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#21 - VOLUMES MEET UP 5
« NOUS ENTRAIDER : QUELLES AMBITIONS POUR LES POLITIQUES SOCIALES ET COMMENT LES ATTEINDRE DE MANIÈRE EFFICACE ? »
1. NOUS ENTRAIDER?
DE QUOI PARLE-T-ON ?
La fin du modèle social français ?Aujourd’hui, le consensus autour du modèle social / Etat Providence français
n’existe plus. Les évolutions démographiques et les difficultés économiques ont
fragilisé cet État-providence en modifiant ses logiques d'intervention et en
restreignant son périmètre d'action, au profit d'une réactivation des solidarités
privées centrées notamment sur la famille
Comment le revaloriser ? quelles réformes doit-il connaître pour
regagner l’adhésion des citoyens ?
L’entraide ce sont les politiques que l’on peut classer par risque ou par destinataire :• Santé, maladie • Autonomie : personnes âgées,
personnes handicapées• Logement• Famille et enfance • Travail, emploi, formation
professionnelle• Education ?
« Les secours publics sont une dette
sacrée. La société doit la subsistance
aux citoyens malheureux, soit en leur
procurant du travail, soit en assurant
les moyens d’exister à ceux qui sont
hors d’état de travailler. »DDHC 1793, art 21
Qu’attend-on de l’Etat ?
L’Etat doit il être
protecteur, régulateur,
redistributeur ? les trois
à la fois ? plus l’un que
l’autre ?
Quel rôle pour l’entraide
privée ? Familiale,
associations,
entreprises ?
« Dans le monde animal nous avons vu que la grande majorité
des espèces vivent en société et qu'elles trouvent dans
l'association leurs meilleures armes dans la lutte pour la survie :
bien entendu et dans un sens largement darwinien, il ne s'agit pas
simplement d'une lutte pour s'assurer des moyens de
subsistance, mais d'une lutte contre les conditions naturelles
défavorables aux espèces.
Les espèces animales au sein desquelles la lutte individuelle a
été réduite au minimum et où la pratique de l'aide mutuelle a
atteint son plus grand développement sont invariablement plus
nombreuses, plus prospères et les plus ouvertes au progrès.
La protection mutuelle obtenue dans ce cas, la possibilité
d'atteindre un âge d'or et d'accumuler de l'expérience, le plus haut
développement intellectuel et l'évolution positive des habitudes
sociales, assurent le maintien des espèces, leur extension et leur
évolution future. Les espèces asociales, au contraire, sont
condamnées à s'éteindre. »
Mutual Aid : A Factor of Evolution; Pierre KROPOTKINE
D’OÙ VIENNENT LES POLITIQUES SOCIALES ?1 ) L’ENTRAIDE COMME CONDITION DU DÉVELOPPEMENT ?
« Voilà donc ce que l'on trouverait au bout de ces recherches. Les
sociétés ont progressé dans la mesure où elles-mêmes, leurs
sous-groupes et enfin leurs individus, ont su stabiliser leur
rapports, donner, recevoir, et enfin, rendre.
C'est ainsi que le clan, la tribu, les peuples ont su - et c'est ainsi
que demain, dans notre monde dit civilisé, les classes et les
nations et aussi les individus, doivent savoir - s'opposer sans se
massacrer et se donner sans se sacrifier les uns aux autres. C'est
là un des secrets permanents de leur sagesse et de leur
solidarité. »
Essai sur le don : Forme et raison de l'échange dans les
sociétés archaïques; Marcel MAUSS
Mauss affirme que la société n'est pas quitte envers les
travailleurs qui lui ont donné leur vie : elle doit donc leur donner
les moyens de vivre décemment en période de vieillesse et de
chômage. Pour lui, le travail salarié doit être au centre de la
solidarité sociale, « comme un don qui appelle une contrepartie
au-delà du seul salaire ». Cette logique a influencé la
naissance du système de Sécurité sociale français.
XVII-XVIIème siècle :
Mise en place de l’Etat
Régalien• Politiques de maintien de l’ordre,
les politiques militaires et les
politiques fiscales.
