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Mémoire portant sur l'activation des leviers de motivation chez un bénéficiaire de bilan de compétences. Comment faire émerger la motivation à passer à l'action à la suite de la définition de son projet professionnel?
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La dynamique de changement dans un entretien d’accompagnement : identifier
les leviers de motivation pour soutenir la réalisation du projet professionnel.
Sous la direction de Stéphanie Heuillon – Cagnet
Mémoire pour l’obtention du DESU Evaluation et Bilan des Compétences
Présenté et soutenu publiquement par
Elisabeth Muller
Le 25 mars 2011
Jury de soutenance :
Mme Agnes BUCHELI-CIVIT, Directeur de practice Dynamique de carrière
Mr Samuel DEMARCHI, MCF, Université Paris 8, Président du jury
Mme Stéphanie HEUILLON-CAGNET, Coordinatrice pédagogique du DESU, directrice de
mémoire
UNIVERSITE PARIS 8
Diplôme d’Etude Supérieures d’Université
Evaluation et Bilan des Compétences
REMERCIEMENTS
Ce mémoire est le fruit d’une motivation importante, celle de contribuer à l’obtention un
nouveau diplôme et de réussir le début d’une reconversion qu’il m’a été permis d’entamer à
la suite d’une expérience professionnelle de onze ans en entreprise. Il n’est évidemment pas
l’aboutissement d’une vie qui me réserve encore de nombreuses surprises et richesses !
Ce travail n’aurait été possible sans le soutien d’un entourage qui m’accompagne depuis de
nombreuses années.
Je souhaite remercier celles et ceux qui m’ont entourée lors de la rédaction de ce mémoire,
en tout premier lieu l’équipe pédagogique du DESU de Paris 8 et principalement Stéphanie
Heuillon-Cagnet dont la direction de ce travail a été particulièrement soutenante,
bienveillante, constructive et ce, en continu. Je n’oublierai pas mes chères collègues de
promotion, dont la solidarité, la bonne humeur et la persévérance ont été des moteurs
importants dans les moments de doute ou de découragement.
J’ai pu enregistrer un entretien sur lequel j’ai basé mon étude grâce à la structure dans
laquelle j’ai réalisé mon stage. J’éprouve une sincère reconnaissance envers Marilyn
Beauchamp, son équipe et les consultants bénévoles qui y interviennent et qui m’ont permis
de faire mes premiers pas dans la pratique professionnelle en toute confiance.
J’ai une pensée chaleureuse pour Alain Boureau, consultant en mobilité professionnelle, qui
grâce à son accompagnement et à son suivi, m’a permis de définir mon projet professionnel
actuel en 2006, germe de cette reconversion, ainsi que pour les équipes Ressources
Humaines de mon ancien employeur, sans qui cette reconversion aurait été plus difficilement
envisageable.
Enfin, je remercie mes parents pour les valeurs d’écoute et de ténacité dans le travail qu’ils
m’ont inculquées, ainsi que ma grand-mère pour son intérêt permanent à ma reconversion et
les qualités de rigueur, d’expression et de choix du mot juste qu’elle m’a transmises.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ................................................................................................................... 1
REVUE DE LITTERATURE .................................................................................................. 2
1. L’entretien ................................................................................................................... 2
1.1 Définition de l’entretien ........................................................................................ 2
1.2 Les différentes formes méthodologiques de l’entretien ........................................ 2
1.3 Les différentes formes méthodologiques de questionnement .............................. 5
1.4 Les biais méthodologiques durant l’entretien ....................................................... 9
1.5 Méthodologie de la catégorisation et de l’analyse sectorielle ..............................11
2. La motivation au changement dans le cadre de l’accompagnement professionnel ....13
2.1 Les dispositifs d’accompagnement professionnel ...............................................13
2.2 Repères théoriques sur la motivation ..................................................................15
2.2.1 Définitions générales ........................................................................................15
2.2.2 Quelques grandes théories de la motivation .....................................................17
2.2.3 Valeurs, intérêts et mobiles de l’activité ............................................................21
2.2.4 L’entretien motivationnel ...................................................................................22
2.2.5 L’accompagnement dans la dynamique du changement ...................................23
2.2.6 Synthèse des principales approches décrites ...................................................27
PROBLEMATIQUE ..............................................................................................................28
METHODOLOGIE ................................................................................................................30
1. Contexte de recueil de données ................................................................................30
2. Sujets impliqués dans la séance observée ................................................................30
2.1. Le professionnel .................................................................................................30
2.2. Le bénéficiaire ....................................................................................................31
3. Grille d’analyse de la séance observée ......................................................................31
4. Type d’analyse de données recueillies ......................................................................36
4.1. Retranscription et codage de la séquence d’évaluation des compétences
observées .....................................................................................................................36
4.2. Analyse quantitative des données ......................................................................37
4.3. Analyse qualitative des données .........................................................................38
PRESENTATION ET ANALYSE DES DONNEES EXTRAITES ..........................................39
1. Analyse quantitative brute des données extraites ......................................................39
1.1 Temps de parole de chaque interlocuteur ...........................................................39
1.2 Fréquence d’apparition des catégories associées aux verbalisations du conseiller
39
1.3 Fréquence d’apparition des catégories associées aux verbalisations du
bénéficiaire ....................................................................................................................41
2. Analyse quantitative par phase de l’entretien .............................................................43
3. Analyse qualitative .....................................................................................................45
DISCUSSIONS ET PERSPECTIVES PROFESSIONNELLES .............................................56
1. Synthèse des données obtenues et impacts possibles pour notre future pratique .....56
2. Confrontation des résultats les plus importants à la revue de littérature .....................60
3. Confrontation des résultats à la problématique posée................................................63
4. Mise en perspective de ces résultats avec notre future pratique professionnelle .......66
CONCLUSION .....................................................................................................................71
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................73
ANNEXES ............................................................................................................................75
Annexe 1 : Catégories retenues pour l’analyse des verbalisations du bénéficiaire. .......75
Annexe 2 : Entretiens codifiés .......................................................................................76
1
INTRODUCTION
Dans un contexte économique mouvant, impacté par la compétition internationale, la
délocalisation d’activités, la mutation de métiers ou les évolutions technologiques, les
travailleurs doivent sans cesse s’adapter à des situations qui requièrent chez eux, une
grande autonomie pour s’orienter et se maintenir dans l’emploi.
La France a légiféré en 1993 pour rendre les entreprises actives dans le processus
d’anticipation du changement ayant un impact sur les métiers et l’emploi de ses
collaborateurs et a reconnu le dispositif de bilan de compétences comme droit ouvert à tout
salarié ou demandeur d’emploi. Selon la circulaire ministérielle du 19 mars 1993, le dispositif
du bilan de compétences s’inscrit pleinement dans le cadre de la formation professionnelle
continue. Le Code du Travail définit cette démarche comme « devant permettre à des
travailleur d’analyser leurs compétences professionnelles et personnelles ainsi que leurs
aptitudes et leurs motivations afin de définir un projet professionnel et, le cas échéant, un
projet de formation ». La circulaire détaille le contenu du bilan de compétences et insiste sur
le fait qu’une phase d’investigation personnalisée doit permettre à l’intéressé
notamment « d’identifier les éléments déclencheurs du processus de changement dans
lequel il s’inscrit », « d’appréhender ses valeurs, ses intérêts, ses aspirations ainsi que les
facteurs déterminants de sa motivation ». Prestataire et bénéficiaire doivent par la suite
déterminer « en concertation les actions à mettre en œuvre pour réaliser ce projet. »
Il ne suffit pas de décider d’un projet pour être motivé à le réaliser. La motivation échappe à
bien des règles de bon sens, d’analyse et de logique.
En tant que future consultante en bilans de compétences et outplacement, il m’a paru
essentiel de comprendre ce qui permet au bénéficiaire de s’engager dans l’action, afin que
son projet l’emmène vers des perspectives d’emploi durables et épanouissantes.
Grâce à ce travail d’étude, j’ai eu pour ambition de comprendre les ressorts de la motivation
au travers de l’étude des grandes théories de la motivation, d’assimiler les techniques
d’entretien qui me permettront d’évaluer et d’optimiser cette motivation chez un bénéficiaire,
et enfin de bien cerner les limites de mon rôle dans ce processus de changement. Le
présent mémoire présentera une revue de littérature sur les techniques d’entretien et la
notion de motivation, puis présentera l’étude de gestes professionnels utilisés par un
consultant en accompagnement professionnel dans le cadre d’une situation réelle d’entretien.
Enfin, en m’appuyant sur ces apports théoriques et cette analyse pratique, j’apporterai une
analyse plus personnelle du sujet.
2
REVUE DE LITTERATURE
1. L’entretien
1.1 Définition de l’entretien
L’entretien est un échange entre un interviewer et un interviewé, qui permet, par le biais de
divers actes de langage, de susciter un discours dans un objectif défini.
A cet effet, il existe différentes formes d’entretiens, selon l’objectif visé. Nous les décrirons
plus bas. La variabilité de ces formes d’entretien repose essentiellement sur la finalité de
l’entretien, les rôles de chacun au cours du temps d’échange, sur son cadre (durée par
exemple), la méthodologie de questionnement employée, les types d’interactions…
Il ne s’agit pas d’un échange de points de vue, mais d’un échange, au sens où il y a une
interaction entre deux personnes.
On pourra distinguer ainsi au sein du terme d’entretien, les entretiens de recherche, les
entretiens d’aide, les entretiens de sélection (Lemoine, 2009).
Dans le cadre du bilan de compétences, l’entretien est un outil qui permet d’identifier et
d’analyser les ressources personnelle et professionnelle de la personne en l’engageant dans
une démarche réflexive par le biais d’actes de langage initiés par le consultant. Le rôle de ce
dernier est de susciter l’expression du bénéficiaire sur lui-même, en l’aidant à structurer sa
pensée, conscientisant ainsi ses ressources, son potentiel, ses motivations, ses expériences,
etc…
1.2 Les différentes formes méthodologiques de l’entretien
L’entretien de recherche a un objectif bien déterminé et les questionnements associés
seront choisis par l’interviewer de façon très structurée pour atteindre l’objectif initial : obtenir
une certaine information de la part de l’interviewé, par exemple dans le cadre d’une étude
générale. Ce type d’entretien peut induire un certain nombre de biais comme la contrepartie
attendue par l’interviewé au fait de donner des informations le concernant.
L’entretien de sélection, généralement commandé par une tierce partie, a pour vocation de
recueillir un certain type de données sur l’interviewé qui seront utilisées par la tierce partie
(un futur employeur par exemple, dans le cadre d’un recrutement). L’interviewer,
intermédiaire entre l’interviewé et la tierce partie, devra sans doute déjouer certains biais
dans le cadre de ce type d’entretiens, comme celui des réponses socialement désirables,
utilisées de façon consciente ou inconsciente par un candidat.
Pour notre sujet d’étude qu’est le bilan de compétences, arrêtons-nous particulièrement sur
l’entretien d’aide. Il est appelé ainsi car le seul bénéficiaire de cet entretien est bien
l’interviewé lui-même. Le sujet de l’entretien est le bénéficiaire lui-même et l’objectif de
3
l’interviewer sera de lui faire accéder à des informations nouvelles sur lui-même, dans le but
de l’aider (par exemple dans son choix d’orientation professionnelle). On parlera alors
volontiers d’entretien centré sur le sujet, quelle qu’en soit la méthodologie de
questionnement utilisée.
La terminologie d’entretien non directif centré sur le sujet a été proposée par Rogers
(1966), avec comme parti-pris que les théories sur la personnalité et la psychanalyse ne
sauraient être suffisantes pour comprendre les comportements d’un individu et lui donner
des propositions de solutions, ce dernier étant mieux placé que quiconque pour comprendre,
intégrer son expérience, et choisir les solutions qui lui paraitront les mieux adaptées dans le
maintien de sa liberté, de son autonomie et de sa responsabilité par rapport à lui-même
(Mucchielli, 1966). Rogers a développé cette vision de l’entretien d’aide dans un contexte
avant tout clinique, mais elle s’est largement propagée aux entretiens d’aide dans la relation
d’assistance sociale, d’aide à l’orientation professionnelle, à la recherche de motivations,
l’entretien d’explicitation développé par Vermersch (1994)... Elle continue à tenir une place
primordiale dans la conduite d’entretiens cliniques comme les entretiens motivationnels dont
nous parlerons plus bas.
Lorsque Rogers (1966) nomme cette technique « entretien non directif », il ne s’agit pas de
l’entendre sous l’angle du laisser-faire mais bien de la facilitation. L’interviewer doit être au
service du sujet, et s’abstenir de toute pression pour lui conseiller ou lui suggérer de prendre
telle ou telle orientation, ou lui donner un point de vue qui influencerait ses propres opinions
et décisions. Les questionnements utilisés pourront, eux, être directifs dans l’objectif d’aider
l’interviewé à clarifier sa pensée.
Cette posture est particulièrement impliquante pour l’interviewer qui doit être en capacité
de se centrer sur l’autre, sans pour autant perdre sa centration sur lui-même, c'est-à-dire
avoir la conscience de ce que l’autre exprime qui peut avoir écho en lui-même car proche de
ses propres expériences, lui rappelant des situations connues, ou au contraire étant
totalement éloigné de son vécu personnel. Une absence de conscience de l’écho du
discours de l’autre sur soi-même pourrait le conduire à des interprétations ou des transferts
particulièrement nocifs pour l’objectivité de l’analyse et la conduite de l’entretien, autrement
appelés biais.
Selon Rogers (1966), la relation dans l’entretien d’aide requiert de la part de l’interviewer ;
L’empathie, c'est-à-dire la capacité à percevoir le cadre de référence interne de
l’autre avec exactitude, les composantes émotionnelles et les significations qui s’y
rattachent, comme si on était l’autre personne, sans pour autant être l’autre personne.
La considération positive inconditionnelle, c'est-à-dire le fait d’accueillir avec
bienveillance le contenu apporté par l’interviewé, même si celui-ci est aux antipodes
de notre propre façon de penser
4
L’authenticité, la congruence, c'est-à-dire faire preuve d’une attitude d’écoute réelle,
d’attention à l’individu plus qu’au problème ou à la technique utilisée pour conduire
l’entretien. Dans cette authenticité, l’interviewé doit sentir qu’il est au cœur du sujet et
n’est pas un objet professionnel pour l’entretien, et c’est sans aucun doute une
condition sine qua non de la relation de confiance que l’interviewer est chargé
d’établir et de maintenir à tout moment avec l’interviewé.
Il n’existe pas d’entretien de bilan de compétence à proprement parler, ces derniers ne
constituant pas en tant que telle une méthode d’entretien. Les entretiens conduits dans le
cadre d’un bilan de compétence sont structurés avec des objectifs précis répondant aux
différentes phases nécessaires au bilan de compétence (entretien préalable au bilan, phase
d’investigation, phase de restitution et de synthèse). Les entretiens de bilan de compétence
sont des entretiens d’aide au sens rogérien du terme, dans le sens où l’interviewé en est le
sujet principal et où l’intérêt sera de comprendre le lien qu’établit le sujet avec le travail.
Quelles que soient les phases du bilan, il s’agira bien de rester dans une posture de
centration sur le sujet, et de manier les techniques d’entretien (voir plus bas) les plus
appropriées pour permettre à ce dernier de s’approprier le contenu de ses expériences, de
ses valeurs, de ses intérêts, pour déterminer de lui-même les alternatives possibles et les
actions à mettre en œuvre pour son orientation professionnelle.
Au cours d’un entretien réalisé dans le cadre d’un bilan de compétence, on privilégiera
souvent des déclinaisons de l’entretien non directif de Rogers, lui-même plus adapté à un
contexte thérapeutique (aucun objectif à l’entretien n’est prédéfini et c’est l’interviewé qui
définit le sujet de l’entretien en fonction de ses préoccupations). Parmi ces déclinaisons, on
citera l’entretien semi-directif (l’entretien de counseling par exemple ; l’interviewé nourrit
l’entretien de sa matière personnelle, en étant cadré/encadré par l’interviewer), et l’entretien
directif (l’interview, le questionnaire par exemple ; l’interviewer dirige totalement l’entretien
par des questionnements orientés vers un but précis).
Dans tous les cas d’entretien d’aide, on retiendra (Mucchielli, 1966) qu’il n’est pas une
conversation, même s’il peut commencer ainsi. Il n’est pas non plus un débat, car il n’y a pas
d’objectif de persuasion de l’un ou de l’autre. Il n’est pas une interview qui aurait pour but
d’intéresser un public, il n’est pas un interrogatoire qui appelle des réponses précises avec
une notion de bonne ou de mauvaise réponse. Il n’est pas un discours de l’interviewer qui ne
ferait que parler. Il n’est pas non plus une recherche de diagnostic, qui conduirait
l’interviewer à classer l’interviewé dans un cadre précis connu et oublier son unicité.
Les attitudes de l’interviewer seront extrêmement révélatrices de sa posture. Ainsi Porter
(1950) énonce 5 attitudes principales qui sont à éviter si on les utilise de façon permanente
ou récurrente lorsqu’on se positionne dans le cadre d’un entretien d’aide :
5
L’attitude de décision, dans laquelle on maintient l’interviewé dans une posture de
dépendance en lui prodiguant des conseils, voire en lui indiquant clairement ce qu’il
doit faire ou ne pas faire (posture d’expert)
L’attitude d’évaluation, dans laquelle on exprime à l’interviewé des approbations ou
des désapprobations par rapport à son système de pensée
L’attitude de soutien, souvent le reflet d’un transfert de l’interviewer sur la situation
de l’interviewé, dans laquelle on sera tenté de rassurer, de minimiser le problème de
l’interviewé, de l’encourager, de lui indiquer finalement notre propre point de vue sur
une situation qui doit rester appréhendée en totalité par l’autre
L’attitude d’interprétation, dans laquelle on fait part à l’interviewé de notre propre
explication à une situation
L’attitude d’enquête, par laquelle l’interviewer posera des questions destinées à
clarifier une situation dans un sens précis, à obtenir des compléments d’information
souvent destinés à répondre à ses propres interrogations plus qu’à celles de
l’interviewé.
C’est finalement l’attitude de compréhension que Porter affirme comme étant la plus
adéquate pour la relation d’aide, bien que la moins naturelle. Il s’agit d’une attitude où l’avis
et l’expérience personnelle de l’interviewer s’effacent sans disparaitre totalement de la
conscience de ce dernier, pour laisser place à une pénétration dans l’univers de l’interviewé
pour comprendre son problème, sa relation avec ce problème, les sentiments qu’il éprouve,
etc… une attitude qui ne saurait s’exercer sans se souvenir des 3 prérequis à la relation
décrits plus hauts : empathie, considération positive inconditionnelle et authenticité (Rogers,
1966)
1.3 Les différentes formes méthodologiques de questionnement
Certains consultants se refusent à considérer que la technique de questionnement, et la
technique d’entretien au sens large (incluant tous les actes de langage possibles au-delà du
questionnement) sont des voies incontournables pour réussir un entretien. Ils s’exposent
alors bien souvent à des attitudes spontanées inadéquates et risquent de conduire l’entretien
selon leurs propres affects, leurs propres représentations, et ne relever par exemple dans le
discours de l’interviewé que ce qui fait écho à leur propre cadre de référence. Il peut être
difficile de concilier authenticité, sincérité, conscience de la centration sur soi-même et sur
autrui, et utilisation de techniques qui peuvent paraitre s’apparenter à des « recettes », qui
ne seront efficaces que si elles sont utilisées à bon escient et dans la posture précédemment
exposée.
Quasiment tout acte de langage utilisé par l’interviewer dans le cours d’un entretien doit être
choisi dans un objectif précis. Nous distinguerons ici les questionnements, qui permettent
6
d’obtenir directement un contenu de la part de l’interviewé, et les réponses de l’interviewer
sur ce contenu, qu’elles soient de l’ordre des reformulations, des relances ou des recadrages.
Les questions choisies lors d’un entretien sont destinées à obtenir un contenu exploitable
pour/par le sujet, à le préciser, à le rendre le plus complet possible.
Tout d’abord, certaines questions portent sur des données objectives ou subjectives (Pichat,
2004).
Les questions objectives ont pour vocation à faire s’exprimer sur des éléments tangibles
représentants la réalité de l’interviewé. Les réponses attendues seront factuelles, à priori non
contestables, et ne relèvent donc pas de l’opinion ou du ressenti. L’interviewé doit avoir la
capacité à y répondre de façon quasi immédiate, sans exercice d’analyse particulier, bien
que ses réponses puissent malgré tout contenir parfois un peu de subjectivité. Elles portent
sur des caractéristiques externes à l’individu. Par exemple, demander à un interviewé son
salaire actuel est une question objective.
Les questions subjectives attendent une réponse impliquant davantage l’interviewé
puisque portant sur son ressenti, son opinion, sa vision d’une situation ou d’un phénomène.
Elles visent à une meilleure connaissance de caractéristiques internes à l’individu. Elles
nécessitent de la part de l’interviewé un acte de réflexion et de pensée pour produire une
réponse. Par exemple, questionner un interviewé sur le salaire qui lui semblerait acceptable
dans un futur emploi est une question subjective.
Ensuite, il est également possible de distinguer deux formes de questionnement : la
construction peut être ouverte ou fermée. (Pichat, 2004)
Les questions ouvertes appellent des réponses libres de la part de l’interviewé, c'est-à-dire
qu’il va choisir lui-même les éléments qu’il jugera pertinents d’intégrer à sa réponse, ainsi
que la structuration de son discours. Ce type de question est à préférer lorsque l’on souhaite
recueillir un maximum d’informations de la part de l’interviewé (surtout s’il est loquace) car
elle laisse le champ de réponses le plus large possible. L’interviewer pourra, grâce à des
questions ouvertes, favoriser l’expression de l’interviewé, et devra, dans certains cas,
recadrer ce dernier sur le sujet contenu par la question. Les questions ouvertes sont
également des questions recommandées au cours d’un entretien lorsque l’on souhaite
changer de registre de communication, par exemple inviter un interviewé à faire part de son
ressenti alors qu’il s’exprime principalement de façon objective au travers de faits.
Les questions fermées appellent des réponses contenues dans un cadre défini par la
question. L’interviewé ne peut choisir son type de réponse autrement que dans les
propositions qui lui sont faites. Une question appelant une réponse de type Oui ou Non par
exemple est de type fermée. Elles ont pour avantage d’aller droit à l’essentiel, de limiter
l’étendue de la réponse par l’interviewé, mais elles consignent ce dernier dans un cadre
restrictif de réponse. Utilisées de façon permanente, elles peuvent conduire à donner la
7
sensation d’un interrogatoire et risquent de nuire à l’attitude d’empathie souhaitable chez
l’interviewer.
Pour conclure sur les questions, il est donc possible de poser 4 types de questions selon la
forme et l’objet que l’on souhaite considérer : des questions ouvertes subjectives (quelles
pourraient être des conditions de rémunération acceptables pour vous ?), des questions
ouvertes objectives (quelles étaient vos conditions de rémunérations dans votre ancien
poste ?), des questions fermées subjectives (le fait d’avoir une prime sur objectifs individuels
correspondant à 50% de votre rémunération constitue-t-il un critère de rémunération
satisfaisant pour vous ?) des questions fermées objectives (Etes-vous rémunéré avec une
partie variable correspondant à vos objectifs individuels ?).
Les techniques d’entretien ne sauraient se limiter à des techniques de questionnement, sous
peine de faire de l’entretien un interrogatoire ou une enquête de recherche plus qu’un
échange centré sur l’interviewé. L’interviewer devra notamment utiliser de nombreuses
techniques de reformulation dans un but :
De prouver à l’interviewé qu’il est bien écouté, on utilisera alors de préférence un
vocabulaire proche de celui utilisé par l’interviewé
D’approfondir le discours, de creuser, d’inciter à clarifier une situation
De s’assurer, en tant qu’interviewer, que l’on n’est pas en train d’induire, d’interpréter
ce que l’interviewé nous relate.
C’est donc à la fois un outil pour l’interviewé (clarifier sa pensée) et pour l’interviewer (faire
preuve d’empathie, s’assurer que l’on a bien compris).
La reformulation est une paraphrase de choses exprimées par l’interviewé, reprises plus ou
moins exactement (choix des mots et des éléments de contenu), qui peuvent parfois
apporter des éléments supplémentaires de l’ordre de l’implicite (le ton employé pour la
reformulation peut faire passer des messages complémentaires de l’ordre de l’interprétation
possible) ou de l’explicite, afin d’en déduire d’autres éléments.
Mucchielli (1966) reprend les différents types de reformulations décrites par Rogers (1950)
qui sont :
La reformulation reflet : elle revient à reprendre les idées exprimées par l’interviewé, le
plus fidèlement possible, de façon à ce qu’il s’y reconnaisse. La formulation peut être simple,
autrement appelée reformulation-écho, elle consiste à reprendre précisément les mots
utilisés par l’interviewé. La reformulation reflet, plus élaborée, consistera à utiliser des mots
équivalents mais différents, qui prouveront à l’interviewé l’effort de compréhension de
l’interviewer. Enfin, la reformulation résumé, qui est un type de reformulation reflet, vise à
reprendre l’idée majeure et essentielle exprimée par l’interviewé, ce qui nécessitera de la
part de l’interviewer des qualités d’écoute et d’analyse qui permettront de sélectionner ce qui
parait essentiel aux yeux de l’interviewé.
8
Les reformulations reflets commenceront par des formules du type « ainsi pour vous… »,
« en d’autres termes vous dîtes que… », etc…
Elles susciteront chez l’interviewé un soulagement immédiat à se sentir compris, et parfois
lui permettront de rebondir et de préciser à nouveau sa pensée, d’ajouter des éléments qui
lui paraitront pertinents de mentionner à l’écoute de la reformulation opérée par l’interviewer.
La reformulation comme renversement du rapport figure-fond : elle revient à faire
apparaitre ce qui est latent dans le discours de l’interviewé (le fond) malgré la forme (figure)
employée. Cette reformulation doit permettre à l’interviewé de percevoir une situation sous
un autre angle de vue.
La reformulation clarification : elle consiste à formuler autrement la pensée de l’interviewé,
afin de mettre en exergue le sens de ses propos. Cette « clarification » permettra non
seulement d’indiquer à l’interviewé que l’on a compris son propos, mais aussi de faire
émerger un contenu plus limpide sur la base d’un contenu parfois désorganisé ou confus. Ce
type de reformulation nécessite de solides capacités intuitives de la part de l’interviewer car
le risque d’interprétation des propos de l’interviewé est grand. La reformulation clarification
peut mettre en évidence un contenu subjectif qui n’est pas exprimé de façon claire par
l’interviewé. En cela, elle est un outil efficace pour faire progresser l’interviewé en matière de
connaissance de soi. En outre elle peut servir de relance, l’interviewé étant entraîné à étayer
son propos à la suite de la reformulation de celui qui conduit l’entretien.
Blanchet et Gotman (1992) élaborent une classification des relances (au sein desquelles les
reformulations tiennent une place importante) par un croisement entre le registre abordé
(modal/référentiel) et la forme employée (réitération, déclaration, interrogation).
Au sens de Blanchet et Gotman (1992), la relance est une paraphrase déductive en phase
avec la thématique traitée par l’interviewé dans son propos. Elle est donc un acte réactif. Elle
est essentiellement reformulation, même si elle peut se présenter sous une forme
interrogative.
A propos de la forme de l’acte de langage utilisé par le professionnel, Blanchet et Gotman
(1992) distinguent :
La réitération : il s’agit de reprendre le même contenu que celui exposé par le
bénéficiaire, sans y ajouter de contenu nouveau.
La déclaration : il s’agit de reformuler par une phrase affirmative en apportant un
contenu complémentaire, de l’ordre de la déduction.
L’interrogation : il s’agit de poser une question dont le contenu apporte une
déduction faite par celui qui conduit l’entretien
A propos du registre abordé par les relances, Blanchet et Gotman (1992) distinguent:
Le registre référentiel : il s’agit de ce qui concerne l’objet, les faits. On pourra utiliser
ce registre par exemple pour inviter une personne à objectiviser une situation.
9
Le registre modal : il s’agit de ce qui concerne les ressentis, l’état psychologique de
l’interviewé par rapport à une situation. On pourra employer ce registre pour faire
prendre conscience à l’interviewé que lorsqu’il énonce ce qui lui semble être des
« vérités factuelles », il énonce plutôt sa propre façon de voir les choses, qui est le
reflet fidèle de sa personnalité, et qui donc est très porteuse d’informations sur la
connaissance de ses mécanismes de fonctionnement.
Ainsi le croisement de ces 5 catégories de formulation donne lieu à la définition de 6 types
de relances pour Blanchet et Gotman (1992):
Les réitérations référentielles, également appelées « échos » : il s’agit du type de relance
le plus neutre puisqu’on reprend stricto-sensu les propos de l’interviewé.
Les réitérations modales, également appelées « reflets » : elles conduisent à faire prendre
conscience l’interviewé que ce qu’il dit est de l’ordre de son ressenti avant tout, et n’est pas
forcément le reflet d’une réalité incontestable
Les déclarations référentielles, également appelées « complémentation » : elles
présentent une nouvelle donnée sous la forme d’une continuité logique avec ce qui a été dit
par l’interviewé
Les déclarations modales, également appelées « interprétations » : elles présentent de
façon affirmative une supposition portant sur le ressenti, les affects de l’interviewé
Les interrogations référentielles : elles visent à demander à l’interviewé de se positionner
sur une interprétation du réel possible
Les interrogations modales : elles visent à demander à l’interviewé de se positionner sur
une interprétation possible de ses ressentis par rapport à une situation.
Toutes ces formes de relances ont des effets possibles sur l’interviewé, dépendants de la
forme utilisée par l’interviewer certes, mais aussi de la personnalité de l’interviewé. Dans
certains cas, elles pourront provoquer un acquiescement ou un consentement de la part de
ce dernier, dans d’autres cas, des résistances pourront être tangibles. Plus la relance sera
congruente, c'est-à-dire dans une logique avec le contenu du discours de l’interviewé, plus
le risque de résistance sera diminué.
1.4 Les biais méthodologiques durant l’entretien
La technique pouvant être parfaitement maitrisée, il faut garder à l’esprit que la situation de
l’entretien est une situation de communication verbale, et que de ce fait, elle peut être
source de malentendu.
