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LE MAGISTRAT, LE MAIRE ET LA SÉCURITÉ PUBLIQUE : ACTIONPUBLIQUE PARTENARIALE ET DYNAMIQUES PROFESSIONNELLES Anne-Cécile Douillet et Jacques de Maillard Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) | Revue française de sociologie 2008/4 - Vol. 49pages 793 à 818

ISSN 0035-2969

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2008-4-page-793.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Douillet Anne-Cécile et de Maillard Jacques, « Le magistrat, le maire et la sécurité publique : action publique

partenariale et dynamiques professionnelles »,

Revue française de sociologie, 2008/4 Vol. 49, p. 793-818. DOI : 10.3917/rfs.494.0793

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Anne-Cécile DOUILLETJacques de MAILLARD

Le magistrat, le maire et la sécurité publique :action publique partenariale

et dynamiques professionnelles*

RÉSUMÉ

Cet article questionne les rapports entre acteurs judiciaires et municipaux dans la gestiondes questions de sécurité publique, à un moment où, sous l’effet de la diffusion des politi-ques contractuelles, de la promotion d’approches multidisciplinaires et des demandes desmunicipalités, ont été mis en place des dispositifs visant à promouvoir une action partena-riale entre ces acteurs. À partir d’une enquête monographique, l’article analyse les relationsqui prennent place dans ce contexte. Malgré des échanges ponctuels, les coopérations restentfaibles. C’est cependant l’évitement plus que les conflits explicites qui caractérise les rela-tions entre les municipalités et l’institution judiciaire : les acteurs préfèrent souvent se retirerdiscrètement des partenariats plutôt que d’exprimer leurs désaccords. Ceci est dû à des logi-ques d’action assez fortement différenciées, qui n’empêchent pas une reconnaissance du rôlejoué par l’autre : les acteurs ne définissent pas les problèmes de façon identique, ce qui a deseffets sur la hiérarchisation de leurs priorités et sur les modes d’action qu’ils privilégient.

Les nombreuses recherches sur les transformations de l’action publique ontmis en évidence la diffusion d’un mode de gouvernement concerté, fondé surdes négociations horizontales, des interactions et des échanges continus entreune diversité d’acteurs politiques et sociaux (Gaudin, 2007 ; Jouve, 2003 ;Le Galès, 2003 ; Stoker, 2004). Ces travaux mettent en avant la multiplicationdes « co » (copilotage, collaboration, coordination, etc.) et laissent penser quese serait imposé un nouveau style d’action publique fondé sur la coopération.Cette tendance semble caractériser le système français de sécurité publique, àl’instar d’autres pays (Crawford, 2001 ; Rosenbaum, 2002 ; Thacher, 2004 ;Theoretical criminology, 2005). En effet, depuis le début des années 1980 ontété mis en place de nombreux dispositifs dont le principe est d’organiser lanégociation d’actions conjointes et d’encourager les interactions entre une

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* Une version précédente de ce texte a faitl’objet d’une présentation lors d’un séminaire duGERN à Sciences Po Toulouse, dont nousremercions les organisateurs, en janvier 2007.Cet article a bénéficié par ailleurs de lecturesattentives de nos collègues Yannick Barthe,

Charlotte Halpern, Daniel Kübler, ChristianMouhanna, Jean-Claude Thoenig et AnneWyvekens, que nous tenons à remercier ici.Nous adressons un remerciement particulier àSebastian Roché pour son amicale exigence.

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multiplicité d’acteurs : des Conseils communaux de prévention de la délin-quance (CCPD) de 1983 aux Conseils locaux de sécurité et de prévention dela délinquance (CLSPD) actuels, en passant par les Contrats locaux de sécu-rité (CLS) initiés en 1997, l’objectif est toujours le même : permettre auxacteurs concernés par les enjeux de sécurité de dialoguer et de définirensemble des actions communes. Il s’agit, autrement dit, de favoriser unemeilleure (re)connaissance des différents acteurs concernés (acteurs judi-ciaires, sociaux, municipaux, policiers, gendarmes) et de rassembler et mieuxarticuler les forces et les compétences.

Le seul constat de la multiplication de ces nouvelles formules n’éclaire pasvraiment le sens des évolutions en cours. Pour voir dans quelle mesure cesdispositifs partenariaux favorisent la diffusion d’un nouveau mode de gouver-nement de la sécurité publique, il faut analyser de près les relations entre lesacteurs et s’attacher aux formes et degrés de coopération interorganisation-nelle (1). Cependant, les travaux menés dans cette optique ne permettent pasde dégager de conclusions très claires, tant leurs résultats sont contrastés. Unpremier type d’interprétation insiste sur les propriétés consensualistes de cespartenariats. Leur mise en œuvre induirait des formes de coopération autourd’intérêts communs et de valeurs partagées entre les protagonistes. Ainsi,certaines analyses insistent sur les logiques de mutualisation entre des institu-tions confrontées à des problèmes communs. C’est l’une des conclusions parexemple des travaux conduits par J. Donzelot et A. Wyvekens : « On assiste àun mouvement de “rapprochement” entre institutions : entre les institutionsrépressives et les autres d’abord, entre toutes ensuite. Pourquoi ? Parce quetoutes se sont aperçues qu’elles avaient besoin les unes des autres. » (2004,p. 134). Par ailleurs, des travaux d’inspiration foucaldienne soutiennent queces partenariats donnent lieu à de nouvelles formes de gouvernementalité del’insécurité, où des professionnels divers mettent en commun leurs savoirspour construire de nouvelles formes de contrôle social sur les populations.Ces partenariats permettraient par exemple aux forces de police d’imposerleurs problématiques et d’orienter les systèmes d’alliances (Gilling, 2005).Un deuxième type d’analyse met au jour les conflits et rivalités entre diffé-rents groupes d’acteurs aux rationalités différentes, soulignant la natureagonistique des partenariats contemporains. Des travaux relèvent ainsi lesoppositions cognitives et normatives dont ces partenariats sont l’objet : ilsmettent en coprésence des acteurs aux statuts, objectifs et identités fortementdifférenciés, ce qui se traduit par des conflits récurrents ou des logiquesd’évitement (Crawford, 1997). Une troisième série de travaux souligne lesréticences des acteurs face aux instances partenariales tout en signalant l’exis-tence de coopérations hors de ces dispositifs : les partenariats entre acteurs dela sécurité ne sont pas nécessairement conformes aux objectifs prescrits et nes’inscrivent pas toujours dans les cadres prédéfinis. Si réseaux d’action il y a,

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(1) Par coopération interorganisationnelle,nous entendons ici de façon générale une actioncommune entre plusieurs entités, que l’unesoutienne/accompagne l’autre ou que les deux

agissent conjointement. Il s’agit du sensinteractif de coopération tel que le définit Elster(1989, p. 135) : « joindre les mains avec eux etmarcher avec eux ».

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ils reposent alors sur des structures d’interdépendance et des réseaux person-nels plus que sur des injonctions institutionnelles (Thoenig, 1994). S’il n’y apas nécessairement contradiction entre ces différentes analyses, dans lamesure où elles ne portent pas toujours sur les mêmes dispositifs, elles souli-gnent en tout cas la diversité des situations. C’est d’ailleurs la conclusionde Kelling (2005), qui met en évidence un continuum de relations inter-organisationnelles allant de la collaboration à la résistance active.

Pour comprendre et expliquer la diversité des configurations, il est essen-tiel d’analyser dans quelle mesure le fonctionnement et les effets desinstances partenariales dépendent de la nature et des dispositions des acteursen présence. Dans cette logique, cet article se propose d’étudier en détaill’exemple des relations entre acteurs judiciaires et municipaux. Sur la based’une enquête monographique dans le département de l’Isère (voir encadré),il s’attache à décrire et expliquer à la fois l’intensité et la nature des échangesentre, d’une part, les magistrats du siège, ceux du parquet, les éducateurs de laProtection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et, d’autre part, les élus et agentsmunicipaux (2). L’enjeu est d’analyser ce que produisent les invitations aupartenariat sur la façon dont magistrats, techniciens municipaux et édileslocaux interagissent et, le cas échéant, travaillent ensemble.

Le contexte semble particulièrement favorable au développement despartenariats entre acteurs municipaux et acteurs judiciaires. D’un côté, lemouvement, évoqué ci-dessus, de développement des instances de concerta-tion et des politiques constitutives nourrit la création de « scènes d’action […]qui offrent des positions d’échange et d’ajustement » (Duran et Thoenig,1996, pp. 601-602). D’un autre côté, la modernisation des pratiques profes-sionnelles, telle qu’elle est impulsée au niveau national, passe par la valorisa-tion de la « pluridisciplinarité », thématique particulièrement mise en avant enmatière de justice des mineurs. Cette pluridisciplinarité doit être interne auxservices de la justice mais doit également passer par des partenariats renforcésavec d’autres institutions qui agissent sur le même territoire : services sociauxdu Conseil général, établissements scolaires mais aussi services de préventionmunicipaux (3). Enfin, un autre facteur favorable au développement despartenariats entre acteurs municipaux et judiciaires est la formulation dedemandes en direction de l’institution judiciaire par les municipalités, dans uncontexte de montée en puissance des acteurs municipaux dans la productiondes politiques de sécurité (Roché, 2004 ; Le Goff, 2005 ; Le Goff et Maillard,2006). Ces demandes sont relativement variées : elles peuvent se limiter à une

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(2) Les agents municipaux concernés sontnotamment les chargés de mission « préventionsécurité ». Ces agents, aux dénominationsmultiples (coordonnateur sécurité, chargé demission prévention, etc.) et aux statuts diffé-renciés (fonctionnaires ou contractuels), ont encommun d’être recrutés par les municipalitéspour assurer un rôle de coordination autour desquestions de prévention de la délinquance et desécurité publique. Ils sont notamment en charge

de la gestion des dispositifs partenariaux (Fagetet Maillard, 2005).

