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Abduction
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http://crg.polytechnique.fr/v2/aegis.html#libellio
Le Libellio d AEGIS
Vol. 8, n 3 Automne 2012
pp. 3-9
Quest-ce que labduction, et en quoi peut-elle avoir un rapport avec la recherche
qualitative ?
Herv Dumez
cole polytechnique / CNRS
pour A.
O prant sur un cas ou sur un petit nombre de cas qui ne sauraient constituer un chantillon reprsentatif, la recherche qualitative ne peut servir confirmer une thorie. Quelle peut alors tre sa place dans la dmarche scientifique ? Elle peut
ventuellement, permettre dune manire popperienne, de rfuter une thorie (l, un
cas suffit). Mais, pour rfuter une thorie, il nest sans doute gure besoin de mener
une analyse qualitative pousse du cas en question. Sa vise est donc souvent
prsente comme exploratoire : partir de lanalyse du cas, un cadre thorique
nouveau est labor ou un cadre thorique ancien est modifi.
Une dmarche de ce type a souvent t rapproche de la notion dabduction (voir par
exemple Koenig, 1993 ; David, 2000 ; Dubois & Gadde, 2002 ; Bayart, 2007).
Labduction peut en effet tre dfinie a minima de la manire suivante (Aliseda,
2006, p. 28) :
Broadly speaking, abduction is a reasoning process invoked to explain a
puzzling observation.
Quand le rapprochement est fait entre recherche qualitative et abduction, les
diffrents auteurs se rfrent Peirce. Si la notion tire en effet ses racines de celle
dapagog chez Aristote ou de certains passages de Laplace, cest bien Peirce qui la
thorise. Pourtant, chacun semble donner de labduction sa propre dfinition, et
toutes ces acceptions diffrent assez largement entre elles. Ceci nest gure tonnant.
Pierce a lui-mme donn des dizaines de dfinition de labduction, assez diffrentes
les unes des autres. En mme temps, il na jamais rdig le livre quil voulait donner
sur la question et quil disait tre en train dcrire trois ans avant sa mort, dans une
lettre Lady Welby en date du 20 mai 1911.
Avant dessayer de clarifier les choses, il convient donc den montrer la complexit.
De la difficult de savoir ce quest exactement labduction
Durant cinquante ans, Peirce a travaill sur cette notion dabduction. Son
vocabulaire mme nest pas fix puisque dans ses textes de jeunesse il parle plutt
dinfrence hypothtique, dans ses textes de jeunesse mais aussi de la maturit
(comme dans la lettre Lady Welby cite plus haut), il utilise souvent le vocable de
rtroduction (que certains, comme Rescher, 1978, trouvent suprieur, avec de bonnes
raisons), tout en parlant plutt en gnral dabduction. Comme il a t dit, il en
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donne des dizaines de dfinitions au cours de sa vie, dont certaines apparaissent
contradictoires. Deux remarques peuvent pourtant tre faites. Dune part, cette
notion est au cur de sa philosophie, le pragmatisme, et mme la rsume tout
entire :
If you carefully consider the question of pragmatism you will see that it is
nothing else than the question of the logic of abduction. (5.196)1
Dautre part, Peirce a profondment volu aux alentours de 1900 dans sa
conception de labduction.
Stuart Mill distinguait dduction et induction, et il identifiait plusieurs formes
dinduction (dont une assez proche de ce que Peirce appelle abduction). Trs tt,
Peirce a eu la conviction quil y avait en ralit trois formes distinctes dinfrence : la
dduction qui procde par ncessit (la conclusion est ncessairement prsente dans
les prmisses), linduction qui tablit ce qui est en gnralisant dun chantillon une
classe entire de phnomnes, et labduction qui porte sur ce qui peut tre. Toute sa
vie, il a maintenu cette ide. Par contre, avant 1900, il conoit les trois types
dinfrence comme indpendants et les oppose. Aprs cette date2, il les voit comme les
trois tapes dun processus de dcouverte scientifique. Fann (1970), qui reste la
rfrence sur la question, estime quil ny a pas vraiment incohrence dans la pense
de Peirce, mais approfondissement. Au regard des citations que lui-mme reprend, on
peut sinterroger : la pense de Peirce napparat pas toujours pleinement cohrente.
Nanmoins, et avec les prcautions requises par la difficult du sujet, plusieurs points
peuvent tre mis en lumire concernant labduction et permettant, ce qui sera fait
dans un second temps, un rapprochement avec la dmarche de la recherche
qualitative.