Dans un premier temps, l’émetteur du discours exprime ce qui lui parait clair pour lui, en
utilisant son vocabulaire, lui-même élaboré dans un cadre de référence précis en lien avec
sa culture, son éducation, etc… L’émetteur peut avoir la sensation d’être tout à fait clair dans
son message, en omettant que son récepteur ne dispose sans doute pas du même cadre de
10
référence, n’appartenant peut-être pas au même groupe social d’appartenance. Le choix des
codes de communication de l’émetteur est également influencé par l’idée qu’il se fait de la
manière dont l’autre va recevoir le message, l’interpréter, le comprendre. Il est vrai que le
récepteur du message, à son niveau, va interpréter, déformer, évaluer le contenu du
message de l’émetteur en fonction de son propre système de signification, élaboré dans un
contexte différent de celui de l’émetteur.
De plus, outre le fait que la personnalité et l’histoire des sujets puissent impacter la
compréhension mutuelle des contenus, elles impacteront également fortement l’ambiance
de l’entretien et sa dynamique.
D’un point de vue méthodologique, d’autres variables propres à l’entretien pourront
impacter sa dynamique : le temps consacré à l’entretien, l’espace dans lequel il se déroule
(cadre physique et cadre socio-institutionnel), le statut social des participants, l’âge et le
sexe des participants, l’idée que chacun se fait à l’avance de l’entretien, les réactions
affectives immédiates face à l’interlocuteur (sympathie/antipathie/apparence et signes
morphologiques, ressemblances apparentes avec d’autres personnes déjà rencontrées),
l’idée que chacun se fait de l’opinion de l’autre à son égard.
Ces variables ne sont pas toutes maitrisables, aussi faut-il en avoir a minima conscience.
Plus particulièrement, dans le domaine du langage utilisé au cours de l’entretien, comme
nous l’avons vu, les techniques de questionnement et de reformulations sont à utiliser à bon
escient, afin de montrer à l’interviewé l’effort d’écoute qui lui est destiné, et afin de s’associer
dans un effort d’empathie à la pleine compréhension du sujet qu’est lui-même.
Nous ne saurions utiliser ces techniques de façon imparable tels des robots, sans le risque
permanent de commettre des erreurs de raisonnement, perceptibles au travers des
questionnements, des reformulations ou tout simplement du raisonnement fait par
l’interviewer.
Ces erreurs, appelées biais, sont des phénomènes totalement naturels et inhérents à
l’activité de communication qui est au centre de l’entretien. Ils relèvent de la propension
spontanée de notre activité cérébrale à faire des économies de réflexion et à se maintenir
dans une illusion de maitrise de la communication.
Ces biais peuvent se manifester dès l’étape de questionnement par l’interviewer. Parmi les
biais de questionnement existants, nous citerons par exemple :
- Les questions inductives : il s’agit de questions dont la formulation est telle qu’elle
orientera la réponse du client. L’interviewer émet une suggestion qui n’est pas
forcément consciente ou souhaitée. De façon explicite, c'est-à-dire dans le type de
formulation choisie, c’est à nouveau le référentiel et le système de valeurs de
11
l’interviewer qui provoqueront ces questions inductives. Implicitement, les attitudes de
l’interviewer peuvent également induire certains types de réponse. Imaginons par
exemple un interviewer très silencieux. Selon la personnalité de l’interviewé, ce
dernier peut trouver à cette attitude une source d’anxiété, de frustration, d’inquiétude
qui pourront influencer ses réponses.
- Les questions faisant appel à des réponses dites de désirabilité sociale : il s’agit
de questions auxquelles un interviewé répondra spontanément d’une façon qui lui
semble socialement acceptable, sans pour autant qu’il s’agisse nécessairement du
reflet de sa réalité personnelle.
- Les questions dichotomiques : il s’agit de questions souvent de type fermé qui
enferment l’interviewé dans un choix forcé de réponse.
A l’écoute du discours de l’interviewé, l’interviewer peut également être victime de biais de
raisonnement comme :
- Les biais de disponibilité : on raisonnera alors uniquement sur ce qui est
immédiatement disponible dans le discours de l’interviewé
- L’effet de récence : on raisonnera particulièrement sur les éléments obtenus le plus
récemment, sans faire toujours de lien avec des informations obtenues dans des
entretiens antérieurs
- Les biais de rationalisation : on tiendra pour vrai un discours qui parait cohérent en
apparence
- Les biais de confirmation d’hypothèse : on ne retiendra inconsciemment que les
éléments pertinents à l’égard de notre propre système de croyances. Les biais
d’égocentrisme sont du même ordre que les biais de confirmation d’hypothèse
- Les biais de raisonnement émotionnel : ces biais sont en lien avec les réactions
affectives immédiates (sympathie/antipathie) à l’égard de l’interviewé : on se laisse
dominer par ses affects au détriment du raisonnement objectif.
- Les effets de cadrage : il s’agit là d’affirmer comme approprié un cadre de pensée
particulier pour analyser une situation
- Les effets de primauté : il s’agit de se laisser impacter par la première impression
perçue dès la rencontre
- Les effets de halo : il s’agit de construire une opinion de la personne en référence à
une seule caractéristique qui nous parait a priori positive ou négative, et d’étendre ce
jugement à toutes les caractéristiques de la personne
1.5 Méthodologie de la catégorisation et de l’analyse sectorielle
Pour un professionnel de l’entretien, savoir si les techniques utilisées sont adaptées à
l’objectif visé nécessite une analyse poussée des entretiens réalisés. Cette analyse du
12
contenu des entretiens répondra à des règles précises afin que l’analyse soit la plus
objective possible.
« Il faut savoir pourquoi on analyse et l’expliciter, pour savoir comment analyser. D’où la
nécessite de préciser des hypothèses, de replacer la technique dans un cadre théorique. »
(Bardin, 1977, p. 134). En effet, sauf à vouloir établir une théorie sur la base de contenus
expérimentaux, l’analyse d’un contenu d’entretien doit se référer à une théorie et poser
l’hypothèse que l’entretien contient les éléments de référence élaborés dans cette théorie.
L’analyse du contenu doit donc passer en premier lieu par :
- La définition de l’objet de l’analyse
- La sélection du ou des modèles théoriques de référence qui permettront à
l’analyse de juger si la conduite de l’entretien était pertinente ou non.
Ensuite il s’agir de recueillir le matériel nécessaire à l’analyse, dans le cas présent,
enregistrer par exemple un entretien réalisé entre un professionnel et un bénéficiaire, dont
l’objectif visé est en phase avec l’objet de l’analyse.
Entre ensuite une phase de codage de l’enregistrement. Il s’agit là de transformer, par des
règles précises, les données du texte recueilli. C’est une « transformation qui, par
découpage, agrégation et dénombrement, permet d’aboutir à une représentation du contenu,
ou de son expression, susceptible d’éclairer l’analyste sur des caractéristiques du texte qui
peuvent servir d’indices » (Bardin, 1977, p. 134).
L’idée est de définir dans un premier temps l’échelle de découpage (l’unité). Il peut s’agit
d’observer la sémantique (les mots, échelle de découpage très fine) ou simplement le thème
(par exemple une phrase, ou une phrase composée, condensée, « sous laquelle un vaste
ensemble de formulations singulières peuvent être affectées » (Bardin, 1977, p. 136). Le
thème est l’unité de découpage la plus utilisée pour les études d’entretiens.
Puis il s’agira de définir des règles d’énumération (ou règles de comptage). On peut
s’attendre à trouver ou à ne pas trouver certains types d’interaction dans un entretien entre
un professionnel et un bénéficiaire. La notion de « présence » ou d’ « absence » de tel ou
tel type de données est une règle de comptage. On peut également pousser la finesse de la
règle de comptage jusqu’à établir des proportions (Par exemple : je m’attends à trouver deux
fois plus de questions ouvertes que de questions fermées dans ce type d’entretien, selon la
théorie de référence retenue) ou des critères basés sur l’ordre d’apparition des unités (par
exemple : je m’attends à trouver d’abord des questions ouvertes, puis des questions fermées,
selon la théorie de référence)
Enfin, l’analyste devra définir des règles de classification et d’agrégation (ou catégories).
« la catégorisation est une opération de classification d’éléments constitutifs d’un ensemble
par différenciation puis regroupement par genre (analogie) d’après des critères
préalablement définis. Les catégories sont des rubriques ou classes qui rassemblent un
13
groupe d’éléments (unités d’enregistrement) sous un titre générique, rassemblement
effectué en raison des critères communs de ces éléments» (Bardin, 1977, p. 150)
En d’autres termes, on définira des catégories représentant des thèmes pertinents dans le
cadre de l’analyse, et on recherchera dans le contenu de l’entretien la représentation de ces
thèmes dans les interactions entre le bénéficiaire et le conseiller. Ensuite, la représentation
de ces catégories sera analysée qualitativement et quantitativement, grâce aux règles
d’énumération qui auront été fixées.
La démarche de définition de catégories n’est pas une opération anodine et doit répondre à
certaines règles. Un ensemble de bonnes catégories doit répondre aux principes suivants :
- L’exclusion mutuelle : un élément ne devrait pas pouvoir être classé dans deux
catégories en même temps
- L’homogénéité : les catégories doivent couvrir ensemble un même objet d’analyse,
un même registre, une même dimension.
- La pertinence : les catégories doivent être adaptées au matériel d’analyse et en lien
avec le cadre théorique de référence sélectionné.
- L’objectivité et la fidélité : l’attribution ou non d’un élément du matériel d’analyse à
une catégorie ne doit pas dépendre de la subjectivité de l’analyste. Il faut donc
clairement définir les catégories retenues.
- La productivité : critère pragmatique, les catégories définies doivent permettre
d’obtenir des résultats d’analyse riches, fiables et instructifs.
Au-delà de ces considérations techniques sur la posture d’accompagnement, sur l’entretien
et sur son analyse, intéressons-nous à présent à la thématique même de notre mémoire qui
porte sur la motivation dans le cadre d’un accompagnement.
2. La motivation au changement dans le cadre de l’accompagnement professionnel
2.1 Les dispositifs d’accompagnement professionnel
Il existe différents dispositifs d’accompagnement professionnel aujourd’hui, dans lesquels
l’entretien d’aide s’inscrit comme l’une des techniques les plus prégnantes.
Ils s’adressent à des salariés mais également à des personnes en recherche d’emploi.
On distinguera donc les prestations dont l’objectif principal est l’accompagnement à la
définition d’un projet professionnel et celles sont l’objectif principal est l’accompagnement
dans la recherche d’emploi, bien que ces objectifs puissent être complémentaires et
associés en cours de prestations. Nous retiendrons ici les plus fréquentes, et cet état des
lieux n’a pas de caractère exhaustif.
14
Les prestations d’accompagnement à la définition du projet professionnel
L’entretien carrière :
Ce type d’entretien peut être réalisé par le responsable hiérarchique du salarié, le DRH ou le
responsable du service gestion de carrière de l’entreprise, et a pour objectif de faire le point
avec le salarié de ses expériences, compétences, souhaits d’évolution en rapport avec les
possibilités offertes par l’entreprise. Il n’est pas obligatoire, mais intègre souvent les accords
GPEC de certaines entreprises.
L’entretien de seconde partie ou de fin de carrière
Cette prestation est identique à l’entretien carrière mais s’adresse exclusivement à la
population spécifique des personnes dites « seniors », c'est-à-dire les personnes de plus de
45 ans qui font partie des effectifs d’une entreprise de plus de 50 salariés. Il est devenu
obligatoire pour ces salariés par la loi du 24 novembre 2009 relative à la formation
professionnelle. Il prévoit notamment que l’entreprise organise « un entretien professionnel
au cours duquel il informe le salarié notamment sur ses droits en matière d'accès à un bilan
d'étape professionnel, à un bilan de compétences ou à une action de professionnalisation.»
Le bilan de compétence:
Il est un droit ouvert à tout salarié ou demandeur d’emploi sous certaines conditions et
permet au bénéficiaire d’être accompagné par un professionnel neutre et externe à
l’entreprise pour faire un bilan de ses expériences, compétences, valeurs, intérêts, leviers de
motivation, et définir un projet professionnel réaliste et réalisable qui pourra déboucher vers
un emploi. Le bilan de compétence est réalisé par un consultant et se déroule au maximum
sur 24 heures d’accompagnement. Il doit donner lieu à une synthèse écrite remise au seul
salarié.
Le salarié peut réaliser un bilan de compétence pendant ou hors du temps de travail. Les
modes de financement sont divers : CIF, plan de formation, voire fonds propres du salarié
(plus rare). Si la structure qui réalise le bilan est accréditée par un OPCA de type Fongecif,
les conditions de réalisation sont très strictes et doivent répondre au cahier des charges de
l’OPCA en question. Alors, le bilan de compétence peut être financé intégralement par
l’OPCA.
Le bilan professionnel, ou le bilan de carrière
Il s’agit d’une prestation similaire au bilan de compétence puisque les objectifs sont
identiques. Sa dénomination est un choix du consultant ou de la structure qui la propose.
C’est le format de l’accompagnement qui peut varier car il n’est pas encadré par la
réglementation. La durée de l’accompagnement, le format de restitution des données
(synthèse du bilan), ou les techniques utilisées pour l’accompagnement varient selon les cas.
Le bilan professionnel est souvent pris en charge par le DIF du salarié ou dans le cadre du
15
plan de formation de l’entreprise. Dans ce cas, il fait l’objet d’une convention tripartite entre
salarié, consultant et entreprise.
Les prestations d’accompagnement dans la recherche d’emploi
L’outplacement
Il s’agit d’une prestation financée par une entreprise pour le compte de son salarié licencié.
Les salariés qui en bénéficient sont suivis pendant plusieurs mois, selon le contrat établi
entre l’entreprise et la structure dans laquelle se réalise la prestation. Selon les prestations
prévues au contrat, les salariés sont a minima accompagnés dans le cadre de leur recherche
d’emploi (redynamisation, travail sur la motivation, travail sur les techniques de recherches
d’emploi). Dans certains cas, les prestations prévoient un bilan professionnel plus ou moins
poussé, pour (re)définir le projet professionnel.
L’accompagnement Pôle Emploi
L’octroi de prestations chômage par les structures sociales donne obligation au demandeur
d’emploi de se mobiliser dans sa recherche. A ce titre, Pôle Emploi accompagne les
demandeurs d’emploi à titre individuel et peut proposer à certains des prestations
complémentaires, prises en charge par l’Etat. Parmi celles-ci, on retiendra pour le présent
sujet du mémoire, le Bilan de Compétence Approfondi (BCA), donc l’objectif est d’identifier,
sur la base des expériences précédentes, les compétences transférables pour un retour à
l’emploi rapide. Ce type de bilan est proposé aux demandeurs d’emploi ayant une
expérience professionnelle suffisante. Il dure au maximum 42 jours et se décompose en 6
entretiens.
L’accompagnement par des structures associatives
De nombreuses structures associatives proposent un renforcement de l’accompagnement
proposé par Pôle Emploi, à titre gratuit. Elles regroupent le plus souvent des professionnels
bénévoles, en capacité d’accompagner un demandeur d’emploi pendant plusieurs mois, à
raison de 1 entretien de suivi par semaine ou tous les quinze jours. Elles proposent
également des ateliers collectifs de connaissance de soi, d’élaboration de projet
professionnel, de définition d’une stratégie de recherche d’emploi, etc….
2.2 Repères théoriques sur la motivation
2.2.1 Définitions générales
Lorsque l’on étudie la définition commune de la motivation, elle est libellée dans le
dictionnaire Robert de 2001 d’un point de vue philosophique comme « la relation d’un acte
aux motifs qui l’expliquent ou le justifient ». La motivation est donc définie ainsi non pas
comme un état de fait stable et immuable, mais bien comme un processus (une relation)
mettant en lien une manifestation (l’acte) aux mobiles de cette manifestation (les motifs). Le
terme même de motif est défini dans ce même ouvrage comme « mobile d’ordre
16
psychologique, raison d’agir ». En raisonnant avec bon sens, il semble évident que selon les
personnes et les situations, un même motif peut aboutir à différents actes, et un même acte
peut découler de motifs différents, ou de motifs qui évoluent dans le temps. Nous sommes
donc bien dans un processus évolutif.
Le dictionnaire complète la première définition par une définition qui place la notion de
motivation dans une dimension plus psychologique : « la motivation est une action des
forces (conscientes ou inconscientes) qui déterminent le comportement. »
Ainsi la motivation génère un comportement. On pourrait se demander si tout comportement
est généré par une motivation ou si toute motivation génère un comportement. Il est
intéressant de constater que dans cette définition, la motivation est une manifestation de
« forces », comme si celles-ci n’étaient pas issues d’une volonté raisonnée de l’individu. La
définition mentionne même que ces forces peuvent être inconscientes.
Vallerand et Thill (1993) emploient ce même mot de « forces » et expriment que la
motivation est « un construit hypothétique utilisé afin de décrire les forces internes et
externes produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du
comportement ». Il s’agirait donc d’un construit social, qui allie la description des causes d’un
comportement, et celle de la façon dont se construit et perdure ce comportement.
Ce n’est donc pas un hasard si Hervé Legrain (2005) nous invite à distinguer les approches
qui définissent la motivation sous l’angle du contenu motivationnel (qu’est-ce qui motive la
personne ?) de ceux qui l’abordent sous l’angle du processus motivationnel (comment se
motive la personne ? comment l’engagement et la persistance dans le comportement
s’opèrent-ils ?).
Claude Levy-Leboyer réunit ces deux angles de vue en indiquant que « être motivé, c’est
essentiellement avoir un objectif, décider de faire un effort pour l’atteindre, et persévérer
dans cet effort jusqu’à ce que le but soit atteint » (Levy-Leboyer, 1998, p.32).
Pour continuer de nous éclairer, différents scientifiques, chercheurs et psychologues ont
étudié la motivation et ses mécanismes pour en donner des définitions. Il est important de
mentionner à ce stade que la motivation est définie de façons très variables, et que cette
notion tend à s’affiner au travers de l’utilisation d’un vocabulaire plus précis, de la même
façon par exemple que la notion d’intelligence a été progressivement précisée par
« aptitudes cognitives », « capacités de raisonnement », etc… Les psychologues
aujourd’hui parlent volontiers de « facteurs motivationnels », de « capacités conatives », de
« sentiment de compétence » lorsqu’ils souhaitent parler de la motivation.
Pour bien comprendre la motivation, décrivons à présent plusieurs grandes théories qui
tendent à expliquer les mécanismes de déclenchement de la motivation.
17
2.2.2 Quelques grandes théories de la motivation
Les comportementalistes et la loi du renforcement
Les grandes théories comportementalistes portant sur la motivation expriment que cette
dernière est suscitée d’une part par la nécessité de satisfaire un besoin, et d’autres parts par
un renforcement attendu au comportement. Il s’agit de la loi du renforcement. Les apports
théoriques présentés ci-dessous proviennent de résultats d’études scientifiques sur des
animaux ou des hommes qui nous ont été communiqués dans nos enseignements de Paris
8.
Tolman et Honzik (1930) insistent sur le fait que le seul besoin ne peut déterminer, chez
l’être humain, la motivation à déclencher un comportement. Le renforcement, c'est-à-dire, la
récompense obtenue à l’issue du comportement mis en œuvre, est un facteur essentiel du
déclenchement du comportement.
Hull (1952) complète cette approche en ajoutant que le renforcement positif est
effectivement un facteur déclencheur d’un comportement, mais que le renforcement négatif,
c'est-à-dire par exemple la punition, est un facteur inhibant du comportement.
Dans l’entreprise, les politiques de rémunération ont intégré ces concepts en apportant une
réponse au besoin minimal des collaborateurs par la partie fixe du salaire, et en proposant
un renforcement positif par le fait de pouvoir obtenir une prime sur atteinte d’objectifs
individuels ou collectifs.
Ces théories sont complétées par Seligman (1975), qui montre par une étude scientifique
conduite sur des chiens que lorsque le renforcement négatif est récurrent pour un être vivant,
celui-ci peut conduire le sujet à ne plus manifester un type de comportement. Il nomme ce
concept la résignation acquise. L’apprentissage que tel comportement conduisait
systématiquement à un renforcement négatif peut conduire à la démotivation d’un être vivant.
La motivation des espèces humaines comme animales résulte de mécanismes biologiques
(stimulation de zones du cerveau, hormones, phéromones, programmation innée,
comportements acquis par apprentissage) mais également psychologiques (nécessité de
répondre à un besoin, attente de renforcement réel suite à un comportement : nourriture,
récompense effective…).
Ce qui différencie toutefois l’homme et l’animal réside dans le fait que le processus de
motivation (ou de démotivation) peut s’activer chez l’homme sur la base d’un renforcement
imaginaire, parfois jamais rencontré (donc, non consécutif à l’expérience), et totalement issu
de projections réalisées dans l’avenir.
Albert Bandura (1980) indique que l’homme est capable d’intérioriser un renforcement sans
le recevoir réellement. La perspective de gagner de l’argent lorsqu’il s’agit de jouer à un jeu
de hasard est une parfaite illustration de ce mécanisme. Dans la réalité, je perds de l’argent
18
en misant dans une machine à sous (renforcement négatif réel), et pourtant, la perspective
de gagner le gros lot m’invite à poursuivre mon comportement de jeu (renforcement positif
imaginé). A nouveau, dans l’entreprise, la perspective de pouvoir obtenir une prime
(renforcement positif imaginé) est source de passage à l’action, alors qu’il n’est pas
nécessaire qu’il soit réellement obtenu par le salarié pour agir.
La théorie des besoins selon Maslow
Maslow (1943) élabore à la théorie selon laquelle la motivation est déclenchée par le besoin
de satisfaire à des besoins. Il classe ces besoins au sein de 5 familles hiérarchisées en
indiquant que l’individu cherchera à les satisfaire de façon ordonnée et conditionnelle. Par
exemple, il expose que les premiers besoins que l’homme souhaite satisfaire sont les
besoins physiologiques tels que manger, dormir, se reproduire, etc… Selon Maslow, un
individu ne développerait pas de motivation à répondre à d’autres besoins de type « besoin
d’appartenance sociale » ou « besoin de reconnaissance » tant que ses besoins
physiologiques ne sont pas satisfaits.
La théorie de l’auto-efficacité perçue selon Bandura
Albert Bandura a élaboré une théorie dite « sociale cognitive » (1980, 1986). Relativement à
la motivation, il introduit la notion d’agentivité, allant à l’encontre des théories faisant de
forces externes ou internes les seuls moteurs de la prise de décision et de l’action.
Il exprime que l’individu doit être considéré comme un acteur à part entière dans le
processus de motivation qui conduit à la prise de décision et au passage à l’action. Le sujet
est capable d’analyse, de réflexion, d’organisation de sa pensée, de symbolisation, et
d’élaboration de schémas d’actions qui lui sont propres. Il exprime donc particulièrement que
les personnes ont le potentiel de se réguler de façon totalement contrôlée.
Si ce potentiel semble commun à tous les individus, il n’en reste pas moins que deux notions
clés justifieraient en grande partie que tous les individus ne manifestent pas la même
motivation dans l’action. Il s’agit du sentiment d’efficacité personnelle (SEP), également
nommé sentiment d’auto-efficacité, et des attentes de résultats.
Le sentiment d’efficacité personnelle renvoie aux « croyances d’un individu à l’égard de ses
capacités à accomplir avec succès une tâche ou un ensemble de tâches. » (François, 1998,
p.277). Il serait hautement à l’origine de la motivation à la prise de décision et au passage à
l’action.
Bandura (2008) distingue nettement l’estime de soi du concept de sentiment d’efficacité
personnelle en ce sens que ce dernier est totalement associé à une tâche ou une activité,
tandis que l’estime de soi concerne l’évaluation de sa valeur en tant que personne.
19
Le sentiment d’efficacité personnelle est donc une appréciation de l’individu relative à ses
propres capacités de réussite dans une tâche donnée. Cette appréciation n’est pas stable
dans le temps et est sensible à l’environnement. Elle peut évoluer au travers d’expériences
d’apprentissage, par exemple au travers des expériences individuelles. En effet une
personne développera un SEP plus fort vis-à-vis de tâches à accomplir qu’elle connait déjà
et pour lesquelles elle a déjà pu expérimenter et prouver sa capacité. Elle développera
également un SEP plus fort si la tâche à accomplir présente de nombreuses similitudes avec
des expériences passées réussies, particulièrement si elle a la faculté à repérer davantage
ces similitudes plutôt que les différences avec les situations qu’elle connait. Ainsi, Albert
Bandura insiste sur le fait que les réussites de début de parcours professionnel sont
primordiales, elles conditionneraient largement le sentiment d’efficacité personnelle et la
motivation à agir.
Le sentiment d’efficacité personnelle peut également évoluer lorsque la personne observe
son environnement et plus particulièrement les réussites d’individus semblables dans
certains domaines. Il s’agit, selon Bandura, de « modelage social » (1980).
Enfin, la « persuasion sociale et verbale », exercée par exemple par un tiers professionnel,
pourrait, dans une certaine limite, renforcer le sentiment d’efficacité personnelle (Bandura,
1980).
Ces trois sources de développement du SEP chez l’individu montrent bien qu’il existe une
interdépendance entre l’individu et son environnement social dans l’élaboration de son
sentiment d’efficacité et donc de sa réussite future.
Bandura souligne que les décisions, les choix de buts à atteindre, seront corrélés au SEP
qu’ont les individus pour ces mêmes buts. Ainsi, nous sommes naturellement plus enclins à
viser un objectif qui nous semble atteignable, c'est-à-dire pour lequel nous sommes confiants
quant à nos capacités de réussite. Nous ne développerons néanmoins nos capacités et une
motivation à l’action que si nous surestimons très légèrement notre SEP en rapport à une
tâche donnée, car nous devrons alors faire preuve de capacités plus élevées que nos
capacités réelles pour atteindre notre but, augmentant ainsi notre potentiel de
développement.
Comment expliquer que nous pouvons avoir un SEP fort pour agir, sans pour autant être
motivé à passer à l’action ? Bandura introduit le fait que ce sont également les attentes de
résultats, c'est-à-dire les croyances relatives aux conséquences de l’action, qui renforcent la
motivation. Plus les résultats attendus sont valorisés par l’individu (au sens qu’ils
correspondent à ses valeurs, à ses intérêts), plus forte sera la motivation, à condition bien
sûr que cette attente de résultat s’accompagne d’un SEP suffisamment important pour que
l’individu considère par ailleurs que son but est atteignable.
20
C’est donc dans une sorte de boucle de rétroaction que la motivation de l’individu se
construit et se développe. Au travers des différentes expériences réussies vécues ou
observées par modelage social, l’individu va développer un SEP pour réaliser une activité.
Conjointement, il se fixera une attente de résultat plus ou moins élevée en rapport avec ses
valeurs et intérêts. Lorsque le SEP et les attentes de résultats seront suffisamment grands
pour l’individu, celui-ci va s’engager naturellement dans un processus de décision et d’action.
Le SEP est, selon Bandura, fortement prédictif de la réussite ou non dans l’activité. De ce
fait, lorsque le SEP est élevé et que les attentes de résultats sont valorisées, l’individu va
trouver un intérêt plus grand de s’engager dans une voie, et celle-ci devrait davantage
l’amener vers la réussite, et renforcer ainsi sa bibliothèque personnelle d’expériences
réussies, alimentant positivement son SEP.
La théorie des attentes de Vroom
Le déclenchement d’un comportement résulterait de l’analyse rationnelle de la probabilité
que les efforts produits aboutissent à un résultat qui ait un sens aux yeux de l’individu. Cette
théorie s’appelle la théorie de l’expectation/valence (Vroom, 1964).
En d’autres termes, l’individu ne serait motivé que si ces trois facteurs sont réunis :
- La probabilité perçue par l’individu que ses efforts puissent le conduire à un
résultat d’une façon générale (l’expectation/l’attente)
- La probabilité perçue par l’individu que ses efforts le conduiront au but
précisément envisagé (l’instrumentalité)
- L’attraction qu’exerce le but sur l’individu (la valence)
La réunion de ces trois facteurs conduira au fait que l’individu visera un certain niveau de
performance qui lui paraitra atteignable. Même s’il n’est pas optimal, il est envisagé de façon
rationnelle et correspond notamment à une perception propre et individuelle de la
performance possible selon des capacités personnelles. En ce sens, la notion d’expectation
semble à rapprocher du Sentiment d’Efficacité Personnelle développé par Bandura (1980),
qui conditionne la vision que l’individu se fait de sa réussite possible en fonction de ses
capacités.
La théorie des deux facteurs de Herzberg
Herzberg distingue la satisfaction, la non-satisfaction et l’insatisfaction au travail (1959).
Sa théorie postule sur le fait que les critères qui conduisent à la satisfaction dans le travail
sont différents de ceux qui conduisent à l’insatisfaction. Ainsi, si les critères requis pour la
satisfaction n’étaient pas remplis, cela ne conduirait pas à l’insatisfaction mais à un état de
non satisfaction. Ces critères sont de l’ordre de ce qui, subjectivement, entretient un rapport
positif entre l’individu et son travail. Il s’agit de critères associés par exemple à l’intérêt pour
les tâches, les sources d’accomplissement, les possibilités d’apprentissages, etc…
21
Les critères conduisant à l’insatisfaction sont eux, de nature plus matérielle, comme la
rémunération, les conditions de travail, le style de management…
Par sa théorie, Herzberg tend à démontrer que les actions destinées à augmenter la
motivation d’un individu sur son travail, doivent être en lien avec les critères associés à la
satisfaction au travail, donc de l’ordre de l’évolution des tâches, du développement de
l’autonomie, de l’attribution de nouvelles responsabilités, etc…
2.2.3 Valeurs, intérêts et mobiles de l’activité
La théorie des intérêts professionnels de Holland
Holland établit un lien entre la personnalité de l’individu et les environnements dans lesquels
il sera motivé car épanoui (1973). Ce dernier choisirait une voie professionnelle
correspondant à ses valeurs, ses attitudes, et pourra ainsi y utiliser ses aptitudes dans un
rôle qui lui sera agréable.
Holland a proposé en 1985 un modèle accompagné d’un test d’inventaires des personnalités
appelé IPH, qui permet de déterminer le type de personnalité de l’individu et les contextes de
travail qui lui correspondent. Selon Holland, il existe 6 types de personnalités associés à ces
contextes de travail, reprenant les initiales RIASEC : les types Réaliste, Investigateur,
Artistique, Social, Entreprenant et Conventionnel.
L’IPH permet de déterminer la position dominante d’un individu ainsi que des types adjacent
au type dominant. Un individu pourra s’orienter vers des métiers correspondant à son type
dominant, voire un type adjacent, et y développer une plus grande motivation. Il pourrait a
contrario subir un inconfort important mettant en péril sa motivation s’il s’orientait vers un
type opposé à son type dominant (exemple : s’orienter vers un métier associé au type
« Artistique » lorsque le type dominant est « Conventionnel »).
