MEMOIRE - La responsabilité des moteurs de recherche en matière de contrefaçon

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Houda Sonia BANOU

La responsabilité des moteurs de recherche en

matière de contrefaçon

Sous la direction de Mme Nathalie Blanc, Professeure à l'Université Paris 13,

Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité, UFR Droit, Sciences politiques et Sociales.

Master Recherche de Droit des affaires

Année 2013/2014

1

« La faculté n'entends donner aucune approbation ou improbation aux opinions

émises dans ce mémoire ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur

auteur. »

2

REMERCIEMENTS

En préambule de ce mémoire, je souhaite adresser mes

remerciements les plus sincères à ma directrice de mémoire, Madame

Nathalie Blanc, qui m'a fait l'honneur de m'admettre dans la promotion de

son Master et qui m'a orientée, tout au long de la rédaction de ce mémoire,

grâce à ses précieux conseils.

Mes remerciements vont également à l'ensemble des professeurs dont j'ai

eu le plaisir de suivre les enseignements au cours de mon cursus à

l'Université Paris 13.

Enfin, mes derniers remerciements vont à ma mère, qui a su m'encourager

et me soutenir durant toutes ces années universitaires.

3

LISTE DES ABRÉVIATIONS

Art Article

BO Bulletin officiel

Cass. Civ Chambre civile de la Cour de cassation

Cass. Com Chambre commerciale de la Cour de cassation

CJUE Cour de justice de l'Union européenne

D. Dalloz

Éd Édition

FAI Fournisseur d'accès à Internet

Gaz. Pal Gazette du Palais

HADOPI Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet

JCP G Jurisclasseur périodique, la Semaine juridique édition Générale

JO Journal officiel

JOUE Journal officiel de l’Union européenne

LCEN Loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique

LGDJ Librairie Générale droit et de Jurisprudence

RJDA Revue de jurisprudence de droit des affaires

RLDI Revue Lamy Droit de l’Immatériel

4

SOMMAIRE

LISTE DES ABRÉVIATIONS ........................................................................................................ 4

SOMMAIRE ..................................................................................................................................... 5

INTRODUCTION ............................................................................................................................ 6 CHAPITRE 1. LA QUALIFICATION JURIDIQUE DU MOTEUR DE RECHERCHE ..................14 SECTION 1. Une qualification délicate …........................................................................................14

§I. Le moteur de recherche, un acteur d'internet particulier ..............................................................14

§II. Les difficultés jurisprudentielles ….............................................................................................22

SECTION 2. La qualification par défaut du moteur de recherche ....................................................30

§1. La réponse de la CJUE ................................................................................................................30

§2. Une qualification insatisfaisante ..................................................................................................39

CHAPITRE 2. LE REGIME DE RESPONSABILITE DU MOTEUR DE RECHERCHE ..............44 SECTION 1. Une responsabilité allégée ….......................................................................................44

§1. L'aménagement de responsabilité de la LCEN ............................................................................44

§2. L'exclusion d'une « contrefaçon par complicité » .......................................................................49

SECTION 2. Le rôle des moteurs de recherche dans la lutte contre la contrefaçon ….....................54

§1. Entre liberté de communication et protection des marques : un équilibre trouvé au détriment des titulaires de droits de propriété intellectuelle ....................................................................................54

§2. La responsabilisation des moteurs de recherche ….....................................................................57

CONCLUSION ................................................................................................................................63

BIBLIOGRAPHIE ..........................................................................................................................65

INDEX ..............................................................................................................................................77

TABLES DES MATIÈRES .............................................................................................................80

5

INTRODUCTION

1. Initialement destiné à la recherche pour relier quelques universités américaines dans les années

1960, l'internet1, ou « le réseau des réseaux », est aujourd'hui un réseau mondial interconnectant un

nombre croissant de systèmes informatiques de toutes tailles. L'internet est issu du réseau

ARPANET (Advanced Research Projects Agency NETwork)2 créé aux États-Unis en 1969 sous

l'impulsion de la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency). ARPANET avait un double

objectif : d'une part, échanger des informations entre universités et militaires, et d'autre part,

expérimenter les techniques de transmission de données découpées en paquets3. Dès le milieu des

années 1970, de nombreux autres réseaux ont émergé, il parut alors intéressant de tous les relier

pour offrir un service global. L'ARPANET devint au début des années 1980 la base du réseau

internet, puis, suite à la fusion avec le réseau NSFnet -fruit du travail de recherche de la National

Science Foundation- prit le nom d'internet.

2. En 1990, au Centre européen de recherche nucléaire (C.E.R.N) en Suisse, Tim Berners-Lee4 crée

le WEB, « World Wide Web », également appelé « la toile », permettant la consultation à distance de

pages d'informations multimédias et l'accès à l'internet à un plus large public5. L'internet n'a depuis

cessé de se développer, prenant une place prépondérante dans la vie quotidienne. En 2014, Novius6

estime que 2,5 milliards d'individus, soit près de 30% de la population mondiale, utilisent l'internet

(+10% en un an)7.

3. Afin de permettre une utilisation aisée du Web et de faciliter les recherches, il s'est avéré

nécessaire de permettre un recensement des documents publiés. En effet, le Web n'aurait aucune

1 L'orthographe du terme « internet » n'est pas unanimement établie. Cependant, cette étude s'attachera à suivre les indications du professeur Philippe le Tourneau : l’internet n’est pas un nom propre (il doit donc être précédé d’un article) et ne doit pas prendre de majuscule. Philippe LE TOURNEAU, Contrats informatiques et électronique, Dalloz référence, 2014/2015

2 Pierre-Alain GOURION, Maria RUANO-PHILIPPEAU, Le droit de l’internet dans l’entreprise, LGDJ, 2003, p. 7 3 Danièle DROMARD, Dominique SERET, « Internet - Histoire », Encyclopaedia Universalis [en ligne], consulté le

12 avril 2014. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/internet-histoire/ 4 Il a reçu, à ce titre, de nombreux prix internationaux, il est entré au musée national d'histoire américaine en 1997, il

est classé par le Time Magazine parmi les 100 personnalités les plus importantes du Xxème siècle en 1999, figure sur la liste de la BBC des 100 plus grands Britanniques de tous les temps en 2002, et reçoit l'ordre du Mérite en 2007 (seconde décoration du royaume britannique)...

5 Pierre MOUNIER-KUHN, « Développement du réseau internet », Encyclopaedia Universalis [en ligne], consulté le 13 avril 2014. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/developpement-du-reseau-internet/

6 Société créée par Anthony Bleton, Docteur en physique quantique et Herve Rotival, chercheur en informatique et administrateur système au CERN afin de proposer des solutions de communication digitale.

7 « Internet et médias sociaux : les grands chiffres et tendances 2014 », Centre national de la recherche scientifique (CNRS) [en ligne]. URL : http://www.cil.cnrs.fr/CIL/spip.php?article2109, consulté le 13 avril 2014

6

utilité si on ne pouvait le parcourir aisément. Dans un premier temps, des répertoires de sites ont été

élaborés, faisant l'inventaire des sites par catégorie de sujets8. Cette méthode a rapidement atteint

ses limites9. Yahoo pose les premiers jalons10, puis Google innove et révolutionne le Web en 1998

en créant le premier moteur de recherche automatisé11. Les moteurs de recherche sont des outils

accessibles sur un site qui réalisent, grâce à un robot logiciel appelé Spider, une indexation

automatique et rapide des sites et des pages web12.

4. On recense, en avril 2014, 958 919 789 sites sur « la toile »13. Les principaux moteurs de

recherche en France sont Google (94% des requêtes effectuées), Bing et Yahoo (2% de parts de

marché), ainsi que Ask Network et Orange Search14. Étant donné la croissance exponentielle du

volume de données mises en ligne, les moteurs de recherche sont rapidement devenus des outils

« incontournables » de l'internet15. Chaque jour, environ 8 milliards 640 millions de recherches sont

effectuées dans le monde sur le moteur de recherche Google16. Ce développement de l'internet a

particulièrement intéressé les entreprises qui y ont vu un nouveau moyen de vendre et de se faire

connaître. En effet, le commerce en ligne a connu une croissance continue et il est aujourd'hui

possible d'acheter la quasi-totalité des produits du commerce traditionnel sur l'internet : livres,

musiques, films, vêtements, matériel informatique, appareils électroménagers, etc. Selon la

fédération e-commerce et vente à distance (Fevad), malgré la dégradation du contexte économique,

les ventes sur l'internet ont continué de progresser en 2013, les Français ayant réalisé plus de 600

millions de transactions en ligne sur l'année pour un montant de 51,1 milliards d'euros17. Aussi, les

entreprises ont tout intérêt à se faire connaître sur l'internet, de nombreuses enseignes disposent d'un

site internet et, selon le site eMarketer.com, ce sont 104,22 milliards de dollars qui ont été dépensés

dans le monde en publicité sur l'internet au cours de l'année 2013. L'internet présente par

8 Brigitte SIMONNOT, « Moteurs de recherche », Encyclopaedia Universalis [en ligne], consulté le 12 avril 2014. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/moteur-de-recherche/

9 Ces répertoires étant crées manuellement, il était impossible de recenser un nombre toujours croissant de sites. 10 Jerry Yang et David Filo, étudiants de l'université de Stanford, ont l'idée de recenser humainement les meilleurs sites

dans un annuaire internet et créent Yahoo en 1994.11 Sur la naissance des moteurs de recherche, v. John Heilemann, « La guerre des moteurs de recherche, la véritable

histoire d'internet », sur YouTube [en ligne] URL:http://www.youtube.com/watch?v=a64RPW_GrpU 12 Laurence TELLIER-LONIEWSKI, Alexandre FIEVEE, « La responsabilité des moteurs de recherche dans le cadre

de leur activité de vente d'espaces publicitaires », Gaz. Pal., 21 juillet 2005, n°202, p.26.13 « April 2014 Web Server Survey », Netcraft [en ligne]. URL : http://news.netcraft.com/archives/category/web-

server-survey/, consulté le 13 avril 2014.14 « Parts de marché des moteurs de recherche en France », Journal du Net. URL :

www.journaldunet.com/ebusiness/le-net/parts-de-marche-des-moteurs-de-recherche-en-france.shtml, consulté le 13 avril 2014.

15 Laurence TELLIER-LONIEWSKI, Alexandre FIEVEE, idem. 16 L'organisme ConsoGlobe propose un site de statistiques mondiales en temps réel URL:

www.planetoscope.com/internet-/1474-nombre-de-recherches-sur-google.html, consulté le 13 avril 201417 Communiqué de presse de la Fevad, Paris, le 30 janvier 2014.

7

conséquent un intérêt majeur pour les titulaires de marques. Cependant, si le net permet aux

entreprises de réaliser de nouveaux profits, il a également pour conséquence d'amplifier le

phénomène de contrefaçon18.

5. La contrefaçon constitue « la qualification spécifique en propriété intellectuelle pour toute

atteinte ou tout usage non autorisé d'un bien intellectuel. Dans son sens général, la contrefaçon est

une imitation frauduleuse ou fabrication d'une chose au préjudice de celui qui avait seul le droit de

la fabriquer ou de la reproduire »19. L'article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle20 interdit

l'usage de la marque d'autrui sans l'autorisation de son propriétaire. Selon Nicolas Binctin, si la

contrefaçon se limitait autrefois à quelques marques de luxe, chansons et films, « [elle] constitue

aujourd'hui une quasi-pandémie contre laquelle se mobilisent les autorités publiques de la plupart

des États et les organisations internationales »21. Si la contrefaçon pose bien entendu des problèmes

d'atteinte au droit de la de propriété intellectuelle, elle pose aujourd'hui également des problèmes

sanitaires pouvant affecter la santé et la sécurité des personnes22. Ainsi, « les médicaments, jouets,

pièces automobiles, cigarettes et boissons alcoolisées sont devenus les nouvelles cibles des

contrefacteurs, attirés par un marché en pleine croissance et extrêmement lucratif qui représenterait

près de 250 milliards de dollars par an »23. Lors du Congrès mondial sur la lutte contre la

contrefaçon et le piratage qui s'est tenu à Lyon les 14 et 15 novembre 2005, Ronald K. Noble,

secrétaire général d'Interpol, a déclaré « Nul pays ne peut à lui seul venir à bout des infractions de

ce type. En ces temps où les responsables de police sont concentrés sur le terrorisme et sur d'autres

formes de grande criminalité, il importe qu'ils ne sous-estiment pas le préjudice que les atteintes à la

propriété intellectuelle causent à nos économies, ni le danger potentiel qu'elles représentent pour la

sécurité publique ». D'ailleurs, l'OCDE estime que la contrefaçon aurait pour conséquence directe la

suppression de 200 000 emplois dans le monde, dont 100 000 en Europe et 30 000 en France24. Il

semble en 2013 que le e-commerce est le vecteur d'approvisionnement le plus important en

contrefaçon avec plus de 1,5 millions de saisies opérées dans le fret postal et express (5% de plus

qu'en 2012) qui sont la conséquence de commandes sur l'internet25. Aussi, l'article L. 111-1 du Code

18 Juliette GARNIER, « La contrefaçon fait rage sur internet », Le Monde, 19 janvier 2014.19 Nicolas BINCTIN, Droit de la propriété intellectuelle, 2e éd., LGDJ, 2012, 1206 p. 84720 Issu de la loi 92-597 du 1 juillet 1992 créant le Code de la propriété intellectuelle. 21 Nicolas BINCTIN, idem. 22 Rapport d'information sur la lutte de l'Union européenne sur la contrefaçon, déposé par la délégation de l'Assemblée

Nationale pour l'Union européenne le 8 juin 2005 et présenté par M. Laffineur. 23 OCDE, « Magnitude of counterfeiting and piracy of tangible products », Novembre 2009 (mise à jour du rapport

« Les incidences économiques de la contrefaçon » de l'OCDE de 1998)24 OCDE, idem. 25 Direction générale de la compétitivité de l'industrie et des services (DGCIS), « La contrefaçon en chiffres ». URL :

www.dgcis.gouv.fr/secteurs-professionnels/la-contrefacon-chiffres, consulté le 13 avril 2014

8

de la propriété intellectuelle pose le principe de la protection du droit d'auteur et dispose que

« l'auteur d'une œuvre jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété

incorporelle exclusif et opposable à tous ». En vertu de l'article L. 335-2 du Code de la propriété

intellectuelle, récemment modifié par la loi n°2014-315 du 11 mars 2014, sont également

considérées comme une contrefaçon toute copie d'une invention nouvelle, reproduction totale ou

partielle d'un dessin ou modèle, édition d'écrits, de compositions musicales, de production

imprimée, toute reproduction, représentation ou diffusion d'une œuvre de l'esprit en violation des

droits d'auteurs, ainsi que toute reproduction ou mise à disposition du public à titre onéreux ou

gratuit d'une prestation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un phonogramme réalisées

sans l'autorisation de l'artiste interprète, du producteur ou de l'entreprise de communication

audiovisuelle. L'article précité prévoit une peine de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros

d'amende, les peines étant portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 euros d'amende

lorsque ces délits ont été commis en bande organisée.

6. La contrefaçon est largement facilitée par l'internet. Le réseau permet aux contrefacteurs de faire

circuler à grande échelle leurs produits. Aussi, il simplifie l'acte de contrefaçon lui-même, la

numérisation de fichiers tels que les chansons et films puis leur téléchargement étant relativement

aisés sur le net26. D'après une étude réalisée en 2004 par le cabinet IDC, la part des copies illicites

dans les logiciels utilisés en France est d'environ 45%, soit près de la moitié des logiciels. Le

rapport d'information sur la lutte de l'Union européenne sur la contrefaçon de 2005 va même jusqu'à

qualifier le réseau internet « d'Eldorado » de la contrefaçon, prenant l'exemple des sites de ventes

aux enchères tels qu'eBay où les propositions de vente de contrefaçons sont nombreuses.

7. Le développement de la contrefaçon en ligne a imposé l'émergence d'un régime de responsabilité

pour les acteurs de l'internet. La loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication27 a

tenté de clarifier la responsabilité des acteurs de l'internet en distinguant, parmi ces acteurs, les

fournisseurs d'accès, les hébergeurs de contenus, les éditeurs de service et les non-professionnels.

Élisabeth Guigou, Garde des Sceaux, déclarait dans un colloque intitulé « Internet et libertés

publiques »28 que la lutte contre les contenus illicites nécessite de clarifier la responsabilité des

acteurs et doter la justice de moyens propres à les poursuivre efficacement. Ainsi, la loi du 1er août

2000 relative à la communication audiovisuelle est venue apporter quelques modifications à la loi

26 Nathalie BLANC, « Les sanctions en droit de la propriété intellectuelle. L'exemple de la contrefaçon : clair-obscur dans le droit des sanctions », in Les sanctions en droit contemporain : volume 1, La sanction entre technique et politique, sous la direction de Dominique FENOUILLET et Cécile CHAINAIS, D., 2012, p. 311

27 Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Loi Léotard)28 Colloque du 19 juin 2000 tenu à la Mutualité présidé par Daniel Marcovitch, député de Paris.

9

de 1986 notamment en précisant les obligations pesant sur chaque catégorie d'acteurs29. Néanmoins,

les apports de la loi de 2000 demeurent parcellaires, la censure du Conseil constitutionnel ayant

amputé de l'essentiel de sa substance les réformes initialement proposées dans les amendements au

projet de loi30. Quatre ans plus tard, la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN)31

transposant notamment la directive n°2000/31/CE du 8 juin 2000 relative à certains aspects

juridiques des services de la société de l'information et notamment du commerce électronique dans

le marché intérieur achève le régime de responsabilité avec pour critère de distinction principal le

rôle technique neutre ou actif des prestataires32. Aujourd'hui, ce régime se trouve pour l'essentiel

dans le Code des postes et des communications électroniques et dans l'article 6 de la LCEN qui

dispose à son I-2 « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise

à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de

signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de

ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des

informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas

effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce

caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour

retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ». Le fournisseur d'accès à Internet et l'hébergeur

bénéficient d'un régime de responsabilité aménagé tandis que l'éditeur supporte une responsabilité

ordinaire. Ainsi, comme le note Nicolas Binctin, « en présence d'une contrefaçon, l'intermédiaire

technique ou l'hébergeur pourra voir sa responsabilité écartée là où l'éditeur sera tenu

responsable »33. Ceci s'explique car l'hébergeur n'est supposé avoir qu'un rôle passif34 là où

l'éditeur35 (fournisseur de contenu) est amené à introduire ou à accueillir des textes, sons et/ou

images dans des services de communication au public en ligne qu'il a pris l'initiative de créer et

d'exploiter et sur lesquels il aurait une certaine maîtrise des contenus, devant par conséquent en

29 La loi prévoyait également une responsabilité pénale des hébergeurs, mais le Conseil constitutionnel a invalidé cette disposition. Françoise TOME, « Principales modifications apportées par la loi du 1er août 2000 relative à la communication audiovisuelle à la loi du 30 septembre 1986 », Gaz. Pal., 11 novembre 2000, n°316, p. 3.

30 Emmanuel JEZ, Frédéric-Jérôme PANSIER, « Responsabilité des hébergeurs à l'aune de la loi du 1er août 2000 – Bilan des acquis jurisprudentiels et d'une réforme législative amputée », Gaz. Pal., 9 septembre 2000, n°253, p.19.

31 Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, JORF n°0143 du 22 juin 2004 p. 11168

32 Nicolas BINCTIN, ibidem, n° 1226 p. 85733 Nicolas BINCTIN, ibidem, n°1226 p. 85734 Ce qui explique que le législateur ait souhaité écarter leur responsabilité civile du fait des activités ou informations

stockées.35 Ici, la notion d'éditeur est entendue de façon plus large que celle de l'article L.132-1 du Code de la propriété

intellectuelle. La directive européenne du 8 juin 2000 utilise le terme de « destinataire du service » qu'elle définit à son article 2 comme « toute personne physique ou morale qui, à des fins professionnelles ou non, utilise un service de la société de l'information, notamment pour rechercher une information ou la rendre accessible ».

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assumer la responsabilité36. Cependant, la frontière entre hébergeur et éditeur et entre l'intervention

passive et active est si mince que la distinction trouve des limites en pratique. En outre, la loi ne

vise pas expressément les moteurs de recherche qui ne sont jamais nommés.

8. Pourtant, les moteurs de recherche ont, depuis quelques années, développé de nouvelles

prestations et proposent désormais, en plus du service « classique » de référencement, des espaces

publicitaires sur leurs pages web. Ainsi, le moteur de recherche vend à un annonceur un ou

plusieurs mots-clés qui permettront de faire figurer son annonce dans les résultats de recherche dès

lors qu'il existera une concordance entre les mots clés réservés et ceux contenus dans la requête de

l'internaute37. Cette nouvelle technique de référencement payant constitue à la fois un moyen de

financement des moteurs de recherche et un outil de communication publicitaire efficace pour les

annonceurs38. En effet, Google génère aujourd'hui près de 97% de ses recettes grâce à son moteur de

recherche. En France, l'agence VRDCI estime ces recettes publicitaires à 1,4 milliard d'euros en

201239. Sa régie publicitaire Adwords a été créée le 23 octobre 2000 aux États-Unis. Adwords

explique sur son site à l'usage des annonceurs : « Les mots clés sont des mots ou des expressions de

votre choix pouvant déclencher la diffusion de votre annonce sur les pages de résultats de recherche

et d'autres pages. […] supposons que plusieurs annonceurs utilisent le même mot clé pour

déclencher la diffusion de leurs annonces ou souhaitent que leurs annonces s'affichent sur les

mêmes sites Web. Comment identifions-nous les annonces devant être diffusées et leur ordre de

diffusion ? Cette décision est prise automatiquement en fonction de ce que nous appelons le

classement des annonces. Le classement de votre annonce repose sur la combinaison de votre

enchère (montant que vous êtes prêts à payer) et de votre niveau de qualité (estimation de la qualité

de vos annonces ) »40. Ce référencement payant soulève de nombreux problèmes juridiques et

notamment des risques d'atteintes aux droits des tiers41. Il a été précédemment noté que l'article

article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle interdit l'usage de la marque d'autrui sans

l'autorisation de son propriétaire. Dès lors, se pose la question de la licéité de la prestation de

référencement payant des moteurs de recherche en ce qu'il permet à un annonceur de référencer son

36 Emmanuel DERIEUX, « Internet et responsabilité », Petites affiches, 11 juillet 2008, n°139, p. 7.37 Laurence TELLIER-LONIEWSKI, Alexandre FIEVEE, idem. 38 Virginie BRUNOT, « Référencement payant : la fin d'un suspense à l'issue... presque annoncée », Gaz. Pal., 24 avril

2010, n°114, p. 14. 39 Benjamin FERRAN, « Plus d'un milliard d'euros de revenus pour Google en France », Le Figaro.fr, 18 décembre

2013. 40 « Comment fonctionne Adwords » [en ligne] URL : https://support.google.com/Adwords/answer/2497976?

hl.fr&ref_topic=3121763, consulté le 15 avril 2014. 41 Sur les risques causés par les moteurs de recherche, v. Laurence TELLIER-LONIEWSKI, Sophie PRADERE,

« Moteurs de recherche et navigation sur internet : les risques d'atteinte aux droits des tiers (1ère partie) », Gaz. Pal., 16 octobre 2001, n°289, p. 28.

