusion au taux de change nominal. Le taux de change réel est décrit et appréhendé plutôt sur un horizon temporel assez important. Par ailleurs, il est à noter que sur le moyen et long terme, les prix deviendront assez flexibles et le taux de change réel se modifie assez amplement alors que le taux de change nominal est resté quasiment
inchangé. La mesure de la compétitivité d’une économie doit en effet se baser sur le taux de change réel puisque le taux de change nominal n’influence aucune variable réelle ; il n’agit que sur l’offre de monnaie. Le modèle de Mundell-Fleming, qui est un modèle de court terme, a cette faiblesse de considérer le niveau des prix invariable. L’économie marocaine, assez ouverte sur l’extérieur et dont le taux de change est fixé par rapport à un
panier (un niveau de flottement géré déguisé) ressemble assez à ce modèle de petite économie ouverte de Mundell-Fleming.
IS*
LM*1 LM*2
Taux de change, e
LM*1 LM*2
Revenu, Production, Y
IS*
Taux de change fixe
Taux de change D’équilibre
Taux de change d’équilibre
Taux de change fixe
Graphique B Graphique A
La politique budgétaire et politique monétaire en régime de fixité de
change
Toute politique budgétaire expansive (accroissement des dépenses publiques et/ou
réduction des impôts) en régime de fixité de taux de change induit (par le
déplacement vers le haut et à droite) une hausse de taux de change. Mais, comme
nous sommes dans un régime de fixité, l’Etat, à travers la banque centrale est
amené à vendre (acheter) de la monnaie nationale (les devises) en répondant à la
forte demande de monnaie nationale (offre de devises étrangères), celle exprimée
par les arbitragistes sur le marché. Ce processus d’offre de monnaie (expansion
monétaire) des autorités engendre le déplacement de la courbe LM* vers la droite.
A l’opposé de la situation décrite dans le cadre du régime de change flexible, la
politique budgétaire expansive sous le régime de fixité de change occasionne un
accroissement de revenu.
Si maintenant l’Etat, à travers la banque centrale, s’efforce d’accroître l’offre de
monnaie en émettant des titres (bons de Trésor) sur le marché monétaire. Cela se
traduit, graphiquement, par le déplacement de la courbe LM* vers la droite et par la
baisse du taux d’intérêt national. Comme le taux d’intérêt national doit se caler sur
celui observé au niveau mondial, cela engendre, à court terme, une sortie de devises
qui influe, de facto et négativement, sur la baisse du taux de change d’équilibre.
Taux de change, e
LM*1
Revenu, Production, Y
2. … une expansion budgétaire déplace vers la droite la courbe IS* ...
Fig. ??? La politique budgétaire expansive sous le régime de change fixe
Source : Mankiw, G., Macroéconomie, De Boeck, 2013, p. 426.
EXPLICATION : Une politique budgétaire expansive hausse de l’offre de monnaie déplace la
courbe IS vers la droite. Pour maintenir inchangé le taux de change, la banque centrale doit
accroître l’offre de monnaie, ce qui déplace vers la droite la courbe LM. En conséquence, à l’opposé de ce qui survient sous le régime de taux de change flottant, régime de change fixe, l’expansion budgétaire accroît le revenu.
IS*1 1. … avec un taux de change fixe…
LM*2
3. ce qui induit un déplacement de la courbe LM*.
4. … et accroît le revenu.
IS*2
Taux de change, e
LM*1
Revenu, Production, Y
Fig. ??? La politique monétaire expansive sous le régime de change fixe
Source : Mankiw, G., Macroéconomie, De Boeck, 2013, p. 427.
EXPLICATION : Si la banque centrale est amenée à accroître l’offre de monnaie, elle pousse à
la baisse du taux de change. Pour maintenir la condition de fixité de leur monnaie, les autorités monétaires vendent les devises (ou achètent de la monnaie nationale). Cela se traduit par le retour de la courbe LM et du taux de change vers leur position initiale. En
effet, il est à remarquer que la politique monétaire expansive, sous le régime de change fixe, n’a pas d’effet sur les variables réelles.
IS*
Taux de change fixe.
LM*2
Comme le dit Mankiw, « dans le modèle de Mundell-Fleming, une dévaluation
déplace la courbe LM vers la droite, tout comme une hausse de l’offre de monnaie
en régime de taux de changes flottants. De ce fait, la dévaluation accroît les
exportations nettes et augmente le revenu agrégé. A l’inverse, une réévaluation
déplace vers la gauche la courbe LM*, ce qui réduit les exportations nettes et le
revenu agrégé »[1].