(3) Voir par exemple la circulaire d’orien-tation relative à la protection judiciaire de lajeunesse du 24 février 1999, qui pousse aurenforcement des partenariats de la PJJ avec lesjuridictions et les administrations d’État, maisaussi le secteur associatif et les Conseilsgénéraux.

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information sur le fonctionnement de la justice mais aussi aller jusqu’à ladéfense d’une élaboration conjointe de la politique pénale. Pourtant, malgréces dynamiques, c’est plutôt une situation de distance et de coopérationlimitée qui prévaut. Les dispositifs de concertation mis en place sont faible-ment investis et ne modifient pas la logique de démarquage entre acteurs de lasécurité publique. C’est un système de coopération fragmentaire, faiblementlié tout en étant peu conflictuel, qui caractérise les relations entre acteursjudiciaires et municipaux.

Pour expliquer la nature de ces échanges, il nous semble nécessaire d’at-tirer l’attention sur deux types de logiques, l’une professionnelle, l’autre poli-tique. La socialisation professionnelle prescrit des modes de problématisationet d’engagement dans les partenariats, qui orientent les façons de faire desindividus (Dubar et Tripier, [1998] 2005 ; Menger, 2003), tandis que les insti-tutions politiques, en l’occurrence les municipalités, ne s’engagent pas dansl’action publique indépendamment des contraintes politiques (rapport avec lapopulation, compétition électorale), ce qui n’est pas sans effet sur les partena-riats dans lesquels elles sont insérées.

Après avoir rendu compte de la faiblesse des relations de coopération ainsique des stratégies d’évitement existant entre acteurs municipaux et judi-ciaires, nous nous attacherons à mettre en évidence la divergence entre deuxrégimes d’action (4) : l’un ancré sur les contraintes de l’activité politique,l’autre sur les normes professionnelles d’une institution étatique, dont lesagents sont par ailleurs très attachés à leur autonomie. Ces deux régimes d’ac-tion contrastés n’empêchent pas les échanges entre les deux catégories d’ac-teurs mais les rendent très dépendants des configurations locales et/ou de lapossibilité d’une redéfinition des normes professionnelles.

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Encadré méthodologique

Notre analyse s’appuie sur une étude conduite dans le département de l’Isère,dans le cadre d’une enquête plus large portant sur les réponses judiciaires à ladélinquance des mineurs (Roché, 2006). C’est donc à travers le cas de la justice desmineurs que nous nous intéressons aux relations entre acteurs judiciaires et acteursmunicipaux, ce qui peut se justifier par la sensibilité des questions de délinquancedes mineurs, auxquelles sont liés de nombreux dispositifs partenariaux.

Pour connaître les pratiques des professionnels et des élus et saisir les représen-tations sous-jacentes, la méthode de l’entretien semi-directif nous a paru la pluspertinente, même si cette méthode, qui s’appuie sur des entretiens approfondis etnon sur l’observation directe, présente d’évidentes limites : elle ne donne pas unaccès direct aux pratiques, qui ne peuvent être appréhendées qu’à travers ce qu’endisent les acteurs. Cependant, ces entretiens livrent non seulement des représenta-tions mais aussi des données factuelles, que nous avons cherché à recouper avecd’autres sources (documents administratifs, bilans d’activité, etc.). Deux objectifs

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(4) Sur cette notion, voir infra.

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Une coopération limitée

Si, depuis une trentaine d’années, se sont multipliées les demandes et lesdémarches de renforcement des partenariats entre collectivités locales et insti-tution judiciaire, les relations entre acteurs municipaux et acteurs judiciairesrestent faiblement intégrées. Les configurations locales sont marquées par deslogiques d’évitement, c’est-à-dire par des situations où, sans hostilitédéclarée, les différentes organisations fonctionnent sans tenir compte de laligne d’action de l’autre, en prenant soin de limiter les contacts au minimum.

La permanence d’une distance relationnelle

Le contexte de valorisation du partenariat entre acteurs judiciaires et muni-cipaux semble avoir des retombées assez limitées sur la façon dont ces acteurstravaillent effectivement ensemble. Le constat est d’abord celui des intéresséseux-mêmes : ce qui ressort des entretiens réalisés est beaucoup plus uneimpression de distance qu’un sentiment de proximité et d’action en commun.Élus et chargés de mission municipaux font état de relations assez peu déve-loppées avec l’institution judiciaire, soulignant fréquemment l’absence desreprésentants de la justice dans les réunions sur les questions de sécurité. Dela même façon, les juges ou les éducateurs interrogés ne citent pas les auto-rités locales comme constituant leurs premiers partenaires (5). Les relations

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ont en tout cas guidé notre démarche : comprendre les univers de références danslesquels évoluent les acteurs (leurs préoccupations, leurs objectifs, leur langage,leurs valeurs, les informations dont ils disposent) et mieux connaître leurs actions(les décisions qu’ils prennent, les projets qu’ils initient, les acteurs avec lesquels ilstravaillent).

Une cinquantaine de personnes ont été rencontrées, entre le 1er avril 2004 et le30 septembre 2005. Les entretiens mobilisés pour cet article sont principalementceux réalisés avec les magistrats (11), la PJJ (11), les élus et les chargés de missionmunicipaux (12). Différents types de magistrats ont été rencontrés, la plupartd’entre eux étant néanmoins en charge des mineurs : les substituts en charge desmineurs de chacun des tribunaux de l’Isère (Grenoble, Bourgoin et Vienne), troisdes quatre juges des enfants de Grenoble, ainsi que la juge de Bourgoin. En ce quiconcerne la PJJ, outre différents responsables départementaux, nous avonsrencontré deux directeurs de Centre d’action éducative (Vienne et Grenoble), undirecteur de Centre de placement immédiat, un directeur de centre de jour, un chefde service éducatif auprès du tribunal (Grenoble), deux éducateurs (dont l’un étaiten même temps correspondant État pour la politique de la ville). Du côté des muni-cipalités, nous avons conduit des entretiens avec six chargés de mission et six élusde Grenoble et son agglomération.

(5) Interrogés sur leurs partenaires, les juges pensent plus spontanément aux structures,publiques ou privées, chargées de mettre en œuvre les mesures qu’ils prennent.

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sont vécues comme lâches, surtout si on les rapproche des relations que lesmunicipalités entretiennent avec d’autres institutions chargées de la répres-sion, la police nationale et la gendarmerie, avec lesquelles les relations sontprésentées comme nettement plus denses (Douillet et Maillard, 2006, pp. 193-194) (6).

Au-delà de ces appréciations subjectives, le caractère limité des échangesentre acteurs judiciaires et acteurs municipaux se mesure aussi au faible degréd’interconnaissance, c’est-à-dire de connaissance personnelle des interlocu-teurs. Alors que pour les policiers les noms des correspondants sont facile-ment cités par les élus et personnels administratifs des municipalités, lamention des contacts au sein de la justice est souvent plus hésitante ; dans lesentretiens, ce ne sont généralement pas les noms des magistrats qui sont cités(M. ou Mme X) mais leur fonction (le ou la substitut) (7). Les entrées au seindu monde judiciaire se résument souvent à une seule personne, sorte de« M. Relations publiques » de la justice au plan local. Les contacts sont doncténus, et souvent impersonnels. Cette faible interconnaissance s’accompagned’une faible connaissance de l’autre institution. Les élus et chargés demission ne connaissent pas toujours très bien ni les missions, ni l’organisationgénérale de la justice, ni la distribution des rôles entre les différents magis-trats au niveau local. Il arrive ainsi que les rôles des juges du siège et duparquet soient confondus ; la justice apparaît comme un univers aux procé-dures compliquées, marqué par une séparation entre profane et savant. Enoutre, l’organisation de la justice au plan local n’est pas vraiment comprise :on ne sait pas toujours si on a un interlocuteur territorial ou pas. Inversement,les dispositifs partenariaux ne sont pas parfaitement connus par les profes-sionnels du monde judiciaire. Les dispositifs successifs des politiques deprévention et sécurité sont ainsi à l’origine d’une certaine confusion : il estfréquent que les noms soient inversés et que les priorités ne soient pas biencernées (8).

Ainsi, au regard des paramètres avancés par Friedberg pour analyserl’action organisée, les relations entre acteurs judiciaires et acteurs municipauxapparaissent faiblement intégrées : les échanges sont peu formalisés (lesdispositifs et les rôles attribués à chacun sont peu encadrés par le droit), laconscience des interdépendances est faible (comme le montrent les faiblesdegrés de connaissance et d’interconnaissance) et la fonction d’intégra-tion/régulation n’est explicitement déléguée à personne, car, s’il existe biendes intermédiaires qui servent de relais entre les deux univers, ceux-ci ne

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(6) De ce point de vue, nos observationsconfirment les résultats d’une étude précédenteconduite à partir d’une enquête par question-naire (Bailleau et al., 2004).