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annonce en utilisant un mot-clé désignant une marque déposée. Aussi, il est tout à fait possible, en

pratique, que suite à une recherche effectuée par un internaute des sites proposant des contrefaçons

soient répertoriées dans les résultats de recherche.

9. Outre le service de référencement payant, les moteurs de recherche référencent également des

images et vidéos. En effet, suite à une requête saisie par un internaute, les résultats de recherche

sont classés par rubriques : web, images, vidéos, mais aussi actualités et livres disponibles en ligne.

Si le service « Google images » est proposé depuis 2001 par le moteur de recherche, « Google

vidéos » n'est disponible en français que depuis le 12 juillet 2006. Aussi, certains moteurs de

recherche proposent une fonctionnalité de recherche suggestive. Un outil, reposant sur des

algorithmes, suggère à l'internaute une liste de mots ou expressions en lien avec sa recherche. Ce

service, nommé « Google Suggest » chez le célèbre moteur de recherche, a donné lieu à un

contentieux considérable42. Il en va de même pour les services du moteur de recherche précités qui

ont pu porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle.

10. La responsabilité du moteur de recherche en matière de contrefaçon a été longuement débattue

en jurisprudence et en doctrine. C'est plus particulièrement la question de sa qualification juridique

et du régime qui lui serait applicable qui a causé de nombreux doutes et interrogations.

Quel est le régime juridique de responsabilité du moteur de recherche en matière de contrefaçon ?

Saisie de questions préjudicielles43 posées par la Cour de cassation française, la Cour de justice de

l'Union européenne (CJUE) a mis un terme à un long débat au sein des juridictions et de la doctrine

dans son arrêt du 23 mars 2010. Dans les cas d'espèces, des titulaires de marques reprochaient à

Google d'avoir permis, par le biais de Google Adwords, à leurs concurrents ou contrefacteurs de

référencer leurs sites en utilisant en guise de mot-clé le nom des marques dont ils étaient

propriétaires, et ceci sans leurs autorisations.

Dans cet arrêt, la CJUE est allée dans le sens des conclusions de l'avocat général Poiares Maduro

qui estimait que Google n'a pas enfreint les droits de marques en permettant aux annonceurs

d'acheter des mots-clés correspondant à des marques enregistrées44. Selon ce dernier, l'utilisation

des marques se limite dans les cas d'espèce à la sélection de mots-clés ; il n'y a alors aucun produit

42 Ce fut notamment le cas lorsque des termes injurieux étaient suggérés en lien avec une recherche. Les juridictions se sont demandées si une telle suggestion constituait une injure au sens de la loi du 29 juillet 1881 sur le droit de la presse. Ce mémoire traitant exclusivement de la contrefaçon, nous n'approfondirons pas la question des suggestions injurieuses ou diffamatoires.

43 Demandes de décision préjudicielle introduites dans les affaires C236/08 à C238/08 (respectivement Google c/ Louis Vuitton Malletier SA, Google c/ Viaticum SA Luteciel SARL et Google c/ Centre national de recherche en relations humaines, Pierre-Alexis Thonet, Bruno Raboin, Tiger SARL) par décision du 20 mai 2008.

44 Communiqué de presse de la CJUE n°75/09 du 22 septembre 2009

12

ou service vendu au public. Aussi, les annonceurs ne se rendent pas coupables de contrefaçon de

marque en sélectionnant dans Adwords les mots-clés correspondant à des marques. Si en affichant

des annonces en réponse à des mots-clés correspondant à des marques Google crée un lien entre ces

mots-clés et les sites objets de la publicité qui vendent des produits similaires à ceux que couvent

les marques, un tel lien ne constitue pas, selon la Cour, une contrefaçon de marque, le simple fait

d'afficher des sites pertinent en réponse à des mots-clés ne suffisant pas à créer un risque de

confusion dans l'esprit des consommateurs quant à l'origine des produits ou services45. En matière

de droits d'auteurs, la Cour de cassation s'est également inscrite dans cette jurisprudence dans trois

arrêts du 12 juillet 201346 où elle retient expressément la qualification d'hébergeur pour le moteur de

recherche. Était mis en cause, entre autres, le système « Suggest » de Google. Ce dernier permet de

suggérer à l'internaute des intitulés de requêtes en dessous du champ de saisie lorsqu'il commence à

saisir une recherche. En l'espèce, le moteur de recherche suggérait systématiquement d'associer à la

saisie de requête portant sur des noms d'artistes, des titres de chansons ou d'albums les mots-clés

« torrent », « megaupload » ou « rapidshare »47. Le Syndicat national de l'édition phonographique

(SNEP) avait engagé une action afin qu'il soit ordonné à Google la suppression de ces suggestions.

Néanmoins, ces décisions ne sont pas pleinement satisfaisantes ; en retenant la qualification

devenue obsolète d'hébergeur pour le moteur de recherche, la CJUE, comme la Cour de cassation,

semblent minimiser le rôle actif de Google dans les services que le moteur de recherche propose

aux internautes, ce qui a pour conséquence de léser les titulaires de droits d'auteurs ou de marques

dans leur lutte contre la contrefaçon sur l'internet.

11. Le très célèbre dictionnaire de vocabulaire juridique de Gérard Cornu48 définit la qualification

juridique comme étant une opération intellectuelle d'analyse juridique, « outil essentiel de la pensée

juridique » consistant à prendre en considération l'élément qu'il s'agit de qualifier et à le faire entrer

dans une catégorie juridique préexistante en reconnaissant en lui les caractéristiques essentielles de

la catégorie de rattachement. Des difficultés entourent la qualification juridique du moteur de

recherche, ce qui pose des problèmes de protection des titulaires de droits de propriété intellectuelle

face à la contrefaçon sur l'internet. Dès lors, la détermination de la qualification juridique du moteur

de recherche (partie 1) précédera l'étude de la responsabilité du moteur de recherche (partie 2).

45 Conclusions de l'avocat général M. Poiares Maduro, présentées le 22 septembre 2009. 46 Cass. civ. 1ere, 12 juillet 2012, SNEP c/ Google, 11-20.358 ; Cass. civ. 1ere, 12 juillet 2012, Sté Aufeminin.com c/

Google, pourvoi joints 11-15.165 et 11-15.188 ; Cass. civ. 1ere, 12 juillet 2012, Google c/ Sté Bac Films, n°11-13.669

47 Ces mots-clés renvoient à des sites d'échange et de téléchargements de fichiers, dont les enregistrements de certains artistes-interprètes.

48 Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 10e éd., PUF, 2014

13

Chapitre 1. La qualification juridique du moteur de recherche

Pour résumer grossièrement la définition de Gérard Cornu précitée49, qualifier juridiquement, c'est

« faire entrer une donnée dans une case ». Reconnaître dans un élément les caractéristiques

essentielles d'une catégorie juridique de rattachement n'est pas toujours chose aisée. Nous l'avons vu

précédemment, les moteurs de recherche ont, depuis quelques années, diversifié leurs activités de

telle sorte que leur qualification juridique s'est avérée fort délicate pour les juges et pour le

législateur (Section 1). En effet, c'est en quelque sorte « par défaut » que les juridictions ont penché

pour la qualification d'hébergeur, ce qui ne va pas sans poser quelques difficultés pratiques (Section

2), notamment pour les victimes de contrefaçons.

Section 1. Une qualification délicate

La pertinence de la distinction hébergeur/éditeur, consacrée par la LCEN, a rapidement trouvé des

limites en pratique. Parce que le moteur de recherche est un acteur de l'internet particulier (§1), sa

qualification juridique a posé de nombreux problèmes jurisprudentiels (§2).

§1. Le moteur de recherche, un acteur de l'internet particulier

Nous l'avons évoqué50, les moteurs de recherche ont, depuis le premier inventaire de sites de 1994,

beaucoup évolué et diversifié leurs activités (A). Il est intéressant d'analyser le cas Google

Adwords, qui illustre parfaitement les problèmes que peuvent soulever désormais les moteurs de

recherche, notamment en matière de contrefaçon de marques (B).

A. L'évolution du moteur de recherche et la diversification de ses activités.

12. Il est absolument essentiel, afin de saisir le problème, de déterminer quel est le rôle que jouent

les moteurs de recherche et de délimiter les contours de leurs activités. En effet, en vertu de la

directive 2000/31/CE (aussi appelée « directive sur le commerce électronique »), c'est le

comportement du moteur de recherche qui importe. Pour qu'il puisse être qualifié d'hébergeur, celui-

ci doit tenir un rôle purement technique, automatique et passif ; ce qui implique l'absence de

49 v. supra, p.1250 v. supra, p.10

14

connaissance ou de contrôle sur les données qu'il stocke51. Initialement, les moteurs de recherche

ont été créés afin de faciliter la recherche sur internet. D'ailleurs, Google affirme sur le site de

présentation de sa société s'être donné pour mission d' « organiser les informations à l'échelle

mondiale dans le but de les rendre accessibles et utiles à tous »52. Pour cela, des robots, programmes

de navigation, parcourent les pages du web et indexent de façon automatique l'information

recueillie à partir de mots-clés contenus soit dans l'adresse URL53 d'un document HTML54, soit dans

le titre d'un site, soit dans les balises méta-tags55. Lorsque l'internaute effectue une recherche, la

concordance entre les mots-clés qu'il saisit et les mots-clés des sites référencés permet au moteur de

recherche de lui proposer, en quelques fractions de secondes, une liste de résultats concordants. Ces

résultats renvoient, grâce à des liens, aux sites parcourus par les robots. Étant donné le caractère

totalement technique et automatisé du système ici décrit, il ne fait aucun doute que les moteurs de

recherche, dans ce cas de figure, remplissent parfaitement les critères de l'hébergeur.

13. Ce système ingénieux créé par Google a permis de révolutionner la recherche en ligne et a, sans

nul doute, popularisé la navigation sur le web, autrefois réservée à certains étudiants américains et

aux militaires. Ainsi, l'internet et les moteurs de recherche sont rapidement devenus des outils

essentiels de la liberté d'expression. Lorsqu'il a décidé de censurer la riposte graduée de la loi

HADOPI56, le Conseil constitutionnel a mis fin à de vifs débats en France en consacrant l'internet

comme composante de la liberté d'expression, considérée comme un droit fondamental auquel seul

un juge peut porter atteinte. En effet, le Conseil retient dans sa décision que le fait de confier à une

commission de protection des droits de l'HADOPI des pouvoirs de sanction l'habilitant à restreindre

ou à empêcher l'accès à l'internet à des titulaires d'abonnement « [pouvait] conduire à restreindre

l'exercice, par toute personne, de son pouvoir de s'exprimer et de communiquer librement ». Aussi,

dans un rapport financé par Google57, l'universitaire californien Eugène Volokh affirme que les

moteurs de recherche devraient faire l'objet des mêmes protections que la presse en matière de

liberté d'expression. Eugène Volokh conclut de son étude que « Google, Bing de Microsoft et Yahoo

exercent un jugement éditorial sur ce qui constitue une information utile devant être transmise […]

à leurs utilisateurs », ce qui justifierait qu'ils bénéficient de la protection offerte par le 1er

51 Luc GRYNBAUM, « Google Adwords : l'hébergeur, un prestataire nécessairement passif », RLDI, 2010. 52 URL : www.google.com/corporate, consulté le 10 mai 2014. 53 Uniform Ressource Locator, littéralement « localisateur uniforme de ressource ». 54 Hypertext Markup Language.55 Les métatags sont des mots-clés cachés dans les codes sources HTML d'un site permettant aux robots des annuaires

et des moteurs de recherche d'appréhender ainsi le contenu du site en question. 56 Décision n°2009-580 DC du 10 juin 200957 Eugène VOLOKH, « First amendment protection for search engine search results », 20 avril 2012, [en ligne] URL :

www.volokh.com/wp-content/uploads/2012/05/SearchEngineFirstAmendment.pdf, consulté le 16 avril 2014.

15

amendement américain. Par ailleurs, afin d'illustrer ces propos, il est utile de rappeler que la

République populaire de Chine a voté, afin de limiter la liberté d'expression, des lois sur la censure

de l'internet. Un des éléments de ce système de censure consiste à interdire certains mots-clés sur

les moteurs de recherche, qu'ils soient internationaux (comme Google ou Yahoo) ou nationaux

(comme Baidu58). Reporters sans frontières a publié, lors de la journée mondiale contre la cyber-

censure59, une liste des « ennemis d'internet » dans un rapport60 qui dénonce, par exemple, le fait

que le gouvernement chinois censure plusieurs centaines de mots-clés « sensibles » dont le mot

« Tibet »61.

14. Les moteurs de recherche ont également développé de nombreux services « parallèles » au

service classique de recherche web. Beaucoup de ces services soulèvent des problèmes de

contrefaçon : c'est notamment le cas, chez Google, de « Google Books », « Google vidéos »,

« Google images », ou encore l'outil « Google Suggest » précédemment évoqué. « Google

Books »62, anciennement nommé « Google Print » est un service lancé par Google en décembre

2004. Il regroupe plusieurs services distincts, d'une part l'outil de recherche « Google Book

search », qui permet à un internaute qui saisit une requête relative à un ouvrage de le retrouver si

celui-ci a été préalablement numérisé, le « Google Book Partner Program » permettant aux éditeurs

et aux auteurs d'inclure leurs ouvrages dans la base de données de Google, et le « Google Books

Library Project », service de partenariat avec les universités et grandes bibliothèques. Ces services

ont été étendus aux éditeurs français en septembre 2005. Dans un communiqué de presse, Google

expliquait alors « [respecter] les droits d'auteurs et [collaborer] avec les éditeurs pour garantir la

protection de leurs ouvrages »63. Les éditeurs ont, en effet, la possibilité de choisir eux-mêmes les

parties consultables par les internautes et d'en gérer le contenu. Robert Darnton explique64 que

Google a d'abord commencé par numériser des ouvrages figurant au catalogue des bibliothèques

universitaires, mettant en ligne des travaux de recherches dans leur intégralité et rendant ainsi

58 Baidu est un moteur de recherche chinois. En juin 2013, il était le site le plus visité de Chine. 59 Action organisée le 12 mars 201460 L'intégralité du rapport est disponible en ligne. URL : www.12mars.rsf.org/2014-fr/wp-

content/uploads/FR_RAPPORT_INTERNET_BD.pdf, consulté le 16 avril 2014. 61 Sur les obstacles à l'information en Chine sur les événements au Tibet, v. Guerric PONCET, « Tibet : la Chine

censure le Web et y construit sa vérité », Le Point, 18 mars 2008 [en ligne] URL : www.lepoint.fr/actualites-technologie-internet/2008-03-18/tibet-la-chine-censure-le-web-et-y-construit-sa-verite/1387/0/230359, consulté le 16 avril 2014.

62 Également appelé « Google Livres ». 63 Http://www.zorgloob.com/2005/09/02/google-etend-son-programme-google-print-aux-editeurs-francais/ consulté le

10 mai 2014.64 Robert DARNTON, « La bibliothèque universelle, de Voltaire à Google », Le Monde Diplomatique, mars 2009, p.

115-124. Disponible en ligne. URL : http://www.monde-diplomatique.fr/2009/03/DARNTON/16871 consulté le 10 mai 2014.

16

disponibles en ligne des titres tombés dans le domaine public65. Puis, la société a numérisé un

nombre toujours croissant de livres dont elle a mis en ligne des extraits pour faciliter les recherches

des internautes. Google a scanné plus de quinze millions de livres depuis 200466. Or, nombre de ces

livres étaient protégés par des copyrights, ce qui a donné lieu à de nombreuses actions en justice aux

États-Unis, dont deux class actions de groupements d'éditeurs et d'auteurs américains en septembre

et octobre 2005.

15. La fonctionnalité de recherche suggestive proposée par Google a également donner lieu à du

contentieux. Nous l'avons noté, « Google Suggest » permet de faire apparaître une liste de mots ou

expressions qui se déroule au fur et à mesure que l'internaute saisie sa requête de recherche. Ces

suggestions se fondent sur un algorithme visant à proposer à l'internaute les termes les plus

récurrents dans le sens de sa recherche. Si certaines juridictions ont retenu que la suggestion n'était

« qu'une proposition de requête qui pourrait être soumise […], qu'elle permet effectivement

d'obtenir des résultats pertinents et contribue donc à la libre circulation des informations sur le

réseau » et que par conséquent elle n'était pas révélatrice d'une « volonté consciente et délibérée »

du moteur de recherche qui traduirait un comportement actif67, d'autres ont été plus sévères et ont

retenu la responsabilité de Google, notamment sur le fondement du dénigrement68. Quid lorsque le

moteur de recherche suggère les termes « fake », « contrefaçon » ou autres synonymes lorsque

l'internaute saisit le nom d'une marque dans son moteur de recherche ? La Cour de cassation, dans

un arrêt du 12 juillet 201269, a jugé que violait les article L. 335-4 et L. 336-2 du Code de la

propriété intellectuelle, la Cour d'appel qui avait rejeté une demande de suppression de termes

suggérés par Adwords aux internautes orientant leurs recherches vers des sites permettant le

téléchargement d'enregistrements sans l'autorisation de leurs artistes-interprètes. La Cour d'appel

avait accueilli l'argumentation de Google selon laquelle elle ne saurait être tenue pour responsable

du contenu éventuellement illicite des fichiers échangés figurant sur les sites incriminés proposant

des contrefaçons ni des actes des internautes recourant au moteur de recherche. Selon Google, le

téléchargement de tels fichiers suppose un acte volontaire de l'internaute. Aussi, la Cour d'appel a

noté que la suppression des termes « torrent », « rapidshare » et « mégaupload » n'aurait eu pour

65 Le domaine public désigne un régime de libre et gratuite exploitation qui devient applicable aux œuvres littéraires et artistiques, inventions brevetées, dessins et modèles, et marques, à l'expiration du délai pendant lequel leur auteur jouissait du droit exclusif de les exploiter.

66 Guillaume PFISTER, « Google art project », Encyclopaedia Universalis [en ligne], consulté le 12 mai 2014. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/ google-art-project/

67 TGI Paris, 10 juillet 2009, D. 2009, p. 1961, obs. Manara 68 T. com. Paris, 7 mai 2009, comm. com. électr. 2010, comm. 4, obs. Debet A. En l'espèce, Google associait le terme

« arnaque » au nom de la société Direct énergie. 69 Cass. civ. 1ere, 12 juillet 2012, n° 11-20.358.

17

seul effet que de rendre moins facile la recherche de ces sites pour les internautes qui ne les

connaîtraient pas encore. Aux vues de ces éléments, elle a retenu que la suggestion de ces sites ne

constitue pas en elle même une atteinte au droit d'auteur. Or, la Cour de cassation a cassé et annulé

cet arrêt rendu en appel. Elle estime que le service « Suggest » offrait les moyens de porter atteinte

aux droits des auteurs et aux droits voisins. En outre, elle juge fautif le comportement de Google qui

s'est abstenu de supprimer l'association automatique des mots-clés précités avec les termes des

requêtes, ce qui aurait permis de remédier contre ces sites litigieux. Néanmoins, dans un autre arrêt

rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 19 juin 201370, la responsabilité de

Google n'a pas été retenue pour des suggestions générées par son outil « Suggest ». Il était alors

question de personnes qui avaient constaté qu'à l'occasion de la saisie de requêtes dans le moteur de

recherche, « Suggest » affichait, à côté de leurs noms, des termes péjoratifs tels que « arnaque » ou

« escroc ». Elles avaient poursuivi Google pour diffamation et injure publique, et sur le fondement

de l'article 1382 du Code civil. Les juges du fond avaient pourtant exclu l'argument de la neutralité

et de l'automaticité de « Google Suggest ». Olivier Roux analyse71 qu'« il était sans conséquence que

les suggestions litigieuses aient été générées automatiquement par l'outil « Google Suggest » sans

intervention de Google ; cette dernière devait assumer la responsabilité de leur apparition ».

Pourtant, la Cour de cassation « fait droit pour la première fois à l'argument en défense de Google,

qu'elle soulevait jusque-là de manière constante, selon lequel l'automaticité de « Google Suggest »

exclut sa responsabilité »72. Bien que l'action en justice, dans cette affaire, ait été basée sur un

fondement différent de celui de l'arrêt du 12 juillet 2012, on peut s'interroger : est-ce un revirement

de jurisprudence ? Dans le fond, le raisonnement demeure le même, la défense de Google est

constante à chaque litige concernant l'outil « Suggest ». Selon Céline Castets-Renard73, « bien que la

Cour de cassation ne pose explicitement aucune limite à sa décision, il convient d'en mesurer la

portée ». Ainsi, toujours selon elle, le visa des articles 29 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 indique

que la solution concerne seulement le droit de la presse. Par conséquent, la Cour de cassation ne

« contredirait » pas ici son arrêt du 12 juillet 2012 qui avait sanctionné un acte facilitant la

réalisation de la contrefaçon en vertu de l'article L. 335-4 du Code de la propriété intellectuelle.

Néanmoins, il peut paraître étrange que le même outil puisse une fois engager la responsabilité du

moteur de recherche, d'autres fois l'exclure.