Un autre test de personnalité, l’IRMR, est directement issu de cette théorie.
La théorie de l’activité de Leontiev
Dans sa théorie de l’activité, Leontiev (1978) prétend que pour la réalisation d’une tâche, un
individu est conduit par des motifs objectifs et des motifs subjectifs. Les motifs objectifs (les
buts) constituent l’état objectif auquel la tâche doit conduire. Les motifs subjectifs (les
mobiles) sont associés au sens, à la finalité psychologique de la tâche pour l’individu qui la
réalise.
Cette théorie fait prendre conscience que tant que la tâche à réaliser par l’individu ne fait pas
écho à ses valeurs intrinsèques, à ses aspirations, à ses désirs, l’individu pourra la réaliser
sans motivation autre que d’atteindre le but fixé, en utilisant ce qui relève de ses capacités
cognitives (ses compétences par exemple).
22
2.2.4 L’entretien motivationnel
L’entretien motivationnel est une technique d’accompagnement née dans les années 80 aux
Etats Unis et au Royaume Uni grâce aux psychologues Miller et Rollnick. Son application
principale est associée au champ médical et sanitaire, plus particulièrement au domaine du
traitement des dépendances et addictions. Il s’agit d’une méthode de communication
directive, centrée sur le client, visant au changement du comportement, grâce à une prise de
conscience de l’ambivalence dans laquelle le sujet se trouve, au développement des
divergences, à l’identification des leviers de motivation qui peuvent engager le sujet dans un
changement, au traitement de ses résistances, au renforcement de la dynamique dans
laquelle le sujet s’engage au cours de l’accompagnement, à l’accompagnement dans la prise
de décision du sujet pour la mise en place concrète de ce changement.
L’entretien motivationnel s’appuie sur les mêmes principes que l’entretien d’aide développé
par Rogers (1966), en mettant notamment en avant que l’individu possède en lui-même les
ressources et la responsabilité dans son évolution. Durant l’accompagnement, le conseiller
ou le thérapeute devront particulièrement faire preuve d’empathie, utiliser les techniques
d’écoute réflective, poser des questions ouvertes, valoriser, résumer.
Si l’entretien motivationnel est à ce jour principalement utilisé dans le domaine du traitement
des addictions, ses fondements s’avèrent particulièrement intéressants pour traiter de
l’accompagnement au choix professionnel, dans la mesure où ces situations, dans bien des
cas, peuvent susciter pour le sujet une situation d’inconfort et de mise en balance d’une
situation présente non idéale mais connue, et d’une situation « rêvée » dont la mise en
œuvre peut s’avérer, selon les personnalités, comme une vraie mise en danger.
Les étapes de l’entretien motivationnel ont des durées variables selon les bénéficiaires,
certaines se chevauchant avec d’autres (Miller, Rollnick, 2006). En outre les accompagnants
peuvent naviguer d’une phase à une autre selon leur perception du discours élaboré par le
bénéficiaire. Les grandes phases sont au nombre de six :
Développer l’ambivalence : il s’agira de proposer au bénéficiaire d’identifier précisément
les avantages et les inconvénients du statu quo ou du changement. On placera l’individu
dans une démarche d’évaluation de ces avantages et inconvénients, et on s’efforcera
d’écouter attentivement le discours du bénéficiaire qui manifestera sa prise de conscience
des divergences dans lesquelles il se maintient entre la situation qu’il vit dans le présent, et
ses aspirations profondes, ses valeurs (développement des divergences). C’est par le biais
d’un discours changement que l’on mesurera l’automotivation du bénéficiaire à engager un
changement possible, à ce stade imaginé de façon plus ou moins précise.
23
Rouler avec les résistances : la résistance est ce qui témoigne du mouvement
d’éloignement vis-à-vis d’un changement donné. Il est particulièrement important pour
l’accompagnant d’identifier les résistances, pour pouvoir, grâce à une attitude adaptée, jouer
habilement avec cette résistance et ainsi permettre au bénéficiaire de l’identifier comme telle
et de la dépasser.
Construire la motivation au changement : il s’agit de mesurer chez le bénéficiaire de
l’accompagnement, l’importance qu’il attribue au changement visé, et son degré de
confiance dans ses capacités pour y parvenir.
Augmenter la confiance : il s’agit pour l’accompagnant de renforcer les éléments de
confiance en soi qui iront dans le sens du changement. Il pourra mesurer les effets de ses
actions par l’apparition chez le bénéficiaire d’un discours-confiance.
Renforcer l’engagement au changement : il s’agit, par un acte de communication, de
rappeler à la mémoire du bénéficiaire l’ambivalence et la divergence dans lesquelles il se
trouve jusqu’à maintenant, l’importance qu’il a perçue du changement à initier, le degré de
confiance qu’il a exprimé, et de l’inviter à se déplacer alors de la phase de réflexion à la
phase d’action, en définissant puis mettant en œuvre un plan de changement.
Négocier un plan de changement : Il s’agit d’accompagner le bénéficiaire dans la définition
d’étapes constituant des objectifs réalistes pour le conduire à son nouvel état, y compris en
imaginant des solutions alternatives.
2.2.5 L’accompagnement dans la dynamique du changement
la théorie sociale cognitive appliquée à l’orientation scolaire et professionnelle
Sur la base de la théorie sociale cognitive développée par Bandura (1980, 1986), Lent (1994)
développe la théorie sociale cognitive appliquée à l’orientation scolaire et professionnelle
(TSCOSP).
Cette théorie est particulièrement pertinente pour notre sujet puisqu’elle permet d’appliquer
de façon directe la théorie de Bandura au contexte de l’orientation professionnelle.
La TSCOSP affirme que les variables personnelles clés telles que le SEP, les attentes de
résultats, les buts personnels, interagissent avec d’autres caractéristiques personnelles
telles que l’appartenance à un groupe social ou l’appartenance ethnique. La TSCOSP ajoute
que les contextes et les expériences d’apprentissage contribuent à modeler la progression
dans un domaine d’apprentissage.
Ainsi la TSCOSP développe un modèle des intérêts, un modèle du choix professionnel, et un
modèle du niveau de réussite atteint.
Concernant le modèle des intérêts, la TSCOSP établit un lien entre le SEP, les attentes de
résultats, l’environnement social et culturel, et les intérêts professionnels.
24
En effet, l’intérêt pour une profession a plus de chance de se développer si la
personne se sent compétente pour la profession visée (SEP). Toute mise en situation
permettant d’appréhender ses capacités de réussite dans une profession visée ou toute mise
en adéquation entre une situation vécue, une expérience réussie, et une profession visée,
sont de nature à faire prendre conscience à l’individu de ses capacités et donc à développer
son sentiment d’efficacité personnelle. Par ailleurs, si les attentes de résultats associées à
la profession visée sont valorisées par l’individu, la motivation à mettre en place les
moyens en vue d’exercer cette profession sera augmentée. Les attentes de résultats
sont directement liées aux caractéristiques associées à la profession même, mais aussi à
certains renforçateurs attendus dans l’exercice d’un travail (argent, statut, etc…). Elles
peuvent être impactées par des croyances associées aux professions visées et doivent bien
entendu être objectivées par des recherches précises sur les métiers dans lesquels se
projette l’individu.
L’intérêt d’un individu pour une orientation professionnelle est aussi impacté par
l’environnement social et culturel. Ainsi par exemple, on constate que les hommes sont
plus attirés par des professions associées aux sciences et que les femmes sont plus attirées
par des professions en rapport avec les métiers de l’aide. Les processus de socialisation
tendent à associer certaines professions au genre et les sentiments d’efficacité personnelle
et les attentes de résultats seront eux aussi impactés par ces processus.
Le modèle du choix professionnel est associé au modèle des intérêts. Bien que les choix
puissent être impactés par certains éléments contextuels (par exemple le niveau scolaire
atteint, la perception de telle ou telle profession par l’environnement familial de la personne,
etc…), la TSCOSP postule sur le fait que les individus s’orientent dans des
professions en lien avec leurs intérêts, de la même façon que la théorie de Holland. Il faut
garder en mémoire que des facteurs environnementaux tels que des facteurs sociaux,
l’image d’un métier dans un certain type de milieu social, les contraintes économiques
associées à un métier, sont de nature à influencer fortement la perception de la valeur du but
à atteindre par l’individu, et ainsi impacter les intérêts et la perception d’efforts inhérents aux
actions à mettre en œuvre pour atteindre ce but. Le développement des intérêts et d’une
motivation à mettre en place des actions pour atteindre un but seront plus forts si les
contraintes extérieures sont donc favorables car elles auront un impact positif sur la
valorisation du but à atteindre.
Le modèle de niveau de réussite atteint explique le niveau des buts que se fixe l’individu.
Plus l’individu aura accumulé des expériences de réussite et ainsi développé un sentiment
de capacité fort pour ces domaines ou des domaines de nature similaire, plus les buts qu’il
se fixera seront élevés. Il y a donc, comme exposé précédemment un lien direct entre le
niveau de l’objectif à atteindre et le sentiment d’efficacité personnelle associé à la
25
valorisation du résultat attendu. En termes de choix d’évolution professionnelle, une
personne surestimant très légèrement ses capacités pour atteindre un but qui lui semble
valable à ses yeux aura davantage de chance d’utiliser de façon optimale ses capacités et
de développer une motivation.
Pratiquement, le rôle du conseiller bilan devra, selon la TSCOSP :
- d’une part, développer la gamme d’options possibles afin de ne pas se baser
exclusivement sur les expériences antérieures réussies pour orienter ses décisions. Pour
cela il devra faire prendre conscience à l’individu de ses valeurs, intérêts et capacités, et
inciter ce dernier à trouver les informations nécessaires à la bonne connaissance du
contenu des métiers pour confirmer ou non son intérêt.
- d’autres parts évaluer si le projet défini est réaliste, en vérifiant d’une part que le
contenu du métier imaginé est bien appréhendé sous toutes ses facettes, et que les
aptitudes sont en phase avec les options retenues correspondant aux intérêts de la
personne. En vérifiant la cohérence du projet avec les aptitudes, on s’assure que le SEP
sera suffisant pour viser le but, et ainsi augmenter la motivation à mettre en place les
actions nécessaires.
- Identifier les obstacles et soutiens potentiels pour la réalisation du choix et faire
élaborer des méthodes pour contourner les obstacles ou chercher des soutiens
(environnement familial par exemple)
A partir de là, un projet professionnel se dessine. Il correspond :
o Aux intérêts de la personne
o A ses valeurs
o A un but perçu comme potentiellement atteignable par l’individu (sentiment
d’efficacité personnel et aptitudes en faveur de l’attente de résultat)
o A un but perçu comme valable aux yeux de l’individu
o Pour lequel des soutiens sont existants
o Pour lequel les obstacles pourront être contournés
C’est seulement lorsque ce projet est posé, que peut s’ouvrir une phase de définition
d’un plan d’action déterminant les étapes à suivre, les ressources à considérer pour
franchir ces étapes, les voies pour contourner les obstacles éventuels.
L’Activation du Développement Vocationnel et Personnel (ADVP)
L’ADVP est une méthode explicitée par Mouillet et Colin (2005) utilisable en orientation
professionnelle. Elle se base sur le fait que l’individu se construit dans l’action en relation
avec son environnement. Son développement est directement lié à l’expérience. En cela,
l’individu n’est pas auto-déterminé.
26
L’ADVP propose d’utiliser des méthodes auto-descriptives, visant à faire s’exprimer
l’individu sur lui-même, en racontant ses expériences, ses désirs, les éléments qui l’ont
influencé. Elle propose également la mise en situation du bénéficiaire dans des actions
favorisant son implication personnelle , pour lui permettre, en se confrontant à ces situations,
de prendre conscience de ses ressources, de ses valeurs, et de ses sources de motivation,
pour lui permettre de faire des choix, de prendre des décisions et de passer à l’action.
L’ADVP identifie quatre grandes phases nécessaires pour faire un choix :
L’exploration : c’est le temps d’investigation du bénéficiaire sur lui-même et sur son
environnement, de la façon la plus large possible pour élargir sa vision. On sollicitera la
pensée créatrice du bénéficiaire, celle qui lui permettra de faire preuve de curiosité dans le
recensement des données de son problème, d’ordonner ces informations, de voir les
implications des choix possibles etc…
La cristallisation : c’est le temps où les données récoltées dans la phase d’exploration
devront être analysées pour en extraire des similitudes entre les expériences vécues,
informant sur les valeurs, les motivations, les ressources employées, les aspirations du
bénéficiaire
La spécification : c’est l’acte de choisir en particulier, c'est-à-dire de ne retenir que les
possibilités qui s’approchent le plus de ses valeurs, de ses désirs, de la faisabilité, des
probabilités de réussite. Il s’agit là de confronter les désirs à la réalité.
La réalisation : c’est le temps où le bénéficiaire élaborera de façon concrète son projet, en
fixant des étapes, des actions, des moyens, sur un ou plusieurs scénarios possibles.
L’ADVP intègre implicitement dans sa démarche différentes approches théoriques de la
motivation précédemment développées telles que :
- Le développement du sentiment d’auto-efficacité (Bandura, 1980) dans l’analyse
des expériences
- L’identification des valeurs qui sous-tendent le choix d’orientation professionnelle
et conditionnent l’épanouissement et la réussite (Holland, 1973)
- L’identification d’un but attractif pour l’individu ou valence (Vroom, 1964) et
d’efforts potentiellement efficaces pour conduire au résultat (instrumentalité)
27
2.2.6 Synthèse des principales approches décrites
NB : Cette présentation a pour prétention de synthétiser de façon simple les différents
concepts. Il va de soi que les contenus développés par les théoriciens ne peuvent se limiter
à une telle présentation, ni que les concepts soient assimilables, comparables entre eux
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28
PROBLEMATIQUE
Nous avons constaté précédemment que :
D’une part que les théories portant sur la motivation sont totalement opérationnalisables
dans la pratique de l’accompagnement professionnel (entretien motivationnel, TSOSCP,
ADVP…), qu’il s’agisse d’une démarche de bilan de compétence, d’orientation
professionnelle, d’aide à la recherche d’emploi.
D’autres parts que le passage à l’action est conditionné par une motivation, résultante
d’un processus individuel qui rend l’objectif important aux yeux de l’individu. En effet son
atteinte présumée possible lui permettra d’obtenir un renforcement objectif ou subjectif.
D’autres parts que ces théories sur la motivation renvoient fortement à l’identification des
valeurs au travail et de la confiance de l’individu dans ses capacités à atteindre les
objectifs qu’il s’est fixés, et qu’il s’agira de mettre en évidence ces dernières afin que le
bénéficiaire se positionne sur l’orientation à donner à son projet professionnel.
Par ailleurs, nous avons vu que l’Institution impose la construction d’un projet réaliste et
réalisable à l’issue de la démarche d’accompagnement, qu’il s’agisse de bilan de
compétences ou de prestations d’accompagnement au retour à l’emploi proposées par Pôle
Emploi. Bien qu’il faille prendre soin de ne pas se laisser guider par cet impératif au
détriment de la relation conseiller-bénéficiaire, il sera nécessaire d’avoir conscience en
permanence que ce point constitue un véritable enjeu dans l’accompagnement. Preuves en
sont les statistiques éditées par le Fongecif Languedoc Roussillon, pour ne reprendre que
cet exemple, qui indique dans son rapport d’activité de 2009 que plus de 76% des personnes
se sont fixées un projet prioritaire à l’issue de leur bilan de compétence, et que 73% des
bénéficiaires ont mis en œuvre ce projet. Même si cela représente une proportion honorable,
il semblerait que la totalité des personnes ne sont pas en mesure de mettre en place un
projet professionnel à l’issue de leur bilan. Diverses raisons peuvent être envisagées, dont
certaines ne pourraient sans doute être anticipées par le conseiller durant
l’accompagnement. Dans plusieurs cas, pourrait-il s’agir du fait que le projet ne suscite pas
chez lui une motivation au passage à l’action, bien qu’il semble adapté au contexte du
marché de l’emploi du moment et aux aptitudes, compétences et personnalité du bénéficiaire?
Puisque cet aspect pourrait être une cause d’inefficacité partielle de la démarche
d’accompagnement, nous avons choisi d’analyser comment les techniques de
l’entretien motivationnel sont susceptibles de faire émerger les leviers de motivation
du bénéficiaire et ainsi optimiser une dynamique de changement. Au travers d’une
analyse catégorisée d’une séance d’entretien, nous analyserons les techniques
29
utilisables par un conseiller, et nous observerons leur impact sur un bénéficiaire
d’accompagnement au retour à l’emploi en analysant ses interventions.
30
METHODOLOGIE
1. Contexte de recueil de données
Les données présentées en Annexe 2 ont été obtenues par l’enregistrement audio dans le
cadre d’un accompagnement professionnel dans une recherche d’un premier emploi. Cet
accompagnement se déroule au sein d’une structure spécialisée nommée « Espace
Emploi », intégrée dans la branche Action Sociale d’un des plus importants groupes de
protection sociale. Cette structure basée en Ile de France est existante depuis 15 ans, et
fonctionne par l’intervention bénévole de consultants professionnels du domaine de
l’accompagnement. Des locaux adaptés (bureaux individuels, salle de presse) et des
ressources techniques (tests de personnalité PerformanSe et MBTI, service d’une
graphologue, offre d’ateliers collectifs) sont mis à leur disposition. Pour bénéficier de ce
service gratuit, les bénéficiaires de ces accompagnements ont exercé dans leur parcours
professionnel une fonction dans une entreprise adhérente aux régimes de prévoyance et de
retraite de cette caisse. Ils sont volontaires et sont parfois recommandés par les services de
l’Action Sociale. En plus de l’accompagnement dans la recherche d’emploi et du suivi, ils
peuvent bénéficier d’un bilan de compétence, d’une durée variable. La structure n’est pas
habilitée à délivrer des prestations bilan de compétence finançable par des OPCA.
2. Sujets impliqués dans la séance observée
2.1. Le professionnel
L’entretien enregistré a été réalisé par moi-même, étant stagiaire dans la structure présentée.
J’ai réalisé les entretiens dans la plus grande autonomie, avec l’accord du bénéficiaire. Je
suis débutante dans la relation d’accompagnement, les bases théoriques de l’entretien ayant
totalement été acquises par le biais de la formation DESU. Durant mon stage, j’accompagne
4 demandeurs d’emploi de divers horizons professionnels (secteurs, fonctions, statuts,
conditions sociales), par le biais d’entretien individuels d’une heure à une heure et demi par
semaine, et en leur proposant des ateliers collectifs. De formation généraliste (Ecole
Supérieure de Commerce) et avec onze années d’expérience dans une grande société de
services en tant que responsable de projets transversaux qualité ou ressources humaines,
j’ai développé des connaissances approfondies des processus de fonctionnement de
l’entreprise et des différentes fonctions représentées.
31
2.2. Le bénéficiaire
Le bénéficiaire de l’accompagnement est une jeune femme de 24 ans titulaire d’un diplôme
de Master dans une école spécialisée dans l’acquisition de langues étrangères.
Elle a réalisé un stage de 6 mois en tant que traductrice de manuels techniques dans une
grande société de l’industrie automobile. Elle est bilingue en anglais. Elle a terminé son
stage depuis 6 mois au moment de l’entretien et s’ennuie chez elle. Elle vit au domicile de
ses parents. Elle recherche un premier emploi, mais ne souhaite ni travailler dans le
domaine de l’enseignement, ni devenir traductrice à temps complet, ce qui sont pourtant les
deux types de fonctions auxquelles elle est préparée par sa formation.
Il est important de mentionner que cette personne présente un handicap de naissance, la
rendant paraplégique. Elle est donc fortement contrainte physiquement dans ses
mouvements depuis toujours puisqu’elle a grandi avec ce handicap. C’est une personne
d’apparence très joviale, dynamique, positive, avec un fort tempérament et de bonnes
capacités de réflexion. Elle parle d’elle-même en mentionnant qu’elle réfléchit beaucoup,
parfois trop à son goût. Elle pense avoir eu toujours besoin de beaucoup de temps pour
prendre des décisions. En parallèle de l’accompagnement professionnel, elle consulte
régulièrement un psychothérapeute, notamment dit-elle car elle a des difficultés
relationnelles avec ses parents.
Elle a démarré des recherches d’emploi au travers de sites d’annonces spécialisées pour les
travailleurs handicapés. Elle tente sa chance sur des offres de poste dans le domaine du
secrétariat ou de l’accueil de public. Elle se montre peu confiante dans sa capacité à réussir
les sélections sur ce type de postes, n’ayant, d’après elle, pas la formation adéquate ni
l’expérience pour exercer ces fonctions. Elle hésite à reprendre une formation
supplémentaire pour mieux se préparer à un futur métier, qu’elle n’a pas identifié. Elle arrive
à l’espace emploi avec une demande de bilan de compétences pour l’aider à s’orienter
professionnellement puis à trouver un emploi.
3. Grille d’analyse de la séance observée
Nous avons choisi d’analyser deux entretiens afin de pouvoir identifier la progression du
bénéficiaire dans sa réflexion, retrouver un maximum de catégories possibles et pouvoir
ainsi clairement montrer le processus d’interaction entre le bénéficiaire et le conseiller. Ces
deux entretiens ont été réalisés consécutivement et à une semaine d’intervalle et sont
retranscrits en annexe 2. Les sept catégories ci-dessous présentées relèvent des techniques
de l’entretien motivationnel (Miller, Rollnick, 2006). Nous prendrons soin de les définir
32
globalement (définition théorique), puis d’en apporter un contenu opérationnel possible et
une identification de leur utilité professionnelle.
C 1
Information
Définition théorique : Il s’agit de prises de paroles du conseiller, pour lui permettre
d’accéder à des informations utiles à sa prise de décision, auxquelles il n’avait peut-
être pas pensé.
Définition opératoire
Demande d’autorisation à formuler un
avis, ou formulation directe du conseil
en laissant le bénéficiaire libre d’en
tenir compte ou non
Questionnements factuels pouvant
permettre au bénéficiaire d’acquérir de
l’information utile à sa prise de décision
Utilité professionnelle :
Permet de faire avancer plus rapidement
un bénéficiaire dans sa réflexion en lui
fournissant des informations à disposition
immédiatement. Ces actes permettent au
conseiller de ne pas se positionner en tant
qu’expert ou imposer un avis, et insistent
sur l’autonomie du bénéficiaire dans ses
choix.
C 2
Construction de la motivation au changement
Définition théorique : Il s’agit de prises de paroles du conseiller invitant le
bénéficiaire à explorer les versants de son ambivalence, les éléments de la balance
décisionnelle. Grâce à ses questionnements et ses reformulations, le conseiller
permettra au bénéficiaire d’explorer cette divergence, de faire émerger ses valeurs
importantes afin de faire apparaître ses éléments de motivations intrinsèques. Il
évaluera également l’importance du changement nécessaire pour le bénéficiaire.
Définition opératoire :
Questions ouvertes : « vous m’aviez dit
la dernière fois que vous aviez des
préoccupations au sujet de…pourriez-vous
m’expliquer ce qu’il en est ? »
Techniques de reflet
Explorer les avantages du
changement et les inconvénients du
statu quo, notamment en
questionnant les extrêmes : « que
pourrait-il arriver de pire si vous ne changez
pas ? », « que pourrait-il arriver de meilleur si
Utilité professionnelle :
Favoriser le discours, installer la
confiance, recueillir les
préoccupations
Renforcer la prise de conscience
Cristalliser, ordonner la réflexion
élaborée lors de la formulation de
l’ambivalence
33
vous changiez ? »
Questionnement sur l’intention de
changer : « qu’est-ce que vous aimeriez
essayer ? »
Questionnement invitant à poursuivre
l’élaboration de l’idée de
changement : « comment ? », « pouvez-
vous donner un exemple ? »
Utiliser une échelle d’importance :
« A quel point est-il important pour vous
de ….. ? Si vous deviez donner une note située
entre 0 et 10 ? »
« pourquoi vous situez-vous à 6 et pas à
10 ? », « Que vous faudrait-il pour vous situer à
10 et pas à 6 ? »
Evaluer la réelle disposition à changer,
amener progressivement vers la
négociation d’un plan de changement
S’assurer de la nature de l’expression du
bénéficiaire avant de la qualifier
réellement comme levier de motivation
pour la renforcer
Mesurer si l’ambivalence est toujours
très présente ou si le bénéficiaire a
intériorisé l’envie/la nécessité de
changement
C 3
Traitement de la résistance
Définition théorique : Il s’agit de prises de paroles du conseiller destinées à
répondre à une attitude résistante du bénéficiaire pour l’atténuer, soit en l’atténuant
directement, soit en l’amplifiant afin que le bénéficiaire repense son point de vue
dans une plus juste mesure.
Définition opératoire :
Reflets simples : « vous ne voyez pas
comment ça pourrait marcher pour vous… »
Reflets amplifiés : « vous pensez que les
patrons vous mettront des bâtons dans les
roues car ils sont tous incompétents.. »
Doubles reflets : « d’un côté cela vous
parait impensable de rester dans cette
situation, et de l’autre vous pensez que ce
changement ne vous est pas accessible. »
Changement de focus
Recadrage
Approuver en nuançant
Mettre l’accent sur le choix et le
Utilité professionnelle :
Répondre sans résistance pour
reconnaître la perception de la personne.
Exposer le bénéficiaire au caractère
extrême de son propos.
Reformuler la résistance sous forme
d’ambivalence.
Détourner l’attention du bénéficiaire de
l’objet de sa résistance
Proposer un nouvel angle de vue plus
objectif au bénéficiaire
Face à une personne qui ressent une
34
contrôle personnels
Aller dans le même sens
Inverser les rôles
perte de liberté d’action, lui rappeler
qu’elle est libre de ses choix et décisions
Faire contre-réagir
Faire élaborer un discours en faveur du
changement
C 4
Renforcement des leviers de motivation
Définition théorique : Il s’agit de prises de paroles du conseiller destinées à refléter
pour renforcer tous les leviers de motivation exprimés par le bénéficiaire, qu’ils le
soient en termes de gain (obtenir tel ou tel avantage) ou de non motivation (éviter
telle ou telle situation).
Définition opératoire :
Ecoute réflective : reformulations
simples ou élaborées, sous forme de
réitération ou d’interrogations
Ecoute réflective : résumés de cumul
(ou de synthèse)
Ecoute réflective : résumé de lien :
« si je comprends bien ce que vous avez dit,
d’un côté vous pensez que cette situation
vous permet de (…) et de l’autre, vous trouvez
qu’elle vous empêche de… »
Utilité professionnelle :
Ancrer, renforcer les expressions liées
aux valeurs recherchées
S’assurer de la bonne compréhension du
message du bénéficiaire
Synthétiser ce qui a été dit en invitant si
nécessaire à poursuivre l’élaboration
Renforcer les leviers de motivation en
formulant l’ambivalence
C 5
Augmentation et renforcement de la confiance
Définition théorique : Il s’agit de prises de paroles du conseiller destinées à inviter
le bénéficiaire à prendre conscience de ses capacités pour conduire le changement
visé, en les formulant. Il s’agira également des interventions de nature à encourager
le bénéficiaire dans l’élaboration de son ambivalence, malgré la confusion dans
laquelle il se trouve.
Définition opératoire :
Echelles de confiance : « Imaginons que
vous décidiez de passer à l’action pour
changer, quelle confiance avez-vous pour
réussir ce changement ? comment la
situeriez-vous sur une échelle de 0 à 10, 10
témoignant d’un niveau de confiance très
fort ? » « pourquoi vous situez-vous à 7 et
pas à 0 ? »
Utilité professionnelle :
Evaluer le sentiment d’efficacité
personnelle du bénéficiaire
35
Techniques de questionnement :
« qu’est-ce qui vous fait pensez que vous
pourriez réussir ce changement si vous le
décidiez ? », « quels obstacles entrevoyez-
vous et comment imaginez-vous pouvoir les
contourner ? »
Techniques d’écoute réflective
Valorisation : « vous avez manifestement
beaucoup de ressources pour faire face à
cette préoccupation depuis si longtemps… »
Identifier les éléments qui construisent
ou non le sentiment d’efficacité
personnelle du bénéficiaire, questionner
les expériences réussies, identifier les
soutiens potentiels, inviter à se projeter
dans la réussite
Ancrer le discours confiance
Dissocier l’identité de la personne de la
situation de confusion dans laquelle elle
se trouve
C 6
Identification du plan de changement
Définition théorique : Il s’agit de prises de paroles du conseiller destinées à
engager le bénéficiaire dans l’élaboration d’actions concrètes pour mettre en œuvre
sa décision.
Définition opératoire :
Questions ouvertes
Echelles de confiance portant sur la
capacité à atteindre les objectifs fixés
et techniques de questionnement
Brainstorming avec ou sans
l’intervention du conseiller
Reformulations et demandes de
confirmations
Utilisation de document de travail
Utilité professionnelle :
Laisser le bénéficiaire libre de ses choix
d’options, favoriser son autonomie
Evaluer le sentiment de confiance à
mettre en place les objectifs envisagés
avec succès, explorer les avantages et
inconvénients des objectifs fixés
Apporter des idées avant de les
hiérarchiser
Obtenir un engagement manifeste
Permettre de formaliser la pensée par
écrit de façon structurée
C 7
Attitudes inadéquates
Définition théorique : Il s’agit de prises de paroles du conseiller qui relèvent d’une
attitude non souhaitable en entretien ou face à une résistance, telles que décrites par
Porter (1950) ou Miller et Rollnick (2006). On parlera exclusivement d’attitudes
pouvant nuire à l’indépendance du bénéficiaire (attitudes de conseil, posture
d’expert), d’attitudes de l’ordre du jugement (critique, culpabilisation) ou d’attitude de
non-respect de l’ambivalence du bénéficiaire (empressement).
Les actes de langage du conseiller relevant d’une attitude non adéquate seront
36
codifiés s’ils sont présents dans l’entretien. Nous observerons leur occurrence dans
l’analyse, en postulant sur une faible représentation.
Définition opératoire :
Formuler une opinion, argumenter en
faveur du changement, montrer son
savoir : « Je pense que vous devriez choisir
cette orientation car elle vous correspond. ».