(7) Souvent, lorsque nous demandions lesnoms des interlocuteurs au sein de la justice, despériodes de flottement s’ensuivaient. Dans l’unde nos entretiens, l’élu appelle le chargé demission sur son portable : « Écoute, je suis avecdes chercheurs et je cherche le nom de ce juge-là

qu’on avait lors d’une rencontre au sein de laMaison de la justice, tu ne te le rappelles pas parhasard ?… » L’appel est resté sans succès, lechargé de mission ne s’en souvenant pas nonplus.

(8) Comme l’illustre l’hésitation d’un desmagistrats rencontrés : « Par exemple dans lesCLSPD, ou les CCPD je ne sais plus, parce qu’ily a les CLS aussi… » (entretien magistratparquet).

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constituent pas « un tiers garant qui domine les participants et intervient dansleurs transactions pour assurer le respect d’un minimum de règles » (Friedberg,1992, p. 543) (9). Sur l’échelle des quatre niveaux de systèmes d’actionconcrets proposés par Friedberg – de la non-coopération à la délégation expli-cite de la régulation, en passant par la collusion tacite et le système coor-donné –, le cas analysé ici est donc loin de la délégation explicite de larégulation ; il serait cependant abusif de qualifier la situation de « non-coopé-ration », dans la mesure où il existe bien, malgré tout, des échanges entrecertains acteurs municipaux et judiciaires (voir infra). La situation se rappro-cherait plutôt de la collusion tacite : en effet, des arrangements existentsans que le partenariat soit valorisé. Cependant, ces arrangements nes’accompagnent pas d’une rhétorique hostile comme dans les cas décrits parFriedberg : les antagonismes entre municipalités et représentants de l’institu-tion judiciaire se traduisent par l’évitement plus que par l’hostilité déclarée.

Des stratégies d’évitement

Même s’ils sont parfois en désaccord, acteurs judiciaires et municipauxl’expriment assez peu publiquement. Dans les entretiens, les différents inter-locuteurs relatent aisément leurs divergences d’appréciation mais font rare-ment part de conflits forts les ayant opposés à d’autres protagonistes despolitiques de sécurité. De fait, les acteurs préfèrent s’éviter plutôt que des’affronter publiquement, notamment en ne participant pas à certainesinstances (10). C’est par exemple le cas avec les cellules de veille, chargéesde suivre des « mineurs à problème », ou les diverses cellules d’échange d’in-formations sur des cas individuels, à propos desquelles les professionnels dumonde judiciaire, et notamment les juges des enfants, craignent une dérivevers des pratiques insuffisamment soucieuses des libertés individuelles et del’intérêt de l’enfant. C’est ainsi que, dans une des communes de l’aggloméra-tion grenobloise, un juge des enfants ne partageant pas la ligne d’action d’unecellule de veille, qu’il jugeait excessivement tournée vers la répression, s’enest retiré discrètement, préférant, pour reprendre les catégories d’Hirschman(1995), la défection à la prise de parole. Les acteurs judiciaires estiment eneffet bien souvent que leurs positions ne sont pas comprises et expriment unesorte de lassitude à cet égard ; cela les conduit au retrait plus qu’à laprotestation.

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(9) Friedberg avance une quatrièmedimension de l’action organisée : le degré definalisation de la régulation, i.e. le degré aveclequel les participants acceptent de mettre leurstransactions au service de mêmes buts. Nousverrons plus loin que ce qui rend difficile lacoopération est précisément que les problèmeset les solutions sont définis différemment par les

groupes d’acteurs en présence : ceux-ci ont despréoccupations, des priorités, des intérêts quidiffèrent, rendant particulièrement périlleusel’opération consistant à mettre leurs transactionsau service de finalités collectives.

(10) Pour des observations similaires dansle cas britannique, voir Crawford (1997, pp.137-138).

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Les magistrats sont particulièrement réticents à participer à des instancesoù il peut leur être demandé de s’expliquer sur leurs décisions. Selon eux, eneffet, « on n’a pas à se justifier sur ce qu’on a mis en place » (entretien jugedes enfants). Thoenig explique la réticence des acteurs étatiques (police,justice, préfecture) à élargir le cercle de la sécurité publique à d’autresmilieux par le souci de ne pas prendre le risque « d’accroître un contexte localcomplexe à gouverner » (1994, p. 380) ; au niveau des seuls magistrats, lalogique semble être la même : il n’est pas aisé d’exposer au regard d’autruides décisions difficiles à prendre, dont « en général personne n’est jamaissatisfait » (entretien juge des enfants). Cette situation limite d’ailleurs aussiles relations entre magistrats (11). Ainsi, comme l’explique un juge, la réti-cence vis-à-vis de relations trop étroites avec les acteurs municipaux relèvemoins de la crainte de « la pression au sens classique, celle qu’utilisent lesélus » que du souci de se préserver de regards extérieurs, d’autant plus lors-qu’ils ne sont pas nourris de la « même problématique ».

Un tel positionnement peut créer une insatisfaction de la part des acteursextérieurs au système judiciaire, qui nourrissent une certaine frustrationdevant l’impossibilité de discuter avec des professionnels qui estiment ne pasavoir à justifier leurs choix :

« Il y a une dimension qui m’a semblé centrale : c’est la crainte de se commettre avecle politique… à rendre des comptes à des instances autres qu’aux pairs. […] Aujourd’hui,je ne suis pas sûr que les juges des enfants considèrent qu’ils aient à discuter avec d’autresreprésentants du peuple français. » (entretien élu).

En même temps, les acteurs municipaux entretiennent une forme de respectvis-à-vis des acteurs judiciaires, liée à la fois à la méconnaissance déjàévoquée – qui entretient le caractère « impressionnant » de la justice – et aufait que cette dernière est vue comme une pièce centrale de l’ordre social :elle est considérée comme une institution majeure qu’il serait dangereux detrop attaquer, ce qui se traduit par un refus de critique frontale de la justice, àqui il ne s’agit pas de demander ouvertement des comptes. Comme l’exprimeun des élus rencontrés : « Nous, on s’interdit de critiquer les décisions dejustice. »

Les scènes de rencontre entre professionnels et représentants institution-nels donnent ainsi à voir l’existence d’une réponse collective, sans révéler lesdissensions qui peuvent exister. Ceci peut laisser une image trompeused’unité mais les différents protagonistes ne semblent pas vraiment vouloirl’entacher : chacun laisse l’autre agir. Ceci s’explique sans doute par le fait

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(11) L’échange entre collègues peut avoirlieu, sur un dossier, pour partager d’éventuelleshésitations, mais il n’y a pas de commentaire surla décision prise. C’est ce qu’explique unprésident de tribunal pour enfants : « C’est vraiqu’il y a peu d’échanges entre les juges desenfants sur leurs propres pratiques […]. J’aiessayé quelquefois et ça provoque des blocagesd’obtenir d’un juge des enfants par exemple

qu’il évoque les critères qui l’amènent à incar-cérer ou à ne pas incarcérer un mineur. Je mesuis jeté à l’eau, j’ai exposé ce que je faisais etj’ai senti qu’on touchait là à quelque chose del’ordre de l’intime professionnel, que les gensont du mal à mettre en commun, à mettre non passur la place publique mais en tout cas sous leregard des collègues. »

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que, plus qu’à des concurrences, c’est à l’existence de régimes d’action diffé-rents qu’est liée la faible coopération.

Demandes politiques et identités professionnelles

Si le constat de relations distanciées n’est guère mis en doute, il fait l’objetd’appréciations différenciées : les acteurs des collectivités locales le regret-tent la plupart du temps, tandis que le monde judiciaire est de son côté plutôtenclin à s’en féliciter. Cette divergence est révélatrice de contraintes, dereprésentations et de principes, c’est-à-dire de régimes d’action, propres àchaque type d’acteur. Nous utilisons ici « régimes d’action » dans un sensassez proche de celui de « mondes sociaux » (Becker, 1988 ; Strauss, 1992),entendus comme des réseaux d’acteurs partageant des routines, des habitudes,des évidences, des codes culturels. Si nous retenons cependant le termerégimes d’action, c’est parce que ce que nous analysons ici est moins la façondont chaque monde fonctionne que les références et justifications que lesacteurs mobilisent lorsqu’ils sont confrontés à d’autres mondes (12). Il s’agiten quelque sorte de prendre acte du fait que ce nous décrivons c’est la façondont les acteurs interrogés envisagent le partenariat et non leur travail engénéral.

L’analyse des propos tenus en entretien, par les acteurs judiciaires d’uncôté, les acteurs municipaux de l’autre, révèle effectivement des régimesd’action distincts. L’un est marqué par la légitimité politique, fondée sur lareprésentation d’un territoire : ce dont il est question, c’est du lien avec leshabitants, de la nécessité de leur donner des réponses, face à des situations quiles inquiètent. L’autre renvoie à une représentation professionnalisée,marquée par la volonté d’appliquer la règle, de ne pas céder aux sirènes del’esprit du temps, de conserver un mode d’intervention respectueux d’unedéontologie. Cette différenciation comporte plusieurs dimensions, synthéti-sées dans le tableau ci-dessous.

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(12) En ce sens, nous utilisons « régimesd’action » à la manière des sociologues pragma-tiques (Boltanski et Thévenot, 1991 ; Thévenot,2006). Selon eux, la notion de régimes d’actionvise avant tout à comprendre comment lesindividus adaptent leurs actions face à d’autres

individus. L’enjeu de ces analyses est doncmoins de chercher à reconstruire les référencesd’un acteur, ce qui le guide, que d’appréhenderle « façonnement conjoint de la personne et deson environnement », pour comprendre lesformes de la coordination entre individus.