70 Cass. civ. 1ere, 19 juin 2013, n° 12 17.591, ‐ Google Incorporated et a. c/ Lyonnaise de garantie, RLDI 2013/95, n° 3167

71 Olivier ROUX, « Google n'est pas responsable des suggestions générées par « Google Suggest » », RLDI, 2013, p. 96 s.

72 Idem.73 Céline CASTETS-RENARD, « La fonctionnalité « Google Suggest » mise hors de cause », RLDI, 2013, p. 96 s.

18

16. « Google images » a également posé des problèmes de contrefaçon. La société des auteurs des

arts visuels et de l'image fixe (SAIF) est une société de gestion collective qui gère, entre autres, les

droits de photographes célèbres tels que Raymond Depardon ou Yann Arthus Bertrand. La SAIF a

reproché à Google de reproduire, dans le cadre de son service « Google images », des photographies

appartenant à son répertoire et de les présenter au public sans son autorisation. La SAIF a proposé à

Google un « contrat général de représentation » qui l'autoriserait à représenté ses photographies

moyennant une certaine somme. À défaut, la SAIF réclamait en justice la somme de 80 millions

d'euros. Le TGI de Paris a estimé dans une décision du 20 mai 200874 que le droit américain était

applicable et condamne la SAIF à payer la somme de 30 000€ sur le fondement de l'article 700 du

Code de procédure civile. La SAIF fait appel de la décision. En effet, l'activité du moteur de

recherche est gérée aux États-Unis, ce qui a permis à Google d'invoquer l'application du Copyright

Act de 1976, l'article 5.2 de la Convention de Berne disposant que la loi applicable est celle « du

pays où la protection est réclamée ». Cependant, ce raisonnement est écarté dans un arrêt du TGI de

Paris du 18 septembre 2009 qui retient l'applicabilité de la loi française au motif que c'est celle de

l’État du lieu où le fait dommageable s'est produit. Cette logique est finalement également retenue

par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 26 janvier 201175 . La Cour a débouté la SAIF de

l'ensemble de ses demandes et reconnaît à Google le statut favorable de prestataire technique de

l'internet. Elle a retenu que les résultats d'images apparaissaient au moyen d'une mémoire cache76.

Cette fonction peut permettre aux internautes, pendant quelques jours voire quelques semaines,

d'avoir accès à une image au-delà de sa présence sur le site cible. Selon la Cour, « il n'est pas

sérieusement contestable que c'est à fin de fluidifier le réseau que toutes les images, que le

processeur central est le plus susceptible de demander, se trouvent ainsi stockées automatiquement

pour une durée variable, mais temporaire ». Ainsi, cette fonction n'a qu'un « caractère transitoire ».

Elle en conclut donc qu'aucune intervention susceptible d'engager la responsabilité de Google ne

peut être retenue. De plus, selon la Cour, « le simple fait que soit ainsi offerte la possibilité par un

simple clic d'accéder à l'image référencée dans le site d'origine […] ne saurait s'analyser comme un

réel contrôle du contenu mis en ligne ». Le rôle du moteur de recherche est donc neutre. Aussi, il est

intéressant de noter que la Cour d'appel a souligné dans son arrêt que l'internaute moyen ne peut

ignorer, en vertu des « conditions d'utilisation des services », que le moteur de recherche ne lui

confère aucun droit de reproduction et qu'il lui importe de respecter les droits d'auteurs. Dans cette

décision, elle semble donc pencher pour une sorte de « responsabilisation » des internautes et

minimise le rôle joué par le moteur de recherche. Sur ce point, la décision de la Cour d'appel semble

74 TGI Paris, 20 mai 2008, SAIF c/ Google, RG n°05/12117.75 CA Paris, pôle 5, chambre 1, 26 janvier 2011, SAIF c/ Google, RG n°08/13423.76 V. infra, n°40.

19

logique. En effet, les internautes restent responsables de leurs actions.

17. Le service « Google vidéos » a posé des problèmes similaires de contrefaçon de droits d'auteurs.

Suite au succès du site de partage et visionnage de vidéos YouTube créé en février 2005, le moteur

de recherche Google a souhaité se doter également d'une plate-forme similaire. Le service « Google

vidéos » a été lancé en juillet 2006. Lorsque l'internaute tapait un mot-clé, Google « trouvait »

automatiquement les vidéos qu'il hébergeait en lien avec la recherche de l'internaute. Trois mois

plus tard, la société Google rachète YouTube pour un montant de 1,65 milliards de dollars77. Le 13

mai 2011, elle annonce la fermeture de sa plate-forme de partage et de visionnage de vidéos.

La Cour d'appel de Paris a rendu le 14 janvier 2011 quatre arrêts78 dans des affaires opposant

« Google vidéos » à des sociétés de production de films. Celles-ci avaient constaté que des films,

sur lesquels elles étaient titulaires de droits, étaient visionnables sur la plate-forme « Google

vidéos » suite à une recherche sur le moteur de recherche. La même question se posait dans les

quatre affaires : la société Google est-elle responsable ? Malgré le fait que la société se soit vu

notifier la présence sur la plate-forme de vidéos en violation des droits de diffusion conférés aux

producteurs, les dites-vidéos restaient accessibles. Google a donc été assignée en réparation. Dans

ses arrêts, la Cour d'appel retient que « les interventions techniques pour organiser par thème les

vidéos des internautes et les reformater ne suffisent pas pour qualifier cette entreprise (Google)

d'éditeurs de site et qu'elle mérite la qualité d'hébergeur en raison de la « neutralité » de

l'intervention technique »79. Cette décision peut paraître contestable. En effet, « Google vidéos »

organisait les vidéos sur la page d'accueil de son site de telle sorte que certaines vidéos étaient

accessibles même sans que l'internaute n'ait à saisir de mots-clés. Néanmoins, la Cour a retenu que

Google avait commis des actes de contrefaçon des droits des sociétés de production et qu'elle ne

pouvait se prévaloir de la limitation de responsabilité prévue à l'article 6.I.2 de la LCEN au motif

qu'elle n'a pas accompli les diligences nécessaires en vue de impossible l'accès aux vidéos

litigieuses.

B. Le modèle Google Adwords.

18. En outre, au-delà de ces services, les moteurs de recherche ont développé des activités bien plus

lucratives. En plus du référencement « naturel » précédemment évoqué, le référencement payant, ou

77 URL : http://www.journaldunet.com/0610/061010-google.shtml/, consulté le 8 mai 2014.78 CA Paris, pôle 5, 2e ch., 14 janvier 2011, Google c/ The factory (aff. Clearstream); Google c/ Cie des phares et

balises (aff. Le génodice arménien); Google c/ Bac Fims et a. (aff. Les dissimulateurs); Google c/ Les films de La Croisade et a. (aff. Mondovino), n°09/11729.

79 Luc GRYNBAUM, « Dailymotion et Google Vidéos : des « hébergeurs » responsables », RLDI, 2011, p.70 s.

20

liens sponsorisés80, a vu le jour à la fin des années 199081. Les moteurs de recherche ont constaté

que l'ordre de classement des annonces dans les résultats de recherche avait une influence directe

sur la fréquence de consultation des sites référencés. Ce constat a bien évidemment intéressé aussi

bien les entreprises souhaitant se faire connaître sur la toile que les moteurs de recherche. En 1996,

la société GoTo.com va, pendant près de deux ans, mettre au point un nouveau modèle

économique ; c'est le début du référencement payant82. Le référencement payant permet de

positionner un site dans les premiers résultats des moteurs de recherche, lui donnant de facto plus de

visibilité auprès de l'internaute. En effet, lorsque ce dernier effectue une recherche comportant les

mots-clés réservés par l'annonceur, l'annonce de ce dernier est affichée dans une zone prévue à cet

effet. Le moteur de recherche se rémunère selon différents modes de tarifications. Overture,

considérée comme la société créatrice du système Pay per click (rémunération par clic), profite de

la vague de démocratisation de la publicité sur l'internet et vend, en 2003, sa technologie au moteur

de recherche Yahoo pour la somme de 1,63 milliards de dollars83. Aujourd'hui, Adwords, régie

publicitaire de Google, propose un système performant de référencement payant qui génère plus

d'un milliard de revenus par an84.

19. Le système Adwords proposé par la société Google permet aux annonceurs, moyennant la

réservation de mots-clés, de faire apparaître de manière avantageuse leurs sites en marge des

résultats dans une colonne distincte nommée « liens commerciaux ». Le service a été lancé en

octobre 2000 avec un slogan « Vous avez une carte de crédit et 5 minutes devant vous ? Annoncez

sur Google dès maintenant ! »85. La sélection de mots-clés pertinents est, pour les annonceurs, un

enjeu déterminant du référencement s'ils souhaitent voir leurs annonces figurer en bonne place. Le

problème se pose lorsque ces annonceurs utilisent comme mots-clés le nom de marques d'autrui.

Google maîtrise l'ordre d'affichage des liens commerciaux et intervient directement dans la

rédaction du message commercial accompagnant le lien promotionnel. Le service Adwords propose

également son aide aux annonceurs dans la sélection des mots-clés86. Il se rémunère selon un

système Pay per click87 et a donc tout intérêt à générer un maximum de clics sur les annonces en

80 Également appelés SEA (Search Engine Advertising).81 Sur l'histoire du référencement payant, www.nouslesgeeks.fr/2010/11/01/histoire-referencement-payant/, consulté le

16 avril 2014.82 Régis MICHELI, Jean-Noël ANDERRUTH, Le référencement publicitaire avec Google Adwords, BOD Éditions,

2012, p. 21. 83 « Yahoo to buy Overture for $1.63 billion », CNET News [en ligne] URL : www.news.cnet.com/2100-1030_3-

1025394.html, consulté le 16 avril 2014. 84 v. supra, p. 1185 Régis MICHELI, Jean-Noël ANDERRUTH, ibidem, p. 22. 86 Luc GRYNBAUM, idem. 87 Régis MICHELI, Jean-Noël ANDERRUTH, idem.

21

sélectionnant des mots-clés pertinents afin d'augmenter ses gains. En France, Google détient 95%

du marché des liens sponsorisés en 201288. Plusieurs titulaires de marques ont relevé que certains de

leurs concurrents, ainsi que des distributeurs de produits contrefaits, utilisaient leurs marques

comme mots-clés afin de référencer des liens commerciaux renvoyant vers des sites proposant des

produits ou services identiques ou similaires aux leurs89. Cette pratique des annonceurs consistant à

utiliser la marque d'un tiers pour « attirer » les internautes sur leur site s'appelle « position

squatting ». Mécontentes, de nombreuses sociétés titulaires de marques utilisées par le service

Adwords ont engagé contre la société Google des actions en contrefaçon, ce qui a mis les juges face

à de nombreuses difficultés de qualification juridique.

§2. Les difficultés jurisprudentielles

Saisis par les titulaires de marques, les juridictions ont eu du mal à qualifier juridiquement le

moteur de recherche, aucun texte légal ne visant réellement ce prestataire de service de l'internet si

particulier (A). Certains juges ont, non sans mal, tenté d'apprécier le rôle joué par Adwords afin de

condamner Google pour contrefaçon (B).

A. Les lacunes des bases textuelles.

20. Plusieurs sources de droit, aux contenus parfois antinomiques, doivent être prises en

considération. D'une part, aucune des catégories d'acteurs de l'internet prévues par le législateur ne

correspond de façon satisfaisante au moteur de recherche. Si le rôle actif du service Adwords dans

le cadre de son activité de régie publicitaire peut faire hésiter quant à une qualification d'hébergeur,

il serait absurde de qualifier le moteur de recherche d'éditeur. En effet, l'éditeur, que la LCEN

désigne comme « éditeur de service de communication au public en ligne » dans son article 6.II

sans toutefois en préciser le rôle90, se distingue de l'hébergeur par « sa capacité d'action sur les

contenus »91. Dans le même sens, une ordonnance du TGI de Paris du 15 décembre 200892 défini le

rôle de l'éditeur à travers sa capacité d'action sur les contenus : « L'hébergeur se distingue ainsi de

l'éditeur de site, qui est la personne, physique ou morale qui fournit le service de communication au

88 Régis MICHELI, Jean-Noël ANDERRUTH, ibidem, p. 26. 89 « Adwords : Google n'est pas contrefacteur », RLDA, 2010, n°225490 Jean-Baptiste AURIOUX, « Prestataires du web 2.0 : la qualification d'hébergeur serait résiduelle... », RLDI,

décembre 2008, n°1461, p.43-4691 Rapport des députés Jean Dionis du Séjour et Corinne Erhel du 23 janvier 2008 sur la mise en application de la loi

n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. 92 TGI Paris, 15 décembre 2008, Claire K. c/ JFG Networks

22

public par voie électronique, en définit et crée le contenu éditorial et est responsable de celui-ci ».

La définition de l'éditeur est donc essentiellement d'origine prétorienne93. Le moteur de recherche se

contentant, même dans le cadre de son service Adwords, de renvoyer vers des sites dont il ne

contrôle pas le contenu, ne remplit clairement pas les critères de définition de l'éditeur. Cependant,

aucune base légale ne définit les critères de la « passivité » exigée du moteur de recherche ; à partir

de quand pouvons-nous estimer que le moteur de recherche tient un rôle actif ? La concordance

entre le mot-clé sélectionné et le terme recherché par l'internaute ne pourrait suffire en soi pour

déduire ou non de la passivité du moteur de recherche.

21. Par ailleurs, les obligations incombant aux moteurs de recherche étaient délicates à déterminer.

Joël Heslaut note que la loi du 27 juillet 1881 sur la liberté de la presse ainsi que l'ensemble des

dispositions nationales ou internationales94 qui placent la liberté d'expression au rang des libertés

fondamentales excluent tout contrôle préalable (censure) en dehors du pouvoir judiciaire95. L'esprit

libertaire qui anime l'internet depuis sa création et la quête d'anonymat sur la toile sont également

des éléments qui sont venus compliquer la tâche du législateur. Aux États-Unis, le « Digital

Millenium Copyright Act » règle expressément le problème de la responsabilité des moteurs de

recherche en matière de contrefaçon depuis 1998. Ce texte ratifie les deux traités de l'Organisation

mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) du 20 décembre 1996 sur le droit d'auteur et sur les

interprétations et exécutions et sur les phonogrammes. La loi américaine se veut notamment assez

protectrice du Copyright96. Un tel texte fait défaut en France.

22. En outre, des questions de compétence territoriales se posent également dans la lutte contre la

contrefaçon. Le commerce électronique offre aux entreprises un marché infiniment vaste.

Cependant, en cas de litige, la question de la compétence territoriale peut s'avérer relativement

complexe. Quelle serait la juridiction compétente en cas de contrefaçon d'une marque française par

un site internet étranger ? L'article 42 du code de procédure civile, applicable aux conflits de

juridictions, pose comme principe la compétence de la juridiction du lieu où demeure le défendeur

de l'action « actor sequitur forum rei ». Cependant, l'article 46 du même code prévoit l'exception du

93 TGI Paris, 15 avril 2008, Lafesse c/ Dailymotion, jurisData n°2008-360863 ; TGI Paris, 15 avril 2008, Omar S. et Fred T. c/ Dailymotion.

94 L'article 10.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des Libertés fondamentales pose le principe de la liberté d'expression : « Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière ».

95 Joël HESLAUT, « Acteurs de l'internet, responsables mais pas coupables », Petites affiches, 5 septembre 2000, n°177, p.4.

96 Ensemble des prérogatives exclusives dont dispose une personne physique ou morale sur une œuvre de l'esprit originale dans les pays de Common law.

23

critère du lieu du fait dommageable et offre à la victime la possibilité de choisir de saisir la

juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi

en matière délictuelle. Le règlement de Bruxelles97, applicable aux conflits de juridictions, prévoit

des règles de compétence similaires98. Dès 200399, la Cour de cassation a déclaré la compétence des

juridictions françaises pour les litiges relatifs à un site accessible en France. Des problèmes

similaires se posent en matière de loi applicable. Si les juridictions ont d'abord semblé pencher pour

la loi américaine du lieu d'établissement du moteur de recherche Google, la Cour d'appel de Paris

dans un arrêt précité100, et de nombreuses autres juridictions depuis, ont retenu la compétence de la

loi du lieu de survenance du fait dommageable, à savoir la loi française.

23. Enfin, la gestion de la preuve en matière de référencement sur internet est très délicate. À ce

propos, Virginie Brunot relève que si elle est « difficile a appréhender dans le « monde matériel »,

la contrefaçon l'est plus encore lorsqu'elle est virtuelle »101. En effet, le contenu des sites évolue en

permanence et il est aisé de faire disparaître toute preuve en quelques clics.

B. Les fondements aux condamnations pour contrefaçon.

24. En l'absence de tout éclaircissement législatif, les juges saisis par les titulaires de droits ont tout

de même dû statuer. Ainsi, Google a été, à plusieurs reprises, condamnée pour contrefaçon. Dans un

arrêt du 14 décembre 2004, la deuxième chambre du TGI de Nanterre102 a dû apprécier le

comportement du service Adwords. En l'espèce, la société demanderesse CNNRH, titulaire de la

licence de la marque « Eurochallenges », exerce une activité d'agence matrimoniale. En tapant

« Eurochallenges » sur le moteur de recherche Google, elle constate qu'apparaissent des liens

commerciaux renvoyant à des sites internet d'entreprises concurrentes. Par conséquent, elle assigne

la société Google sur le fondement de la contrefaçon de sa marque. Le TGI de Nanterre a fait droit à

son action. Dans son jugement, il retient que la société CNRRH était bien recevable à agir dès lors

qu'elle disposait d'un droit d'exploitation exclusif de la marque « Eurochallenges ». Pour

caractériser la contrefaçon de marque, les juges ont examiné le fonctionnement du service

97 Règlement (CE) n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

98 Son article 5 dispose que le juge compétent pour connaître des contentieux en matière délictuelle est soit celui de l’État du domicile du défendeur, soit le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire.

99 Cass. civ. 1ere, 9 décembre 2003, Sté Castellblanch c/ Sté Champagne Louis Roederer, n° 01-03225.100 CA Paris, pôle 5, chambre 1, 26 janvier 2011, SAIF c/ Google, RG n°08/13423.101 Virginie BRUNOT, « La gestion de la preuve en matière de référencement sur internet », Gaz. Pal., 24 juillet 2008,

n°206, p.7. 102 TGI Nanterre, 2ème ch., 14 décembre 2004, Sté CNNRH et a. c/ Sté Google France et a., n° 04/07504.

24

d'annonce publicitaire. Ils relèvent, à cet égard, que les annonceurs ont contracté avec Google dans

le cadre du service Adwords afin de faire paraître leurs annonces et liens vers leurs sites internet

dans les résultats du moteur de recherche. À cette fin, ils ont choisi un certain nombre de mots-clés

parmi lesquels figure le terme « eurochallenges ». Le tribunal estime que ce mot-clé a été proposé

par Google et que, par conséquent, « elle a bien une part active dans le processus ». Il rejette ainsi

l'argumentation soutenue par la société Google selon laquelle elle n'aurait pas suggéré le dit mot-

clé. Aussi, le tribunal considère que le moteur de recherche est indirectement rémunéré en fonction

du choix des mots clés sélectionnés par ses clients, rejetant ainsi la défense de Google selon laquelle

sa rémunération ne se fait pas en fonction du choix des mots-clés. Par ailleurs, dans son jugement,

le TGI explique que le seul fait d'avoir repris le nom de la marque suffit pour considérer que Google

a reproduit la marque103, et a donc violé l'article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle.

Enfin, le tribunal prive Google de la qualification de prestataire de stockage au sens de l'article 6

alinéa 2 de la LCEN. Google n'est donc pas, pour le TGI, un hébergeur. Il rappelle que « l'activité

de fournisseur d'hébergement sur internet consiste à mettre à la disposition d'un destinataire,

créateur de pages personnelles, ses moyens techniques permettant le stockage d'informations. Le

fournisseur d'hébergement, prestataire de services, ne fait que participer à l'acte de diffusion et non

à sa création. Son rôle est purement technique. Il n'a pas la maîtrise du contenu des informations

stockées et ne peut exercer aucun contrôle sur le contenu des sites ». Or, il s'avère que la société

Google va au-delà du rôle purement technique dans la mesure où « si elle n'exerce effectivement

aucun contrôle sur le contenu des informations stockées dans les sites, en revanche, pour ce qui est

de son activité « Adwords », soit la fourniture d'espaces publicitaires, elle agit en tant que régie

publicitaire et non en tant que prestataire technique de services. Elle a un rôle actif en proposant à

ses clients une liste de mots-clés dont la finalité est de susciter de nombreuses visites sur leurs sites

commerciaux et d'augmenter ainsi sa rétribution ». Le jugement poursuit : « Elle pourrait ainsi tout

à fait exercer un contrôle sur ses propres prestations notamment dans la sélection des mots-clés

qu'elle propose et dont elle établit la liste, même automatiquement. C'est Google qui a conçu le

système de mots-clés et l'élaboration automatique de la liste des mots le plus souvent tapés en

liaison avec la recherche ». L'année suivante, le TGI de Nanterre indique dans une décision du 17

janvier 2005104 que les moteurs de recherche ne sont pas de « simples intermédiaires passifs »,

d'autant plus qu'ils se « targuent de vérifier que le référencement est pertinent et correspond à leur

ligne éditoriale ».

103 « Seule la partie verbale de la marque a été reproduite parce que seule celle-ci devait être reproduite pour les fins recherchées. Seules les lettres peuvent être référencées dans un moteur de recherche et non les dessins. Un mot clé est par définition dénué de tout aspect figuratif, les utilisateurs ne pouvant reproduire la partie figurative de la marque dans leur champ de recherche ».

104 TGI Nanterre, 2éme ch., 17 janvier 2005, Accor c/ Overture, Overture France, n°03/10608.

25

25. D'autres juridictions ont condamné la société Google pour contrefaçon pour des faits similaires ;

ce fut notamment le cas des décisions du TGI de Nanterre du 2 mars 2006105 qui retient la

contrefaçon de marque de la société Hôtels Méridien, de la Cour d'appel de Paris le 28 juin 2006 106

à propos de la contrefaçon des marques « Louis Vuitton », où Google allait jusqu'à permettre

d'associer des mots tels que « imitation, replica, fake, copies... » avec les termes « Louis Vuitton,

Vuitton, LV » ! Dans sa décision du 2 novembre 2006107, la Cour d'appel de Versailles suit le

courant jurisprudentiel en condamnant Google sur le fondement de la contrefaçon, mais au terme

d'un raisonnement plus complexe. Selon la Cour, le fait de commercialiser des mots-clés sans

l'autorisation du titulaire des droits ne peut s'analyser comme un acte de contrefaçon que lorsque le

lien sponsorisé ne donne pas accès à des services authentiques mais sert de marque d'appel pour

présenter des services concurrents ou qu'il est utilisé sans respecter les usages loyaux du commerce.

