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Quasi inexistants en France il y a encore 5 ans, les « tiers-lieux de travail » se développent aujourd’hui à un rythme exponentiel. Entre domicile et bureau traditionnel, espaces de coworking et télécentres permettent à tout un chacun de disposer de manière très flexible d'espaces de travail connectés, d’accéder à des services mutualisés mais surtout d'intégrer une communauté d'usagers. Salariés en télétravail, indépendants, petites entreprises, chercheurs d’emploi, étudiants … des profils très divers sont amenés à s’y croiser. La création de ces lieux est de plus en plus encouragée en France par les collectivités, dans des logiques de soutien à l’activité économique et à l’innovation, et de développement durable du territoire. En se concentrant sur une étude approfondie des pratiques à l’œuvre dans les espaces de coworking, ce mémoire montre par des exemples concrets en quoi ces nouveaux lieux peuvent contribuer au développement durable des territoires : dynamisme économique, fertilisation croisée des compétences locales, bien-être des usagers, stimulation de l’innovation sociale, promotion de modes de vie et de consommation durables sont les principaux domaines d’impact observés. Ce travail vise également à être utile à l’ensemble des parties prenantes des tiers-lieux de travail, en proposant une grille exploratoire d’indicateurs permettant d’évaluer leurs valeurs ajoutées pour les territoires et de promouvoir celles-ci auprès du grand public et des financeurs.
Citation preview
1
Cycle 2012-2013
TIERS-LIEUX DE TRAVAIL : QUELLES CONTRIBUTIONS AU DEVELOPPEMENT
DURABLE DES TERRITOIRES ?
Une approche par l’étude des espaces de coworking
Camille GIORDANI-CAFFET
Mémoire professionnel du BADGE Développement Durable et RSE
Mines ParisTech ISIGE 35, rue Saint Honoré 77300 Fontainebleau www.mines-paristech.fr/isige
2
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier vivement l’ensemble des personnes m’ayant aidé à accomplir ce travail.
Pascale DROMIGNY, pour son coaching, ses relectures précises et ses conseils. Nathanaël MATHIEU et
Yoann DURIAUX pour m’avoir mise en relation avec de nombreux acteurs tout au long de cette étude.
Antoine BURRET pour ses relectures et conseils méthodologiques.
L’ensemble des personnes ayant accepté de m’accorder du temps pour des entretiens : Lucile AIGRON,
Marjorie CAVAYÉ, Thomas BIRAULT, Delphine DURIAUX, Michael SCHWARTZ, Simon SARAZIN, Anne-
Sophie CALAIS, Xavier JACQUEMET, Sylvie MERCIER, Antonin LEONARD, Dominique PARRET, Gérard
EUDE, Léa VASA, Thomas PETITJEAN, Laure FABIANI, Annick KICHENAMA, Benoît LIOTARD, Alain
BOUVIER.
Mes collègues de LBMG WORKLABS pour avoir géré mes absences et pics de stress pendant ces mois de
formation.
Marie-Louise TRONC pour ses relectures et suggestions.
Enfin ces remerciements ne seraient pas complets sans citer mes proches, particulièrement Jean-
Christophe pour m’avoir encouragée et changé les idées quand j’en avais besoin. Un grand merci pour
leur patience et leur écoute.
3
RESUMÉ
Quasi inexistants en France il y a encore 5 ans, les « tiers-lieux de travail » se développent aujourd’hui à un
rythme exponentiel. Entre domicile et bureau traditionnel, télécentres et espaces de coworking permettent
à tout un chacun de louer de manière très flexible des espaces de travail connectés à internet, et d’accéder
à des équipements et services mutualisés. Salariés en télétravail, indépendants, petites entreprises,
chercheurs d’emploi … des usagers très divers sont amenés à s’y croiser. La création de ces lieux est de plus
en plus encouragée en France par les Collectivités, avec des objectifs de soutien à l’activité économique et
à l’innovation locales et de développement durable du territoire.
En se concentrant sur une étude approfondie des pratiques à l’œuvre dans les espaces de coworking, ce
mémoire montre par des exemples concrets en quoi ces nouveaux lieux peuvent contribuer au
développement durable des territoires : dynamisme économique, fertilisation croisée des compétences
locales, bien-être des usagers, stimulation de l’innovation sociale, promotion de modes de vie et de
consommation durables sont les principaux domaines d’impact observés.
Ce travail vise également à être utile à l’ensemble des parties prenantes des tiers-lieux de travail, en
proposant une grille exploratoire d’indicateurs permettant d’évaluer leurs valeurs ajoutées pour les
territoires et de promouvoir celles-ci auprès du grand public et des financeurs.
ABSTRACT
Not existing in France another 5 years ago, “third places to work” develop with an exponential rhythm
today. Between home and traditional office, telecentres and coworking spaces allow everyone to rent in a
very flexible way workspaces connected to internet, and to benefit from mutualized equipments and
services. Telecommuters, free-lancers, small companies, unemployed people … very diverse users are
brought to meet up there. The creation of these places is more and more encouraged in France by public
authorities, with the objectives to support a sustainable local development.
This in-depth study, focusing on the practices of coworking spaces, shows by concrete examples in which
ways these new places can contribute to the sustainable development of territories: economic dynamism,
cross-fertilization of the local skills, well-being of their users, stimulation of social innovation, promotion of
more sustainable lifestyles are the main observed domains of impact. This work also aims at providing a
useful tool for all the stakeholders of “third places to work”, by proposing a grid of indicators to evaluate
their contribution to local sustainable development and to promote it to the public authorities and
investors.
MOTS-CLEFS
coworking, télécentres, tiers-lieux, télétravail, développement durable, territoires, collaboration, collectivités, gouvernance transversale, économie collaborative, innovation, intelligence collective, entreprises, lien social, innovation sociale cowoking, telecentres, third place, telecommuting, sustainable development, territories, collaboration, governance, collaborative economy, social innovation, companies, socialization , collective intelligence
4
LISTE DES FIGURES
Figure 1 - Une définition du coworking proposée par le Comptoir Numérique, implanté à Saint-Etienne. ....... 10
Figure 2 - Les composantes des Tiers-Lieux OpenSource (Crédit : TiLiOS) .......................................................... 10
Figure 3 - Nb d’espaces de coworking dans le monde - Source: Deskmag 3rd Global Coworking Survey, 2013.11
Figure 4 - Répartition des tiers-lieux de travail en France - Source : LBMG Worklabs 2012 ............................... 12
Figure 5 - L’explosion des espaces de coworking en France - Source : LBMG Worklabs, 2012. ......................... 12
Figure 6 - Les mots-clefs du coworking ................................................................................................................ 13
Figure 7 - Typologies d’animation d’un espace de coworking - Source : Livret de présentation CoRoutine ...... 14
Figure 8 - Critères de différentiation des espaces de coworking - Source : Silicon Sentier, 2009. ..................... 15
Figure 9 - Exemples d’espaces de coworking - CoRoutine, Mutinerie, la Cordée, le Hub Madrid. ..................... 15
Figure 10 - Les parties prenantes des espaces de coworking .............................................................................. 19
Figure 11 - Les services d’un télécentre en milieu rural selon Initiative Télécentres 77 ..................................... 21
Figure 12 -Motivations des usagers des coworking - Source : Deskmag 3rd Global Coworking Survey, 2013. .. 22
Figure 13 - Principaux freins au développement du télétravail - Source : Tour de France du Télétravail 2012 . 22
Figure 14 - Les Joker Cards et le principe de tarification libre à CoRoutine - Crédit : CoRoutine ....................... 28
Figure 15 - Réseau et interactions quotidiennes à Rueil92 Coworking - Source : Rueil 92 Coworking ............... 31
Figure 16 - Collaborations et échanges à CoRoutine - Source : Livret de présentation CoRoutine .................... 32
Figure 17 - Des collaborations fructueuses à la Ruche - Source: La Ruche, Bilan 2012 ....................................... 32
Figure 18 - Apports des espaces de travail collaboratif pour leurs utilisateurs - Source: BURRET A., PIERRE X. 33
Figure 19 - Impacts de la Cordée sur le chiffre d’affaire de ses coworkers - Source : Enquête usagers 2013 .... 34
Figure 20 - Livraison « Envies d’ici » - Crédit : Envies d’ici ................................................................................... 36
Figure 21 - Témoignages de coworkers - Sources : divers ................................................................................... 39
Figure 22 - La quête de l’équilibre personnel selon Hindy Hall - Crédit : Indy Hall ............................................. 39
Figure 23 - Produits conditionnés en ESAT - Crédit : CoRoutine ......................................................................... 41
Figure 24 - « Partage ton Frigo » à la Poudrière - Dans L’Est Républicain ........................................................... 42
Figure 25 - Modalités de transport domicile -coworking des Encordés - Source : La Cordée ............................. 43
Figure 26 - La Veilleuse de la CoRoutine – Dans Nord Eclair ............................................................................... 45
Figure 27 - Les indicateurs de Richesse du Pays de Loire .................................................................................... 50
Figure 28 - Comparatif des thèmes du DD dans plusieurs cadres de référence- Source : DATAR-CGDD, 2009.. 51
5
SOMMAIRE
INTRODUCTION ..................................................................................................................................................... 7
I. TIERS-LIEUX ET COWORKING : DE QUOI PARLE-T-ON ? ................................................................................ 9
I.1 Définition et typologie des tiers-lieux ......................................................................................................... 9
I.2 Le coworking : chiffres clefs ...................................................................................................................... 11
1.2.1 Le coworking dans le monde ......................................................................................................... 11
1.2.2 Le coworking en France ................................................................................................................. 12
I.3 Le coworking : un état d’esprit commun .................................................................................................. 12
I.4 Des approches différenciées ..................................................................................................................... 14
II. METHODOLOGIE D’ETUDE ............................................................................................................................ 16
II.1 Recueil de témoignages ............................................................................................................................ 16
II.1.1 Entretiens individuels .................................................................................................................... 16
II.1.2 Manifeste des Tiers-Lieux .............................................................................................................. 18
II.2 Recherche et analyse documentaire ......................................................................................................... 18
II.3 Observation et retour d’expérience LBMG Worklabs ............................................................................... 18
III. ETUDE DES PARTIES PRENANTES ................................................................................................................. 19
III.1 Identification des parties prenantes ......................................................................................................... 19
III.2 Attentes des parties prenantes ................................................................................................................. 20
III.2.1 Les Collectivités ............................................................................................................................. 20
III.2.2 Les usagers .................................................................................................................................... 21
III.2.3 Autres parties prenantes : ............................................................................................................. 23
IV. COWORKING ET DEVELOPPEMENT DURABLE DES TERRITOIRES : Revue de pratiques et témoignages .. 26
IV.1 La nécessaire implication des usagers : co-construction et gouvernance transversale ........................... 26
IV.1.1 Co-construction ............................................................................................................................. 26
IV.1.2 Gouvernance transversale............................................................................................................. 27
IV.2 Vers des approches plus concertées et plus durables des politiques publiques locales ......................... 29
IV.3 Un accélérateur d’innovation et un vecteur de dynamisme économique ............................................... 30
IV.3.1 Le coworking facilite le partage de compétences et crée des opportunités pour les coworkers . 30
IV.3.2 Le coworking favorise l’innovation, la création d’entreprise et l’accès à l’emploi ....................... 33
IV.3.3 Le coworking aurait un impact positif sur le chiffre d’affaires des entrepreneurs ....................... 34
IV.3.4 Un pôle de compétences à disposition des entreprises et porteurs de projets locaux : .............. 35
IV.3.5 Un laboratoire d’innovation sociale .............................................................................................. 35
IV.3.6 Le coworking pourrait permettre la (re)dynamisation de l’économie locale ............................... 36
6
IV.4 Une source de mieux-être et de qualité de vie pour ses usagers ............................................................ 37
IV.5 Un laboratoire et une vitrine de modes de consommation et de vie plus durables ................................ 40
IV.5.1 Sensibilisation des usagers aux enjeux du développement durable ............................................. 40
IV.5.2 Promotion d’une consommation plus responsable ...................................................................... 41
IV.6 Une alternative au télétravail à domicile pour les personnes handicapées ? .......................................... 43
IV.7 Des impacts environnementaux encore limités ....................................................................................... 43
IV.7.1 Transport domicile-travail ............................................................................................................. 43
IV.7.2 Energie ........................................................................................................................................... 44
IV.8 Un levier pour améliorer la qualité de vie locale et développer le lien social ? ...................................... 44
IV.8.1 Animation de la vie de locale et création de lien social : .............................................................. 45
IV.8.2 Projets à vocation sociale .............................................................................................................. 46
V. MESURER LES CONTRIBUTIONS EN TERMES DE DEVELOPPEMENT DURABLE : QUELS INDICATEURS ? .... 47
V.1 Intérêt et limites de l’exercice ................................................................................................................... 47
V.2 Méthodologie de définition des indicateurs : ........................................................................................... 48
V.2.1 Démarches d’auto-évaluation de télécentres ou espaces de coworking ..................................... 48
V.2.2 Indicateurs territoriaux de développement durable..................................................................... 48
V.3 Tiers-lieux de travail et développement durable des territoires : pistes d’indicateurs ............................ 53
CONCLUSION ....................................................................................................................................................... 57
REFERENCES ......................................................................................................................................................... 59
7
INTRODUCTION
Dans une étude prospective sur les « tendances de l’architecture et de l’espace public » réalisée en 2010
pour le Centre de Ressources Prospectives du Grand Lyon, « Millénaire 3 », l’architecte Elisabeth Perrot
résumait ainsi les changements à l’œuvre sur la notion d’espace de travail dans nos sociétés post-modernes
et s’interrogeait sur ses conséquences sur le visage urbain : « Le XXème siècle avait séparé d’un côté les
temps et les lieux du travail, de l’autre le domicile et les activités personnelles. Sous les effets conjugués de
l’explosion des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) et des
préoccupations environnementales, s’amplifient les usages professionnels en des lieux de nouveaux
genres, aussi hybrides que le réseau lui-même. Ces tiers-lieux participent à la progression du télétravail,
dans des formes salariées ou auto-entrepreneuriales. Par nature polymorphes, dispersés sur le territoire,
domiciliés et repérables, mais aussi instables, temporaires ou évènementiels, comment ces tiers-lieux
produisent-ils ou participent-ils à leur environnement urbain ? ».
Quasi inexistants en France il y a encore 5 ans, les « tiers-lieux de travail » (télécentres, espaces de
coworking…) s’y développent aujourd’hui à un rythme exponentiel. Entre domicile et bureau traditionnel,
ils permettent à tout un chacun de disposer de manière très flexible de bureaux connectés à internet, et
d’accéder à des équipements et services mutualisés. Travailleurs indépendants, petites entreprises, salariés
en télétravail ou en déplacement, chercheurs d’emploi … des usagers très divers sont ainsi susceptibles de
s’y croiser. Particularité de la France, la création de ces lieux est de plus en plus suivie et encouragée par
les acteurs de la sphère publique, qui y voient un moyen de stimuler le développement économique local
et l’innovation en exploitant les possibilités offertes par le numérique, de créer du lien social sur le territoire
et de contribuer, à long terme, à la décongestion des transports et à la réduction des émissions de gaz à
effet de serre (GES) par le développement du télétravail.
Ces projets rassemblent ainsi dans leurs enjeux mêmes, tels qu’imaginés par leurs initiateurs et financeurs,
les trois grands «axes» du développement durable. Ils constitueraient selon certaines études prospectives
des centres névralgiques des villes durables, villes « des temps pluriels » et « servicielles ».
Le cabinet au sein duquel je travaille, LBMG Worklabs, spécialisé dans la mise en œuvre du télétravail au
sein des organisations et dans la conception d’espaces de travail alternatifs, accompagne les porteurs de
projets dans l’émergence de ces lieux. L’objet de ce mémoire est de confronter les discours à la réalité en
tentant d’identifier, à partir de cas réels, en quoi ces « tiers-lieux de travail », par leur existence ou les
processus et pratiques qu’ils favorisent, sont effectivement susceptibles d’apporter une contribution
positive - alliant performance économique, sociétale et environnementale - à leurs territoires.
La première partie de ce document visera à clarifier pour le lecteur quelques notions clefs pour la bonne
compréhension de cette étude, qui se focalise essentiellement sur les espaces de coworking.
La deuxième partie présentera la méthodologie suivie.
La troisième partie sera consacrée à l’identification des parties prenantes des tiers-lieux de travail et de
leurs attentes vis-à-vis de ces espaces.
La quatrième partie présentera, sous forme de recueil d’observations et de témoignages, les contributions
positives que peuvent apporter les espaces de coworking par rapport à ces attentes et en matière de
développement durable pour leur territoire.
8
Enfin je tenterai dans une dernière partie d’élaborer une grille d’indicateurs qui permettraient aux tiers-
lieux de travail, dans une démarche volontaire, de mesurer concrètement et ainsi valoriser leurs
contributions auprès des parties prenantes de leur territoire.
N.B : tout au long du document, la présence de texte souligné caractérise la présence de liens web
permettant au lecteur « en ligne » d’accéder directement s’il le souhaite aux sources citées pour
approfondir les sujets.
9
I. TIERS-LIEUX ET COWORKING : DE QUOI PARLE-T-ON ?
I.1 Définition et typologie des tiers-lieux
La notion de « tiers-lieux » a été originellement introduite en 1989 par le sociologue Ray Oldenburg pour
désigner des lieux ne relevant ni du domicile ni du travail (respectivement « premier » et « second » lieu)
essentiels selon lui dans toute société pour l’entretien d’une vie civique et démocratique. Ces lieux tels que
les cafés, les librairies, les bars, ou même les salons de coiffure dans certains pays, présentent selon lui les
caractéristiques communes de permettre les rencontres dans un cadre informel en mettant à disposition
de tous un terrain neutre, accessible et accueillant, dans lequel les échanges entre habitués et visiteurs
occasionnels contribuent à créer une communauté vivante et un sentiment d’appartenance (au groupe
mais aussi à la société).