Quest-ce que labduction ?
Le texte le plus souvent cit comme dfinition de linfrence3, et qui peut tre mis en
rapport direct avec la dmarche de recherche qualitative, est le suivant :
The form of inference [] is:
The surprising fact, C, is observed;
But if A were true, C would be a matter of course;
Hence, there is a reason to suspect that A is true.
Thus, A cannot be abductively [] conjectured until its entire content is
already present in the premise, If A were true, C would be a matter of
course. (5.189)
Un fait surprenant
Labduction dmarre avec un fait surprenant. Ce point de dpart est fondamental et,
bien que Peirce ne sen soit pas vraiment expliqu, il est sans doute ce qui la incit
voir le processus scientifique comme un continuum en trois tapes. Car un fait ne
surprend que si lon sattendait autre chose. Pour sattendre autre chose, il faut
quil y ait eu dduction et induction au pralable. On avait une premire hypothse
(ce que Aliseda, 2006, appelle une thorie darrire-plan background theory). Cette
hypothse a fait lobjet dune dduction, cest--dire dune spcification en termes
deffets prdits : si cette thorie est vraie, alors voil ce que je devrais observer. Cest
ainsi que Peirce dfinit en effet la dduction :
[] deduction is concerned with the prediction of effects (2.714)
1. Lhabitude sest prise de faire rfrence aux uvres
de Peirce par un systme de
notation deux chiffres : le
premier indique le volume
des Collected Papers (ici le volume 5) et le second
indique le paragraphe dans
lequel se trouve la citation
(ici le 196). Les Collected Papers ont t publis pour les 6 premiers volumes
entre 1931 et 1935. La
publication sest alors
interrompue. Les deux
derniers volumes, le 7 et le
8, ont paru beaucoup plus
tard, en 1958, et dits par
un autre chercheur.
2. Cest en 1901, dans On the logic of drawing history from ancient documents que pour la premire fois,
Peirce raisonne par tapes.
Il appelle alors labduction
f i r s t s t a g e o f inquiry (6.469) (voir Fann,
1970, p. 31).
3. En ralit, il ne sagit pas
dune dfinition. Peirce,
dans ce texte, nonce le
premier critre permettant
dvaluer la qualit dune
dmarche abductive :
lhypothse doit expliquer
le fait surprenant. Les deux
autres critres, nous y
reviendrons, sont que
lhypothse doit tre
testable et conomique.
Peirce donne ailleurs une
d f i n i t i on p ro c he :
Hypothesis is where we find some surprising fact which would be explained by supposing that it was the case of a certain general rule, and thereupon adopt that supposition. The sort of inference is called making
an hypothesis. (2.623)
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Cette hypothse ou thorie a bnfici dun certain degr de confiance (sinon, on ne
sattendrait pas vraiment observer ses effets). Cest ici linduction qui a fonctionn
et permis de confirmer la vraisemblance de lhypothse sur une classe de faits :
Induction shows that something actually is operative. (5.171)
Linduction a donn de la vraisemblance aux effets prdits en les comparant avec des
effets observs4. Elle a donc cr des attentes : le chercheur sattend observer
certains faits. Cest partir de l quil peut y avoir surprise et mme que des faits
surprenants peuvent tre activement recherchs. Aliseda (2006, p. 47) a prcis de
manire intressante la notion de fait surprenant en distinguant deux catgories
possibles : la nouveaut ou lanomalie. Dans le premier cas, est nouveau en ce quil ne peut pas tre expliqu par la thorie darrire-plan, mais si cette thorie
nimplique pas ( ), elle nimplique pas non plus non ( ). Dans le
second cas par contre, est une anomalie parce que la thorie prvoit non (
).
Quil relve de la catgorie nouveaut ou anomalie, un seul fait peut suffire pour
formuler une hypothse nouvelle, ce qui renvoie bien sr la recherche qualitative5.
Une fois ce fait droutant repr, labduction peut intervenir.
Une hypothse nouvelle
Peirce a toujours insist sur ce point. La dduction ne cre rien : elle explicite des
implications contenues dans les prmisses. Linduction ne cre rien non plus :
The induction adds nothing. At the very most it corrects the value of a ratio
or slightly modifies a hypothesis in a way which had already been
contemplated as possible. (7.217)
Par contre, partant dun fait surprenant, labduction remonte en arrire (do le
vocable possible de rtroduction, peut-tre plus directement parlant quabduction)
pour formuler une nouvelle hypothse sur ce qui pourrait expliquer ce qui sest pass.