En l'espèce, Google avait porté préjudice au Syndicat français de la literie, titulaire de la marque

« Belle literie Chambre Syndicale de la literie », en permettant aux clients du service Adwords de

sélectionner le mot-clé « Belle literie ».

26. Il faut également noter que, lorsqu'elle n'a pas été condamnée pour contrefaçon, la société

Google a vu sa responsabilité engagée sur d'autres terrains. Ainsi, le TGI de Paris condamne dans

un jugement du 7 janvier 2009108 Google sur le terrain de la responsabilité civile. En l'espèce, les

sociétés Voyageurs du Monde et Terre d'Aventure, qui exercent les activités de tours opérateurs et

agents de voyages, se sont spécialisés dans l'organisation de voyages individuels sur mesure. Elles

sont titulaires de différentes marques comportant les dénominations « Voyageurs du Monde » et

« Terres d'aventures », ainsi que des différents noms de domaine utilisant également ces termes. En

saisissant la requête « voyageurs du monde » et « terre d'aventures » dans le moteur de recherche de

Google, elles se sont aperçues que les résultats de recherche laissaient apparaître des liens

publicitaires vers des sites web proposant des services identiques. Elles ont par conséquent assigné

Google en contrefaçon de marques, usurpation de leurs dénominations sociales, noms commerciaux

et noms de domaines, en publicité trompeuse, en concurrence déloyale et agissements parasitaires

sur le fondement des articles L711-2, L713-5, L713-2 et L713-3 du Code de la propriété

intellectuelle, L115-33 et L121-1 du Code de la consommation et les articles 1382 et 1383 du Code

civil. Le TGI ne fait pas droit à l'action des sociétés Voyageurs du Monde et Terre d'Aventure sur le

105 TGI Nanterre, 1ère ch., 2 mars 2006, RLDI 2006/15, n°438.106 CA Paris, 4éme ch., 28 juin 2006, RLDI 2006/18, n°529.107 CA Versailles, 2éme ch., 2 novembre 2006, RLDI 2006/22, n°692, obs. J-B. A., RLDI 2007/24, n°765, note Martin

N.108 TGI Paris, 3ème ch., 7 janvier 2009, Sté Voyageurs du Monde et a. c/ Sté Google et a., www.legalis.net

26

terrain de la contrefaçon au motif « qu'il ne saurait être reproché aux sociétés Google de

contrefaçon de marques ; ces actes illicites ne sont constitués que lorsque l'annonceur a choisi l'une

de ces dénominations comme mot-clé sans avoir l'autorisation du titulaire. En associant comme

résultat une requête à partir du nom commun d'un produit ou un service d'une marque visant dans

leur enregistrement ce produit ou ce service, la société Google ne fait pas un usage illicite de celle-

ci car lorsque l'outil suggère le nom d'une marque, Google ne sait pas a priori si l'annonceur va

choisir cette marque et dans l'hypothèse d'un choix si son client est autorisé à l'utiliser, par exemple

en tant que distributeur de produits authentiques ou licenciés. Dans ces conditions, la responsabilité

de Google ne saurait être recherchée sur le fondement de la contrefaçon de marques par le

fonctionnement a priori du générateur de mots-clés ». Néanmoins, les juges parisiens estiment que

la société Google engage sa responsabilité du fait du système Adwords et que « Google commet une

faute sur le fondement de l'article 1382 du Code civil en ne vérifiant pas après le choix par

l'annonceur d'un mot-clé constituant une marque ou une dénomination sociale ou un nom de

domaine que cette utilisation par l'annonceur est licite tant au regard du droit des marques qu'au

regard des règles de loyauté du commerce. En effet, […] l'utilisation par l'annonceur d'un signe

distinctif de son concurrent pour proposer les mêmes produits ou services est illicite. Dès lors que

son programme de générateur de mots-clés a pour objectif d'améliorer le contact de l'annonce avec

les internautes « cible », la société Google doit adopter des mesures de précaution pour ne pas

faciliter à ses clients, grâce à la mise à disposition de cet outil, la commission d'atteintes aux droits

des tiers dont en cas de carence, elle se rend complice ». Bien qu'il reconnaisse la difficulté du

filtrage des requête donnant l'affichage de liens commerciaux illicites pour le moteur de recherche

qui compte plusieurs milliers de mots-clés, le TGI estime qu'il appartient à Google de mettre en

place tous les moyens techniquement possibles et disponibles pour y arriver. De tels moyens faisant

défaut, Google a été condamné à verser 200 000 et 150 000 euros de dommages-intérêts

respectivement aux sociétés Voyageurs du Monde et Terre d'Aventures. D'autres jugements, rares

exceptions109, n'ont pas condamné Google en contrefaçon pour l'utilisation de marques dans les

mots-clés du service Adwords (mais sur d'autres fondements dont la responsabilité civile) : TGI de

Lyon le 13 mars 2008110, TGI de Paris du 8 décembre 2005111, 12 décembre 2007112, 12 juillet

2006113, TGI de Nice le 7 février 2006114, TGI de Strasbourg le 20 juillet 2007 et Tribunal de

109 Élisabeth TARDIEU-GUIGUES, « Liens commerciaux et système Adwords : responsabilité de Google engagée », RLDI, 2009.

110 TGI Lyon, 3éme ch., 13 mars 2008, n°03/01600, RLDI 2008/37, n°1134. 111 TGI Paris, 3ème ch., 8 décembre 2005, RLDI 2006/14, n°409. 112 TGI Paris, 3éme ch., 12 décembre 2007, Syndicat français de la Literie c/ Google France, n°07/01731.113 TGI Paris, 3ème ch., 12 juillet 2006, GIGAM c/ Google France, RLDI 2006/20, n°605, obs. Tardieu-Guigues E. 114 TGI Nice, 7 février 2006, TWD Industries c/ Google, n°05/05526.

27

commerce de Paris le 24 novembre 2006115.

27. La jurisprudence n'est pas parvenue à s'unifier. La Cour de cassation, dont la mission est

d'harmoniser l'interprétation de la loi et de s'assurer de la conformité des décisions de justice à la

règle de droit, a été saisi de trois pourvois formés par la société Google. Le premier visait une

décision rendue par la Cour d'appel de Versailles le 10 mars 2005116 confirmant un jugement du TGI

de Nanterre du 13 octobre 2003117 qui l'a condamné pour contrefaçon en considérant qu'elle avait

omis de rechercher les droits éventuels de tiers sur les mots-clés. Le second pourvoi a été formé

contre un arrêt rendu par la même cour le 23 mars 2006118. Dans cet arrêt, la cour confirme un

jugement rendu par le TGI de Nanterre le 14 décembre 2004119 qui condamne à nouveau Google

pour contrefaçon de marque, considérant que la société prenait « une part active dans le processus »

de sélection des mots clés, agissant ainsi en tant que régie publicitaire. Enfin, un troisième pourvoi a

été formé contre un arrêt du 28 juin 2006120 précité qui a condamné Google pour contrefaçon en

raison de son usage de signe protégés dans leur fonction de marque, et pour publicité mensongère

en raison de la confusion créée dans l'esprit des internautes par les annonces sous l'intitulé « liens

commerciaux ». Par trois arrêts rendus le 20 mai 2008121, la Cour de cassation sursoit à statuer et

décide d'interroger la CJCE dans un recours préjudiciel au visa de l'article 267 TFUE pour

demander l'interprétation :

de l'article 5, §1er, sous a) et b), et 2 de la directive n° 89/104/CEE du Conseil du 21

décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques,

de l'article 9, §1, sous a) et c) du règlement CE n°40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur

la marque communautaire (JOCE n°L11, p.1),

de l'article 14 de la directive n°2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin

2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et

notamment du commerce électronique dans le marché intérieur (JOCE n° L178, p.1).

Parmi les quatre questions préjudicielles, deux sont communes aux trois affaires et ont pour objectif

d'éclairer le régime de la responsabilité applicable aux moteurs de recherche dans le cadre de leur

activité de référencement payant. Il est intéressant de noter que la France est le premier État au sein

115 T. com. Paris , 15ème ch., 24 novembre 2006, Google et Google inc et Olfo c/ One tel, RLDI 2007/25, n°803, comm. Tardieu-Guigues E.

116 CA Versailles, 10 mars 2005, Google c/ Sté Viaticum et Luteciel, n°03/07388.117 TGI Nanterre, 13 octobre 2003, Sté Viaticum et Luteciel c/ Google, n°03/00051.118 CA Versailles, 23 mars 2006, Google c/CNRRH, n°05/00342.119 TGI Nanterre, 14 décembre 2004, CNRRH c/ Google, n°04/07504.120 CA Paris, 4éme ch., 28 juin 2006, Louis Vuitton c/ Google, RLDI 2006/18, n°529.121 Cass. Com, 20 mai 2008, Google c/ Sté Viaticum et Luteciel ; Cass. Com, 20 mai 2008, Google c/ CNRRH ; Cass.

Com, 20 mai 2008, Google c/ Louis Vuitton, n°06-15.136, Bull. civ. IV, n°104, RLDA 2008/29, n° 1723.

28

de l'Union européenne dont les juridictions ont eu à se prononcer à propos de l'utilisation de la

marque d'un tiers comme mot-clé pour déclencher l'affichage d'annonces publicitaires comprenant

des liens hypertextes. En effet, Bertrand Pautrot et Frédéric Glaize notent122 que les questions

préjudicielles en matière de liens publicitaires soumises par les juridictions allemandes123,

autrichiennes124, néerlandaises125 et anglaises126 ne concernaient jusque là que les titulaires de

marques et les annonceurs.

122 Frédéric GLAIZE, Bertrand PAUTROT, « Marques et liens publicitaires : le premier arrêt de la CJUE », RLDI, 2010, p. 60 s.

123 Question préjudicielle présentée par le Bundesgerichtshof le 6 mars 2009, Eis.de GmbH c/ BBY Vertriebsgesellschaft, aff. C-91/09.124 Questions préjudicielles présentées par l'Oberster Gerichtshof le 26 juin 2008, Die BergSpechte Outdoor Reisen und Alpinschule Edi Kolblmüller GmbH c/ Günter Guni et trekking.at Reisen GmbH, aff. C-278/08. 125 Questions préjudicielles présentées par le Hoge Raad der Nederlanden le 17 décembre 2008, Portakabin Limited et Portakabin BV c/ Primakabin BV, aff. C-558/08. 126 Questions préjudicielles posées par la High Court of Justice, Chancery Division le 2 août 2009, Interflora Inc., Interflora British Unit c/ Marks & Spencer plc, Flowers Direct Online Limited, aff. C-323/09.

29

Section 2. La qualification par défaut du moteur de recherche

Le 23 mars 2010, la Cour de justice de l'Union européenne a rendu ses arrêts127 en réponse aux

questions préjudicielles posées par la Cour de cassation. La CJUE tranche enfin le problème posé

par les moteurs de recherche en matière de contrefaçon de marques et indique dans sa décision que

le prestataire d'un service de référencement qui stocke en tant que mot-clé un signe identique à une

marque et organise l'affichage d'annonces à partir de celui-ci n'en fait pas un usage assimilable à

celui d'une marque et ne commet pas de contrefaçon. Sans grande surprise, la Cour de cassation a

suivi cette décision dans ses arrêts rendus le 13 juillet 2010128. Ainsi, elle retient que le service

Adwords n'utilisait pas de signes de marque « dans la vie des affaires » au sens de l'article 9 du

règlement CE n°207/2009129 et que seule la responsabilité des annonceurs pouvait être retenue au

titre de la contrefaçon. Pourtant, Adwords réalise un usage de signe dans un contexte commercial,

cette décision est critiquable, d'autant plus que la Cour ne tranche pas de façon nette la question du

régime de la responsabilité de Google. Après avoir analysé la réponse de la CJUE (§1), nous

verrons que la qualification qu'elle a retenu est insatisfaisante pour les titulaires de droits (§2).

§1. La réponse de la CJUE

La Haute Juridiction européenne a estimé, dans ses arrêts, que la société Google n'effectuait pas

elle-même un usage des marques mais qu'elle permettait à ses clients d'en faire usage. Toutefois,

elle ajoute que « dans la mesure où il a permis à son client de faire un tel usage, son rôle doit le cas

échéant, être examiné sous l'angle d'autres règles de droit » que le droit des marques (A) . C'est aux

juges nationaux qu'il revient, au cas par cas, le soin d'apprécier le rôle actif ou passif du moteur de

recherche (B).

A. Le moteur de recherche face au droit des marques.

28. Attendue avec impatience tant par les titulaires de marques que par les défenseurs de la liberté

du commerce sur l'internet130, la décision rendue par la CJUE a mis fin à la « saga juridique en trois

127 CJUE, 23 mars 2010, aff. jointes n° C-236/08 à C-238/08, RLDI 2010/59, p/3, obs. Costes L. ; comm. Castets-Renard C., in RLDI 2010/60 ; n°1999 ; comm. Tardieu-Guigues E., in RLDI 2010/62, n°2029

128 Cass. com., 13 juillet 2010, arrêt n°861 (08-13.944), n°862 (06-20.230) et n°865 (06-25.136), Bull. civ. IV, n°124, RLDI 2010/63, n°2082.

129 Règlement CE n°40/94 ancien. 130 Virginie BRUNOT, « Référencement payant : la fin d'un suspense à l'issue... presque annoncée », Gaz. Pal., 24

avril 2010, n°114, p. 14.

30

actes du référencement payant »131. Concrètement, la Cour de justice a eu à répondre à plusieurs

questions. La première était de savoir si l'utilisation d'une dénomination protégée à titre de marque

comme mot-clé pour référencer une annonce pouvait être qualifiée de contrefaçon ? La deuxième

était de savoir si la responsabilité des annonceurs pouvait être retenu. Enfin, la Cour a dû décider si

Google pouvait bénéficier du régime de responsabilité dérogatoire des hébergeurs. La Cour de

justice s'est donc d'abord penchée sur la qualification à retenir de l'usage des marques dans le

référencement payant. L'article 5 de la directive 89/104 et l'article 9 paragraphe 1 du règlement

40/94 offrent au titulaire d'une marque la possibilité d'interdire l'usage sans son consentement d'un

signe identique à sa marque par un tiers lorsque cet usage a lieu « dans la vie des affaires », est fait

pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée et porte

atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. Par conséquent, pour

appliquer ce texte, la Cour de justice a dû vérifier si l'usage que le service Adwords fait des marques

s'inscrivait « dans la vie des affaires », si cet usage était destiné à des produits ou services

identiques à ceux du titulaire de la marque et enfin si cet usage était susceptible de porter atteinte

aux « fonctions de la marque ».

29. La Cour de justice a déjà eu l'occasion de définir l'usage « dans la vie des affaires » dans sa

jurisprudence132. Ainsi, il ressort de son arrêt Arsenal Football club de 2002133 que l'usage d'une

marque a lieu « dans la vie des affaires » lorsqu'il s'inscrit « dans le contexte d'une activité

commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privé »134. Il ne fait pas de

doute pour la Cour que l'annonceur achetant le service de référencement et choisissant en tant que

mot clé un signe identique à une marque d'autrui fait un usage dudit signe au sens de cette

jurisprudence. En effet, cette sélection de mot-clé identique a pour objet et pour effet l'affichage

d'un lien promotionnel vers le site sur lequel il offre à la vente ses produits ou ses services. Le signe

sélectionné est le moyen utilisé pour déclencher l'affichage publicitaire, ainsi, selon la Cour, « il ne

saurait être contesté que l'annonceur en fait un usage dans le contexte de ses activités commerciales

et non dans le domaine privé »135. Le prestataire du service de référencement quant à lui exerce une

activité commerciale et vise un avantage économique lorsqu'il stocke, pour le compte de ses clients,

des signes identiques à des marques en tant que mots clés et organise l'affichage d'annonces à partir

de ceux-ci, sans le consentement de leurs propriétaires dans le contentieux précité. Cependant, selon

131 Virginie BRUNOT, idem. 132 CJCE, 11 septembre 2007, Céline, C-17/06, Rec. p. I-7041, point 16 ; CJCE, 18 juin 2009, L'Oréal e.a., C-487/07,

point 58.133 CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal Football Club plc et Matthew Reed, C-206/01. 134 Point 40 de l'arrêt. 135 CJUE, 23 mars 2010, points 51 et 52.

31

la Cour, s'il ressort bien de ces éléments que le prestataire du service de référencement opère « dans

la vie des affaires » en permettant aux annonceurs de sélectionner des signes identiques à des

marques, il n'en découle pas pour autant que ce prestataire fasse lui-même un « usage » de ces

signes au sens des directives précitées136. Sur ce point, la décision de la Cour peut paraître assez

surprenante. En effet, Google est rémunéré pour le service Adwords137, ainsi, il peut sembler étrange

que la Cour n'ait pas relevé l'usage « dans la vie des affaires ». Cependant, il n'existe pas dans notre

droit d'équivalent à la contrefaçon par fourniture de moyens du droit des brevets138. Par conséquent,

la Cour a retenu que Google se contentait de fournir un moyen aux annonceurs, qui eux feront usage

de la marque « dans la vie des affaires », et rejette de facto l'argument de la rémunération perçue par

Google139.

30. La Cour a également dû comparer les services et produits proposés par les annonceurs avec

ceux proposés par les titulaires de marques. L'expression « pour des produits ou des services »

identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée porte en principe sur les produits ou les

services du tiers qui fait usage du signe identique à la marque140, ou ceux d'une autre personne pour

lequel le tiers agit141. Selon la jurisprudence de la Cour142, l'usage pour des produits ou des services

est constitué par les comportements énumérés aux articles 5, paragraphe 3 de la directive 89/104 et

9 paragraphe 2 du règlement n°40/94, à savoir « l'apposition du signe sur les produits ou leur

conditionnement, l'offre à la vente des produits ou des services sous le signe, l'importation ou

l'exportation sous le signe, et l'utilisation du signe dans les papiers d'affaires et la publicité »143. Le

référencement payant se rapproche des comportements précités. Cependant, dans les faits à l'origine

du litige dans les affaires Viaticum et CNRRH, et contrairement aux faits dans l'affaire opposant

Google à la société Louis Vuitton, il n'y avait pas de signes identiques aux marques dans les

annonces affichées dans la rubrique « liens commerciaux ». Ainsi, Google soutenait, à l'inverse des

titulaires de marques qui lui étaient opposés, qu'en l'absence d'une quelconque mention du signe

dans l'annonce même, l'usage dudit signe en tant que mot clé ne pouvait être considéré comme étant

136 CJUE, 23 mars 2010, point 55. 137 Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 22 septembre 2009, affaires jointes C-

236/08, C-237/08 et C-238/08, point 13 : « Google finance son moteur de recherche, ainsi qu'un certain nombre d'applications gratuites, grâce aux recettes tirées d'Adwords ».

138 Prévue à l'article L.613-4 du Code de la propriété intellectuelle. 139 Dans le point 57 de l'arrêt, la Cour nous dit « Cette conclusion n'est pas infirmée par le fait que ledit prestataire est

rémunéré pour l'usage desdits signes par ses clients. En effet, le fait de créer les conditions techniques nécessaires pour l'usage d'un signe et d'être rémunéré pour ce service, ne signifie pas que celui qui rend ce service fasse lui-même un usage dudit signe ».

140 CJCE, 25 janvier 2007, Adam Opel, C-48/05, Rec. p. I-1017, point 28 et 29 ; CJCE, 12 juin 2008, O2 Holdings et O2 (UK), C-533/06, Rec. p. I-4231, point 34.

141 Ordonnance UDV North America, 19 février 2009, C-62/08.142 Idem. 143 CJUE, 23 mars 2010, point 61.

32

fait pour des produits ou des services similaires. Or, la Cour de justice a rappelé dans son arrêt les

articles 5 paragraphe 3 de la directive 89/104 et 9 paragraphe 2 du règlement n°40/94 ne

contenaient qu'une énumération non exhaustive des types d'usage que le titulaire de la marque peut

interdire et que, dès lors, la circonstance que le signe utilisé par le tiers à des fins publicitaires

n’apparaît pas dans la publicité même ne saurait signifier à elle seule que cette utilisation est

étrangère à la notion « d'usage pour des produits ou des services » au sens de la directive 89/104.

Elle en conclut donc que, « dans cette situation caractérisée par le fait qu'un signe identique à une

marque est sélectionné en tant que mot clé par un concurrent du titulaire de la marque dans le but de

proposer aux internautes une alternative par rapport aux produits ou aux services dudit titulaire, il y

a usage dudit signe pour les produits ou les services dudit concurrent »144.

31. Le droit du titulaire d'une marque d'en interdire l'usage par des tiers est également conditionné

par l'existence d'une atteinte potentielle aux « fonctions de la marque ». Il résulte de la

jurisprudence de la Cour que le titulaire de la marque ne saurait s'opposer à l'usage d'un signe

identique à la marque si cet usage n'est susceptible de porter atteinte à aucune des fonctions de

celle-ci145. Selon la Cour, le droit exclusif octroyé au titulaire de la marque lui permet de protéger

ses intérêts spécifiques en tant que titulaire de cette marque. Parmi ces fonctions, figurent la

« fonction d'indication d'origine », fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux

consommateurs la provenance du produit ou du service, et les autres fonctions de celle-ci, comme

celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication,

d'investissement ou de publicité146. En l'espèce, la Cour a dû examiner l'atteinte aux fonctions

d'indication d'origine et de publicité. La marque a pour fonction essentielle de garantir au

consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service marqué en lui

permettant de distinguer ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance147. Dans son

arrêt, la Cour note que la question de savoir s'il y a une atteinte à cette fonction de la marque

lorsqu'elle est montrée aux internautes à partir d'un mot-clé identique à une marque, une annonce

d'un tiers, tel qu'un concurrent du titulaire de cette marque, dépend en particulier de la façon dont

cette annonce est présentée148. Ainsi, il y a atteinte à la fonction d'indication d'origine de la marque

lorsque l'annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute normalement

144 CJUE, 23 mars 2010, point 69. 145 CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, point 51 ; CJCE, 25 janvier 2007, Adam Opel, points 21 et 22 ;

CJCE, 18 juin 2009, L'Oréal e.a., C-487/07, point 58.146 CJUE, 23 mars 2010, point 77.147 CJCE, 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, Rec. p. I-5507, point 28 ; CJCE, 6 octobre 2005, Medion, C-120/04,

Rec. p. I-8551, point 23.148 CJUE, 23 mars 2010, point 83.