• L’action étatique est une
intervention directe qui se fait à
travers la mise en place
d’instruments administratifs telles
que la police, l’armée, la justice
ainsi que par la production de
règles de droit
XIXème siècle : Développement de
l’Etat Nation• De nouvelles politiques s’affirment dans le
domaines des transports (chemin de fer) et de
la communication (poste, télégraphe), de
l’éducation (afin d’unifier la culture nationale,
d’imposer la langue nationale)
• Apparition des politiques redistributives font
leur apparition, elles forment le socle de l’Etat-
providence. La responsabilité est perçue
comme collective et non plus seulement
individuelle, d’où la mise en place de systèmes
d’assurance collective
XXème siècle : Apogée et remise en cause de l’Etat interventionniste• Jusqu’au années 70, l’Etat accroît son intervention dans le domaine économique afin d’accélérer
la production militaire puis la reconstruction, et étend la couverture des systèmes de protection
sociale ;
• Depuis les années 70 : l’interventionnisme de l’Etat est fortement remis en cause, ce qui conduit à
mettre un accent plus important sur les politiques indirectes venant en aide à des groupes définis
• L’Etat devient un Etat régulateur qui intervient désormais indirectement (allocations, règles), en
interaction avec d’autres acteurs, et ne fait plus tout lui-même
1945 : création de la sécurité
sociale. Etat providence.
80’s : politiques de cohésion
sociale / inclusion sociale
(création du RMI etc.)
90’s-aujourd’hui : Développement
des politiques sociales « actives » et
flexibilisation du marché du travail
(les réformes Hartz en Allemagne)
Développement et poids des politiques publiques
D’OÙ VIENNENT LES POLITIQUES SOCIALES ?2) UN HÉRITAGE DU PASSÉ
PILIER 1 : La protection sociale traduction de la solidarité publique
QUELS SONT LES PILIERS DE L’ENTRAIDE AUJOURD’HUI EN FRANCE? (1/2)
• La couverture des grands risques sociaux est, aujourd'hui encore en France, fondamentalement liée à l'exercice d'un emploi. La
protection contre la maladie, la couverture de la retraite, l'indemnisation du chômage et de l'invalidité sont garanties aux salariés et aux
travailleurs indépendants en échange du versement de cotisations sociales.
• Ces quatre grands risques absorbent, en 2009, près de 80 % des dépenses de protection sociale. Cette logique de protection
assurancielle, parfois qualifiée de « bismarckienne » en raison de ses origines historiques, a parfaitement fonctionné pendant la longue
période de plein emploi des Trente Glorieuses, et elle a constitué un élément majeur de l'amélioration des conditions de vie d'une grande
partie de la population française, tout en consolidant les fondements du contrat social.
Source : Le Monde Comment la solidarité s'exerce-t-elle en France aujourd'hui ?
• Cependant, le champ d'intervention de la solidarité collective s'est
progressivement étendu à des fractions de la population qui ne
relevaient pas de la logique assurancielle fondée sur l'emploi, et
de nombreuses autres prestations ont peu à peu vu le jour
(allocations familiales, minimum vieillesse, allocation logement, RMI
devenu RSA). Ces prestations ne sont pas conditionnées par l'exercice
d'un emploi. Tout citoyen peut en bénéficier. On parle alors d'une
logique « universaliste », qualifiée aussi parfois de « beveridgienne »
qui ne repose pas sur l'emploi mais sur l'appartenance citoyenne à la
collectivité nationale.
PILIER 2 : Les solidarités privées
QUELS SONT LES PILIERS DE L’ENTRAIDE AUJOURD’HUI EN FRANCE? (2/2)
• Les formes privées de la solidarité bénéficient d'un avantage symbolique en termes d'image. La solidarité publique, institutionnelle,
apparaît parfois comme anonyme, peu sélective, et handicapée par sa rigidité bureaucratique en raison des démarches et des
conditions qu'elle exige souvent. La solidarité privée apparaît plus spontanée, plus souple et plus réactive. Elle préserve le lien social
de manière plus lisible, plus personnalisée et joue un rôle majeur dans le maintien de « l'affiliation sociale »
• La solidarité privée correspond d'une part à la solidarité familiale (majoritaire) et, d'autre part, à la solidarité humanitaire (dons de
temps ou d’argent à des organismes spécialisés dans l'aide aux plus défavorisés)
(*) : J.-H. Dechaux, Sociologie de la famille
Source : Le Monde Comment la solidarité s'exerce-t-elle en France aujourd'hui ?