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Acteurs municipaux et judiciaires : deux régimes d’action

Acteurs municipaux Acteurs judiciaires

Appréhension du partenariatsur les questions de délinquance

(rapport à l’extérieurde l’institution)

Le partenariat est nécessaire :l’insécurité est un enjeu

d’action collective

Le partenariat ne doit pasremettre en cause

la singularité judiciaire

Compétence nécessaire(pour traiter la question

de la délinquance)

Connaissance du « terrain »(situations sociales

et territoriales)

Connaissance du droit

Temporalité(rapport au temps)

Agir vite Agir le plus prudemmentpossible

Préoccupations majeures(champ de préoccupations

principal)

Tranquillité publique,incivilités, relations

de voisinage

Crimes et délits

Échelle d’intervention Le(s) territoire(s) L’individu (jugementet traitement de situations

individuelles)

Autorité publique légitime(pour piloter la concertation)

Municipalité, comme lieulégitime du politique

Intercommunalité, commevecteur de rationalisation

Les municipalités : un partenariat nécessaire pour répondre à un enjeupolitique

Si les acteurs municipaux sont demandeurs d’une forme de coopérationavec les acteurs judiciaires, c’est parce qu’ils font de l’insécurité un enjeuqu’ils se doivent de gérer, en tant que représentants politiques locaux, sansavoir tous les moyens nécessaires à leur disposition. Ils mettent ainsi en avantplusieurs « besoins », auxquels la justice devrait pouvoir répondre. Lepremier est un besoin d’information, pour pouvoir fournir des explications àdes habitants d’après eux prompts à questionner l’action de la justice :

« Une des grosses difficultés auxquelles des élus locaux comme nous sommes confron-tés, de la part de nos populations, c’est la lisibilité de l’action de la justice. Les habitants,et notamment ceux qui sont victimes, soit individuellement, soit collectivement, ont dumal, pour ne pas dire beaucoup de difficultés, à apprécier l’action de la justice. » (entretienélu).

Dans un registre proche, certaines autorités locales aimeraient pouvoirdisposer des chiffres de l’activité judiciaire au niveau local (13), afin de s’enservir comme indicateurs dans la conduite de l’action publique munici-pale (14). Au-delà de cette demande d’informations sur l’action de la justice,

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Revue française de sociologie

(13) « On n’a rien qui puisse nous dire sieffectivement sur 50 interpellés, y’en a deux quiont eu une décision de justice et si y’en a eu 48de classées ou si, voilà. » (entretien élu).

(14) La loi du 5 mars 2007 (article 1er) posele principe selon lequel le procureur doitinformer le maire, si ce dernier en fait lademande (poursuites, classements sans suite,

mesures alternatives aux poursuites, appels,lorsque ces décisions concernent des « infrac-tions causant un trouble à l’ordre publiccommises sur le territoire de sa commune »).Notre enquête, achevée avant le vote de la loi, nenous a pas permis d’observer les effets éventuelsde cette nouvelle disposition.

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s’exprime parfois, avec plus ou moins de force selon les villes, une demandede réflexion commune sur les problèmes de sécurité et sur les réponsespénales à apporter à l’échelle du territoire. Ce souhait est parfois mentionnésous la forme d’un souci général de « partage des problématiques sur un terri-toire », mais peut aussi faire l’objet de déclinaisons plus précises, à traverspar exemple l’expression d’une volonté de mettre en place des stratégiesconcertées en matière de lutte contre la délinquance des mineurs. Danscertains cas, ce sont même des formes de coopération plus intégrées qui sontsuggérées, pour suivre avec les services judiciaires les jeunes qui posentproblème :

« Nous on est demandeur de quelle suite a été donnée à telle affaire et comment ça vase traduire pour la personne quand elle ressort, si elle est incarcérée, car il faut nous qu’onprépare la sortie et le retour sur le quartier. » (entretien élu).

Pour les acteurs municipaux, la coopération avec l’institution judiciaireparaît donc nécessaire à un bon traitement des problèmes d’insécurité surleurs territoires. Ainsi, l’orientation des municipalités vers la construction desolutions partagées s’explique par une caractéristique essentielle : les villesconstituant le théâtre dans lequel se déroulent les phénomènes de délinquancede voie publique et où se posent les problèmes d’insécurité, les élus sontinterpellés sur les questions d’insécurité. Or, les municipalités ne sont pasdotées de toutes les compétences nécessaires pour agir sur la question,puisque, pour les questions de police, de justice, et même d’action sociale,elles partagent leurs compétences avec d’autres opérateurs institutionnels(État et Conseils généraux principalement). Elles cherchent donc à agir enrassemblant ces différents acteurs.

En même temps, les acteurs municipaux sont convaincus qu’ils sontporteurs de connaissances pratiques qui les placent au cœur du système d’ac-tion sur les questions de délinquance et d’insécurité. Ils défendent ainsi l’idéeque la connaissance du « terrain » est nécessaire pour trouver les réponsesadéquates. Pour eux, l’environnement territorial dans lequel les jeunes agis-sent n’est pas sans effet sur leurs comportements ; à l’inverse, le comporte-ment de tel ou tel a des conséquences sur le quartier. Bien connaître lessituations sociales et territoriales, c’est donc à la fois se donner les moyens deprévenir certains comportements individuels et d’éviter que ceux-ci ne dété-riorent une situation. Dans cette logique, l’existence de dispositifs d’actionconcertée est vue par les représentants municipaux comme un moyen dediffuser cette connaissance du terrain.

Convaincus de la nécessité du partenariat, les acteurs municipaux y projet-tent aussi certaines normes relatives à ce que doit être l’objet du partenariat età la façon dont celui-ci doit s’organiser. Ainsi, les élus et les chargés demission sécurité sont avant tout soucieux de la « tranquillité publique » et dutraitement d’actes d’incivilités, à propos desquels ils sont interpellés :

« [La question c’est] qu’est-ce qu’on fait pour que la vie sociale ne parte pas en lam-beaux, et c’est pas forcément les plus délinquants qui foutent un quartier en l’air par leuroccupation de l’espace public… je crois qu’il y a un vrai brouillage quand on dit préven-tion de la délinquance, alors que ces dernières années on a surtout cherché à prévenir lesconflits de la vie sociale… […] Les affaires qui gênent les élus locaux ne sont pas desaffaires très lourdes. » (entretien chargé de mission prévention).

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Dans cette logique de réponse aux demandes sociales, les acteurs munici-paux défendent aussi une temporalité particulière, qui est celle de la réponserapide à la population, pour montrer que ses demandes sont prises en compte.C’est ce qu’expliquent plusieurs élus, qui souhaiteraient « être informés entemps réel » par la justice. Enfin, pour les acteurs municipaux, privilégier leniveau communal (plutôt que l’intercommunal) pour traiter des questions desécurité, c’est s’affirmer comme étant capables d’apporter des réponses àleurs électeurs, ou du moins à ceux de leurs administrés qui les interpellent ;autrement dit, cela permet de montrer que le problème est pris en comptedirectement par la commune.

La justice : un univers structuré par des normes professionnelles

Les acteurs judiciaires défendent une autre logique, très ancrée dansl’ethos professionnel, c’est-à-dire nourrie par des savoir-faire, des croyances,qui les distinguent des non-professionnels. C’est ce que montre la récurrencede certaines propositions dans les entretiens : tandis que pour les acteursmunicipaux le territoire et la temporalité de l’action ont une dimension poli-tique (au sens de la représentation d’une population sur un territoire), pour lesacteurs judiciaires, le territoire et la temporalité de l’action sont très liés à uneconception et à des contraintes professionnelles. Les acteurs judiciaires défen-dent ainsi le niveau intercommunal au nom de la fonctionnalité : pour eux, ilfaut réduire le nombre de niveaux de concertation. En effet, la justice n’estpas organisée sur une base communale, les territoires de la justice ne sont pasceux des élus. Dans ce contexte, la fragmentation communale est vue de façontrès négative, autant chez les magistrats que les chez les éducateurs, du fait dela démultiplication des espaces de discussion qu’elle induit.

Au-delà de ces problèmes organisationnels, les professionnels du judi-ciaire, notamment ceux qui prennent en charge des mineurs, défendent uneforme d’action particulière, liée à l’objet de leur intervention, qui exige seloneux une temporalité propre et le respect de certaines règles. Ils insistent ainsitrès souvent sur le fait qu’ils s’occupent de délinquants et non de la délin-quance ; pour eux, leur travail est de juger et, au-delà, de « traiter » des casindividuels, c’est-à-dire des actes et des personnes, et non des territoiresrencontrant des difficultés particulières :

« Le juge des enfants travaille sur le délinquant, sur la personne, prenant en comptel’histoire, la famille, la problématique et puis le projet, mais je ne travaille pas sur la délin-quance. […] Moi j’évite de me faire phagocyter par les politiques de la ville. »(entretien PJJ).

Par ailleurs, il est largement admis que l’exercice de la fonction de jugersuppose une temporalité permettant le recul, notamment dans le cadre de lajustice des mineurs : il faut se préserver des jugements hâtifs, pourcomprendre l’acte et trouver une solution appropriée. Certains juges desenfants soulignent que prendre son temps avant de prononcer un jugementc’est aussi laisser au jeune le temps d’évoluer ou du moins de montrer sa

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bonne volonté (Douillet et Maillard, 2006, p. 165 sq.). C’est bien un « élogede la lenteur » (Commaille, 2000, p. 56) que font un certain nombre de magis-trats rencontrés, en tant que valeur constitutive de la justice. Les acteurs judi-ciaires aiment aussi rappeler qu’ils ont un cadre d’intervention strict, définipar le droit (15), qui ne leur permet pas de répondre à toutes les demandes quileur sont adressées par les acteurs locaux, lesquelles concernent souvent descomportements non sanctionnables par la justice :

« Il y a beaucoup de mineurs sur lesquels on va nous interpeller et pour lesquels on nepourra rien dire, parce qu’on n’en a jamais entendu parler. » (entretien magistrat).