33

informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce

proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au

contraire, d'un tiers. Dans une telle situation, l'internaute peut se méprendre sur l'origine des

produits ou des services en cause. Dans ces circonstances, l'usage du signe identique à la marque

par l'annonceur en tant que mot-clé déclenchant l'affichage de ladite annonce est de nature à

accréditer l'existence d'un lien matériel dans « la vie des affaires » entre les produits concernés et le

titulaire de la marque. La Cour relève également que le besoin d'un affichage transparent des

annonces sur l'internet est souligné dans la législation de l'Union européenne sur le commerce

électronique, l'article 6 de la directive 2000/31 posant la règle selon laquelle la personne physique

ou morale pour le compte de laquelle une communication commerciale relevant d'un service de la

société de l'information est faite doit être clairement identifiable149. Elle note qu'il est également

nécessaire d'habiliter les titulaires de marques à interdire l'affichage d'annonces de tiers que les

internautes risquent de percevoir erronément comme émanant de lui. Elle laisse aux juridictions

nationales le soin d'apprécier, au cas par cas, si les faits du litige dont elle est saisie sont caractérisés

par une atteinte ou un risque d'atteinte à la fonction d'indication d'origine. Outre sa « fonction

d'indication d'origine », la marque a également une fonction de publicité. En effet, comme le note la

Cour, « la vie des affaires » est caractérisée par une offre variée de produits et de services. Le

titulaire d'une marque peut avoir non seulement pour objectif d'indiquer, grâce à sa marque, l'origine

de ses produits ou services, mais également celui d'employer sa marque à des fins publicitaires

visant à informer et persuader le consommateur. Dès lors, il est habilité à interdire l'usage fait sans

son consentement d'un signe identique a sa marque pour des produits ou des services identiques à

ceux pour lesquels cette marque est enregistrée, lorsque cet usage porte atteinte à l'emploi de la

marque par son titulaire en tant qu'élément de promotion des ventes ou en tant qu'instrument de

stratégie commerciale. Sur l'internet, l'usage par des annonceurs du signe identique à la marque

d'autrui en tant que mot-clé aux fins d'affichage de messages publicitaire et évidemment susceptible

d'avoir certaines répercussions sur l'emploi publicitaire de cette marque par son titulaire ainsi que

sur la stratégie commerciale de ce dernier. Il a été précédemment expliqué dans cette étude

l'importance de la publicité sur l'internet et le fonctionnement du référencement payant. Le système

Adwords est conçu de telle manière qu'il est possible que le titulaire de la marque ait à supporter un

prix par clic plus élevé que ses concurrents s'il veut obtenir que son annonce apparaisse avant celles

de ces derniers qui auront également sélectionné sa marque comme mot-clé. La Cour semble

consciente du caractère ubuesque de la situation. Pourtant, elle considère que ces répercussions de

l'usage du signe identique à la marque par des tiers ne constituent pas en soi une atteinte à la

149 CJUE, 23 mars 2010, point 86.

34

fonction de publicité de la marque150. Elle suit par là les indications de l'avocat général M. Poiares

Maduro qui l'invitait dans ses conclusions à ne pas étendre la portée de la protection conférée par

les marques151. L'usage fait des mots-clés par Adwords ne peut porter atteinte à la fonction

d'indication d'origine de la marque que lorsqu'il suggère l'existence d'un lien économique entre

l'annonceur et le titulaire de la marque ou lorsqu'il est de nature à introduire la confusion dans

l'esprit des internautes concernant d'éventuels liens entre l'annonceur et le titulaire de la marque.

32. En outre, ce risque de confusion causé par l'atteinte à la fonction de la marque s'analyse vis à vis

d'un nouvel acteur : l'internaute. En effet, la Cour nous dit, au point 90 de son arrêt, « lorsque

l'annonce, tout en ne suggérant pas l'existence d'un lien économique, reste à tel point vague sur

l'origine des produits ou des services en cause qu'un internaute normalement informé et

raisonnablement attentif n'est pas en mesure de savoir, sur la base du lien promotionnel et du

message commercial qui y est joint, si l'annonceur est un tiers par rapport au titulaire de la marque

ou, bien au contraire, économiquement lié à celui-ci, il conviendra également de conclure qu'il y a

atteinte à ladite fonction de la marque ». Cette description du comportement de l'internaute

(normalement informé, raisonnablement attentif) n'est pas sans rappeler celle du consommateur à

l'article L.120-1 du code de la consommation152 posant un principe général d'interdiction des

pratiques commerciales déloyales. Dans un article paru au recueil Dalloz153, Cédric Manara

s'interroge sur l'internaute, est-il un « simple synonyme de consommateur sans portée particulière

ou une nouvelle figure juridique » ? La réponse ne se trouve pas dans l'arrêt de la CJUE, mais M.

Manara conclut à juste titre que dans « l'univers électronique », la distinction entre fonction de

publicité et fonction d'indication d'origine de la marque est plus délicate que dans le commerce

traditionnel. En effet, il est plus délicat pour l'internaute, sur l'internet, de distinguer les annonces à

caractère commercial des sites répertoriés dans les résultats naturels (d'autant plus que les

annonceurs œuvrent afin que leurs annonces se « fondent » parmi les résultats de recherche). Par

conséquent, la Cour laisse aux juridictions des États membres le soin d'apprécier, au cas par cas, les

atteintes aux fonctions des marques. C'est également aux juridictions nationales qu'il revient

d'apprécier, de façon plus générale, si le moteur de recherche a un rôle actif ou passif dans les

services qu'il propose.

150 CJUE, 23 mars 2010, point 95. 151 Point 49. 152 « […]. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. »153 Cédric MANARA, « Publicité sur des moteurs de recherche : la CJUE donne des clefs », Recueil Dalloz, 2010, p. 885.

35

B. Détermination selon le rôle actif ou passif du moteur de recherche : une

appréciation laissée au juge national.

33. La Cour de justice de l'Union européenne conclut que, dans les cas d'espèce précités, la société

Google n'engageait pas sa responsabilité pour contrefaçon de marque, celle-ci ne faisant pas un

usage des marques « dans la vie des affaires ». Ainsi, seule la responsabilité des annonceurs peut

être recherchée au titre de la contrefaçon ; Google peut, là encore, bénéficier du régime de

responsabilité dérogatoire des hébergeurs prévu par la directive CE n°2000/31 à condition de ne pas

jouer un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données qu'elle

stocke. Cependant, la Cour n'examine pas le rôle de Google en l'espèce et n'indique pas si celui-ci

était purement passif ou actif. En effet, cette appréciation est laissée au pouvoir souverain des juges

du fond des États membres. Pourtant, cette question est primordiale et permet de décider du régime

de responsabilité applicable aux moteurs de recherche. Dans son arrêt, la CJUE relève néanmoins

que « Google procède, à l'aide des logiciels qu'elle a développés, à un traitement des données

introduites par des annonceurs et qu'il en résulte un affichage des annonces sous des conditions dont

Google a la maîtrise. Ainsi, Google détermine l'ordre d'affichage en fonction, notamment, de la

rémunération payée par les annonceurs »154. Deux solutions sont alors envisageables ; soit on estime

que Google a un rôle passif, le moteur de recherche serait alors un hébergeur de contenus

publicitaires, soit on estime qu'il a un rôle actif, car il détermine l'ordre d'affichage des annonces en

privilégiant celles dont le « prix par clic » est plus élevé, exerçant ainsi une sorte de contrôle.

34. La Cour de cassation finit par statuer dans quatre arrêts de cassation155 du 13 juillet 2010 et va,

sans surprise, dans le sens de la CJUE en jugeant que « le prestataire d'un service de référencement

sur internet qui stocke en tant que mot-clé un signe identique à une marque et organise l'affichage

d'annonces à partir de celui-ci ne fait pas un usage de ce signe au sens de l'article 5 §1 et 2 de la

directive 89/104 ou de l'article 9 §1 du règlement n°40/94 ». Elle écarte ainsi la responsabilité de

Google pour contrefaçon. Cette décision est assez inhabituelle dans la mesure où la Cour de

cassation n'explique pas les éléments qui lui ont permis de déterminer dans quelle mesure Google

avait eu un rôle passif. Cependant, dans un arrêt Cobrason du 29 janvier 2013156, la chambre

commerciale de la Cour de cassation a invité les juges du fond à vérifier si la responsabilité de

Google était engagée en vérifiant et en justifiant si le moteur de recherche joue un rôle actif ou

154 Point 115 de l'arrêt. 155 Cass. comm., 13 juillet 2010, n° 06-15136, 06-20230, 08-13944 et 05-14333.156 Cass. comm, 29 janvier 2013, Sté Google Inc. et. a. c/ Sté Cobrason, n°11-21011 et 11-24713.

36

passif. Les titulaires de marques ont pu avoir le sentiment que leurs arguments, pourtant pertinents,

n'avaient pas été entendus. Néanmoins, d'autres voies peuvent être exploités : la responsabilité civile

et les pratiques commerciales trompeuses. Ces fondements seront approfondis ultérieurement dans

cette étude.

35. Suite à l'arrêt de la CJUE, Google a annoncé dans un communiqué du 4 août 2010 un

changement de la stratégie de son service Adwords. Selon cette nouvelle procédure, entrée en

vigueur dès le 14 septembre 2010, Google n'exerce plus aucun contrôle du dépôt des mots-clés par

les annonceurs, se conformant ainsi à l'exigence d'absence de « connaissance et de contrôle sur les

données stockées » qui lui assure le statut favorable d'hébergeur au sens de la LCEN. Elle répond

également par là à une décision n°10-MC-01 du 30 juin 2010 de l'Autorité de la concurrence qui a

prononcé des mesures conservatoires à l'encontre de Google en lui enjoignant de définir la portée du

règlement Adwords applicable à certains comportements interdits des annonceurs157, à clarifier les

procédures pouvant conduire à la suspension du compte d'un annonceur et à mettre en place une

politique plus transparente de sélection des annonces. Concrètement, Google a mis en place un

nouveau processus de retrait d'annonces permettant aux titulaires de marques, qui estiment qu'une

annonce publicitaire d'un tiers déclenchée par leur marque peut induire les internautes en erreur

quant à l'origine des produits et services annoncés, de déposer une « plainte » auprès du moteur de

recherche qui retirera cette annonce s'il considère que celle-ci est de nature à porter à confusion

quant à l'origine des produits et services. Néanmoins, la nouvelle procédure pose certains

problèmes. En effet, selon Marianne Schaffner158, le retrait des annonces litigieuses est laissé à la

seule appréciation de Google, qui se retrouve à la fois juge et partie, étant donné que c'est Google

qui est en charge de sanctionner une annonce pour laquelle elle a perçu une rémunération. En outre,

la notion de « confusion » est floue et aucun seuil n'est établi pour le retrait d'un annonce. Enfin, on

imagine aisément la difficulté pour les titulaires de marques qui devront « scruter » régulièrement

les annonces afin de s'assurer que leurs droits de propriété ne sont pas atteints.

36. Dans sa décision du 12 juillet 2012159, la Cour de cassation a également dû apprécier du

caractère actif ou passif du comportement de Google dans son service « Google vidéos ». Pour

rappel, la société Google permettait aux internautes de visionner directement sur les pages de son

site certaines vidéos sans solliciter au préalable l'autorisation des titulaires de droits. La Cour de

cassation, saisie d'un pourvoi contre un arrêt d'appel condamnant Google à payer 150 000€ à titre de

157 Il s'agissait alors de dispositifs de contournement des contrôles routiers. 158 Marianne SCHAFFNER, « Adwords : la clé du succès du système de mots clés », RLDI, 2010, p. 64159 Cass. civ. 1ere, 12 juillet 2012, n° 11-13.666, Bull. civ. I, n°66, D. 2012, p. 2071

37

dommages-intérêts en réparation du préjudice patrimonial, juge que « les sociétés Google offrent à

l'internaute la possibilité, à partie des liens vers les autres sites, de visionner le film sur leur propre

site Google Vidéos France, pour en déduire que celles-ci mettent en œuvre une fonction active qui

leur permet de s'accaparer le contenu stocké sur des sites tiers afin d'en effectuer la représentation

directe sur leurs pages à l'intention de leurs propres clients ». Par conséquent, les Hauts magistrats

estiment que la cour d'appel avait légalement justifié sa décision, ayant constaté que Google

reproduisait le film sur son site « Google vidéos » sans autorisation des titulaires des droits, la

contrefaçon était caractérisée160. En effet, elle confirme qu'en allant au-delà de la mise en œuvre

d'une simple fonctionnalité technique, le moteur de recherche s'est privé du bénéfice du statut

favorable d'hébergeur prévu par la LCEN.

37. De même, Google n'a pas pu se prévaloir d'un rôle purement technique dans les affaires

impliquant son service « Google Books ». Le Tribunal de grande instance de Paris a rendu, le 18

décembre 2009161, une décision dans un litige qui opposait Google à la société d'édition la

Martinière, au Syndicat national de l'édition (SNE) et à la Société des gens de lettres de France

(SGLD). Les sociétés opposées à Google ont fait valoir que le moteur de recherche avait numérisé,

sans leur autorisation, plus d'une centaine d'ouvrage sur lesquels elles sont titulaires de droits

d'auteurs pour son service « Google Books ». Elles avançaient également le fait que Google

reproduisait les marques dont la société Édition du Seuil est titulaire. Elles ont par conséquent

assigné Google sur le fondement des articles L. 122-1 à L.122-5 et L. 713-2 du Code de la propriété

intellectuelle en contrefaçon de droits d'auteurs et de marques pour obtenir d'une part des mesures

d'interdiction sous astreinte et de publication, et d'autre part le paiement de dommages-intérêts

destinés à réparer leurs préjudices. Pour caractériser la contrefaçon des droits d'auteurs, le TGI

considère que « la numérisation d'une œuvre, technique consistant en l'espèce à scanner l'intégralité

des ouvrages dans un format informatique donné, constitue une reproduction de l’œuvre qui

requiert, en tant que telle, lorsque celle-ci est protégée, l'autorisation préalable de l'auteur ou de ses

ayants-droits ». Google a été condamnée à verser 300 000 euros de dommages-intérêts au groupe la

Martinière. Depuis, de nombreux accords seront finalement trouvés entre Google et les éditeurs162.

160 V. supra , n°17.161 TGI Paris, 18 décembre 2009, Éditions du Seuil c/ Google, n°09/00540.162 Ces accords ont été largement critiqués par les auteurs des arts visuels qui se sont sentis « oubliés » par ces

accords. V. communiqué de presse du 4 février 2013 de la société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP) et la SAIF. Disponible en ligne. URL : http://www.saif.fr/IMG/pdf/CP_SAIF-ADAGP_04_02_2013.pdf/, consulté le 9 mai 2014.

38

§2. Une qualification insatisfaisante

Le « réseau des réseaux » évolue très rapidement et le droit peine à se saisir promptement de toutes

ses évolutions. La distinction hébergeur/éditeur, pensée en Europe à la fin des années 1990, reposait

sur « une réalité simple que chacun pouvait appréhender »163. En effet, les hébergeurs formaient

alors une catégorie homogène comprenant des opérateurs dont l'unique fonction était d'offrir un

réceptacle « technique ». Désormais, le clivage entre hébergeurs et éditeurs tel qu'il est envisagé par

la LCEN est obsolète (A) et ne correspond plus à la réalité ; les moteurs de recherche ont adopté

une démarche bien plus active de telle sorte qu'on pourrait les qualifier d' « éditeurs de services »

(B).

A. Ni hébergeur, ni éditeur : un clivage envisagé par la LCEN désormais obsolète.

38. La CJUE semble avoir privilégié la liberté du commerce sur le droit des marques dans son arrêt.

En effet, suite à cette décision, les titulaires de droits de marques ont pu se sentir lésés. Il est

important de rappeler que les enjeux financiers étaient considérables. Aussi, M. Poiares Maduro

disait, dans ses conclusions : « tous ces types de protection – quelle que soit leur position dans

l'échelle variable – sont liés à la promotion de l'innovation et de l'investissement. […] Néanmoins,

quelle que soit la protection accordée à l'innovation et à l'investissement, elle n'est jamais absolue.

Elle doit toujours être mise en balance avec d'autres intérêts, de la même manière que la protection

de la marque elle-même. J'estime que les présentes affaires requièrent une telle mise en balance

avec la liberté d'expression et la liberté du commerce »164. Ainsi, selon lui, l'équilibre entre les

mesures incitatives sous la forme de biens privés reconnus à ceux qui innovent et le caractère public

des éléments nécessaires au soutien de l'innovation et de l'investissement est au cœur de la

protection des marques. Le droit des marques ne pourrait s'interpréter comme un droit de propriété

classique, permettant à son titulaire d'exclure tout autre usage. Ce point de vue est discutable. En

effet, le droit de la propriété intellectuelle est, comme son nom l'indique, un droit de la propriété ;

faire du droit des marques ou du droit d'auteur ou de tout autre droit de propriété intellectuelle une

« sous-catégorie » de propriété revient à léser très lourdement ceux qui investissent, créent et

innovent et va à l'encontre de toute démarche visant à lutter contre le phénomène de contrefaçon,

163 Rapport d'information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale par le groupe de travail sur l'évaluation de la loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, par MM. Laurent BETEILLE et Richard Yung, sénateurs, enregistré à la Présidence du Sénat le 9 février 2011, p. 43.

164 Points 101 et 102 de l'arrêt.

39

notamment sur l'internet.

39. Néanmoins, on peut comprendre qu'il est impossible techniquement de faire peser sur les

moteurs de recherche les lourdes obligations qui incombent aux éditeurs. En effet, si l'usage des

mots-clés par Adwords avait été déclaré illégal par la CJUE, cela aurait sans nul doute posé de

nombreux problèmes pratiques pour Google. En effet, le service Adwords est inextricablement lié à

son moteur de recherche. Ainsi, on aurait également pu déclarer, par extension logique, que

l'utilisation des mots-clés par le moteur de recherche est illégale. D'ailleurs, M. Maduro note, au

point 71 de ses conclusions : « il n'y a pas de différence substantielle entre l'usage que Google lui-

même fait des mots clefs sur son moteur de recherche et l'usage qu'il en fait dans Adwords : il

affiche un certain contenu en réponse à ces mots clefs ». En outre, les sites proposant des

contrefaçons peuvent parfaitement apparaître dans les « résultats naturels » de recherche, n'engager

la responsabilité de Google que pour l'usage des mots-clés fait par Adwords aurait été insuffisant

pour lutter efficacement contre la contrefaçon.

40. Il apparaît donc que les titulaires de marques sont, comme les titulaires de droits d'auteurs, mal

protégés sur l'internet. Outre les difficultés pratiques que soulève la lutte contre la contrefaçon en

ligne (détermination des juridictions compétentes, identification des propriétaires des sites, de la loi

applicable, lenteur des procédures, etc), la législation n'est plus adaptée et le clivage

hébergeurs/éditeurs envisagé par la LCEN est désormais clairement obsolète. En effet, les

responsabilités sont mal réparties, et si il est évident que Google n'est pas un éditeur, le qualifier de

simple « hébergeur » est erroné et insuffisant. Il est nécessaire de lutter de manière préventive

contre la contrefaçon ; attendre que l'infraction soit constatée pour sanctionner pose de nombreuses

difficultés aux titulaires de droits de propriété intellectuelle et contribue à la prolifération du

phénomène de contrefaçon sur l'internet.

Certaines juridictions ont écarté la qualification d' « hébergeur » pour le moteur de recherche et ont

considéré qu'il relevait de l'article 13 de la directive du 8 juin 2000 et de l'article L. 32-3-4 du Code

des postes et communications électroniques165. Ce dernier dispose : « Toute personne assurant dans

le seul but de rendre plus efficace leur transmission ultérieure, une activité de stockage automatique,

intermédiaire et temporaire des contenus qu'un prestataire transmet ne peut voir sa responsabilité

civile ou pénale engagée à raison de ces contenus que dans l'un des cas suivants :

1° Elle a modifié ces contenus, ne s'est pas conformée à leurs conditions d'accès et aux règles

usuelles concernant leur mise à jour ou a entravé l'utilisation licite et usuelle de la technologie

165 Créé par l'article 9 de la LCEN.

40

utilisée pour obtenir des données ;

2° Elle n'a pas agi avec promptitude pour retirer les contenus qu'elle a stocké ou pour en rendre

l'accès impossible, dès qu'elle a effectivement eu connaissance, soit du fait que les contenus

transmis initialement ont été retirés du réseau, soit du fait que l'accès aux contenus transmis

initialement a été rendu impossible, soit du fait que les autorités judiciaires ont ordonné de retirer du

réseau les contenus transmis initialement ou d'en rendre l'accès impossible ».

Cet article consacre une nouvelle catégorie de prestataires : les prestataires de « service de cache ».

Les conditions pour engager leurs responsabilité s'avèrent bien plus strictes que celles requises pour

l'hébergeur. Cette qualification a notamment été retenue dans l'arrêt de la Cour d'appel statuant sur

le service « Google images » précité166. Depuis cette affaire, un débat semble avoir lieu au sujet de

la nature du stockage, est-il temporaire ou permanent167 ? Si le stockage est temporaire, le moteur de

recherche pourrait être qualifié de « prestataire de cache »168 par les juridictions saisies.

Ces incertitudes autour de la qualification juridique du moteur de recherche justifieraient une

réadaptation de la législation afin d'ajuster spécifiquement les responsabilités qui pèsent sur ce

dernier. Bien entendu, ces responsabilités devront être mesurées et un équilibre devra être trouvé

entre d'une part la protection des titulaires de marques en ligne et d'autre part la liberté de

communication et d'information sur l'internet.