Par extension, le terme de « tiers-lieux de travail » est utilisé depuis quelques années pour désigner de
façon générique les nouvelles alternatives d’espaces de travail proposées à des professionnels de plus en
plus mobiles, entre le domicile et le bureau traditionnel. Ces espaces présentent des formats spécifiques
en fonction de leur territoire d’accueil et des objectifs de leurs fondateurs. On a d’abord vu se multiplier
depuis 2006 les initiatives de télécentres impulsées en milieu rural dans le cadre de politiques publiques de
développement économique et d’attractivité territoriale visant à favoriser l’implantation d’activités en
télétravail (salarié ou indépendant). Constitués le plus souvent de petits bureaux fermés et de salles de
réunion, ces derniers remportent aujourd’hui encore un succès mitigé, faute de moyens suffisants
consacrés à la qualité des équipements, aux services proposés mais aussi à la programmation et à
l’animation des lieux.
En parallèle, on a observé l’émergence spontanée et le succès grandissant en milieu urbain de nouveaux
types de lieux, les espaces de coworking. Le coworking est né en 2005 à San Francisco de la volonté d’une
nouvelle catégorie de travailleurs indépendants issus de la révolution numérique (graphistes, web-
designers …) de partager des bureaux pour sortir de leur isolement tout en réalisant des économies. Le
désir de ces habitués des réseaux sociaux de partager avec le plus grand nombre leur enthousiasme pour
cette solution a entraîné la création et l’essaimage fulgurant - aux Etats-Unis comme dans le reste du monde
– d’espaces de coworking ouverts à tous, s’adressant en priorité à une population croissante de travailleurs
autonomes et de petites structures entrepreneuriales.
A la différence des télécentres, le coworking ne se définit pas uniquement comme un lieu physique,
mais avant tout comme un mode d’organisation du travail qui regroupe à la fois un espace partagé et un
réseau de travailleurs encourageant l’échange et l’ouverture. Il privilégie ainsi les espaces de travail ouverts
et l’animation, afin de multiplier la création d’opportunités pour ses usagers, les coworkers.
En France, si la plupart des coworking sont portés par des initiatives privées, ils sont de plus en plus
soutenus par les acteurs publics avec des objectifs de soutien à l’innovation et à la création d’entreprise.
On observe par ailleurs que les pratiques et l’agencement de ces espaces inspirent les collectivités,
notamment en milieu péri-urbain, pour concevoir des tiers-lieux de travail hybrides, mi-télécentre / mi-
coworking, visant à répondre aux besoins de catégories d’usagers divers (indépendants et TPE mais aussi
salariés).
10
Figure 1 - Une définition du coworking proposée par le Comptoir Numérique, implanté à Saint-Etienne.
Dans certains cas, on voit se greffer, autour de ces
espaces de coworking, d’autres types d’espaces ou
briques de services plus ou moins ouvertes sur leur
territoire : Fablab ou Maker spaces visant à fournir au
plus grand nombre des outils mutualisés (mouvement
Do It Yourself), mais aussi espaces publics de formation
aux pratiques numériques ou points relais pour la
consommation collaborative. Certains de ces exemples
ont été conceptualisés sous le nom de « Tiers-Lieux
Open Source » et leurs processus d’émergence et de
gestion sont en cours de documentation sur un wiki –
Movilab – pour permettre leur multiplication.
Au-delà de ces initiatives, plusieurs penseurs et acteurs
de la ville et des territoires durables appellent à
l’émergence, autour des télécentres et des coworking,
de réels tiers-lieux, plus proches de la notion originelle
de Ray Oldenburg car mixant des usages divers,
professionnels et non professionnels. Jean-Baptiste
Roger, directeur de la Fonderie, l’agence numérique de
la Région Ile-de-France, déclarait ainsi en 2012 : « Les
tiers-lieux de travail donnent une nouvelle mobilité aux
salariés, une ouverture sur le monde et une stimulation que l’entreprise traditionnelle ne peut plus leur
assurer […]. Il est très envisageable de créer, autour de ces lieux de nouveaux pôles d’attractivité, avec des
crèches, des commerces, des services publics… Aujourd’hui, les villes et territoires sont tellement fragilisés
par les trajets domicile-travail qu’il devient urgent de relocaliser les activités au plus près des habitants. Les
tiers-lieux peuvent y contribuer.»
En 2013, ces lieux hybrides n’ont pas encore vraiment vu le jour en France. Cependant les projets qui en
portent les germes se multiplient, bousculant ainsi les définitions « cloisonnantes » en tachant de répondre
avant tout à des besoins locaux pré-identifiés.
Ce travail se focalise essentiellement sur l’étude d’espaces de coworking - ce choix étant motivé par trois
raisons principales :
le caractère spontané et exponentiel de la multiplication de ces espaces à travers le monde,
témoignant de l’existence d’un mouvement de fonds, reflet des mutations profondes en cours dans
le monde du travail (forte croissance du travail indépendant et de l’auto-entrepreneuriat,
aspiration des travailleurs à plus de liberté et de flexibilité dans l’organisation du travail).
Figure 2 - Les composantes des Tiers-Lieux OpenSource (Crédit : TiLiOS)
11
leur caractère innovant :
- par leur manière d’appréhender le rapport des individus au travail
- par les processus de création qu’ils favorisent
- par les liens qu’ils permettent de créer entre leurs usagers et avec les acteurs du territoire
les questions que ces nouveaux lieux posent aux collectivités et aux entreprises et la source
d’inspiration qu’ils représentent pour des territoires et organisations de plus en plus confrontés à
des problématiques d’attractivité, de capacité créative, de gouvernance, de recréation de lien
humain et de sens.
Début 2013 un fondateur de « Mutinerie », espace de coworking parisien, évoquait ainsi cet intérêt
croissant pour le phénomène : « Depuis deux ans, nous avons été contactés par une multitude d’acteurs
différents : des collectivités locales, des agences publiques, des associations, des promoteurs immobiliers,
des centres d’affaires, des groupements d’entrepreneurs, des groupements d’employeurs, des sociétés de
portage, des centres d’études et de recherche, des accélérateurs, des universités et grandes écoles, des
agences d’archi et de design, des sociologues, des étudiants…Ils viennent nous voir parce qu’ils trouvent ici
un cas d’étude, une proposition nouvelle. »
Pour aller plus loin sur la notion évolutive de « tiers-lieux » :
Philippe Cazeneuve : « A la rencontre du 3ème type … de lieu »
Marie D. Martel : « Le tiers-lieu, retour aux sources »
Raphaël Besson : « Les tiers-lieux, une notion à expérimenter et co-construire »
I.2 Le coworking : chiffres clefs
1.2.1 Le coworking dans le monde
Depuis la création du Hat Factory à San Francisco en 2005, le nombre d’espaces de coworking à travers le
monde n’a cessé de croitre, doublant quasiment chaque année. La 3ème enquête mondiale menée par le
magazine spécialisé Deskmag recensait ainsi près de 2500 espaces fréquentés par près de 110 000
coworkers. Si ce chiffre peut encore sembler dérisoire au regard de la population active mondiale,
l’ensemble des observateurs s’accordent à dire que le mouvement, qui voit naître 4 nouveaux espaces par
jour, ne semble pas prêt de s’essouffler, porté par le développement du travail indépendant et du télétravail
salarié, qui répondent aux aspirations des actifs à une plus grande liberté dans l’exercice de leur profession
et à un meilleur équilibre de vie.
Figure 3 - Nombre d’espaces de coworking dans le monde - Source : Deskmag 3rd Global Coworking Survey, 2013.
12
1.2.2 Le coworking en France
La France n’échappe pas à cette tendance mondiale. Encore inexistants il y a 5 ans les espaces de
coworking s’y sont multipliés à une vitesse encore plus rapide que les télécentres, pour atteindre
aujourd’hui le nombre de 121.
I.3 Le coworking : un état d’esprit commun
Il nous semble particulièrement important à ce stade de bien redéfinir ce qui fait un espace de
coworking. Le terme étant en effet devenu « tendance », il est de plus en plus usité pour désigner
simplement le concept d’espaces de travail ouverts permettant une location flexible, à l’heure ou à la
journée. Les interviews, observations de terrain et lectures menés dans le cadre du présent travail nous
rappellent cependant le côté réducteur de cette définition, le coworking se caractérisant avant tout par
un état d’esprit et des valeurs.
Les fondateurs des premiers espaces de coworking (Citizen Space, Indy Hall) se sont attachés à définir
ces valeurs comme suit:
Coopération (« Collaboration » en anglais) : l’aménagement spatial ouvert et l’ambiance du
lieu doivent favoriser le partage de connaissances et de compétences entre les coworkers.
Ouverture : le mouvement du coworking est influencé dans ses origines par la culture des
acteurs du logiciel libre (Open Source), qui consiste à ouvrir à tous les « codes-sources » des
créations pour permettre à chacun de se les approprier et de les améliorer. Dans la vie
quotidienne des espaces, ceci doit se traduire par une attitude ouverte des coworkers, prêts à
donner et recevoir aux autres membres de la « communauté ».
Communauté : les usagers des espaces de coworking et les liens tissés entre eux en constituent
la première richesse et l’essence. C’est la capacité d’un espace de coworking à identifier des
« communautés existantes » (qui trouveront dans son enceinte un espace physique pour se
rencontrer) et créer un sentiment d’appartenance parmi ses usagers, même les moins
Figure 4 - Répartition géographique des tiers-lieux de travail en France – Source : LBMG Worklabs, 2012.
Figure 5 - L’explosion des espaces de coworking en France - Source : LBMG Worklabs, 2012.
13
fréquents, qui font le succès d’un espace de coworking et le caractérisent comme tel (VERSUS
un télécentre ou un centre d’affaires traditionnel).
Accessibilité : les espaces de coworking doivent être ouverts à toute personne souhaitant
adopter cette manière de travailler.
Durabilité : cette valeur fait l’objet de diverses interprétations par les fondateurs d’espaces. Si
elle peut s’entendre au sens de « préservation de l’environnement » (la mutualisation et le
choix du lieu de travail rendus possibles par les espaces de coworking permettraient de réduire
les consommations d’énergies et les émissions de CO2), elle semble plus communément
envisagée dans le sens de « pérennité » (économique notamment).
Pour aller plus loin :
Un article proposant une réflexion sur ces valeurs par l’espace de coworking parisien « Mutinerie » :
http://bit.ly/18FElzr
Un article de Jacques Souillot, membre de l’association « Enseignement Public et informatique »
réfléchissant sur les liens entre philosophie « Open Source » et Développement Durable :
http://bit.ly/1aWnb5D
A ces valeurs “officielles” illustrant l’esprit coworking, on peut ajouter les mots-clefs revenus régulièrement
dans les entretiens menés dans le cadre de cette étude, ainsi que dans le cadre de l’appel à contributions
pour la rédaction d’un Manifeste des Tiers-Lieux (voir plus loin la méthodologie d’étude) :
Figure 6 - Les mots-clefs du coworking
Cet état d’esprit et ces valeurs mises en avant par les gestionnaires d’espaces resteraient cependant
purement conceptuels et intentionnels sans un élément clef qui constitue à ce jour un point de
différenciation essentiel entre les espaces de coworking et la plupart des télécentres : l’animation.
Les Tiers-Lieux Open Source nomment ainsi « Conciergerie » le « processus d’accueil et d’animation »
caractérisant tout espace de coworking et plus généralement de tiers-lieu. Le « concierge » est un
personnage clef pour la viabilité de l’espace. Il y joue le rôle d’aiguilleur et de coordinateur : par des
14
interventions subtiles, et la proposition d’animations, il met du liant entre les différents usagers de l’espace
et permet une appropriation du lieu par ces derniers.
La CoRoutine, espace de coworking à Lille, propose dans son dossier de présentation un bon aperçu des
types d’animation que l’on retrouve dans la majorité des espaces de coworking :
Figure 7 - Typologies d’animation d’un espace de coworking - Source : Livret de présentation CoRoutine
I.4 Des approches différenciées
Derrière les valeurs rassembleuses et les chiffres globaux qui témoignent de l’émergence d’un
phénomène mondial se retrouvent cependant des profils d’espaces très variés et des points de
différenciation forts, apparus tout au long de cette étude et qu’il conviendra de garder en tête dans
ses conclusions. Dans son rapport d’évaluation de fin 2009, l’association Silicon Sentier, à l’origine de
l’un des premiers espaces de coworking en France (La Cantine), énonce ainsi 3 axes de
différentiation entre les différents coworking spaces :
l’identité de la structure fondatrice (publique / privée, association / SCOP / entreprise),
influant sur les motivations et l’approche dans la conception du lieu (bottom-up / top-down) :
si aujourd’hui dans le monde la plupart des espaces de coworking sont portés par des structures
entrepreneuriales, la France se distingue par une prédominance du modèle associatif ou
coopératif, et par le soutien voire l’initiative de la sphère publique dans un nombre croissant
de projets.
le type de « retour sur investissement » attendu : selon les espaces, leur statut juridique et les
motivations de leurs fondateurs, l’accent sera plus ou moins mis sur la recherche de profit
économique ou le bénéfice social / sociétal apporté aux usagers et au territoire – cette autre
forme de bénéfice demeurant un élément de motivation fondamentale à l’origine de la création
de la plupart des espaces aujourd’hui. Le rapport de Silicon Sentier met à ce propos en évidence
la « complexité du dispositif du coworking, qui ne peut envisager le profit [et donc la pérennité
économique] sans la communauté et vice-versa [car] il met en œuvre un continuum construit
sur un équilibre délicat entre le capital humain et le capital économique ».
15
le degré d’intégration des usagers dans une dynamique de communauté : selon les espaces le
sentiment d’appartenance des usagers et leur intégration à la gouvernance du lieu seront plus
ou moins forts.
Figure 8 - Critères de différentiation des espaces de coworking – Source : Silicon Sentier, 2009.
A ces trois critères de différenciation, on peut ajouter le degré d’ouverture de l’espace : si la plupart
des espaces de coworking sont ajourd’hui ouverts à tous, certains espaces de travail collaboratifs
mettent en place un processus de sélection à l’entrée, le plus souvent basé sur une thématique
professionnelle, et se rapprochent ainsi plutôt de la résidence d’entreprises (c’est le cas par exemple
de la Ruche ou de Creatis à Paris, respectivement réservés aux acteurs de l’entrepreneuriat social et
de la création numérique).
Nous n’entendons pas dans le cadre de cette étude nous focaliser sur une typologie d’espace en
particulier ou comparer les impacts des différents types de structures entre elles. Ce travail serait trop
complexe et nous semble surtout peu pertinent tant la variété des cas est grande. Au-delà des points
de différentiation, l’étude de plusieurs espaces de coworking a surtout fait émerger de nombreuses
similitudes dans les valeurs (cf plus haut) et dans les pratiques potentiellement génératrices d’impacts
positifs pour un développement plus durable de leurs territoires. Nous nous attacherons dans ce travail
à les présenter puis à proposer une grille d’indicateurs permettant de les valoriser.
Figure 9 – Exemples d’espaces de coworking – CoRoutine,
Mutinerie, la Cordée, le Hub Madrid.
16
II. METHODOLOGIE D’ETUDE
II.1 Recueil de témoignages
Ce travail a tout d’abord été alimenté par la collecte de nombreux témoignages sous deux formes.
II.1.1 Entretiens individuels
Une quinzaine d’entretiens d’1h30 environ ont été réalisés auprès de deux catégories d’acteurs :
fondateurs ou gestionnaires d’espaces de coworking : afin d’identifier les motivations
inhérentes à la création de ces lieux et de recueillir des exemples concrets de pratiques
susceptibles d’avoir un impact positif pour leurs usagers et leur territoire.
représentants de collectivités soutenant activement le développement des tiers-lieux de
travail : afin de comprendre les objectifs poursuivis et d’identifier si des mesures concrètes
d’impact avaient déjà été réalisées, ou si celles-ci étaient prévues.
Le tableau ci-dessous détaille la liste des personnes rencontrées ainsi que les spécificités de leurs projets
ou responsabilités ayant motivé le choix de les interviewer.
ESPACE OU ORGANISATION
DESCRIPTION NOM DE LA PERSONNE
INTERVIEWÉE
ÉLÉMENTS AYANT MOTIVÉ L’INTERVIEW
Arrêt Minute Espace de coworking rural ouvert à Pomerol dans la périphérie de Bordeaux en septembre 2010. Statut juridique : association
Lucile Aigron, fondatrice
Coworking en milieu rural Projet d’initiative privée soutenu par la
Région Aquitaine et l’ADEME pour favoriser le développement du télétravail en Aquitaine via l’association « Tiers-Lieux ».
Citizen Box Espace de coworking ouvert en juin 2013 à Paris 18ème dans les locaux de la grappe d’entreprises musicales Paris Mix. Statut juridique : association
Marjorie Cavayé, coordinatrice Paris Mix Thomas Birault, gestionnaire de l’espace de coworking
Espace de travail implanté au sein d’un espace culturel (studio musical).
Volonté de croiser les univers différents. Vocation sociétale et volonté d’ouverture
aux habitants du quartier affichées.
Comptoir Numérique
Espace de coworking ouvert en 2010 à Saint-Etienne. Statut juridique : association
Delphine Duriaux, co-fondatrice et « concierge »
Un espace pionner en France, expérimentant le concept de tiers-lieu « multi-briques », intégrant, au-delà de l’espace de coworking, un Espace Public Numérique, un pôle Media Citoyen, un « HackerSpace ».
Intégré à l’éco-système de l’Economie Sociale et Solidaire.
Démarche documentée et « OpenSource »
La Cordée Un réseau de 5 espaces de coworking ouverts à Lyon depuis fin 2011. Un nouvel espace sera ouvert à Paris en septembre 2013. Statut juridique : SAS
Michael Schwartz, co-fondateur
Une initiative entrepreneuriale réussie. Parvenue en 2 ans à créer une communauté de coworkers fidèles tout en atteignant un équilibre économique lui permettant de se « multiplier » sur plusieurs sites à Lyon et maintenant Paris.
Labellisé « Lyon Ville Equitable et Durable »
CoRoutine Espace de coworking créé à Lille en 2010. Statut juridique : association
Simon Sarazin, co-fondateur
Espace né de la volonté d’un noyau d’indépendants et progressivement ouvert au public.
Gouvernance transversale et mutualisée avec les usagers
Culture « Innovation sociale » portée par les fondateurs.
