La Septante : un document linguistique de la Koiné grecque antique ? (Part 1) L'apport de la...

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JAN JOOSTENCt PHILIPPE LE MOICNE

Vapportde la Septante

aux étudessur l'Antiquité

LECTIO DIVINA

tf

L'APPORTDE LA SEPTA}{TE

AUXÉruoEssuRL'ANTIeurrÉ

Actes du colloque de Strasbourg8-9 novembre 2002

Textes réunis par Jan Joostenet Philippe Le Moigne

pustÉ evrc LE coNcouRsDE L'uNIvERsIrÉ ir¡¡nc-slocH DE srRAsBouRc

ms ÉornoNs DU cERFwww. editionsducerf . fr

PARIS

2005

La Septante :

un document linguistiquede la koiné grecque antique ?'

Anssi Vorrn-e

INTRODUCTION

_ La Septante offre au spécialiste de la langue grecque un recueilde textes écrits en grande partie en prose et eñ poéìie datant dela période de formation du grec hellénistiquè dit koiné. Laqremière partie fraduite, le Pentateuque, c'est-à-dire les cinqlivres de Moise, remonte au tlr" siècÈ avant J.-C., donc à lápériode dont nous ne possédons que peu de textes en prose. Lalangue des textes traduits et plus tard inclus dans << ce que l,onappelle la Septante > paraît donc constituer << un document detout premier ordre au point de vue de I'histoi¡e de la languegreggle'>>, mais ce document présente en même temps"unproblème majeur à celui qui l'étudie 3. C'est une traduction !

Cela nous porte à nous demander quel est le degré de grécité dugrec de la Septante. Quelle sorte de langue est-ce en réalité ?

l. Je voudrais profiær de I'occasion qui m'est offerte pour remercier Mmes lesprofesseurs Raija Sollamo et Anneli Aejmelaeus, Mme Dr Katrin Hauspie, MM.Dr Trevor Evans, seppo sipilä et rnirype Le vtoigne pour toutes leurs remarques etsuggestions qui m'ont peruris d'amétiõrer ma coitriLution, ainsi que Mme AnnePapa$ nui a bien voulu reli¡e le français de cette conférence.

2. J. Psrc¡ran¡, << Essai s"ile grec de la Septante >, REJ 55, p. 16!_20g, en parti_cdier p. 163. De même, H. sr. J. THAcr."R.^i, A Grammar o¡ ine oa reitamänt inGreek according t! þ lgOtuagtnr I, Cambridge, 1909, p. iO; ¡. Wo"o*oCrL< Compte rendu de : Psicha¡i,-Jean, .,Essai suile grec dã Ia Septante', " (in""ü_gische Literaturzeitung 34 [ I 909] , p. 227 -229) .

3. Psrcueru, < Essai.. . >, p. 198.

18 L'APPORTDELA SEPTANTE

Notre communication visera à esquisser une méthode quipermettrait d'apporter des réponses plus sérieuses à la questionde la nature de ce grec de traduction et de comprendre laréalité,sous-jacente au texte de la Septanter.

UNDOCUMENTLINGUISTIQUE 19

Con(onction)xcí+V(erbe)+S(ujet)+O(bjet) t. 3¡ Les pronomspersonnels enclitiques, c'est-à-dire atones (pe, pou, Ilor, or, oou,oot), sont postposés par rapport au mot dont ils dépendent, cequi vient du texte hébreu où le pronom suffixe rattaché à un nomou à un verbe équivaut au génitif ou à I'accusatif du pronompersonnel. 4) La preposition ev avec le datif exprime uninstrument avec lequel l'action est effectuée, emploi qui reflèteun des usages de la preposition ¡ en hébreu. Ces traiti linguis-tiques ont produit un effet très monotone et étrange dans le grecde la traduction.

_ Par ailleurs, on peut faire surgir également des traits linguis-tiques qui ne sont pas directement influencés par le texte hébreuet s'avèrent ainsi être du grec courant2. Par eiemple, I'usage detois genres (en hébreu, il y en a seulement deux), de divers cas 3,

certains emplois d'aspects, de temps et de modes4, et d'unecertaine façon aussi I'usage des phrases infinitives, partici-piales, etc. Sont notarnment significatifs de la grécité dè notredocument les traits généralement acceptés corlme caractéris-tiques de la langue grecque koiné, relevés dans la Seprante. Maisil faut aussitôt insister sur le fait que la Septante, et en parti-culier le Pentateuque, n'a pas encore connu la langue grecque

1. L'aufte possibilité courante aurait été õé, mais son usage aurait obligé letraducteur à modifier I'ordre des mots, puisque cette conjonction n,occupe jamãis lag91r_tion injtiale dans la phrase, voir K. J. Dovex, Greek Word Order, CamlriOge,1960, p. 12 ; AEIMELAEUs, Parataxis, p.42-43.

2. Dans ma thèse (Vonu,e, Présent), j'aí obtenu des résultats qui, pour leur part,confi¡ment un tel fait. De même, tout demièrement, Trevor EveNs (Verbat Syntax inthe Greek Pentateuch, Oxford, 2001) a voulu ínsister sur l'importance de laSeptante, en tant que document apte à fournir des informations sur l'fustoire du grecpour l'étude de la koiné. Il a degagé, le fait que la syntaxe grecque s'esr aussi faitsentir en grec de la Septante. Une liste plus complète se touve dans J. W. Wsvens,Tey (istory of the GreekExodus,MSU 21, Göningen, 1992,p. vu-xü.

3. ,a, !æ d'exemple, signalons I'usage du verbe au singulier avec le sujet neutre

au pluriel, voi¡ SoseloN-Sorxr¡qe¡r, < Die Konstruktion des Verbs bei einemNeurum Plural im griechischen Pentateuch >, IZXXII (1979), p. 189 s. De plus, enDt 9,19, apparaît la phrase roi eioÍ¡roooev rúproç epoô qui correspond à fhébreu'Þn mn' ¡nqr. Dans cetre phrase, le génitif époô èst motivé iar les

"*ig"nc", du grec,

le texte hébreu ne le demande pas @vaNs, Verbal, p. 1). Voir aurriT. lr,tun¡,öre,:J.tTgþgoo Techniques and Beyond >, Raija Solnr,¿o et Seppo SrpnÄ (éd.),Helsinki Perspectives on the llalsl?tio! Technique of the septuaginr, proceeàingiof tt¡e IoscS 99ry*l in Hetsinki, 1999, publicatións of tire rinniin Exeg"ri.itSociety 82, Helsinki, 2001,p.20.