B. Le moteur de recherche : un éditeur de services ?

41. Conscients de ces difficultés, les sénateurs Laurent Béteille et Richard Yung ont proposé de

remettre en cause les statuts d'hébergeur et d'éditeur pour créer une nouvelle catégorie à mi-chemin

entre les deux : l'éditeur de service. Dans le cadre de leur bilan de la loi du 29 octobre 2007169, ils

préconisent de faire peser sur ce nouvel acteur des obligations adaptées à la réalité de l'internet.

Ainsi, l'éditeur de service bénéficierait d'un régime de responsabilité intermédiaire. Tout comme

l'hébergeur, il pèserait sur lui une obligation d'identification de ceux qui ont créé un contenu qu'il

héberge. Il aurait également une obligation de mettre en place les moyens, conformes à l'état de

l'art, de surveillance des informations qu'il transmet ou stocke, et de recherche des faits ou des

circonstances relevant des activités illicites. Il s'agirait donc d'une obligation de moyens et non de

166 CA Paris, pôle 5, chambre 1, 26 janvier 2011, SAIF c/ Google, RG n°08/13423.167 « Les services de référencement au pays des intermédiaires techniques », Droit des Médias et de la

Communication, Lamy, n°464-64. 168 Cette solution ne serait pas plus avantageuse pour les titulaires de droits de propriété intellectuelle...169 Rapport d'information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage

universel, du Règlement et d'administration générale par le groupe de travail sur l'évaluation de la loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, par MM. Laurent BETEILLE et Richard Yung, sénateurs, enregistré à la Présidence du Sénat le 9 février 2011, p. 42 et s.

41

résultats170 ; ce qui permettrait de ne pas faire peser de charges trop lourdes sur les moteurs de

recherche qui n'auraient qu'à prouver la mise en œuvre de moyens de protection pour dégager leur

responsabilité. Aussi, la référence aux moyens « conformes à l'état de l'art » inviterait les

juridictions à se renseigner sur l'état des connaissances en matière de technologie, ce qui permettrait

à ce texte de rester actuel et de ne pas tomber rapidement dans l'obsolescence, ce qui est un

avantage certain dans un domaine qui ne cesse d'évoluer. Aussi, l'éditeur de services pourrait être

tenu civilement ou pénalement responsable s'il a connaissance d'activités ou d'informations

manifestement illicites et qu'il n'agit pas promptement pour retirer ces informations ou en rendre

l'accès impossible. Ainsi, les moteurs de recherche pourraient agir en bonne intelligence avec les

titulaires de marques et de droits d'auteurs, d'autant plus qu'il a été jugé que les annonceurs

commettaient une contrefaçon en utilisant des mots-clés correspondant à une marque d'autrui afin

de référencer leurs annonces171. Selon les sénateurs, les éditeurs de services « se trouvent à mi-

chemin entre les hébergeurs et les éditeurs : stricto sensu, ils ne sont assimilables ni aux premiers

(les hébergeurs), puisqu'ils vont au-delà du simple hébergement technique, ni aux seconds (les

éditeurs) puisqu'ils ne déterminent par les contenus qu'ils hébergent ». En conclusion, ils demandent

la modification de la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique. Une telle modification

nécessiterait un accord au niveau européen ; on peut aisément imaginer que la tâche ne serait pas

aussi simple que si il avait s'agit d'une simple réforme législative française.

42. Afin de définir l'éditeur de service, le rapport propose un critère : l'avantage économique. Ainsi,

serait un éditeur de services « une société qui retire un avantage économique direct de la

consultation des contenus hébergés ». Google est rémunéré pour son service Adwords et en tire un

avantage économique. Si cette rémunération n'a pas été un élément permettant de déterminer que

Google faisait usage des signes de marques dans « la vie des affaires », peut-être serait-ce un

élément permettant de faire entrer les moteurs de recherche dans la catégorie des éditeurs de

services172. D'ailleurs, dans un arrêt Tiscali du 14 janvier 2010173, la Cour de cassation a laissé un

sentiment de divergence en jugeant que le fait pour un fournisseur d'accès internet, outre le stockage

de contenus opérés par ses clients, de « mettre en place, directement sur ces pages, des espaces

170 L'éditeur classique a une obligation de résultat. 171 La seule question de la Cour de cassation relative aux annonceurs a été posée à l'occasion de l'arrêt

« Eurochallenges ». La CJUE a dit pour droit que les règlements précités permettaient au titulaire d'une marque d'interdire à un annonceur de faire, à partir d'un mot-clé identique à ladite marque sélectionné dans le cadre d'un service de référencement sur internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée. La responsabilité des annonceurs est donc clairement établie.

172 Le rapport fait d'ailleurs référence aux sociétés dont la rémunération est proportionnelle au nombre de « clics » effectués sur le lien hypertexte des annonceurs.

173 Cass. civ. 1ere, 14 janvier 2010, Tiscali c/ sté Dargaud Lombard et a., n°06-18.155.

42

publicitaires payant dont elle assurait la gestion » ne lui permettait pas de bénéficier du régime

dérogatoire des hébergeurs. Dans cet arrêt, l'avantage économique bénéficiant à Tiscali suffisait à

lui faire perdre le bénéfice du régime d'hébergeur.

43. Enfin, il est intéressant de noter que l'obligation de mettre en place des moyens de surveillance

qui pèserait sur les éditeurs de service permettrait de faciliter les actions en contrefaçon des

titulaires de marques et de droits d'auteurs. En effet, les propriétaires de sites seraient ainsi plus

facilement identifiés. Le rapport préconise également une obligation de mettre en place un

« système simple d'alerte ou de signalement » qui permettrait aux titulaires de droits, mais

également à tout internaute de notifier, aux moteurs de recherche notamment, tout contenu hébergé

qui leur apparaîtrait comme illicite, en particulier dans le domaine de la contrefaçon174. Nous le

verrons lors du chapitre suivant, dans l'état actuel du droit, la procédure de notification est lourde

pour les titulaires de droits de propriété intellectuelle et constitue un frein de plus dans leur lutte

contre la contrefaçon sur l'internet.

174 À ce titre, Ebay, société de ventes en ligne, a développé un programme VeRO (« Verified Rights Owners ») permettant aux titulaires de droits de signaler les annonces qui portent atteinte à leurs droits de propriété intellectuelle.

43

Chapitre 2. Le régime de responsabilité du moteur de recherche

La LCEN créé, au profit des hébergeurs, un régime de responsabilité aménagé (Section 1). Il s'agit

d'une dérogation au régime de responsabilité délictuelle de droit commun. En effet, l'hébergeur

n'engage sa responsabilité que dans les cas de connaissance effective du caractère illicite du contenu

stocké, s'il n'a pas retiré promptement le dit-contenu. Pourtant, afin de lutter efficacement contre la

contrefaçon, il est nécessaire de responsabiliser les moteurs de recherche (Section 2).

Section 1. Une responsabilité allégée

L'article 6 fait une distinction fondamentale entre les prestataires techniques neutres et les

prestataires actifs pour dégager leurs régimes de responsabilité. L'hébergeur bénéficie d'un régime

de responsabilité aménagé favorable dérogatoire au droit commun (§1). Nous avons vu dans la

première partie de cette étude que le moteur de recherche a été qualifié d'hébergeur au sens de la

LCEN ; les juridictions ont en effet exclu toute contrefaçon « par complicité » (§2).

§1. L'aménagement de responsabilité de la LCEN

Bien que les textes de lois relatifs à la contrefaçon se soient multipliés au cours de la précédente

décennie (loi du 1er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de

communication, loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique, loi du 1er août

2006 sur les droits d'auteurs et droits voisins dans la société de l'information, loi du 29 octobre 2007

de lutte contre la contrefaçon, loi du 12 juin 2009 dite HADOPI I relative à la diffusion et la

protection de la création sur internet, loi du 28 octobre 2009 sur la protection pénale de la propriété

littéraire et artistique sur internet dite HADOPI 2 ou plus récemment la loi du 11 mars 2014

renforçant la lutte contre la contrefaçon), la tendance semble être au laxisme et à l’allègement des

responsabilités lorsque la contrefaçon a lieu sur l'internet, espace de liberté175. En effet, les

obligations qui pèsent sur les hébergeurs, et donc sur les moteurs de recherche, sont légères. Les

hébergeurs sont dispensés d'obligation de surveillance générale (A) mais ont l'obligation d'agir avec

célérité pour retirer les informations et contenus illicites dès qu'ils en ont connaissance (B).

175 À ce sujet, v. Nathalie BLANC, « Les sanctions en droit de la propriété intellectuelle. L'exemple de la contrefaçon : clair-obscur dans le droit des sanctions », in Les sanctions en droit contemporain : volume 1, La sanction entre technique et politique, sous la direction de Dominique FENOUILLET et Cécile CHAINAIS, D., 2012, p. 303

44

A. Une dispense d'obligation générale de surveillance.

44. L'article 6.I.7 de la LCEN dispose : « les personnes mentionnées aux 1 et 2 (les hébergeurs) ne

sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu'elles transmettent ou

stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des

activités illicites ». Plusieurs conséquences découlent de cet alinéa. Tout d'abord, il signifie que la

responsabilité des éditeurs de contenu doit être recherchée en premier lieu avant de pouvoir engager

la responsabilité de l'hébergeur. Dans ce sens, dans un arrêt du 17 novembre 2010176, la Cour d'appel

de Paris infirme un jugement177 condamnant Google pour contrefaçon de la marque « Belle Literie »

et relève que le demandeur « n'a pas appelé dans la cause les annonceurs ».

45. Deuxième conséquence de la dispense d'obligation de surveillance générale, le moteur de

recherche n'est pas contraint de mettre en place de système de surveillance et de contrôle du

contenu qu'il référence. Cela lui évite d'engager des frais financiers considérables. En effet, une

obligation de surveillance générale aurait obligé le moteur de recherche à, par exemple, engager des

personnes afin de contrôler le contenu des annonces, ou encore développer des logiciels de filtrage

afin de vérifier la légalité du contenu hébergé et référencé. Selon Étienne Montéro et Quentin Van

Enis178, cette dispense résulte d'un « équilibre entre les différents intérêts en jeu » ; d'une part ceux

des prestataires de services d'intermédiation de l'internet et d'autre part ceux de l'industrie des

contenus (créateurs et titulaires de droits). Ainsi, si les hébergeurs ne sont tenus à aucune obligation

générale de surveillance et de contrôle des contenus qu'ils hébergent, ils sont tenus de collaborer

avec les autorités judiciaires qui peuvent leur demander, de façon temporaire, d'exercer une

surveillance ciblée179. Cette possibilité est prévue par la directive 2000/31.

46. Par ailleurs, le fait d'imposer une responsabilité objective du moteur de recherche pour le

contenu qu'il référence aurait pu être vu comme une censure heurtant la liberté d'expression sur

l'internet. Étienne Montéro et Quentin Van Enis180 expliquent que les prestataires intermédiaires

seraient sans doute moins enclin à développer des services si leur responsabilité risquait d'être

176 CA Paris, pôle 5, 4ème ch., 17 novembre 2010, RLDI 2010/66, n°2169177 TGI Paris, 3éme ch., , Syndicat français de la Literie c/ Google France178 Étienne MONTERO Quentin VAN ENIS, « Ménager la liberté d'expression au regard des mesures de filtrage

imposées aux intermédiaires de l'internet : la quadrature du cercle ? », RLDI, 2010, p. 61 s. 179 L'article 6.II.7 poursuit « le précédent alinéa est sans préjudice de toute activité de surveillance ciblée et temporaire

demandée par l'autorité judiciaire ».180 Étienne MONTERO Quentin VAN ENIS, idem.

45

engagée. Ils soulignent également « une volonté partagée par l'Europe communautaire et l'Europe

des droits de l'Homme de promouvoir, à travers le développement des technologies de l'information

et des réseaux de communication, la société de l'information, et plus largement, la liberté

d'expression ». Néanmoins, on peut craindre qu'un large allègement des responsabilités du moteur

de recherche finisse par limiter le développement, la création et l'innovation de personnes qui

craindraient d'être victimes de contrefaçons ; c'est pourquoi le législateur a tout de même fait peser

des obligations sur les hébergeurs.

B. L'obligation d'agir avec célérité.

47. En cas de signalement, les prestataires des services d'hébergement sont tenus d'agir

promptement pour retirer le contenu illicite ou bloquer l'accès à celui-ci. L'article 6.II.3 de la LCEN

dispose : « les personnes visées au 2 (les hébergeurs) ne peuvent voir leur responsabilité pénale

engagée à raison des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles

n'avaient pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites ou si, dès le

moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou

en rendre l'accès impossible ». L'article 6.I.5 de la LCEN prévoit que « la connaissance des faits

litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 (les hébergeurs) lorsqu'il leur est

notifié les éléments suivants :

la date de la notification ;

si le notifiant est une personne physique : ses nom, profession, domicile, nationalité, date et

lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son

siège social et l'organe qui la représente légalement ;

les nom et domicile du destinataire ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et

son siège social ;

la description des faits litigieux et leur localisation précise ;

les moteurs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions

légales et des justifications de faits ;

la copie de la correspondance adressée à l'auteur ou à l'éditeur des informations ou activités

litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification

de ce que l'auteur ou l'éditeur n'a pu être contacté ».

Nous l'avons noté précédemment, le titulaire de droits de propriété intellectuel devra, avant de saisir

l'hébergeur, se tourner vers le fournisseur de contenu, ou du moins essayer de le faire. Cette

46

exigence est légitime car l'hébergeur ne doit pas être en première ligne, le fournisseur de contenu

étant le responsable « naturel » de ce qu'il a mis en ligne181. Dans un arrêt « Joyeux Noël » du 17

février 2011182, la Cour de cassation a réaffirmé l'importance de la notification à l'hébergeur et

rappelé l'importance de son formalisme. Ainsi, elle retient que « la notification délivrée au visa de la

loi du 21 juin 2004 doit comporter l'ensemble des mentions prescrites par ce texte ; que la cour

d'appel, qui a constaté que les informations énoncées à la mise en demeure étaient insuffisantes au

sens de l'article 6-I-5 de cette loi à satisfaire l'obligation de décrire et de localiser les faits litigieux

mise à la charge du notifiant et que celui-ci n'avait pas joint à son envoi recommandé les constats

d'huissier qu'il avait fait établir et qui auraient permis à l'opérateur (en l'espèce, Dailymotion), de

disposer de tous les éléments nécessaires à l'identification du contenu incriminé, a pu en déduire,

sans encourir le grief du moyen, qu'aucun manquement à l'obligation de promptitude à retirer le

contenu illicite ou à en interdire l'accès ne pouvait être reproché à la société Dailymotion qui n'avait

eu connaissance effective du contenu litigieux qu'avec l'assignation à jour fixe ». Pourtant, en

l'espèce, la société Nord-Ouest films et la société UGC Images, qui avaient constaté que le film

« Joyeux Noël » sur lesquels elles étaient titulaires de droits était accessible en intégralité sur le site

d'hébergement, partage et de visionnage de vidéos en ligne Dailymotion, avaient adressé une lettre

de mise en demeure à la société Dailymotion183. La Cour de cassation a jugé que ce courrier ne

remplissait pas les « critères » de la notification.

48. Par ailleurs, si la notification emporte connaissance, elle n'emporte « aucune obligation pour

l'hébergeur qui peut très bien ne pas donner suite. Il ne s'agit pas [d'une] procédure de « notice and

take down » (notification et retrait) »184. Dans une ordonnance du 8 avril 2011185, le juge des référés

a rappelé à ce titre qu'il « n'appartient pas à l'hébergeur de se substituer au juge pour apprécier le

caractère illicite des faits si ceux-ci ne ressortent pas à l'évidence ». En outre, le Conseil

constitutionnel a estimé186 que la présomption de connaissance avait « pour seule portée d'écarter la

responsabilité civile et pénale des hébergeurs dans les deux hypothèses qu'ils envisagent ; que ces

dispositions ne sauraient avoir pour effet d'engager la responsabilité d'un hébergeur qui n'a pas retiré

une information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas manifestement un

tel caractère ou si son retrait n'a pas été ordonné par un juge ».

181 « La connaissance requise : une présomption légale », Droit du numérique, Lamy, 2013, n°2605 182 Cass. civ. 1ere, 17 février 2011, 09-67.896, RLDI 2011/69, n°2281. 183 C'est notamment cet arrêt de la Cour de cassation qui a reconnu pour la première fois à Dailymotion le statut

d'hébergeur. Sur cet arrêt, v. Marion BARBIER, « L'arrêt Joyeux Noël », RLDI, 2011, p. 71 s. 184 idem185 TGI Béziers, 8 avril 2011, RLDI 2011/72, n°2397, obs. Trézéguet. 186 Cons. Const, 10 juin 2004, n°2004-496 DC, JO 22 juin 2004, p. 1189, cons. N°9.

47

Aussi, l'appréciation du prompt retrait des contenus illicites dépend essentiellement des faits propres

à chaque espèce187. En effet, le texte ne prévoit pas expressément de délai. Si l'hébergeur n'a pas

procédé au retrait des contenus illicites dans un délai jugé satisfaisant par les juridictions saisies, sa

responsabilité peut être engagée sur le terrain du droit commun au fondement de l'article 1382 du

code civil.

49. L'hébergeur est-il également tenu d'empêcher toute nouvelle diffusion de contenu illicite sur son

site ? Dans un premier temps, la jurisprudence188 a considéré que l'hébergeur devait mettre en œuvre

tous les moyens nécessaires afin d'éviter la réapparition de contenu illicite. Elle évitait ainsi aux

titulaires de droits et ayants-droits de devoir assurer une veille constante afin de d'éviter que le

contenu illicite ne réapparaisse. Ainsi, dans trois arrêts rendus le 14 janvier 2011189 et un arrêt rendu

le 4 février 2011190, Google a été condamnée pour contrefaçon de droits d'auteurs au motif que le

moteur de recherche n'avait pas empêché la réapparition de contrefaçon dans ses résultats de

recherche et dans son service « Google vidéos ». Un des litiges opposait Google à un photographe.

Ce dernier était titulaire de droits sur une photographie du chanteur Patrick Bruel. Un internaute

avait téléchargé cette photographie, sans l'autorisation du photographe, sur l'un des blogs

d'Aufeminin.com. Cette photographie avait ensuite été référencée par « Google images ». Le

photographe avait obtenu en justice le déférencement de « Google images » de sa photographie en

2008. Or, il découvre quelques temps plus tard que la photographie est de nouveau référencée par

Google. Dans son jugement du 4 février 2011, la Cour d'appel de Paris juge que « dès lors que le

prestataire de service d'hébergement reçoit la notification de l’œuvre à laquelle il est porté atteinte

et des droits de propriété intellectuelle qui la protègent, il lui incombe de prendre les mesures

nécessaires pour en assurer le retrait et pour empêcher qu'elle soit à nouveau mise en ligne ». Les

arrêts du 14 janvier 2011 ont retenu la même solution191. Or, dans trois arrêts du 12 juillet 2012, la

première chambre civile de la Cour de cassation affirme l'inverse et refuse de faire peser sur le

moteur de recherche une telle obligation, qui reviendrait selon elle à faire peser sur lui in fine « une

obligation générale de surveillance ». Cette solution est reprise dans un arrêt de la Cour d'appel de

Paris du 21 juin 2013. Dans cet arrêt, la Cour relève qu'il résulte des articles 6.I.2, 6.I.5 et 6.I.7 de la

187 TGI Paris, 16 juin 2008, Paris promotion c/ JFG Networks et a.; TGI Toulouse, 13 mars 2008, Krim K. c/ Pierre G., Amen,

188 TGI Troyes, 4 juin 2008, RLDI 2008/39, n°1302 ; TGI Paris, 9 novembre 2007, RLDI 2007/33, n°115, obs. Saint-Martin A.; TGI Paris, 28 octobre 2006, PIBD 2006, n°838, III, p. 671; TGI Paris, 7 mars 2007, Sédo c/ Méridien, RLDI 2007/26, n°847, obs. Costes.

189 CA Paris, pôle 5, chambre 2, 14 janvier 2011, Google c/ Bac Films, The factory et Canal plus. 190 CA Paris, pôle 5, chambre 2, 4 février 2011, Google France et Google Inc., Aufeminin.com c/ H&K SARL André

Rau, n°09/21941. 191 Le litige opposait Google à des sociétés de production de films qui lui reprochaient la diffusion gratuite et dans

leur intégralité via Google Vidéos de leurs films, et cela même après qu'elles en aient demandé le retrait.

48

LCEN que « l'hébergeur n'est pas soumis à une obligation générale de surveillance et que le retrait

d'un contenu par un hébergeur, eût-il déjà fait l'objet d'une notification, ne peut intervenir sans

notification préalable ». Nous pouvons tirer deux constats de cette décision. D'une part, la

notification n'est pas une simple règle de preuve mais une condition de fond pour engager la

responsabilité de l'hébergeur. Julien Lacker explique, dans un article expliquant comment assigner

Google en contrefaçon192, que la notification est « un préalable nécessaire à la mise en jeu de la

responsabilité d'un prestataire technique de l'internet ». D'autre part, obliger l'hébergeur à mettre en

œuvre tous les moyens nécessaire afin d'éviter que le contenu illicite ne réapparaisse reviendrait à

faire peser sur lui une obligation générale de surveillance, ce qui irait à l'encontre de la volonté du

législateur193. Ainsi, comme le résume Anne-Sophie Lampe194, « les hébergeurs de contenus ont une

obligation de réaction et non d'action : ils doivent agir promptement quand ils savent ».

§2. L'exclusion d'une contrefaçon par complicité

Google a également échappé à toute condamnation pour « complicité de contrefaçon ». Les

juridictions ont en effet refusé d'étendre la protection conférée aux ayants-droits et titulaires de

droits d'auteurs et de marques par le droit de la propriété intellectuelle (A) en refusant de retenir la

complicité du moteur de recherche. Nous observerons quels sont les obstacles à la mise en jeu de la

responsabilité du moteur de recherche dans une seconde sous-partie (B).