[1] Mankiw, G., Macroéconomie, De Boeck, 2013, p. 427.
La politique commerciale sous le régime de fixité de change
Supposons que le gouvernement de cette petite économie ouverte décide de
mener une politique commerciale volontariste consistant à restreindre ses
importations par le moyen d’une hausse des droits de douane (barrières tarifaires)
ou par le contingentement (barrières non tarifaires). Une réduction des
importations est synonyme d’un déplacement vers la droite, à la fois de la courbe
des exportations nettes et de la courbe IS*. Cela engendre une augmentation du
niveau de taux de change d’équilibre. Pour maintenir ce dernier inchangé, les
autorités monétaires doivent répondre par une augmentation de l’offre de monnaie,
ce qui fait décaler la courbe LM* vers la droite.
Comme le mentionne Mankiw, « le résultat des politiques commerciales restrictives en
régime de taux de changes fixes est différents de celui que l’on a constaté en régime de taux
de changes flottants. (…) en régime de taux de changes fixes, la restriction des échanges
provoque une expansion monétaire plutôt qu’une hausse du taux de change. A son tour,
l’expansion monétaire accroît le revenu agrégé ».
Taux de change, e
LM*1
Revenu, Production, Y
2. … une restriction des échanges déplace vers la droite la courbe IS* ...
Fig. ??? La restriction des échanges sous le régime de change fixe
Source : Mankiw, G., Macroéconomie, De Boeck, 2013, p. 429.
EXPLICATION : Une politique commerciale restrictive déplace vers la droite la courbe IS*. La
hausse de l’offre de monnaie est alors nécessaire pour maintenir inchangé le taux de change. La conséquence en est une hausse du revenu agrégé.
IS*1 1. … avec un taux de change fixe…
LM*2
3. ce qui induit un déplacement de la courbe LM*.
4. … et accroît le revenu.
IS*2
Section 2. Le différentiel de taux d’intérêt
Le modèle de Mundell-Fleming de base fait l’hypothèse forte de l’égalisation
des taux d’intérêt mondiaux lorsqu’il s’agit d’une petite économie ouverte sur
l’extérieur et avec une mobilité parfaite des capitaux. La réalité semble être toute
autre d’un pays à l’autre. Il existe, certes, des différences, parfois substantielles,
entre d’une part les grandes économies elles-mêmes, les petites économies elles-
mêmes et entre les premières et les dernières d’autre part.
2.1. Le rôle des anticipations des taux de change et des anticipations des
agents dans la formation du différentiel des taux d’intérêt
Les anticipations des taux de change par les agents économiques sont liées à des
facteurs objectifs tels que la dépréciation de la monnaie nationale, la baisse des
réserves de change, le manque de compétitivité et de réactivité des économies
nationales. Les anticipations à la hausse ou à la baisse des taux d’intérêt peuvent
être amplifiées par le manque ou l’excès de confiance et de crédibilité.
Si les anticipations confirment le caractère morose d’une économie et le
caractère dégradant de la valeur de sa monnaie, les agents prêteurs exigent des
taux d’intérêt élevés.
De même, en cas de troubles sociaux, économiques et politiques (risque-pays
et risque politique) causant une méfiance des investisseurs, les taux d’intérêt
peuvent augmenter très sensiblement dans le but d’octroyer une prime de risque
conséquente à ces derniers en contrepartie de cette prise de risque d’un éventuel
défaut de paiement.
2.2. Le différentiel de taux d’intérêt dans le modèle de Mundell-Fleming Pour intégrer le différentiel de taux d’intérêt dans le modèle de Mundell-Fleming, il faut tenir compte de la prime de risque (θ) que peuvent exiger les investisseurs en prêtant leurs fonds en faveur d’une petite économie ouverte :
*i i Le modèle qui en résulte est formulé comme suit :
**
* *
:
, :
XN e ISY C Y T I i G
M L i Y LMP
En se référant aux conditions d’exogénéité des prix et de la prime de risque, toute politique budgétaire, toute politique monétaire, ces deux équations déterminent le niveau de production (et implicitement celui de revenu) et du taux de change qui établissent l’équilibre sur le marché des produits et sur le marché de la monnaie.