Il sagit dimaginer une hypothse nouvelle qui permette dexpliquer le fait
droutant que la thorie darrire-plan nexplique pas. Lhypothse abductive,
prcise Aliseda (2006, p. 47), peut alors prendre des formes diverses :
Abductive explanations themselves come in various forms: facts, rules, or
even theories. Sometimes one simple fact suffices to explain a surprising
phenomenon, such as rain explaining why the lawn is wet. In other cases, a
rule establishing a causal connection might serve as an abductive
explanation, as in our case connecting cloud types with rainfall. And many
cases of abduction in science provide new theories to explain surprising
facts. These different options may sometimes exist for the same observation,
depending on how seriously we want to take it.
Labduction peut ainsi mettre en vidence des mcanismes, ce qui cre un lien
possible avec la recherche qualitative.
Quels sont les critres dune dmarche abductive russie ?
En aucune manire, labduction elle seule ne permet de dire si une hypothse est
vraie ou fausse. Cest partir de la dduction, puis de linduction comme tape finale
que la question de la vrit pourra tre aborde. Labduction ne porte que sur le
possible (ou limpossible) :
Deduction proves that something must be; Induction shows that something
actually is operative; Abduction merely suggests that something may be.
(5.171)
4. On peut tre profondment sceptique sur la notion
dinduction au sens strict.
Cest, on le sait, la position
de Popper qui pense quil
est tout simplement
impossible de construire
une thorie partir de
lobservation des faits :
Induction, i.e. inference based on many observa-tions, is a myth. It is neither a psychological fact, nor a fact of ordinary life, nor one of scientific procedu-re. (Popper, 1963, p. 53). Au sens large, the test of experiment (Peirce, 7.182), et, dfinie comme la
recherche de la surprise
( A hypothesis having been adopted on probation, the process of testing it will consist, not in examining the facts, in order to see if they accord with the hypothesis, but on the contrary in examining such o f t h e p r o b a b l e consequences of the hypothesis as would be c a p a b l e o f d i r e c t verification, especially those consequences that would be very unlikely or surprising in case the hypothesis were not true Peirce, 7.231), linduction
prpare labduction en
structurant le raisonnement
en termes deffets attendus
ou prdits.
5. Mais Peirce a aussi donn
cette dfinition, totalement
contradictoire avec lide de
fait surprenant : [Abduc-tion] consists in examining a mass of facts and in allowing these facts to
suggest a theory. (8.209)
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Au niveau de labduction, on ne peut dire que ceci. Plusieurs hypothses peuvent tre
imagines pour expliquer un fait surprenant. Pour oprer un choix entre ces
diffrentes hypothses et identifier celle sur laquelle on va travailler en premier, il
faut appliquer trois critres. Le premier a t voqu, il sagit du pouvoir explicatif
de lhypothse. On va choisir celle des hypothses possibles qui parat le mieux
expliquer le fait surprenant. Le second est que lhypothse doit tre susceptible dtre
teste. Une ide non susceptible dun test empirique, de quelque nature quil soit,
nest pas une hypothse. Enfin, il faut choisir lhypothse qui est susceptible
dexpliquer le plus de faits en tant la plus simple possible et la plus facile tester. Ce
dernier critre est pour Peirce le plus discriminant (les deux premiers ne font que
dfinir ce quest une hypothse : elle a un pouvoir explicatif et elle est susceptible
dun test empirique, si elle ne possde pas ces deux caractristiques, elle nest quune
ide, pas une hypothse). Il faut prendre le critre conomique en son sens concret :
[] of the enormous expensiveness of experimentation in money, time,
energy, and thought, is the consideration of economy (7.220)
Un chercheur a des contraintes de temps (trois ans pour une thse, par exemple),
dargent (financement limit en niveau et en temps) et il a intrt travailler dabord
sur les hypothses les plus simples et conomiques (encore une fois, on ne peut pas
savoir si ce sont les bonnes ou non, seul le test empirique pourra le dire ; par contre,
ce sont celles dont on pourra savoir rapidement si elles sont vraies ou fausses ; si elles
se rvlent fausses, on travaillera sur dautres moins simples et conomiques). Cette
approche a videmment voir avec le principe du rasoir dOckham (Dumez, 2001)
que cite Peirce mais dont il prend soin de prciser quil porte pour lui sur le processus
de recherche, pas sur le point de savoir si une hypothse a plus de chance dtre vraie
ou non6.