A. Le refus des juridictions d'étendre la protection conférée aux titulaires de droits.

50. Pour bénéficier de la qualification d'hébergeur, et par conséquent du régime de responsabilité

favorable s'y afférant, le moteur de recherche doit assurer le stockage d'informations mises en ligne

par des tiers et se contenter d'assurer un rôle strictement technique et neutre. Aussi, il doit s'abstenir

de toute intervention ou choix éditorial sur les contenus mis en ligne. Dans un arrêt du 11 décembre

2013195, la Cour d'appel de Paris a jugé que « la seule circonstance que le service de référencement

soit payant, le fait que la société Google fixe les modalités de rémunération, donne des

renseignements d’ordre général à ses clients ne sauraient avoir pour conséquence de priver cette

société des dérogations en matière de responsabilité prévues par la directive n° 2000/31/CE ; la

192 Julien LACKER, « Assigner Google en dix leçons : la Cour d'appel de Paris explique l'arrêt Adwords de la CJUE », RLDI, 2011, p. 68 et s.

193 En effet, l'article 6.I.7 de la LCEN exclut toute obligation de surveillance générale pour l'hébergeur. 194 Anne-Sophie LAMPE, « La protection d’œuvre illicitement partagée sur les sites communautaires du Web 2.0 »,

RLDI, 2007, p.32 et s. 195 CA Paris, pôle 2, ch. 7, 11 décembre 2013, Sté Google Ireland et a. c/ Olivier M., n°12/09071.

49

concordance entre le mot clé sélectionné et le terme de recherche introduit par un internaute ne

suffit pas en soi pour considérer que la société Google a une connaissance ou un contrôle des

données introduites dans son système par les annonceurs et mises en mémoire sur son serveur ; est

en revanche pertinent le rôle que jouerait Google dans la rédaction du message commercial

accompagnant le lien promotionnel ou dans l’établissement ou sélection des mots clés». Une fois

encore, le litige concernait le service « Adwords ». Elle rend également un arrêt dans le même sens

le 9 avril 2014196. Ces décisions illustrent bien l'absence de volonté des juridictions d'étendre la

protection conférée aux titulaires de droits de propriété intellectuelle. Pourtant, la Cour de justice de

l'Union européenne avait fixé aux points 116, 117 et 118 de son arrêt une sorte de « grille de

lecture » à destination des juges nationaux afin de guider leurs analyses du comportement de

Google. Cette « grille » aurait très bien pu être interprétée dans un sens favorable aux titulaires de

droits. Pourtant, les juridictions s'abstiennent de reconnaître, alors que la rémunération est pourtant

un élément révélateur de la non-passivité de Google, un quelconque comportement actif.

51. Par ailleurs, selon Nathalie Blanc, dans la mesure où les prestataires techniques tirent un profit

économique des actes de contrefaçon réalisés, il aurait été concevable de les soumettre à un régime

de responsabilité rigoureux en cas de contrefaçon. On aurait été proche « d'une responsabilité du

fait d'autrui fondée sur le risque-profit »197. Pourtant, une telle mise en jeu de la responsabilité des

moteurs de recherche n'a pas été retenue par le législateur. On perçoit, là encore, la clémence de ce

dernier envers les moteurs de recherche.

En outre, il est clair que les titulaires de droits de propriété intellectuelle auraient été plus

avantagées s'ils avaient pu assigner directement les moteurs de recherche. En effet, il est plus simple

d'assigner Google que les annonceurs, qui sont moins facilement identifiables, plus nombreux et

moins solvables. Les premières affaires s'étaient d'ailleurs fondées sur la théorie du risque-profit

pour condamner les hébergeurs198. Or, le législateur est intervenu, « dans un souci d'encourager le

développement électronique », et a opté pour un régime de responsabilité plus favorable autonome

du droit commun. La LCEN impose toutefois à son article 6.II.1 une obligation d'identification et de

conservation des données permettant l'identification des personnes contribuant à la création d'un

contenu. Toutefois, l'obtention de ces données requiert d'obtenir du juge judiciaire saisi sur requête

196 CA Paris, pôle 5, ch. 1, 9 avril 2014, Google France, Inc. et Ireland c/ Voyageurs du monde, Terres d'aventures, n°13/05025.

197 Nathalie BLANC, « Les sanctions en droit de la propriété intellectuelle. L'exemple de la contrefaçon : clair-obscur dans le droit des sanctions », in Les sanctions en droit contemporain : volume 1, La sanction entre technique et politique, sous la direction de Dominique FENOUILLET et Cécile CHAINAIS, D., 2012, p. 311

198 Céline CASTETS-RENARD, « Le renouveau de la responsabilité délictuelle des intermédiaires de l'internet », Recueil Dalloz, 2012, p. 827 s.

50

la levée d'anonymat et la transmission par l'hébergeur du contenu litigieux des éléments

d'identification.

52. Demeure pour les titulaires de droits de propriété intellectuelle la possibilité offerte par l'article

L. 336-2 du Code de la propriété intellectuelle. Cet article, modifié par la loi du 12 juin 2009

favorisant la diffusion et la protection de la création sur l'internet dispose : « En présence d'une

atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d'un service de

communication au public en ligne, le tribunal de grande instance, statuant le cas échéant en la forme

des référés, peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés, de

leurs ayants-droits, des sociétés de perception et de répartition des droits visées à l'article L. 321-1

ou des organismes de défense professionnelle visés à l'article L. 331-1, toutes mesures propres à

prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin, à l'encontre de

toute personne susceptible de contribuer à y remédier ». Ce texte est censé permettre aux titulaires

de droits de demander au juge toute mesure nécessaire à faire cesser une contrefaçon constatée sur

internet. Dans l'arrêt opposant la SNEP à Google dans le cadre de son outil « Google Suggest »

précité199, la Cour de cassation fait application de cet article. En l'espèce, la SNEP s'était fondée sur

l'article L. 336-2 pour demander la suppression des suggestions litigieuses. La Cour a retenu que

« ce service offrait les moyens de porter atteinte aux droits des auteurs ou aux droits voisins ». On

peut s'interroger, l'article L. 336-2 permet-il, à la lecture de cet arrêt, d'imposer un filtrage aux

moteurs de recherche ? Si tel était le cas, les titulaires de droits de propriété intellectuelle

disposeraient enfin d'une solution efficace pour prévenir ou remédier à toute atteinte de leurs droits

et pourraient lutter ainsi contre la contrefaçon de leurs biens.

B. Les obstacles à une mise en jeu de la responsabilité du moteur de recherche.

53. Nous l'avons noté précédemment, il n'existe pas en droit des marques de complicité de

contrefaçon, équivalent à l'article L. 613-4 du Code de la propriété intellectuelle en matière de

brevets. Il existe également d'autres obstacles à la mise en jeu de la responsabilité des moteurs de

recherche. En effet, en matière de marques, certaines décisions reprennent les critères dégagés par la

Cour de justice de l'Union européenne et ne retiennent l'existence d'une contrefaçon qu'après avoir

caractérisé un usage dans la vie des affaires. Dans une affaire opposant la marque H&M et YouTube

et Google, le TGI de Paris a, dans une ordonnance du 4 avril 2013200, a écarté la contrefaçon au

199 V. supra, n°10200 TGI Paris, 4 avril 2013, SAS H&M Hennes & Mauritz Logistics GBC France, H&M c/ Google, YouTube.

n°13/52578.

51

motif que « le signe reproduit sur leurs sites internet ne vise pas plus à désigner qu'à promouvoir un

produit qui serait offert à la vente, mais seulement à informer l'internaute du comportement éventuel

de la société titulaire de la marque en question, de sorte qu'il n'a pas pour but de renseigner le

consommateur sur la nature ou l'origine d'un produit et n'est nullement utilisé dans la vie des

affaires ». Or, nous avons vu que l'usage « dans la vie des affaires » des marques par Adwords

n'avait pas été retenu par la CJUE. À titre de comparaison, les tribunaux américains semblent

également partagés sur la notion d'usage dans le commerce de la marque d'un tiers en ce qui

concerne les liens sponsorisés. En 2003, la société American Blind & Wallpaper Factory a constaté

l'affichage de liens publicitaires d'entreprises concurrentes lorsque le nom de plusieurs de ses

marques étaient saisies sur le moteur de recherche. Elle a donc engagé une action en « déclaration

de non-contrefaçon » contre Google. Au terme de quatre années de procédure, les deux sociétés ont

fini par trouver un accord transactionnel. Dans une affaire opposant une société immobilière Edina

Realty à Google, le Tribunal du Minnesota a considéré, par une première opinion du 20 mars 2006,

que l'achat de mots-clés constituait « un usage dans le commerce » au sens du droit américain. À

l'inverse, dans une autre affaire opposant la société Merck à Google, le juge n'a pas considéré que

l'acte de réservation du mot clé remplissait la condition d'usage de le commerce au motif que l'achat

de mots-clés n'est pas un acte visible par le consommateur. Cette jurisprudence est ensuite

confirmée par une juridiction new-yorkaise le 30 septembre 2007201, le juge considérant que l'achat

de liens commerciaux ne constitue pas un usage commercial de la marque au sens de la loi

américaine sur les marques. Pourtant, l'année suivante, une Cour du Kentucky202 va considérer que

l'achat de mots-clés constituait bel et bien un usage de marque dans le commerce. Les juridictions

américaines semblent partagées sur l'interprétation de la notion d'usage dans le commerce. C'est

pourquoi une partie de plus en plus importante de la doctrine américaine est favorable à une réforme

du Lanham Act, un texte qui date de 1946, pour clarifier la notion d'usage commercial de la marque

d'autrui203. Un tel éclaircissement législatif serait également le bienvenu pour les juridictions

françaises.

54. Par ailleurs, le juge sanctionne les dispositifs de responsabilité contraires aux libertés

fondamentales des intermédiaires techniques de l'internet204. Dans son arrêt Sabam du 24 novembre

2011205, la Cour de justice précise les conditions du filtrage de contenu contrefaisant sur les réseaux

201 30 septembre 2007, S & L Vitamins c/ Australian Gold202 31 janvier 2008, TDI c/ Golf Preservations Inc203 Droit des Médias et de la communication, Lamy, n°473-40 « États-Unis ». 204 Céline CASTETS-RENARD, « Le renouveau de la responsabilité délictuelle des intermédiaires de l'internet »,

Recueil Dalloz, 2012, p. 827 s. 205 CJUE, 24 novembre 2011, Sabam, aff. C-70/10, D. 2011. 2925, obs. C. Manara; RLDI 2012/79, note C. Castets-

52

de peer-to-peer. Le peer-to-peer permet à des ordinateurs connectés d'envoyer et de recevoir des

fichiers. Dans sa décision, la Cour reconnaît que « si la protection du droit de propriété intellectuelle

est consacrée à l'article 17, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7

décembre 2000, il ne ressort nullement de cette disposition, ni même de la jurisprudence de la Cour,

qu'un tel droit serait intangible et que sa protection devrait être assurée de manière absolue »206. En

effet, dans son arrêt Promusicae du 29 janvier 2008207, elle affirme que « la protection du droit

fondamental de propriété doit être mise en balance avec celle d'autres droits fondamentaux ». Les

mesures prévues par le législateur ne doivent être ni disproportionnées ni porter atteinte à l'absence

d'obligation générale de surveillance des hébergeurs. Difficile dans ces conditions de faire jouer la

responsabilité des moteurs de recherche.

Renard.206 Céline CASTETS-RENARD, idem. 207 CJCE, 29 janvier 2008, Promusicae, aff. C-275/06, Rec. CJCE p. I-271; D. 2008. 480, obs. J. Daleau ; RTD com.

2008. 302, obs. F. Pollaud-Dulian; RTD eur. 2008. 405, chron. J. Schmidt-Szalewski

53

Section 2. Le rôle des moteurs de recherche dans la lutte contre la

contrefaçon

Selon Laure Marino208, le régime de responsabilité aménagé au profit des intermédiaires de l'internet

par la LCEN et la directive « commerce électronique » a été instauré afin d'encourager la croissance

des services de la « société de l'information ». L'objectif serait économique, il s'agit de « garantir la

libre circulation ». L'équilibre entre ces intérêts économiques et la liberté de communication d'une

part et la protection de la propriété intellectuelle d'autre part a été trouvé au détriment des titulaires

de droits (§1). La lutte contre la contrefaçon sur l'internet doit nécessairement passer par une

responsabilisation des intermédiaires techniques, et plus spécialement des moteurs de recherche

(§2).

§1. Entre liberté de communication et protection de la propriété

intellectuelle: un équilibre trouvé au détriment des titulaires de droits

L'état actuel du droit est très défavorable pour les victimes de contrefaçon. Nous l'avons noté

précédemment, les moteurs de recherche bénéficient généralement du statut favorable d'hébergeur

qui écarte leur responsabilité sauf en cas de fautes spécifiquement édictées par la LCEN. Les voies

d'actions offertes aux victimes de contrefaçon présentent des limites, c'est notamment le cas de

l'action en responsabilité civile (A). De plus, le législateur et les juridictions envisagent une

approche casuistique de la lutte contre la contrefaçon sur l'internet (B). Cette approche est

insuffisante et mal adaptée si on souhaite effectivement garantir le droit de la propriété intellectuelle

et lutter avec succès contre la contrefaçon qui est un phénomène de masse.

A. Voies d'actions offertes aux victimes de contrefaçon: exemple et limites de la

responsabilité civile.

55. Il existe, pour les titulaires de droits de propriété intellectuelle victimes de contrefaçon, deux

solutions pour engager la responsabilité du moteur de recherche. La première, désormais

difficilement envisageable aux vues de ce que nous avons vu précédemment, est de démontrer que

le moteur de recherche n'est pas un hébergeur. Pour cela, il faudrait prouver le rôle actif209 de ce

208 Laure MARINO, « Google Adwords et l'entêtante question du rôle actif », Gaz. Pal., 18 juillet 2013, n°199, p.12. 209 Par exemple, un reformatage vidéo, un ajout de logo sur les images, une annonce publicitaire rédigée intégralement

par le moteur de recherche, etc.

54

dernier, bien que, comme nous l'avons vu, la jurisprudence a tendance a admettre de façon assez

large le rôle passif du moteur de recherche. La deuxième solution serait de vérifier les conditions

pour écarter le régime dérogatoire de responsabilité des hébergeurs. Pour cela, il faut que

l'hébergeur, bien qu'il ait eu la capacité d'intervenir et qu'il ait été informé du caractère illicite du

contenu qu'il stocke, n'ait pas agi dans un délai prompt. Il appartiendra alors au juge d'apprécier

selon les circonstances de l'espèce si les conditions sont réunies pour écarter le régime favorable de

la LCEN.

56. Si tel est le cas, la responsabilité du moteur de recherche peut être retenue, notamment sur le

fondement de l'article 1382 du code civil. Celui-ci dispose : « tout fait quelconque de l'homme, qui

cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Dans une

ordonnance du 12 juillet 2006210 précitée, les juges ont estimé qu'en négligeant de vérifier « après le

choix par l'annonceur d'un mot-clé constituant une marque ou une dénomination sociale ou un nom

de domaine que cette utilisation est licite tant au regard du droit des marques qu'au regard des règles

de loyauté du commerce » le moteur de recherche avait commis une faute engageant sa

responsabilité. La responsabilité délictuelle permet à la victime de contrefaçon d'obtenir réparation

du préjudice qu'elle a subit. Néanmoins, elle pose certaines difficultés pratiques.

57. Comme le rappelle François Grua211, « selon les canons traditionnels et individualistes, on ne

répond pas du fait des autres, excepté parfois celui des enfants, des préposés ou de certaines

personnes dont on a la charge. Voilà qui paraît faire obstacle au départ à ce qu'on impute à celui qui

en a fourni le moyen le préjudice causé par celui qui l'a utilisé ». Pourtant, il reste néanmoins

possible, à certaines conditions, de sanctionner sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code

civil celui qui a fourni à autrui le moyen de causer un dommage. Cependant, il faut pour cela que

« la fourniture du moyen constitue en soi une faute » et que cette éventuelle faute soit « en rapport

direct de causalité avec le préjudice ». Ce dernier élément ne fait pas de doute dans le cas d'

« Adwords » ; c'est bien la possibilité de référencer une annonce vers des produits contrefaits qui

cause le préjudice des titulaires de droits de marque. La question clé est de savoir si le fait de

permettre de référencer un tel contenu constitue une faute. Les juridictions semblent estimer que

non. Ce postulat peut se comprendre ainsi : Google offre seulement la possibilité de référencer une

annonce, c'est l'usage que les annonceurs font de ce référencement qui est fautif. Cette logique

s'était retrouvée également dans l'arrêt concernant « Google images » précité. La Cour d'appel avait

210 TGI Paris, 3ème ch., 12 juillet 2006, GIGAM c/ Google France, RLDI 2006/20, n°605, obs. Tardieu-Guigues E. 211 François GRUA, « La responsabilité civile de celui qui fournit le moyen de causer un dommage », RTD civ. 1994,

p. 1 s.

55

retenu que c'est l'usage que font les internautes des images et photos des titulaires de droits qui est

fautif212.

58. Dans un arrêt du 25 septembre 2012, la Cour de cassation a fait une application classique de la

jurisprudence communautaire en matière de marques. En l'espèce, le litige concernait le service

Adwords. Tirant le constat de la décision la CJUE qui avait retenu que Google ne faisait pas d'usage

« dans la vie des affaires » des marques utilisées comme mots-clés par Adwords, le titulaire des

marques qui avait vu sa marque réservée comme mot-clé par son concurrent avait engagé contre lui

une action en contrefaçon sur le fondement de l'article L. 713-2 du code de la propriété

intellectuelle, et contre le moteur de recherche sur le fondement de l'article 1382 du code civil. Dans

cet arrêt, la Cour de cassation a analysé un des critères de la contrefaçon retenus par la

jurisprudence communautaire : l'atteinte à la fonction d'indication d'origine de la marque. En

l'espèce, elle retient que les annonces étaient classées sous la rubrique « liens commerciaux » et

s'affichaient sur une colonne nettement séparée de celle afférentes aux résultats naturels de la

recherche effectuée avec ces mots-clés sur le moteur de recherche Google. Ainsi, elles se limitent à

désigner les produits promus sans viser la marque objet de la recherche et ne créent aucune

ambiguïté entre celle-ci et les produits faisant l'objet de la publicité, de telle sorte qu'un internaute

« moyen » savait que le lien publicitaire ne concernait pas les produits de la marque recherchée sur

Google. En l'absence d'atteinte à la fonction essentielle de la marque, la Cour de cassation a rejeté le

pourvoi et ne retient aucun acte de contrefaçon à l'égard de l'annonceur. L'action contre Google

dépendant de la qualification des actes reprochés à l'annonceur, sa responsabilité délictuelle est de

fait écartée. Selon Maxime de Guillenchmidt213, « les juridictions considèrent désormais que le

positionnement et la présentation des liens commerciaux Google sont suffisamment explicites pour

que l'internaute usager sache qu'il s'agit de publicité payée par l'annonceur ». Partant de ce postulat,

on peut imaginer que les victimes de contrefaçon rencontreront des difficultés même pour engager

la responsabilité des annonceurs (!), et par extension, celle des moteurs de recherche.

B. Une approche casuistique de la lutte contre la contrefaçon.

59. La CJUE et la Cour de cassation ont refusé de consacré la responsabilité du moteur de

recherche. Pour des raisons techniques, cette décision se comprend. Néanmoins, elle revient à

handicaper lourdement les victimes de contrefaçon. En effet, elle débouche sur une approche

212 CA Paris, pôle 5, chambre 1, 26 janvier 2011, SAIF c/ Google, RG n°08/13423.213 Maxime de GUILLENCHMIDT, « Lutte contre l'utilisation d'une marque comme mot-clé Adwords : nombreux

fondements, peu de succès, RLDI, 2013, p. 92 et s.

56

casuistique de la lutte contre la contrefaçon dans laquelle les titulaires de droits de marques ou de

droits d'auteurs se retrouvent fortement lésés. Contrairement au système juridique américain qui

permet l'octroi de dommages et intérêts punitifs, le droit français applique le principe de la

réparation intégrale et exclut toute sanction de profit. Ainsi, à chaque atteinte à leurs droits, les

victimes de contrefaçon doivent agir à nouveau. Cela entraîne des coûts financiers considérables et

les délais sont relativement longs. De plus, aux vues de la jurisprudence actuelle de la Cour de

cassation, ils ne sont pas toujours sûrs d'être entendu. Engager la responsabilité d'un moteur de

recherche est une tâche ardue. En outre, les rapports sont déséquilibrés. La presse a souvent parlé de

« combat de David contre Goliath » pour illustrer le combat qui oppose les titulaires de droits

d'auteurs ou de droits de marques aux géants comme le moteur de recherche Google.

60. L'absence d'action de groupe ou class action est également un obstacle à la lutte contre la

contrefaçon. Aux États-Unis, de nombreuses class action ont permis à des titulaires de droits lésés

d'obtenir une indemnisation financière de la part de Google. Le fait de s'allier permet aux victimes

de contrefaçon de « peser » face au moteur de recherche, de simplifier la procédure et de diminuer

les frais de justice. L'action de groupe permettrait également d'influer les décisions des moteurs de

recherche. On peut facilement imaginer que de lourdes condamnations inciteraient Google, par

exemple, à revoir sa politique en matière de droits d'auteurs.

§2. La responsabilisation des moteurs de recherche

Le législateur semble s'être saisi des difficultés que rencontrent les victimes de contrefaçon sur

l'internet. En conséquence, il est en quête de solutions (A) et suite à des travaux des propositions

sont actuellement formulés afin de repenser la lutte contre la contrefaçon en ligne. Les acteurs de

l'internet, dont les moteurs de recherche, ont également pris des initiatives remarquables afin de

permettre également de protéger les titulaires de droits (B).

A. Le législateur en quête de solutions.

61. Nous l'avons noté précédemment, dans le cadre de leur activité « classique », il ne fait pas de

doute que les moteurs de recherche sont des hébergeurs au sens de la LCEN. Pourtant, même dans

les résultats de recherche dits « naturels », des sites proposant des contrefaçons sont recensés. Les

contrefacteurs incluent pour cela le nom de la marque visée dans les noms de domaine qu'ils

57

utilisent pour leurs sites. Ainsi, ils parviennent à se positionner dans les premiers résultats des

moteurs de recherche. Cette pratique s'appelle le « black hat SEO ». Le site KeepAlert214 illustre le

phénomène dans son article « les boutiques de contrefaçon en première page de Google »215 ;

lorsqu'on saisit la requête « Louboutin » sur le moteur de recherche Google France, parmi les dix

premiers résultats, sept boutiques contrefaisantes sont référencées. Le site explique que les

contrefacteurs ont rapidement appréhendé les algorithmes des moteurs de recherche pour bénéficier

d'une audience maximale. Par ailleurs, ces sites sont « esthétiquement aboutis » et utilisent des

images des produits souvent extraites directement des sites officiels (!), ce qui peut avoir pour

conséquence de tromper l'internaute moyen sur l'origine des produits. Ainsi, le livre blanc sur le

cybersquatting publié par KeepAlert216 a révélé que 59% des noms de domaine litigieux contiennent

la marque visée.