17
Initiatives Télécentres 77
Association départementale de soutien à l’émergence d’un réseau de télécentres et espaces de coworking en Seine-et-Marne.
Anne-Sophie Calais, Directrice
Structure d’appui méthodologique et de partage de savoirs et bonnes pratiques pour près de 20 projets de télécentres et espaces de coworking en cours dans le département.
Movilab Projet d’expérimentation « in vivo » et de documentation Open Source de modes de vies durables, porté par Skema Business School et des acteurs de l’éco-système de l’innovation sociale (Angenius, Imagination for People, Openscop, OuiShare). Initié à l’occasion d’un appel à projets du MEDDTL puis soutenu par la Région PACA et le dispositif de Saint-Etienne la CyberLoire en Rhônes-Alpes.
Yoann Duriaux, co-fondateur, référent pour les sujets tiers-lieux et coworking.
Un wiki des « recettes libres et ouvertes d'actions remarquables pour leur participation à des modes de vies durables. »
Une démarche intéressante : o par son intention Open Source (partager
les savoirs pour permettre la démultiplication des actions)
o par les éclairages et contenus qu’elle met à disposition sur des expérimentations concrètes.
Mutinerie Espace de coworking ouvert à Paris 10ème en 2012. Statut juridique : SAS
Xavier Jacquemet, co-fondateur
Une initiative entrepreneuriale portée par la volonté de promouvoir un nouveau mode de vie et de travail.
Un espace emblématique du mouvement coworking à Paris
NETIS – Université Marne-la-Vallée Paris Est
Espace de coworking créé en 2013 au sein de l’université à l’initiative des étudiants du Département Management Ingénierie des Services.
Sylvie Mercier, Professeur associée
Une expérimentation du coworking en milieu étudiant, imaginé comme outil pédagogique et laboratoire de projets.
Objet d’un travail de recherche « Effets de levier ou contraintes pouvant être générés par les espaces de travail collaboratifs sur les salariés, les entreprises, les territoires »
Oui Share Collectif de promotion des initiatives de l’économie collaborative en France et à l’international
Antonin Leonard, Co-fondateur
Une vision large et prospective sur le mouvement de l’économie collaborative, ses impacts économiques et sociétaux et ses liens avec le coworking.
Saint-Etienne Agglomération
Direction de l’Innovation Dominique Parret, Directeur
La ville de Saint-Etienne s’appuie sur des structures associatives et coopératives locales pour favoriser l’essor d’un réseau de tiers-lieux.
Seine-et-Marne Conseil Général Gérard Eude, Vice-président chargé du développement économique et des grands projets d'aménagement
Une vision politique sur ce que le développement des tiers-lieux de travail peut apporter aux territoires.
La Ruche Espace de bureaux partagés ouvert à Paris 10ème en 2008, dédié à l’entrepreneuriat social et à l’ « Economie positive ». Statut juridique : association
Léa Vasa, Responsable de l’animation de la Communauté Thomas Petitjean Responsable financier administratif et logistique
Un des premiers espaces de travail collaboratif en France
Thématique « DD » Source d’inspiration pour de nombreux
espaces de coworking en France mais s’en distinguant par la sélection à l’entrée (selon thématique et viabilité économique) et une majorité de résidents à temps plein.
En 2013, La Ruche intègre le réseau Paris Incubateurs et accueille un incubateur dédié à l’innovation sociale « la Social Factory ».
156 Durable / Agence Parisienne du Climat
Coworking associé à un espace de sensibilisation au DD implanté à Paris 19ème dans un bâtiment vitrine en matière de performance énergétique. Abritera des animations de l’Agence Parisienne du Climat. Ouvrira ses portes en octobre 2013. Statut : Association
Laure Fabiani, Annick Kichenama, Benoît Liotard Conseillers info-énergie et coordinateurs d’activités à l’APC
Un projet associant explicitement coworking et sensibilisation au DD
Vocation d’ouverture sur le territoire via les permanences info-énergie et formations de l’APC qui s’y dérouleront et la création de liens avec le réseau associatif très dense du quartier.
CFE-CGC – Handicap Réseau « Handicap » du syndicat. Alain Bouvier, Représentant départemental Handicap dans le 77
Une vision des leviers que pourraient représenter les tiers-lieux de travail pour améliorer l’accès et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées.
L’ensemble des notes prises au cours de ces entretiens est disponible dans un document annexe qui ne
pourra être partagé que sur demande afin de préserver la confidentialité des informations échangées.
18
II.1.2 Manifeste des Tiers-Lieux
La recherche de contacts dans le cadre du présent travail nous a également amenés à échanger avec les
initiateurs du projet d’écriture collective d’un Manifeste des Tiers-lieux, Yoann Duriaux (co-fondateur du
Comptoir Numérique et du projet Movilab) et Antoine Burret (doctorant en sociologie et anthropologie,
actuellement en préparation d’une thèse sur les processus d’innovation à l’œuvre dans les espaces de
coworking). Lancé en juillet 2013 via un appel à contributions sous forme de questionnaire en ligne ouvert
à tous les acteurs impliqués dans des projets de tiers-lieux, l’initiative vise à améliorer la compréhension
des dynamiques à l’œuvre dans les tiers-lieux et mieux valoriser auprès du grand public leurs potentiels
impacts sur la société et le développement des territoires. L’ensemble des réponses obtenues via le
questionnaire feront l’objet d’une synthèse et d’une publication électronique en novembre 2013 sous
licence libre citant l’ensemble des contributeurs. La possibilité d’une publication papier est à l’étude.
L’accès qui m’a été ouvert aux réponses des premiers contributeurs a permis d’enrichir mes premières
conclusions de nouveaux témoignages remontés du terrain.
II.2 Recherche et analyse documentaire
Les témoignages et pratiques recueillis dans le cadre des entretiens ont ensuite été mis en perspective et
complétés par la lecture de divers articles, rapports et études disponibles sur les thématiques du coworking
ou sur les indicateurs de développement durable appliqués aux territoires. La recherche de sources
d’information a amené au constat qu’au delà d’articles courts et prospectifs, il n’existait pas à ce jour de
travaux très poussés ayant permis de mesurer concrètement les impacts des tiers-lieux de travail en termes
de développement durable pour leurs territoires. Ceci est certainement du au caractère encore
relativement neuf des expérimentations, du moins en France, et l’on note par ailleurs un intérêt croissant
de la recherche sur le sujet qui ne saurait tarder à combler ce manque. Les apports des différentes lectures
sont précisés au fil des parties de ce document. On en retrouve la liste en annexe.
II.3 Observation et retour d’expérience LBMG Worklabs
Enfin les réflexions menées dans le cadre de cette étude se sont enrichies des retours d’expériences de
missions d’accompagnement menées par LBMG Worklabs auprès de porteurs de projets de tiers-lieux de
travail, notamment la Communauté de Communes Brie des Morin (projet de création d’un télécentre /
coworking en zone rurale en Seine-et-Marne) et l’association Cowork in the City (ouverture à Paris 19ème en
septembre 2013 du « 156 Durable », espace de coworking abritant des animations de l’Agence Parisienne
du Climat et voué à sensibiliser les riverains aux enjeux du développement durable).
19
III. ETUDE DES PARTIES PRENANTES
III.1 Identification des parties prenantes
La première étape de ce travail d’étude, menée en parallèle des entretiens, a consisté à recenser les parties
prenantes intéressées ou potentiellement impactées par les tiers-lieux de travail, et plus spécifiquement
les espaces de coworking. Par leur vocation et les usagers qu’ils sont amenés à recevoir, ceux-ci
développent des relations plus ou moins intenses avec une multiplicité d’acteurs, individuels ou collectifs,
privés ou publics, regroupés pour cet exercice en 9 catégories :
Usagers
Etat et Collectivités Territoriales
Organismes de soutien à l’activité économique et à l’emploi
Acteurs de l’entrepreneuriat et de l’innovation
Société Civile
Fournisseurs
Financeurs privés
Communauté francophone et internationale du coworking
Media
Figure 10 - Les parties prenantes des espaces de coworking
20
III.2 Attentes des parties prenantes
Nous présentons ci-dessous les attentes exprimées par les parties prenantes vis-à-vis des tiers-lieux de
travail. Quand ces attentes ne sont pas explicites nous envisageons les impacts potentiels de ces derniers
sur chacune d’elles.
III.2.1 Les Collectivités
Nous l’avons vu en introduction, la France se distingue ces dernières années par l’intérêt croissant que les
collectivités portent au phénomène du coworking et par la volonté d’un nombre grandissant d’entre elles
d’encourager le développement de tiers-lieux de travail en général. La Région Ile-de-France a ainsi apporté
près de 2M d’euros de soutien financier à 30 projets de télécentres et espaces de coworking en 2012 et
2013. La Seine-et-Marne, l’Orne, l’Aquitaine et d’autres régions ou départements mobilisent également
différents outils et ressources pour favoriser l’émergence d’initiatives et impulser la création de réseaux de
tiers-lieux de travail sur leur territoire.
Si les enjeux et priorités varient nécessairement d’un territoire à l’autre, a fortiori entre territoires urbains,
semi-urbains et ruraux, on retrouve un ensemble d’objectifs communs dans ces démarches :
Favoriser le dynamisme économique et l’emploi local :
o en facilitant l’implantation, la création et le développement d’activités indépendantes et
de petites entreprises,
o par l’encouragement du télétravail salarié qui permettrait de maintenir quelques jours par
semaine sur le territoire les travailleurs pendulaires et leurs dépenses dans l’économie
locale (aspect particulièrement important en milieu rural et péri-urbain)
o par la mise à disposition de ressources de formation, sur place ou à distance
Développer la créativité et l’innovation sur le territoire :
o en permettant le croisement d’initiatives, de ressources et de compétences diverses sur
un même lieu - ou à distance grâce aux outils numériques.
Réduire les externalités négatives des déplacements domicile-travail en favorisant le télétravail :
o réduction des émissions de GES
o désengorgement des transports en commun dans les villes
o économies pour les territoires sur la construction et l’entretien d’infrastructures de
transport
Améliorer la qualité de vie et le bien-être des habitants par :
o la limitation des temps de déplacement domicile-travail favorisant un meilleur équilibre vie
privée-vie professionnelle
o la création de nouvelles occasions de socialisation
Certaines collectivités en milieu rural voient enfin en ces lieux des solutions intéressantes pour
(re)développer les services à la population. Initiatives Télécentres 77, dans son bilan d’activités 2012
rappelle ainsi : « Parmi les nouveaux services proposés dans le télécentre rural en Seine-et-Marne, les
services suivants sont envisagés : »
21
Figure 11 - Les services d’un télécentre en milieu rural selon Initiative Télécentres 77
On remarque dans ce dernier exemple l’usage du terme de « télécentre », plus traditionnellement associé
aux territoires ruraux comme nous l’avons vu plus haut. Toutefois, il est intéressant de noter que l’on voit
apparaître de façon spontanée des espaces de coworking en milieu rural, qui pourraient constituer des
alternatives attractives et plus conviviales pour les premières cibles de ce type d’espace (indépendants,
TPE) mais aussi pour des salariés en télétravail.
III.2.2 Les usagers
L’Enquête Nationale 2012 du Tour de France du Télétravail rappelle les attentes des principaux usagers
actuels des tiers-lieux de travail (indépendants, entrepreneurs, et TPE) :
o bénéficier d’un environnement de travail qualitatif pour être plus efficace et plus
productif
o rompre avec l’isolement du travail à domicile
o pouvoir effectuer des rendez-vous professionnels dans un lieu agréable
o bénéficier d’un lieu de travail lors de déplacements
L’enquête internationale menée par Deskmag auprès des usagers d’espaces de coworking apporte un
éclairage complémentaire intéressant sur leurs motivations : des dimensions humaines telles que le
sentiment de « communauté », les interactions sociales, l’ambiance arrivent ainsi en tête avant la qualité
des équipements de bureau.
22
Figure 12 - Les motivations des usagers d’espaces de coworking - Source :
Deskmag 3rd Global Coworking Survey, 2013.
Les statistiques montrent par ailleurs que l’accueil de télétravailleurs salariés reste encore anecdotique
dans les espaces de coworking, en France plus qu’à l’étranger. Ceci s’explique en premier lieu par une raison
évidente et indépendante des caractéristiques propres à ces espaces : le caractère encore relativement
embryonnaire du télétravail formalisé pour les salariés d’entreprises, du fait de la persistance de divers
freins, soulignés par l’Enquête Nationale 2012 du Tour de France du Télétravail.
Figure 13 - Les principaux freins au développement du télétravail en France - Source : Tour de France du Télétravail 2012
23
Dans les entreprises mêmes où ces freins ont été levés, on observe encore une certaine frilosité chez les
dirigeants à autoriser le télétravail en dehors du domicile. Les principales raisons évoquées étant :
o des exigences en termes d’équipement et de sécurité informatiques des lieux,
o les risques potentiels en termes de confidentialité - a fortiori dans des espaces
« physiquement » ouverts et cultivant l’esprit collaboratif comme les espaces de coworking
o les craintes avérées ou supposées des salariés ou de leurs représentants : perte du poste
de travail, risque de dégradation des conditions matérielles de travail….
Malgré ces réticences et le fait avéré que tous les espaces de coworking ne sauraient apporter une réponse
adaptée aux exigences et aux besoins de toutes les entreprises, on observe que ces espaces, plus que les
télécentres, attisent la curiosité et l’intérêt de plus en plus d’employeurs : pour la forme d’organisation du
travail qu’ils prônent, plus collaborative et plus transversale et pour leurs effets sur l’émulation créative et
la motivation des talents.
Une étude réalisée en 2011 par Mobilitis et Opinion Way auprès de 102 chefs d’entreprises de plus de 50
salariés soulignait ainsi que, s’ils étaient encore rares à avoir fait le pas ou à l’envisager sérieusement, la
majorité d’entre eux avaient une bonne opinion sur le coworking :
o dans sa déclinaison « intra-entreprise » (68%) : consistant à mettre à disposition des
salariés des espaces de travail collaboratifs dans des bureaux satellites internes proches
de chez eux.
o mais également dans sa conception d’origine, ouvert à d’autres acteurs externes à
l’entreprise (52%).
Dans notre entretien, la CoRoutine indique ainsi avoir reçu la visite intéressée de deux acteurs de la grande
distribution spécialisée réfléchissant à de nouvelles manières de stimuler leur capacité d’innovation et la
créativité de leurs salariés. Plusieurs espaces tels que Mutinerie, cité en introduction de ce travail, ou la
Cordée à Lyon, témoignent également de cette curiosité.
III.2.3 Autres parties prenantes :
Le tableau ci-dessous présente succinctement les attentes des autres parties prenantes vis-à-vis des tiers-
lieux de travail, les impacts potentiels de ces derniers sur celles-ci et les formes d’interaction réellement
observées. Ce travail a été réalisé sur la base des entretiens et des connaissances de LBMG Worklabs sur
les lieux et projets existant en France. Ces derniers étant pourtant très variés, le degré d’attente ou d’impact
potentiel pour chaque partie prenante variera nécessairement d’un projet et d’un territoire à l’autre. En
outre, le phénomène du coworking étant encore relativement peu connu du grand public, toutes les parties
prenantes n’expriment pas aujourd’hui nécessairement d’attentes vis-à-vis de ces espaces. On émettra
toutefois ici des hypothèses sur les impacts que ces lieux pourraient avoir sur elles.
24
PARTIE PRENANTE ATTENTES OU IMPACTS POTENTIELS
FORMES D’INTERACTIONS OBSERVEES
Organismes de soutien à l’activité économique et à l’emploi
Chambres consulaires (CCI essentiellement)
Pôle emploi
Coworking vu comme relai d’actions en tant que structure favorisant la création d’entreprises et l’innovation. A la fois lieu de travail et de formation.
Un intérêt pour le phénomène manifesté dans un article en 2012. Vu comme lieu de réseautage, de formation et cadre de travail motivant pour les porteurs de projets.
Sponsoring financier Mise à disposition de locaux Communication et mise en avant mutuelle Dispositifs de formation partagés ou co-construits
Peu d’exemples d’interactions concrètes
Acteurs de l’entrepreneuriat et de l’innovation
Clubs et associations d’entrepreneurs
Acteurs de l’Economie sociale et solidaire et de l’entrepreneuriat social
Acteurs de l’Economie Collaborative
Un lieu de réseautage, de diffusion des connaissances et partage des compétences
Espace de promotion et d’expérimentation de nouvelles formes de business models, d’innovation sociale, de modes de consommation et de productions plus durables
Nombreuses animations destinées aux coworkers et parfois ouvertes au grand public : petits déjeuners, ateliers, présentations de projets, conférences …
Interactions plus ou moins nombreuses selon le degré de sensibilité des fondateurs d’espaces à ces thématiques. Plusieurs exemples présentés plus loin dans ce document.
Fournisseurs
Entreprises locales,
Produits responsables (eco-label, bio, équitable, solidaire…)
Autres
Chiffre d’affaires complémentaire
Visibilité
Quelques exemples de bonnes pratiques dans la sélection de fournisseurs recueillis auprès d’espaces interviewés. Plus ou moins développées selon la sensibilité des fondateurs d’espaces.
Financeurs privés
Banques
Entreprises
Particuliers
Remboursement des prêts
Visibilité, terrain d’analyse et de veille sur des thématiques émergentes, formation au modèle d’innovation ouverte et aux nouvelles cultures entrepreneuriales
Développement et maintien des initiatives
Peu d’exemples aujourd’hui hormis le modèle intéressant des « Cantine », mêlant financement public et sponsoring privé.
Quelques exemples de « crowdfunding » présentés plus loin dans ce document.
Société civile
Riverains
Associations
Méconnaissance du phénomène => peu d’attentes exprimées. Impacts potentiels : animation de la vie locale, mise à disposition de nouveaux services de proximité, promotion de modes de consommation plus responsables.
Local pour se réunir ou promouvoir ses activités, sensibiliser à ses
Interactions encore limitées aujourd’hui mais intention de plusieurs gestionnaires d’espace de les développer. Quelques exemples présentés dans ce mémoire.
Plusieurs interactions observées dans le cadre d’évènements,
25
Enseignement et recherche
actions et recruter de nouveaux membres.