« Le problème c’est qu’on croit que la PJJ, la justice, a la baguette magique. Il y aquelques années, des jeunes avaient débordé dans une piscine et une adjointe à la jeunessenous a sollicités pour leur trouver des stages, ou des lieux pour qu’ils dégagent de la ville.C’était pas mon travail, puisque nous, nous travaillons sur mandat judiciaire, ce qui estspécifique. » (entretien PJJ).

L’invocation du respect de ce cadre d’intervention par les professionnelsdu monde judiciaire peut conduire à la mise en évidence d’une forme decoupure entre ces professionnels du droit et les autres, comme l’indiquent cespropos tenus par un magistrat, qui fait remarquer que, bien souvent, les élusne connaissent pas la loi :

« Donc moi je réponds à ceux qui m’interpellent : “vous ne connaissez pas la loi, c’estcompliqué, le bon sens ne suffit pas.” […] Ou alors on se tait ! Moi quand je travaille avecle milieu médical, je me tais quand je ne sais pas… On se renseigne avant d’interpeller.C’est pour ça aussi que c’est lassant : les critiques sont peut-être justifiées dans leur conte-nu mais on ne s’adresse pas au bon interlocuteur ou on ne le fait pas avec les bons argu-ments. » (entretien magistrat parquet).

On peut d’ailleurs remarquer que, tout en soulignant le manque de connais-sances juridiques de leurs interlocuteurs, tous les magistrats ne se voient pasen pédagogues : « Dans ce genre d’instance j’ai un peu l’impression derépéter toujours la même chose. » (entretien juge des enfants). Dans la mêmelogique, l’étendue des échanges dans les réunions de concertation est limitéepar la croyance en la spécificité de la justice au sein du monde social : ledialogue avec les autres n’est envisageable que s’il respecte la spécificité etles compétences de la justice :

« Je pense que le dialogue à un moment donné il s’éteint, on n’a plus grand-chose à sedire parce que nous on peut expliquer comment ça fonctionne en général et à partir d’uncertain moment ça devient du cas particulier ; or, les cas particuliers, on va pas expliquer à36 000 personnes pourquoi pour tel gamin on a choisi de faire ceci ou cela et de ne pasl’envoyer en prison. » (entretien juge des enfants).

Les professionnels du monde judiciaire (juges du siège, magistrats duparquet et éducateurs) entendent donc les appels des collectivités locales – la« demande locale de justice » –, mais ils les mettent à distance : ils sontperçus comme une contrainte venant de l’extérieur, à laquelle ils peuventéventuellement répondre, mais sans accéder aux demandes qui leur paraissentcontraires à l’idée qu’ils se font du travail de la justice. Les magistrats tien-nent à préserver leur autonomie et leur identité, si bien que la réponse à l’in-jonction partenariale se fait à contrecœur, d’autant qu’ils craignent que la

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(15) Ce que soulignent par exemple Bancaud (1993) et Lenoir (1996).

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participation à des instances de concertation ne soit de nature à banaliserl’institution, et donc l’acteur, judiciaire. C’est ce que traduit l’expression dusentiment selon lequel les représentants de la justice sont aujourd’hui consi-dérés comme des acteurs administratifs « comme les autres », sans le mêmerespect ou la même considération qu’auparavant. Des magistrats se disentainsi troublés de voir que, pour organiser une réunion sur le thème de la sécu-rité, le procureur est aujourd’hui convoqué comme « n’importe quelle direc-tion administrative », que le préfet s’adresse à lui comme aux autres.

Donzelot et Wyvekens (2004) ont vu dans les initiatives prises par certainsparquets pour mettre en place des Groupements locaux de traitement de ladélinquance (GLTD), à la fin des années des années 1990, un mouvementdans lequel l’institution judiciaire mettait son autorité « au service de dispen-sataires de biens sociaux », pour résoudre la crise d’autorité d’un certainnombre d’institutions ; il semblerait que les magistrats soient aujourd’hui trèssceptiques quant à la possibilité de restaurer l’autorité de l’ensemble des insti-tutions par une meilleure coordination entre celles-ci et la justice. Les magis-trats y voient au contraire un risque pour l’autorité de l’institution judiciaire, àun moment où ils ont un sentiment de banalisation de la justice, du fait desollicitations trop nombreuses, y compris pour des faits bénins. Les acteurs dumonde judiciaire ont le souci de rester en « bout de chaîne sociale » (Bailleau,2002, p. 406), à la place qu’ils estiment être la leur, dans une position qui leurconfère une certaine autorité. Or, travailler en partenariat c’est aussi enquelque sorte mettre la justice « à niveau » avec les autres formes de réponseaux comportements déviants ou gênants. Derrière la réception distante despolitiques partenariales se cache donc aussi un souci de garder sa place,professionnelle mais aussi sociale.

Cette logique d’action des magistrats est révélatrice de modèles profes-sionnels. Il existe, selon Commaille, deux grandes conceptions de la justice,adossées à des représentations plus générales de l’ordre politique. Lapremière perçoit la fonction de justice comme métagarant du social, la finalitéétant « d’assurer la paix sociale par une autorité s’appuyant strictement sur laloi » (2000, p. 40). Selon cette vision, rendre la justice c’est défendre desprincipes universels, avec une certaine distance avec le monde, dans un cadreprofessionnalisé et institutionnalisé. Le second modèle valorise la proximitéet considère que le droit n’est pas l’instrument unique d’intervention, ni leseul fondement de la professionnalité. Force est de constater aujourd’hui lapermanence de la première conception chez les professionnels du monde judi-ciaire. Ces positionnements professionnels ne sont d’ailleurs que faiblementcontrecarrés par les orientations définies par la hiérarchie de l’institution judi-ciaire, en dépit des instructions nationales concernant l’implication partena-riale évoquées en introduction. En effet, les directives nationales sontréappropriées, redéfinies localement, ce qui limite la capacité d’influence desétats-majors parisiens. Par ailleurs, hypothèse peut être faite que lesdemandes de la hiérarchie n’ont pas nécessairement la cohérence et la stabilitéque l’on pourrait supposer : l’institution judiciaire n’encourage pas systémati-quement l’engagement partenarial des magistrats, les préoccupations profes-sionnelles étant en partie intégrées par l’institution judiciaire.

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Des échanges sous condition

Si l’existence de régimes d’action différenciés et le souci d’autonomie desmagistrats limitent les possibilités d’interaction et de travail conjoint, il n’enexiste pas moins des coopérations ponctuelles. Celles-ci dépendent à la foisdes possibilités d’activation de ressources spécifiques liées au partenariat etdes différenciations internes aux institutions.

L’utilité des liens faibles

Malgré l’impression générale de réticence, il ne faudrait pas conclure àl’inexistence de coopérations. Celles-ci peuvent prendre la forme de simpleséchanges, à l’occasion d’une présence commune lors de réunions, mais il peutaussi s’agir d’initiatives partagées sur certains projets, de cofinancements,voire d’une définition en commun de projets ou de la gestion collective decertaines crises. On peut distinguer trois niveaux d’échange, en reprenant lesdistinctions proposées par Kelling (2005).

Au niveau le plus faible, il existe des formes de « consentement mutuel » :une entité apporte un soutien moral à l’action d’une autre. C’est le cas desréunions partenariales où des magistrats (juges du siège ou du parquet) sontprésents et échangent avec les acteurs locaux. Ces réunions peuvent donnerlieu à des phénomènes de reconnaissance croisée, où les représentants desdifférentes institutions approuvent publiquement les actions conduites par lesautres.

À un deuxième niveau, il peut exister – dans le vocabulaire de Kelling –des formes de « coordination », ce qui suppose l’identification d’un problèmecommun par plusieurs entités et une forme d’ajustement de leur activité, sansque les frontières organisationnelles soient pour autant transformées. Dans lecas qui nous intéresse, il s’agit d’actions conjointes sur des objets précis, parexemple la mise en œuvre de travaux d’intérêt général (TIG) ou de mesuresde réparation. Les autorités judiciaires ont besoin de lieux d’accueil pour cesmesures et les collectivités locales peuvent être des espaces de mise en œuvre.Pour ce qui est des mesures de réparation, les collectivités peuvent notam-ment intervenir lorsque les faits reprochés ont été commis à l’encontre d’équi-pements publics (dégradation de bâtiments communaux, écoles, gymnases,etc.). Ces relations ne sont pas exemptes d’insatisfaction, les communes ayantparfois l’impression d’être interpellées sur le mode « vous auriez pas unTIG ? », alors qu’elles aimeraient une réflexion un peu plus en amont sur lesens de ces mesures ; il n’en reste pas moins qu’acteurs judiciaires et munici-paux se retrouvent autour de la mise en œuvre de mesures. Dans cette pers-pective, on peut également citer des projets portés conjointement par desautorités locales et des magistrats, comme la Maison de la justice et du droitcréée dans un quartier grenoblois : ce projet fortement soutenu par leprocureur de la République à la fin des années 1990 a reçu l’appui de la

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municipalité et de la communauté d’agglomération (la Métro). Plus récem-ment, un dispositif de soutien d’urgence aux victimes a été mis en place dansle cadre d’un travail concerté entre la Métro et le parquet.