équations déterminent le niveau de production (et implicitement celui de
revenu) et du taux de change qui établissent l’équilibre sur le marché des produits
et sur le marché de la monnaie.
Pour toute valeur de θ donnée, les politiques conjoncturelles (politique
budgétaire, politique monétaire et politique commerciale) ont les mêmes
conséquences précédemment citées.
Prenons le cas d’une forte instabilité politique et sociale d’un petit pays ouvert
sur l’extérieur. Ce cas de figure peut facilement engendrer l’exigence d’une hausse
de la prime de risque θ qui entraîne à son tour la hausse du taux d’intérêt national i.
Les deux conséquences directes sur les variables réelles (l’investissement et la
production) qui en découlent sont décrites dans le graphique (Fig. ???) ci-dessous :
Taux de change, e
LM*1
Revenu, Production, Y
1. Quant une hausse de la prime de risque conduit à un accroissement du taux d’intérêt, la courbe IS* se déplace vers la gauche, …
IS*2
3. … ce qui se traduit par une baisse du taux de change
LM*2
2. et la courbe LM*se déplace vers la droite,…
4. … et une hausse de revenu.
IS*1
Fig. ??? La politique budgétaire expansive sous le régime de change fixe
Source : Mankiw, G., Macroéconomie, De Boeck, 2013, p. 426.
EXPLICATION : La première conséquence de la hausse de θ et corrélativement de i est la baisse de l’investissement qui fait déplacer la courbe IS* vers la gauche. La seconde
conséquence est la suivante : le niveau élevé du taux d’intérêt entraîne une réduction de la demande de monnaie, déplaçant par la même occasion la courbe LM* vers la droite qui à
son tour fera baisser le taux de change et de coup entraînera l’élévation de la production qui serait substantiellement appuyée par les exportations à condition bien sûr que l’hypothèse de la rigidité des prix est maintenue.
Conclusion
Ces analyses sont d’une relativité importante. Les politiques économiques
poursuivies dépendent de la réactivité des décideurs, de la réaction des agents, des
délais, des contextes nationaux et internationaux, etc.
Chapitre 5.
Dilemme Inflation/Chômage : La Relation
de Phillips
Keynes dans son « Traité de la monnaie »a fait une analyse stricte et
pédagogique de l’inflation dont les économistes keynésiens et néokeynésiens se
sont inspirés pour appréhender le dilemme l’inflation/chômage.
Section 1. L’apport de Keynes : l’inflation par la demande et
l’inflation par les coûts
Pour Keynes, l’inflation n’est pas uniquement un phénomène monétaire. Il en
tire deux causes : l’une provient de revenu (inflation par les couts) et l’autre de
profit (dénommée par la suite, inflation de demande). De ces deux types
d’inflations, seule la deuxième est d’origine monétaire. L’inflation par les coûts
quant à elle dépend des facteurs institutionnels et sociologiques qui déterminent la
fixation des salaires nominaux.
De ces deux causes d’inflation, Keynes en tire des thérapeutiques en matière de
politique monétaire à mettre en œuvre. Les autorités monétaires exercent une
action directe sur l’inflation de profit (de demande). Par contre, elles ne peuvent
agir qu’indirectement sur l’inflation du revenu (par les coûts).
En effet, quand on a affaire à une inflation par les coûts, la stabilité des prix
passe nécessairement par la déstabilisation de l’économie.
Keynes marque nettement sa préférence pour la stabilisation de l’économie
c’est-à-dire, le plein-emploi, au détriment de la stabilité de prix. Mais il faut
préciser que Keynes raisonne dans le cadre de l’hypothèse explicite où l’inflation
de revenu reste modérée.
Les économistes keynésiens ont repris cette idée d’une alternative entre le
plein-emploi et la stabilité des prix (ou plutôt l’inflation) en la fondant sur la
fameuse relation de Philips.
Section 2. Le dilemme : inflation ou chômage
Si la relation de Phillips a eu un tel succès dans la littérature néokeynésienne,
c’est qu’elle venait de combler une lacune importante : dans le modèle IS/LM de
Hicks et Hansen, le niveau général des prix était une donnée, une variable exogène
non expliquée par le modèle lui-même.
En outre, lorsque le modèle Hicks-Hansen a été appliqué à des économies ouvertes
sur l’extérieur, l’introduction d’une courbe de Phillips a permis d’expliquer
pourquoi en régime de change fixe (appliqué durant les trente glorieuses), les taux
d’inflation nationaux ont tendance à s’égaliser[1].