• Le volume et les formes de l'entraide familiale obéissent en partie
à des déterminants sociaux. Les échanges intrafamiliaux sont en
effet plus intenses dans les milieux sociaux les plus aisés, sous
la forme financière, les marges de manœuvre budgétaires y étant
plus larges. Chez ces catégories supérieures, les sommes
consacrées à l'entraide familiale représentent 3,7 %* du budget
familial (pour une moyenne de 2,9 % pour l'ensemble des
ménages). À l'inverse, cette aide financière ne représente que
2,2 % du budget des ménages ouvriers.
2. QUEL POIDS ET QUELLE AMBITIONPOUR LES POLITIQUES SOCIALES ?
A QUOI ONT SERVI LES POLITIQUES SOCIALES ?
Déficits structurels qui font peser une charge sur les
générations futures
Persistance d’un haut chômage qui réduit les recettes
et participe aux dépenses sociales croissantes
Les politiques sociales françaises ont atteint bon nombre d'objectifs qui leur avaient été assignés...
Une couverture de l'ensemble de la population
Un taux de fécondité parmi les plus élevés en Occident
Une forte amélioration de l'état de santé de la population
Un rôle de stabilisateur efficace dans la politique
économique d'inspiration keynésienne
Une redistribution relativement importante permettant
une limitation des inégalités
Une réduction de la pauvreté, notamment chez les
personnes âgées.
Vieillissement de la population
Individualisme et
consumérisme croissants
des usagers et bénéficiaires
Individualisme et
consumérisme
croissants des
usagers et
bénéficiaires
Concurrence internationale exacerbée, qui porte aussi sur les modèles et les mécanismes de protection sociale
Nouveaux risques, peu, mal ou incomplètement
couverts (dépendance, exclusion, intégration…) ;
Transformations familiales
Source : FUTURIBLES, Les politiques sociales au défi de l’innovation
1. Des politiques sociales avec quel périmètre et pour quels bénéficiaires ?
• Faut-il et peut-on poursuivre la logique d’universalisation ? Comment garantir que les risques vieillesse et maladie ne les marges de manœuvre ?
• Faut-il cibler la couverture sociale, en se centrant sur les risques les plus importants et les populations prioritaires ? Quelles cibles les plus pertinentes ? Et comment s’assurer de l’attachement de tous au système?
2. Quels mécanismes et quels acteurs ?
• L’État doit-il accepter de continuer à jouer le rôle « d’assureur en dernier ressort », ou doit-il confier davantage de acteurs (ménages, entreprises, associations, organisations syndicales et patronales, mutuelles, collectivités locales) ? En place et quel rôle doivent être joués respectivement par la solidarité nationale et l’assurance privée (individuelle ou d’entreprise)
• Quelle participation financière peut-on exiger des familles pour la dépendance de leurs aînés, des entreprises pour les accidents les maladies professionnelles, des collectivités locales pour les modes de garde de la petite enfance ?
3. Quelles modalités d’action ?
• Faut-il que l’Etat privilégie la réglementation, les prestations monétaires ou les services ?
• Quel est le degré optimal de décentralisation ?
• Comment garantir que les réformes seront légitimes aux yeux des parties prenantes ? Quelle place pour le paritarisme et la sociale ? Quel degré d’association des organismes complémentaires aux arbitrages, mais également des professions libérales et locaux ?
• Comment privilégier les mesures qui visent à prévenir l’apparition des risques sociaux par rapport aux mesures « curatives » ?
4. Quels moyens ?
• La part de la richesse nationale consacrée à la couverture des risques sociaux peut-elle et doit-elle augmenter (au nom de nouveaux risques et de la prise en charge croissante des risques maladie et vieillesse) ?