Intérêt de certains établissements à plusieurs titres : o comme outil pédagogique
applicable aux étudiants, o comme objet de recherche sur
les mécanismes favorisant l’innovation
o comme objet d’étude en tant que laboratoires de modes de vie durable
d’animations ou services proposés aux coworkers.
Expérimentation du coworking au sein de l’université (ex : IFIS à Marne-la-Vallée) Recherche et études (ex : A. Burret, étude socio-anthropologique à Lyon 2 ; Skema business School avec le projet Movilab,)
Communauté francophone et internationale du coworking
Retours d’expérience, partage de bonnes pratiques, débats
De nombreux échanges sur les plateformes dédiées : - Coworking wiki international
et francophone - Coworking initiatives - Groupe international
francophone des Tiers-lieux - Google Group Coworking
France
26
IV. COWORKING ET DEVELOPPEMENT DURABLE DES
TERRITOIRES : Revue de pratiques et témoignages
Nous présentons ici un ensemble de pratiques et témoignages collectés dans le cadre des entretiens et
lectures réalisés pour cette étude et tendant à montrer que les espaces de coworking peuvent par de
multiples aspects être vecteurs de développement durable pour leur territoire. Ces exemples sont à
considérer comme tels et il est important d’avoir en tête que, si l’on observe un socle de valeurs communes
entre les différents lieux, ceux-ci n’en présentent pas moins des expressions très diverses, dépendantes du
contexte local, des objectifs poursuivis, et de la personnalité des fondateurs (orientation plus ou moins
« économique », sociale, sociétale ou environnementale).
IV.1 La nécessaire implication des usagers : co-construction et
gouvernance transversale
En cohérence avec les valeurs qu’ils entendent promouvoir, les espaces de coworking se distinguent
d’autres formes d’organisation et d’espaces de travail par une volonté forte d’impliquer leurs usagers dans
leur gouvernance, voire dans leur conception.
L’ensemble des fondateurs d’espaces s’accordent à dire que cet état d’esprit constitue la condition
première de réussite de leurs projets, la garantie que le lieu ne restera pas une coquille de bureaux vides
ou un simple espace de connexion à internet sans autre valeur ajoutée pour ses usagers et ses parties
prenantes.
IV.1.1 Co-construction
Si les premiers espaces sont nés de la volonté de petits groupes d’indépendants de se regrouper dans un
même lieu avant de s’ouvrir au public, les initiateurs de projets plus récents insistent sur l’importance de
s’appuyer, dès leur phase de conception, sur les communautés et initiatives existantes de leurs
territoires.
Xavier Jacquemet, co-fondateur de Mutinerie à Paris, raconte ainsi comment la création d’un blog, la
communication sur les réseaux sociaux, l’organisation d’apéritifs de quartier ont permis de repérer, avant
l’ouverture du coworking, des personnes ou collectifs existant sur le territoire mais jusqu’ici isolés les uns
des autres et communément intéressés par l’idée d’une nouvelle manière de travailler, plus collaborative
et plus libre.
Dans cette même logique, l’association Cowork in the City, désireuse de créer deux espaces à Vincennes et
dans le 19ème arrondissement de Paris, a initié son projet par une enquête en ligne, qui lui a permis
d’identifier une centaine de personnes intéressées pour chacun des projets. A Vincennes, celles-ci ont
ensuite été conviées à une réunion de présentation du projet, suivie de 4 comités de co-construction, visant
à préciser l’identité du lieu, affiner la définition de son offre de services, imaginer des moyens de l’animer
et de développer ses relations avec l’éco-système local. Cette phase a ainsi permis d’enrichir le projet des
idées des participants (un noyau dur d’une dizaine de personnes présentes à chaque comité) mais surtout
de susciter un début d’appropriation du lieu par ses futurs usagers et un esprit de communauté.
27
Yoann Duriaux sur le wiki Movilab propose un outil innovant, permettant de créer un début de communauté
autour d’un futur lieu : la Cartopartie. Basée sur le logiciel libre de cartographie Open Street Map, cette
animation consiste à rassembler un groupe de personnes volontaires pour arpenter un territoire et partager
ses connaissances sur ce dernier, afin de créer des cartes « sur mesure » répondant à des besoins partagés.
Par exemple : carte des services aux entrepreneurs, carte des parking à vélos, carte pratique pour les
familles etc… Un moyen ludique de faire découvrir les pratiques collaboratives aux riverains, potentiels
coworkers, tout en affirmant l’ancrage du nouvel espace de coworking sur un territoire pré-existant et sa
volonté de tisser des liens avec ce dernier.
Autre exemple d’implication des coworkers : certains espaces les sollicitent pour améliorer et personnaliser
l’aménagement du lieu. A la CoRoutine, la terrasse en bois, l’aménagement du patio, les peintures ont ainsi
été réalisés par des membres. D’autres espaces comme la Ruche, Mutinerie ou le Comptoir Numérique
indiquent que certains de leurs meubles ont été apportés ou réalisés par des coworkers, contribuant ainsi
à donner une âme au lieu.
Pour aller plus loin dans cette idée de co-construction, quelques espaces commencent également à faire
appel à un mode de financement innovant : le crowdfunding. Basé sur des plateformes de mises en relation
telles qu’Ulule ou KickStarter, celui-ci permet aux porteurs de projets de solliciter le financement de
particuliers en l’échange de récompenses proportionnelles à leur contribution (goodies ou T-shirts au nom
du projet, journées ou abonnements gratuits d’utilisation de l’espace …). Un récent article de Deskmag
souligne les avantages de cette pratique, au-delà de la somme d’argent récoltée : identifier une
communauté de personnes intéressées par le projet et ses valeurs, trouver de nouveaux partenaires, faire
connaître l’espace et le concept de coworking à un plus grand nombre. En France, l’article cite l’exemple
du LapTop à Paris qui a ainsi collecté, via une campagne postée sur Ulule, ses premières inscriptions et
récolté 3200 € pour l’achat de mobilier et fournitures manquantes. La CoRoutine se félicite également
d’avoir pu réaliser deux déménagements pour s’agrandir en faisant appel au financement participatif. Tout
récemment encore, l’espace de Coworking les Satellites a pu emménager dans un espace plus grand au
centre de Nice et financer en partie ce mouvement grâce à la collecte de plus de 10.000€ auprès de 80
participants.
IV.1.2 Gouvernance transversale
Lorsqu’on évoque la gouvernance du lieu, l’ensemble des gestionnaires d’espaces interviewés ont souligné
le caractère très « participatif », « transversal » et « horizontal » de leur organisation, ceci indépendamment
de la vocation lucrative ou non du projet. Ceci est cohérent avec les valeurs d’ouverture et de collaboration
prônées par le coworking et l’idée que la principale richesse d’un espace et la condition de sa viabilité
résident dans sa communauté.
Ainsi Michael Schwartz souligne que la Cordée - qui a le statut de SAS - « se crée au quotidien avec les
"Encordés" [nom donné aux membres de l’espace] ». Ceci se fait par les échanges informels facilités par
l’esprit convivial du lieu, mais résulte également d’une réelle volonté de l’équipe d’animation. Ainsi, le
réseau social interne "Le Refuge", permet aux Encordés de partager spontanément leurs idées (animation
du lieu, organisation interne...). Chaque mois l'équipe de la Cordée (les "Couteaux Suisses") organise
« L’envers du décor », une discussion ouverte avec les membres sur la stratégie de la Cordée.
Pour Simon Sarrazin, co-fondateur de CoRoutine, il est très important de privilégier l’horizontalité dans la
gouvernance de tout espace de coworking – et particulièrement dans cet espace à but non lucratif créé par
un noyau dur d’indépendants « proche des logiques des logiciels libres » et ouvert progressivement au
28
public. Selon lui, la force de l’espace vient du fait que son évolution se fait de manière « organique », sans
outil ou planification particulière mais au quotidien, avec les coworkers, dans une logique de services
rendus, de gratuité et de confiance. Chaque coworker s’implique ainsi dans la vie du lieu, de multiples
manières : en préparant à manger pour un déjeuner collectif, en sortant les poubelles, en partageant son
matériel informatique, en contribuant aux réflexions sur la stratégie tarifaire du lieu via la mailing liste des
membres … Afin de rendre cette participation ludique, la CoRoutine a mis en place les « Joker Cards »
permettant à chacun de tirer au sort son implication dans les tâches du jour.
Figure 14 - Les Joker Cards et le principe de tarification libre à CoRoutine (Crédit : CoRoutine)
Dans cette logique poussée d’appropriation par les coworkers, CoRoutine, s’approchant d’un modèle de
co-gestion, a également mis en place le principe de contribution libre pour son coin cafeteria et les
conférences organisées au sein du lieu. Ce système basé sur la confiance ne génère apparemment pas de
dérives nuisibles à son équilibre économique. Simon Sarrazin souligne que «dans la mesure où les gens sont
autorisés à mettre d'eux-mêmes dans l'espace, ils y sont attachés et s’impliquent d’autant plus. »
Cet état d’esprit d’ouverture aux initiatives des coworkers, qui cherche à les stimuler, se retrouve à des
degrés divers dans la majorité des espaces de coworking. Peu à peu, des individus venant avant tout pour
travailler deviennent force de proposition et enrichissent la vie du lieu. La plupart des gestionnaires
soulignent ainsi qu’une part importante des animations organisées (petits-déjeuners, mini-formations,
ateliers, débats …) sont initiées par les coworkers eux-mêmes.
Ainsi, en cherchant à impliquer leurs usagers, les espaces de coworking parviendraient à susciter parmi ces
derniers un sens de bien commun, bénéfique à la vie du lieu. A une époque où de nombreuses organisations
cherchent les moyens de ré-impliquer leurs membres dans une dynamique commune, l’étude et
l’expérimentation « in vivo » de la gouvernance des espaces de coworking pourraient montrer une voie.
Certains territoires et entreprises commencent ainsi à se pencher sur ces initiatives et à s’en inspirer pour
améliorer leur propre gouvernance et le développement de projets en approche plus concertée avec leurs
habitants ou leurs salariés et les autres parties prenantes.
29
IV.2 Vers des approches plus concertées et plus durables des
politiques publiques locales
Cette approche de co-construction et de gestion par la concertation inspire de plus en plus de collectivités
dans leurs propres façons d’impulser des projets de télécentres ou espaces de coworking. Nous l’avons
évoqué plus haut et un intéressant article de Deskmag le rappelle, la France se distingue d’autres pays par
le nombre de projets initiés « from scracth » par la sphère publique. Les collectivités sont ainsi de plus en
plus nombreuses à investir dans la rénovation, l’aménagement et le raccordement très haut débit de
bâtiments pour y permettre l’installation de tiers-lieux de travail, avec les objectifs que nous avons vu
précédemment. Si les risques d’une approche « top-down » sont régulièrement soulignés par la
communauté du coworking (surdimensionnement, manque de convivialité, perte de flexibilité et de
créativité dans la gestion du lieu ..), certaines collectivités ont pris conscience en s’inspirant de ses pratiques
de la nécessité d’impliquer leurs parties prenantes (citoyens et acteurs économiques et sociaux) dès la
conception des lieux afin de garantir leur succès. On peut citer comme exemple la Communauté de
Communes de la Brie des Morin, porteuse d’un projet en milieu rural en Seine-et-Marne. Accompagnée par
LBMG Worklabs, celle-ci a mis à profit sa bonne connaissance du territoire pour mobiliser en amont les
acteurs les plus pertinents par rapport à son projet (CCI, Chambre des métiers et d’artisanats, chambre
d’agriculture, associations professionnelles, clubs d’entrepreneurs, mais aussi associations de
commerçants, de loisirs, de familles, afin de toucher le plus grand nombre de citoyens). Ces acteurs ont été
invités à relayer une enquête en ligne dans leurs réseaux, afin d’identifier les utilisateurs potentiels du futur
lieu et de comprendre leurs attentes. Mais surtout, cette enquête a permis de faire ressortir une vingtaine
d’habitants ou organisations intéressés à proposer leurs services ou compétences pour animer le lieu,
voire participer à sa gestion. Une réunion publique a ensuite permis aux plus intéressés de se rencontrer
et d’échanger sur le projet. Si cette dynamique doit être entretenue, le lieu n’étant pas encore ouvert, les
premiers germes d’une future communauté ont ainsi été créés et devraient permettre de sécuriser le
démarrage du projet et favoriser son rayonnement sur le territoire.
On observe par ailleurs des exemples intéressants de collectivités qui, ayant identifié des initiatives
spontanées de tiers-lieux sur leurs territoires, décident de s’appuyer sur ces derniers et leur expertise pour
favoriser le développement de réseaux, plutôt que d’internaliser cette compétence.
L’équipe de l’Arrêt-Minute de Pommerol a ainsi été mandatée en 2011 par la Région Aquitaine pour créer
l’association Tiers-Lieux qui doit sur une période de 3 ans sensibiliser aux enjeux du télétravail et aider au
développement de nouveaux espaces de travail alternatifs sur le territoire.
Dominique Parret, directeur de l’Innovation pour Saint-Etienne-Agglomération déclare dans la même
logique : « nous avons identifié un tissu associatif très actif sur place et avons préféré nous appuyer sur leur
connaissance terrain pour favoriser l’émergence d’un réseau de tiers-lieux sur notre territoire (espaces de
coworking mais aussi fablabs, centres de ressources numériques …). » L’équipe du Comptoir Numérique est
ainsi mandatée par la Ville pour organiser des évènements visant à faire connaître le concept de tiers-lieux
au grand public, tout en apportant son appui méthodologique et logistique à des porteurs de projets.
L’ensemble des acteurs intéressés par la démarche sont invités à rejoindre le collectif portant cette
dynamique : « Coworking Sainté ». «Ce choix du partenariat plutôt que de l’internalisation à tout prix de la
compétence est une expérimentation importante à nos yeux : de même que les espaces de coworking
réinventent l’organisation du travail ou l’immobilier d’entreprise, il s’agit pour nous d’une nouvelle manière
d’appréhender la gestion des politiques publiques et la relation aux citoyens. » indique Dominique Parret.
30
IV.3 Un accélérateur d’innovation et un vecteur de dynamisme
économique
“By means of an empirical research conducted in the coworking communities across the
Netherlands, this explorative study finds that coworking enhances knowledge diffusion, sustains
productivity growth and fosters innovation.” (DEIJL C., 2011).
IV.3.1 Le coworking facilite le partage de compétences et crée des opportunités
pour les coworkers
L’ensemble des personnes interviewées ainsi que de nombreux articles et documents d’étude soulignent
que l’une des premières contributions positives du coworking pour ses usagers et, par ricochet pour son
territoire, est qu’il facilite la mise en relation des personnes, la collaboration et le partage de compétences
entre eux. Cette communication ne pourrait émerger sans le rôle crucial des animateurs. Delphine Duriaux,
« concierge » au Comptoir Numérique explique ainsi que son métier consiste à subtilement faire découvrir,
sans imposer, à des personnes venues initialement pour travailler seules dans de bonnes conditions
matérielles, l’intérêt d’échanger avec les autres coworkers, potentiellement porteurs d’idées ou de
compétences intéressantes pour leur travail. Pour faciliter les premiers échanges, il est par exemple
proposé à chaque nouvel usager de créer une fiche présentant sa photo, son métier, son projet ou ses
compétences. Des moments de convivialité comme des déjeuners sont organisés régulièrement, au départ
par l’animateur puis de plus en plus spontanément par les coworkers. On retrouve ces pratiques dans la
plupart des espaces, en plus des animations évoquées plus haut, et celles-ci permettent dans de nombreux
cas de faire émerger spontanément des collaborations professionnelles de diverses formes.
Mutinerie, dans un article faisant le bilan de sa première année d’activité identifie ainsi 5 formes de
collaboration entre coworkers :
Travailler ensemble sur un projet commun. C’est l’exemple classique du designer et du
développeur qui, pour un temps donné, constituent une équipe.
Mutualiser des actions de communication / actions événementielles. Nous sommes
nombreux à travailler sur des problématiques connexes avec des angles d’attaque et expertises
complémentaires. Nos audiences sont différentes mais elles se complètent et se mélangent
bien.
Pratiquer le micro conseil gratuit. donner son avis sur un logo, donner quelques conseils sur
les Relations Presse, débloquer quelqu’un sur un problème technique… Ce genre de petits
coups de pouce qui font gagner beaucoup de temps.
Se refiler des bons tuyaux. “Je connais un mec super qui sait faire ça.” “Cette app est top, essaie
la.” “Tu as vu l’appel à projet ?” “Cette journaliste aimerait vous rencontrer.” “Ma cousine
cherche un stage.”
Se former mutuellement. Pouvoir s’apprendre des choses entre coworkers à l’occasion de
formations.
Michael Schwartz, co-fondateur de la Cordée, mentionne pour sa part dans le cadre de notre entretien 3
niveaux de collaboration : « 1/ la convivialité naturelle et l’échange de contacts et conseils ; 2/ les
recommandations à l'extérieur ; 3/ les collaborations et réponses communes à des appels d’offre ».
31
L’ensemble des fondateurs d’espaces indiquent ainsi, comme Lucile Aigron de l’Arrêt Minute, que les
collaborations internes deviennent vite « trop nombreuses pour être comptabilisées. »
Certains espaces comme Rueil 92 ou CoRoutine se sont pourtant essayés à les représenter, sur la base
d’enquêtes auprès de leurs membres :
Figure 15 - Réseau et interactions quotidiennes à Rueil92 Coworking - Source : Rueil 92 Coworking
32
Figure 16 - Collaborations et échanges à CoRoutine - Source : Livret de présentation CoRoutine
Dans son bilan 2012, la Ruche donne également quelques exemples concrets :
Figure 17 - Des collaborations fructueuses à la Ruche - Source: La Ruche, Bilan 2012
Xavier Jacquemet, de Mutinerie, insiste sur la valeur ajoutée de ces collaborations qui, au-delà de procurer
de nouvelles idées et opportunités aux coworkers, contribuent à « améliorer l’efficience des processus de
travail (processus d’achats, processus commercial…) » en supprimant les intermédiaires habituellement
nécessaires dans d’autres environnements de travail : le fait de pouvoir être en contact directement avec
une compétence au sein de l’espace permet aux coworkers de réaliser des gains de temps et de ressources
précieux, particulièrement pour des entrepreneurs. Les procédures s’en retrouvent également allégées,
plusieurs collaborations n’étant pas encadrées par des contrats mais fonctionnant plutôt sur des principes
de réciprocité de services rendus ou des conditions préférentielles. Delphine Duriaux confirme ainsi : « au
33
sein de l’espace de coworking chacun peut faire son marché de compétences et éviter une perte de temps
et d’énergie précieux ! ».