Certes, Phillips a mené une étude sur l’économie anglaise en se basant sur des
variables comme le niveau du chômage et le changement dans les salaires
nominaux, entre 1861 et 1957. Phillips a pu montrer une relation décroissante (ou
négative) entre le taux de croissance des salaires nominaux et le taux du chômage.
[1] Voir, pour plus de détails, le chapitre 5 à propos du modèle Mundell-Fleming.
1 dw
w dt
Taux de Δ des salaires nominaux
Taux de chômage, u
Fig. ??? La courbe de Phillips initiale basée sur l’étude de 1861-1957
EXPLICATION : Il existe une relation négative entre la variation des salaires nominaux et le taux du chômage. Toute augmentation des salaires nominaux (synonyme d’une inflation par les coûts)
entraîne une réduction du taux de chômage.
0
Taux de chômage d’équilibre (considéré
comme naturel ou incompressible par les monétaristes), avec un taux nul de Δ des salaires nominaux.
Si nous nous référons à la période pré-phillipsienne de l’arbitrage
inflation/chômage, nous pouvons constater deux analyses quelque peu en
opposition, voire en complète opposition concernant cette question d’arbitrage :
l’analyse classique[1] (néoclassique) qui postule la permanence à long et moyen
terme du plein-emploi et que le chômage n’est que provisoire. Si ce dernier
persiste, il ne serait que volontaire. La variation des salaires nominaux (préconisée
par Keynes) n’influence en rien le niveau de l’emploi.
[1] Lorsque Keynes parle de l’analyse classique, il fait allusion en fait aux néoclassiques.
Comme expliqué dans le graphique ci-dessous, l’économie évolue tout au
long de l’axe des ordonnées suite à une politique monétaire largement
expansionniste. Celle-ci impacte exclusivement, et comme indiquée dans le
graphique, le niveau des prix.
Salaire réel
w
p
Niveau de l’emploi, N
Fig. ??? La relation d’exclusion et d’indépendance entre le chômage et la variation des salaires réels selon les néoclassiques
EXPLICATION : Aucune relation d’arbitrage selon les néoclassiques n’existe entre le niveau des
salaires réels et le niveau de l’emploi.
0
Taux de chômage d’équilibre (considéré
comme naturel ou incompressible par les monétaristes), avec un taux nul de Δ des salaires nominaux.
P-E
Toute augmentation des salaires se répercute entièrement sur le niveau des prix sans pour autant influencer le niveau de l’emploi.
La position keynésienne est différente de celle des néoclassiques. La relation
d’exclusion décrite ci-dessus ne peut pas exister. Pour Keynes, les secteurs
économiques ne peuvent, en aucun cas, avoir en même temps le plein-emploi.
Salaire nominal
w
Niveau du chômage, u
Fig. ??? La relation d’arbitrage entre le chômage et la variation des salaires nominaux selon les Keynes et les keynésiens
EXPLICATION : Il existe une relation d’arbitrage selon Keynes et les keynésiens entre le niveau des
salaires nominaux et le niveau du chômage. Une stabilisation des salaires permet une certaine réduction du chômage jusqu’à un certain niveau où il est nécessaire, pour réduire le chômage et
atteindre le plein-emploi d’augmenter les salaires nominaux.
0
Taux de chômage d’équilibre (considéré
comme naturel ou incompressible par les monétaristes), avec un taux nul de Δ des salaires nominaux.
Toute augmentation des salaires se répercute entièrement sur le niveau des prix sans pour autant influencer le niveau de l’emploi.
P-E
Une autre explication (plutôt d’obédience keynésienne) de l’arbitrage est celle
qui combine non seulement la hausse mais aussi la baisse des prix. A un certain
moment de l’activité économique caractérisé par le marasme (la récession)
économique, où le niveau du chômage est très élevé, une baisse des prix permet de
réduire le chômage. Cette situation ne durera pas assez avant de se transformer en
situation de hausse des prix.
u
Inflation
Π
Fig. ??? Relation quasi-linéaire, par paliers entre le chômage et l’inflation
EXPLICATION : La baisse du chômage se fait par la baisse puis par la hausse moins importante des prix. Une fois le plein-emploi est atteint, toute politique monétaire expansionniste voulant réduire le niveau du chômage se soldera par une hausse assez importante de l’inflation.