• Doit-elle être maintenue (au nom du compromis entre soutenabilité économique et maintien des droits acquis) ? Ou bien doit-(au nom de la concurrence fiscale et de la recherche de compétitivité) ?
QUELLES AMBITIONS À L’AVENIR POUR LES POLITIQUES SOCIALES ?
QUEL POIDS POUR LES POLITIQUES SOCIALES ?
QUELLES SONT LES FORCES ET LES FAIBLESSES DES POLITIQUES SOCIALES AUJOURD’HUI ?
• Des indicateurs de résultats positifs en matière d’espérance de vie, de
fécondité, d’accès aux soins et de conciliation vie familiale/vie professionnelle.
• Un relatif consensus dans l’opinion sur la philosophie et les performances du
système.
• Des institutions sociales (sécurité sociale, assurance chômage, organismes
complémentaires, associations) solides et reconnues.
• Une gestion « partenariale » qui fait la place aux représentants des salariés et
des employeurs, ainsi qu’au secteur associatif.
• La montée en charge de nouveaux outils de pilotage (convention d’objectifs et
de gestion, lois de financement de la sécurité sociale).
• La mise en place récente d’instances jouissant d’une légitimité pour conduire
les études et les concertations préalables à des réformes d’ampleur : COR,
HCAAM, COE, HCF .
• Un mode de financement des régimes d’assurances sociales tendant à renchérir le coût
du travail.
• Des relations sociales peu harmonieuses (balkanisation syndicale et très faible
syndicalisation mais tradition de conflictualité et forte couverture des salariés par la
négociation collective).
• Une faible marge de manoeuvre pour faire face aux défis futurs, liée à un retard pris par
rapport aux autres pays occidentaux dans les réformes structurelles des principaux
risques (santé, retraite, emploi).
• Un problème de gouvernance de l’ensemble du dispositif et de dilution des
responsabilités (État, Sécurité sociale, collectivités locales, organismes complémentaires,
associations, grands réseaux publics et privés confrontés concrètement à la précarité).
• Une dette sociale accumulée : 10 milliards d’euros jusqu’en 1991 (hôpitaux
principalement), 45 milliards en 1998, 121 milliards en 2006.
• Des gisements d’emplois à exploiter : services à la personne (vieillesse,
dépendance), métiers de l’enfance (famille), assurances (santé, vieillesse).
• Des évolutions significatives au cours des dernières années et une opinion publique
consciente que le dispositif actuel doit être réformé.
• Des exemples européens rassurants montrant qu’il est possible d’associer un haut
niveau de solidarité et une croissance soutenue.
• L’atout que peut représenter, selon ses modalités, la couverture publique des risques
sociaux dans l'économie mondialisée (sécurisation des trajectoires professionnelles
de plus en plus discontinues).
• Une baisse de l’acceptabilité des prélèvements sociaux obligatoires face à un
système non régulé (déficit structurel, efficience moyenne, fraude).
• La mise en place subie d’une couverture « à deux vitesses », les assurances
collectives se concentrant de fait sur les publics les plus vulnérables sans que cela
résulte d’une stratégie assumée.
• Le handicap que peut représenter, selon ses modalités, une couverture trop
ambitieuse des risques sociaux sur la croissance dans l’économie mondialisée.
• Une difficulté persistante à établir des compromis sociaux
Forces Faiblesses
Opportunités Menaces
3. DEMAIN, MIEUX ET MOINS CHER ?
UNE NÉCESSAIRE RATIONALISATION DU SYSTÈME DE PROTECTION SOCIALE ?
Une volonté de simplification et
d’efficacité / nécessité de rendre des
comptes (accountability)
Adapter le modèle social français à un contexte de diminution des
ressources
Améliorer la qualité de service aux usagers par la simplification du
système
Le politique fixe les objectifs et met en place une
« accountability » (rendre des comptes sur les actions menées)
Evolution des objectifs (temps politique) contradictoire avec le temps nécessaire pour que les politiques sociales fassent effet ? (manque
pérennité dans le temps des politiques, premier frein à leur efficience)
QU’EST-CE QU’UNE POLITIQUE SOCIALE EFFICACE ET EFFICIENTE ?