« Avez-vous conscience du peu de postes
disponibles dans cette branche ???? »
Formuler un jugement ou une
évaluation, critiquer, blâmer,
culpabiliser : « quand même, avec votre
niveau de diplôme, ne pas se sentir capable
de penser à une autre orientation… ! »,
« vous ne devriez pas penser cela de votre
situation actuelle car vous devriez avant tout
vous remettre en question », « vous êtes
vraiment quelqu’un de très indécis… »
Se montrer pressé/pressant : « Je
pense que si vous ne vous décidez pas très
rapidement, vous ne vous déciderez jamais et
resterez dans cet état de fait… »
Contre-indication professionnelle :
Nuire à l’autonomie du bénéficiaire,
provoquer une résistance
Nuire à la confiance du bénéficiaire, par
rapport à la situation et à lui-même
(estime de soi)
Risque de faire prendre une décision
sans motivation sous-jacente.
4. Type d’analyse de données recueillies
4.1. Retranscription et codage de la séquence d’évaluation des compétences
observées
Les verbalisations du conseiller durant les deux entretiens analysés sont présentées en
annexe 2 et codifiées selon qu’elles s’apparentent pour tout ou partie à l’une des catégories
ci-dessus. Le codage est représenté par un surlignage dans une couleur associée à la
catégorie.
Les catégories ayant été construites dans le respect de la méthodologie de retranscription et
de codage décrite au chapitre « Revue de littérature », paragraphe 2.5, un même groupe de
mots ne peut correspondre à plusieurs catégories. Toutefois, une même phrase peut être
apparentées à plusieurs catégories, étant composée de plusieurs groupes de mots. C’est la
raison pour laquelle ce sont les groupes de mots qui sont surlignés et pas systématiquement
la phrase complète.
37
Une phrase ou un groupe de mots peuvent également ne correspondre à aucune catégorie.
Il s’agit essentiellement de contenus sans rapport direct avec le sujet d’étude.
Les verbalisations du bénéficiaire ont-elles aussi été analysées au travers d’un codage
différent présenté en annexe 1, relevant également des manifestations identifiées comme
courantes dans les techniques d’entretien motivationnel.
Les catégories analysées pour le conseiller sont les suivantes :
Codage Libellé de la catégorie
C1 Information
C2 Construction de la motivation au changement
C3 Traitement de la résistance
C4 Renforcement des leviers de motivation
C5 Augmentation et renforcement de la confiance
C6 Identification du plan de changement
C7 Attitudes inadéquates
Tableau 2 : Catégories portant sur les verbalisations du conseiller
Les catégories analysées pour le bénéficiaire sont les suivantes :
Codage Libellé de la catégorie
B1 Elaborations annexes
B2 Expressions de l’ambivalence
B3 Résistance
B4 Opportunités associées aux alternatives posées
B5 Expressions de confiance
B6 Intentions de passage à l’action
Tableau 3 : Catégories portant sur les verbalisations du bénéficiaire (voir le descriptif en annexe 1)
4.2. Analyse quantitative des données
Bien que l’analyse porte sur deux entretiens, dans la plupart des analyses nous avons choisi
de considérer l’ensemble des verbalisations sans distinguer si elles appartiennent au premier
ou au deuxième entretien.
De même, la majeure partie des analyses portera tant sur les verbalisations du conseiller
que sur celles du bénéficiaire, avec en objectif de tenter d’apporter un éclairage sur l’impact
visible des gestes professionnels du conseiller sur le bénéficiaire lors de ces entretiens.
Avec ce parti-pris, nous présenterons dans un premier temps un dénombrement de chacune
des catégories présentes en entretien, puis nous les analyserons de façon relative, c'est-à-
38
dire en rapport avec le nombre de tours de parole total de chaque interlocuteur. Un tour de
parole représente une prise de parole d’un interlocuteur, et ce quel que soit l’étendue de son
contenu, que nous définirons par un nombre de caractères.
Le nombre total de tours de parole durant les deux entretiens est de 469, dont 235 pour le
conseiller et 234 pour le bénéficiaire.
Certains tours de parole ne s’apparentant à aucune catégorie, la base retenue pour toute
analyse relative (exemple : pourcentage d’apparition d’une catégorie) sera de 199 pour le
conseiller et de 163 pour le bénéficiaire.
De plus, après avoir observé ces tendances globales, la démarche de mise au jour des
leviers de motivation étant un processus évolutif, nous avons choisi d’analyser l’évolution
des verbalisations de chaque interlocuteur, en présentant à nouveau ces occurrences et leur
proportion au cours de trois phases identifiées arbitrairement dans ces entretiens.
La première phase porte sur la moitié du premier entretien. La deuxième phase représente la
deuxième moitié du premier entretien. Enfin, la troisième phase porte sur le dernier entretien
dans sa totalité.
4.3. Analyse qualitative des données
Nous procéderons dans un deuxième temps à une analyse qualitative des verbalisations
analysées, en se focalisant principalement sur celles du conseiller.
En reprenant textuellement certaines verbalisations, nous décoderons comment les
catégories se traduisent opérationnellement parlant, et nous tenterons d’évaluer leur impact
sur les verbalisations du bénéficiaire durant ces entretiens.
39
PRESENTATION ET ANALYSE DES DONNEES EXTRAITES
1. Analyse quantitative brute des données extraites
1.1 Temps de parole de chaque interlocuteur
Comme indiqué précédemment, la quantité de tours de parole du conseiller et celles du
bénéficiaire sont globalement équivalentes, qu’elles soient analysées dans la globalité ou en
sélectionnant exclusivement les tours de parole catégorisés.
Afin d’évaluer le niveau d’écoute du conseiller, il nous a semblé pertinent de comptabiliser
une équivalence de temps de parole utilisé par chacun, au travers du dénombrement des
caractères de ces verbalisations.
Le tableau 4 présente ces données.
Tours de parole durant les
entretiens Tours de parole catégorisés
Nombre % Caractères % Nombre % Caractères %
Conseiller 235 50.1% 30080 42.6% 199 54.9% 24182 40.5%
Bénéficiaire 234 49.9% 40528 57.4% 163 45.1% 35453 59.5%
TOTAL 469 100% 70608 100% 362 100% 59635 100%
Tableau 4 : répartition des tours de paroles selon l’interlocuteur
On constate ainsi grâce à ces données que le temps de parole dédié au bénéficiaire est plus
important que celui utilisé par le conseiller. Si le nombre de verbalisations, lui, est équivalent,
c’est sans doute parce que le conseiller utilise des formulations plus courtes et plus directes,
soit dans le registre du questionnement, soit dans le registre de la reformulation. Le
bénéficiaire, lui, développe davantage ses points de vue et ses ressentis. C’est un signal
d’une bonne confiance instaurée, d’un questionnement probablement adéquat et d’une
écoute active, qui ont favorisé l’échange et l’expression du bénéficiaire.
1.2 Fréquence d’apparition des catégories associées aux verbalisations du
conseiller
Durant les deux entretiens exploités, les verbalisations relèvent de différentes catégories qui
témoignent d’une intention de la part du conseiller à tel ou tel moment de l’entretien, selon ce
40
qui est recherché (questionnements par exemple) ou en réaction à un apport du bénéficiaire
(reformulation).
Le tableau 5 présenté ci-dessous indique la fréquence d’apparition des différentes catégories
identifiées dans le discours du conseiller (occurrences brutes), ainsi que leur proportion par
rapport à l’ensemble des tours de parole catégorisés étudiés.
Codage Libellé de la catégorie Occurrences
brutes Proportion
C1 Information 5 2.5%
C2 Construction de la motivation au
changement
108 54.3%
C3 Traitement de la résistance 7 3.5%
C4 Renforcement des leviers de motivation 50 25.1%
C5 Augmentation et renforcement de la
confiance
14 7%
C6 Identification du plan de changement 13 6.5%
C7 Attitudes inadéquates 2 1%
TOTAL 199 100%
Tableau 5 : fréquence d’apparition des catégories associées aux tours de parole du conseiller
Afin de mieux visualiser ces proportions, nous introduisons ici une présentation graphique de
ces données :
Graphique 1 : fréquence d’apparition des catégories associées aux tours de parole du conseiller (en
pourcentages du nombre total de tours de paroles du conseiller analysés)
Ces données montrent qu’une large partie des interventions du conseiller est orientée vers le
but final, à savoir construire la motivation au changement, à la prise d’une décision, d’une
part en invitant le bénéficiaire à explorer son ambivalence (catégorie C2 : construction de la
41
motivation au changement), d’autres parts en mettant au jour les leviers de motivation
identifiés (catégorie C4 : renforcement des leviers de motivation) grâce à du renforcement.
Les autres catégories sont présentes de façon plus ponctuelle.
Il faut relever certains points qui peuvent paraitre surprenants, et que l’analyse qualitative
viendront expliciter plus profondément :
La catégorie « C7 : attitudes inadéquates » apparait, alors qu’elle ne devrait pas
apparaitre. Le nombre de tours de parole associé à cette catégorie reste toutefois
limité (1%)
La catégorie « C6 : identification du plan de changement » apparait (6.5%), laissant
supposer que le travail préalable de construction de la motivation au changement a
commencé à porter ses fruits
La catégorie « C5 : augmentation et renforcement de la confiance » apparait peu
(7%). Nous pourrons élaborer des hypothèses dans la partie « analyse qualitative »
sur ce constat.
1.3 Fréquence d’apparition des catégories associées aux verbalisations du
bénéficiaire
De la même façon que nous l’avons fait pour le conseiller, analysons à présent
quantitativement les verbalisations du bénéficiaire. Le tableau 6 présenté ci-dessous indique
ces fréquences d’apparition (occurrences brutes), ainsi que leur proportion par rapport à
l’ensemble des tours de parole catégorisés étudiés.
Codage Libellé de la catégorie Occurrences
brutes Proportion
B1 Elaborations annexes 11 6.7%
B2 Expressions de l’ambivalence 35 21.5%
B3 Résistance 14 8.6%
B4 Opportunités associées aux alternatives
posées
81 49.7%
B5 Expressions de confiance 8 4.9%
B6 Intentions de passage à l’action 14 8.6%
TOTAL 163 100%
Tableau 6 : fréquence d’apparition des catégories associées aux tours de parole du bénéficiaire
42
Le graphique 2 montre plus clairement cette répartition.
Graphique 2 : fréquence d’apparition des catégories associées aux tours de parole du bénéficiaire (en
pourcentage du nombre total de tours de paroles du bénéficiaires analysés)
Dans une situation où le bénéficiaire peine à prendre une décision, nous pouvions nous
attendre à observer davantage de verbalisations associées à la catégorie B2. Dans les faits,
le résultat montre que le bénéficiaire semble exprimer spontanément des leviers de
motivation (B4). Afin de nuancer cette hypothèse, nous avons souhaité analyser l’étendue
des verbalisations associées à ces deux catégories. En effet, bien que la catégorie B2
présente moins d’occurrences que la catégorie B4, le bénéficiaire a-t-il réellement verbalisé
moins d’ambivalence, de doutes, de craintes ? En observant le nombre de caractères
associé à chaque catégorie, présenté ici dans le tableau 7, on constate que le temps de
parole employé par le bénéficiaire pour exprimer le versant négatif de son ambivalence (B2)
est aussi important que celui employé pour exprimer le versant positif (B4).
Codage Libellé de la catégorie Nre de caractères
concernés Proportion
B1 Elaborations annexes 2901 5.5%
B2 Expressions de l’ambivalence 18956 36.2%
B3 Résistance 6389 12.2%
B4 Opportunités associées aux alternatives
posées
18891 36.1%
B5 Expressions de confiance 2049 3.9%
B6 Intentions de passage à l’action 3123 6%
TOTAL 52309 100%
Tableau 7 : fréquence d’apparition des catégories associées à l’étendue des verbalisations du
bénéficiaire
43
Note : le total ici présenté est différent de celui présenté au tableau 2, car pour certains tours
de parole, plusieurs catégories sont identifiées, et le comptage des caractères pour la
présente étude est réalisé au global. Ainsi certains caractères sont comptabilisés deux fois
lorsqu’un tour de parole est catégorisé pour partie avec deux catégories différentes.
Si ces pourcentages doivent donc être considérés avec recul, ils montrent toutefois une
tendance qui permet de nuancer l’hypothèse précédemment évoquée.
2. Analyse quantitative par phase de l’entretien
Ainsi qu’explicité dans notre méthodologie d’analyse, après avoir observé ces tendances
globales, la démarche de mise au jour des leviers de motivation étant un processus en
mouvement, nous avons choisi d’analyser l’évolution des verbalisations de chaque
interlocuteur, en présentant à nouveau ces occurrences et leur proportion au cours de trois
phases identifiées arbitrairement dans ces entretiens.
Pour mémoire, la phase 1 correspond à la moitié du premier entretien, la phase 2
correspond à la deuxième moitié du premier entretien, et la phase 3 quant à elle correspond
à l’intégralité du deuxième entretien.
Le graphique 3 présente l’évolution de la présence des catégories au cours de ces trois
phases. Les catégories sont comptabilisées selon leur présence ou non dans un tour de
parole du conseiller.
Graphique 3 : Evolution de la présence des catégories dans les tours de parole du conseiller (en
pourcentages du nombre de tours de paroles du conseiller analysés par phase)
58.3%
1.4%
25%
9.7%
2.8%
4.1%
73%
5.4%
14.9%
2.7%
4 %
24%
36%
10%
26%
44
Au niveau du bénéficiaire, cette évolution peut également être observée, grâce au graphique
4 ci-dessous :
Graphique 4 : Evolution de la présence des catégories dans les tours de parole du bénéficiaire (en
pourcentage du nombre de tours de parole du bénéficiaire analysés par phase)
Il est possible de faire assez nettement les constats suivants au travers de la lecture des
deux précédents graphiques :
Ce qui relève du passage à l’action, de son développement, de l’expression de son
intention, ou d’actions déjà engagées (B6 et C6) s’est opéré lors du deuxième
entretien exclusivement, le premier entretien ayant été largement employé à la
construction de la motivation grâce à l’exploration de la balance décisionnelle du
bénéficiaire.
Durant la phase 2, il semble y avoir eu davantage d’interactions destinées à explorer
l’ambivalence que durant la phase 1 (B2 et C2). Lorsqu’on analyse le contenu de
l’entretien, on s’aperçoit que le point de démarrage de l’échange entre le conseiller et
le bénéficiaire portait sur un choix à faire entre « chercher un emploi
immédiatement » ou « prendre le temps de compléter sa formation initiale pour
renforcer son employabilité ». Le développement de l’ambivalence dans laquelle se
trouvait le bénéficiaire par rapport à ce choix a permis de mettre au jour une sorte
d’ambivalence cachée ou de deuxième niveau portant directement sur une hésitation
à travailler, alimentée par des craintes : perdre une somme d’argent allouée aux
personnes handicapées, ne pas joindre les deux bouts financièrement parlant, devoir
quitter le domicile familial et acquérir une autonomie rapidement après avoir
commencé une activité professionnelle. Les actes du conseiller destinés à construire
5.3%
%
40%
9.3%
38.77
6.7%
9.7%
44.4%
5.6%
37.5%
2.8%
16.3%
2%
51%
2%
28.6%
45
la motivation en phase 2, ont eu pour vocation également de traiter cette nouvelle
ambivalence.
Des phénomènes de résistance du bénéficiaire (B3) sont présents en phase 3, alors
qu’aucun traitement de résistance n’est constaté dans les verbalisations du conseiller
durant cette même phase (C3). Nous verrons dans l’analyse qualitative que la nature
de ces résistances était difficilement traitable par le conseiller.
Des leviers de motivation sont très tôt détectés par le conseiller en phase 1, ils sont
complétés ou renforcés en phase 2, et les interactions associées aux catégories C4
et B4 sont prépondérantes en phase 3.
Le conseiller a jugé bon de fournir de l’information au bénéficiaire en phases 2 et 3
pour l’aider dans sa prise de décision (C1)
Le renforcement de la confiance intervient à toutes les phases de l’entretien (C5)
3. Analyse qualitative
C1 : Information
Il s’agit de prises de paroles du conseiller, pour lui permettre d’accéder à des informations
utiles à sa prise de décision, auxquelles il n’avait peut-être pas pensé.
D’une façon générale, nous avons constaté que les interventions du conseiller relatives à
cette catégorie sont peu présentes (6.7% des tours de paroles). Le conseiller fait confiance
au bénéficiaire sur les informations qu’il a déjà obtenues, peut-être à tort. C’est un fait que le
bénéficiaire affirme par un procédé de généralisation que son diplôme de niveau Bac + 4
d’une école privée n’est pas suffisant (B12 et B14). C’est aussi un fait que le conseiller ne
peut savoir si c’est une réalité donc il n’intervient pas sur ce thème pour tenter de
contrecarrer cette généralisation peut-être hâtive et non fondée.
C’est seulement à partir de la phase 2 que le conseiller donne de l’information. Il identifie au
cours de l’entretien qu’un frein est d’ordre financier et qu’il peut donc être traité simplement
et objectivement (C199 : « c’est quelque chose que vous ne pourriez plus faire si vous
touchiez cette allocation et que vous étiez rémunérée par une entreprise pour votre
travail ? ». Il donne une information factuelle au moment approprié en en s’assurant
que le bénéficiaire n’a pas déjà la réponse, ce afin non pas de le mettre face à son
ignorance, mais de justifier que cette information est nécessaire à lui donner (C205 : « vous
le connaissez le salaire minimum ? », C209 : « c’est autour de 1400 euros bruts (…) »,
C211 : « donc en fait si vous ne travaillez pas vous touchez 693 euros et si vous travaillez,
vous touchez 1100 euros et vous perdez les 693 euros », C213 : « mais alors dans le
46
deuxième cas, vous avez 1100 euros à la fin du mois alors que dans l’autre cas vous avez
693 »)
En phase 3, le conseiller donne de l’information qui relève de son expertise pour
laquelle il est sollicité : comment entretenir le réseau, démarcher des entreprises,
connaître les vraies raisons qui font que les candidatures du bénéficiaire jusqu’à présent
n’ont pas été retenues. (C422 : « ce serait peut-être un moyen pour vous de savoir
réellement si c’est un problème qui est lié à votre formation ou pas (…) », C424 : « les
formations généralement commencent en automne et on est en décembre. Et même si c’est
janvier c’est un peu court. »
Le bénéficiaire ne manifeste aucune résistance de l’ordre du refus face à l’information
donnée : B210 : « oui d’accord », B214 : « oui effectivement ça a l’air sympathique comme
ça ». Il semble se conformer aux dires de l’expert plus qu’adhérer totalement par conviction.
Preuves en sont ses expressions marquées de doute, comme s’il lui manquait encore
quelque chose pour se sentir totalement convaincu par l’argument : B214 : « ça a l’air
sympathique comme ça », B425 « Oui peut-être »
C2 : Construction de la motivation au changement
Pour mémoire, il s’agit de prises de paroles du conseiller invitant le bénéficiaire à explorer
les versants de son ambivalence, les éléments de la balance décisionnelle. Grâce à ses
questionnements et ses reformulations, le conseiller permet au bénéficiaire d’explorer cette
divergence, de faire émerger ses valeurs importantes afin de faire apparaître ses éléments
de motivations intrinsèques. Il évalue également l’importance du changement nécessaire
pour le bénéficiaire.
Cette catégorie occupe une très large place dans les interactions (54.3% des tours de parole
du conseiller) et plus particulièrement en phase 1 et phase 2 (respectivement 58,3% et
72,9%). Elle reste présente en phase 3 à hauteur de 24% des tours de parole du conseiller
mais diminue.
Le conseiller utilise différentes techniques et formulations pour inviter le bénéficiaire à
développer son ambivalence :
Des reflets : C255 : « …et puis de votre côté, vous avez envie de travailler pour être
autonome, et en même temps c’est une autonomie que vous ne voulez pas voir arriver trop
trop vite, il vous faut le temps de vous y habituer. », C27 : « mais alors si je comprends bien,
le fait de travailler dans un cabinet de traduction, ce n’est pas quelque chose qui vous motive,
de par la nature des choses à traduire » ?; C29 : « vous avez peur de vous y ennuyer ? »,
« donc en fait utiliser l’anglais, ce n’est pas suffisant pour vous… » ; C53 « …mais ça ne
vous semble pas suffisant »
47
Des reflets sur les ressentis du bénéficiaire : C131 : « et sur ce domaine en particulier,
vous ne vous sentez pas encore prête à prendre cette décision. », C295 : « ça vous parait
fidèle à ce que vous ressentez. »
Des questionnements simples, invitant à poursuivre l’élaboration : C63 : « d’accord,
d’autres choses ? »
Des questionnements et reflets invitant à développer l’ambivalence non pas par rapport
à une « norme sociale » (la « logique », terme fréquemment utilisé par le bénéficiaire pour
justifier ses choix) mais par rapport à lui-même, à ses ressentis, à ses envies et ses
valeurs, d’une part parce qu’ils sont à la source même du processus de motivation mais
aussi parce qu’ils semblent souvent étouffés par le bénéficiaire qui semble ne pas vouloir les
écouter, ou les prendre en considération dans sa réflexion. Le conseiller pressent que le
bénéficiaire alimente beaucoup son ambivalence en alternant entre la sensation de devoir
avoir un comportement « logique » au regard de son âge, de la société, etc… et un
sentiment d’incapacité à adopter ces comportements. Le bénéficiaire nie aussi beaucoup
des aspirations personnelles qui ne lui semblent pas avouables ou pas légitimes, comme sa
volonté de gagner sa vie de façon autonome. Il l’invite donc à élaborer son propre point de
vue et à lui accorder du crédit pour l’intégrer dans les éléments qui le conduiront à prendre
des décisions. C11 : « Pour vous l’efficacité elle se traduirait comment alors ? qu’est ce qui
serait pour vous une démarche efficace ? Comment vous la définiriez ? ». C79 : « une peur
de quoi alors ? », C179 : « mais pour vous, qu’est-ce que vous pourriez en tirer comme
conclusion de voir ce qui se passe avec votre amie ? », C223 : « qu’est-ce que ça signifie
pour vous demain d’être autonome ? », C101 : « c'est-à-dire que ce à quoi il vous donnerait
accès ne vous donnerait pas potentiellement satisfaction de ce que vous en dîtes », C289 :
« (…) qu’est-ce qui vous parait le plus, non pas le plus logique, là je vous demanderai plutôt
le plus acceptable pour vous ? »
Des questionnements invitant à se projeter dans les avantages et les
inconvénients (d’occuper un poste de traducteur, de reprendre une formation, de travailler,
de ne pas travailler, de faire du bénévolat, etc…), y compris en questionnant les
extrêmes : C23 : « chouette ? qu’est-ce qui est chouette ? », C57 : « justement, sur
l’éventualité de reprendre une formation, quels seraient pour vous les inconvénients ? »,
C105 : « comment vous pourriez imaginer la situation dans laquelle vous vous retrouveriez,
si vous aviez fait ce choix ? », C257 : « qu’est-ce qui pourrait se passer de pire ? »,
« Comment vous pourriez-me décrire comment vous vous verriez dans le quotidien, en
termes positifs et en termes moins positifs ? Racontez-moi un peu… »
La prise en compte des obstacles, en y incluant les obstacles présents dans
l’environnement relationnel : C85 : « alors comment ces freins là, vous envisageriez, si
vous choisissiez l’option formation, de les contourner, vous y avez réfléchi ? », C87 :
48
« …quand il vous a dit qu’il n’était pas question que vous repreniez encore une formation… »,
C241 : « vous vous sentez bousculée un peu »
A la lecture des entretiens, l’impression qui se dégage est que le conseiller ne cadre que très
peu l’exploration de l’ambivalence, il laisse le bénéficiaire alimenter selon ses idées, et
reformule. Cela occasionne de nombreux va et vient car l’exploration du bénéficiaire est
marquée d’une grande confusion, qui rend parfois des recadrages nécessaires pour ne pas
dériver vers un autre sujet sans approfondir les sujets venant d’être tout juste élaborés. Le
conseiller prend sans doute le soin d’avoir la garantie que tous les angles de vue ont bien
été abordés afin que les pour et les contre soient solides et permettent une prise de décision
qui tarde à arriver et qui semble très difficile. C’est une raison qui peut expliquer que le
conseiller laisse peu de place au début aux affirmations nettes de motivation à travailler. Car
elles sont entrecoupées par des affirmations de doute du bénéficiaire quant à la valeur de sa
formation et à sa capacité à s’en sortir financièrement. Le conseiller aurait pu s’en tenir à
l’affirmation comme quoi ne pas travailler n’était pas envisageable, mais n’aurait alors pas pu
explorer le frein psychologique financier, le lever par de l’information (catégorie C1) pour que
la décision affirmée lors de l’entretien 2 prenne tout son sens. Le conseiller a profité de ce
nouveau frein identifié en phase 2 pour plutôt faire émerger les leviers de motivation. Mais
cela relève peut être également d’une crainte du conseiller d’engager le bénéficiaire dans
une mauvaise direction pour lui, une prise de décision hâtive qui ne serait pas pleinement
motivée.
Cela nous permet de rappeler en outre que l’entretien a également été conduit dans le souci
d’être utilisable pour le présent travail, ce qui représente un biais finalement important. En
effet, nous n’avons pas la garantie que, par souci de pouvoir exploiter cet entretien,
l’ambivalence n’a pas été creusée plus que nécessaire, noyant le conseiller lui-même dans
la confusion de l’autre. Ainsi, l’ambivalence reflétée en fin de premier entretien (CC287 : « je
crois qu’on a quand même là touché du doigt le fait qu’il y avait déjà une problématique de
« est-ce que je travaille, est-ce que je ne travaille pas ») aurait plutôt pu se traduire par une
nécessaire exploration objective des freins financiers exprimés par le bénéficiaire, de ses
craintes quant au fait de ne pas s’en sortir financièrement en travaillant. En réalité, le
bénéficiaire affirme à plusieurs reprises de façon très nette son souhait de travailler, mais sa
crainte porte sur des difficultés financières imaginées.
C3 : Traitement de la résistance
Pour mémoire, il s’agit de prises de paroles du conseiller destinées à répondre à une attitude
résistante du bénéficiaire pour l’atténuer, soit en l’atténuant directement, soit en l’amplifiant
afin que le bénéficiaire repense son point de vue dans une plus juste mesure.
49
Pour cette catégorie C3, il parait pertinent d’établir en premier lieu une analyse des
verbalisations du bénéficiaire et d’observer alors les interventions du conseiller en réaction. Il
faut rappeler que ces attitudes de résistance du bénéficiaire sont peu présentes au cours de
l’entretien (8.2% des tours de parole du bénéficiaire) et qu’elles se manifestent de trois
façons. Le conseiller y répond selon leur nature :
Un sentiment d’absence de possibilité d’agir comme bon lui semble, une perte de
liberté de choix ou d’action, de contrôle dans ses décisions. Le bénéficiaire évoque à
plusieurs reprises un sentiment de contrainte à aller dans telle ou telle direction ou une
obligation d’agir conformément à une norme, une logique. (B10 : « ça ne donne pas
forcément ce qu’on attend une fois qu’on est sorti du fameux cursus (…), ça va être entre
guillemets indispensable », B14 : « je me dis que quelque part c’est logique », B16 : « je
pense avoir fait le tour des alternatives et je ne pense pas qu’il y en ait beaucoup d’autres ».
Ce sentiment l’empêche d’agir et d’essayer d’avancer car par définition le bénéficiaire pense
qu’il n’y a pas d’utilité, que les résultats ne seront pas là : B248 « ok c’est joli mais sauf qu’il
faut que ça mène à quelque chose (…) je ne vois pas l’utilité »
Face à ce type de résistance, le conseiller tente de rendre le bénéficiaire à nouveau
libre de ses choix, responsable de ses décisions et à observer objectivement les situations :
C15 : « est-ce que c’est la seule voie logique qui s’offre à vous ? », C17 : « parce qu’un
poste de traducteur, ce serait quand même quelque chose de logique par rapport à votre
diplôme n’est-ce pas ? », C251 : « donc vous ne voulez pas essayer », C249 : « mais vous
croyez qu’on vous recevra si c’est effectivement le cas, que vous n’avez pas
d’expérience ? »
Une remise en cause de ses propres ressentis, de sa difficulté à faire un choix, de ses
motivations : B28 « ou alors c’est peut-être parce que j’en demande trop, je suis peut-être
trop dans un côté rêvé de la chose… », B142 : « (…) bon je mets peut –être trop de choses
sur le dos de l’ennui, mais en même temps je me dis « si je reste dans cette optique-là de
réfléchir pendant 15 ans, de dire toujours « je suis en réflexion », je ne suis pas sure que ça
fasse avancer grandement les choses», B168 : « peut-être que je vais trop loin », B170 :
« bon vous me direz que c’est un peu à côté ».
Face à ce type de résistance, le conseiller invite le bénéficiaire à considérer son
ressenti, à l’accueillir sans jugement. C143 : « mais c’est un choix qui est difficile à
prendre », C171 : « non, c’est une de vos préoccupations », C253 : « Oui oui, c’est votre
besoin d’autonomie et d’indépendance qui ressort là », C277 : « c’est compliqué à vivre dans
le quotidien »
Une colère contre un sentiment de pression de son environnement familial : B252
« mais juste l’idée de m’imposer les choses et de me dire « tu devrais faire ça » ça m’énerve,
parce que ça ne me dérange pas qu’on me donne des conseils, mais ça dépend comment
50
on le fait », B254 : « oui certes j’ai été habituée à être maternée tout le temps, mais il faut
arrêter à la fin », B276 : « oui mais dans leur esprit, je suis la petite dernière, et si je le dis,
tout de suite on le prend de travers », B278 : « ah oui et puis je ne peux pas me permettre de
leur dire que je ne leur parle plus puisque je les côtoie tout le temps, c’est pas évident, parce
qu’ils voudraient aider mais leur façon n’est pas la bonne ». Le simple fait de se sentir
observée et évaluée par son environnement provoque chez le bénéficiaire une
réaction contre-productive par principe, une sorte de rébellion.