Le quatrime critre dvaluation dune dmarche abductive est ngatif. Cest le
clbre slogan :
Do not block the way of inquiry. (1.135)
La citation complte, extraite dun discours fait devant les philosophes de Harvard
en 1898, est la suivante :
Upon this first, and in one sense this sole, rule of reason, that in order to
learn you must desire to learn, and in so desiring not be satisfied with what
you already incline to think, there follows one corollary which itself deserves
to be inscribed upon every wall of the city of philosophy:
Do not block the way of inquiry. (1.135)
Lhypothse cre par abduction ne doit pas bloquer la recherche ultrieure par une
assertion conue comme dfinitive, par exemple, elle doit laisser ouverte la possibilit
de recherches futures. Cest en quoi on peut parler de boucles successives
dabduction, mme si Peirce nemploie pas le terme. Le tournant des annes 1900
porte sur cette ide que dduction, induction et abduction ne sopposent pas comme
trois modes de raisonnement, mais se combinent en pratique dans des squences de
logique de dcouverte.
Quelle est la validit de labduction ?
Beaucoup dauteurs (le plus clbre tant Popper) estiment quil ny a pas de logique
de la dcouverte. La dcouverte dune ide nouvelle ne peut sexpliquer au mieux que
par la psychologie ou lhistoire, les deux laissant une grande place au hasard et
limpondrable. Peirce (repris dans les annes 50/60 par Hanson notamment) a
dfendu lide que la psychologie et lhistoire ne suffisaient pas expliquer les
6. Pour illustrer la dimension c o n o m i q u e d u n e
recherche, Peirce utilise
lexemple du jeu des vingt
questions. Un joueur pense
un objet. Lautre doit
dterminer cet objet en
posant des questions dont
la rponse ne peut tre que
oui ou non, et il na droit
qu vingt questions : The secret of the business lies in the caution which breaks an hypothesis up into its s m a l l e s t l o g i c a l components, and only risks one of them at a
time. (7.220)
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dcouvertes, quil existait un processus derrire celles-ci. Et labduction tente de
traiter cette question. Mais pour Peirce, labduction en elle-mme ne comporte aucun
critre de validit puisquelle ne porte que sur le possible :
For abduction commits us to nothing. It merely causes a hypothesis to be
set down upon our docket of cases to be tried. (5.602)
Labduction ne tire son sens que de la dmarche inductive qui la suit (aprs que la
dduction a permis de prciser les effets attendus sur lesquels travaille linduction) :
[] the entire meaning of an hypothesis lies in its conditional experential
predictions: if all its predictions are true, the hypothesis is wholly true.
(7.203)7
Peirce na donc jamais donn de solution la question de la validit ou de la
justification de labduction. Comme la not Fann (1970, p. 54) :
This failure to provide an independent justification for abduction remains a
difficult problem for contemporary philosophers who maintain that there is
a logic of discovery.
Deux remarques sont nanmoins possibles sur ce point. La premire, faite par Fann
lui-mme, est que le chercheur qui cre une hypothse nouvelle doit sexpliquer sur
les raisons qui lon conduit la formuler :
[] whenever a scientist proposes a hypothesis to account for some facts, he
is expected to furnish reasons, good or bad, as to why he thinks it is the best
hypothesis. What are and are not good reasons for adopting a hypothesis on
probation is a logical matter, which may be decided on conceptual grounds.
No further observations or experiments are required to settle such issues.
(Fann, 1970, p. 58)
Fann note que ceci rapproche la dmarche du scientifique de celle du dtective (il cite
abondamment Sherlock Holmes dans la conclusion de son livre) :
[] the method of science has much in common with the method of
detectives. (Fann, 1970, p. 58)
La seconde se trouve peut-tre dans Peirce lui-mme. Il note en effet un rapport aux
faits diffrent dans le cas de labduction et dans celui de linduction :
The essence of an induction is that it infers from one set of facts to another
set of similar facts, whereas hypothesis infers from facts of one kind to facts
of another (2.642)
Linduction cherche des faits similaires et procde par gnralisation dun chantillon
de ces faits similaires toute une classe. Labduction repose, dit Peirce, sur le
rapprochement entre ce qui a t observ (le fait surprenant) avec quelque chose de
diffrent. Il est difficile de savoir ce que Peirce a ici en tte (Peirce est un auteur
compliqu) mais il est peut-tre possible de rapprocher son ide de celle de
triangulation. Une hypothse nouvelle gagne sans doute beaucoup en validit si,
conue pour expliquer un fait surprenant, elle fonctionne aussi sur des faits que lon
navait pas observs mais que lon est all chercher et qui sont apparus de manire
inattendue. Cest ce quavancent George et Bennett :
We differ with many methodologists in that we argue that a theory can be
derived or modified based on the evidence within a case, and still be tested
again new facts or new evidence within the same case, as well as against other
cases. Detectives do this all the time clues lead them to develop a new
theory about a case, which leads them to expect some evidence that in the
absence of the new theory would have been wildly unexpected, and the
corroboration of this evidence is seen as strong confirmation of the theory.