Enfin, à un troisième niveau, il peut exister des coopérations plus conti-nues autour de la résolution de problèmes. Ces coopérations, que Kellingappelle « collaborations », prennent la forme d’un contrat implicite ou expli-cite par lequel les parties s’entendent pour mettre en œuvre certaines activitésqui s’écartent du travail habituel de leur organisation. C’est le cas des groupesde travail concernant les mineurs auxquels participent les acteurs judiciaires.À Saint-Marcellin, un juge des enfants travaille ainsi à la mise en place d’undispositif de réinsertion des sortants de prison ou de foyer avec les élus de lacommune. À Vienne, les acteurs judiciaires, en l’occurrence le parquet, sontactivement impliqués dans un groupe de suivi des mineurs à l’échelle du terri-toire du tribunal de grande instance. Les réunions, qui se tiennent une fois partrimestre au tribunal, rassemblent le chef de projet sécurité de la mairie deVienne, la PJJ, des associations habilitées, l’Éducation nationale, la police etla gendarmerie, des éducateurs de prévention spécialisée et le procureur. Cesdifférents acteurs échangent des informations extrêmement précises, nomina-tives, sur des dégradations ou des actes de délinquance commis par desmineurs et les réunions peuvent être des espaces de décision (envoi d’éduca-teurs de prévention, de la police ou de la gendarmerie, etc.).

Si ces différentes formes de coopération existent, c’est notamment parceque des ressources peuvent être échangées : des services, comme dans le casdes TIG ou des mesures de réparation, mais aussi de l’argent, de l’informa-tion, ainsi que de la reconnaissance symbolique. Un soutien financier peutainsi permettre d’afficher une implication dans un projet, quand bien mêmecela ne s’accompagne pas d’une participation à la définition des orientations.Le fonctionnement de la Maison de la justice et du droit de l’agglomérationgrenobloise, soutenue financièrement par les autorités locales via la Métro,est par exemple très judiciaro-centré : elle reste dans une logique de gestionpénale des affaires. Un tel montage satisfait cependant les municipalités, quipeuvent ainsi manifester leur soutien à la justice (16) : les autorités localesdonnent des moyens à l’institution judiciaire et en retirent des bénéficessymboliques. Plus généralement, le rapprochement, même limité, entreacteurs judiciaires et municipaux produit des effets symboliques de réassu-rance. Certains magistrats admettent d’ailleurs assister à des réunions, nonpour s’engager dans la construction de solutions communes, mais pourapporter aux municipalités le soutien de leur autorité :

« En fait ils ont besoin d’être entendus dans leurs préoccupations, en tant que… – c’estun peu cynique ce que je vais vous dire – mais ils ont besoin d’exister et de savoir que lejuge est à l’écoute de leurs préoccupations. Après je ne pense pas qu’on puisse leur appor-ter grand-chose. » (entretien juge des enfants).

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(16) Cet arrangement a minima leurconvient d’autant plus qu’elles ne sont pasvraiment demandeuses d’une justice moins

judiciaro-centrée, qui privilégierait par exemplela concertation et le mode négocié dans lerèglement des conflits (Wyvekens, 1996).

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Pour ce qui est de l’information, celle diffusée par les magistrats restesouvent assez générale, du fait de leurs réticences à traiter de cas individuels.Cependant, dans le cadre de projets spécifiques comme ceux de Saint-Marcellin ou de Vienne, évoqués ci-dessus, les magistrats peuvent accepterun échange d’informations plus personnalisées. Selon le magistrat impliqué àSaint-Marcellin, ce projet de réinsertion est né suite à une demande decertains élus désireux d’avoir connaissance des sorties de prison et de foyerdes jeunes de leur commune. Plutôt que de rejeter cette demande comme illé-gitime, le juge s’est dit qu’il était possible d’en « faire quelque chose », et departir de cette demande pour essayer de préparer la sortie de prison « ensynergie avec les habitants du quartier, avec l’Éducation nationale, avec desdispositifs d’insertion ». Ainsi, l’information est fournie contre un travail desuivi des mineurs jugés, qui paraît important au magistrat concerné. Quant àl’information qui émane des autorités locales, elle reste elle aussi le plussouvent très générale. Plusieurs magistrats reconnaissent cependant l’intérêtdes remontées d’information qui peuvent exister par le biais des réunionsinterinstitutionnelles, qui permettent surtout de sentir « un climat social » :

« J’aime bien y aller parce que j’entends parler par exemple de ce qu’ils mettent enplace pour l’été et puis ça donne une idée du climat social. […] C’est un peu grand-messe.Ils font un compte rendu des activités de l’été en général. […] Moi je trouve que ça permetde prendre la température mais en même temps c’est pas des choses fondamentales. »(entretien juge des enfants).

Ce qui ressort de l’étude de ces différentes formes de coopération c’estl’utilité, du point de vue des acteurs, des liens faibles : l’absence d’actionconjointe institutionnalisée et de coordination systématique ne signifie pasabsence d’échanges.

Ces coopérations dans des systèmes faiblement liés conduisent à ques-tionner la place du formel et de l’informel dans les processus de coopération.Selon Thoenig (1994), les dispositifs formels n’induisent que peu de coopéra-tion, au contraire des réseaux interpersonnels hors des espaces formalisés. Ici,la réalité semble moins tranchée. Il est vrai que les relations interpersonnellesconstruites hors des dispositifs partenariaux jouent un rôle : la proximitésocioprofessionnelle a toute son importance (17), de même que les relationsnouées dans des cadres autres que les instances partenariales formalisées. Lesphases de crise (incendies à répétition, morts violentes, etc.) apparaissentainsi comme des moments susceptibles de renforcer les coopérations locales :dans les entretiens avec les acteurs politiques locaux, ce sont souvent desépisodes qui reviennent lorsqu’il est question des relations avec la justice.Dans ces moments se construisent des solidarités susceptibles d’être réinves-ties par la suite :

« J’ai eu affaire à un procureur de la République très ouvert, avec un côté cow-boy par-fois, avec qui on a eu des échanges vifs également, mais il répondait présent, on débattaitde ce qu’on pouvait faire. […] Son idée, c’était : “Je suis un haut fonctionnaire et il peutêtre dans ma fonction d’expliquer ce que je fais.” Il était dans une relation pédagogique…On a eu en outre des présences communes sur certains quartiers, sur des événements,comme par exemple des attaques contre la police. Ça forge des liens. » (entretien élu).

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(17) C’est le cas pour le projet mis en placeautour des mineurs à Saint-Marcellin, où l’undes élus, avocat et président d’une association

habilitée intervenant auprès de mineurs délin-quants, connaît bien les juges des enfants.

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Les dispositifs formels ne sont donc pas les seuls lieux de construction deréseaux d’action. Cependant, ils offrent bien des scènes de rencontre et dediffusion d’information ; ils peuvent aussi favoriser la concrétisation deprojets. Ainsi, même si elles s’appuient en partie sur des réseaux préexistants,beaucoup de coopérations s’inscrivent à l’intérieur des cadres formels(CLS/CLSPD), qui offrent des moyens financiers et un soutien institutionnel.Dans tous les cas, les effets de ces dispositifs partenariaux dépendent de lafaçon dont les acteurs les investissent.

Des modes d’investissement différenciés

Pour expliquer les coopérations, il paraît essentiel de faire apparaître lesfacteurs de différenciation internes à chaque institution. En effet, tant au seindu monde judiciaire que parmi les acteurs municipaux, tous n’ont pas lamême aptitude à l’action publique partenariale.

Municipalités : le rôle des profils politiques et professionnels

Un premier facteur de différenciation renvoie aux variations dans lesdemandes qui viennent des collectivités locales. Celles-ci s’expliquentd’abord par les orientations politiques des municipalités : elles induisent unsouci plus ou moins affiché des questions de sécurité, ce qui peut agir sur lesdemandes formulées par les municipalités, mais aussi sur les réactions desacteurs judiciaires. Dans l’une des villes de l’agglomération grenobloise, lechargé de mission expliquait par exemple les difficiles relations avec le jugedes enfants à partir de la perception que ce dernier avait des politiques de lacommune, jugées trop sécuritaires.

Ces différences reposent aussi sur le profil des chargés de mission« prévention-sécurité » des municipalités. La formation et le parcours deschargés de mission peuvent structurer des types d’attente, induire ou non uneconnaissance du monde judiciaire, la maîtrise d’un langage, une conceptionde l’anonymat, voire une conception de la peine, etc. Ceci a des incidencessur les attentes qu’ils ont vis-à-vis de la justice, mais aussi sur la façon dontles magistrats écoutent les demandes qu’ils formulent. Cette idée peut êtreillustrée à partir de quatre exemples de chargés de mission de l’agglomérationgrenobloise.

Le premier profil est celui d’un éducateur spécialisé. En tant que tel, il aune vision des réponses à apporter face à tel ou tel comportement : « Je suiséducateur de formation, je pense que la prévention ça passe aussi à unmoment donné par marquer la limite, c’est le B.A.ba de l’éducation ; quandc’est pas fait, ça me pose question. » Sur la base de cette vision éducativequ’il veut défendre, il est demandeur d’une collaboration rapprochée avec lajustice pour élaborer en commun une quasi-politique pénale locale.