Face à ce type de résistance, le conseiller n’a que très peu de pouvoir d’action. Il invite
le bénéficiaire à occuper un temps la place de ses parents pour prendre conscience que leur
souci est légitime à leurs yeux, qu’il n’est pas dirigé contre le bénéficiaire, tout en reflétant
qu’il a perçu l’agacement qu’il provoque.C255 : « …c'est-à-dire que vos parents vous incitent
à reprendre une activité pour être autonome, mais ils continuent à vous prodiguer ce qui est
pour eux des conseils, mais d’une façon qui ne vous reconnaît pas comme quelqu’un
d’autonome », C245 : « et pourquoi d’après eux il faut que vous fassiez quelque chose ? »,
C279 : « en tous cas pas celle que vous aimeriez de leur part »
Il faut également constater que le conseiller ne répond pas directement à toutes les
résistances. Il change de focus, ne laisse pas prise à certaines expressions du bénéficiaire,
afin de ne pas engager un débat influencé par des opinions pas toujours fondées de la part
du bénéficiaire. Il préfère rebondir sur quelques mots exprimés dans la résistance pour
continuer à l’explorer. C11 : « pour vous l’efficacité elle se traduirait comment alors ? »
C4 : Renforcement des leviers de motivation
Il s’agit de prises de paroles du conseiller destinées à refléter pour renforcer tous les leviers
de motivation exprimés par le bénéficiaire, qu’ils le soient en termes de gain (obtenir tel ou
tel avantage) ou de non motivation (éviter telle ou telle situation).
Pour cette catégorie C4, il parait pertinent d’établir en premier lieu une analyse des
verbalisations du bénéficiaire et d’observer alors les interventions du conseiller en réaction.
Le bénéficiaire exprime des leviers de motivation tant de façon positive et explicite que de
façon négative et implicite.
Explicitement au travers de l’entretien, le bénéficiaire a exprimé plusieurs facteurs de
motivation pour prendre sa décision (catégorie B4). Il souhaite se sentir utile, avoir des
contacts sociaux adaptés à sa personne (du même âge, avec des centres d’intérêt
similaires), gagner de l’argent par lui-même, utiliser l’anglais dans un futur métier, faire des
choses variées et nouvelles, ne pas rester immobile en arrêtant de réfléchir continuellement
et prenant une décision, être dans l’action…. Mais le bénéficiaire a aussi exprimé
51
implicitement des leviers de motivation en nommant des états auxquels il souhaite
échapper : échapper à l’ennui, ne pas être dépendant vis-à-vis de ses parents et
financièrement, ne pas ressembler à ces personnes qui pourraient prendre le contre-pied de
leur handicap et profiter du système, tout en se créant une nouvelle dépendance d’ordre
financier.
Le conseiller a perçu ces leviers dès le début du premier entretien et les a renforcés tout au
long des deux entretiens. On constate que le renforcement a été amplifié lors du deuxième
entretien (Phase 3), le pourcentage de tours de parole du conseiller apparenté à cette
catégorie C4 étant le plus fort. C’est probablement la preuve que l’ambivalence a été
suffisamment explorée et que les ressorts de la motivation identifiés doivent servir de points
d’appui pour prendre une décision et amorcer un passage à l’action.
Le conseiller a largement reflété ces leviers identifiés tout au long de l’entretien, qu’ils furent
exprimés explicitement ou implicitement. Ces reflets ne sont pas toujours la reprise exacte
des mots employés par le bénéficiaire mais sont des formulations qui montrent au
bénéficiaire qu’il a été entendu, et qui renforcent ainsi ses expressions : C141 : « là vous en
avez marre de cette situation », C139 : « (…) l’opportunité d’échapper à l’ennui dans lequel
vous êtes aujourd’hui », C151 : « être dans l’action ? », C340 : « dans une vraie
dynamique ? », C153 : « oui vous avez conscience qu’à un moment donné il vous faut
décider et avancer », C161 : « vous ne vous projetez pas là-dedans », C163 : « quand je
vous entends vous dites fermement « non c’est trop rébarbatif » », C169 : « autonome
financièrement », C201 : « Vous avez envie de pouvoir utiliser votre argent pour votre
indépendance et votre autonomie », C304 : « vous avez besoin d’un cadre, des horaires. »,
C312 : « quelque chose qui vous oblige à être dans l’action toute la journée ». C348 : « donc
le fait de travailler vous permettrait d’être dans une dynamique, de vous sentir utile, d’être
dans l’action, quoi d’autre ? ».
Le conseiller s’attache également à renforcer les leviers identifiés en indiquant qu’il
s’agit de souhaits personnels forts et fondés, qu’ils proviennent tout à fait du bénéficiaire.
Dans bon nombre de formulations, le conseiller appuie son expression avec des mots tels
que « vraiment », et utilise toujours le « vous ». Cela a pour vocation de renforcer
l’expression des ressentis du bénéficiaire et de confirmer son pouvoir de décision.
C247 : « pourtant, si elles se présentaient les choses, vous iriez de vous-même… ».C43 et
C45 : « oui donc vous l’avez vécu, donc c’est vraiment une expérience qui vous permet
d’avoir ce point de vue aujourd’hui (…) c’est vraiment appuyé sur quelque chose de
factuel. », C67 : « c’est un souhait, plus que quelque chose de logique », C223 : « puisque
ça a l’air d’être quelque chose à laquelle vous tenez ». Lorsque le bénéficiaire donne une
note sur 10 à l’importance pour lui de trouver un emploi, le conseiller renforce cette
notation. C360 : « 7 sur 10, c’est fort ! », C412 : « d’ailleurs ça s’est concrétisé par les deux
52
notes que vous avez données en disant que ce changement pour vous c’est effectivement
très important, puisque vous avez donné une note de 6-7 sur 10 et que vous vous sentez
prête à travailler à hauteur de 9 sur 10, donc ça confirme vraiment ce désir-là », C426 :
« vous avez l’air de vous sentir vraiment très prête à travailler demain si l’occasion se
présentait, je crois aussi que ce serait dommage de ne pas saisir cette dynamique dans
laquelle vous êtes (…) »
Comme évoqué à l’instant, le conseiller interroge le bénéficiaire au cours du 3eme entretien
sur l’importance du changement nécessaire. Il se trouve qu’il l’avait déjà fait au cours d’un
précédent entretien et que cette nouvelle question lui permet d’évaluer la progression du
bénéficiaire dans sa réflexion : C358 : « alors si on envisage ce changement, (…) si vous
deviez vous positionner sur une échelle de 0 à 10 sur le fait que ce changement soit
important pour vous ou pas (…) quelle note donneriez-vous ? »
Enfin, le conseiller prend soin de faire des résumés de cumul tout au long des deux
entretiens et de façon régulière. Il reprend un nombre important de leviers de motivation
identifiés et les formule en une phrase. Il permet ainsi un ancrage plus important de ce qui a
été formulé. C145 : « le fait de dire : « dans un poste de traducteur, je pense que je vais
m’ennuyer, j’ai besoin d’autre chose, j’ai besoin de faire d’autres tâches parce que je pense
que le fait de traduire au kilomètre toute la journée ça ne me suffira pas », vous me dites
aussi que vous avez besoin de faire quelque chose qui va vous permettre d’avoir une
rémunération, de prendre un peu d’indépendance, de découvrir de nouvelles choses,
d’utiliser l’anglais… », C183 : « Donc si je comprends bien, si je tente d’exprimer ce que
vous avez exprimé, et vous prendrez soin de me corriger si je me suis trompée, vous avez
envie d’être autonome financièrement, le plus rapidement possible, et de sortir d’une phase
dans laquelle vous vous ennuyez… », C285 : « Alors vous voulez travailler avec
effectivement en tête le fait que d’un point de vue positif, ça va vous permettre d’avoir des
contacts sociaux, de pouvoir être dans l’action, de pouvoir réaliser des choses, de pouvoir
vous épanouir autrement dans votre vie, d’avoir aussi une rémunération (…) », C406 :
« vous avez bien compris que le prix à payer pour votre autonomie financière et le fait de
vous sentir utile, d’être dans l’action etc. c’était de perdre cette fameuse allocation mais ce
prix, vous êtes prête à le payer parce que c’est trop important pour vous, de vous sentir utile,
de côtoyer des gens avec qui vous sentez que vous avez des choses à raconter… », C424 :
« Vous avez l’impression aussi que ce que vous avez fait comme formation c’est du coup un
peu du temps de perdu, même si cela vous a appris l’anglais et que vous êtes contente de
ça, vous auriez peut être l’impression de revenir en arrière en faisant d’autres études, et
c’était un peu un point d’insatisfaction pour vous. ».
53
C5 : Augmentation et renforcement de la confiance
Nous avions défini cette catégorie comme s’agissant de prises de paroles du conseiller
destinées à inviter le bénéficiaire à prendre conscience de ses capacités pour conduire le
changement visé, en les formulant. Il s’agit également des interventions de nature à
encourager le bénéficiaire dans l’élaboration de son ambivalence, malgré la confusion dans
laquelle il se trouve.
Concrètement dans l’entretien, le conseiller a cherché à augmenter le sentiment
d’efficacité personnelle du bénéficiaire en valorisant ses réussites et ses capacités :
C99 : « c'est-à-dire que vous êtes conscience tout comme lui que votre diplôme il a de la
valeur aujourd’hui », C103 : « oui il y a de quoi être fière, parce que ça nécessite un certain
investissement, ça a nécessité pour vous des efforts, donc effectivement il y a de quoi être
fière d’avoir fait cette démarche-là qui vous servira certainement à l’avenir (…) », C53 :
« c’est quand même une réussite pour vous, que vous valorisez comme réussite », C281 :
« parce que par contre, pour faire vos choix, vous êtes convaincue que vous êtes quelqu’un
d’autonome là-dessus. ». C446 : « donc vous voyez bien que c’est possible, donc votre CV
peut potentiellement intéresser des gens. » Il invite également le bénéficiaire à faire
confiance à ses intuitions, ses ressentis, du moins à les formuler avec conviction. Par
exemple, lorsque le bénéficiaire dit timidement en B327, parlant de la possibilité de rester
dépendante des aides allouées aux personnes handicapées : « je ne sais pas si ça me
correspond très bien comme vision des choses », le conseiller rétorque par « vous le savez
si ça vous correspond ou pas… » (C328)
Le conseiller cherche aussi à dédramatiser auprès du bénéficiaire le fait qu’il soit dans
la confusion, car il semble s’en culpabiliser. Il valorise même ce pouvoir de réflexion.
C73 : « ce sont des décisions qui sont effectivement importantes », C145 : « et pourtant je
vous entends dire, et c’est déjà le fruit d’une grosse réflexion que vous avez faite », C406 :
« vous avez déjà fait un gros travail de réflexion, et vous avez déjà pris une grosse
décision », C408 : « donc voilà, moi je vous félicite parce que c’est quand même une grosse
décision que vous avez prise. »
Par ailleurs, face aux obstacles familiaux que le bénéficiaire exprime, le conseiller tente de
rassurer et de valoriser ce qui peut relever de points d’appui sur lesquels le bénéficiaire
doit pouvoir capitaliser. En rassurant et en valorisant ces points, le conseiller vise à ce que le
bénéficiaire voit les aspects positifs qui peuvent renforcer son passage à l’action, y compris
en tenant compte de ses soutiens. C89 : « c’est bien », C97 : « ça veut dire qu’il a entendu
aussi votre désir », C99 : « c'est-à-dire que vous êtes consciente, tout comme lui, que votre
diplôme il a de la valeur aujourd’hui », C237 : « et alors vos parents, comment ils se
positionnent par rapport à cette décision justement ? ».
54
Enfin, le conseiller utilise une échelle de confiance afin de mesurer à quel point le
bénéficiaire se sent prêt à travailler. C372 : « justement, si nous retravaillons avec ce type
d’échelle que je vous ai présentée entre 0 et 10, dans quelle mesure vous vous sentez prête
à faire ce changement ? ». La réponse du bénéficiaire, en phase 3 de la série d’entretien,
témoigne du niveau de confiance atteint dans le souhait de passer à l’action pour travailler.
C6 : Identification du plan de changement
Il s’agit de prises de paroles du conseiller destinées à engager le bénéficiaire dans
l’élaboration d’actions concrètes pour mettre en œuvre sa décision.
Cette catégorie entre en jeu lors du deuxième entretien, c'est-à-dire en phase 3. En réalité le
bénéficiaire a déjà entamé des actions entre les deux entretiens. Il s’est rendu sur un salon
professionnel, a laissé des CV, a cherché d’autres offres d’emploi, s’est renseigné sur des
formations. Il semble tout de même une fois de plus beaucoup plus dynamisé par l’idée de
travailler que de faire une formation. La construction du plan de changement avec l’aide du
conseiller s’apparente donc plutôt à des conseils pour bien orienter sa recherche, ou à
des questionnements pour savoir ce qui a déjà été fait. C368 : « alors en demandant
quel genre de poste ? », C378 : « qu’est-ce que vous avez convenu avec les entreprises
auprès desquelles vous avez laissé votre CV ? »
Le conseiller va inviter le bénéficiaire à obtenir des informations qui lui permettraient de
confirmer son choix de chercher un travail plutôt que de reprendre une formation en lui
proposant une action concrète à l’issue des entretiens (contacter les entreprises pour
connaitre la raison de rejet de ses candidatures). Jusqu’alors, le bénéficiaire ne cessait
d’affirmer qu’il souhaitait travailler, mais que son diplôme n’était pas suffisant, et qu’il lui
fallait nécessairement reprendre une formation, ce qui ne l’enchantait pas vraiment. Le
conseiller s’appuie sur la recherche d’emploi entamée par le bénéficiaire pour lui faire
explorer si réellement son diplôme actuel est un frein dans sa recherche ou non. Par ses
formulations, il va donc l’inviter à expliquer ce qui, au vu de ses recherches et de ses
contacts avec des entreprises, lui permet d’affirmer que sa candidature n’a généralement
pas de valeur. C382 : « comment ont-ils réagi par rapport à votre diplôme ? à votre profil et
par rapport au type de poste que vous leur avez demandé ? », C394 : « qu’avez-vous fait
vis-à-vis des entreprises qui n’ont pas donné de réponse du tout ».
Enfin le conseiller, dans son rôle d’accompagnateur dans une démarche de recherche
d’emploi, a proposé au bénéficiaire à se livrer à un certain nombre d’expériences à la fin
de la deuxième séance, pour confirmer l’hypothèse élaborée ensemble qu’il n’y a pas de
problématique de formation inadaptée, et ainsi permettre d’y voir plus clair sur les actions
à conduire par la suite. (items C448, C450, C452).
55
C7 : Attitudes inadéquates :
Il s’agit de prises de paroles du conseiller qui relèvent d’une attitude non souhaitable en
entretien ou face à une résistance, telles que décrites par Porter (1950) ou Miller et Rollnick
(2006). On parlera exclusivement d’attitudes pouvant nuire à l’indépendance du bénéficiaire
(attitudes de conseil, posture d’expert), d’attitudes de l’ordre du jugement (critique,
culpabilisation) ou d’attitude de non-respect de l’ambivalence du bénéficiaire
(empressement).
Nous avons postulé sur le fait qu’il ne devait pas y avoir de formulations de ce type lors des
entretiens analysés. Il est particulièrement difficile, lorsque l’on a réalisé soi-même l’entretien,
de reconnaître objectivement ce type de formulations. Elles n’ont évidemment jamais été
formulées avec l’intention de nuire à la relation avec le bénéficiaire. Nous en avons identifié
deux, de l’ordre de l’affirmation d’une prééminence pour l’une (C81 : « c’est souvent
comme ça les freins »), et de l’ordre de la négation du ressenti de l’autre (C95 : « oui mais
c’est positif, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis »).
Les recommandations et conseils donnés en phase 3 n’ont pas été codifiés en attitudes
inadéquates, relevant de la mission même du conseiller en retour à l’emploi. Il faut garder à
l’esprit également que le bénéficiaire, âgé de 24 ans, est dans sa toute première recherche
d’emploi, et que des conseils pour s’orienter et comprendre les mécanismes de la recherche
d’emploi sont particulièrement nécessaires.
56
DISCUSSIONS ET PERSPECTIVES PROFESSIONNELLES
1. Synthèse des données obtenues et impacts possibles pour notre future pratique
En synthèse, intéressons-nous à l’analyse des entretiens précédents pour en retenir
quelques constats principaux portant sur les techniques employées, ainsi que sur les
résultats obtenus. Je tenterai de rapprocher ces résultats de ma pratique naissante et d’en
tirer quelques enseignements pour ma pratique future. Ayant moi-même conduit ces
entretiens, il est à la fois particulièrement difficile et délicat de prendre le recul nécessaire à
cette réflexion, et crucial de faire cet exercice pour conscientiser ses gestes et leurs impacts
possibles. Toutefois je m’attache à garder à l’esprit que ce type d’analyse, aussi précieux
soit-il, ne peut permettre de conclure que telle ou telle intervention au cours d’un entretien
permettra à coup sûr d’atteindre le résultat souhaité, car il s’agit avant tout d’intégrer
judicieusement un geste professionnel, une technique d’entretien, une relance, un mot, voire
une intonation de voix à une relation singulière qui se joue entre le conseiller et un
bénéficiaire, tous deux uniques. De mon point de vue, c’est à la fois cette nouveauté
perpétuelle, ce besoin d’innover constamment, de s’adapter à la situation apportée par
l’autre, dans un cadre méthodologique à ma disposition, qui font de ces métiers
d’accompagnement une véritable source de motivation.
Au travers de l’analyse de mes interventions, je retiendrai que les techniques d’écoute
active ont été plutôt largement employées. L’écoute semble réelle, preuve en sont la
nature et le volume des verbalisations du conseiller comparées aux verbalisations du
bénéficiaire. J’ai eu le souci de me placer comme un guide, posant des jalons de temps à
autres soit sous forme de questions invitant le bénéficiaire à poursuivre son élaboration, soit
sous forme de reformulations, confirmant et ancrant le discours du bénéficiaire. Dans ma
position d’ « experte » consultée pour un accompagnement au retour à l’emploi, j’ai délivré
des techniques, des conseils, que je n’ai pas souhaité considérer dans l’entretien comme
des attitudes inadéquates au sens de Porter (1950) ou de Miller et Rollnick (2006),
notamment parce que le bénéficiaire n’a aucune expérience professionnelle ni aucune
expérience de recherche d’emploi. J’ai ainsi jugé bon de l’accompagner dans la structure de
sa recherche, dans ce qu’il est coutume de faire ou non.
Cette dimension d’écoute se révèle être une dimension forte de ma posture
d’accompagnement. Il s’agit même pour moi sans doute de ma préoccupation première. Je
57
suis convaincue de mon rôle de guide, c'est-à-dire une posture de plein accueil de la pensée
de l’autre, pour lui donner les clés de son autonomie en élaborant de lui-même ses réflexions.
Cette posture a sans aucun doute permis l’élaboration de la pensée de la bénéficiaire, qui a
largement exprimé son ambivalence, pesé le pour et le contre, etc…
Rappelons par ailleurs que j’avais choisi d’analyser l’entretien en m’inspirant des techniques
de l’entretien motivationnel de Miller et Rollnick (2006) pour construire les catégories
d’analyse. Nous avons pu voir l’évolution du processus d’accompagnement selon les
interactions que j’ai pu avoir avec le bénéficiaire. C’est dans l’échange et l’écoute entre
les deux interlocuteurs que le processus de construction de la motivation s’est mis en
place peu à peu. Il est important de noter que l’analyse des interactions a montré une
évolution de leur nature (par exemple, apparition de la catégorie C6 dans la 3eme partie de
l’entretien), indiquant bien que la construction de la motivation s’effectue dans le cadre d’un
processus en mouvement.
Si la posture d’écoute précédemment évoquée a sans doute été le support solide de ce
processus, nous pourrions nous interroger sur le fait qu’en y ajoutant un peu plus de
structure, un peu plus de méthode, elle aurait peut-être permis une sortie de la confusion un
peu plus rapide. Nous touchons là à la notion d’efficacité de la démarche d’accompagnement,
sur laquelle nous reviendrons plus loin.
Notons également qu’une large part des interventions a permis l’exploration de
l’ambivalence, amenant le bénéficiaire à formuler tantôt le versant négatif de son
ambivalence (ses doutes, ses craintes, ses peurs, les obstacles qui l’empêchent d’avancer),
tantôt le versant positif de son ambivalence (ce qui serait de nature à le motiver, à lui faire
prendre telle ou telle direction, ses aspirations, ses envies, ses valeurs). Ce versant positif
a été renforcé, permettant ainsi de mettre au jour l’importance pour le bénéficiaire de sortir
du statu quo, en prenant une décision qui satisfasse ses désirs personnels. Des questions
clés quasiment formatées, issues des techniques de l’entretien motivationnel, telles que
« que pourriez-vous imaginer de pire si vous vous projetez dans cette situation ? » ou
« qu’est-ce qui changerait pour vous si vous optiez pour cette décision ? » ont réellement été
des éléments techniques facilitateurs pour la conduite de ces entretiens. Nous pouvons ainsi
mesurer que la posture d’écoute est bel et bien le terreau de la relation, mais que sans
maitrise de techniques d’entretien, employées à bon escient, le risque est grand de tomber
dans un mode d’accompagnement non professionnel. Quasiment chaque attitude, chaque
questionnement, chaque exercice vise un objectif précis. Il s’agit bien pour nous, en tant que
professionnel, de choisir ces outils en fonction de l’objectif et de la situation. C’est par ce
choix en connaissance de cause que nous distinguerons notre pratique en tant que
58
professionnel d’autres pratiques plus « spontanées » et sans doute moins efficaces, car elles
risquent de laisser prise à nos propres cadres de référence dans notre écoute. « Loin de
faciliter l’empathie, le débridement complet de ce que nous appelons notre « naturel » nous
livre aux projections de nos complexes personnels, de nos habitudes ou de nos manies. »
(Roger Mucchielli, 1996, p.48).
A l’analyse de ma pratique sur ces entretiens, j’ai conscience d’avoir eu le souci d’intégrer à
mes accompagnements ces deux notions fondamentales que sont l’écoute et la conduite
d’entretien de façon professionnelle, c’est à dire en utilisant des outils au service d’un objectif.
Si l’écoute semble être plus naturelle pour moi que l’utilisation de techniques qui méritent
d’être encore expérimentées, j’ai pris conscience de la difficulté de ne pas négliger l’un au
service de l’autre, et ce, en permanence. Lorsque dans l’analyse qualitative de la catégorie
C2 « Exploration de l’ambivalence », nous avons fait mention d’un biais résidant dans le fait
que j’ai moi-même conduit ces entretiens, ayant à l’esprit qu’ils pourraient me servir pour
l’exercice de ce présent mémoire, j’ai exprimé ma sensation de m’être à mon tour laissée
« noyée » dans la confusion de l’autre. Je réalise qu’au cours de ces deux entretiens, j’ai
plusieurs fois utilisé la technique au détriment de l’écoute, ou inversement accueilli les
propos sans cadrage de l’échange, par souci d’écoute. Il y a finalement un savant dosage à
trouver, et à réinventer lors de chaque accompagnement.
Concernant la construction de la confiance du bénéficiaire dans sa capacité à avancer
dans une décision plutôt qu’une autre (Catégorie C5), mes interventions ont été limitées
puisque le bénéficiaire a de lui-même exprimé aux moments opportuns sa confiance dans le
fait d’aboutir quelle que soit sa décision. J’estime que dans le cas présent de cet
accompagnement, ce fut plutôt une aubaine. Compte tenu du maigre parcours professionnel
de cette personne qui n’est pas encore entrée dans la vie active, j’aurais sans doute ressenti
une certaine difficulté à trouver des points d’appuis solides pour renforcer son sentiment
d’efficacité personnelle, lui faire prendre conscience de ses ressources. J’ai ainsi pu prendre
conscience du fait que l’accompagnement d’une personne qui n’a jamais travaillé doit
nécessairement faire appel à des ressorts techniques différents sur certains aspects.
L’analyse de deux entretiens espacés d’une semaine a permis par ailleurs de mettre au jour
les effets possibles de l’exploration de l’ambivalence réalisée dans le premier entretien. En
effet, lors du second entretien, la bénéficiaire a clairement exprimé que ses réflexions
avaient déclenché des prises de conscience l’ayant mise en mouvement puisqu’elle avait
non seulement pris une décision (confirmation de son souhait de rentrer dans le monde du
travail) mais aussi déjà entamé des recherches, pris des renseignements, transmis son CV
etc….
59
Il me parait intéressant 1 mois après avoir réalisé ces entretiens qui se situent dans le cadre
d’un accompagnement dont j’ai la charge, d’informer le lecteur de ce mémoire que la
bénéficiaire a poursuivi ses recherches. Elle n’a pas remis en cause son souhait d’avoir une
activité, bien qu’elle ait pu le remettre en cause auparavant, par peur de perdre son
allocation handicap et de ne pas obtenir une rétribution de son travail financièrement
suffisante. Elle a décroché un entretien pour un poste d’hôtesse d’accueil bilingue qui lui a
fait mesurer des craintes quant à cette fonction. Elle a peur de s’ennuyer intellectuellement
dans ce type de poste. A la suite de cet entretien, elle a pris connaissance de nouvelles
offres d’emploi. L’une d’elle concernait une offre de poste de traducteur littéraire, fonction
qu’elle avait écartée car son diplôme ne lui permettait pas d’accéder à cette spécialisation du
métier de traducteur, qui exigerait, d’après elle, une formation spécifique plus poussée. Elle
a réalisé qu’en faisant cette formation spécifique, elle pourrait certainement accéder à ce qui
constituait, de ses dires, « un rêve ».
Bien que cela témoigne à mon sens du fait que la confusion est toujours présente dans son
esprit, il est intéressant d’observer cela a posteriori à plusieurs titres. D’une part, la
perspective de reprendre deux années d’étude ne l’effraie plus, et elle a d’elle-même abordé
le sujet avec ses parents pour lever l’obstacle familial qu’elle supposait exister. D’autres
parts elle a ouvert la porte à ce « rêve », indiquant qu’elle est sur une voie de progression,
car en tout premier lieu elle l’avait purement et simplement écarté, jugeant qu’elle n’allait pas
reprendre des études, qu’il fallait travailler tout de suite. Là où elle raisonnait « de façon
logique » (pour reprendre des termes qu’elle a souvent employés), elle semble être
davantage à l’écoute de ses désirs, et les considère comme éléments de décision pour un
projet professionnel. Elle semble ainsi avoir compris qu’à partir du moment où elle a fixé son
choix sur un métier, la formation est bien un moyen et non un objectif pour « s’occuper ». Sa
vraie décision ne réside donc pas dans le fait soit de choisir une formation soit de trouver un
emploi, mais bien de bâtir un projet professionnel qui la motive et de déterminer les moyens
nécessaires pour le mettre en place.
Ce résultat provisoire peut ne pas sembler miraculeux. Je me suis moi-même nettement
remise en question sur la façon de conduire cet accompagnement car en adoptant une
méthode différente, j’aurais peut-être permis à cette personne d’écouter plus rapidement ce
désir et de l’aider à comprendre si cette piste était réalisable et réaliste ou non. C’est un
travail que nous entamons à présent, sous forme d’enquête métier auprès de traducteurs
littéraires et de renseignements sur les types de formations existantes, si l’enquête métier la
fait persister dans son choix.
60
2. Confrontation des résultats les plus importants à la revue de littérature
Dans notre revue de littérature, nous avons observé que la motivation était un
processus qui met en relation des manifestations à des motifs, des actes à des
mobiles. Claude Levy Leboyer, dans une définition de la motivation indique que « être
motivé, c’est d’abord avoir un objectif… » (Levy-Leboyer, 1998, p.32).
Dans le cas de l’entretien qui a été conduit, il nous apparait assez clairement que la
motivation est bien en construction mais qu’elle n’est pas encore réelle. En effet, le
conseiller accompagne le bénéficiaire dans l’identification de mobiles, de motifs, que l’on
pourrait appeler également des leviers de motivation, des valeurs, des motivations (en
prenant soin de conserver le pluriel). Effectivement, ces motivations sont assez claires :
échapper à l’ennui, gagner un salaire, avoir des contacts sociaux, construire son
indépendance pour vivre seule à terme, …. Nous voyons nettement que ces motifs ne
suffisent pas à déclencher une motivation au passage à l’action tant qu’il n’y a pas
d’objectif précis. Et tant qu’il n’y a pas d’objectif précis, il peut y avoir des actes (la
bénéficiaire démarre des recherches d’emploi), mais sans conviction qu’il s’agit de la
bonne voie. C’est ainsi que la suite de la définition proposée par Claude Levy-Leboyer
éclaire notre réflexion : « être motivé, c’est essentiellement avoir un objectif, décider de
faire un effort pour l’atteindre, et persévérer dans cet effort jusqu’à ce que le but soit
atteint » » (Levy-Leboyer, 1998, p.32). Nous avons vu qu’un mois après, les pistes
identifiées qui semblaient déclencher une vraie motivation ont été abandonnée
temporairement ou définitivement.
Ce cas d’étude met en évidence qu’il peut y avoir des actes, sans qu’il y ait de
motivation. Tout du moins, la motivation qui conduit à réaliser ces actes s’apparente
davantage à une motivation basée sur des motifs objectifs au sens de Leontiev
(« travailler » car c’est « logique » ou bien « ne pas travailler » car cela engendrerait la
perte d’une allocation …) que sur des motifs subjectifs, c'est-à-dire faisant écho aux
valeurs intrinsèques, aux aspirations, à une finalité psychologique. C’est pour cette
raison que le cours de l’entretien a été orienté pour faire émerger au maximum ces
valeurs personnelles et ouvrir la porte à l’écoute des désirs.
Par ailleurs, en dehors du fait que pour bon nombre d’individus il soit difficile d’entrer
dans la vie active, nous pourrions nous demander si la confusion dans laquelle stagne le
bénéficiaire de l’accompagnement pris en exemple pour la présente analyse ne pourrait
pas être en lien avec son statut d’handicapé moteur. C’est en considérant la pyramide
61
des besoins élaborée par Maslow (1943) que cette réflexion nous est rendue possible.
La bénéficiaire a largement exprimé au cours de son accompagnement qu’elle avait été
particulièrement « maternée » tout au long de son parcours de vie jusqu’à ce jour. Il est
imaginable que la perspective d’intégrer le monde des personnes en activité suscite une
grande appréhension de voir la réponse à ses besoins de protection et de sécurité mise
en péril. La crainte exprimée de perdre l’allocation handicap, réponse à un besoin de
sécurité financière, est une illustration de cette hypothèse. Ne pourrions-nous pas
d’ailleurs, imaginer qu’elle cristallise toutes les autres peurs de quitter le domicile familial,
de rejoindre un milieu considéré comme hostile, bien que le souhait d’indépendance soit
manifesté ? Lorsque ces besoins primaires sont perçus comme menacés, comment
identifier et développer de façon solide des motivations proposant des réponses à des
besoins d’épanouissement, de sens, de reconnaissance ? A partir de cette réflexion, il
est envisageable de penser que si le bénéficiaire, malgré l’accompagnement du
conseiller, reste dans la confusion sur une longue période, c’est probablement parce que
se jouent d’autres choses que la « simple » définition d’un projet professionnel.