NEW PUBLIC MANAGEMENT : Nouvelle forme de gestion publique
basée entre autres sur une culture du résultat et l’emprunt de pratiques
et d’outils issus du privé.
Ex. LOLF…
Ex. contrats d’objectifs et de gestion entre les opérateurs (CNAV, CNAM, CNAF, …) et l’Etat
fixe les grandes orientations et la stratégie des branches de la sécurité sociale sur une
base pluriannuelle / assure le contrôle de leurs actions
Moyens mis en
œuvre
Résultats
L'efficience est l'optimisation des outils mis en œuvre pour parvenir à un résultat
L'efficacité qualifie la capacité d'une personne, d'un groupe ou d'un système de
parvenir à ses fins, à ses objectifs
Résultats
Moyens mis en
œuvre
Choix de société
Un nouveau paradigme dans la gestion publique
?Comment faire le lien entre la gestion effective et le
choix de société ? (légitimité démocratique du
paradigme gestionnaire ?)
?
Une exigence d’efficience…
+
LE DÉVELOPPEMENT D’INITIATIVES PRIVÉES PEUT-IL PALLIER LE DÉSENGAGEMENT DE L’ÉTAT ? EX. LES SOCIAL IMPACT BONDS
Son nom est Bond, Social Impact Bond et il veut sortir la financesociale de la philanthropieLongtemps, financer l'action sociale a relevé de la philanthropie. Privée, oupublique. D'un côté, l'Etat ou les collectivités subventionnaient les associationscaritatives, tandis que les particuliers versaient une obole, sporadique pour certains,ou institutionnalisée pour les mieux lotis. Certains ont ainsi créé de tentaculairesfondations. Tel le Wellcome Trust britannique, créé grâce à la fortune d'HenryWellcome et qui finance la recherche médicale; ou encore la Bill et Melinda GatesFoundation fondée par l'ex-PDG de Microsoft.Ce modèle de financement semble aujourd'hui avoir atteint ses limites: il ne suffittout simplement pas à développer un tissu d'organisations sociales pérennes etefficaces. Bien souvent, associations, fondations ou entreprises sociales restent depetite taille et doivent travailler de façon artisanale. Réduisant d'autant leur impact.Les exceptions existent, bien sûr, comme, en France, Médecins sans Frontières, ouleGroupe SOS, qui compte plus de 10.000 salariés. Mais la règle dans le secteur resteplutôt la TPE ou la PME, tandis que les multinationales se comptent sur les doigts dela main!Ainsi, quand 50.000 nouvelles entreprises américaines ont, au cours du dernièrequart de siècle, passé la barre des 50 millions de dollars de chiffre d'affaires,seulement 144 organisations sociales ont réussi à faire de même, note le récentrapport du groupe de travail sur l'investissement d'impact rédigé par Sir RonaldCohen à la demande du G8.Ce modèle de financement est en outre en danger: partout dans le monde, lapuissance publique baisse largement les bras, empêchées par des déficits parfoisabyssaux. Et préfère désormais acheter des services au secteur social –moyennantdes appels d'offres– plutôt que, simplement, le subventionner. Moins sûr, lefinancement des entreprises sociales devient aussi du coup plus partiel: ellesobtiennent des fonds pour des projets, et non pour le développement de leurstructure.Des exigences d'efficacitéQuant aux fondations, elles restent richement dotées: leurs avoirs représentent 150milliards de dollars aux Etats-Unis, 100 milliards de livres au Royaume-Uni, 100milliards d'euros en Allemagne et 44 milliards de dollars au Canada, toujours selonle rapport de Sir Ronald Cohen. Mais, de plus en plus, elles tentent de se comportercomme de vrais fonds d'investissements, avec des exigences de rentabilité:financière d'abord, même si elles se montrent moins gourmandes que les fondsd'investissements classiques, mais aussi, et surtout, sociale.