_ 4.Voir par ex. SolseroN-SonuveN, Die Infinítive; EvaNs, Verbal; Vornt.a,Présent.

DE LA KOINÉ OU DE LA LANGT]E DE TRADUCTTON

Il y a quatre traits linguistiques - la liste n'est nullementcomplète - qui sont les plus évoqués lorsque I'on veut insistersur I'influence de la syntaxe du texte source hébreu sur lasynta,ie de Ia traductionz. Ce sont 1) le fait que les traducteursont gardé la parataxe hébraïque, la phrase coordonnée par r,la conjonction << et )> hébrarque, qui constitue plus de lamoitié de toutes les phrases hébrarQues, et le fait qu'iis latraduisent le plus fréquemment par la conjonction roi, dontl'accumulation produit le style rai. 2) Le fait de garder laparataxe en rui a permis au traducteur de retenir égalementI'ordre des mots hébreux, ce dernier étant le plus souvent

L Ce queje vais présenter se rattache à la méthode de l'école de Helsinki, d'abordintroduite par llmari So¡sÆ-or.¡-SorNwBN dans Die Infinitíve in der Septuaginta,AASF ser. B 132,1, Helsinki, 1965, et plusieurs de ses articles sur les questionsméthodologiques (voir ses Studien zur Septuaginta-Syttax, éd. par AnneliAEJMELAEUS und Raija So¡-leuo, AASF ser. B 237, Helsinki, 1987), ainsi que destravaux de ses élèves Raija Sou-euo (Renderings of Hebrew Semipreposirtons inthe Septuagint, AASF ser. B Diss 19, Helsinki, 7979, etRepetition of the PossessívePronouns in the Septuaginr, SCS 40, Atlanta, Géorgie, 1995) et Anneli AEJMELAEUs(Parataxis in the Septuagi¡n¡, AASF, B Diss 31, Helsinki, 1982, et On the Trail ofSeptuagint Translntors, Collected Essays, Kampen, 1993), voir aussi Seppo Snu-Á,Between Líteralness and Freedom. Translation technique in the Septuagínt ofJoshua and Judges regarding the clause connections introduced by t and ,>, Publi-cations of the Finnish Exegetical Society 75, Helsinki-Götingen, 1999, et AnssiVolut-¿, Présent et ímparfait de I'indicatif dans le Pentateuque grec : une étude surla syntaxe de traductton, Publications de la Société d'exégèse de Finlande 79,Helsinki-Göttingen, 2001.

2. Le problème a été résumé tout dernièrement par Johan Lusr (< Syntax andTranslation Greek >, ET\L 77 , p. 395-401) de Ia façon suivante : < La syntaxe dutexte de départ hébreu a agi sur la syntaxe de Ia Septante, ce qui est dû aux méthodeslittérales de traduction. > selon lui, la syntaxe de la septante est de I'hébreu plutôtque du grec. Afin d'illustrer son point de we, Lust poursuit en nous donnant desexemples pris dans le livre d'Ezéchiel. Notons toutefois que ce jugement pounaitêne partiel du fait que le livre d'Ézé:chíel a la reputation ae filurer p.,ni t",traductions les plus littérales de la Septante.

koiné dans sa forme la plus développée telle qu,elle apparaîtdans le Nouveau Testament ou les pãpyrus des premie^ìiè.I"taprès J.-C. Elle remonte à une période plus anðienne, intermé-diaire en effet entre ces deux << phases > de la langue.

Prenons donc des exemples : 1) Le système de trois voix seréduit à deux, le moyen et le passif se confondent (ëyeveto vs.eyevriOrl ; anerprvdplv vs. dzuerpí0qv). 2) L'éhnnnation dei'optatifdit obliquer et la réduction graduelle d'autres usages dece mode qui sont remplacés par I'indicatif (du temps secondaireavec cÍv) et le subjonctil2. 3) L'emploi du subjonctif avec îvs enfonction de I'impératif 3.^4) L'usage croissant de différentes péri-phrases avec le verbe eivor, pê)u\rsta, etc. Notons aussi déIolavec le subjonctif sans conjonction intermédiaire ötr ou éç5.Cette liste n'est pas non plus exhaustive.

20 L'APPORT DE LA SEPTANTE

LE MODE ET LALANGI-IE DE TRADUCTION

Afin de comprendre cette situation au premier abord contra-dictoire, il faut expliquer plus précisément les procédés de nostraducteurs. Puisque I'on ne sait pas vraiment ce qu'ils ont pensé,c'est seulement en étudiant la traduction elle-même que nouspouvons tirer argument sur ce qui était possible pour eux et sur cequi ne l'étatt pas. Ce que je vais dire sur la traduction est donc

uNDocuMENTLrNcuIsrrer.rE ZI

fondé sur les données des études syntaxiques du texte de laSeptante, et en particulier du pentateùque que j'étudiemoi-même.

_ D'une manière générale, il faut constater que le but de la

plupart des traducteørs a consisté à reproduire ãssez fidèlementleur nadition anceshale en grec lisible et compréhensible. Ce quiconstitue un tel texte dépend bien sûr de chaque traducteur.

Çependant, la Septante ne constitue pas une æuvie homogène 1.

Le degré de littéralité ainsi que le degré de liberté varient selonle traducteur, car, en principe, chaque livre a reçu son propretraducteur qui a travaillé à sa manière 2. Les traducteurs connais-saient la manière de s'exprimer dans le grec de leur temps ; aussi,en utilisant des expressions non grecques, savaient-ils demeurerdans les liniites de la compréhensibilité.

Encore souvent bien litté¡ai, le résultat tient d'un procédé detravail où le traducteur traduisait un court segment de texte d'unseul jet3. Une fois qu'il avait écrit, il n'arrivait jamais à serecopier et n'arrivait même pas à se relire. Le traducteur a traduitsegment par segment, en produisant une correspondance netteentre les éléments des deux textesa. Certes,les dimensions d'unsegment variaient également selon le traducteur et même dans letravail du même traducteur. C'était, il est vrai, le procédé le pluscommode de travail, la < technique facile > de traduction 5 si l'onpréfère, mais elle était utile seulement tant qu'elle ne pioduisaitpas de langue incompréhensible.