P-E 0
1. L’introduction théorique de Lipsey
L’assise théorique de Lipsey est basée sur le fait qu’un excès de demande de travail augmente les salaires et réduit le chômage. Donc, le taux de variation des salaires nominaux est fonction de l’offre « O » et de la demande « D ». L’originalité de l’analyse de Lipsey a été de relier la variation du salaire en fonction de la demande excédentaire comme le stipule la théorie néoclassique, c’est-à-dire, en étudiant et en suivant la fonction de réaction :
D O D OW f
O O, avec est le paramètre d’ajustement.
ND
Q
NS
W
N0 N2
W2
W0
W1
N1 N
M
I J
N
Fig. 5. Assise théorique de Lipsey et relation inverse et indirecte (à travers la hausse des salaires nominaux) entre la demande
excédentaire et le chômage.
EXPLICATION : L’écart positif entre la demande et l’offre de travail
R
D S
S
w
Droite de réaction
Fig. 6. Relation théorique de Lipsey entre la demande excédentaire et la variation des salaires nominaux à travers la droite de
réaction.
EXPLICATION : La réaction de la variation des salaires nominaux est d’autant plus forte que la demande excédentaire est forte.
La quantité D S
S
est difficilement chiffrable. C’est la raison pour
laquelle Lipsey avait introduit une relation supplémentaire : Demande de travail : DDT N N V
Offre de travail : SOT N N U
Avec N le nombre de postes occupés, V nombre de postes vacants et U le nombre de chômeurs. La demande excédentaire s’écrit alors :
D S
S S
N N V Uv u
N N
avec v le taux de vacance et u le taux de chômage.
u
D S
S
La courbe de BEVERIDGE
Fig. 7. Relation de Beveridge entre la demande excédentaire et le taux de chômage.
EXPLICATION : Il existe une relation inverse ou décroissante entre la demande excédentaire du travail et le taux de chômage.
William Henry Beveridge[1], économiste et homme politique britannique, exprime
cette relation entre la demande du travail excédentaire et le chômage à travers une
courbe reliant simplement le taux de vacance avec le taux de chômage.
[1] William Henry Beveridge est devenu célèbre pour son rapport « Social Insurance and
Allied Services » qui date de 1942. Ce rapport est connu sous l’appellation de « Premier
rapport Beveridge ». Il fournit les premières bases à l’instauration de l’État-providence, en
Angleterre, par le gouvernement travailliste de l’après-guerre. Dans ses premiers écrits,
Beveridge attribue le chômage aux fluctuations de la demande et à la mauvaise circulation
de la main-d’œuvre de secteur en secteur (chômage structurel et chômage frictionnel) et aux
coûts salariaux (les charges du travail). Suite aux travaux d’économistes keynésiens,
Beveridge change radicalement son point de vue et explique la hausse du chômage par
l’insuffisance de la demande effective et préconise enfin de compte l’intervention de l’État
pour réaliser le plein-emploi.
v u v u
Salaires bas
u
v
v u
Salaires élevés
45°
Fig. 8. Relation de Beveridge entre le taux de vacance et le taux de chômage.
EXPLICATION : Il existe une relation inverse ou décroissante entre le taux de vacance et le taux de chômage : lorsque le taux
de vacance augmente, le taux de chômage diminue.
La courbe de BEVERIDGE
L’ampleur de la demande excédentaire élève le niveau des postes vacants qui à
son tour une pression sur le marché du travail, en poussant notamment à la hausse
le niveau des salaires nominaux. La hausse des salaires nominaux entraîne une
hausse de la demande globale qui induit en conséquence une élévation du niveau
de la production et une baisse du chômage. Cet enchaînement entre les deux
variables clés de l’analyse est visualisé dans la courbe de Phillips.
( )
( )
D Sf u
SD S
w f g uS
La combinaison des deux équations nous donne le graphique suivant :
u
w
La courbe de Phillips
u
Fig. 9. Relation de Phillips entre le taux de variation des salaires nominaux et le taux de chômage.
EXPLICATION : Il existe une relation inverse ou décroissante entre le taux de variation des salaires nominaux et le taux de chômage.
En 1970, Bent Hansen a essayé d’améliorer l’analyse de Lipsey ; il considère que pour chaque taux de salaire (w), il existe un niveau du chômage (u) et des offres d’emplois non satisfaites (V). Entre u et v (taux de vacance), il a constaté une relation négative.