IV.3.2 Le coworking favorise l’innovation, la création d’entreprise et l’accès à
l’emploi
Des témoignages innombrables et études montrent également que, par la multiplication de ces échanges
et collaborations spontanées et aléatoires, le coworking favorise la créativité et l’innovation. Un article de
recherche de Bruno Moriset (voir ref.), le considère ainsi comme un « accélérateur de sérendipité », définie
comme le fait de réaliser une découverte inattendue grâce au hasard et à l’intelligence.
Cet environnement de travail s’avère particulièrement stimulant et pertinent pour tout entrepreneur.
Lucile Aigron souligne ainsi que « L'Arrêt Minute met à disposition de porteurs de projets des locaux et une
dynamique de soutien à l'entrepreneuriat sans critères de sélection, à la différence de tous les autres types
de structure (pépinières, incubateurs, couveuses…). »
Antoine Burret et Xavier Pierre, dans un document universitaire de recherche sur les espaces de coworking
en tant que « nouveaux dispositifs accompagnant la création d’entreprise » schématisent ainsi les
nombreux apports des espaces de coworking à leurs usagers :
Figure 18 - Les apports des espaces de travail collaboratif pour les utilisateurs - Source : BURRET A., PIERRE X.
Les exemples d’idées d’entreprise nées et développées au sein d’espaces de coworking sont légion. Un
journaliste qui ne connaissait rien du web a ainsi découvert au Comptoir Numérique les multiples usages
qu’il pouvait en faire pour enrichir son travail et y a développé son projet de journal 100% en ligne.
A la Cordée, Caroline, créatrice de l’entreprise « Travaux futés », qui permet aux particuliers d’acheter à
prix cassés des matériaux invendus, a rencontré Frédéric, coach de travaux à faire soi-même pour les
particuliers. Ils ont ainsi pu développer une offre conjointe pour développer leurs business respectifs.
34
Cet environnement propice à l’entreprise peut aussi profiter aux chercheurs d’emploi. Deux personnes
en recherche sont ainsi actuellement en train de développer leur projet à l’Arrêt Minute. Ils y trouvent une
dynamique de travail qu'ils n'ont pas seuls chez eux.
Un étudiant réalisant son mémoire de fin d’études a été accueilli gratuitement à Mutinerie pendant un été
en l’échange de services rendus (accueil, bar ). Sans avoir à le chercher, il a trouvé son premier travail sur
place, auprès d’une entreprise fréquentant l’espace.
Un autre étudiant a pu s’entrainer pour se préparer à des entretiens en anglais et rédiger son CV numérique
en fréquentant le Comptoir Numérique pendant 3 mois.
Pour terminer cette partie, montrant les multiples impacts bénéfiques qu’a le coworking sur l’esprit
d’entreprise des personnes, il est enfin particulièrement parlant de noter qu’il fait naître chez certains
coworkers des vocations d’entrepreneurs pour fonder …. leurs propres espaces de coworking. Ainsi, de
nouvelles « Ruches » sont en préparation à Khinshasa, Montréal, et Bruxelles. Mutinerie raconte
également : « Deux coworkers mutins sont en train d’ouvrir leurs propres espaces de coworking : Anh Tuan
Gai avec Coswos à Montpellier et Francesco Cingolani à Paris avec Super Belleville. D’autres espaces nous
ont fait l’honneur de s’inspirer de Mutinerie comme La Poudrière que viennent d’ouvrir les joyeux drilles de
Coworking Nancy. »
IV.3.3 Le coworking aurait un impact positif sur le chiffre d’affaires des
entrepreneurs
Le fait de travailler en espace de coworking aurait également un impact positif sur le chiffre d’affaires de
certains usagers free-lancers ou entrepreneurs. On retrouve dans tous les témoignages deux explications à
cela :
une amélioration de la qualité de travail et de la productivité liée à un environnement de travail
stimulant,
de nouvelles opportunités d’affaires générées par contact au sein du lieu ou à l’extérieur.
Lucile Aigron souligne ainsi que la majorité des coworkers de l’Arrêt Minute ont observé un retour
économique direct depuis leur adhésion. A titre personnel elle déclare : «Avant l'Arrêt Minute mon activité
de graphiste me rapportait X K€ dans l'année. Au bout d'un an: 30% de plus. L’année prochaine je devrais
encore progresser de 40%. »
En interrogeant ses coworkers lors de son enquête annuelle 2013, la Cordée fait le même constat :
Figure 19 - Les impacts de la Cordée sur le chiffre d’affaire de ses coworkers -
Source : Enquête usagers 2013
35
Claudia Deijl, dans une étude sur les impacts économiques du coworking aux Pays-Bas confirme:
« Regression analysis has established that users of coworking spaces have a significantly higher income than
the average entrepreneur ».
IV.3.4 Un pôle de compétences à disposition des entreprises et porteurs de projets
locaux :
Plusieurs espaces de coworking, conscients d’être des viviers de compétences, ont initié différentes
actions permettant de les valoriser et d’en faire bénéficier les acteurs de leurs territoires.
Arrêt-Minute organise ainsi des partages de savoirs ouverts à tous les habitants. Lucile Aigron souligne
toutefois qu’il est difficile de faire franchir le pas de porte aux personnes externes à l’espace. Les coworkers
organisent par ailleurs des conférences et ateliers pour les entreprises et artisans dans les locaux de la CCI.
Enfin, un projet de centre de formation avec les compétences des coworkers est en cours. Ces derniers
créent l'offre ensemble. 30% des recettes sont reversés à l'Arrêt Minute. Un modèle gagnant-gagnant
permettant de renforcer la collaboration entre coworkers, de trouver d’autres ressources pour renforcer le
modèle économique du lieu, tout en accentuant la visibilité du lieu et en accroissant son impact sur le
territoire.
Dans la même logique, Mutinerie vient de lancer sa Mutinerie School, qui propose aux entrepreneurs et
aux freelances des formations ponctuelles, ciblées et pratiques réalisées par les coworkers autour de trois
axes : Tech, Design et Business.
Un article du figaro d’août 2013 mentionne également le projet de Co-work in Grenoble qui souhaite
ouvrir en 2014 une école de l’entrepreneuriat, en s’appuyant sur les créateurs d’entreprise qu’il abrite
pour « «ouvrir le champ des possibles des personnes en mal d'horizon », répondant ainsi à une idée
récemment développée par la Ministre des PME de l’Innovation et de l’Economie Numérique.
IV.3.5 Un laboratoire d’innovation sociale
Plusieurs exemples tendent également à démontrer la valeur des espaces de coworking comme
laboratoires privilégiés de l'innovation sociale, au service de leurs territoires. Celle-ci est définie comme
un processus d’innovation collective permettant d’apporter une solution nouvelle à un besoin social
nouveau ou mal satisfait en impliquant la participation des acteurs concernés. Elle est de plus en plus
reconnue, au niveau européen comme au niveau local, comme l'une des solutions à privilégier pour
répondre aux défis sociaux et environnementaux accentués par les crises économiques.
Pour Dominique Parret, directeur de l’Innovation de Saint-Etienne Agglomération, les tiers-lieux - espaces
de coworking mais aussi Fablab - permettent de créer dans la ville « des zones franches d’innovation
sociale [favorisant] de nouvelles formes de lien social entre des publics d’horizons divers, propices à la
créativité et à l’entrepreneuriat ». La ville et la Région Rhône-Alpes soutiennent ainsi l’émergence d’un
« Incubateur de projets Open Source » imaginé par le réseau « Coworking Sainté », visant à accompagner
des porteurs d’idées ou de projets à forte valeur ajoutée pour le territoire, non seulement économique
mais aussi sociale et environnementale.
L’association NETIS, le coworking d’initiative étudiante de l’Université Paris-Est de Marne-la-Vallée, propose
de son côté d’offrir à ses membres « un cadre pérenne d’expression et d’expérimentation du travail
collaboratif (pratiques et valeurs associées) par le développement de projets non marchands. » Sylvie
36
Figure 20 - Livraison « Envies d’ici » - Crédit : Envies d’ici
Mercier, professeur associé à l’Université qui accompagne les étudiants dans cette démarche, souligne
l’importance de ce lieu « physique » qui se révèle être un excellent instrument pédagogique : « les élèves
des différents Masters, dont les rythmes scolaires ne coïncident pas et ne leur permettent que de se croiser,
ont ainsi créé les conditions pour se retrouver autour de ce qui est devenu une véritable cellule
d’innovation au service du territoire». Plusieurs projets associant les compétences complémentaires des
diplômants des majeures Immobilier et TIC du département Management Ingénierie des Services y ont ainsi
été développés dans une approche collaborative avec des organismes publics (tels que le SAN Val d’Europe)
et privés (Orangelabs). La première année, le projet pédagogique portant sur la donnée ouverte (Open
Data) a par exemple abouti à la création collective d’une application basée sur OpenStreetMap qui
cartographie les lieux d’Art Thérapie présents en Europe pour répondre aux besoins l’association d’aide aux
handicapés mentaux la Gabrielle. Le projet a été co-financé par la Commission Européenne dans le cadre
d’un programme de soutien aux initiatives citoyennes basées sur l’Open Data.
A la CoRoutine, dont les fondateurs sont issus de l’économie sociale et solidaire, des rencontres sont
organisées tous les mois pour permettre à des porteurs de projets d’innovation sociale de challenger
(« pitcher ») leurs idées et de tester leurs réalisations auprès des coworkers.
On pourrait considérer que cette réalité ne concerne que les espaces de coworking clairement liés au
mouvement de l’entrepreneuriat social. Toutefois on constate que même dans les espaces « généralistes »
on retrouve souvent une proportion significative de porteurs de projets « à vocation positive » sociale
et/ou environnementale. Ainsi, la Cordée a remarqué que ces derniers concernaient 30% de ses
coworkers. Ses fondateurs considèrent également leur participation aux réflexions du Grand Lyon sur
l'Innovation Sociale comme une prolongation logique de leurs efforts pour promouvoir les vertus de
l’attitude collaborative. L’Arrêt Minute accueille également des entrepreneurs sociaux des coopératives
d'activité et d'emploi Co-action et Coop'alpha.
Là encore, ces constats poussent les acteurs à la recherche de nouveaux modèles d’innovation à s’intéresser
au coworking. Des entreprises de la distribution spécialisée ont ainsi visité la CoRoutine pour s’inspirer et
imaginer des moyens de renforcer leur capacité d’innovation à valeur ajoutée sociétale ou
environnementale.
IV.3.6 Le coworking pourrait permettre la (re)dynamisation de l’économie locale
Une tendance à privilégier l’économie locale dans les achats et la recherche de solutions
On retrouve chez beaucoup de fondateurs d’espaces interviewés une volonté de favoriser le recours aux
entreprises locales dans leurs diverses démarches. La Cordée réalise ainsi plus de la moitié de ses achats
auprès de fournisseurs présents sur le territoire lyonnais.
La CoRoutine privilégie pour les produits alimentaires et boissons la boutique
« Envie d'ici », engagée à ne vendre que des biens de consommation produits
dans un rayon de moins de cent cinquante kilomètres.
Certains espaces privilégient également autant que possible les artisans locaux pour leur aménagement.
37
Dans un autre registre, Sylvie Mercier, professeur associé à l’Université de Paris-Est Marne-la-Vallée indique
que la philosophie des projets développés au sein du coworking étudiant NETIS est de systématiquement
rechercher les solutions les plus proches sur le territoire, dans une double optique de maximiser l’efficience
des processus et de valoriser les compétences et savoir-faire locaux.
On ne peut généraliser à l’ensemble des espaces de coworking cette recherche de valorisation de
l’économie locale, qui repose essentiellement sur la personnalité et la volonté des fondateurs. L’enjeu de
relocalisation est cependant bien perceptible dans les initiatives de coworking rural qui commencent à se
multiplier en France.
En zone rurale, des effets sur le commerce de proximité
En zone rurale encore, l’installation d’un espace de coworking, au-delà de favoriser ou de préserver
l’implantation d’activités sur le territoire, permet également de créer une nouvelle source de clientèle pour
les commerces et services de proximité, souvent menacés par la désertification. On peut ainsi citer l’Arrêt
Minute : « Une dizaine de coworkers vont régulièrement à la Poste : ils créent du flux pour les services et
commerces locaux. Les clients et amis des coworkers viennent aussi dans l'espace : autant de clients
additionnels potentiels pour les commerces de Pomerol, [village de 735 habitants]. »
IV.4 Une source de mieux-être et de qualité de vie pour ses usagers
Les exemples présentés jusqu’ici démontrent les impacts directs que peuvent avoir les espaces de
coworking sur le dynamisme économique local. Un autre aspect particulièrement intéressant et palpable
réside dans leur impact sur le bien-être et la qualité de vie de leurs usagers.
Michael Scwhartz rappelle comme de nombreux fondateurs de coworking interviewés que cela a été pour
lui une motivation importante lors de la création de son espace : «Avec la Cordée nous souhaitions soutenir
le travail indépendant, permettre à des personnes de maintenir leur activité mais aussi créer de l'entraide,
réduire la solitude des gens, favoriser le vivre mieux et l'équilibre de vie. » Des programmations autour du
mieux-être sont ainsi organisées afin d’ouvrir les horizons des coworkers à d’autres sujets que leur
quotidien professionnel et de « transmettre sans imposer une philosophie du ʽ faire mieuxʼ plutôt que
ʽ plus ʼ ».
Le travail en espace de coworking permettrait ainsi d’accroître le bien-être au travail et même, selon
certains, le sentiment de bonheur. Xavier Jacquemet, co-fondateur de Mutinerie, suggère pour mesurer
cet effet de « mettre une caméra le matin au dessus de la porte d’entrée de [son espace] et de compter le
nombre de visages souriants à leur arrivée ».
Concrètement, cette contribution au bien-être se décompose selon les axes suivants :
Meilleur équilibre vie professionnelle-vie personnelle :
o grâce à une séparation plus nette entre l’univers de travail et la maison. Ce point est
particulièrement important pour des indépendants et entrepreneurs qui travaillent bien
souvent à domicile pour des raisons économiques.
o grâce à la réduction des temps de transport domicile-travail. Cet effet demeurant toutefois
encore limité compte-tenu du faible nombre de salariés fréquentant aujourd’hui les
espaces de coworking.
38
Sortie de l’isolement et (re)découverte des vertus de la convivialité et de l’entraide : pour les
travailleurs indépendants et les entrepreneurs particulièrement, le coworking présente
l’avantage majeur de sortir d’un isolement caractéristique de leur activité. Elodie Chatelais, qui
fréquente Coworking Saint-Brieuc indique ainsi que « nous assistons à la naissance d’une
alternative réelle au salariat ou à l’isolement du freelance, c’est enthousiasmant ! ».
Au-delà de cet impact, dont on pourrait considérer que l’intérêt est limité à des personnes
travaillant habituellement à leur domicile, plusieurs usagers témoignent du fait que le
coworking leur permet de vivre, voire de retrouver, les plaisirs simples de la convivialité et de
l’entraide – rencontrer des personnes nouvelles ouvrant d’autres horizons, échanger, rire, être
soutenu en cas de difficulté… – qui manquent de plus en plus dans les grands pôles urbains
mais aussi dans le monde du travail. Comme nous l’avons vu plus haut, les enquêtes utilisateurs
soulignent même que ce point devient au fil du temps pour de nombreux coworkers l’une des
premières motivations à fréquenter « leur » espace.
Montée en confiance par la pratique de la coopération et de la collaboration : plusieurs
gestionnaires d’espaces et usagers témoignent enfin des forts impacts qu’ont la promotion et
la pratique de l’état d’esprit collaboratif sur l’ « empowerment » - ou la « capacitation » - des
personnes. La posture volontairement bienveillante des fondateurs d’espace, la possibilité de
solliciter des conseils et toutes les formes de collaboration évoquées plus haut favorisent ainsi
l’autonomisation des individus, leur prise de conscience de leurs propres compétences mais
aussi des points sur lesquels l’appel à d’autres sera nécessaire. Certains usagers soulignent ainsi
des impacts positifs sur le sentiment de confiance en soi mais aussi envers les autres. Au cours
des entretiens, plusieurs cas ont été évoqués de personnes en situation d’échec professionnel
ou personnelle - voire de dépression - ayant été « reboostées » par la fréquentation du
coworking.
Nous présentons ci-dessous divers témoignages de coworkers illustrant ces impacts :
Coworkers de l’Indy Hall, Philadelphie:
39
Pascal, Consultant en Management, Coworking Saint-Brieuc :
« Personnellement, c’est la rupture de l’isolement qui est le plus gros apport, et aussi – si cela se présente – la possibilité
de recevoir des signes de reconnaissance hors de tout rapport marchand. »
Magali, consultante, Comptoir Numérique de Saint-Etienne :
« Les gens ici ont beaucoup de capacités et de connaissances, ça m’a permis de franchir des étapes ».
Les fondateurs de l’espace Remix, Paris 3ème, sur le principe de bienveillance :
“Ce n’est ni suranné, ni niais, le monde est juste une jungle, par conséquent un endroit où l’on se sent pris en
considération, respecté et un peu choyé, c’est essentiel selon nous.”
César, un coworker à Remix :
“Remix n’est pas seulement un espace de travail collectif, le concept du lieu fondé sur le partage et l’état d’esprit de
ses fondateurs créent un milieu propice à l’échange et à la générosité : expert lunchs, task forces, débats, consultations
d’experts et brainstorming se font naturellement entre coworkers inspirés et inspirants”.
Julien Dossier, à la Ruche :
« La Ruche, c’est un espace où des entrepreneurs ne partagent pas seulement des m2 mais aussi des valeurs. Il est
bénéfique de pouvoir, au quotidien, se connecter à d’autres. En les écoutant, j’ai découvert plein de nouvelles choses,
hors de mon domaine d’activité professionnelle. Je me réjouis de connaître tant d’autres porteurs de projets innovants.