Quant à ce procédé littéral de traduction, on I'explique souventpar un choix conscient de la part des traducteurs. Mais il n'en est

L Au fond, parler des üaducteurs conrme un ensemble, quand oa veut constaterquelque chose sur leur langue ou sur leur mode de traduction, n'estja.mais dépourvude prpblèmes.

2. Il y a eu des traducteurs üès serviles à I'égard du texte source, mais aussi ceuxqui ont navaillé de façon libre, de sorte que I'on peut même dire qu'ils n'ont pastraduit mais paraphrasé leur texte. Mais parmi eux, il y a eu aussi ceux qui ont réussià combiner le sens du texte hébreu et la façon grecque de s'exprimer.

-

3. sors¡'r-o¡¡-sou,¡n¡eN, < Beobachtungen zur Arbeitsweise der septuaginta-ûber-setzel ", Isac Leo Seeligmann, vol. III, Jérusalem, 1983, p.319-329; J. Benn, TfueTypglogy of Literalísm in Ancient Biblical Translations, MSU 15, Göttingen, 1979,p.294-303 ; Soluvo, Semíprepositions, p. 136 et note I ; ArrveleEus, Þarataxis,p. 30.

4. Aussi peut-on mettre les deux textes, grec et hébreu, dans des colonnes enparallèle, afin de cla¡ifier cette correspondance souvent presque mot à mot.

5. C'esrà-dire la < easy techníqu¿ o de James Btxu (iypotogy, p. 300).

1. De fait, le texte du Pentateuque grec n'a pas fourni d'occasions de I'utiliser. Demême, en partie, avec d'autres emplois de t'optatif, voir EveNs, Verbat,p. 11}-179.

2. Ces deux traits sont présentés chez Antoine MerLLEr (Aperçu d'une histoire deIa langue grecque, Etudes et Commentaires 55, Paris, l975t) et Robert BnowNnqc(Medieval and Modern Greek, Carnbndge-New York-Melbourne, 1983, p. I9-2e,même si les occurrences dans le Pentateuque de la septante sont rares. voir lesdoutes exprimés par EveNs (Verbal, p. 180-181) sur les optatifs remplacés pæ dessubjonctifs.

3. En Gn 44,34. Yoir mes remarques dans Anssi VorflLA, < La technique detraducúon du yiqtol dans I'Histoire de Joseph grecque (Gn 37, 39-50) >, dansC. E. Cox (éd.), WI Congress of the IOSCS, Leuven, /989, SCS 31 (1991),p. 229-230. Cene fonction était déjà usitée dans les papyrus des archives de Zênon(lu's. av. J.-C.).

4. Sur-la périphrase verbale dans la Septante, voir Eve¡¡s, Verbal, p. 220-25j .5. G. HoRRocrs, Greek : A History of the Language anà íts Speaicers,Longman

Linguistics Library, Londres, 1997, p. 48-60. La méthode de-ce dernier, ãn cequ'elle concerne la Septante, présente parfois des points faibles qui seront évoquésdans 1a présente contribution.

22 L'APPORT DE LA SEPTANTE

rien ; le procédé n'était pas intentionnellement adoptéI. En toutcas, les traducteurs ne I'ont pas suivi de façon mécanique. Eneffet, étant des hommes plus ou moins capables et lettrés, ils ontaussi recouru aux équivalents libres, plus conformes à I'usage#ecz ; en particulier lorsqu' ils ont été ãssez affentifs à I' exigenõede leur langue cible, que l'idiotisme leur a paru naturel et surtoutque la compréhensibilité l'exigeait. Il est vrai aussi qu'un textebrillant les a davantage incités à se servir des équivalents libresqu'un texte de style monotone. Dans le fond, ce fut souvent untexte laborieux, comme la Loi, qui a abouti à une traduction motà mot3.. On s'est ainsi assuré que le sens du texte n'était pasaltéré. À ce útre, je préfère parter de mode de traduction, aumême sens que I'on emploie I'expression < manière des'exprimer >>, et éviter celle de << technique de traduction >>.

On peut constater que le mode littéral de traduction a produitdu grec qui n'est pas toujours courant et que la langue de laSeptante ne répresente pas une langue ou même pas une variationd'une langue qui aurait été employée indépendamment de laSeptante pour d'autres fonctions de communicationa. Pourautant, cela ne revient pas à dire que toute la ftaduction serait dunon-grec, du grec totalement sémitisants.

uliDocuMENTLrNGUrsrreuE 23

Notre peut-être trop longue inuoduction sur le processus de latraduction nous a conduil à un premier principe mèthodologique.Pour étudier la langue d'un traducteur, il fait toujours p.ãnOreen considération la langue de départ Si nous ne procédòns pasainsi, nofre étude porte sur d'autres choses que laiangue proþredu traducteur.

VALEUR DES DOCUMENTS LTNGUISTIQUES

CONTEMPORAINS DELALXX

1. Voir par ex. I. So¡snl-oN-SonüNsN, < Beobachtung en. . . > (Studien, p. 28-39) ;A. AerMEr.4,Eus, < Translation Technique and the Inæntion of the Translator >>, dansC. E. Cox (éd.),VII Congress of the IOSCS, Leuven, /989, SCS 3l (1991), p.23-36.

2.Il y a quelques phrases clai¡ement littéraires ou celles auxquelles on peuttrouver facilement des parallèles littéraires : Gn 15,12 r¡}.íou õuopóç repï (cf.XÉ¡,ropltoN, Anabase, v1.5.32), ce qui reflète le texte hébreu assez librement '¡ì$ll, Сlrp¡ (pour d'autres occurrences en grec littéraire classique et hellénistique, votVoITILA, Présent, p. 97) ; Ex 14,24 èv rñ Qui.orn éco0rvfl et chez Potyse u.6j .2repi tr¡v ê<oOrvÌ¡v Qul"oxriv ; le présent historique de l,éyerv dans le dialogue dansI'Exode, dans les Nombres et chez Hérodote (Voma, Présent,p. 100 s.).

3. Sur cette idée, voir AeJMELAEUs, Parataxis, p. 17. Dans une conversationprivée, elle m'a confirmé que I'idée qu'elle veut avancer dans ce passage est lecaractère du texte plutôt que I'intention du traducteur.