Toutes les occasions seront alors bonnes pour engager un pas en avant puis en
apparence deux en arrière. Car bien entendu, ces allers-retours sont sans doute le
passage obligé dans le processus de changement.
Cela nous amène d’ailleurs à revenir sur la technique de l’entretien motivationnel,
support majeur de notre analyse. La description par Miller et Rollnick (2006) des
différentes phases de l’accompagnement dans le changement et la prise de décision est
très claire : d’abord une phase de prise de conscience de la divergence, c'est-à-dire du
décalage entre la situation actuelle vécue et la situation idéalisée que l’on souhaiterait
vivre ; à partir de là, une conscientisation de l’importance du changement nécessaire et
une formulation par le bénéficiaire d’un « discours-changement », puis une identification
et un renforcement de la confiance à réaliser le changement. La conscience de
l’importance du changement et du sentiment de capacité à le réaliser doit enfin aboutir à
un engagement de changement puis à l’élaboration d’un plan de changement. A la
lecture, cela s’enchaîne parfaitement. Seulement la théorie n’est pas la pratique !
Nous avons vu très nettement que les allers retours, notamment entre les deux
premières phases, sont fréquents, et que le conseiller doit aider le bénéficiaire à naviguer
sans couler entre ces eaux. Bien que cela puisse sembler évident, il est important en
tant que professionnel de réaliser à quel point ces apports théoriques ne sont pas des
recettes miracles pour la conduite de l’accompagnement mais bien des guides pour
savoir où et comment orienter la réflexion du bénéficiaire.
62
Ces guides m’ont été d’une grande utilité à plus d’un titre. Avant la lecture de ces
théories et avant la participation à ce programme de DESU par exemple, je n’aurais pas
imaginé la place de l’environnement social dans la planification d’un changement pour
un individu. Nous avons vu dans la revue de littérature que plus d’un auteur mentionne
cet aspect comme une condition importante de la réussite d’un projet et donc à explorer
dans l’élaboration même du projet. Notre cas d’étude a bien illustré ces théories comme
la Théorie sociale cognitive appliquée à l’orientation scolaire et professionnelle
développée par Lent (1994) et autre théories relatives à la prise en compte des obstacles
et soutiens potentiels. La bénéficiaire est freinée à plusieurs reprises par ce que ses
parents pourraient penser, par des projections négatives de leurs parts sur le fait de
suivre une formation supplémentaire. Lorsque la bénéficiaire, un mois après, envisagera
de devenir traducteur littéraire, ce qui l’obligerait a priori à reprendre une formation plus
poussée en traduction, elle validera quasiment en tout premier lieu que ses parents n’y
seraient pas opposés, avant même de se renseigner sur la nature ou les perspectives
d’emploi concernant ce métier, qui pourraient pourtant sembler être des actions
prioritaires.
La prise de connaissance de la notion de modelage social de Bandura (1980) nous a
révélé par ailleurs l’importance de l’environnement du bénéficiaire, et particulièrement
l’observation des réussites d’individus semblables à lui, pour renforcer son sentiment
d’efficacité personnelle. Bandura (1980) souligne que le fait de côtoyer des personnes
qui ont réussi dans telle ou telle voie pourrait avoir un impact positif sur la confiance d’un
individu pour réaliser un projet. Lorsque la bénéficiaire indique qu’elle ne veut pas être
comme ses amies qui ne travaillent pas, ou comme celles ou ceux qui ont des problèmes
financiers depuis qu’ils ont quitté le domicile de leurs parents, ne sommes-nous pas dans
une forme de modelage social qui n’a pas ici un impact direct sur le sentiment d’efficacité
personnel mais plutôt sur le renforcement des valeurs et des leviers de motivation de
l’individu ? L’observation de son environnement permet ici au bénéficiaire de se situer en
termes de désirs et de valeurs.
Concernant le sentiment d’efficacité personnelle, c’est sans doute bien grâce au
modelage social explicité par Bandura (1980) que son renforcement peut s’opérer,
lorsqu’il s’agit d’une personne qui n’a jamais eu d’expérience professionnelle. En effet,
nous voyons nettement chez notre bénéficiaire que la perspective de faire des travaux de
traduction lui semble tout à fait accessible car elle est forte de son expérience de stage
de six mois. En revanche, si la bénéficiaire n’avait pas d’elle-même exprimé une grande
confiance à agir dans un autre métier comme hôtesse d’accueil ou assistante de
63
direction, il aurait été difficile pour le conseiller de revenir à une expérience
d’apprentissage probante sur laquelle s’appuyer pour renforcer son sentiment de
confiance. Il aurait fallu à la fois identifier des similitudes entre les expériences
vécues au cours de ce stage et le type d’emploi visé, et avoir recours à des
techniques d’identification de « mentors », exemples de réussites appartenant à
l’entourage de la personne.
Pour conclure, synthétisons ce que cette revue de littérature nous aura permis de
comprendre pour notre future pratique professionnelle.
Tout d’abord, nous garderons à l’esprit que la construction de la motivation étant un
processus, il nous parait essentiel d’entamer ce processus le plus tôt possible lors d’un
accompagnement, afin d’en faire une sorte de squelette, de fil conducteur, sur lequel
viendront s’ajouter ou s’appuyer les phases d’identification de compétences, des
aptitudes, des valeurs et de la construction du projet. C’est ainsi que le temps de
construction de la motivation pourra être confortable puisque maximum, et en cohérence
avec toutes les autres phases de l’accompagnement. En réalité il n’y a pas de phase de
construction de la motivation. Tout l’accompagnement concourt à la construction de
la motivation, qu’il s’agisse d’un bilan de compétences ou d’un accompagnement à la
recherche d’emploi. C’est un fil conducteur. Ce sont les techniques d’entretien utilisées
tout au long de l’accompagnement qui vont aider à la construction progressive de la
motivation au changement en identifiant les valeurs, développant les divergences,
renforçant la confiance, renforçant le versant positif de la balance décisionnelle,
identifiant les soutiens et obstacles potentiels….
3. Confrontation des résultats à la problématique posée
Nous avons exposé dans notre problématique que la définition du bilan de compétence
dans les textes réglementaires (circulaire ministérielle ou code du travail) mentionne que
le bilan doit permettre à l’intéressé d’identifier ses compétences, aptitudes, valeurs et
motivation afin de définir un projet professionnel réaliste et réalisable (y compris
projet de formation). Cette expression « réaliste et réalisable » sous-entend que sa
réalisation effective doit être vérifiable. Nous avons explicité également que les dispositifs
d’accompagnement de personnes en recherche d’emploi ont pour objectif de permettre
un retour à l’emploi. Dans le cas de prestation financées par Pôle Emploi, pour les
prestataires éventuellement missionnés, l’atteinte de cet objectif conditionne 20% du
paiement de la prestation (en 2010). L’objectif doit être atteint au terme de 4 mois
64
maximum à compter du premier entretien dans le cadre d’une prestation « Cible Emploi »
selon le Cahier des charges Pôle Emploi 2010. Dans le cadre d’un BCA (Bilan de
Compétences Approfondi), le retour à l’emploi effectif ne conditionne pas le paiement
intégral de la prestation. En revanche, au cours de 6 entretiens minimum réalisés en 42
jours calendaires au maximum, le BCA doit avoir permis « d’amener la personne à
construire, réorienter ou confirmer son projet de retour à l’emploi (…) de façon réaliste et
réalisable à court terme par rapport au marché du travail » comme le mentionne le
Cahier des charges Pôle Emploi 2010, la réalité étant que 2 pistes de projet
professionnels doivent avoir été définies.
Nous avons donné en exemple par ailleurs des statistiques éditées par le Fongecif
Languedoc Roussillon qui mentionne qu’en 2009, sur 100 bilans de compétences
réalisés, environ 56% seulement des individus avaient mis en place leur projet
professionnel. Cette statistique nous a interpellé sur le fait que le projet pouvait peut-être
ne pas susciter de motivation au passage à l’action.
Nous avons alors posé la question de savoir comment les techniques de
l’entretien motivationnel pouvaient aider le conseiller à faire émerger les leviers de
motivation d’un bénéficiaire d’accompagnement et ainsi optimiser une dynamique
de changement.
Le rappel des éléments ci-dessus montre en effet à quel point cette action doit être
prioritaire tout au long de l’accompagnement d’un bénéficiaire.
L’analyse d’un entretien présentée plus haut montre assez clairement que le bénéficiaire
a évolué dans ses réflexions et les prémices d’un changement et de passage à l’action
ont été perceptibles. Il y a fort à parier que l’utilisation des techniques exposées par
Miller et Rollnick (2006) a permis l’évolution de la pensée du bénéficiaire. Nous ne
pouvons cependant en avoir la certitude totale puisqu’il aurait fallu pour cela réaliser un
comparatif des verbalisations du bénéficiaire avec les techniques de l’entretien
motivationnel puis sans utiliser ces mêmes techniques (ce qui est totalement irréalisable
avec le même bénéficiaire). Les questionnements employés, les reformulations,
l’exploration de l’ambivalence, le renforcement des leviers de motivation et de la
confiance ont manifestement pu structurer l’entretien.
Rappelons-nous que ces techniques ont été utilisées à l’origine dans un cadre médical et
sanitaire essentiellement pour le traitement des addictions. Leur exploitation au service
de l’accompagnement professionnel est possible et les principes abordés par ses auteurs
rejoignent la théorie sociale cognitive de l’orientation scolaire et professionnelle
développée par Lent (1994). Les techniques de l’entretien motivationnel rendent
65
opérationnels des concepts élaborés dans les théories de la motivation de Bandura
(1980, 1986), Tolman et Honzik (1930), Vroom (1964), Holland (1973) ou Leontiev (1978).
Les questionnements destinés à développer les divergences n’ont d’autre but que de
faire prendre conscience à l’intéressé de ses valeurs intrinsèques et du décalage
qui existe entre la situation qu’il vit et celle qu’il aimerait vivre. Les reformulations
régulières mettant en exergue l’ambivalence dans laquelle se trouve l’individu
renforcent ses valeurs. Les questionnements destinés à interroger sur la confiance à
réaliser le changement et les formulations-reflets ont pour objectif de renforcer le
sentiment d’efficacité personnelle. Le principe de projection dans une situation
idéalisée (« que se passerait-il au mieux si ce changement s’opérait pour vous ? »)
permet d’identifier les renforcements attendus par l’intéressé. En bref, les techniques
de l’entretien motivationnel correctement utilisées par le conseiller auront un impact
positif sur l’évolution de la pensée du bénéficiaire et l’optimisation d’une dynamique de
changement, puisqu’elles placent en leur cœur les concepts de renforcement, valeurs,
sentiment d’efficacité personnelle, balance décisionnelle, prise en compte de
l’environnement social…
Le mettront-elles obligatoirement en mouvement ? Rien n’est sûr. D’autres facteurs
pourraient intervenir, introduisant des grains de sable dans ces rouages apparemment
bien huilés.
Forte de ma connaissance de la bénéficiaire qui a bien voulu accepter d’être enregistrée
pour cet exercice, je peux témoigner du fait qu’elles ne constituent pas une solution
miracle à court-terme sur ce cas de figure. Grâce à notre collaboration, la jeune femme
en question a évacué l’angoisse de l’absence de soutien de ses parents, la peur de
perdre son allocation handicap, la possibilité de faire du métier d’hôtesse d’accueil son
activité professionnelle et elle ne considère plus la formation comme un projet en tant
que tel mais bien un outil intermédiaire au service d’un projet professionnel de plus long
terme. Cependant, plus d’un mois après la réalisation de ces entretiens, bien qu’elle ait
mûri dans sa réflexion sur certains sujets, elle reste dans une confusion importante et
une incapacité à faire des choix pour un projet « réaliste et réalisable » qui génère chez
elle un enthousiasme.
Cette jeune femme a exprimé elle-même son besoin de temps important pour prendre
des décisions et passer à l’action. Se peut-il que chez certains individus le psychisme
prenne le dessus sur l’objectivité d’un projet bien ficelé et correspondant en apparence
aux valeurs exprimées par le bénéficiaire ? Se peut-il que d’autres facteurs interviennent,
66
justifiant les statistiques précédemment présentées et obtenues auprès du Fongecif
Languedoc Roussillon (imprévus de toutes sortes empêchant la mise en œuvre du projet
par exemple) ?
Il faut noter ici que ces statistiques certes nous informent, mais ne nous disent pas sous
quel délai il est considéré comme « normal » que les bénéficiaires de bilan de
compétences aient mis en œuvre leur projet. Il peut sans doute y avoir un mode de
fonctionnement inhérent et préférentiel à la personne qui fait que la prise de décision
pour se mettre en mouvement sera sans doute plus longue que la moyenne, et cela ne
vient pas forcément de l’action du conseiller.
4. Mise en perspective de ces résultats avec notre future pratique professionnelle
A l’origine, j’ai choisi de travailler sur ce thème de la motivation au passage à l’action
dans ce présent mémoire spécifiquement pour une raison personnelle. A l’issue de mon
propre bilan de compétences, tout en ayant identifié un projet en lien avec les métiers de
l’accompagnement, je me suis sentie dans l’incapacité de réaliser ce projet. Je ne
saurais expliquer moi-même à coup sûr les raisons de ce ressenti. Il ne provenait pas
d’un sentiment de ne pas avoir les capacités intellectuelles de suivre une formation,
d’obtenir un diplôme, de me remettre en question sur un nouveau métier. Je craignais
probablement plus de ne pas avoir la légitimité pour exercer ce métier qui requiert des
qualités d’écoute et d’empathie fortes, dont mon entourage professionnel ne
soupçonnait pas chez moi l’existence de par la nature des fonctions que j’occupais
depuis mon début de carrière. J’ai eu besoin d’une étape intermédiaire avant d’aboutir à
mon véritable objectif, je ne pouvais pas me mettre en risque, n’étant peut-être pas
convaincue moi-même. Et pourtant le travail de bilan que j’avais réalisé était très
profond et très riche, je m’y étais beaucoup investie. Les pistes professionnelles
auxquelles j’avais abouti ont émergé tardivement au cours du bilan, car j’ai eu besoin
d’une phase d’investigation solide de ma personnalité dans un cadre professionnel.
De ce fait, j’ai assez vite identifié le thème de ce mémoire comme étant une source
d’apprentissage et d’explication de ce qui avait pu se produire. Je n’ai pas trouvé de
réponse certaine à mon cas personnel malgré une démarche autoréflexive sur le sujet
qui m’a montré une fois de plus que « ce que l’on sait c’est qu’on ne sait pas ». J’ai
appris très tôt dans le DESU qu’une des priorités implicites du bilan de compétence était
de mettre en œuvre son projet, puisque notamment les OPCA s’intéressent à ce point
en particulier et que la faible proportion de projets mis en œuvre au regard du nombre
67
de bilans réalisés est étudiée pour permettre une amélioration du dispositif. En tant que
bénéficiaire de bilan et en tant à présent que professionnelle, cette réflexion m’a
vraiment interpellée et j’ai cherché à comprendre quel était mon rôle et ma
responsabilité dans ce processus de motivation au passage à l’action.
J’espérais avec idéalisme trouver des recettes miracles qui feraient qu’à coup sûr mes
futurs bénéficiaires réaliseraient leur projet professionnel !... J’avoue devoir revenir avec
humilité à une réalité qui me fait dire que, si le développement de la motivation au
changement doit être une préoccupation tout au long d’une démarche
d’accompagnement, les techniques qui sont à notre disposition ne constitueront jamais
une recette miracle. Plus encore, est-ce réellement une motivation au changement que
nous devons activer, alors que certains bilans de compétence peuvent se solder par un
maintien de la personne dans sa fonction initiale par choix, sans que cela puisse être
considérable comme un échec de la démarche de bilan ?
Il me semble que notre préoccupation première devra davantage être de faire prendre
conscience à un bénéficiaire d’accompagnement de ses valeurs, de ses désirs et de ses
capacités de réussite, afin que son projet professionnel lui corresponde de façon
pérenne, sans avoir d’objectif de mise en œuvre planifiée dans l’immédiate continuité du
bilan. Le bénéficiaire possède des clés que nous ne possédons et ne posséderons
jamais à son sujet. Il reste le seul responsable de la mise en œuvre de son projet à des
échéances qui sont variables selon les personnes, en fonction de critères objectifs
(période plus ou moins propice, imprévus empêchant ou activant la réalisation…) ou
subjectifs, y compris non conscientisés par le bénéficiaire lui-même.
Cela m’amène à plusieurs réflexions connexes.
La première est associée à la notion d’ « efficacité de la démarche de bilan », très
probablement chère à nos futurs financeurs, qu’ils soient bénéficiaires, employeurs ou
organismes institutionnels. Qu’est-ce qu’un accompagnement réussi ? Comment se
mesure-t-il ? Peut –t-il se mesurer par une quantification d’un résultat de type « délai
pour sortir de la confusion, pour faire un choix, pour mettre en œuvre un nouveau projet
professionnel » ? Et quel résultat ? Et qui devrait quantifier ce résultat ? le conseiller ? le
bénéficiaire ? Pour un professionnel expérimenté de l’accompagnement ces questions
fondamentales posées en tant que telles peuvent paraitre basiques. Au fond, me
concernant, sans doute encore marquée par un passé professionnel exigeant
performance, résultat et efficacité, elles constituent encore des sources de réflexion et
de progression intéressantes pour me construire dans un rôle professionnel tout à fait
nouveau.
68
La deuxième est associée à la durée de l’accompagnement. Est-il toujours raisonnable
de prétendre accompagner une personne durant une vingtaine d’heures d’entretien en
pensant qu’à leur issue, le bénéficiaire sera « dans les starting blocks » pour démarrer la
mise en œuvre de son projet, quand bien même celui-ci ne serait pas très éloigné de
son activité initiale ? En tant que futur professionnelle, il me parait primordial d’expliquer
à tout moment de la démarche de bilan, et prioritairement lors de l’entretien préalable,
qu’il s’agit là d’un objectif qui n’est pas atteignable par tous les bénéficiaires. Cette
explication du cadre au bénéficiaire permettra de faire en sorte que le bilan ne soit pas
vécu comme un échec si la description du projet professionnel n’est pas totalement
précise à la fin du bilan, certaines personnes ayant besoin d’un temps de maturation
post-bilan important. « Le fruit mûr tombe de lui-même » (Proverbe chinois). En tant que
conseiller, il faut ainsi probablement avoir l’humilité d’attendre la maturité ou d’accepter
la surprise d’une maturité qui nous paraitrait précoce. Seul l’individu concerné restera
juge de savoir si le temps qu’il lui a fallu pour faire un choix et passer à l’action était trop
long ou trop court.
Enfin la troisième m’amène à aborder également la notion de responsabilité du
conseiller dans l’accompagnement. Si nous sommes conscients que notre rôle consiste
bien à rendre autonome le bénéficiaire dans son orientation, c'est-à-dire à lui permettre
de prendre ses décisions et faire ses choix en connaissance de cause, et en assumant
toutes les conséquences de ces choix, positives comme négatives, il ne s’agit pas pour
nous, de nous défausser sur le bénéficiaire. En tant que futurs professionnels, nous
sommes censés avoir la parfaite connaissance des outils, des techniques, des étapes
permettant l’accompagnement. J’envisage personnellement ma responsabilité en tant
que décisionnaire des méthodes à employer à telle ou telle étape de l’accompagnement.
Ce poids de la responsabilité me semble beaucoup plus fort lorsqu’il s’agit
d’accompagner une personne sans emploi, particulièrement si ses ressources sont
limitées ou si ses droits aux dispositifs d’aide sociale touchent à leur fin. Tout en
s’accordant ponctuellement le droit à l’erreur car nous sommes là dans un domaine
humain où nous-mêmes ne sommes pas des machines, c’est une pression
supplémentaire que de se dire qu’en orientant l’accompagnement de telle ou telle façon,
nous permettrons à l’individu d’arriver plus vite à un résultat concret ou le contraire.
Déontologiquement, comment également naviguerons-nous entre les exigences de
reclassement qui pourraient nous être fixées par nos commanditaires et les cas
personnels pour certains noyés dans une confusion, une déroute, une errance
69
psychologique les rendant provisoirement incapables de prendre des décisions, de faire
des choix, de s’orienter ?
Non seulement nous venons de voir que les outils techniques à notre disposition
présentent des limites, mais de plus, un des résultats surprenant de l’entretien que nous
avons analysé réside dans la nature des propos du bénéficiaire, qui restent pour le
conseiller, une source d’information primordiale lui permettant d’orienter son
accompagnement. Rappelons que dans les entretiens analysés, 36% des prises de
paroles du bénéficiaire ont exprimé des leviers de motivation (catégorie B4) et 6% ont
exprimé des intentions de passage à l’action (catégorie B6). A l’issue de ces entretiens,
en s’en tenant à ces expressions, il y aurait eu fort à parier que la bénéficiaire était bel et
bien sortie de la confusion. Or ce n’était pas tout à fait le cas puisqu’un mois après,
comme expliqué plus haut, certaines problématiques se posent à nouveau. Cette
remarque m’évoque deux réflexions.
La première réside dans le fait qu’il me semble illusoire de penser que l’activation de la
motivation dans une perspective de changement peut s’opérer au cours d’un seul et
unique entretien. C’est à la fois une critique du présent travail de mémoire qui nous est
demandé par Paris 8 et également une prise de conscience personnelle pour nos futurs
accompagnements. Concernant la démarche demandée par Paris 8 qui est d’analyser
un seul entretien, j’ai pris la liberté de ne pas respecter cette exigence, étant donné que
mon thème de mémoire porte sur l’étude des impacts possibles de l’utilisation des
techniques de l’entretien motivationnel sur l’activation d’une dynamique de changement.
Comment étudier un impact possible sur un seul entretien lorsque dans les modèles
théoriques étudiés, il est apparent que la motivation est un processus qui s’élabore dans
la durée ? Par ailleurs, il nous apparait nettement de ce fait que l’activation de la
motivation doit être une préoccupation tout au long de la démarche d’accompagnement,
comme nous l’avons évoqué plus haut.
La deuxième réside dans le fait qu’un biais propre à la relation d’entretien est ici
observable. Il s’agit du fait que la relation entre le conseiller et le bénéficiaire s’inscrit
dans une logique de don et de contre-don, comme l’explique Fustier en reprenant les
travaux de Mauss. Fustier (2000) indique que dans la relation d’accompagnement, le
bénéficiaire interprète consciemment ou inconsciemment les raisons de l’action du
conseiller à son égard. « L’acte professionnel peut être interprété comme relevant de la
sphère du don : si le soignant ou le travailleur social fait cela, c’est pour moi, pour me
faire plaisir, parce que je suis « aimable » ; il m’offre quelque chose et ce n’est pas de
70
l’ordre d’un travail, c’est seulement de moi dont il s’agit. » (Fustier, 2000, p.83). Cette
pensée narcissique crée un déséquilibre que le bénéficiaire sera tenté de compenser en
offrant lui-même quelque chose à son conseiller. Nous pourrions considérer par
exemple qu’une preuve que l’action du conseiller est bien efficace, de façon à restituer
positivement les efforts de ce dernier, puisse être un contre-don destiné à rééquilibrer la
relation. Ainsi, dans les entretiens que nous avons conduits, nous avons vu que la
bénéficiaire a fait mine à plus d’une reprise d’être au clair dans sa tête (par exemple
notre bénéficiaire ne cesse de dire « oui oui » et de montrer des signes de motivation
allant même jusqu’au passage à l’action…), de savoir dans quelle direction elle voulait à
présent s’orienter, pour finalement faire des retours en arrière assez importants. Il est
alors particulièrement difficile pour le conseiller de deviner, autrement que dans la durée,
que la motivation du bénéficiaire n’est pas réelle et que les acquiescements ou simili
preuves d’action ne peuvent être pris « pour argent comptant ». Pour autant, nous ne
pouvons et ne devons que nous fier à ce qui est exprimé, sujet déjà à bien des
interprétations possibles au travers de nos filtres personnels construits sur nos
représentations. Il est donc bien difficile pour un conseiller d’être certain, malgré les
verbalisations du bénéficiaire, que la motivation est bien profonde et durable et ce biais
s’appliquant pour d’autres thématiques que celle de la motivation, nous devrons le
conserver à l’esprit durant nos futurs accompagnements.
71
CONCLUSION
L’étude de deux entretiens d’accompagnement professionnel construits sur la base des
techniques de l’entretien motivationnel a montré qu’il était possible pour un conseiller
d’identifier les leviers de motivation d’un bénéficiaire afin de soutenir chez lui une dynamique
de changement. Nous avons déduit de cette analyse et de notre pratique naissante que cet
objectif devait constituer un fil conducteur de l’ensemble de l’accompagnement. Nous avons
également pris conscience qu’il était illusoire à la fois de penser consacrer un seul entretien
à cet objectif, et à la fois de penser miraculeusement atteindre son objectif à coup sûr. Bien
d’autres paramètres nous échappent et nous devrons humblement l’accepter.
En guise de réflexion globale sur ce travail de mémoire, nous profiterons de cet instant
précis pour remercier tous les intervenants et responsable pédagogique du DESU Evaluation
et Bilan des Compétences de Paris 8. Trouvant le sujet de ce travail et la démarche même
du mémoire très vites passionnantes, nous avons eu une belle opportunité au travers d’une
analyse fine d’un entretien concret de rendre plus opérationnelles nos lectures théoriques.
L’exercice du mémoire requiert par ailleurs de bonnes capacités d’analyse, de distanciation
et de capacités d’expression écrite qui sont des compétences incontournables du métier de
consultant en accompagnement, particulièrement dans le domaine du bilan de compétences.
Ce mémoire a sans aucun doute été le temps fort de cette formation, avec en guise de
cerise sur le gâteau, la satisfaction d’un résultat concret tangible et reconnu, nous l’espérons,
par le diplôme.
Si le fait d’avoir réalisé nous-même l’entretien (par facilité en termes de temps de recherche),
représente probablement un biais, l’occasion de bâtir soi-même l’entretien en utilisant les
techniques de l’entretien motivationnel puis d’analyser sa propre pratique a représenté de
véritables opportunités d’apprentissage qui étaient nécessaires. Il a été cependant souvent
difficile d’analyser son propre entretien, d’une part parce que cet exercice demande une
distanciation forte et que la position de « juge et partie » est délicate, d’autres parts parce
que nous nous sommes fortement remis en cause à la lecture de l’entretien retranscrit, et
qu’en tant que débutante dans la relation d’accompagnement, le faire seule a parfois été un
exercice moralement difficile. Nous aurions aimé avoir pu prendre le temps d’en discuter
avec des professionnels, un peu à la façon d’une supervision de pratique. Alors même qu’à
la fin de la réalisation des deux entretiens notre satisfaction personnelle était bel et bien
72
réelle, le travail approfondi sur ceux-ci nous a renvoyé souvent une sensation d’avoir pu
mieux faire. Bien informée du fait que dans ces métiers basés sur la relation humaine, nous
ne pouvons pas espérer être parfaits et infaillibles, nous avons pu en mesurer concrètement
les effets et être consciente que c’est une piste de progrès personnel que d’accepter en
toute humilité que parfois, nous ne sommes pas arrivés au résultat que nous espérions. Ce
sentiment est toutefois rassurant et exprime que le doute et la remise en cause font partie de
notre fonctionnement et qu’ils sont aussi la preuve d’une certaine conscience professionnelle
qui d’un point de vue éthique constituera une force dans l’exercice de notre métier.
L’étude de ce thème de la motivation a été par ailleurs un véritable apprentissage personnel
qui nous a permis de mieux comprendre la situation dans laquelle nous étions à l’issue de
notre propre bilan de compétences en 2006, sans avoir encore certainement toutes les clés
d’explication, si tant est que tout doive être explicable !...
Nous aurions aimé pouvoir consacrer davantage de temps à ce mémoire pour creuser
encore plus ce thème de la motivation au travers d’autres références littéraires,
particulièrement au sujet de leur place dans le monde de l’entreprise et des techniques
managériales. Ayant focalisé l’étude de ce thème sur l’accompagnement à l’orientation
professionnelle, nous avons naturellement restreint la revue de littérature. Nous avions
cependant choisi ce thème dans un objectif plus large et pouvant également nous enrichir
sur la place de la motivation dans les techniques de management au travail, étude qui aura
un intérêt important si à l’avenir nous sommes amené à exercer une fonction ressources
humaines opérationnelle au sein d’une entreprise, ou même une activité de coaching
professionnel.
L’année universitaire s’est terminée, la vie continue et permettra nous l’espérons de
continuer à explorer largement différents auteurs, tout en développant nos compétences
techniques sur un nouveau métier.
73
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75
ANNEXES
Annexe 1 : Catégories retenues pour l’analyse des verbalisations du bénéficiaire.
B 1
Elaborations annexes
Définition: Il s’agit d’interventions diverses du bénéficiaire qui peuvent nourrir sa
réflexion, mais qui ne reflètent pas ses propres pensées
B 2
Expression de l’ambivalence, du doute, et de l’impossibilité à décider
Définition: Il s’agit de formulations mettant en avant les obstacles identifiés face aux
alternatives posées. Il s’agit du versant négatif de toutes les alternatives imaginées,
maintenant le bénéficiaire dans le doute, la non décision, et pouvant avoir un impact
sur sa confiance à prendre une décision et à réussir le changement choisi.
B 3
Résistance
Définition: Il s’agit de manifestations de résistances de la part du bénéficiaire, soit
vis-à-vis directement du conseiller, soit vis-à-vis d’autres intervenants non présents
lors de l’entretien. Elles peuvent s’exprimer par de l’argumentation (contestation de
ce qu’avance l’intervenant, remise en cause de l’expertise de l’intervenant, hostilité à
l’égard de l’intervenant), des interruptions de l’intervenant, du déni (accusation de
ses problèmes à d’autres personnes, désaccord récurrent de toutes propositions,
négations de ses émotions, minimisation des problèmes, pessimisme appliqué à soi-
même, refus manifeste de changer), de la négation des propos de l’intervenant (pas
d’attention portée aux interventions du conseiller, évitement des questions par des
réponses hors de propos, absence de réponse, changement de sujet).
B 4
Expression d’opportunités associées aux alternatives posées
Définition: Il s’agit de formulations mettant en avant les opportunités identifiées face
aux alternatives posées. Il s’agit du versant positif de toutes les alternatives
imaginées, permettant au bénéficiaire de se projeter positivement, de mettre au jour
les arguments de motivation qui lui permettront de prendre sa décision.