Je me nourris de leur façon de lire le monde ou de résoudre les problèmes. C’est un processus naturel qui s’élabore, au
fur et à mesure des échanges, de la confiance qui s’installe, de la camaraderie qui naît de proche en proche : c’est une
joie de sentir que des relations d’amitiés émergent en parallèle à un environnement de travail. Sur un plan personnel,
on se sent citoyen, acteur et pas seulement consommateur d’un lieu. »
Figure 21 – Témoignages de coworkers – Sources : divers
En remettant l’humain au cœur des dynamiques de travail, le coworking apparait ainsi, comme le
suggèrent Antonin Léonard de Oui Share dans notre entretien et l’espace Indy Hall dans l’illustration ci-
dessous, comme un lieu privilégié permettant de briser les frontières souvent érigées entre logique
marchande et logique non-marchande. Il créerait les conditions favorables pour permettre à chacun
d’avancer vers l’atteinte de son propre équilibre, et de trouver ses éléments de réponse aux questions
fondamentales que se posent de plus en plus d’individus mais également nos sociétés : quelles définitions
de la richesse et du profit ? Quels éléments composent le bonheur ?
Figure 22 - La quête de l’équilibre personnel selon Hindy Hall - Crédit : Indy Hall
40
IV.5 Un laboratoire et une vitrine de modes de consommation et de
vie plus durables
Les parties précédentes tendent à renforcer l’idée évoquée en introduction que l’état d’esprit et les valeurs
diffusés dans les espaces de coworking s’approchent par de multiples aspects des principes du
développement durable (prise en compte des parties prenantes, gouvernance transversale, juste équilibre
entre profit économique et bien social …). S’il est trop hâtif et erroné de généraliser, nous observons
toutefois que cette notion imprègne la vie de nombreux lieux, sous diverses formes que nous présentons
ci-dessous.
IV.5.1 Sensibilisation des usagers aux enjeux du développement durable
Tout d’abord on observe que le développement durable au sens large occupe dans plusieurs cas une place
non négligeable dans les thématiques abordées par les animations – le numérique et les problématiques
de l’entrepreneuriat demeurant toutefois les sujets les plus abordés. Rencontres autour d’entrepreneurs
sociaux ou d’acteurs de l’économie sociale et solidaire, ateliers sur les pratiques d’achats et de productions
durables, conférences sur les grands enjeux environnementaux et sociétaux, groupes de travail sur le
revenu de base, sont quelques exemples parmi d’autres d’évènements initiés par certains fondateurs
d’espaces ou coworkers, qui visent à sensibiliser un plus grand nombre aux enjeux du développement
durable.
Nous l’avons abordé en introduction de ce travail, plusieurs fondateurs d’espaces mais aussi analystes font
le lien entre la logique OpenSource - qui imprègne de manière plus ou moins forte les différents
coworking - et les principes du développement durable. Pour Delphine Duriaux, le Comptoir Numérique a
ainsi un rôle à jouer pour « faire connaître aux travailleurs-citoyens de nouveaux modes de consommation
et de production plus durables », en favorisant la démocratisation des usages du numérique et la
propagation de la logique OpenSource, vecteur selon elle de développement durable dans le sens où
elle « favorise le partage des connaissances, évite le gaspillage qui consiste à tout recommencer
individuellement à chaque fois, et permet de faire mieux, d’aller plus loin, tout en accroissant le bien
commun».
La promotion des éco-gestes est un autre reflet de cette volonté de certains espaces de sensibiliser sans
culpabiliser leurs usagers aux enjeux écologiques et sociétaux. L’équipe de la Cordée s’est ainsi lancée dans
la production de ses propres produits ménagers bio et a partagé ses premières impressions avec ses
coworkers via son blog. Pour aller plus loin que le tri sélectif de ses déchets, l’espace fait appel aux services
de l’entreprise Elise, qui valorise les papiers de bureaux en assurant leur recyclage tout en favorisant
l'emploi des personnes handicapées ou en difficulté d’insertion.
Autre exemple intéressant : le coworking StartWay à Montrouge, qui a lancé en juillet 2013 avec MyCO2
(« solutions innovantes pour la ville durable ») un challenge interne pour encourager les coworkers à
réduire leurs consommations d’énergie :
« Afin de sensibiliser ses utilisateurs à leur consommation quotidienne d’énergie, Start-Way a décidé d’équiper l’ensemble de ses espaces
avec les solutions Smart Conso et Green Points. Ces solutions permettent aux coworkers de mesurer leurs consommations d’énerg ie et
d’ainsi prendre conscience de leur impact environnemental. Les coworkers réalisant des écogestes gagnent des Green Points pour leurs
efforts. Ces Green Points sont ensuite échangeables contre des récompenses. Des EnergyPad visibles de tous les occupants et visiteurs
affichent de manière ludique et communicante les consommations de Smart Conso et les montants de Green Points attribués, créant un
challenge et une émulation positive entre les occupants. » Source : www.start-way.com
41
IV.5.2 Promotion d’une consommation plus responsable
En cohérence avec les exemples évoqués ci-dessus plusieurs espaces, dans leurs pratiques internes mais
aussi via des animations destinées aux coworkers et au grand public, entendent contribuer à la promotion
d’une consommation responsable, associant des critères environnementaux
et sociaux, limitant le gaspillage et privilégiant les circuits courts.
On observe ainsi dans les cuisines partagées de certains espaces de
coworking la présence dominante de produits de base bio, issus du
commerce équitable ou encore conditionnés en ESAT (Etablissement de
Service et d’Aide par le Travail).
Autre pratique plus souvent observée : la livraison hebdomadaire de paniers de produits locaux et /ou bio
aux coworkers - que ceci se fasse via une association de chantier d’insertion, comme au Comptoir
Numérique avec « Les Jardins D’Oasis », ou via le réseau de communautés d’achat direct aux producteurs
locaux « La Ruche qui dit Oui », comme chez Mutinerie et de plus en plus d’autres espaces en France.
Ce dernier exemple nous permet de faire le lien entre les espaces de coworking et l’économie collaborative,
basée sur la fonctionnalité et l’usage, qui serait amenée selon plusieurs prospectivistes à remettre en
question dans de plus en plus de domaines l’économie de la propriété aujourd’hui dominante. Dans un
récent article paru dans le Huffington Post, Antonin Leonard, fondateur du collectif Oui Share et Emile
Hooge, consultant en stratégies territoriales, présentent leur vision de l’ensemble des contributions que
cette économie pourrait apporter à un développement plus durable et plus résilient des territoires :
« L'économie collaborative propose […] de nouveaux modèles, porteurs de sens, pour le développement des territoires : de nouveaux modes de consommation privilégiant l'usage sur la possession, de nouvelles manières de produire en pair-à-pair, de nouvelles relations de confiance fondées sur le partage, les réseaux sociaux et la proximité et de nouvelles formules participatives pour financer des projets.
Cette économie émergente rassemble désormais de nombreux acteurs aux statuts variés, de la coopérative à la start-up en passant par l'entrepreneur indépendant, l'association et même certaines grandes entreprises. Elle offre une grande diversité de solutions et de services qui rencontrent des attentes concrètes du côté des usages. On trouve des plateformes de location entre particuliers (plateformes généralistes avec Zilok par exemple, spécialisées dans la voiture avec Drivy, ou les appartements avec AirBnB...), des dispositifs de financement participatif (Ulule, KissKissBankBank ou HelloMerci, Prêt de Chez Moi), mais aussi de nouveaux espaces de fabrication (FabLabs) ou de travail (coworking) en mode collaboratif, des individus qui s'organisent pour partager leurs déplacements en covoiturant (avec l'appui de plateformes globales comme Blablacar ou locales comme Covoiturage Grand Lyon) ou même des filières de distribution qui se réorganisent pour rapprocher producteurs et consommateurs (avec La Ruche Qui Dit Oui dans le secteur alimentaire).
Autour de ces nouvelles activités économiques et de ces lieux collaboratifs, se développent des communautés de confiance, locales ou en ligne, qui donnent encore plus de force à cette dynamique, permettant au territoire de produire des richesses économiques, d'améliorer la qualité de vie pour ses habitants, d'attirer des touristes ou de nouveaux résidents, tout en limitant les impacts négatifs sur l'environnement et en contribuant à renforcer le lien social autour de valeurs collaboratives.
Nous sommes convaincus que les territoires qui cultiveront un terreau fertile pour cette économie collaborative seront plus résilients face aux crises et plus agiles face aux opportunités du monde qui nous entoure. »
Un article de Deskmag illustré de multiples exemples à l’international comme en France soulignait
récemment que les espaces de coworking pourraient devenir « un hub pour le développement de la
consommation collaborative ». Antonin Leonard, dans notre entretien, confirme : « Les tiers-lieux tels que
les coworking concourent à un questionnement sur nos modèles de développement, nos modes de vie. Ils
pourraient devenir les centres névralgiques de la vie locale. Un lieu de mise à disposition de plusieurs briques
de services, outils, produits mutualisés ou en lien avec l'économie collaborative, une plateforme d’échange
de services et d’objets entre particuliers. » Ces lieux physiques permettant la rencontre des communautés
« virtuelles » de consommateurs collaboratifs permettraient ainsi d’accroître la visibilité auprès du grand
public de ces nouveaux modèles de consommation et de production, a priori porteurs d’un
Figure 23 - Produits conditionnés
en ESAT - Crédit : CoRoutine
42
développement plus durable (voir à ce propos l’analyse des avantages et limites « Des modèles de
développement économique durable pour la métropole » réalisée pour le Centre de Prospectives du Grand
Lyon, Millénaire 3). Ainsi, Mutinerie, le Comptoir Numérique et plusieurs autres espaces en France
organisent des animations de sensibilisation à destination des coworkers et des riverains. Le tout neuf
« Epicentre cowork » ouvert à Clermont-Ferrand lancera bientôt sur une radio locale l’émission « Sytème
Co », « un rendez-vous mensuel d’une heure pour faire connaître les pratiques collaboratives de toutes
sortes : dans la vie quotidienne, au travail, dans les loisirs, dans les nouvelles façons de se rencontrer,
d’échanger, de circuler, de se nourrir… ».
Au-delà de la consommation collaborative « marchande » certains
coworking souhaitent également promouvoir la valeur ajoutée des
logiques de don, en aménageant en leur sein des « espaces de
gratuité » permettant de limiter le gaspillage tout en créant du lien
social. La GiveBox du Comptoir Numérique, ouverte à tous et incitant
les coworkers à ne pas jeter les objets qu’ils n’utilisent plus, ou le
soutien de l’initiative « Partage ton Frigo » à la Poudrière de Nancy en
sont des exemples non isolés.
Enfin, même si cela reste embryonnaire il nous semble intéressant de
souligner comme le faisait un récent article de Deskmag l’émergence
de monnaies alternatives dans certains espaces de coworking. La
Matrice, à Saint Brieuc, aurait ainsi lancé sa propre monnaie, pour
l’instant réservée aux échanges entre coworkers mais qui pourrait s’ouvrir aux commerçants locaux.
D’autres expériences ont également été identifiées à Toronto, dont les résultats seraient à approfondir.
Si l’ensemble de ces initiatives contribuent à démontrer que les espaces de coworking pourraient, en tant
que « vitrines », accélérer l’adoption par le grand public de modes de vie plus durables, rappelons toutefois
quelques limites :
o ces pratiques concernent aujourd’hui les espaces de coworking à des degrés très divers selon les
motivations de leurs fondateurs
o comme le soulignent certains, elles ne rentrent pas dans la vocation première d’un espace de travail
et nécessitent que les gestionnaires y consacrent du temps supplémentaire et bénévole, dont la
rentabilité économique, sociale et environnementale pour les espaces et leur territoire reste
encore difficile à mesurer.
Figure 24 - « Partage ton Frigo » à la Poudrière - Dans L’Est Républicain
43
IV.6 Une alternative au télétravail à domicile pour les personnes
handicapées ?
Anne-Sophie Calais, d’IT 77 mentionnait dans notre entretien que le développement de tiers-lieux de travail
pourrait offrir une alternative au télétravail à domicile pour les personnes en situation de handicap ou à la
mobilité professionnelle réduite du fait de maladies nécessitant des soins quotidiens. Alain Bouvier,
responsable de la section Handicap de la CFE-CGC de Seine-et-Marne confirme dans notre entretien que
ces lieux constitueraient une parade à l’isolement dont souffrent souvent les personnes handicapées en
télétravail, et qu’ils faciliteraient aussi grandement pour ces dernières la gestion d’achat et d’entretien du
matériel de travail.
M. Bouvier rappelle cependant que cet impact potentiel des tiers-lieux de travail ne saurait se matérialiser
et se développer sans 2 points essentiels :
- la progression des mentalités et une meilleure acceptation et gestion de la mise en place du
télétravail dans les entreprises, a fortiori pour les personnes handicapées.
- l’adaptation, a minima et dès leur conception, des tiers-lieux pour permettre l’accessibilité aux
personnes handicapées (circulation simple, alarmes sonores et visuelles, digicode accessible en
fauteuil roulant…).
Les entretiens et recherches menées dans le cadre de ce travail n’ont pas permis de faire remonter et
d’étudier des cas concrets de travailleurs handicapés fréquentant des espaces de coworking ou des
télécentres.
IV.7 Des impacts environnementaux encore limités
IV.7.1 Emissions de GES liées aux transports domicile-travail
Nous l’évoquions en introduction et cela a été confirmé par nos entretiens, l’impact des coworking, mais
aussi à ce jour des télécentres, sur la réduction des impacts négatifs liés aux déplacements domicile-
travail apparaît encore très limité. Le développement du télétravail étant encore trop faible, peu de
salariés fréquentent ces espaces, a fortiori les coworking qui s’adressent aujourd’hui en priorité aux
populations de travailleurs indépendants.
Certains suggèrent même au contraire que les espaces de coworking créent
des déplacements supplémentaires en faisant sortir de chez elles des
populations travaillant habituellement à domicile. L’observation des espaces
implantés en milieu urbain montre cependant que les coworkers résident en
général à une distance raisonnable de l’espace et peuvent ainsi s’y rendre à
pied, en transports ou à vélo. Mutinerie constate ainsi dans son bilan 2012
que la majorité de ses coworkers résident à 20 minutes ou moins en
transport, 50% résidant à moins de 10 minutes.
La Cordée a également réalisé un sondage auprès de ses membres qui montre
un faible usage de la voiture.
Figure 25 - Modalités de transport domicile -
coworking des Encordés - Source : La Cordée
44
Dans sa démarche de privilégier les transports doux, cet espace a demandé et obtenu auprès de la Mairie
de Lyon l’installation d’un parking à vélo à proximité de son local.
La situation est différente cependant en milieu rural où la voiture reste le principal mode de transport. On
peut noter des initiatives intéressantes pour limiter les impacts de ces déplacements comme celle de la
Communauté de Communes de la Brie des Morin, qui a prévu d’installer une aire de covoiturage en face de
son futur télécentre/espace de coworking.
Lucile Aigron d’Arrêt Minute souligne par ailleurs que si l’on prend en compte le fait que la navette domicile-
travail n’est pas l’unique déplacement effectué dans une journée-type, implanter les espaces de coworking
à proximité immédiate d’autres espaces de services quotidiens (commerce, crèche, poste …) pourrait
permettre au contraire de limiter les déplacements quotidiens des usagers et leurs impacts.
IV.7.2 Energie
Nous avions également émis l’hypothèse en première partie de ce travail que le coworking pourrait
contribuer à diminuer la consommation d’énergie au niveau d’un territoire par la mutualisation des espaces
de travail et des équipements. Ceci reste cependant difficile à prouver et à mesurer compte-tenu de la
variété des performances énergétiques des bâtiments abritant des espaces de coworking, mais aussi de
celle des domiciles et autres lieux de travail de leurs usagers, ces derniers étant par ailleurs relativement
volatiles et ayant des habitudes différentes. Ceci serait donc à étudier dans le cadre d’une démarche
spécifique.
On ne trouve par ailleurs aujourd’hui en France que de très rares exemples de coworking hébergés dans
des bâtiments à la conception exemplaire en matière de consommation énergétique. On peut citer le 156
Durable qui ouvrira ses portes en octobre 2013 dans un bâtiment entièrement rénové aux normes BBC par
l’association EDIF (Enérgies Durables en Ile-de-France). Un article de Deskmag fait également état
d’exemples à l’étranger tel qu’un espace à Denver entièrement alimenté par l’énergie solaire.
IV.8 Un levier pour améliorer la qualité de vie locale et développer
le lien social ?
Nous avons vu dans les parties précédentes les impacts que le travail en coworking pouvait générer pour
ses usagers professionnels et, par répercussion, pour son territoire. En zone rurale particulièrement mais
aussi au niveau d’un quartier, un coworking peut également être le point de départ d’un tiers-lieux au sens
plus large, ouvert aux riverains et participant ainsi plus fortement à la vie locale. Le nombre d’exemples de
ce type demeure toutefois à ce jour limité. Ceci tout d’abord parce que tous les espaces n’entendent pas
avoir cette vocation. En outre, la plupart des coworking ayant aujourd’hui moins de deux ans d’ancienneté
en France, beaucoup de fondateurs consacrent en priorité leur énergie à améliorer l’offre de services et
l’animation destinées aux coworkers, afin d’assurer la pérennité économique de leur espace.
La plupart des gestionnaires d’espaces interviewés manifestent toutefois la volonté de développer cette
ouverture, avec le triple objectif d’attirer de nouveaux usagers, de faire connaître le coworking et ses
valeurs, et de faire bénéficier leur territoire des compétences qu’ils hébergent. Lucile Aigron, de l’Arrêt
Minute, souligne ainsi que : « Le rôle de médiateur avec le territoire est primordial, [particulièrement en
milieu rural], et doit être développé. » Elle rejoint ainsi l’idée soutenue par Initiative Télécentres 77 que les
tiers-lieux de travail doivent être « en interaction avec [leur] environnement : implantation à proximité des
45
lieux de vie et des commerces, liens avec les associations locales, relais d’information sur les services et
animations locales ». On trouve ainsi quelques exemples intéressants d’ouverture que nous présentons ci-
dessous.