4. La langue de la Septante peut pourtant refléter une variation religieuse juivealexandrine ou un jargon religieux juif alexandrin ; en particulier, la taduction decertains termes théologiques hébrarques pourrait en être une illusûation.

5. Plus tard, cette langue est devenue une << langue biblique > ; de la mêmemanière que les autres langues littéraires grecques, elle a servide regisne linguis-tique, de m_o_d9le pour des auteurs ultérieurs dés textes religieux juifJ et néo-tãsta-mentaires. voir par ex. Natalio FSRNÁNDEZ Mancos, The-sepuagínt in context,Leyde-Boston-Cologne, 2000, p. 24; Georg Werssn, The Greei of the AncientSynagogue, Studia Graeca et Larina Lundensi4 Stockholm, 2001.

Mais le texte de départ n'est qu'une partie de cette étude dela langue de la Septante. Il faut également recourir au matériauécrit originalement en grec afin d'étudier son degré de grécité,,c'est-à-dire, d'un côté, pour mettre au jour les expressiãns dugrec courant et, de I'autre, pour démontrer le caractère nonhébrarsant de certains phénomènes linguistiques relevés dans laSepante. Ce matériau dewait, de préférence, être contemporainde la Septante, comme les documents égyptiens sur paÞyrus,mais aussi littéraires. En effet, on a souvont mis en iãl"wI'importance indéniable du grec moderne dans une semblable9to9".Quand on étudie des textes grecs dès périodes ultérieures,il faut toutefois prendre en considération que la Septanteconstitue non seulement un document de I'histõire de la languegrecque, mais aussi une étape dans cette histoire ; c,est-à_direqu'un phénomène linguistique commun à la Septante et au grecmoderne ou même au Nouveau Testament nè démontre-pasnécessairement que ce phénomène constitue une expressioncourante en grec contemporain de la Septante, mais il est bienpossible qu'il s'agisse 1à d'une influence de celle-ci sur Ie grecultépieur.

Dans quelques études des années 1990, Mark Janse I a voulucontester le caractère hébrarsant de la position des pronomsenclitiques, de I'ordre des mots VS et du style rsíf dans la

1. M. J¡Nss, < La koiné au contact des langues sémitiques de la Septante auNouveau Testament (euestions de méthode) ri, dans cuü¿e ¡nncrn, 'L K"k¿gre^c!u-1 ,antique, III, Les Contacts, É,tudes anciennes 17, Nancy_parir, iS9¡,p. 99-1 I l, en particulier p. 104.

"-? Yn.*,", d: style populaire, s1¡al ou chronique littéraire, voi¡ S. Tnemcxen, Ie

Jryk kot d-o,tß re récit attique oral, Bibliotheca classica vangorcumiana x, Asóen,

24 L'APPORT DE LA SEPTANTE

Iangue de la Septante, en les comparant avec la tendanceparallèle en grec koiné et en grec des périodes ultérieures. Celavaut donc la peine d'étudier ces traits tinguistiques d'un peu plusprès, afin d'illustrer la problématique d'une telle méthode.

Plusieurs savants ont décelé une tendance croissante en grec,dès le ry" siècle av. J,-C., à poser les pronoms enclitiques immé-diatement après leur mot régissant, tandis qu'à i'origine ceux-ciavaient privilégié, dans Ia phrase, la position après le premiermot accentué (< Loi de Wackernagel r ,r) comme les autres encli-tiques (trç, øote, des formes atones des verbes etpr et $1pr, te,ye, æep) et enclitoTdes (ôá, ytip, öv) 2. Les mots enclitiques< constituaient, avec le mot qui précédait, une unité tonique 3

>>,

c'est-à-dire qu'ils n'avaient à eux deux qu'un accent. Cetteévolution semble être liée au déplacement de l'accent phras-tiquea, où les enclitiques trahissent une certaine dépendance à

1960 ; J. Bt-ovqvIsr, < Translation Greek in the Trilingual Inscription of Xanthus >>,

Opuscula Atheníensia XIV. Skrifter utgivna av syenska ínstitutet i Athen, 4",29,Stockhoim, 1982, p. 17 s. Il s'agirait de Ia langue parlée, voir récemmentHonr.ocrs, Greek, p. 57-58 ; Kenneth Dovpn, Evolution of Greek Prose Style,Oxford, 1999, p. 10-72.

1. J. Wecxsn¡AGEL, << Uber ein Gesetz der Indogermanischen Wortstellung ),IF1,1892,p.333-435. Réimprimé enKleineSchriften I,Göttingen, 1953,p. l-104.

2. Un fait intéressant dans I'ordre des mots en grec est révéIé par une étude deDovex (Word Order, p. 12 s.). Ce sont des mots (postpositifs) qui n'apparaissentjamais (t-tv) ou que rarement (v-xI) au commencement d'une phrase :

i) Les pæticules cÍpa, cô, Io:p, Ie, ôor, ôé, õ!ta, 0qv, pév, pí¡v, oüv, nep, re.ii) ror.iii) Les cas obliques des pronoms personnels du singulier non emphatiques et

non réfléchis pÊ, pou, ¡ror, ¡nv, oQe.iv) La particule modale öv.v) ôi.vi) Les pronoms oì. et oqr-vii) Les cas obliques du pronom ouróç. Néanmoins, au sens < Iui(elle)-même >,

le mot peut apparaître au commencement d'une phrase.viii) trç, nroç. Noter qu'étant accentués, ils peuvent prendre cette position.ix) Il en va de même pour les pronoms o€, oo1l, oor".

x) vúv, vîv, les formes obliques des pronoms oQeîç, r¡¡reiç, ulLeîç, le présent de

Qóvor.xi) Les emplois copulatifs du verbe eivcr.On obse¡ve facilement que tous les mots dits enclitiques ent¡ent dans cette caté-

gorie.3. M. L¡¡¡uNs, Phonétique historique du mycénien et du grec ancien,Tradittons

de I'humanisme IX, Paris, 1972, ç 346.4. En d'autes termes, la phrase segmentée, M. JeNse, < La phrase segmentée en

UN DOCUMENT LINGUISTIQT]E 25

l'égard du constituant le plus important de la phrase et ainsis'installent volontiers dans la dèuxième position relative àcelui-ci e! non plus nécessairement relative au premier mot dela phrase 1. Par exemple outre onpepóv oe e0ecoóp1, CCC il,It, 183) appar3t aussi oúpepov e0eoo.dpr.¡v or (GG II, u, 1g4)ou bien avec örtervóv oor d¡v leipo on frouve de plus en pluisguyelt ðrrervov tnv 1eîpú oou. Il convient d'aþuter qu'engénêral I'usage des pronoms personnels et de démonstiatifssemble augmenter dans la même période2.