Au niveau du salaire d’équilibre W (avec : u v ), pour un taux de salaire élevé, le nombre de chômeurs est important et inversement. Ce qui permet de confirmer la relation selon laquelle :
1v h
u
On sait que D S
S
N Nv u
N
et
D Sw f
S
, donc :
1
:w v u h uu
Ce qui nous donne une forme hyperbolique de la
courbe. La valeur de mesure le taux de flexibilité des salaires.
2. L’apport de Solow et Samuelson
Une autre contribution a été apporté par Solow et Samuelson. Ces deux auteurs
précisent que la relation de Phillips est une sorte d’arbitrage (« tradeoff ») entre
deux objectifs de la politique économique, à savoir le taux d’inflation (et non
seulement le taux de variation des salaires nominaux) et le taux de chômage.
Solow et Samuelson (1960) ont, effectivement, dans leur étude sur les États-Unis,
observé une relation négative du type Phillips entre le taux d’inflation et le taux de
chômage.
Les deux auteurs partent de la simple relation entre le niveau du salaire et le
niveau de l’emploi, puis de la relation susceptible d’exister entre le taux de
variation des salaires nominaux et le taux de chômage.
Les deux graphiques, mentionnés ci-dessous nous montrent les deux relations
précitées :
R
ND
Q
NS
2u Q
S
0
dW
W
1u
dW
W
N
W
N
R
S
1N 2N
WR
W0
WS
u
Fig. 10. Apport théorique de Solow et Samuelson.
EXPLICATION : L’arc QR représente l’excès de la demande sur
l’offre de travail. Cela nous donne une pression à la hausse des
salaires. L’arc QS représente l’excès de l’offre sur la demande de
travail. Cela nous donne une pression à la baisse des salaires.
Fig.10a
Fig.10b
La quantitéU U représente l’excédent de la demande sur le marché de travail. Sa valeur négative correspond à l’offre excédentaire. En effet, on peut écrire que :
( )
:
masse salariale + masse des profits
1
Tx moyen des salaires qté du travail
production NGP
le salaire réel
productivité moyenne du travail
dWW U U
WSachant
Y W Z
Y W Z
Y Y Yw
W w L PyY y PL
Cette part ne reste constante – et celle des profits – que si le salaire réel varie
en parallèle avec la productivité du travail.
Envisageons maintenant une économie où le salaire nominal (W) est croissant
(Fig.11) :
Q
0
dW
W
dW
W
u
Une augmentation légère des salaires sans inflation tant que le plein-emploi n’a pas été encore atteint.
A ce niveau de plein-emploi, le taux de croissance des salaires nominaux par période n’est pas égal à zéro.
( 1)
0
( )dW
u uW
, comme dans le cas de figure (Fig.10b) ci-dessus. Donc :
( )
( ) ( 1)
dW
Wu u
u u
u
u 0
On atteint le plein-emploi sans que le niveau des prix augmente.
0
Ce graphe résume la situation précédente où le taux d’inflation est nul si également 1 ou bien 1 , c’est-à-dire, l’augmentation des salaires est supérieure au gain de
productivité.
1
( 1)
( 1)
u u
2. Anticipations, taux de chômage naturel et courbe de Phillips
verticale : la contribution monétariste
2.1. Les progrès théoriques
Chez les monétaristes, l’analyse de l’arbitrage (tradeoff) inflation/chômage se
base sur la dynamique des anticipations inflationnistes.
Il en découle selon Friedman, Phelps et les autres monétaristes que la version
keynésienne, d’origine, de la courbe de Phillips est incapable d’expliquer les
variations et le mouvement des prix et des salaires. La courbe de Phillips n’est pas
stable dans le temps. Les déplacements de cette courbe sont dus aux variations des
prix et des salaires anticipés. C’est là la contribution la plus fondamentale de
Friedman et Phelps. En effet, selon ces derniers, le taux de variation des salaires
nominaux sera égal au taux d’inflation anticipé plus un supplément de demande
excédentaire du travail.
Friedman définit un taux de chômage naturel (Natural Rate Hypothesis) ou
NAIRU (Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment) comme un taux
irréductible, issu des conditions économiques structurelles, frictionnelles et
comportementales des agents économiques. Comme son nom l’indique, c’est un
taux n’accélérant pas le niveau d’inflation. Toute politique monétaire
discrétionnaire de l’État tentant de le baisser engendrera une hausse du niveau
d’inflation.