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Le deuxième profil, plus politique, est celui d’une directrice d’un service« prévention/médiation/sécurité », ancienne directrice de cabinet et éluerégionale. Elle développe des attentes que l’on peut qualifier de « politiques »dans la mesure où elle attend une justice réactive, capable de répondre rapide-ment aux attentes de la population et des élus. Dans cette logique, elle vajusqu’à signaler des cas problématiques à la justice. Ce deuxième type depositionnement suscite autant de réticences que le premier de la part desacteurs judiciaires, pour les raisons exposées dans la partie précédente.

Le troisième profil est celui du chargé de mission généraliste, jeunediplômé, qui a des attentes de pédagogie de la part du monde judiciaire, autre-ment dit une meilleure compréhension des enjeux et des modes de fonctionne-ment de l’institution judiciaire. Ces demandes a minima se heurtent surtout àla lassitude des magistrats face à ce travail d’explication.

Le dernier profil est celui des professionnels de la sécurité. Ainsi, dans unedes communes de l’agglomération, la directrice prévention-sécurité est unecommissaire détachée. Du fait de cet itinéraire professionnel, elle bénéficied’un crédit aux yeux du parquet : « L’entrée justice est pas facile pour lescollectivités locales, mais je pense que quand je parle je suis écoutée parceque je suis une personne de loi. » Elle avoue d’ailleurs se présenter auprès desresponsables du parquet comme une commissaire, donc une fonctionnaired’État détachée, ce qui semble produire des effets sur l’écoute qu’elle peutavoir : « Une fois on était en réunion avec justice et police sur un quartier deGrenoble... Il était question d’une procédure pour des interpellations... Jesentais que ça vasouillait... La police se taisait... Bon, moi, au bout d’unmoment, je suis intervenue afin de dire ce qui était possible et ce qui ne l’étaitpas... J’ai senti que le substitut du procureur était soulagé... » D’une certainefaçon, si le cercle partenarial des services de l’État peut ici s’ouvrir à la muni-cipalité, c’est parce que celle-ci est représentée par un agent de l’État, ou toutau moins par un acteur capable de maîtriser les codes (y compris juridiques)de l’institution judiciaire. Ces acteurs, au profil mixte, sont dès lors suscepti-bles de se positionner comme des facilitateurs de négociation entre autoritésinstitutionnelles (18). C’est ainsi qu’elle a pu initier avec le tribunal pourenfants et la PJJ un travail sur les mineurs sortant de prison, avec pourobjectif de mieux faire circuler l’information entre ville et acteurs judiciaires(notamment juges des enfants et éducateurs). C’est sur la base de son origineinstitutionnelle et de sa connaissance des arcanes judiciaires que la directriceprévention-sécurité peut se positionner en porteuse de projet avec des repré-sentants de la justice. Ceci montre comment les savoir-faire et les croyancesportés par les professionnels des municipalités peuvent produire des rapportsdifférenciés avec les acteurs du monde judiciaire.

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(18) Ces acteurs jouent le rôle de courtier,dont l’activité « consiste à rechercher dessolutions acceptables entre des groupes éloignésqui peuvent trouver un avantage à coopérer

même s’ils ne poursuivent pas les mêmesobjectifs et n’ont pas les mêmes intérêts » (Nayet Smith, 2002, p. 13).

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Des logiques d’action contrastées au sein du monde judiciaire

Les coopérations entre justice et municipalités s’inscrivent aussi dans lesclivages internes à l’institution judiciaire. Ceux-ci sont liés à des différencesindividuelles dans la façon d’endosser des rôles dans les partenariats locauxmais surtout au clivage entre magistrats du siège et magistrats du parquet.

Les fragmentations internes au monde judiciaire sont multiples. Ces diver-gences renvoient à des conceptions différentes du métier (de substitut, de jugeou d’éducateur) et des rapports avec l’extérieur. Ainsi, si beaucoup de respon-sables de structure PJJ expriment de fortes réserves quant à leur implicationdans les partenariats, d’autres estiment cette implication comme un devoir,notamment pour contrer ce qu’ils considèrent comme des « dérives sécuri-taires » dans les partenariats locaux. Des appréciations différenciées peuventégalement exister parmi les magistrats du siège. Certains font part de leurlassitude face aux demandes mal formulées des autorités locales, mais d’au-tres reconnaissent la légitimité de ces demandes, soulignant par exemple lanécessité « de ne pas faire la politique de la chaise vide », notamment pourdonner des signes symboliques de reconnaissance aux autorités locales.Souvent, ces variations s’expliquent par des dimensions idiosyncrasiques,liées à l’itinéraire de l’éducateur ou du magistrat et au type de commune danslaquelle il est amené à intervenir.

C’est entre siège et parquet qu’apparaissent les clivages les plus nets. Eneffet, les réticences évoquées plus haut se trouvent principalement chez lesmagistrats du siège, et de nombreux entretiens font apparaître le sentimentchez les autorités politiques locales que les relations avec le parquet sont engénéral plus faciles qu’avec les magistrats du siège. La réticence accrue chezles juges du siège peut s’expliquer par le fait que, contrairement au parquet,qui s’inscrit dans une politique pénale générale qu’il adapte au contexte local,le siège n’est pas susceptible de prendre des engagements collectifs : il jugedes cas individuels, à partir de textes de loi. La concurrence professionnelleentre magistrats du siège et du parquet n’est pas non plus étrangère à cettedifférence de positionnement. Cette concurrence s’explique notamment par lefait que les premiers, traditionnellement dominants en matière de délinquancedes mineurs, font face aujourd’hui à des parquetiers plus entreprenants, enlien avec les possibilités ouvertes par les récentes lois pénales (Wyvekens,1998 ; Milburn et Salas, 2007) (19). Les magistrats du parquet utilisent lapossibilité de trouver des relations à l’extérieur pour renforcer leur place ausein de l’institution judiciaire et s’empressent de définir le rôle des magistratsdu siège comme ne correspondant pas à cette logique : le magistrat du siègetraite des cas individuels, il n’a pas à connaître les territoires dans lesquelsvivent les délinquants.

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(19) Plusieurs lois ont en effet introduit des mesures dites de « troisième voie », prises par lesmagistrats du parquet comme alternatives aux poursuites.

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« Ça c’est important à mon avis de le mettre, sans faire de la publicité pour le ministèrepublic, mais c’est important de l’avoir à l’esprit : il y a une différence fondamentale entreun magistrat du parquet – j’insiste sur ce terme de “magistrat”, magistrat à part entière – etun magistrat du siège. Pourquoi ? Le magistrat du siège statue sur un dossier, point. Etc’est toute la difficulté. Nous, si vous voulez, on a évidemment cette nécessité de prendreen compte les éléments personnels à chaque procédure, mais on s’inscrit dans le cadred’une politique pénale, et donc d’orientation d’ensemble. Donc c’est vrai que, si vous vou-lez, nous, on est vraiment en plein dans notre métier, quand on participe à ce type de réu-nion. Pour un magistrat du siège, ça peut être embarrassant. » (entretien procureur de laRépublique).

Le rapport à l’extérieur joue ici dans les concurrences interprofession-nelles (20) internes à l’institution judiciaire : entretenir des relations avec lesacteurs locaux est pour le parquet une façon de renforcer sa légitimité vis-à-vis du siège. Certains parquetiers se réapproprient ainsi deux des principesd’action évoqués plus haut : le rapport au territoire et le rapport à l’extérieurde l’institution. Les contacts avec l’environnement local sont même parfoisconsidérés comme une composante essentielle du métier de parquetier :

« Quand on connaît les quartiers, quand on y est allé, des quartiers aussi typiques que[X], évidemment ça aide. À l’audience il faut pouvoir expliquer à un magistrat du siège,dont ça n’est pas la vocation d’aller sur le terrain et d’aller faire un tour à [X], qu’effecti-vement l’attitude physique des gens qui vivent à [X] c’est quand même, quand ils sortentd’un couloir, de lever la tête pour voir si rien ne va leur tomber sur la figure. […] Quandon connaît ce quartier, comment c’est foutu, comment vivent les gens, on peut le retrans-crire à l’audience, on peut l’expliquer et on peut s’en servir nous dans les décisions qu’onprend de poursuite ou pas de poursuite. » (entretien magistrat parquet).

« C’est toute la difficulté de notre métier aussi : apporter une réponse face à un événe-ment, face à une procédure, adaptée à la gravité des faits mais également au contexte local.[…] ça c’est vraiment un point très important. » (entretien magistrat parquet).

Le souci de prise en compte des contextes territoriaux s’accompagne d’unintérêt plus marqué pour des relations régulières avec des acteurs extérieurs àl’institution judiciaire : les instances de concertation deviennent des lieuxressources, pour recueillir des informations. L’intérêt des magistrats duparquet s’explique aussi par le fait que ces instances peuvent être vues commeune opportunité de communiquer sur les décisions de justice et faciliter leuracceptabilité :

« Si la justice n’est pas expliquée, elle n’est pas comprise. Sachant qu’elle reste par na-ture souvent incomprise et qu’une décision de justice, en général, ça ne fait que des mé-contents. Simplement le degré de mécontentement, on peut jouer là-dessus, pour éviterqu’il soit trop fort. » (entretien magistrat parquet).

Ce type de posture est symptomatique des ambivalences des logiques d’im-plication partenariale des procureurs : ils vont dans ces lieux pour expliquerleurs décisions autant que pour écouter les demandes locales (21).