IV.8.1 Animation de la vie de locale et création de lien social :
Certains espaces de coworking, bien que minoritaires, affichent clairement une volonté d’étendre leur
impact aux populations riveraines, en développant des briques de services ou d’activités complémentaires
à leur vocation d’espace de travail collaboratif. Ils tendent ainsi à devenir des tiers-lieux au sens plus large,
tel que défini en introduction.
C’est le cas par exemple du Comptoir Numérique de Saint-Etienne, qui se définit comme « Tiers-Lieux Open
Source », et abrite un espace de coworking mais également d’autres activités telles que :
- des formations aux pratiques numériques pour les seniors, chercheurs d’emploi,
associations et jeunes riverains.
- des ateliers de fabrication « Do iT Yourself » rassemblant des étudiants geeks et des
personnes étrangères à l’univers numérique, tel qu’un ébéniste.
- des « cartoparties » de quartier durant lesquelles les habitants sont invités à cartographier
sur l’outil Open Street Map différents services utiles à leur quotidien.
En diffusant dans des univers habituellement cloisonnés la logique collaborative prônée par le coworking
et la culture des logiciels libres, le lieu entend ainsi bénéficier à son territoire, en agissant comme pôle de
ressources favorisant la création de lien social et l’émergence d’initiatives nouvelles.
Dans la même logique, la CoRoutine a hébergé pendant
quelques mois dans son local une initiative de « Veilleuse
de quartier », imaginée par Perrine Boissier. Celle-ci
consiste à mettre à disposition des habitants et
associations un local leur permettant de devenir des
veilleurs et acteurs de leur quartier, en recensant chacun
des informations relatives à la vie pratique, culturelle,
sociale, en présentant leurs initatives, en se proposant
l’échange de services ou d’objets …
Ces initiatives, bien que prometteuses en termes d’impact
sociétal n’en demeurent pas moins fragiles. Elles
nécessitent en effet des efforts constants des initiateurs
pour mobiliser leurs parties prenantes et les rendre actrices
et propriétaires de ces dernières. En outre, leur pérennité économique dépend fortement des volontés de
soutien des citoyens et des collectivités locales. Il y a en ce sens un enjeu fort à pouvoir démontrer et
mesurer leurs impacts pour les territoires.
Figure 26 – La Veilleuse de la CoRoutine – Dans Nord Eclair
46
IV.8.2 Projets à vocation sociale
Nous présentons dans cette partie deux exemples d’initiatives visant à « décloisonner » le coworking en
l’ouvrant à des populations qui en sont jusqu’à présent sociologiquement exclues. Notons au préalable que
celles-ci sont à ce jour essentiellement portées par des coworking de type associatif à but non lucratif, ou
en partie financés par le secteur public, qui intègrent ainsi plus naturellement une vocation d’intérêt
général que des coworking d’initiative purement privée.
La Citizen Box, implantée dans les locaux de la grappe d’entreprises musicales « Paris Mix » à Paris 18ème,
entend ainsi prolonger en 2014 un « chantier école » mené par Paris Mix et soutenu par la Région Ile-de-
France. Celui-ci a permis sur 6 mois de former professionnellement au numérique et à ses applications dans
les domaines culturels un groupe de 12 jeunes de 18 à 30 ans en difficulté d’insertion. En partenariat avec
La Cantine, Citizen Box souhaite désormais créer un chantier d’insertion permettant aux jeunes de travailler
en espace de coworking et monter ainsi en compétences pour améliorer leur employabilité, dans les
applications du numérique à l’industrie musicale mais aussi dans d’autres domaines tel que le e-commerce.
Dans une logique proche, l’association Zoomacom qui anime aujourd’hui le Comptoir Numérique souhaite
désormais accompagner l’émergence de tiers-lieux dans des quartiers dits « sensibles » de Saint-Etienne.
Un premier exemple actuellement en expérimentation est « le Paradou ». Implanté dans le local d’une
association de football jusqu’ici vide en dehors des périodes d’entrainement des enfants du quartier, ce
projet souhaite faire connaître à des personnes éloignées ou exclues « du monde économique, de la
création d'entreprise, de la culture numérique » les concepts de coworking, d’innovation sociale, de
consommation collaborative, et les amener à s’approprier ces pratiques pour ouvrir leur « champ des
possibles ». Au-delà de l’utilisation du local comme espace de coworking, on prévoit ainsi l’organisation
d’ « ateliers de bidouille » pour apprendre aux jeunes à faire par eux-mêmes, la création d’un jardin partagé
aux abords du terrain de football… pour fédérer familles et enfants autour du projet. Une initiative très
intéressante qui reste à suivre pour en mesurer les impacts et la pérennité.
L’ensemble des témoignages et pratiques présentés dans cette partie montrent que les tiers-lieux de travail
que sont les espaces de coworking peuvent avoir une réelle valeur ajoutée pour leur territoire en termes
de développement durable - chacun mettant, selon sa vocation et la sensibilité de ses fondateurs, un accent
plus ou moins fort sur la dimension économique, sociale ou sociétale.
Ces contributions sont toutefois encore très peu mesurées et par conséquent sûrement insuffisamment
valorisées. L’objectif de la prochaine partie est de proposer des pistes d’indicateurs pour remédier à ce
manque.
47
V. MESURER LES CONTRIBUTIONS EN TERMES DE
DEVELOPPEMENT DURABLE : QUELS INDICATEURS ?
V.1 Intérêt et limites de l’exercice
Nous l’évoquions plus haut, ce travail de recherche n’a pas permis de repérer des démarches d’évaluation
exhaustive des contributions des tiers-lieux de travail au développement durable de leurs territoires. Ceci
peut s’expliquer par le caractère relativement récent de la plupart des établissements. La mise en place
d’outils de suivis des impacts, par des indicateurs qualitatifs et quantitatifs, présenterait toutefois de
nombreux intérêts, a minima pour deux types d’acteurs :
Pour les collectivités ou chambres consulaires qui soutiennent l’émergence de ces lieux, voire en
assument la gestion, l’évaluation fournirait des éléments concrets pour :
o estimer un retour sur investissement sur la base de critères qui ne soient pas uniquement
financiers.
o justifier les dépenses publiques engagées ou, si les résultats n’étaient pas jugés suffisants au
regard des objectifs poursuivis, identifier des leviers d’amélioration ou revoir les conditions de
leur soutien.
Pour les gestionnaires d’espaces cette démarche fournirait des données pour valoriser leurs
apports au territoire auprès du grand public mais aussi auprès des financeurs et partenaires avérés
ou potentiels. Elle permettrait également à chaque espace souhaitant maximiser ses apports au
territoire d’identifier des points d’amélioration sur les actions existantes et d’en imaginer de
nouvelles.
Comme l’ont souligné plusieurs personnes interviewées, la définition d’indicateurs de développement
durable présente plusieurs difficultés :
ceux-ci se doivent d’être pertinents au regard de l’impact que l’on souhaite mesurer.
les dimensions d’impact considérées dans des perspectives de développement durable ne sont pas
toutes facilement mesurables ou quantifiables. Par exemple, comment mesurer des impacts sur le
bien-être des personnes ? Plusieurs personnes interviewées dans le cadre de ce travail ont
d’ailleurs questionné la pertinence de tout vouloir mesurer.
la définition des indicateurs est indissociable de la question de leur mise en œuvre et de la
disponibilité des données.
dans le cas précis des tiers-lieux de travail, l’exercice est d’autant plus difficile que les données
proviendront en grande partie des déclarations des usagers, qui sont plus ou moins volatiles selon
les espaces.
Nous avons toutefois tenté d’élaborer dans le temps imparti pour ce travail une première liste d’indicateurs,
qui devra être confrontée aux réactions des principaux intéressés puis testée et améliorée, dans une
démarche de concertation et d’amélioration continue.
48
V.2 Méthodologie de définition des indicateurs :
L’analyse et la synthèse des témoignages recueillis et de la documentation disponible ont permis d’élaborer
une première liste des contributions que peuvent apporter les tiers-lieux de travail au développement
durable de leurs territoires. Il s’agissait ensuite de classer ces contributions en différentes dimensions et
sous-dimensions et de définir des indicateurs permettant d’évaluer de la façon la plus pertinente possible
la performance d’un espace pour chacune de ces dernières.
Dans un souci de cohérence avec des démarches qui auraient déjà été initiées et afin de ne pas « réinventer
la roue », nous avons recherché toute documentation qui pourrait apporter une contribution partielle à cet
exercice.
V.2.1 Démarches d’auto-évaluation de télécentres ou espaces de coworking
Du fait notamment de leur caractère relativement récent, tous les espaces ne réalisent pas nécessairement
de bilan d’activité exhaustifs et ne cherchent pas forcément à mesurer leurs contributions au
développement du territoire ou leurs performances en matière de développement durable. Les documents
ci-dessous ont toutefois été une source d’inspiration intéressante pour la définition de certains indicateurs.
Dossier de candidature de la Cordée pour l’obtention du label « Lyon Ville Durable et Equitable » :
sur les aspects achats et consommations responsables.
Enquêtes réalisées auprès des utilisateurs de la de la Cantine (2019), de la Cordée et du Indy
Hall (2012): sur les notions de plus-value économique et d’intensité des relations sociales au sein
des espaces.
Etude d’impact de la Ruche 2008 / 2010 : sur les multiples apports aux usagers (en termes
économiques, d’innovation, de bien-être, de développement d’activité, de promotion de
comportements plus durables…)
Enquêtes annuelles mondiales de Deskmag sur les espaces de coworking : sur les notions de
nature des relations sociales au sein des espaces de coworking
Evaluation du dispositif Cybercantal Télécentres pour l’année 2012 : sur les externalités positives
identifiées en territoire rural.
V.2.2 Indicateurs territoriaux de développement durable
Pour déterminer des dimensions et sous-dimensions d’impacts pertinents, nous avons également
recherché les travaux existants sur les notions d’indicateurs de développement durable au niveau d’un
territoire. Les sources ci-dessous ont été particulièrement inspirantes :
un article très intéressant de l’Encyclopédie en ligne du Développement Durable, donnant un
panorama relativement exhaustif des initiatives lancées au niveau national et des territoires
des extraits du rapport 2009 de la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi sur « la mesure des
performances économiques et du progrès social », soulignant l’importance de développer des
indicateurs de bien-être, au-delà des indicateurs économiques traditionnels : « car il existe un écart
croissant entre les informations véhiculées par les données agrégées du PIB et celles qui importent
vraiment pour le bien-être des individus. Il faut, en d’autres termes, s’attacher à élaborer un système
49
statistique qui complète les mesures de l’activité marchande par des données relatives au bien-être
des personnes et des mesures de la soutenabilité. Un tel système devra nécessairement être de
nature plurielle car il n’existe pas de mesure unique qui puisse résumer un phénomène aussi
complexe que le bien-être des membres d’une société ; notre système de mesure devra donc
comporter toute une série d’indicateurs différents ».
le Better Life index de l’OCDE : qui souligne notamment l’importance de la qualité des liens sociaux,
de l’équilibre travail-vie, du sentiment de bonheur au quotidien.
l’initiative IRIS (Impact Reporting and Investment standards) portée par le réseau mondial des
acteurs de l’impact investing (Global Impact Investing Network), investissement dont le principe est
de combiner impact social / environnemental positif et retour financier. Cette initiative souligne
notamment comme impacts intéressants à suivre le « Capacity-Building » et le « Community
Improvement », qui nous semblent particulièrement adaptés pour des tiers-lieux de travail comme
les coworking.
le projet ISBET : travail de réflexion mené sur les « Indicateurs Sociétaux de Bien-Etre
territorialisés » par l’association PEKEA (Political and Ethical Knowledge on Economic Activities).
Avec le soutien financier du conseil Régional de Bretagne et en coopération avec le Conseil Général
d’Ille et Vilaine, celui-ci à consisté à mener une démarche expérimentale d’élaboration
d’indicateurs de bien être avec les citoyens de territoires en Ille et Vilaine. Le projet a reçu le prix
de la meilleure contribution pour un travail mené avec les citoyens lors du 3ème Forum mondial de
l’OCDE en 2009.
le processus d’élaboration participative de « Nouveaux indicateurs de richesse » du Pays de la
Loire. Celui-ci a permis d’aboutir à la définition de 16 richesses et 27 indicateurs au terme de plus
de 160 débats organisés en 2010 et 2011 permettant de recueillir près de 7000 contributions auprès
de 2000 participants (voir illustration pages suivantes).
enfin, les Indicateurs de développement durable pour les territoires (IDDT) proposés par le
Commissariat Général au Développement Durable et la DATAR en 2011 et inspirés de plusieurs
travaux réalisés au niveau international et national sur les indicateurs de développement durable.
Certaines dimensions d’impacts que nous proposons pour les tiers-lieux de travail reprennent
directement la nomenclature définie par cet outil, afin de faciliter la lecture de notre référentiel par
les collectivités.
50
Figure 27 – Les indicateurs de Richesse du Pays de Loire
51
Figure 28 - Tableau comparatif des thèmes du DD dans plusieurs cadres de référence- Source : Présentation des IDDT, 2009
52
53
V.3 Tiers-lieux de travail et développement durable des
territoires : pistes d’indicateurs
Sur la base des recherches menées pour cette étude, nous proposons ci-dessous des pistes d’indicateurs.
Celles-ci sont à considérer comme tel et devront faire l’objet de plusieurs échanges dans les mois qui
viennent avec les différents acteurs des tiers-lieux de travail – notamment les personnes interviewées dans
le cadre de ce mémoire – afin d’être affinées et améliorées, au regard des critères suivants : pertinence au
regard de la dimension d’impact considérée, mesurabilité, facilité d’obtention des données.
D’autres dimensions d’impacts ou indicateurs pourront également être ajoutés selon les retours de nos
interlocuteurs.
A l’issue de cette phase de concertation, la mise en œuvre de ces indicateurs pourrait ensuite être testée
en collaboration avec des gestionnaires d’espaces volontaires. L’ambition de ce travail n’est pas d’imposer
un cadre de référence mais bien de proposer un outil d’aide à l’auto-évaluation et à l’amélioration continue.
Ainsi celui-ci pourrait être adapté pour chaque espace, qui pourrait par exemple exclure de son suivi les
indicateurs qu’il ne jugerait pas pertinents au regard de sa vocation, de son implantation et de son propre
contexte territorial, et à l’inverse en ajouter d’autres.
Nous suggérons de suivre ces indicateurs sur une base annuelle.
Les dimensions et sous-dimensions d’impacts que nous proposons sont :
CONTRIBUER A LA SOCIETE DE LA CONNAISSANCE ET AU DEVELOPPEMENT SOCIO-ECONOMIQUE
o Favoriser le dynamisme économique local
o Favoriser le développement du capital humain et le potentiel d’emploi
o Favoriser l’innovation sociale et le développement d’une «économie positive » : ce terme est proposé par
Jacques Attali pour désigner des initiatives économiques plus ou moins innovantes intégrant explicitement dans
leurs modèles les notions de long terme et de soutenabilité pour les générations futures. Il englobe des réalités
diverses ayant en commun d’associer des objectifs de performance sociale, sociétale ou environnementale à la
performance économique : Economie Sociale et Solidaire, entrepreneuriat social, micro-finance, business
models basés sur l’usage …
CONTRIBUER AU BIEN-ETRE DES USAGERS
o Créer du lien social de proximité
o Contribuer à l’épanouissement personnel
o Contribuer à un meilleur équilibre de vie
FAVORISER L’EMERGENCE DE MODELES DE GOUVERNANCE INCLUSIVE
o Impliquer les usagers dans la gouvernance interne
o Contribuer à la démocratie de proximité
FAVORISER LA COHESION SOCIALE ET TERRITORIALE
o Mixité sociale au sein de l’espace
o Ouverture au public
o Projets à vocation sociale
CONTRIBUER A AMELIORER LA QUALITE DE L’ENVIRONNEMENT
o Limiter les émissions de Gaz à Effets de Serre liées aux transports quotidiens
o Contribuer à la réduction des consommations énergétiques
PROMOUVOIR DES MODES DE VIE DURABLE ET DE CONSOMMATION RESPONSABLE
o Avoir une politique d’achats exemplaires
o Sensibiliser les usagers pour modifier les comportements individuels
54
DIM
EN
SIO
N
SOUS-DIMENSION(S) PISTES D’INDICATEURS SOURCE DE DONNEES
COMMENTAIRES (FAISABILITE,
LIMITES…)
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FAVORISER LE DYNAMISME ECONOMIQUE LOCAL Implantation et création
d’entreprises Développement des
activités hébergées
Retombées sur le commerce et les services de proximité
Nombre d’entreprises nouvellement implantées sur le territoire grâce à la présence du tiers-lieu de travail
Nombres de projets d’entreprise nés de la rencontre d’usagers au sein de l’espace
Nombre d’usagers déclarant que la fréquentation de l’espace a eu un impact direct sur la création de leur activité
Impact sur le CA des usagers (+/-/neutre)
CA généré par de la collaboration entre usagers de structures différentes
% moyen de CA des usagers généré par de la clientèle interne à l’espace
Moyenne quotidienne de consommateurs ou usagers potentiels additionnels apportés par l’espace (tout professionnel travaillant habituellement ou précédemment en dehors du territoire).