62. La contrefaçon se retrouve donc très largement sur l'internet. Lutter contre ce phénomène est

complexe, de nombreuses pistes sont envisagées par la doctrine et le législateur afin de garantir les

droits de propriété intellectuelle sur les moteurs de recherche. Parmi celles-ci, la constitution d'une

base de données permettrait de donner des informations sur la titularité des œuvres et des chaînes de

droits. Une telle base de données permettrait aux prestataires techniques de gérer mécaniquement

les problèmes et de garantir aux ayants-droits que leurs contenus ne seront pas mis en ligne

illégalement. Cependant, la question se pose : « faut-il passer par la loi pour imposer cette

obligation aux prestataires ou peut-on imaginer que la voie contractuelle (par l'intermédiaire d'une

charte par exemple) soit suffisante ? »217. La deuxième solution a pour défaut son caractère non-

contraignant, une intervention du législateur serait donc préférable. Aussi, cela reviendrait à faire

peser, en quelque sorte, une obligation générale de surveillance sur le moteur de recherche (qui

devrait consulter . Or, nous avons vu dans les précédents développements que le législateur avait

exclu une telle obligation. Une révision de la LCEN et de la directive de 2000 sera donc nécessaire.

63. Autre idée évoquée, la labellisation consiste à « accorder une priorité aux contenus licites dans

les résultats de référencement sans que les services de référencement n'aient à sacrifier leur idéal de

neutralité ». Ainsi, le référenceur pourrait prévoir sur sa page de résultat un espèce dédié à l'offre

labellisé. Dans ce sens, Google a pris l'initiative de proposer, avec le site « Music search », un

214 Site spécialisé dans la détection de cybersquatting de noms de domaine et de contrefaçons sur Internet. 215 Disponible en ligne. URL : http://www.keepalert.fr/contrefacon-internet-mode-luxe-black-hat-seo/, consulté le 10

mai 2014. 216 Disponible en ligne. URL : http://www.keepalert.fr/livre-blanc-cybersquatting-2011/, consulté le 10 mai 2014. 217 « Étude 472 : La responsabilité des moteurs de recherche : l'exemple de la propriété littéraire et artistique » Lamy

Droit des Médias et de la communication, 2013.

58

bouton « download » d'un site légal. Cette solution résulte d'accords entre Google et l'industrie

musicale d'une part, et Google et les plate-formes de téléchargement en ligne d'autre part. Ces

services permettent de mettre en avant l'offre légale. Or, la labellisation pose des problèmes

pratiques. En effet, « cette logique est difficilement transposable au territoire européen sauf à créer

une instance communautaire spécialement dédiée à ces questions, il n’est pas exclut que cette

solution se heurte aux difficultés connues par le passé par la HADOPI : une autorité indépendante

ne peut se passer de l’accord du juge pour priver une personne physique ou morale de ses libertés

individuelles (qu’il s’agisse de la liberté d’expression ou encore de la liberté du commerce et de

l’industrie). En d’autres termes, une autorité administrative indépendante n’a pas le pouvoir de faire

la balance entre les différents droits fondamentaux. En outre, la labellisation reviendrait à se placer

dans une situation contraire à la convention de Berne selon laquelle la protection des œuvres de

l’esprit n’est soumise à aucune formalité pour obtenir protection au titre du droit d’auteur. Or, il est

à craindre que l’ayant droit ne faisant pas l’effort de la labellisation réduise son droit à néant pour

les exploitations réalisées sur la toile »218. Par ailleurs, la labellisation nécessite un réel effort

d'information et de sensibilisation des internautes à l'égard de la contrefaçon. À cette fin, la

résolution du Conseil du 25 septembre 2008 sur un plan européen global de lutte contre la

contrefaçon et le piratage219 a invité la Commission européenne a élaborer des actions de

sensibilisation en vue d'informer les consommateurs des dangers de la contrefaçon, y compris par

l'élaboration de guides opérationnels et l'organisation d'événements déployés lors d'une journée

européenne de sensibilisation aux dangers de la contrefaçon et du piratage. Cependant, une lutte

efficace contre la contrefaçon requiert l'implication des moteurs de recherche. Dans une réponse

ministérielle du 27 août 2013, le ministère de la Culture et de la Communication a précisé que la

lutte contre la contrefaçon sur l'internet devait se faire avec la participation active des intermédiaires

techniques220. En outre, afin d'assurer une juste rémunération des ayants-droits tout en garantissant

la sécurité juridique des moteurs de recherche, le sénateur Philippe Marini a présenté, le 8 avril

2014, une proposition de loi « instaurant la gestion collective des droits de reproduction et de

représentation d'une œuvre d'art graphique, plastique ou photographique par un service de moteur

de recherche et de référencement ». Cette proposition vise à instaurer un système de cession

obligatoire au profit de sociétés agréées chargées de conclure des conventions avec les moteurs de

recherche, ce qui permettrait la reproduction et la représentation d’œuvres moyennant la perception

d'une rémunération.

218 Idem219 Journal officiel C 253 du 4 octobre 2008220 Bien que le rapport Lescure dit « Acte II de l'exception culturelle » préconise d'impliquer les intermédiaires

techniques et financiers de l'internet, il ne va pas jusqu'à redéfinir les règles de responsabilité de la LCEN.

59

B. Les initiatives des acteurs de l'internet.

64. Les acteurs de l'internet ont également pris des initiatives en faveur des titulaires de droit. Ces

initiatives sont de deux sortes ; il y a d'une part les accords conclus avec ces derniers, et d'autre part

les outils mis en place pour lutter contre la contrefaçon. De nombreuses conventions ont été

conclues entre Google et des titulaires de droits d'auteurs et d'éditeurs dans différents pays. À titre

d'exemple, un accord cadre a été signé le 25 mai 2012 entre Google, le Syndicat national et l'édition

(SNE) et la Société des gens de lettres (SGDL) sur la numérisation et la commercialisation des

livres épuisés, qui ne sont plus commercialisés sous forme imprimée mais qui ne sont pas pour

autant tombés dans le domaine public. Il s'agit d'un accord dit « opt in » qui nécessite le

consentement et l'engagement volontaire et positif des titulaires de droits d'auteurs ou d'éditeurs. Le

SNE représente plus de 600 éditeurs. Antoine Gallimard, président du SNE, a commenté cet accord

et considère que les éditeurs ont réussi avec Google « à transformer un contentieux en une action

positive »221. Désormais, Google établi une liste avec chaque éditeur afin de recenser les livres dont

il détient les droits et vérifie qu'ils ne sont plus disponibles à la vente. Les éditeurs peuvent

également obtenir le retrait d'un ouvrage déjà numérisé des serveurs de Google. Le choix des

extraits indexés par le moteur de recherche est également laissé à la discrétion de l'éditeur. En vertu

de l'accord cadre, il appartient à chaque maison d'édition qui y adhère de négocier librement avec

Google les modalités commerciales concernant son propre fonds de livres épuisés. La moitié des

recettes des ventes est reversée aux éditeurs. En contrepartie, Google a obtenu que les ouvrages

épuisés sur lesquels portent les accords ne puissent être également commercialisés sur les plate-

formes d'Apple et d'Amazon, concurrents directs de la librairie en ligne « Google Play Livres »

ouverte en français en juillet 2012. La SGDL quant à elle représente près de 6000 auteurs. Dans

l'accord, Google s'engage à financer le développement du fichier SGDL des auteurs de l'écrit et de

leurs ayants-droits. Elle finance aussi le projet lancé par la SNE destiné à promouvoir la lecture

auprès du jeune public. D'autres maisons d'édition telles que Hachette et la Martinière avaient déjà

trouvé des accords avec Google. Dans ce sens, le 17 août 2011, YouTube a annoncé sur son blog

officiel un accord avec les ayants droit associés à la National Music Publishers Association

(NMPA) afin d'établir une meilleur gestion de leurs chansons. Google a modifié, début 2014, la

politique de droits d'auteur de YouTube. Ainsi, toutes les vidéos ne disposant pas de l'autorisation

des ayants-droits sont susceptibles d'être supprimées par le site. Grâce à un nouveau logiciel de

221 URL : http://www.la-rem.eu/2012/09/22/marche-du-livre-numerique-les-editeurs-signent-avec-google/, consulté le 15 mai 2014.

60

filtrage nommé « YouTube Video Identification Beta », la plate-forme de vidéos peut gérer plus

facilement le contenu qu'elle héberge. En effet, ce logiciel permet entre autres de déterminer si une

vidéo est protégée par des droits d'auteur, et de bloquer toute copie d'une vidéo déjà supprimée pour

cause de copyrights.

65. Aussi, Google a décidé en 2012 de prendre en compte, dans son référencement des sites web, le

nombre de notifications de contenus illicites envoyées par les ayants-droits. Ainsi, en plus des

nombreux critères techniques et éditoriaux qui composent son algorithme de recherche (liens

entrants et sortants, trafic associé à la page, nom de domaine...), le moteur de recherche fait

intervenir un critère juridique : la protection des droits de propriété intellectuelle222. Ce nouveau

critère a pour conséquence de déclasser à la fin de la liste de résultats les sites web pour lesquels

elle reçoit un nombre important de demandes de retrait de contenu pour violation du droit d'auteur.

D'ailleurs, Google déclare avoir reçu plus de 4 millions de notifications de contenus illicites sur le

seul mois de juillet. Ce critère a également pour conséquence de faire « remonter » en tête de liste

des résultats de recherche les sites des plate-formes légales, ce qui permet aux internautes de trouver

des sources sûres de contenu légaux. Dans ce sens, les lois américaines SOPA (Stop Online Piracy

Act) et PIPA (Project IP Act) envisagent également la lutte contre la contrefaçon à travers le

déférencement des moteurs de recherche des sites de piratage et de téléchargement illégal de films

et musiques.

66. Toujours afin de lutter contre la contrefaçon, Google a annoncé avoir fermé près de 50 000

comptes Adwords faisant la publicité de produits contrefaits au deuxième semestre 2010223. En

outre, le moteur de recherche s'engage à retirer dans un délai de 24 heures toute publicité ou lien

promotionnel vers un site frauduleux dès lors que les titulaires de marques lui auront envoyé une

notification. Un « help center » a également été créé afin de permettre aux titulaires de marques de

faire remonté les sites frauduleux qu'elles ont détectés. Antoine Aubert, responsable des relations

institutionnelles pour Google à Bruxelles a déclaré : « Les titulaires de marques sont les mieux

placés pour identifier les sites vendant des produits contrefaits. Notre but est de renforcer la

coopération avec les marques pour améliorer le système de notification et de retrait, et gagner en

efficacité ». Il poursuit « C'est très important pour les marques. Mais c'est aussi très important pour

les consommateurs qui seront ainsi protégés contre l'achat de produits de mauvaise qualité voire

222 URL : http://www.network.lexing.eu/google-et-la-lutte-contre-la-contrefacon/?lang=es#.U3suANJ_sb0, consulté le 15 mai 2014.

223 Marie-Cécile RENAULT, « Marques : Google part en guerre contre la contrefaçon », 14 mars 2011, LeFigaro.fr, URL : http://www.lefigaro.fr/medias/2011/03/14/04002-20110314-ARTFIG00690-marques-google-part-en-guerre-contre-la-contrefacon.php, consulté le 15 mai 2014.

61

dangereux ». Il y a fort à parier que Google a décidé de s'associer aux titulaires de droits de

propriété intellectuelle dans leur lutte contre la contrefaçon à la fois pour des raisons de stratégie

commerciale mais également pour éviter le contentieux et, peut être, empêcher le législateur de se

pencher sur son régime légal de responsabilité. En effet, Google souligne avoir investi 60 millions

de dollars en un an pour faire respecter les bonnes pratiques sur l'internet224.

224 Idem

62

CONCLUSION

67. Il ressort de cette étude que l'état actuel du droit demeure peu favorable pour les titulaires de

droits de propriété intellectuelle face à la contrefaçon en ligne. Les moteurs de recherche font l'objet

d'un régime très, voire trop favorable qui vient compliquer lourdement la tâche des victimes de

contrefaçon qui souhaitent engager leurs responsabilités. Ainsi, la défense des droits d'auteurs,

d'éditeurs ou encore de marques sur l'internet semble être délaissée au profit d'un allègement des

obligations et des sanctions des prestataires techniques de l'internet. Cet allègement a néanmoins

porter ses fruits, les moteurs de recherche ont largement contribué au développement du commerce

électronique lors de la dernière décennie. De même, les activités des moteurs de recherche se sont

diversifiées, il est désormais possible aujourd'hui, en quelques secondes, de trouver un site, un film,

un ouvrage, une photographie ou une chanson. Nous sommes aujourd'hui bien loin du simple

annuaire de sites.

68. Malheureusement, cet allègement a aussi pour conséquence de porter lourdement atteinte à la

propriété intellectuelle. Bien que l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen

de 1789 et le protocole n°1 de la Convention européenne des droits de l'homme consacrent le droit à

la propriété, il semble que ce droit fondamental ne soit pas aussi bien protégé en ligne qu'il ne l'est

couramment.

69. Par conséquent, il serait nécessaire de revenir sur le régime de la directive 2000/31/CE sur le

commerce électronique afin de réviser le régime de responsabilité du moteur de recherche. Il serait

notamment judicieux de revenir sur l'absence d'obligation générale de surveillance ; ainsi, les

moteurs de recherche, une fois informé du caractère illégal d'un contenu, pourraient veiller à ce que

le dit-contenu ne soit plus référencé. Il serait également intéressant d'alléger la procédure de

notification aux moteurs de recherche, notamment en créant un dispositif d'information centralisé

qui permettrait aux titulaires de droits, par le biais d'un formulaire simplifié, de faire cesser les

atteintes constatées. Bien que l'article L.336-2 du Code de la propriété intellectuelle introduit par la

loi HADOPI du 9 juin 2009 aille dans ce sens, la procédure judiciaire reste longue et coûteuse pour

les victimes de contrefaçons.

70. En attendant, les titulaires de droits de propriété intellectuelle semblent s'être organisés afin

d'associer leurs efforts dans la lutte contre la contrefaçon, notamment à travers la négociation

63

d'accords avec Google. Ce dernier a également pris des initiatives afin de lutter contre la

contrefaçon. Il ne reste plus qu'à espérer que le législateur se joigne prochainement à ces efforts afin

de rééquilibrer les devoirs et obligations qui pèsent sur chaque acteur de l'internet. Pour cela, une

prise de conscience collective, à la fois du législateur, des prestataires techniques, mais également

des internautes sur le préjudice causé par la contrefaçon, est on ne peut plus nécessaire.

64

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européenne sur la lutte de l'Union européenne contre la contrefaçon, présenté par M. Marc

Laffineur, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 8 juin 2005.

62. Rapport d'information par le groupe de travail sur l'évaluation de la loi n°2007-1544 du 29

octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, par MM. Laurent Béteille et Richard Yung.

63. Rapport des députés Jean Dionis du Séjour et Corinne Erhel du 23 janvier 2008 sur la mise en

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VI. Jurisprudence :

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Daleau ; RTD com. 2008. 302, obs. F. Pollaud-Dulian; RTD eur. 2008. 405, chron. J. Schmidt-

Szalewski

83. CJUE, 23 mars 2010, aff. jointes n° C-236/08 à C-238/08, RLDI 2010/59, p/3, obs. Costes L. ;

comm. Castets-Renard C., in RLDI 2010/60 ; n°1999 ; comm. Tardieu-Guigues E., in RLDI

2010/62, n°2029.

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note C. Castets-Renard.

b. Nationale

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25.136), Bull. civ. IV, n°124, RLDI 2010/63, n°2082.

121. CA Paris, pôle 5, 4ème ch., 17 novembre 2010, RLDI 2010/66, n°2169

122. CA Paris, pôle 5, chambre 2, 14 janvier 2011, Google c/ Bac Films, The factory et Canal plus,

n°09/11729.

123. CA Paris, pôle 5, chambre 1, 26 janvier 2011, SAIF c/ Google, RG n°08/13423.

124. CA Paris, pôle 5, chambre 2, 4 février 2011, Google France et Google Inc., Aufeminin.com c/

H&K SARL André Rau, n°09/21941.

125. Cass. civ. 1ere, 17 février 2011, 09-67.896, RLDI 2011/69, n°2281.

126. TGI Béziers, 8 avril 2011, RLDI 2011/72, n°2397, obs. Trézéguet.

127. Cass. civ. 1ere, 12 juillet 2012, SNEP c/ Google, n°11-20.358.

128. Cass. civ. 1ere, 12 juillet 2012, Sté Aufeminin.com c/ Google, pourvoi joints n°11-15.165 et

11-15.188.

129. Cass. civ. 1ere, 12 juillet 2012, n° 11-13.666, Bull. civ. I, n°66, D. 2012, p. 2071.

130. Cass. civ. 1ere, 12 juillet 2012, Google c/ Sté Bac Films, n°11-13.669.

131. Cass. com., 29 janvier 2013, Sté Google Inc. et. a. c/ Sté Cobrason, n°11-21011 et 11-24713.

132. TGI Paris, 4 avril 2013, SAS H&M Hennes & Mauritz Logistics GBC France, H&M c/

Google, YouTube. n°13/52578.

133. Cass. civ. 1ere, 19 juin 2013, n° 12 17.591, Google Incorporated et a. c/ Lyonnaise de garantie,‐

75

RLDI 2013/95, n° 3167.

134. CA Paris, pôle 2, ch. 7, 11 décembre 2013, Sté Google Ireland et a. c/ Olivier M., n°12/09071.

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Terres d'aventures, n°13/05025.

76

INDEX

A

Avantage économique.................................................................................................. 12, 42, 50

C

Compétence territoriale............................................................................................................ 22

E

Éditeurs.................................................................................................................................... 20

Éditeurs de services................................................................................................................. 41

F

Fonctions de la marque...................................................................................................... 31, 58

G

GoogleBooks....................................................................................................................................... 37Images...................................................................................................................................... 16Suggest..................................................................................................................................... 15Vidéos................................................................................................................................. 17, 36

I

Internautes................................................................................................................................ 32

L

Labellisation............................................................................................................................. 63

Liberté

77

d'expression.................................................................................................................. 13, 21, 46du commerce............................................................................................................................ 38

N

Notification......................................................................................................17, 43, 47 et s., 66

O

Obligationd'agir avec célérité............................................................................................................ 47 et s.d'identification et de conservation des données....................................................................... 51générale de surveillance.............................................................................................. 17, 44 et s.

P

Peer to peer.............................................................................................................................. 54

Position squatting.............................................................................................................. 19, 61

Prestataire cache................................................................................................................. 16, 40

Preuves..................................................................................................................................... 23

Publicité trompeuse.................................................................................................................. 26

R

Rémunération........................................................................................ v. Avantage économique

Réservation de mots-clés.......................................................................................................... 19

Responsabilité civile................................................................................................... 26, 55 et s.

Résultats naturels......................................................................................................... 39, 61, 65

Retrait des annonces................................................................................................................. 35

U

Usage dans la vie des affaires............................................................................................ 29, 53

Usages loyaux du commerce.................................................................................................... 25

78

Y

YouTube................................................................................................................................... 17

79

TABLES DES MATIÈRES

LISTES DES ABRÉVIATIONS ............................................................................................. 4

SOMMAIRE ............................................................................................................................ 5

INTRODUCTION ................................................................................................................... 6 CHAPITRE 1. La qualification juridique du moteur de recherche................................... 14

SECTION 1. Une qualification délicate........................................................................................ 14

§1. Le moteur de recherche, un acteur de l'internet particulier..................................... 14 A. L'évolution du moteur de recherche et la diversification de ses activités........................ 14 B. Le cas Google Adwords................................................................................................... 20

§2. Les difficultés jurisprudentielles............................................................................. 22 A. Les lacunes des bases textuelles....................................................................................... 22 B. Les fondements aux condamnations pour contrefaçon.................................................... 24

SECTION 2. La qualification par défaut du moteur de recherche............................................... 30

§1. La réponse de la CJUE............................................................................................ 30 A. Le moteur de recherche face aux droits des marques............... ....................................... 30 B. Détermination selon le rôle actif ou passif du moteur de recherche : une appréciation laissée au juge national......................................................................... 36

§2. Une qualification insatisfaisante............................................................................. 39 A. Ni hébergeur, ni éditeur : un clivage envisagé par la LCEN désormais obsolète............ 39 B. Le moteur de recherche : un éditeur de services.............................................................. 41

CHAPITRE 2. Le régime de responsabilité du moteur de recherche............................... 44

SECTION 1. Une responsabilité allégée...................................................................................... 44

§1. L'aménagement de responsabilité de la LCEN...................................................... 44 A. Dispense d'obligation générale de surveillance............................................................... 45 B. L'obligation d'agir avec célérité....................................................................................... 46

§2. L'exclusion d'une « contrefaçon par complicité..................................................... 49 A. Le refus des juridictions d'étendre la protection conférée par le droit de la propriété

intellectuelle................................................................................................................. 49 B. Les obstacles à une mise en jeu de la responsabilité du moteur de recherche................ 51

SECTION 2. Le rôle des moteurs de recherche dans la lutte contre la contrefaçon.................... 54

§1. Entre liberté de communication et protection de la propriété intellectuelle : un équilibre trouvé au détriment des titulaires de droits de propriété intellectuelle....................... 54

A. Voies d'actions offertes aux victimes de contrefaçon : exemple et limites de la responsabilité

80

civile............................................................................................................................. 54 B. Une approche casuistique de la lutte contre la contrefaçon............................................ 56

§2. La responsabilisation des moteurs de recherche..................................................... 57 A. Le législateur en quête de solutions................................................................................. 57 B. Les initiatives des acteurs de l'internet............................................................................ 60

CONCLUSION ...................................................................................................................... 63

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................ 65

INDEX .................................................................................................................................... 77

TABLES DES MATIÈRES ................................................................................................... 80

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