SIGNTFICATTON DES STATTSTIQUES

Pour témoigner du changement de nombre d'occurrences d,uncertain phénomène dans une langue, il faut recourir aux statis-tiques qvifont trop souvent défaut dans certaines études récentes.On ne saurait contester que, dans l'étude des langues mortes, lesdonnées statistiques remplacenf, d'une certaine façon, la voixmanquante des locuteurs natifs 3. Nous avons donc constaté que,

grec ancien - le témoignage des enclitiques >, BSIp 8ó, p. xw-xv (citant CharlesBally).

1.G. Du¡r¡¡, <Enclitic Pronoun Movement and the Ancient G¡eek SentenceAccent >>, Glotta 67,1989, p. 1-19 ; G. Hon*ocrs, < Clitics in Greek - A DiachronicReview >, dans Ma¡ia Rossou et Stavros PA¡,ITELr (éd.), Greek Oarside Greece, II,Athènes, 1990, p. 35-52 ; Greek,p. 59 s. ; J¿¡{s¡, < La phrase. .. > ; < La position despronoms personnels enclitiques en grec néo-testamentaire à la lumière des dialectesnéo-helléniques >, dans Claude B*ryo, Ia Koiné grecque antique : I, [Jne langueíntrouvable, Travaux et mémoires. Etudes anciennes 10, Nancy, 1993, p. g3.l}l.

2. Voir Honnocxs, Greek, p. 55, p. 58.

. 3. Je suis parfaitement conscient du fait que les statistiques ne peuvent pas nousinformer sur les faits comme le niveau de langue (familiei- soutenu.; parlé - litte-raire). Cependant, je pense que I'on peut parvenir à une sorte d'approximation enprenant en considération le type de tôxtes étudiés et Ie contexte où apparaît Iephénomène en question - je me réfère ici à l'étude de TnrNTKNER (Ze Sryle rcí) oùelle-trouve.des périodes de style populaire dans les textes de style plujsoutenu etégalement à Vouu.¡, (Présenî, p. xxxl->xxu). Ce corpus, qu'ili'alisse des texresinformels sur papyrus ou de textes littérai¡es, est constitué seuleinent de textesécrits. Aussi bien qu'il y a des traits de la langue parlée dans les pièces de la litté-rature grecqxe_ancienne, il y a des traits de la langue littéraire ou ães langues litté-raires dans la Septante. ce que nous donne ce corpus, c'est une connaisiance desp-hénomènes lin^guistiques qui étaient possibles et uiités dans Ia langue et leur répé-tition nous confi¡me encore qu'il s'agit d'un phénomène acceptablé, mndis qu'úneseule occurrence pounait aussi être interprétéã comme une faute. Darrs qo"l ii.,r"u,,de langue entre le phénomène en question reste ainsi une question sans réionse défi-

26 L'APPORT DE LA SEPTANTE

dans Ia période dite classique, I'antéposition et la posçositiondes enclitiques se faisaient concturence et qu'après, dans lakoiné, la postposition I'emportait graduellement. Cela est

confirmé par leirésultats statistiques donnés par Graham Dunn I'

Selon lui, dans les phrases principales du liwe I des Histoiresd'Hérodote, 25 Vo des pronoms enclitiques sont postposés par

rapport à leur verbe ; de même, dans le Phédon de Platon, lenombre de pronoms postposés est de 27 Vo, tandis que chez

Ménandre le même pourcentage est de 35 7o et chez Denysd'Halicarnasse il atteint 7O 7o.Il est à noter encore que Dunn n'apas traité des textes non littéraires dans son étude et qu'iln'a pas

analysé ses données pour trouver d'autres solutions qu'unesimple tendance au changement de I'ordre 2.

En ce qui concerne le Pentateugue, à titre de compar^aison,

nous possédons les statistiques d'Albert V/ifstrand'quicomprend pourtant tous les cas et tous les types de phrase ; leurvaleur est donc seulement relative. Il nous offre les nombressuivants : polu la Genèse 7,6 Vo antéposés, dans I'Exode 6,5 To,

dans Ie Lévitique 1,9 7o, dans les Nombres 7,L lo et pour leDeutéronome il ne donne pas de résultats clairs.

Ce qui est encore plus intéressant, c'est que la tendance à laposþosition du pronom enclitique après le verbe dont il dépend

iemble être liée à une autre tendance, à savoir l'évolution vers

nitive (voir sur le traitement de Ia fréquence de I'imparfait dans la LXX, Vorru¿,Présent,p.222 s.). Notons aussi que les statistiques devraient toujours êue utiliséesen analysant tous les cas isolés séparément.

l. < Enclitic Pronoun. . . ,, p. 10.

2.Déjàle type de texte ainsi que la langue utilisée posent problème : Hérodoteécrivit l-'histoirè en ionien, et Denys l'écrivit également mais en attigue, Platon luiaussi utilisa I'attique, mais il écrivit des dialogues et Ménandre l'utilisa en créant des

comédies. Toutefois I'attique de ces auteurs n'est pas le même, mais celui de leurpropre temps. Dans des statistiques de Dunn, il y a toujours seulement un auteur

d'une même < époque >, d'ailleurs, les auteurs viennent d'< époques >> successives

et leur usage de I'ordre standard démontre une tendance ascendante nette, au pointqu'il serait difficile d'affirmer que le phénomène vient seulement du style différentde chaque auteur. Maintenant si nous avons un regisne littéraire utilisé par ces

auteurs (la plupart d'entre eux sont des < prosateurs >, saufMénandre), ce registren'était pas stable pendant la période étudiée, mais cependant, l'ordre des mots a subiun procès de standardisation (probablement sous I'influence des développementsqu'a subis la langue parlée). Et le fait semble conespondre à ce que nous avons dans

la langue de la Septante.3. Die Stellung der enklitischen Personalpronomina bei den Septuaginn,Bulletin

de la Société royale des lettres de Lund, I 949- I 9 50, II, p. a+4-1 0.