Ce taux naturel du chômage n’est ni minimum, ni constant. Il change dans le
temps (entre le court terme et le moyen et long terme) suivant les conditions
économiques et sociales.
Les monétaristes estiment que ce sont les retards d’ajustement entre le taux
d’inflation effectif et le taux d’inflation anticipé qui induit un tel arbitrage entre
l’inflation et le chômage que les keynésiens et néokeynésiens essaient de défendre.
2.2. L’interprétation de la courbe de Phillips Une différence importante concernant la version de la courbe de Phillips entre celle de Lipsey et celle de Friedman et Phelps. Celle de Lipsey est exprimée en termes nominaux :
( )dW
u uW
Celle de Friedman et Phelps est exprimée en termes réels :
*
*
( )
ou
( )
a
dW dPu u
W P
dWu u
W
*
*
*
On sait que :
Avec :
( )
Alors :
( )
( ) ( 1)
dW
W
dWu u
W
dW
W
u u
u u
u
1u u
1L
2L
3L
G
D E
C
B
F
A
3
2
1
La courbe de
Phillips de long terme
A partir de cette courbe, nous constatons qu’à court terme la politique monétaire
expansionniste peut ramener le taux de chômage naturel en deçà de sa position
initiale. Cette dernière est considérée par les monétaristes comme étant une position
de plein-emploi des facteurs de production.
La possibilité de faire baisser le niveau du chômage n’est en définitive, selon les
monétaristes, qu’un état provisoire. Elle est due à une double illusion monétaire, à
la fois des travailleurs et des employeurs.
La thèse accélérationniste qui résulte de l’hypothèse d’après laquelle le taux
d’inflation anticipé dépend des taux d’inflation effectifs constatés dans le passé ne
fait qu’aggraver le niveau de l’inflation sans pour autant faire baisser le niveau du
chômage :
*1 2 3, , ,..., t t t t t nf
Dans la courte période, la relation d’arbitrage est constamment déplacée vers le haut, tandis qu’à long terme, à partir du moment où les changements de prix sont correctement anticipés, les agents économiques en tiennent compte et la relation d’arbitrage est caractérisée par une famille de courbe de Phillips (L1, L2, L3, …). Chacune de ces courbes correspondant à un taux d’inflation continu et donc anticipé. Le lieu géométrique des différents points d’équilibre sur le marché du travail est
représenté par une droite verticale d’abscisses u (TCN) qui représente la courbe de Phillips à long terme.
2.3. Y a-t-il une courbe de Phillips qui ne soit pas verticale à long terme ? Selon les néokeynésiens, la courbe de Phillips n’est pas verticale à long terme. Cette hypothèse est une réplique à la thèse monétariste selon laquelle, à long terme, la courbe de Phillips deviendra verticale.
*
*
( )
( ) ( 1)
dWu u
W
u u
* remplace * , avec : 1. Jusqu’à présent, nous avions envisagé le cas
où 1. Que ce passe-t-il maintenant si 1?
u
1u u 2L
4L
D
C’
B
B’
A
2
1
W
La courbe de Phillips de long terme non verticale et de pente négative.
1L
3
2u 3u 4u
3L
D’
C
3
2
1
Par hypothèse (celle des monétaristes), , l’inflation anticipée
est égale à l’inflation réalisée car on avait supposé que 1. Si maintenant, en suivant notamment l’hypothèse keynésienne,
1, est donc la variable d’ajustement car les travailleurs dans
ce cas n’obtiennent pas une hausse des salaires qu’ils attendaient.
La hausse des salaires n’était pas suffisante pour engendrer une
dynamique de la demande qui permettra d’élever le niveau de la
production qui permettra à son tour de réaliser le plein-emploi.
De la première réplique naitra une seconde, une contre-réplique, celles des monétaristes. Ces derniers postulent, en substance, d’après les faits économiques, ceux des années 1970, que le monde occidental avait été secoué par une vague stagflationniste (coexistence du chômage et de l’inflation). Si l’inflation poussait les salariés à revendiquer une hausse des salaires, celle-ci prenait une ampleur dépassant le niveau de la productivité apparente du travail (c’est l’hypothèse où 1 ). En effet, la courbe de Phillips serait non seulement verticale mais ayant une pente positive.
u
B
D C
L
L3 L2
L1
1u 2u
1
2
u A
2
1
Pente positive