Fréquence moyenne d’utilisation des commerces ou services de proximité par ces mêmes usagers (i.e hors personnes qui travaillaient déjà sur le territoire avant de fréquenter l’espace)
Enquête usagers
Enquête usagers
Enquête usagers
Enquête usagers
Enquête usagers
Enquête usagers
Enquête usagers
Périmètre territorial à définir selon le contexte
Cette sous-dimension concerne essentiellement les indépendants et entrepreneurs
Sous-dimension pertinente en milieu rural. Ne pourra être approchée que de façon imprécise en croisant les réponses à plusieurs questions (lieu de travail habituel, lieu de résidence, durée estimée de fréquentation dans l’année …)
FAVORISER LE DEVELOPPEMENT DU CAPITAL HUMAIN ET LE POTENTIEL
D’EMPLOI Enrichissement de l’offre
de formation locale
Stimulation de l’intelligence collective par l’échange et la collaboration
Nombre de personnes ayant suivi des formations gratuites au sein de l’espace o Dont coworkers (%) o Dont visiteurs ponctuels (%)
Nb de personnes ayant suivi des formations payantes au sein de l’espace o Dont coworkers (%) o Dont visiteurs ponctuels (%)
Nb de formations animées par des coworkers
Potentiel de complémentarité des compétences : o Degré de maturité des entreprises hébergées o Ancienneté professionnelle des usagers o Métiers des usagers o Secteurs d’activités des usagers
Fichiers d’inscriptions
Fichiers d’inscriptions
Suivi par les gestionnaires de lieu
Enquête usagers
Enquête usagers
L’impact de l’espace sur la stimulation de l’intelligence collective se mesurera en croisant les indicateurs. En effet la complémentarité des compétences n’apportera rien
55
Impacts sur l’emploi
Intensité des collaborations entre usagers : o Nb d’associations de coworkers sur un même
projet de court-terme. o Nb d’associations de coworkers sur un même
projet de long terme.
Intensité des échanges : o Nb d’évènements à vocation professionnelle
organisés au sein de l’espace et fréquence de participation des usagers
o Fréquence des échanges informels sur des sujets professionnels (partage de connaissances et d’avis)
Nb de recrutements effectués grâce à l’espace
Nb d’usagers de l’espace ayant trouvé un emploi en fréquentant ce dernier
Statistiques de suivi des gestionnaires d’espaces
Enquêtes usagers
Enquête usagers et offreurs d’emplois
sans échanges et collaborations entre les usagers.
Par recommandation entre usagers, par dépôt ou consultation d’une annonce au sein de l’espace…
FAVORISER L’INNOVATION SOCIALE ET LE DEVELOPPEMENT D’UNE « ECONOMIE POSITIVE »
Nb de projets d’innovation sociale présentés au sein de l’espace et nb de participants à ces évènements
Part des coworkers travaillant sur des projets ou entreprises « à vocation positive » (sociale / sociétale / environnementale)
Statistiques de suivi des gestionnaires d’espaces
Enquête usagers
Dans quelles limites peut-on dire d’un projet qu’il a une « vocation positive ? » Notion encoure floue.
CREER DU LIEN SOCIAL DE PROXIMITE
% des usagers déclarant fréquenter des coworkers en dehors des horaires de travail et de l’espace
Taux et fréquence de participation des usagers aux évènements de convivialité (déjeuners, apéritifs, ateliers non professionnels … )
Enquête usagers
Enquête usagers
Hors personnes se connaissant avant de fréquenter l’espace
CONTRIBUER A L’EPANOUISSEMENT PERSONNEL
Impact sur l’épanouissement au travail (-/neutre/+/++)
Impact sur la confiance en soi (- /neutre /+/ ++)
Impact sur la confiance en l’autre (- /neutre /+/ ++)
Enquête usagers
CONTRIBUER A UN MEILLEUR EQUILIBRE DE VIE
Evolution des temps de transports domicile-travail des usagers
Evolution du temps consacré aux loisirs VS travail(-/neutre/+/++)
Nb de manifestations culturelles organisées au sein de l’espace
Nb d’usagers s’étant engagés dans une association du fait de leur fréquentation de l’espace
Enquête usagers
Enquête usagers
Gestionnaires d’espaces
Enquête usagers
IMPLIQUER LES USAGERS DANS LA GOUVERNANCE INTERNE
Nb de réunions d’information / concertation des usagers sur la gestion ou la stratégie de l’espace et part des usagers y participant
Part des des usagers impliqués bénévolement dans la gestion de l’espace et temps moyen hebdomadaire consacré
Part d’animations suggérées par les usagers / nb total d’animations
Part d’animations réalisées par les usagers / nb total d’animations
Enquête usagers
Enquête usagers
Gestionnaires d’espaces
CONTRIBUER A LA DEMOCRATIE DE PROXIMITE
Nb de riverains impliqués dans la conception du lieu
Nb de riverains impliqués dans la gestion du lieu
Fondateurs et gestionnaires d’espaces
Pertinent surtout pour les projets initiés par les collectivités
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DEGRE DE MIXITE SOCIALE AU SEIN DE L’ESPACE
Niveau d’études des usagers
Statut professionnel des usagers : salarié / indépendant / dirigeant / étudiant / retraité / chercheur d’emploi
Secteur d’activité des usagers
Age des usagers
% d’usagers en situation de handicap
Fichiers d’inscriptions et enquêtes usagers
DEGRE D’OUVERTURE AU PUBLIC
Nb d’évènements ouverts au grand public / nb total
Nb de participants externes accueillis à l’occasion d’évènements
Volatilité des usagers : % résidents / abonnés / occasionnels
Gestionnaires de l’espace
Statistiques de fréquentation
PROJETS A VOCATION SOCIALE Nb de personnes touchées, résultats du projet ..
Part d’usagers impliqués dans le(s) projet(s)
Gestionnaires de l’espace / du projet
Si projet il y a
LIMITER LES EMISSIONS DE GES LIEES AUX TRANSPORTS QUOTIDIENS
Modalités de transport des usagers
Evolution du nb de km parcourus en transports émetteurs de GES (voiture, 2 roues, car) => Equivalent CO2
Mise en place d’une politique de covoiturage (oui/non) et impacts
Enquête usagers
Convertisseur km => eq. CO2 de l’ADEME, outil Coach Carbone
Très complexe à mesurer. Ces indicateurs ne donneront qu’une vision parcellaire. Seul un bilan carbone détaillé permettra d’avoir une vision exhaustive et fiable.
CONTRIBUER A LA REDUCTION DES CONSOMMATIONS ENERGETIQUES
Alimentation de l’espace en énergie renouvelable (oui / non)
Gains énergétiques liés à la mutualisation des espaces
Gestionnaires d’espace
Enquête usagers + experts
Seul un bilan énergétique prenant en compte les pratiques détaillées des usagers et les performances énergétiques de l’espace permettra d’avoir une vision fiable.
AVOIR UNE POLITIQUE D’ACHATS EXEMPLAIRE
Part des achats réalisés auprès de producteurs locaux (circuits courts)
Part des achats réalisés auprès de fournisseurs ayant une démarche de DD (eco-labels, fournisseurs issus de l’ESS, commerce équitable …)
Gestionnaires d’espace
Ces pratiques devront être affichées auprès des usagers pour accentuer leur impact sur le changement des comportements individuels
SENSIBILISER LES USAGERS Eco-gestes
Consommation responsable et circuits courts
Nb d’évènements organisés sur des thématiques liées au DD et nb de participants
Existence d’une politique de tri des déchets affichée
Mise en place de challenges éco-gestes à destination des usagers et résultats obtenus
CA généré auprès de partenaires de services « responsables » (ex : paniers de produits locaux / bio..)
Nb d’initiatives anti-gaspillage / conso responsable / circuits courts et résultats (ex : Give Box, Partage ton Frigo, monnaies alternatives …)
Part des usagers indiquant avoir modifié leurs pratiques personnelles depuis qu’ils fréquentent le lieu (pas du tout / un peu / beaucoup)
Part des usagers indiquant avoir augmenté leurs budgets d’achats responsables depuis qu’ils fréquentent le lieu
Gestionnaires d’espace
Prestataires de services responsables partenaires
Gestionnaires d’espaces + enquête usagers
Enquête usagers
Enquête usagers
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CONCLUSION
Ce mémoire a permis de mettre en évidence par des exemples concrets l’ensemble des impacts positifs que
peuvent avoir les tiers-lieux de travail pour leurs territoires. L’étude plus spécifique des espaces de
coworking a souligné de façon très claire que c’est avant tout en mettant l’humain et la convivialité au
centre de ces dispositifs que l’on parvient à maximiser leurs impacts, tant en termes économiques que
sociaux ou sociétaux. Il nous semble important que ces conclusions soient plus fortement valorisées auprès
des différentes parties prenantes des territoires et notamment des collectivités, afin de rappeler les
facteurs clefs de succès de ces lieux et de les intégrer dans la conception de nouveaux projets s’adressant
à des populations plus larges que les usagers types des espaces de coworking - salariés de grandes
entreprises notamment. Nous espérons que cette étude y contribuera, en fournissant des exemples de
bonnes pratiques ainsi qu’un premier outil d’évaluation par des indicateurs, dont il conviendra de garder
en tête les limites pour les compléter par d’autres formes de suivi plus qualitatives. La démarche entamée
dans le cadre de ce mémoire professionnel devra être poursuivie en concertation avec les acteurs
volontaires afin de parfaire et tester la grille proposée.
On aura par ailleurs pressenti en lisant cette étude que, si les apports au territoire sont réels pour la
plupart des espaces de coworking, ils n’en demeurent pas moins encore limités et fragiles pour plusieurs
raisons :
leur modèle économique, du moins en milieu rural et péri-urbain, dépend fortement de l’aide
publique ou de la capacité des fondateurs et usagers à s’impliquer bénévolement dans leur
animation et leur gestion. Sylvie Mercier souligne ainsi le rôle primordial que jouent ceux
qu’elle appelle les « étinceleurs » dans la réussite de ces lieux.
leur taille réduite limite de facto leurs impacts (rares sont aujourd’hui les espaces pouvant
accueillir plus de 20 personnes en même temps). On devra toutefois avoir en tête qu’au-delà
d’une certaine surface, la convivialité nécessaire pour maximiser les bénéfices apportés aux
usagers et aux territoires deviendra difficile à maintenir.
leur faible ouverture au public limite les impacts positifs qu’ils pourraient avoir sur l’éco-
système local et en matière sociétale. Si cette dimension ne semble pas essentielle quand les
espaces sont implantés dans les cœurs de villes, elle peut l’être bien davantage dans des
quartiers plus périphériques ou en milieu péri-urbain et surtout rural.
enfin, les représentants de la majorité de la population active, à savoir les salariés
d’organisations de plus de 10 personnes, y sont aujourd’hui pour la plupart étrangers, pour les
raisons évoquées précédemment.
Au regard de ces considérations, trois éléments nous semblent particulièrement importants pour
maximiser et démultiplier les contributions des tiers-lieux de travail au développement durable des
territoires :
1. Une communication renforcée et s’appuyant sur des éléments concrets, auprès des décideurs mais
aussi des acteurs économiques et du grand public, sur les multiples valeurs ajoutées d’espaces de
travail cultivant la convivialité et valorisant fortement la dimension humaine dans leur gestion
quotidienne.
58
2. La multiplication et la mise en réseau intelligente des différents lieux (qu’ils soient d’initiative privée
ou publique, qu’ils s’adressent en priorité aux salariés ou aux indépendants / TPE) afin de multiplier les
impacts et de jouer au mieux la complémentarité entre des projets répondant à des besoins divers.
3. Le partage des bonnes pratiques, facteurs clefs de succès et retours d’expérience qui permettront
d’accélérer l’émergence de nouveaux tiers-lieux de travail capables de répondre aux besoins d’usagers
et de territoires divers – espaces de coworking ou modèles hybrides à inventer, intégrant les points
forts de ces derniers.
Sur ce point, on notera l’intérêt de deux approches très différentes mais complémentaires :
la création de structures départementales ou régionales d’appui aux porteurs de projets, tel
qu’Initiatives Télécentres 77.
la documentation systématique sur le wiki Movilab du « code source » des tiers-lieux par les
membres du « Groupe Tiers-Lieux Francophones » qui vise à « favoriser le développement de
territoires intelligents et de communautés apprenantes (TICA) sur ces territoires, en identifiant et
documentant des initiatives locales vecteurs de développement durable, de manière à permettre
au plus grand nombre de les dupliquer et de les améliorer selon les spécificités de leur propre
territoire ».
Citons pour conclure un fondateur de Mutinerie :
« Le coworking ne prétend pas être le futur du travail en général ; c’est avant tout une exploration. Ces
espaces agissent comme des catalyseurs d’innovation, ils cristallisent les changements de nos sociétés, ils
sont le laboratoire de nouveaux modes de vie. C’est un bouillon de culture, une page blanche, un territoire
inconnu. » Ajoutons : une incontestable source d’inspiration pour les acteurs de territoires plus durables.
59
REFERENCES
Etudes et rapports
Tiers-Lieux et coworking
BURRET A., PIERRE X. « De nouveaux dispositifs accompagnant la création d’entreprise : Les espaces de travail collaboratif », Décembre 2012. Janvier 2013. CHARUE-DUBOC F., FABBRI J. "Un modèle d’accompagnement entrepreneurial fondé sur des
apprentissages au sein d’un collectif d’entrepreneurs : le cas de La Ruche", « Management International »,
Septembre 2013.
DEIJL C. « Two Heads are Better than One. A Case Study of the Coworking Community in the Netherlands»,
Erasmus University Rotterdam, 2011.
DESKMAG – «2nd and 3d Global Annual Coworking Survey», 2012 - 2013
MORISET B. « Tiers-lieux de travail et nouvelles territorialités de l’économie numérique : Les espaces de
coworking », Université Jean Moulin LYON 3, Août 2012.
FONDATERRA « Dispositifs d’activation de l’innovation pour la ville durable », Compte-rendu du Colloque du 19 février 2013. CLUSTER GREEN AND CONNECTED CITIES - «Télécentres Ecocentres et e-activités – regards sur les expériences et les pratiques dans le monde » – 2010 Bilans d’activité et rapports :
La Cordée - Enquête utilisateurs 2012
Cybercantal Télécentres « Evaluation du dispositif», Juillet 2013
La Ruche. Rapport d’activité 2012
La Ruche, « Etude d’impact 2008-2010»
SILICON SENTIER « Action d’évaluation et de diffusion de la plateforme d’innovation La Cantine » 2009
Evolutions du monde du travail et de ses environnements
DENIS E., PEBEREAU M., « Le travailleur indépendant, figure du XXIe siècle? », Sociétal Hors-Série,
Septembre 2010.
PARROT E., « Exploration internationale des tendances de l’architecture et de l’espace public, Etude
prospective – La cellule de travail », Centre de Ressources Prospectives du Grand Lyon, Novembre 2010.
Nouveaux modèles économiques
BING, CASAL, CHABANEL, HOOGE, « Des modèles de développement économique durable pour la
métropole », Grand Lyon Millénaire 3, janvier 2010.
60
Indicateurs de développement durable
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« Partageons de nouveaux Indicateurs de Richesse en Pays de la Loire » - Document de synthèse - 3emes
assises régionales 2012-2013.
ARTICLES EN LIGNE
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http://www.rslnmag.fr/post/2012/05/29/Ces-nouveaux-lieux-qui-s-approprient-la-culture-du-web.aspx
« La revanche du multitaskeur (vers la ville des temps pluriels), Marzloff – Garnov, Revue du Grand Lyon
Millénaire 3, octobre 2012 » : http://www.millenaire3.com/uploads/tx_ressm3/Marzloff-Gargov-
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« Pourquoi la ville sera servicielle, Marzloff, Revue du Grand Lyon Millénaire 3, 2011 » :
http://www.millenaire3.com/Bruno-MARZLOFF-Pourquoi-la-ville-sera-
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« Quand la sphère publique soutient le coworking, l’exemple de la France, Deskmag, janvier 2013 »:
http://www.deskmag.com/fr/quand-la-sph-re-publique-soutient-le-coworking-l-exemple-de-la-france
« En colocation durant les heures de bureau, migros magazine, mars 2012 » :
http://www.migrosmagazine.ch/societe/reportage/article/en-colocation-durant-les-heures-de-bureau
« Les tiers-lieux, espaces d’émergence et de créativité » Christine Balaï – Blog, novembre 2011
http://blog.recherche-action.fr/tiers-espace/2011/11/09/les-tiers-lieux-espace-demergence-et-de-
creativite/
« Les indicateurs territorialisés du développement durable », Encyclopédie du DD, 2012
http://encyclopedie-dd.org/encyclopedie/territoires/les-indicateurs-territorialises-
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« 4 outils pour cultiver l'économie collaborative dans les territoires » Hooge E. Leonard A., Huffington Post,
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http://www.huffingtonpost.fr/antonin-leonard/economie-collaborative_b_3536900.html
Espaces de coworking, comment réussir grâce au crowdfunding, Juillet 2013 :
http://www.deskmag.com/fr/-crowdfunding-coworking-financer
61
Quand la sphère publique soutient le coworking, l’exemple de la France, janvier 2013
http://www.deskmag.com/fr/quand-la-sph-re-publique-soutient-le-coworking-l-exemple-de-la-france
L'acteur public doit-il vraiment financer les espaces de coworking?, mai 2013
http://www.deskmag.com/fr/public-subvention-coworking-financement/2
Quand le coworking se lance dans les monnaies alternatives, août 2013
http://www.deskmag.com/fr/coworking-monnaie-alternative-complementaire
SITES DE REFERENCE
Tiers-Lieux et Coworking
L’Arrêt Minute : http://arretminute.fr/
Citizen Box : http://www.citizenbox.fr/
Le Comptoir Numérique : www.comptoir-numerique.fr/
La Cordée : http://www.la-cordee.net/
La CoRoutine : http://www.lacoroutine.org/
Coworking Initiatives : http://coworkinginitiatives.com/
Coworking Wiki : wiki.coworking.com
Deskmag : www.deskmag.com
Groupe Tiers-Lieux Francophones : imaginationforpeople.org/fr/group/tiers-lieux/
Indy Hall : http://www.indyhall.org/
Initiatives Télécentres 77 : http://www.it77.fr/
Movilab – wiki : movilab.openscop.org/wiki/index.php?title=Les_Tiers_Lieux
Mutinerie : http://www.mutinerie.org/
Néo-nomade – Le Blog : http://blog.neo-nomade.com/
Netis coworking : http://www.netis-asso.fr/
Tour de France du Télétravail et des Tiers-Lieux : www.tourdefranceduteletravail.fr
Tiers-Lieux.net : http://www.tierslieux.net/
ZeVillage, site de référence sur le télétravail et les tiers-lieux : www.zevillage.net
156 Durable : http://www.coworkinthecity.fr/le-156-durable/
Indicateurs de développement durable
Ministère de l’Environnement et du Développement Durable : http://www.developpement-
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OECD Better life Index : http://www.oecdbetterlifeindex.org/fr/