UNDOCUMENTLINGUISTIQUE 27

l'.ordre V! de la phrase grecque r. pour les statistiques, ie meréÊre seulement à l'étudã de Marius Reiser2. Bn

"if"t,',uJl;postposition^ du pronom enclitique après son verbe que latendance à focaliser I'attention dans la proposition sur le'verbeont conduit le verbe à prendre la position initiale. Le résultat estun ordre de plus en plus standardãe V+Cli(tique)+S+O 3.

ÉqurvareNr sTANDARD : sA vALEUR RESTREINTE

;, Dans ces conditions, il serait frès séduisant d'interpréter lesfaits, comme I'ont iait Janse et Horrocks, ; î voyanr

, simplement un usage contemporain qui se ,"ftet"r^t dans la. fqnqnle. Cependant, il est méthodolõgiquement incàrrect de. fairg hâtivement une relle concrusion. Brieftet, un équivaent qui, traduit fidèlement une formulation du texte source -!ui en outre

représente ûès souvent l'équivalent clairement le plus fréquent, de la même formulation -ìe reflète guère plus qie la formu-; lation hébrarQue exacte dans ra traduction. cãpõrqroi, dans

.. -!. !.n. exemplè de HoRRocKs (Greek, 60): èdv ôé tr éloropolvtot... Arovóotoç!i

rcm,iotg (rõ-weç-rpegétcrroov cótoùç ôi uieîç nav.ciç... ûn problème : ill-itJcomme indice de VSO un exemple de la LXX.

2, syntax und stil des Markusevangeliurns im Lícht des hellenistischen volkslite-rafør, wissenschaftliche untersuchungen zum Neuen Testament z, n"irrã li,Tübingen, ß8a, p. 46-98.

CEavreXénophon : AnabaseHérodote : I.VIIChariton : CallirhoéXénophon d'ÉphèseRornan d'Alexandre A\omnn d'AlexandreBEvangile de Saint Ma¡c

SP Vo PS Vo

42424549546358

5858555l463742

_-l^::,::fgt dommage que les aureurs de grec hellénistique présentés par Reiserremonrenr a Þ penode contemporaine au Nouveau Testament ou à dei oériodesencore plus tardives et soienr ainìi incapables de nous f""dd;;;é."r,"" ,ã"iîi"iiapplicables à not¡e texte.

3' Honnocxs, Greek,p.59-60. voir ra critique de M. p¡nnor sur re terme < foca-lisalign > dans le cas des encritiquescp;¿, iüpiJ;;ïark J¡Nse à ra séance de laSo.ciété^de ringuistique de paris äu ts^¿¿cemuie iólo rhsæ ao, p. i*j. s.iã" i","< il ne faur pas exclure la possibilité d'inærpréterte* ¡0., "n.ii,iq;;i;;;#;comme liée à leur propre valeur dans une phraìe donnée ,.

28 L'APPORT DE LA SEIrTANTE

de tels cas, nous ne pouvons prouver ce qu'a vraiment pensé letraducteur en traduisant ces formulations l.

La règle ne s'applique pas pour autant aux cas où il y a euplusieurs solutions pour reproduire une correspondance directe 2.

Il s'agit notamment de la traduction du vocabulaire, mais aussiparfois de phénomènes plus syntaxiques tels que l'emploi des

semi-prépositions : par ex. ìÐ + ) (pour + visage/face > en facede qn/devant) est traduit le plus souvent par é;vavtíov en Gn, Exet en Dt, par Ëvavc en Lv et en Nb, et par évcílætov en Juges B,et en 14 Règnes ; ces équivalents se trouvent dans la koiné exté-rieure à la Septante ; mais l'équivalent le plus servile, minoritairetoutefois, æpò npooóæou, ne se rencontre pas dans les textes nonseptantiques. Quant à nos exemples, l'ordre VS de la traductionreflète exactement I'ordre VS du texte source et de même pour laparataxe en rci. Dans ces cas, il n'y a pas d'autres modes pourproduire la correspondance directe.

En revanche, dans les cas où une expression du grec courantcorrespond mot à mot à une autre dans le texte hébreu, iematériau externe au grec de la Septante fait aisément apparaître

que le grec courant n'exigeait pas du traducteur de s'écarter de

la lettre du texte de départ, mais lui permettait plutôt de s'y tenir.En effet, c'est ce mode de traduction qui produisait un grec

parfaitement admissible, et ainsi, quand on envisage le but destraducteurs, il s'est avéré être pratique, fructueux, une waie tech-nique facile de traduction. Mais, en réalite, le fait qu'unphénomène linguistique constitue une traduction fidèle du textesource, et qu'il est simultanément du grec courant, avaitfréquemment pour conséquence que le nombre de telsphénomènes linguistiques est devenu élevé dans la traduction.C'est pour cette raison que les statistiques d'un équivalentstandard ne nous servent pas beaucoup quant à la fréquence d'uncertain phénomène linguistique dans la langue contemporaine.

Un bon exemple d'un tel phénomène linguistique est donnépar Èv instrumental avec le datif. Comme I'a constaté Jean

L Comme I'a déjà noté Martin Fl¡sH¡R, < Exegetische Studien zum Septuagin-tapsalter >>, ZAW 32, 19 12, p. 94 s. Voir aussi B *x, Ty p o lo gy, p. 292 s.

2. Sur de tels cas, voir Sors¡LoN-Sob,rNEN, Die Infinitive; SoLLAMo, Semiprepo-sitions.

UNDOCT.IMENTLINGUISTIQUE 29

Humbertr dans son étude-sru la disparition du datif, l,<< emploin'avait rien d'étranger à l'hellénisrrre >>. Il se trouve dansplusieurs textes classiques, en particulier chez Sopho"f", pouiexprimer un outil par lequel quelque chose a ele nit oi tamanière-dont.quelque chose a éÉìéaHsé. L'usage était clai-rement littéraire. Les traducteurs connaissaient cãt emploi, leconsidéraient comme un bon équivalent de ¡ instrumËnti etétendaient ainsi son usage en dehors de son champ d'empioi dansle grec littéraire. ce n'était plus un procédé de style &pressif,mais il avait reçu dans le grec de lá Septante la-valeui d'uneexpression de I'instrument, au même titre que le datifinstrumental.