B 5
Expressions de confiance
Définition: Il s’agit de formulations par le bénéficiaire de ses capacités, de ses
réussites, de sa confiance à avancer et à dépasser les obstacles malgré la
confusion.
B 6
Expressions d’intentions de passage à l’action
Définition: il s’agit de preuves de passage à l’action ou d’intention formelle de
passer à l’action concrètement pour construire le changement identifié et choisi.
76
Annexe 2 : Entretiens codifiés
ENTRETIEN 1
1 C Je vous avais proposé la dernière fois de faire un petit travail de réflexion…
2 B Oui alors j’ai eu un souci avec mon imprimante et je n’ai pas pu l’imprimer
3 C D’accord ce n’est pas grave, vous avez les choses en tête de toute façon ?
4 B Oui oui j’ai les choses en tête il n’y a pas de souci
5 C Alors moi je vous propose qu’on regarde particulièrement les deux premières questions sur lesquelles je vous avais proposé de réfléchir
6 B Oui, l’inconvénient et les avantages de chacune des situations ?
7 C
Oui voilà, l’idée c’est de vous aider à y voir plus clair sur dans quoi vous vous engagez. Est-ce que vous vous engagez vers une recherche d’emploi tout de suite en lien direct avec ce que vous avez comme diplôme ? ou bien est-ce que vous visez un autre type d’emploi qui nécessiterait de reprendre une formation ce qui ne vous enchantait pas plus que ça manifestement la dernière fois…
C2
8 B
…a priori non, mais plus ça va, plus je me dis que…je vais y être...pas forcément obligée, mais…mais si je veux viser large on va dire, je pense qu’à un moment donné ça va être le truc un petit peu indispensable quoi…
B2
9 C Mais on sent que ça ne vous enchante pas plus que ça on dirait… C2
10 B
Bah non, mais après ça dépend de la forme de la formation, ça dépend, parce que voilà, j’ai des souvenir très basiques de mes formations et ça donne pas forcément ce qu’on attend une fois qu’on est sorti de ce fameux cursus, donc je me dis, peut être que je me fais de fausses idées, mais de toutes façons si je veux être efficace, je pense qu’à un moment donné, ça va être entre guillemets indispensable
B3
11 C Pour vous l’efficacité elle se traduirait comment alors ? qu’est-ce qui serait pour vous une démarche efficace ? comment vous la définiriez ?
C2
77
12 B
Ben c'est-à-dire que sachant que si on élimine le poste basique que je visais c'est-à-dire traductrice, sachant que j’ai regardé un peu des sites et c’est très élitiste, il faut avoir un diplôme d’une super école de trifouillis les oies etc.., mettons donc que ça je le mets de côté, donc du coup, à part l’enseignement et c’est vraiment le truc que je ne veux pas, en tous cas pas aujourd’hui pas pour tout de suite, donc du coup pour pouvoir rester sur mon idée de pouvoir travailler avec l’anglais, il faut trouver quelque chose qui le rende concret, soit de l’assistanat, soit hôtesse d’accueil bilingue. Alors j’ai un peu recherché de ce côté-là, mais évidemment, la plupart des offres d’emploi vous disent « soit vous devez avoir un ou deux ans d’expérience , soit le fameux BTS ou une expérience qui compte dans ce domaine-là », enfin une petite préparation, pas forcément la grande formation qui va durer 15 ans, mais le petit truc qui fait que vous êtes un minimum apte à faire ça…et en même temps je le comprends, c’est normal, donc si on veut ça et qu’il faut en passer par là et bien on en passera par là… après tout c’est pas un mal non plus . Je voudrais juste que ce ne soit pas une formation qui s’étale indéfiniment mais tout est relatif quoi
B3 B4
13 C
Hum hum…mais j’ai la sensation en vous écoutant que vous vous projetez un peu là-dedans à contrecœur, comme une forme de renoncement, en disant « bon ok, s’il faut que je le fasse je le fais mais… »
C2
14 B
Non ce n’est pas franchement un renoncement, j’en suis arrivée à un point où je me dis que quelque part c’est logique, parce que je vais faire une métaphore débile mais je ne peux pas avoir la tablette de chocolat si je n’ai pas de quoi la payer, donc à un moment donné je ne peux pas passer les étapes si je n’ai pas ce qu’il faut à côté quoi…
B3
15 C Est-ce que c’est la seule voie logique qui s’offre à vous ? C3
16 B Ben, a priori oui, et pourtant je pense avoir fait le tour des alternatives et je ne pense pas qu’il y en ait beaucoup d’autres…
B3
17 C Parce qu’un poste de traducteur, ce serait quand même quelque chose de logique par rapport avec votre diplôme n’est-ce pas ?
C3
18 B Oui, mais après encore une fois, plus j’y pense, plus je me dis « oui c’est un truc que j’aime bien faire, mais à la limite plus ponctuellement qu’autre chose »
B2
19 C Ah oui ? C2
20 B Pas de manière…enfin disons que je ne vois pas le faire…mettons que je sois embauchée dans un cabinet de traduction, admettons, je pense qu’au bout d’un moment j’en aurai marre de faire ça.
B2
21 C Ah oui ? C2
22 B Oui B2
23 C Quels pourraient être les inconvénients pour vous de ne faire que ça ?
C2
78
24 B
Et bien le côté « voilà, j’ai un peu fait le tour, euh…enfin pas le tour, parce que ça dépend aussi de ce qu’on traduit, ça dépend du contenu de ce que j’ai devant moi et tout et tout, mais il y a un côté, « mais oui c’est bon je sais ce que c’est, je l’ai déjà fait donc… ». Alors, à moins d’être traducteur littéraire, ce qui est difficile à atteindre parce que pareil, il faut un niveau pas possible, et c’est souvent chez soi, … enfin voilà, mais c’est a priori le truc le plus attrayant parce que vous passez vos journées à lire un bouquin que vous allez traduire ensuite, mais au-delà de ça, après ce que vous traduisez c’est très technique, genre le manuel de sécurité de chez Peugeot Citroën ou je ne sais pas quoi , un mode d’emploi pour un ordinateur..enfin je vous dis ça, je pourrais vous dire autre chose…je ne sais pas, il y a un côté chouette…mais voilà
B2 B4
25 C Chouette ! qu’est-ce qui est chouette ? C2
26 B
Ben justement le fait de faire ce que je sais faire, et de pouvoir dire « bon voilà c’est moi qui ai traduit ça », c’est flatteur pour l’égo déjà, on se dit « voilà, j’ai accompli quelque chose, je l’ai fait par mes propres moyens, et puis on a eu besoin de moi à ce moment là parce que c’est Moi qui ai cette capacité là et pas un autre », donc ça a un côté flatteur. Après voilà, cette seule tâche là, unique, je ne dis pas que je ne veux pas de ça du tout, mais il faudrait que ce soit un ensemble de tâches que j’aurais à faire, pas seulement ça, et de toutes façons à part cabinet de traducteur, il n’y a pas de poste où on doive faire ça
B2 B4
27 C
Oui donc c’en est un quand même…mais alors si je comprends bien, le fait de travailler dans un cabinet de traduction, ce n’est pas quelque chose qui vous motive, de par la nature des choses à traduire ?
C2
28 B Ouai je pense que c’est ça, ou alors c’est peut-être parce que j’en demande trop, je suis peut être trop dans un côté rêvé de la chose, mais oui oui, il y a un côté un peu « ouai, bon… »
B2 B3
29 C …vous avez peur de vous y ennuyer ? C2
30 B Oui ! oui, j’ai peur de m’ennuyer ouai… B2
31 C Donc en fait utiliser l’anglais, ce n’est pas suffisant pour vous... C2
32 B Et bien, ça fait partie je dirais des choses que je considère comme indispensables, mais effectivement, il n’y a pas que ça après
B2 B4
33 C Hum…c’est un point que vous souhaiteriez retrouver à tout prix dans une mission
C4
34 B Voilà, ça c’est indéniable B4
35 C Mais ça ne suffira pas pour combler votre besoin de curiosité, de choses nouvelles, de vous sentir utile,
C4
36 B
Non, non non, honnêtement je ne pense pas. Honnêtement je le pensais jusqu’à un certain point, avant de me projeter comme ça (et j’ai suffisamment de mal comme ça à me projeter mais…), avant de me projeter c’était le truc que je me disais comme ça « ah tiens, ce serait marrant », mais sans y réfléchir plus que ça, c’était juste le truc dont on parlait parce que c’était un peu le truc rêvé comme ça
B2
37 C Vraiment ? c’était le truc rêvé pour vous ? C2
79
38 B Oui à la base oui, mais je pense qu’il était rêvé parce que c’était une période où je ne le voyais pas aboutir
B2
39 C Concrètement, c’est ça ? C2
40 B Oui, je restais dans ce contexte de rêve et ça m’allait bien comme ça, si vous voulez c’était joli dans le paysage (sourire)
B2
41 C C’était de l’ordre de l’idée, mais tant que vous n’étiez pas proche, dans de la concrétisation, …
C2
42 B
…oui et pour l’avoir vécu, et pourtant je l’ai vécu 6 mois, à traduire 600 pages d’un manuel technique, voilà…bon, c’est fun parce qu’on apprend plein de nouveau vocabulaire, mais au bout de 6 mois, on se dit « oups, qu’est-ce que j’aimerais bien faire autre chose !!!! » (rires)
B2
43 C Oui donc vous l’avez vécu, donc c’est vraiment une expérience qui vous permet d’avoir ce point de vue aujourd’hui
C4
44 B Oui je l’ai vécu
45 C C’est vraiment appuyé sur quelque chose de factuel C4
46 B Oui oui c’est factuel, c'est-à-dire qu’à un moment donné, limite je demandais à ma tutrice de stage si elle n’avait pas deux trois autres choses à me faire faire…
B1
47 C Hum hum
48 B
…qui n’étaient pas forcément liées à ça, c’est pour ça que quand il y avait d’autres stagiaires, je leur demandais aussi s’ils n’avaient pas besoin d’un coup de main, même si bon, a priori je n’étais pas là pour ça mais…bon, ça me plaisait aussi et comme ça j’évitais de toujours faire le même truc, ça rendait les choses plus sympathiques tout de suite
B1
B4
49 C
D’accord, donc pour reprendre ce que vous venez de me dire, vous avez quand même fait une analyse qui s’appuie sur quelque chose de réel puisqu’on parle là d’une expérience que vous avez eue de l’éventualité de prendre un poste de traductrice, uniquement traductrice, dans un cabinet de traduction et le constat que vous faites contrairement à la situation que vous aviez un peu idéalisée, que vous aviez rêvée avant, c’est que ça vous parait un peu routinier
C4
50 B Oui voire rébarbatif B2
51 C Et que certes, ça vous permet d’utiliser l’anglais, vous êtes fière après du travail que vous avez fourni, vous êtes flattée
C4
52 B C’est joli, c’est bien écrit, tout ça… B4
53 C C’est quand même une réussite pour vous, que vous valorisez comme réussite, mais ça ne vous semble pas suffisant
C2 C5
54 B Non, honnêtement non B2
55 C Alors du coup, pour pouvoir faire autre chose, vous êtes consciente que là aussi, en regardant les offres d’emploi, votre seul diplôme ne suffirait pas
C2
56 B Ah non il ne suffirait pas B2
57 C D’accord. Justement sur l’éventualité de reprendre une formation, quels seraient pour vous les inconvénients ?
C2
80
58 B
Ils seraient plus techniques qu’autre chose. Je pense que si on y réfléchit bien, je peux les éviter. Ce serait l’organisation à reprendre, dire qu’il me faut un transporteur, les finances qui vont avec, il me faut trouver la bonne formation, le truc qui va bien...
B2 B5
59 C ..mais imaginons que vous l’ayez déjà trouvée… C2
60 B Ah bon, admettons que je l’ai déjà trouvée, j’aimerais bien, oui les deux seuls points noirs ce serait ça, l’organisation pour les transports et les aspects financiers
B2
61 C La logistique, et les aspects matériels quoi C2
62 B Oui
63 C D’accord, d’autres choses ? C2
64 B
D’autres choses ? à priori non, car si j’ai bien compris, enfin je me suis renseignée, quand on reprend une formation et qu’on n’est plus considéré uniquement comme étudiant, on est salarié et en même temps on se forme, donc c’est un aspect qui me fait bien plaisir, c'est-à-dire que non seulement je vais être formée, mais en plus je vais avoir de l’argent à la fin du mois
B4
65 C C'est-à-dire qu’en fait, vous n’envisagez que des formations par alternance, ou par apprentissage
C2
66 B
Ah alors, ce n’est pas seulement ce que j’envisageais, c’est juste que c’est ce qui me paraissait le plus logique. Euh, c'est-à-dire que, en même temps, ça me permet d’être formée et de mettre un pied dans la vraie vie, dans quelque chose d’un peu réel
B4
67 C C’est un souhait, plus que quelque chose de logique C4
68 B
Non seulement c’est logique, mais en plus oui, enfin voilà, ça fait plaisir d’avoir sa petite rémunération à la fin du mois. Pour l’avoir eu pendant 6 mois, j’avoue que ça fait bien plaisir, de se dire qu’on ne we lève pas le matin juste pour faire beau, et qu’on peut s’acheter des trucs à côté, pouvoir se dire, « ouai voilà, je l’ai gagné parce que j’en ai bavé, je me suis levée tôt… »
B4
69 C Vous avez envie de vous dire que vous êtes autonome financièrement
C4
70 B Oui aussi B4
71 C … le plus vite possible… C4
72 B
Pas forcément, c'est-à-dire que je pense que ce serait une manière de prendre un tout petit peu plus d’indépendance encore, je suis assez lente en ce qui concerne les grandes décisions, mais là je pense que ce serait un bon début
B4
73 C Ce sont des décisions effectivement qui sont importantes… C5
74 B Oui, c’est vrai…et puis il y a le côté « je me débrouille, c’est moi qui décide, c’est moi qui travaille et qui gagne MON argent »
B4 B5
75 C Oui, c’est important pour vous C4
76 B Oui je pense, honnêtement B4
77 C Est-ce que c’est pour cela que jusqu’à présent, l’idée même de reprendre une formation, c’était quelque chose qui était un peu écarté de vos possibilités ?
C2
81
78 B
Oui peut être d’une certaine façon, bien que je savais que la plupart des échos que j’avais eus par rapport aux différentes formations, la plupart sont rémunérées, donc là-dessus non…c’était peut-être une peur, parce qu’il faut bien reconnaître que je suis un peu flippée de la vie quand même…
B2
79 C Une peur de quoi alors ? C2
80 B
Ben, peut être peur de ne pas y arriver, alors que je sais très bien que quand j’y suis, quand je suis lancée, généralement je n’échoue pas, c’est rare. Mais oui, il y a toujours ce côté, est-ce que je vais y arriver, parce que c’est nouveau, et que parce que c’est nouveau par définition, ça fait un peu peur et voilà, mais après, je pense que c’était plus des freins psychologiques qu’autre chose en fait, je suis très douée pour me mettre des freins comme ça
B2 B5
81 C C’est souvent comme ça les freins, mais il y a aussi des freins qui ne sont pas psychologiques que vous avez trouvés
C2 C7
82 B Ah oui, la logistique B2
83 C L’argent pour financer la formation C2
84 B Ah oui bien sûr B2
85 C Alors comment ces freins là, vous envisageriez, si vous choisissiez l’option formation, de les contourner, vous y avez réfléchi ?
C2
86 B
Déjà, je m’informe, et je sais que l’organisation comme l’AGEFIPH est aussi là pour ça, après bien sûr, ça veut dire paperasse et tout ça mais on va dire que je suis un peu rôdée…donc c’est pas comme si c’était infaisable. Là-dessus ça ne devrait pas poser de problème. Et puis j’ai aussi un avantage, c’est que mine de rien, j’ai encore mes parents derrière, donc dans le pire des cas, bon…voilà…(silence) mais dans le pire des cas, parce que là, je ne me vois pas…je sais pas…je ne me vois pas dire « papa, maman, vous êtes obligés de payer toute la formation ».A la limite un bout, un quart ou une moitié, ou j’en sais rien, mais non, c’est surtout la fameuse phrase de mon père qui m’a un peu choquée la dernière fois…
B2 B4 B5
87 C …quand il vous a dit qu’il n’était pas question que vous repreniez encore une formation…
C2
88 B
Non en fait textuellement c’était « oui, je ne vais pas payer pour que tu fasses encore une formation », chose qui est totalement illogique puisque la semaine dernière il m’a dit « oui j’ai une salariée qui a fait une formation avec l’ADAPT » et il me dit « elle a fait une formation dans le tourisme, elle avait un parcours littéraire un peu comme toi, voilà, et ça avait l’air sympa, tu devrais y réfléchir… »
B1
89 C C’est bien !... C5
90 B « Ouai d’accord ! si tu veux ! » B1
91 C Qu’est-ce que ça vous inspire alors cette réflexion de sa part ? C2
92 B
Ben ça m’inspire que il a eu le temps d’y réfléchir à ce qu’il a dit, mais qu’il aurait pu réfléchir avant de le dire, ça m’aurait arrangée ! c'est-à-dire que pour l’égo en plus ce n’est pas super, donc ça m’aurait arrangé qu’il réfléchisse avant de me sortir un
B4
82
truc un peu comme ça euh…
93 C …catégorique…
94 B Voilà, catégorique. Donc je me suis dit « ah c’est bien il est un peu revenu sur ses positions, c’est bien, il y a du progrès », mais en même temps, je me serais bien passée de la petite réflexion
B4
95 C Oui, mais c’est positif, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis
C7
96 B Oui oui ! là-dessus c’est clair B4
97 C Ça veut dire qu’il a entendu aussi votre désir C5
98 B
Ben, non seulement il l’a entendu, mais il a fini par réaliser un peu comme moi que je ne pouvais pas demander 36000 trucs quand j’arrivais seulement avec …enfin « seulement » entre guillemets, pas forcément la chose qui va avec ce que j’aurais voulu avoir, donc à un moment donné, voilà
B2
99 C C'est-à-dire que vous êtes consciente, tout comme lui, que votre diplôme il a de la valeur aujourd’hui, mais…
C5
100 B Il faut bien compléter avec autre chose
101 C C'est-à-dire que ce à quoi il vous donnerait accès ne vous donnerait pas potentiellement satisfaction de ce que vous en dites
C2
102 B Non, voilà, non. C'est-à-dire que oui j’ai une certaine fierté, parce que voilà, j’ai tel diplôme
B2 B5
103 C
Oui il y a de quoi être fière, parce que ça nécessite un certain investissement, ça a nécessité pour vous des efforts, donc effectivement il y a de quoi être fière d’avoir fait cette démarche- là, qui vous servira certainement à l’avenir puisque vous voulez conserver aussi l’anglais dans votre métier
C4 C5
104 B Oui, c’est vraiment le truc sur lequel vraiment je ne dérogerai pas, voilà
B4
105 C
Alors, imaginons voilà que ce choix là il soit fait, je ne sais pas dans quelle direction, mais que par magie, tous les freins que vous avez s’envolent, comment vous pourriez imaginer la situation dans laquelle vous vous retrouveriez, si vous aviez fait ce choix ?
C2
106 B Ben typiquement, il ne faudrait pas que ce soit une énorme structure où je me sente écrasée, où je me sente fourmi parmi les fourmis
B4
107 C Mais donc vous vous projetez déjà dans un emploi là C2
108 B Oui
109 C Pas dans le stade d’une éventuelle formation C2
110 B Ben, pour moi si je choisis la fameuse formation rémunérée, quelque part ça va ensemble, donc j’arrive un minimum à me projeter tout en sachant que ça ne va pas se faire comme ça
B2 B4
111 C Oui il faudrait une étape C2
112 B
Partant de là, il ne faudrait pas que ce soit un truc où je me sente à l’écart, dans une grande entreprise. Il faudrait que je me sente utile un minimum, que quelque part, même si ce n’est pas tout le temps comme ça, que les personnes en face me fassent sentir que j’ai cette utilité, pas seulement être une employée de plus et puis
B4
83
c’est tout
113 C Hum hum, avoir une forme de reconnaissance C4
114 B
Oui voilà, bon, après je n’attends pas qu’on me lance des fleurs, je ne suis pas du genre à me faire remarquer, mais il y a un minimum, Voilà donc déjà ça, et puis aussi le côté contact relationnel, voilà, croiser des gens. Voilà, c’est le truc qui compte
B4
115 C D’accord. Donc ce sont des choses que vous aimeriez trouver dans une future profession en fait.
C4
116 B Voilà, exactement B4
117 C Ce sont des choses incontournables C4
118 B Voilà, oui B4
119 C En plus de l’anglais C4
120 B Oui en plus de l’anglais B4
121 C
Ok. Si je reviens à ce choix à faire entre reprendre une formation, et on ne sait pas encore pour quoi, et chercher directement un poste de traducteur dans un cabinet de traduction, comment pour synthétiser un peu, comment vous vous positionnez aujourd’hui entre ces deux alternatives ?
C2
122 B
Ben, effectivement, je pense que j’irais plus vers la formation et la découverte de nouvelles choses, parce que j’estime que j’ai l’impression d’avoir fait le tour…je ne dis pas, c’était une bonne expérience ce stage, j’ai aussi fait des choses qui étaient au-delà de mon petit boulot de traductrice et puis voilà, mais je pense que j’ai réalisé que ce n’était pas ce qui me suffisait, et que peut être j’avais envie d’aller voir ailleurs. Quant à savoir exactement où, ça c’est encore autre chose
B2 B4
123 C Mais vous dites quand même « peut être j’ai envie d’aller voir ailleurs »
C2
124 B
Ah ouai ! ouai, mais pas complètement ailleurs ailleurs, quand je dis ailleurs, c’est toujours garder la langue étrangère, mais pas forcément se borner au côté « et bien voilà, vu que j’ai fait un stage de traducteur pendant 6 mois, c’est à ça que je vais devoir faire toute ma vie »
B4
125 C Pour vous c’est quelque chose de plutôt pas motivant de se projeter là-dedans
C4
126 B Non, je ne pourrais même pas l’expliquer, mais c’est juste que je ne me vois pas faire cela ad vitam aeternam quoi
B4
127 C Mais alors du coup, je reviens à votre phrase quand vous me dites « je devrais peut être aller voir ailleurs », qu’est-ce qu’il faudrait pour que vous ne disiez plus « peut être » ?
C2
128 B Euh, pour que je ne vous dise plus « peut être » ?
129 C Parce que « peut être », moi je l’entends comme, mais j’ai peut être tort de l’entendre comme ça, comme si vous aviez un doute encore sur le fait que vous feriez le bon choix
C2
84
130 B
Ben, c'est-à-dire que j’ai un peu de mal à…enfin, une fois que j’ai pris ma décision, généralement tout s’enchaîne et généralement ça coule de source, mais le fait est que quelque soient les domaines, j’ai beaucoup de mal à me dire « bon voilà, c’est ça, et c’est ça »…
B2
131 C Et sur ce domaine en particulier vous vous ne sentez pas encore prête à prendre cette décision
C2
132 B Ben, là tout de suite non B2
133 C Qu’est-ce qu’il vous faudrait pour prendre une décision de façon ferme et définitive à votre avis ?
C2
134 B Je ne sais pas, une espèce de déclic, quelque chose comme ça, c’est abstrait
B2
135 C Oui, par quoi il pourrait être provoqué ? C2
136 B Euh, par quoi ?...par quoi. Je ne sais pas si on peut qualifier de déclic une espèce d’ennui qui se prolonge quand même d’une certaine façon,
B4
137 C Oui, actuellement C2
138 B Oui et cette envie quand même de côtoyer des gens, de faire quelque chose de ses dix doigts, de savoir pourquoi on se lève le matin, déjà
B4
139 C Mais en tout état de cause, l’une ou l’autre des alternatives vous donnerait l’opportunité d’échapper à l’ennui dans lequel vous êtes aujourd’hui
C4
140 B Oui, oui, ce n’est pas faux, mais…
141 C Là vous en avez marre de cette situation C4
142 B
Oui, voilà, mais c’est vrai que je me demande si cet espèce de déclic que je recherche désespérément, bon, je mets peut être trop de choses sur le dos de l’ennui, mais en même temps je me dis « si je reste dans cette optique-là de réfléchir pendant 15 ans, de dire toujours « je suis en réflexion » », je ne suis pas sûre que ça fasse avancer grandement les choses, c'est-à-dire qu’à un moment donné, je pense que je devrais avoir quelque chose qui me ferait dire « bon aller, maintenant tu arrêtes de partir dans tous les sens, et de te demander si oui, si non, si peut être, si rouge, si blanc, si noir, etc…
B3
143 C Mais c’est un choix qui est difficile à prendre C3
144 B
Oui ! sinon, je serais, oui, c’est sûr, c’est difficile parce que je n’ai pas envie de dire que c’est totalement déterminant de ce qui peut m’arriver ensuite mais c’est un gros truc quand même, donc (soupir), c’est …oui…
85
145 C
Et pourtant ce je vous entends dire c’est déjà le fruit d’une grosse réflexion que vous avez faite, le fait de dire « dans un poste de traducteur, je pense que je vais m’ennuyer, j’ai besoin d’autre chose, j’ai besoin de faire d’autres tâches parce que je pense que le fait de traduire au kilomètre toute la journée ça ne me suffira pas », vous me dites aussi que vous avez besoin de faire quelque chose qui va vous permettre d’avoir une rémunération, de prendre un peu d’indépendance, de découvrir de nouvelles choses, d’utiliser l’anglais, et puis vous me dites aussi que reprendre une formation, ça a un impact en termes de finances, en termes de logistique, donc vous avez quand même pas mal de choses qui sont posées à ce stade
C4 C5
146 B Ah oui j’ai pas mal réfléchi, il faut dire que j’ai eu beaucoup de temps aussi pour réfléchir
147 C C’est une chance
148 B
Mais ce n’est pas une réflexion dans le vide, et je pense que j’ai un peu regardé tous les aspects. Je crois que quoique j’aurais fait de toutes façons, j’aurais dû réfléchir, pour n’importe quel choix, ça implique de se demander comment on s ‘organise etc…
149 C
Imaginons que demain par exemple vous décidiez de reprendre une formation, je dis au hasard, par exemple dans le tourisme, pour travailler par exemple dans une agence de voyage, c’est vraiment au hasard, ou pour faire du secrétariat bilingue par exemple, je propose ces idées précisément parce vous m’en aviez parlé, qu’est-ce qui se passerait à votre avis ?comment vous pourriez-me décrire comment vous vous verriez dans le quotidien, en termes positifs, et en termes moins positifs ?racontez moi un peu
C2
150 B
Eh bien, en termes positifs, déjà j’aurai un but, je saurais que je vais là, que c’est bien, que je me disperse pas, je sais que je vais à tel endroit, que je vais rencontrer des gens, que je vais communiquer un minimum, que je vais devoir me concentrer sur une chose qui a priori sera suffisamment concrète pour justement me dire que c’est bien
B4
151 C Etre dans l’action ? C4
152 B
Voilà c’est ce que je recherchais, le côté actif, et non pas « je réfléchis je réfléchis ». A un moment donné, j’ai l’impression que oui, ce à quoi j’ai réfléchis, ce n’est pas totalement inutile, mais il y a toujours une phase où je me dis « si tu réfléchis trop, ça ne va pas te mener beaucoup quelque part tout de suite maintenant »
B4
153 C Oui vous avez conscience qu’à un moment donné il vous faut décider et avancer
C4
154 B Oui voilà, voilà B4
155 C Et qu’est-ce qui pourrait se passer d’autre alors ? C2
156 B De mauvais ? B2
157 C Oui comme vous voulez, imaginons que demain vous êtes acceptée dans un BTS
C2
86
158 B Ben, je ne sais pas, c’est peut être très éloigné du but ultime, mais, juste renouer le lien social...par pitié
B4
159 C Mais ça si vous choisissez un poste de traducteur vous l’aurez aussi
C2
160 B
Ah je l’aurai aussi, mais je pense différemment, parce que comme j’ai déjà expérimenté le fait d’être traducteur et de faire ça de 8h30 à 16h, cet aspect- là m’ennuie. Après tout le lien social qu’il y a autour, c'est-à-dire le café à 10h, la pelote de laine de la copine à côté qui fait son pull depuis 15 jours …ça c’est cool, mais le côté rébarbatif du métier ça non, parce que j’y ai déjà goûté et que je vois à peu près ce que c’est et ce n’est pas encore assez actif pour moi en fait
B2 B4
161 C Vous ne vous projetez pas là-dedans C4
162 B Honnêtement non B2
163 C Alors vous avez réfléchi à deux hypothèses, l’hypothèse « je cherche un emploi de traducteur », et quand je vous entends, vous dites fermement « non, c’est trop rébarbatif ».
C4
164 B Oh oui
165 C
On a imaginé une deuxième hypothèse qui est celle de reprendre une formation pour vous conduire à un autre métier. Est-ce que vous pensez qu’il y a d’autres hypothèses que nous n’avons pas identifié ensemble et qu’il faudrait envisager ?
C2
166 B Et bien c'est-à-dire que pour l’instant je ne les vois pas, mais si vous me posez la question, ça veut dire que peut être quelque part il y en a ?