7. Wittgenstein fera cho cette ide dans la phase
vrificationniste de son
volution : La signification dune proposition, cest son
moye n d e v r i f i c a -
tion. (Monk, 1990, p. 286)
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This process relies on Bayesian logic the more unique and unexpected the
new evidence, the greater its corroborative power. (George & Bennett, 2005,
p. 219)
Ce que dcrivent George et Bennett est un processus actif de triangulation, visant
rechercher des faits non observs, non attendus, dans son matriau, et conduit
indpendamment du processus qui a mis en vidence le premier fait surprenant. Cet
effet de triangulation permet doprer un premier test solide, mme sil ne constitue
pas une confirmation statistique des cadres thoriques labors. Il y a bien en cela
possibilit de valider, au moins de manire provisoire, les thories issues dune
dmarche abductive.
Conclusion : dmarche qualitative et abduction
La recherche qualitative ne peut vrifier une thorie. Elle peut servir la rfuter
mais il existe sans doute des moyens plus simples et moins coteux en temps et en
nergie pour raliser ce mme objectif. Par contre, elle peut sans doute crer des
cadres thoriques nouveaux ou aider voir dune faon nouvelle les cadres thoriques
existants. Pour cela, un seul cas peut suffire. En ce sens, le rapprochement avec la
notion dabduction chez Peirce peut tre intressant en permettant de prciser
certains points relatifs la recherche qualitative.
Son accent doit tre mis sur la recherche de faits surprenants, faits nouveaux ou
anomalies, ce que Dubois et Gadde (2002, p. 557) appellent des donnes actives :
Passive data is what the researcher has set out to find, i.e., it appears
through search. Active data on the other hand is associated with discovery.
In our example, observations at the meetings provided data that could
never have been found through search. It is interesting to note that a very
active interviewer will come across passive data only. On the other hand,
active data will require a more passive (less predetermined) researcher.
Le chercheur est actif en ce quil recherche un effet de triangulation, mais passif vis-
-vis de ses thories darrire-plan au sens o il cherche ne pas tre dtermin par
elles et rester ouvert la dcouverte. Ceci suppose lusage de cadres thoriques de
dpart, permettant dorienter la recherche, volutifs mais spcifis en termes deffets
prdits, puis la recherche systmatique deffets observs surprenants par rapport
ces effets prdits, qui permettront alors dimaginer des cadres thoriques nouveaux
ou de prciser les cadres thoriques existants, par boucles successives :
In studies relying on abduction, the original framework is successively
modified, partly as a result of unanticipated empirical findings, but also of
theoretical insights gained during the process. This approach creates fruitful
cross-fertilization where new combinations are developed through a mixture
of established theoretical models and new concepts derived from the
confrontation with reality. (Dubois & Gadde, 2002, p. 559)
Ces cadres thoriques nouveaux, qui doivent tre leur tour spcifis en termes
deffets prdits, ne pourront tre valids pleinement que par une dmarche
quantitative ultrieure. Mais une anticipation intressante de leur validit potentielle
peut reposer sur la mise en vidence de faits inattendus, indpendants du fait
surprenant de dpart, sexpliquant comme lui par ces cadres thoriques (cest--dire
par ce que lon peut appeler un processus actif de triangulation).
La recherche qualitative reste par nature toujours ouverte et exploratoire. Les
propositions finales sont la fois le rsultat de boucles successives de dcouverte,
dont la validit potentielle a t tablie par triangulation, et le point de dpart de
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nouvelles boucles dapproche qualitative. Et devront videmment galement ouvrir
des dmarches de confirmation quantitatives.
Rfrences
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