Il en est de même du style parataxique et en particulier du< style roi >> aussi bien que de I'ordre dei mots. Le < style roi >paraît être un phénomène de la langue grecque parlée aussi bienque I'ordre VS ou la posþosition du pronom enclitique parrappol à son mot régissant, une évolution interne de la koiné,mais leurs occurrences en grec non septantique ne supprimentpas le fait q-u'ils apparaissent en abondãnce dans la S{tante etque cette abondance est issue du texte hébreu. Il sufiit de seÉférer à nos statistigues sur le place du pronom enclitique pourdémontrer que, selon ces statistiques, I'uiage en vigueur dans lePentateuque grec se distingue même de celui des écrivains grecsqui utilisent le plus souvent cet ordre. L'ordre des mots ainsl quele style raíz caractérisent tous les textes de la Septante, quiilssoient, nanatifs, légistatifs ou poétiques. Cela n,eit pas lå casdans les textes grecs hors de la Septante. Il convìent doncd'admettre qu'il s'agit d'un héþrarsme, du moins stylistique 3.

, ^1:J. Hggly,_In.Dßparition du datif en grec, Collection linguistique 33, paris,

P30,¡. 99-111. Voir aussi R. Kîî+¡pn et B. G¡nrH, Ausführliãhe Ci"n*"t¡1.- ¿ríGri¿chischen Sprache, II :1-2 Satzleb¡e, Hannover-Leipzig, 1S9g_190¿, S ¿¡i;So¡s¡r,o¡l-Son¡¡.¡eN, < Beobachtungen... >, p. 31-46.__

2. Voir AEJMELAEU', Pcrataxß, p. 30-33. De même, dans l,inscription de

I1o9*, ilne s'agit pas du.¡r9te¡duiryle roí de la langue populaire, de iä hnguesacrée ou des chroniques littéraires, mais du mode dJnaàuôtion où rsi refl"ètetoljoys s¿ < et > lycien, Blotrlqvrsr, < Translation Greek... ,, p. lg.

3. En ce qui concerne le terme, voir SoL¡_¡rr¿o, Semipreposítiàns, p. 7, p. 2gg_301.

30 L'APPORT DE LA SEPTANTE

LLUSION DES STATISTIQUES

En examinant, par ailleurs, I'ordre des mots dans la Septante,

vu la segmentation du texte à traduire, on comprend que leprocessus lui-même a facilité le travail des traducteurst. Lachaîne des formes consécutives où le verbe suit toujours laconjonction parataxique I de la phrase hébrarque ainsi que le motrégissant avec le pronom suffixe tendent aisément à être traités

comme une unité segmentée par les traducteurs, ce qui a, pour

sa part, motivé I'ordre des mots de la traduction. Après un courtsondage dans le Pentateuque je n'ai réussi à rencontrer aucunexemple des forrnes consécutives où I'ordre Con+VS auraitchangé, sauf un parfait consécutif en Ex 4, 16 (Ex 2), tandis que,

dans le cas d'autres formes verbales, l'ordre VS aurait plus

souvent été modifié en SV 2.

De même, bien que I'unité segmentée que forment, en hébreu,

le pronom suffixe et son mot régissant ait permis aux traducteursde poser Ie pronom en principe où ils le veulent, le pronom se

t¡ouve normalement dans la position, soit immédiatement posté-

rieure, soit immédiatement antérieure 3. Le changement de la

l. < Word order... is probably to be attributed to habit and the quest for an easy

technique rather than to any literalist policy > (Btxv',Typology, p' 300).

2. Bn particulier, dans le cas de la phrase nominale rendue par une phrase verbale,

les traduiteurs n'ont pas donné au verbe une Place constante. Et quoique Ia phrase

nominale hébrarque ait compris un élément qu'il a tenu pour corresPondant duverbe, le traducteur a instauré le verbe plus fréquemment selon son intuition linguis-tique que dans le cas des phrases verbales hébrarques. Surce phénomène dans. laSeptante, voi¡ I. SoIse¡,oN-SoINn¡eN, < The Renderings of the Heþ¡ey Relative-

Cúuse in the Greek Pentateuch >, dans Proceed.íngs of the Sixth World Congress ofJewísh Srudies, vol. I, Iérusalem, L971 , p.401-406; <Die Wiedergabe des

hebräischen, als Subjekt stehenden Personalpronomens im griechischen Penta-

teuch >, dans Albert Prmenslr¿e, Ctaude Cox (êd.), De Septuaginta, Sudies ínHonour of John Wílliam Wevers on his Sixty-Fifih Birthday, Missouga, Ontario,1984, p. 115-128 ;VorruA, Présent,p.8s.

3. À cet égard, un fait aussi intéressant est apparu dans l'étude de Soruuo(Repetitíon, p.2I,3O-3I,32-33). Lorsqu'en hébreu le pronom suffixe est rattaché àplusieurs noms, unis par la conjonction l < et )), il est repété. Sollarno a constatéceci : puisqu'en grec une telle repétition du pronom personnel n'est pas courante,des [aducteurs attentifs évitaient quelquefois la répétition ou du moins ne les tradui-saient pas tous. Mais bien gu'il ait trouvé nécessaire de supprimer les pronomsinutiles, seul le traducteur de I'Exode a, dans cinq cas (Ex 3, 15 ; 9, 34 ; 10, 1.6 ; I I,9), changé la postposition du pronom enclitique en antéposition.

I]NDOCI.]MENTLINGUISTIQUE 31

postposition à l'anteposition apparaît plus fréquemment dans lecas des enclitiques que dans le cas du verbe etie son sujet. euela postposition domine cependant a résulté du fait que- letraducteur a suivi I'ordre de I'hébreu, son mode ordinaire detraductien, car rien dans ce texte ni dans la grammaire grecque nel'a.amenéà procéder autrement. Ces écartsãe I'ordre ãno.*ul ,,qui sont d'ailleurs assez rares, ne paraissent pas réfuter la règle.

- En dépit de sa grand€ fréquence, I'ordre VS(O) n,est pas-non

plus le seul que connaisse I'hébreu. Au contraire, la chåne desformes consécutives y est assez fréquemment interrompue parune. ou deux phrases d'ordre différent où le verbe prand uneposition auüe qu'initiale. Traduit littéralement, un tel chan_gement de l'ordre VS produit un style plus grec. II y a toutefoislieu de r.emarqu€r ceci : afin d'être capãble d,observer qu,il fautune variation, le traducteur n'a pas pu se former unè imaged'ensemble mathématiquement cõnecte de ce qu,il avait déJàüaduit, corìme nous venons de le faire. Il recourait seulemeniàson intuition. Et des raisons psychologiques ont dû égalementintervenir : I'ordre optionnel des motsã èu un plus grãnd effetsur son innütion que leur nombre objectif réel ne telegitimait.On peut comparer la situation de fraduction avec celle où l,onq91t^ pour _la première fois une lettre ou quelque chosed'informel. Les considérations stylistiques n'ont qu'úne impor-tance secondaire.