Le secteur social doit donc désormais prouver son efficacité, ou, comme il estdésormais de bon ton de l'exprimer, son «impact». Une exigence partagée par tousles autres fonds d'investissements que l'économie sociale essaie de séduire: fondsde retraite, fonds «pétroliers», fonds de placements collectifs, ou, tout simplement,business angels.D'où le développement de nouvelles méthodes d'évaluation de l'impact social d'uneentreprise (où il faut se familiariser avec la notion de «social return on investment»,ou «retour social sur investissement»), et de systèmes de certifications spécifiques.Avec notamment la création il y a quelques années aux Etats-Unis de la certificationB Corporation: un label délivré par le B Lab à déjà 1.000 entreprises dans le mondeet prouvant que les entreprises répondent à toute une liste d'exigences sociales etenvironnementales.Au niveau plus micro-économique, les travaux d'Esther Duflo reposent aussi sur uneévaluation précise des conditions d'efficacité de l'action sociale.L'innovation financière au service du social?Mais, parallèlement, se développe aussi une certaine innovation financière auservice de l'inclusion sociale. Celle-ci peut prendre différentes formes: certainesmonnaies complémentaires, par exemple, sont des outils de financement social.Tel le Makkie lancé dans une banlieue d'Amsterdam: cette monnaie favorise lesactions locales en faveur de l'environnement et du lien social. Ou encore le Spice auRoyaume-Uni, qui est un système d'échange de services assez similaire aux SEL(systèmes d'échanges locaux) français mais qui cherche à se développer pourdevenir plus universel.Très différents sont les SIB ou Social Impact Bonds, qui suscitent ces dernièresannées une grande curiosité dans le monde de l'entrepreneuriat social. Leurprincipe? Les pouvoirs publics confient à une organisation sociale une action socialeprécise: faciliter l'accès à l'emploi des adolescents sans diplôme, limiter ladéscolarisation des filles en Inde, limiter les grossesses non volontaires chez lesadolescentes, etc.Ensemble, les deux contractants se fixent des objectifs de résultats, forcémentmeilleurs que les résultats actuels. S'ils sont atteints, les investisseurs qui auront misleur argent dans l'organisation sociale choisie percevront un certain taux de retoursur leur investissement. S'il est dépassé, cette rémunération sera encoreaugmentée. Si, en revanche, il n'est pas atteint, les investisseurs ne toucheront rien:ils auront alors effectué un simple don caritatif.La puissance publique, autrement dit, paie non pas pour une action, mais pour unrésultat.
Bond: lancé en 2010, pour une durée de 7 ans et un coût de 5 million de livres, il viseà faciliter la réinsertion et diminuer la récidive de 3.000 prisonniers condamnés à decourtes peines. Avec un objectif précis: faire baisser à moins de 7,5% le taux derécidive dans l'année suivant la remise en liberté. Pour l'instant, les résultatssont meilleurs qu'auparavant, mais pas encore suffisants pour justifier despaiements.Ce type de montage financier reste encore marginal puisqu'il concernerait unecentaine de millions de dollars au total actuellement. Et, en France, ils sont loin desusciter l'enthousiasme.Mais quel que soit leur succès, ils introduisent de nouvelles façons de réfléchir àl'impact social: pour calculer le «rendement» des SIB, il faut, par exemple, calculer lecoût de la réinsertion d'un prisonnier.Au Royaume-Uni, une base de données de «coûts sociaux» est ainsi accessible surInternet: on y apprend par exemple que l'alcoolisme coûte chaque année et parpersonne concernée 1.800 livres à la NHS (autorité de santé). Ou qu'il ne coûte que642 livres de donner de l'aide à des personnes sans abri qui leur permette de neplus être sans abri.Shocking? En réalité, ce type de calcul existe déjà depuis longtemps en matière, parexemple, d'environnement ou d'économie de la santé.Reste à savoir jusqu'où le social et l'économique peuvent cheminerharmonieusement ensemble.
http://www.slate.fr/story/94897/finance-sociale
ATELIER
« Nous entraider : Quelles ambitions pour les politiques sociales et comment les atteindre de manière efficace ? »