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(20) La question de savoir si magistrats dusiège et du parquet appartiennent à une mêmeprofession reste ouverte. D’un côté, ils reçoiventune formation identique (au sein de l’Écolenationale de la magistrature) et peuvent au coursde leur carrière passer de l’un à l’autre. D’unautre côté, ils occupent des fonctions différenteset font l’objet de règles de nomination distinctes.Une recherche récente (Audier et al., 2007)souligne par ailleurs que les carrières restent

assez séparées : ainsi, plus de 70 % des procu-reurs en poste en 2006 ont eu une carrière faiteuniquement de postes au parquet.

(21) C’est une logique également notée parMouhanna et Ackermann qui parlent de « parte-nariat pédagogique » dans lequel les procureursse définissent comme des « ambassadeurs dejustice » et cherchent à légitimer les décisionsjudiciaires dans les enceintes partenariales(2001, pp. 37-42).

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Le développement de relations entre magistrats du parquet et autoritéslocales peut enfin s’expliquer par des jeux de soutiens croisés entre collecti-vités locales et institution judiciaire locale. Au sein de l’institution judiciaire,les problèmes de moyens rendent particulièrement aiguë la question de larépartition des ressources ; un certain nombre de parquets sont par exemple ensous-effectifs constants. Pour un procureur, augmenter ses effectifs passe bienévidemment par un travail d’argumentation permanent auprès de son adminis-tration. Dans ces négociations internes à l’institution judiciaire, entretenir desbonnes relations avec « ses » élus locaux est un atout pour un procureur : celalui permet de faire entrer dans le processus de négociation de nouveauxacteurs, formellement extérieurs à l’institution judiciaire, mais susceptiblesd’appuyer sa demande par des canaux politiques (réseaux personnels,contacts partisans).

** *

À l’issue de cette analyse, force est de reconnaître le faible degré de coopé-ration entre acteurs municipaux et judiciaires, et ce en dépit des incitationsinstitutionnelles et de la demande de justice des municipalités, qui poussent àla mise en place de dispositifs partenariaux. Ceci est dû à des logiquesd’action assez fortement différenciées : les acteurs ne définissent pas lesproblèmes de façon identique, ce qui a des effets sur la hiérarchisation deleurs priorités et sur les modes d’action qu’ils privilégient. L’existence de cesscènes interinstitutionnelles semble avoir jusqu’à présent peu fait convergerle regard que chaque catégorie d’acteurs porte sur l’autre : les représentantsdes municipalités (élus et, à un degré moindre, chargés de mission) se repré-sentent la justice comme un univers complexe et opaque ; les représentants dela justice, de leur côté, ont du mal à comprendre et à voir l’intérêt de lasuccession de dispositifs territoriaux qui s’enchevêtrent et se superposent. Sila volonté partagée de ne pas afficher publiquement ses désaccords – au nomdu respect du rôle joué par le « partenaire » – donne une image d’unité, lesapproches des questions de sécurité et de tranquillité publique demeurentdifférentes. Dans ces scènes partenariales, les acteurs s’évitent plus qu’ils nes’affrontent. En même temps, les oppositions mises en avant par les uns et lesautres, qui sont aussi un moyen de réaffirmer une identité institutionnelle ouprofessionnelle, ne doivent pas cacher le fait qu’il existe différentes formes derelations interorganisationnelles, dans lesquelles s’échangent de l’informa-tion, de l’argent, de la reconnaissance. Les dispositifs formels de coopérationn’induisent que rarement un traitement conjoint des problèmes d’insécuritémais, à partir de leur propre définition des problèmes, les acteurs entrent dansdes relations de coopération plus ou moins durables, qui peuvent êtrealimentées par ces dispositifs.

Cette analyse suggère deux conclusions plus larges, l’une relative auxcadres théoriques mobilisables pour expliquer les relations interorganisation-nelles, l’autre à la dynamique contemporaine des politiques locales desécurité publique.

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Dans la lignée des travaux de sociologie interorganisationnelle, Thoenig(1994) oppose approche systémique (qui aborde l’action collective à partirdes problèmes que se posent les acteurs) et analyse institutionnelle (qui sefocalise sur l’appartenance aux structures formelles et les contraintes qu’ellesimposent aux individus). Il souligne alors la supériorité de la première car ellepermet de mettre en évidence des formes de coopération autour de questionsprécises, quand bien même les rivalités institutionnelles semblent très fortes.Une telle approche permet ainsi de comprendre l’existence de coopérationsponctuelles, malgré la logique générale de préservation d’autonomie. Pouréclairante qu’elle soit, une telle lecture ne permet pas, cependant, decomprendre pourquoi et comment certains acteurs se sentent liés par certainsenjeux et peuvent ainsi nouer des coopérations informelles, tandis que d’au-tres n’y parviennent pas. Or, il s’agit là d’un point essentiel pour l’analyse desrelations entre acteurs judiciaires et acteurs municipaux dans la mesure où lescoopérations, même informelles, entre ces deux types d’acteurs restent trèslimitées, plus qu’entre fonctionnaires d’État (22) ou qu’entre acteurs munici-paux et police ou gendarmerie par exemple. C’est pourquoi, plutôt que d’op-poser approche systémique et raisonnement institutionnel, il nous semblenécessaire de les articuler. La prise en compte des institutions peut en effets’avérer utile, dans le sens où l’appartenance institutionnelle (ici aux institu-tions judiciaire et municipale) (23) contribue à produire des intérêts collectifs,mais également des préoccupations, des priorités, des perceptions spécifiquesdes problèmes.

L’analyse éclaire par ailleurs les transformations institutionnelles et politi-ques qui affectent la gestion de la sécurité publique. Elle vient notammentnuancer la thèse de la capacité des municipalités à peser sur la façon dontl’autorité judiciaire définit ses problèmes et ses priorités. S’il y a bien desdemandes multiformes de justice de la part des municipalités, celles-ci sontmises à distance par les professionnels de l’institution judiciaire, au nom d’unrégime d’action structuré autour de normes professionnelles qui privilégientdes rapports au temps, au territoire, au droit et au politique différents. Lesprofessionnels du monde judiciaire demeurent ancrés dans une définition deleurs missions qui les place un peu en décalage par rapport aux demandes quileur sont faites localement (24). Qu’il s’agisse des demandes de naturesymbolique (la présence d’un représentant de la justice) ou pratique (échanged’informations, voire coproduction de politiques), c’est la distance qui carac-térise les réponses faites par les professionnels du monde judiciaire.

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(22) Les coopérations informelles mises enévidence par Thoenig concernent avant tout desfonctionnaires de l’État, plus précisément de lapolice nationale, de la gendarmerie, de lapréfecture et du parquet, qui forment le « noyaudur » de la gestion de la sécurité publique.

(23) Nous considérons ici que les institu-tions recouvrent « les règles formelles, lesprocédures d’obéissance et les pratiquescommunément admises (standard operating

practices) qui structurent les relations entre lesindividus dans un espace politique » (Hall,1986, p. 19).

(24) Il serait néanmoins intéressant de testerl’influence de l’âge et de l’appartenance généra-tionnelle des magistrats. En effet, on peut fairel’hypothèse que les représentations profession-nelles évoluent en fonction de représentationssociales plus globales mais également des typesde formation dispensée aux élèves magistrats.

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La question est alors celle de la possible extension de tels résultats pourcomprendre comment est gouvernée localement la sécurité publique. On peutnotamment s’interroger sur les positions adoptées par une autre catégorie deprofessionnels d’État situés au niveau local : les policiers nationaux. À côtéd’incontestables différences, les résultats des recherches existantes montrentdes similitudes avec ce que l’on peut observer pour la justice. D’un côté, ilsemble que les relations entre police et municipalités soient beaucoup plusconstantes et régulières. Quand on interroge par exemple les chargés demission sécurité sur leurs relations avec les policiers, elles sont systématique-ment considérées comme plus régulières et plus coopératives qu’avec lesmagistrats du parquet et, a fortiori, du siège (Bailleau et al., 2004). Un telrésultat n’est pas complètement étonnant : les policiers ont, du fait de leursmissions de tranquillité publique, des activités beaucoup plus proches desmunicipalités et ces deux ensembles d’acteurs partagent de nombreuxproblèmes dans la gestion de la sécurité publique. En même temps, lestravaux de sociologie des professions appliqués à la police (Monjardet, 1999)ont bien montré la coupure existant entre professionnels de la police et leurenvironnement territorial (25). Les policiers s’inscrivent dans une hiérarchienationale, ils n’ont pas de compte à rendre à l’espace local ; ils nourrissentparfois une hostilité vis-à-vis des demandes venant de l’extérieur ou tout aumoins ont d’autres priorités ; ils ont le sentiment d’une concurrence crois-sante avec les municipalités sur les questions de sécurité publique. Si, parrapport au monde judiciaire, le problème se pose en des termes légèrementdifférents – distance pour les magistrats, concurrence pour les policiers –,dans les deux cas, on se retrouve face à des antagonismes, plus ou moinsexplicités, entre logiques d’action des municipalités et celles deprofessionnels liés à l’État, qui tendent à rendre faiblement coordonnées lesréponses publiques adoptées.

Anne-Cécile DOUILLETUniversité de Franche-Comté

1, rue Claude Goudimel25030 Besançon

PACTE-Sciences Po Grenoble

[email protected]

Jacques de MAILLARDUniversité de Rouen

3, avenue Pasteur76186 Rouen cedex

PACTE-Sciences Po Grenoble

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(25) Mouhanna (2001) arrive à des conclusions différentes pour la gendarmerie nationale dans lamesure où il souligne l’inscription territoriale des activités gendarmiques, mais il diagnostique ledéclin de ce mode de régulation sous l’effet de la bureaucratisation croissante.

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