ÉqurverENrs NoN sTANDARD :

vALEUR pouR r_'É1uor uNcursrlerrE

Malgré ce qui vient d'être dit, les traducteurs ne cherchaientpas à pendre toujours de la même façon un élément hébreu donné.Il est arrivé également que des expressions inhabituelles leursoient venues à I'esprit, de sorte que ães burnures plus courantesetparfois même soutenues se soniprésentées. E[einous donnentenfin accès, à proprement parler, aù grec ter que res traducteurs leconnaissaient. Dgux groupes- de cas peuvent alors être distingués.

. ?-r.le.premier groupe, le plus fructueux quant à l'étuõe dela Inguistiqu:. $ecque, entrent des expressiois qui ";i* pã,d'equ,arent direct dans leur texte source. En effet-, oo y ,"pèr"des cas si fondamentaux elou usuels en gïec qu,ils ne fórd;;t

3? L'APPORTDELA SEPTANTE

que pénétrer dans la langue de la Septante, bien qu'aucunélément du texte source ne leur ait donné une claire raison d'être.Mais pourtant un caractère leur est commun : c'est leur rareté,quoiqu'ils soient usuels en grec contemporain. Commeexemples, je pourrais mettre en avant divers phénomènes gram-maticaux : I'emploi du verbe ë1ew en particulier utilisé dans desfonctions différentest, la périphrase pél,l,et avec l'infinitifl leprésent historique 2. Tous ces phénomènes linguistiques ont encommun de ne pas avoir d'équivalent direct dans le texte dedépart.

Au second groupe, nettement plus important, appartiennent lescas où le traducteur a dévié de son mode normal de traduction, àsavoir de I'usage de l'équivalent standard. Nous avons déjàconstaté que le traducteur a agi d'une façon qui a encouragéI'emploi d'un seul équivalent d'un même mot ou d'un mêmeélément du texte source. Aussi l'exception faite à cette << règle >

marque-t-elle une occrrrrence où, le plus souvent, ce sont lesexigences de la langue cible qui ont déterminé la traduction. Laparataxe hébraiQue, à titre d'exemple, normalement traduite parI'emploi d'une phrase introduite par rcí, a fréquemment été'

rendue en utilisant d'autres équivalents et d'autres constructions.Cela ne démontre pas tant le besoin qu'a ressenti le traducteurd'éviter la répétition monotone de xof que le besoin d'employerdes conjonctions et des constructions grâce auxquelles cettevariation a été réalisée. La tâche de la recherche linguistiqueconsiste à retrouver la raison de I'usage de chaque équivalent etàles placer dans l'histoire de la langue.

La situation est la même pour I'ordre des mots. Il a aussiparfois dévié de celui du texte hébreu pour des raisons dictéespar les exigences du grec. Les enclitiques en donnent de bons

exemples et même le sujet et le verbe ont parfois été placés dansI'ordre inverse. Une fois admis que les traducteurs n'ont pas

toujours suivi l'ordre VS ou I'antéposition des enclitiques, il fautarriver à la conclusion que ces deux ordres des mots n'ontpas étéaussi productifs en grec, au point que le traducteur ne se seraitpas senti parfois obligé de s'en écarter. La position de ôé et ydp

l. Voir Ilmari SoISALoN-SoINTNEN, ( Der Gebrauch des Verbes ë1erv in derSeptuaginta >>, W 28, p. 92-99.

2. Voir VoIru-¡,, Présent, p. 9l-106.

lans la phrase a toujours suivi la loi de wackernagel contre la' letûe du texte hébreu. pourquoi cette persistancã lors de latraduction de ces deux conjonctions ? pöurquoi les traducteurs

: , n'ont-ils pas varié la position du sujet et du verbe i Certes la,' segmentation a facilité la traduction dä ces conjonction, , "o**"' ruttachée comme préfixe au mot suivani et les deux roni t uité,

bilité d'utiliser des conjonètions ôé et yóp et de les placer corec-: tement. Nous avons déjà partiellement répondu à cêtte question :

' la position de,1a conjonction était toujo'rs plus fixe t'e' grec,'i tandis que celles du sujet et du verbä ne l',étaient pas. Il esti' également possible de supposer que, la position initiare ou finale) de la phrase étant en grec la plus emphàtique, le traducteur a pu;, considérer aussi le verbe comme emphatique dans sa positiõn:, initiale dans le texte hébreu de sorte qu'il s-'est cru obligé de la,: , garder également dans sa traduction.

Comme troisième groupe, nous pouvons citer encore les équi_': valents standard qui, d'uñe part, ne sont pas les seuls possibìes, - divers traducteu¡s pouvaiãnt faire usage de différeãts équi-

y4.nts qui seraient standard dans leur traduction _, et qui,,.1 d'auffe part, ne constituent pas des équivalents serviles, car ils,. existent aussi en grec proprement dit. De telles différences dans': " les façons d'opérer entre les traducteurs témoignent en quelque:i sorte aussi de la langue utilisée par les traducteurs.

UN DOCUMENT LINGUISTIQUE

DTVERGENCES TEXTUELLES

JJ

Faute de temps, il n'est possible de mentionner que briè-,, vement les divergences textuelles. comme pour tous lès textesi transmis manuellement, la question revêi une signification

,,]'En grg.c.post-homérique, on trouve une tendance progressive à distribuer leséléments clitiques dans la pbrase au rieu de les concenrreì däs ra position il;;i;-tement après le premier mot, Honnocrs, < Clitics.. . >>. o. 37 .

_ 2. En ce qui concerne I'ordre des mots, voir shemary^ahu Tar¡.roN, << The TextuarStudy of the Bible - A New Outlook >, dans F¡ank tvtoore Cnoss, Sñö;;Terv_oN (éd,.), Qumran and rhe History of the Biblical Texr, Cambridge, l¿"rrãtt

"-setts-Londres, 1975, p.358 ; Staffan Or-órsso', ( Studying rhe Worã Order of the

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