167 C Je ne sais pas !
168 B
A part, peut être que, il y a quelques temps je me disais « puisque je ne suis pas assez occupée je vais faire du bénévolat », c’est toujours quelque part d’actualité, parce que je me dis, tant que je n’ai pas de vrai boulot, il faut que je fasse quelque chose, mais sauf que, là, on n’a pas d’argent, mais c’est aussi assez flippant parce que j’ai des amies autour de moi qui sont aussi pareil dans des situations un peu difficile du point de vue argent et organisation et qui me disent « oui moi j’ai un boulot mais tu comprends, je suis obligée de vivre chez mes parents parce que les factures, machin… » et c’est vrai que quand je me mets à leur place dans la même situation, je me dis mais comment je ferai ? et ça, c’est flippant, c'est-à-dire qu’on se dit, ok admettons que j’ai un emploi, peut être que je vais trop loin mais je ne peux pas m’empêcher de réfléchir à ça, c'est-à-dire que ça veut dire aussi que derrière il y a d’autres difficultés qui vont s’ajouter et je ne sais pas comment je vais faire. Bon, en même temps elles ne sont pas obligées de venir s’ajouter tout de suite (rires) mais ça entraîne aussi sur cette réflexion là c'est-à-dire « mais si vraiment je veux être un peu indépendante, vivre seule
B2
B3 B4
169 C Autonome financièrement C4
87
170 B
Voilà, est-ce que ce sera aussi bien ? parce que j’ai l’exemple de ma copine, en fait elle a pris un appartement, parce qu’elle a réussi à avoir des subventions d’associations pour avoir un appartement adapté, donc c’est super, elle est autonome, mais à côté de ça en fait elle ne travaille pas, parce qu’en fait elle dit que c’est trop compliqué du point de vue transport, parce que souvent dans une entreprise il n’y a qu’une partie du transport qui est prise en compte, bon en même temps elle voit un petit peu tout en noir, qu’elle se demande si elle va arriver à le payer ou pas, elle se demande si elle va arriver à avoir des loisirs parce que mes économies ne vont pas me permettre de tout payer, elles vont passer dans le remboursement de tel ou tel truc. A un moment donné je suis obligée de penser à ça. Bon, vous me direz que c’est un peu à côté…
B1
B2 B3
171 C Non, c’est une de vos préoccupations C3
172 B Ça a son importance quand même. B2
173 C Mais ça veut dire qu’il y aurait peut-être une troisième alternative qui serait de ne pas travailler pour vous ?
C2
174 B Oui mais ça je ne peux pas l’envisager. S’il y a une chose dont je suis sûre, c’est bien celle-là.
B4
175 C Pourquoi alors ? C2
176 B
Parce que non, ce n’est pas possible. Parce que déjà je vois ce que ça fait aux gens de ne pas travailler, ils sont malheureux honnêtement, et je n’ai pas envie de me retrouver dans leur état. Et voilà, en même temps, je ne sais pas, admettons que je ne travaille pas, ça veut dire que j’ai de maigres revenus, même très maigres, et donc ça veut dire que adieu mon indépendance, tu vas être obligée de vivre chez maman et papa des années, à moins de te marier comme ça tu auras un 2eme salaire, et ça ça ne m’enchante pas !
B2 B4
177 C Alors qu’est-ce qui vous fait réfléchir dans la situation de votre amie ?
C2
178 B Et bien déjà je pense qu’elle n’a pas été au bout des choses dans ses études, donc c’est déjà un frein énorme
B1
179 C Mais pour vous ? qu’est-ce que vous pourriez en tirer comme conclusion de voir ce qui se passe avec votre amie ?
C2
180 B Ben que je n’ai pas envie de me retrouver dans sa situation… B4
181 C Dans sa situation de ne pas travailler ? C2
182 B
De ne pas travailler, et d’être par conséquent assez dépendante dans tous les aspects de la vie, c'est-à-dire compter tous les mois, ne pas pouvoir s’acheter tous les mois les trucs dont on a envie parce qu’il y a les factures etc...
B4
183 C
Donc si je comprends bien, si je tente d’exprimer ce que vous avez exprimé, et vous prendrez soin de me corriger si je me suis trompée, vous avez envie d’être autonome financièrement, le plus rapidement possible, et de sortir d’une phase dans laquelle vous vous ennuyez…
C4
184 B Oui voilà B4
88
185 C D’être dans l’action, le plus rapidement possible C4
186 B Oui voilà B4
187 C Et à la fois, le fait d’être indépendante financièrement, c’est quelque chose qui vous fait un peu peur ?
C2
188 B Oui, parce que je me dis « oui c’est bien de vouloir telle ou telle chose », mais est ce que derrière on peut assumer ça ? C'est-à-dire est-ce que c’est aussi joli que ça en a l’air ?
B2
189 C Mais qu’est-ce que ça veut dire ça concrètement pour vous « être indépendante financièrement » alors ? une fois que vous aurez un salaire qu’est-ce qui va se passer ?
C2
190 B
Bah, étant donné que pour l’instant je n’ai pas l’intention de bouger de chez mes parents tout de suite, j’aurai de quoi me faire plaisir de temps en temps, faire des cadeaux, peut être mettre un peu de côté aussi, donc ça déjà, ça fait déjà plusieurs raisons importantes et puis voilà, il y a un côté…bon je vais avoir 25 ans, donc il va falloir que les choses bougent un petit peu quoi…
B4
191 C Mais alors en quoi vous avez peur de ne pas vous en sortir financièrement ? si vous avez une rémunération et que vous restez chez vos parents pendant quelques temps ?
C2
192 B
Ouai, ok admettons que je reste chez mes parents. Parce que oui, j’ai oublié un aspect, parce que en fait, en tant que personne handicapée, on perçoit une allocation. Et cette allocation s’évanouit dès l’instant où vous travaillez plus de 6 mois dans l’année, sauf que, sauf que, ça veut dire que concrètement, si on ne veut pas perdre cette allocation qui est bien pratique quand même…
B1
B2
193 C Elle s’élève à combien cette allocation ? C2
194 B
Autour de 693 euros je crois, donc la chose la plus logique à faire, que font certains de mes amis, c’est qu’ils bossent 6 mois, et le reste des 6 mois ils ne bossent pas et ils cherchent du boulot pour savoir ce qu’ils vont faire les 6 mois d’après, et en fait cette situation est pas super jolie non plus en fait…6 mois et puis après on ne fait rien, et on se demande ce qu’on va faire, j’ai du mal à me dire que je serai obligée de me retrouver dans ce cas là
B1 B2
195 C A bosser 6 mois et à vous arrêter pendant 6 mois C2
196 B Oui voilà, pour ne pas perdre l’allocation
197 C Parce que si vous la perdiez, qu’est-ce qui se passerait pour vous ? C2
198 B
Ben, je pense que mettons que je n’ai pas cette allocation là, mais j’arrive à avoir une fonction qui me permette d’avoir mettons 1500 euros et encore je suis gentille, oui effectivement, si je vis chez mes parents, et que je n’ai pas besoin de payer la nourriture, les factures etc...oui vu comme ça pourquoi pas, mais, je ne sais pas, ou alors je n’y ai pas assez réfléchi, mais il y a comme un truc qui m’échappe, parce que en même temps cette allocation elle sert au confort, imaginons que je veuille m’acheter un nouveau fauteuil, ou un truc quelconque un peu technique
B2 B4
89
199 C C’est quelque chose que vous ne pourriez plus faire si vous ne touchez plus cette allocation et que vous étiez rémunérée par une entreprise pour votre travail ?
C2
200 B
Euh ben, ça m’étonnerait, j’ai du mal à me rendre compte mais j’ai peut être une idée un peu faussée des chiffres comme ça, j’ai jamais été matheuse, mais je me rends compte que dans les grandes choses comme ça, les gros investissements, il ne suffit pas juste de claquer 800 euros et alors après il reste quoi ? c’est quand même bien pratique de pouvoir se dire que chaque WE on peut aller au cinéma sans se dire que c’est trop cher etc… Ah oui parce que j’ai oublié de dire que pour mes loisirs, je suis obligée de faire appel à un transport spécialisé. J’en ai 2 sous le coude, j’en ai un qui n’est pas trop cher mais qu’il faut réserver 3 semaines à l’avance, mais je ne vois pas comment je peux faire un truc spontané en le prévoyant sur 3 semaines et puis j’en ai un autre qui me répond un peu au doigt et à l’œil si on lui donne de l’argent, mais ça coute cher ! et en même temps, je ne peux pas me permettre de toujours demander à mes parents
B2
201 C Vous avez envie de pouvoir utiliser votre argent pour votre indépendance et votre autonomie
C4
202 B Voilà B4
203 C Mais alors, expliquez-moi alors un peu le montant que vous touchez aujourd’hui avec votre allocation, sachant que vous ne travaillez pas, vous m’avez dit 693 c’est bien cela ?
C2
204 B Oui un truc comme ça
205 C Si vous travaillez demain, imaginons que vous touchiez le salaire minimum garanti en France pour un plein temps, vous le connaissez le salaire minimum ?
C1 C2
206 B Non comme ça non
207 C Vous avez un ordre d’idée ?
208 B Je dirais aller…900 et quelques ? B1
209 C
C’est un peu plus, c’est autour de 1400 euros bruts, et cela vous ferait autour de 1100 euros nets, dans votre poche. On est bien d’accord que c’est sur une base de plein temps, 35h par semaine, évidemment c’est proratisé ensuite si vous êtes sur un mi-temps
C1
210 B Oui, d’accord
211 C Donc en fait, si vous ne travaillez pas, vous touchez 693 euros, et si vous travaillez, vous touchez 1100 euros et vous perdez les 693 euros
C1
212 B Oui, si je travaille plus que 6 mois B1
213 C Mais alors dans le 2eme cas, vous avez 1120 euros à la fin du mois, alors que dans l’autre cas, vous avez 693
C1
214 B Oui, c’est pas faux…peut être je n’ai pas tout bien considéré, mais oui effectivement, ça a l’air sympathique comme ça
B4
215 C Maintenant je ne sais pas, peut être que vous préférez ne pas travailler, toucher tous les mois 693 euros et puis occuper votre temps autrement
C2
90
216 B
Ouai mais ça non, enfin j’ai essayé, je l’ai envisagé, mais non, j’ai alors l’impression d’être déconnectée de la vie réelle, c’est bien je fais autre chose, mais si je les fais bénévolement, et bien les transports c’est à ma charge, tout est à ma charge, donc on revient sur les mêmes problématiques, c'est-à-dire je veux ça mais pour l’avoir il faut passer par autre chose
B2 B4
217 C Alors si on reprend le fil de notre échange, est-ce que l’hypothèse de ne pas travailler est une alternative possible ?
C2
218 B
Celle-là je crois que non, enfin en tous cas pas indéfiniment. Oui effectivement tant que je n’ai pas trouvé la bonne formation, le truc qui m’intéresse mais indéfiniment non, ce n’est pas possible, je ne me vois pas...non…ca c’est sûr
B2 B4
219 C Et le fait du coup de travailler, fait que vous perdez votre allocation
C2
220 B
Oui, après c’est vrai que tout bien réfléchi, si je suis chez mes parents et que je ne suis pas obligée de payer une partie des courses et tout le reste, c’est sûr que ce n’est plus le même souci, mais il y a les à-côté, les loisirs et tout ça, mais je ne l’ai pas vécu donc peut être que je m’imagine qu’il y a plus de difficultés qu’il en a l’air, mais…
B2 B4
221 C Mais à votre avis, par quoi passe votre autonomie, en tant que femme de 24 ans, bientôt 25 ans ?
C2
222 B C'est-à-dire ?
223 C Qu’est-ce que ça signifie pour vous demain d’être autonome ? puisque ça a l’air d’être quelque chose à laquelle vous tenez
C2 C4
224 B
Ah oui, j’y tiens, c'est-à-dire que jusqu’à très récemment, ça m’arrangeait bien d’être un peu maternée, mais maintenant ce n’est plus aussi joli…c’est limite chiant...donc c’est sûr que c’est important, c'est-à-dire c’est faire ce que je veux, quand je veux, avec qui je veux, comme je veux etc…
B4
225 C Vous vous sentez prête à ça dans votre tête ? C2
226 B Euh, alors ça, c’est autre chose (rires), après tout dépend de l’ampleur de cette fameuse autonomie, parce que généralement je fais des petits pas
B2
227 C Il ne faudrait pas que cette autonomie arrive trop vite alors à vous entendre
C2
228 B Non, parce que là, ce ne serait pas gérable B2
229 C Il faudrait qu’il y ait quelque chose qui vous y prépare ? C2
230 B
Euh, oui peut être, c'est-à-dire dans mon esprit il faudrait que ce soit progressif, tu fais une chose après l’autre etc…j’ai mis déjà 23 ans pour réaliser que c’est bien de sortir le WE pour voir des gens quand même, alors vous imaginez bien que tout le reste, j’ai accumulé pas mal de retard, donc c’est un peu difficile dans mon esprit. Il me faut encore le temps d’apprivoiser les choses
B2
91
231 C
Est-ce que le fait de reprendre un travail tout de suite, c’est quelque chose qui vous parait réalisable tout de suite ? si par exemple demain, vous décrochez un entretien et qu’on vous dit « on vous embauche »
C2
232 B Ben, honnêtement je pense que je dirai oui, bien sûr pas oui à n’importe quoi
B4
233 C Oui bien sûr, ça dépend quoi, mais dans l’absolu, vous trouveriez le poste de vos rêves, vous diriez oui
C4
234 B Oui c’est clair B4
235 C Donc vous vous sentez prête à cette autonomie ? C2
236 B
Je pense oui, mais après, il y a une certaine relativité, il faut que ce soit progressif. J’imagine, je trouve mon emploi de rêve, c’est chouette, il ne faudrait pas qu’on me dise « bon alors maintenant que tu as un boulot, il faudrait que tu sortes de chez nous » non…attendez ! je viens à peine de me familiariser, alors attendez
B2 B4
237 C Et alors vos parents, comment ils se positionnent par rapport à cette décision justement ?
C5
238 B
Et bien ils ne se positionnent pas des masses (rires), c'est-à-dire qu’encore ma mère ce matin m’a reprochée de vouloir me lever tard alors qu’il y avait le forum de l’emploi pour les handicapés. Je voulais aller y faire un tour et j’étais donc sur l’organisation de ma visite à ce forum, qui commence à 10h, et je dis à ma mère que je vais peut-être partir pas trop tôt parce que je n’ai pas envie de me lever tôt, et elle me dit que je devrais y aller tôt pour ne pas avoir trop de monde, pouvoir poser toutes mes questions, donc il y a une certaine pression comme ça qui s’installe. Je pense que je m’en mets suffisamment comme ça moi-même, une pression qui des fois n’est pas utile, pour ne pas en plus qu’on en rajoute
B2
239 C Vous avez l’impression que vos parents vous mettent de la pression pour trouver un emploi ?
C2
240 B Ouai, pas de manière quotidienne, mais quand je dis qu’il me faut mon temps à moi, on me dit qu’il faut que je me bouge
B2
241 C Vous vous sentez bousculée un peu C2
242 B Oui un peu B2
243 C Vous préféreriez que la décision vienne totalement de vous finalement
C2
244 B
Mais elle vient de moi, mais derrière on n’arrête pas de me dire qu’il faut que je fasse des choses, alors j’ai envie de dire attendez, je n’ai pas demandé d’être là derrière moi. Jusque-là j’ai fait les choses par moi-même
B3
B4 B5
245 C Et pourquoi d’après eux, il faut que vous fassiez quelque chose ? C3
246 B
Parce qu’ils désespèrent de me voir comme ça, parce que de temps en temps j’ai des hauts, des bas, je n’ai pas toujours mon ambition au plus haut, je me demande ce que je vais faire, mais je ne peux pas faire les choses en claquant des doigts
B2
247 C Pourtant si elles se présentaient les choses, vous iriez de vous- C4
92
même…
248 B
Ah oui, comme vous disiez, c’est moi qui décide. Oui je veux travailler, arrêter de me poser 36 000 questions dans le vide et pendant ce temps je ne fais rien, mais je ne veux pas faire n’importe quoi sous prétexte que j’ai la pression. Je suis inscrite à pôle emploi, mais il y en a très peu qui sont destinées à des débutants, il faut une expérience de 1 à 2 ans…ma mère me demande si j’ai regardé, et me dire «mais tu ne pourrais pas essayer quand même d’envoyer ton CV ? », ce à quoi je réponds « ok c’est joli, mais sauf qu’il faut que ça mène à qqch », c’est bien de s’entraîner d’accord, mais je ne veux pas postuler sur un truc auquel on me dira « non de toutes façons vous n’avez pas l’expérience », je ne vois pas l’utilité
B2
B3 B4
249 C Mais vous croyez qu’on vous recevra si c’est effectivement le cas, que vous n’avez pas assez d’expérience ?
C3
250 B Non, pour moi ce serait illogique B3
251 C Donc vous ne voulez pas essayer C3
252 B
Là dans l’immédiat non, mais juste l’idée de m’imposer les choses et de me dire « tu devrais faire ça », ça m’énerve, parce que ça ne me dérange pas qu’on me donne des conseils, mais ça dépend comment on le fait
B3
253 C Oui oui, c’est votre besoin d’autonomie et d’indépendance qui ressort là
C3
254 B Oui, certes j’ai été habituée à être maternée tout le temps, mais il faut arrêter à la fin
B3
255 C
J’ai l’impression qu’en fait et au niveau de vos parents, et à votre niveau il y a un peu un double discours qui se joue, c'est-à-dire que vos parents vous incitent à reprendre une activité pour être autonome, mais ils continuent à vous prodiguer ce qui est pour eux des conseils, mais d’une façon qui ne vous reconnaît pas comme qqun d’autonome. Et puis de votre côté, vous avez envie de travailler pour être autonome, et en même temps c’est une autonomie que vous ne voulez pas voir arriver trop trop vite, il vous faut le temps de vous y habituer etc…
C3 C2
256 B Oui voilà
257 C Et qu’est-ce qui pourrait se passer de mal si vous aviez cette autonomie financière notamment ? Quelles sont les conséquences les pires que vous pourriez imaginer ?
C2
258 B Les pires ? c’est de ne pas savoir comment gérer la nouveauté du truc, admettons j’ai un bon salaire, un super travail et j’arrive à avoir un appartement...mais bon c’est pas pour demain
B2
259 C Ce sont les conséquences les pires là? C2
260 B Non, ce ne sont pas les pires, mais du coup, d’avoir du mal à m’acclimater,
B2
261 C A vous adapter à cette situation C2
262 B Oui
263 C Parce qu’elle changerait quoi pour vous ? C2
93
264 B Cette espèce de petit confort bizarre dont je veux absolument m’éloigner mais qui quelque part est tellement imprimé que c’est un peu difficile de s’en défaire
B2
265 C C’est une sécurité pour vous aussi C2
266 B Ouai, ouai
267 C C’est un poids et une sécurité à la fois C2
268 B
Oui, c’est bien pratique de temps en temps, mais des fois c’est bien chiant aussi, parce qu’effectivement mes parents se permettent de se comporter avec moi comme ils se comporteraient quand j’avais 4 ans. Je voudrais bien un juste milieu, qu’on me guide mais qu’on ne m’impose pas les choses
B2
269 C C’est un cercle vicieux certainement pour eux aussi, c'est-à-dire que tant que vous êtes encore sous leur toit, ils considèrent sans doute que vous n’êtes pas autonome, ce qui est une réalité
C2
270 B Ah oui c’est une réalité
271 C Et donc ils vous considèrent encore comme la petite fille qu’ils ont depuis 24 ans chez eux
C2
272 B Oui mais l’autonomie financière elle n’est peut- être pas là, mais j’ai quand même une certaine autonomie
B4
273 C Oui, mais je parlais bien de l’autonomie financière C2
274 B Ils ne mettent pas la même pression à mon frère par exemple B1
275 C Vous êtes la plus grande ?
276 B Oui, mais dans leur esprit, je suis la petite dernière. Et si je le dis, tout de suite on le prend de travers
B3
277 C C’est compliqué à vivre dans le quotidien C3
278 B
Ah oui, et puis je ne peux pas me permettre de leur dire que je ne leur parle plus, puisque je les côtoie tout le temps, c’est pas évident, parce qu’ils voudraient aider mais leur façon d’aider n’est pas la bonne
B3
279 C En tous cas pas celle que vous aimeriez de leur part C3
280 B Ah non, non non….
281 C
Avant de se quitter alors aujourd’hui, pour résumer un peu tout ce qu’on s’est dit, vous vivez une situation aussi chez vous qui n’est pas simple, du fait que vous avez la sensation que vos parents ne vous considèrent pas comme quelqu’un d’autonome, de libre de faire ses choix, vous aimeriez acquérir une forme d’autonomie, plutôt financière, parce que par contre pour faire vos choix, vous êtes convaincue que vous êtes qqun d’autonome là-dessus
C2 C4 C5
282 B Ah oui, je suis autonome pour faire mes choix B5
283 C
Et la question de dire « est-ce que je reprends un travail au risque de perdre mes allocations du fait de mon statut d’handicapé, ou est-ce que je n’en reprends pas un, elle ne se pose pas tellement dans votre esprit, l’idée, c’est d’en trouver un ? vous voulez travailler ?
C2 C4
94
284 B Oui, de manière logique oui, après c’est vrai que j’ai peut-être un peu trop anticipé les choses dans le sens « qu’est-ce qui se passera quand j’aurai un appart’, etc… »
B4
285 C
Alors vous voulez travailler avec effectivement en tête le fait que d’un point de vue positif, ça va vous permettre d’avoir des contacts sociaux, de pouvoir être dans l’action, de pouvoir réaliser des choses, de pouvoir vous épanouir autrement dans votre vie, d’avoir aussi une rémunération, et avec le risque aussi que cette rémunération ne soit peut être pas suffisante pour que vous puissiez vivre de la façon dont vous avez envie de vivre matériellement
C2 C4
286 B Oui voilà, voilà, ça fait 2 problèmes, c’est déjà pas mal, entre les parents qui font pression et… (ne finit pas sa phrase)
B2
287 C
Alors, en fait, moi je vous inviterai peut être pour la prochaine fois, avant qu’on reparle d’une formation, je crois qu’on a quand même là touché du doigt le fait qu’il y avait déjà une problématique de « est-ce que je travaille, est-ce que je ne travaille pas » quand même
C2
288 B Oui, ça ne fait pas longtemps qu’elle s’est présentée mais oui, enfin je me pose la question quand même
B2
289 C
Qu’est-ce que vous êtes le plus prête à accepter dans votre vie ? c’est de rester avec une autonomie limitée financièrement au domicile de vos parents, ou est-ce que c’est, au prix de peut-être quelques efforts de gestion, de sacrifices matériels pour vous également, d’acquérir une autonomie financière, et progressivement bien sûr, j’imagine pas du jour au lendemain, de progressivement être également indépendante je dirais physiquement, avec votre logement etc… qu’est-ce qui vous parait le plus, non pas le plus logique, là je vous demanderai plutôt le plus acceptable pour vous
C2
290 B Oui, je ne pourrais pas vous répondre comme ça,
291 C Non mais vous allez y réfléchir pour la prochaine fois ?
292 B Oui,
293 C Et puis voilà…Est-ce que vous pensez qu’on a oublié quelque chose C2
294 B Non, je ne crois pas, je crois que vous avez soulevé les 2 choses importantes.
B2
295 C Ça vous parait fidèle à ce que vous ressentez C2
296 B Oui B2
297 C Ok, alors on se voit la semaine prochaine
ENTRETIEN 2
298 C Alors dites-moi M., qu’est-ce que vous avez retenu de notre dernier entretien ?
299 B
Ben, c’était assez intéressant mais ça pose question effectivement, et j’ai réfléchi, et admettons que je ne travaille pas, je ne vois que le bénévolat, et bizarrement ça ne m’enchante pas plus que ça, je ne saurai pas expliquer pourquoi…si parce que ce n’est pas payé
B2 B4
300 C C’est important… C4
95
301 B Oui c’est surement pour ça, et puis il y a un côté moins ancré dans une journée bien rythmée
B4
302 C Un peu plus free-style quoi ! C4
303 B Voilà ! et je ne suis pas très free-style en fait ! B4
304 C Vous avez besoin d’un cadre, des horaires, C4
305 B Oui voilà, Une forme de cadre, quelque chose qui ne bouge pas trop
C4
306 C Parce que le bénévolat, c’est qqch qui ne vous parait pas assez cadré ?
C2
307 B Oui, parce que si j’ai bien compris, c’est beaucoup selon la volonté de la personne et ça n’a pas le côté…
B2
308 C Obligatoire ?
309 B Ouai !
310 C Vous avez besoin d’avoir une contrainte ?
311 B
Pas exactement, je n’appellerai pas ça une contrainte, mais quelque chose qui fait que vous vous levez vous êtes un peu malade, vous savez que quand même vous allez bosser et que ce n’est pas une raison pour dire j’ai la flemme et je n’y vais pas
B4
312 C Quelque chose qui vous oblige à être dans l’action toute la journée C4
313 B Voilà oui
314 C Mais qui reste quelque chose d’agréable C4
315 B Oui !
316 C Est-ce que vous avez retenu d’autres choses de notre entretien ?
317 B Ben il y a eu beaucoup d’infos, j’ai eu pas mal de temps pour y réfléchir
318 C Oui c’est vrai qu’il y a eu beaucoup de chose, vous pouvez me rappeler ce qui s’est dit ?
319 B
Ben que justement j’étais un peu sur deux front, c'est-à-dire que je ne savais pas trop si j’avais vraiment envie de me lancer sur un emploi, quelque chose de payé, et qui justement me ferait perdre ma précieuse allocation ou si effectivement j’étais d’accord pour ne pas travailler et garder cette allocation. IL y avait aussi l’histoire du futur, c'est-à-dire qu’est-ce que ce sera dans quelques temps, où est-ce que je me voyais
B2
320 C
Alors si on revient à cette réflexion autour de « je travaille ou ne travaille pas », c'est-à-dire aussi « je perds mon allocation ou je la garde, est-ce que là-dessus vous avez pris une décision, forte de vos réflexions et de ce qu’on s’est dit la dernière fois
C2
321 B
C'est-à-dire qu’en fait, je crois que quelque part ça m’ennuierait de perdre cette allocation mais en même temps pas tant que ça, parce que ce n’est pas que de l’argent, si ça m’empêche de faire quelque chose que j’ai envie de faire, sous prétexte de garder ça, je trouve ça un peu bête quand même, donc
B2 B4
322 C C’est un peu le prix à payer pour votre autonomie ? C2
96
323 B Ouai, c’est un peu ça, parce que c’est bien d’être « assisté » comme ça financièrement, mais à la longue, je ne pense pas que ce soit très motivant non plus
B2 B4
324 C Vous, ça ne vous motiverait pas ? C2
325 B Non je ne pense pas, parce que, en plus ce n’est pas comme si il y avait que cette allocation là
B2
326 C Comment ça ce n’est pas comme s’il n’y avait que cette allocation-là ?
C2
327 B
Parce que plus vous avancez dans l’âge, plus vous avez droit à d’autres allocations, comme par exemple pour du matériel spécifique ou l’aménagement d’un appartement et c’est vrai que c’est bien, mais si on part dans cette dynamique là, ça veut dire que à chaque fois que j’aurai besoin d’un truc, je demanderai de l’argent, et je ne sais pas si ça me correspond très bien comme vision des choses
B2
328 C Vous le savez si ça vous correspond ou pas… C5
329 B Non, non, clairement ça ne me correspond pas, je n’ai pas envie de demander « donnez-moi ça », alors que je n’ai rien fait pour le mériter
B4
330 C Parce que ça peut être confortable pour certaines personnes
331 B Oui, mais après c’est aussi des sacrifices parce qu’on a cette petite aide, mais on n’est plus motivé par autre chose, on n’a plus envie de rien
B4
332 C On est passif C4
333 B Oui exactement B4
334 C Et vous, vous n’avez pas envie de ça C4
335 B Oui parce que je me suis vue dans cet état-là, et j’ai vu à quoi je ressemble et non,
B4
336 C Vous n’avez plus envie C4
337 B Non, ce n’est pas possible B4
338 C Alors n’être plus dans cet état-là, le fait de reprendre un travail, qu’est-ce que vous y gagneriez ?
C2
339 B Ben déjà revenir dans la vie active, être dans le move B4
340 C Dans une vraie dynamique ? C4
341 B Oui voilà, ne pas me dire « je peux me lever à l’heure que je veux parce que de toutes façons je n’ai rien à faire » et ce « je n’ai rien à faire », il est terrible à la longue. Ça ne me motive pas
B4
342 C Pourquoi il est terrible ce « je n’ai rien à faire » ? C2
343 B Parce que j’ai horreur de ça, je gère très mal le fait de ne rien faire, l’oisiveté, ce n’est clairement pas pour moi
B4
344 C Qu’est-ce que ça vous renvoie ? C2
345 B
J’ai l’impression de ne pas être utile, et j’ai l’impression que j’ai aucune prise sur ce qui se passe autour de moi, l’impression que le temps s’étale sur des millénaires, et j’ai l’impression que je perds mon temps, l’ennui pointe son nez, et c’est pas joli. Mais je sais que quand on reste trop longtemps dans cette dynamique-là. Je ne veux pas rentrer dans ce cercle là, ce n’est pas joli
B4
97
346 C Ça ne vous convient pas C4
347 B Non, non non B4
348 C Donc le fait de travailler vous permettrait d’être dans une dynamique, de vous sentir utile, d’être dans l’action, quoi d’autre ?
C4
349 B Je n’ai pas envie de dire que dans le bénévolat il n’y a pas de lien social, mais quand vous travaillez il est là aussi. Alors que quand vous restez chez vous le lien social n’est pas le même
B4
350 C Il est comment ? C2
351 B Il est déformé, c'est-à-dire que quand vous ne travaillez pas, vous avez à faire à des retraités, ou des petits enfants qui sont à la garderie, et là, vous vous dites « il faut vraiment que je travaille ! »
B2 B4
352 C Vous avez envie d’être en contact avec des gens qui sont pleinement actifs
C4
353 B Ah oui ! honnêtement oui, parce que je ne vais pas discuter avec un gamin de 5 ans ou un retraité de 70 ans qui va chercher son pain à 8h du matin
B4
354 C Vous avez envie d’être avec des gens qui vous ressemblent, qui ont des sujets de conversation communs avec vous
C4
355 B Ouai : voilà ! qui parlent de plein de choses, de ce qu’ils ont entendu à la radio le matin...
B4
356 C Ben oui c’est légitime, bien sûr C4
357 B Des choses qu’on ne peut pas tellement obtenir dans une autre configuration
B4
358 C
Alors si on envisage ce changement, puisque c’est un changement le fait de vouloir trouver un emploi, soit tout de suite soit à terme, si vous deviez vous positionner sur une échelle de 0 à 10 sur le fait que ce changement soit important pour vous ou pas, c'est-à-dire vous donneriez une note de 10 s’il était extrêmement important pour vous, ou une note de 0 s’il n’était pas important , vous ne verriez pas du tout l’intérêt à faire cette démarche de travailler, quelle note donneriez-vous ?
C4
359 B Je dirais…7 B4
360 C 7/10, c’est fort ! C4
361 B Oui B4
362 C J’ai bien envie de reprendre mes notes car je vous avais posé une question similaire au début de l’accompagnement…et vous aviez donné 6
98
363 B
J’avais dit 6 parce que tout simplement je ne savais pas encore comment me positionner, chose que je ne sais pas encore très bien, c’est mieux quand même encore…mais pour vous dire, je suis allée au salon de l’emploi des handicapés et du coup, j’ai jeté un coup d’œil du côté des organismes de formation. Et alors, je suis tombée sur l’AFPA, mais ils n’avaient aucune documentation et puis elle me dit « bon le truc c’est que nos formations sont subventionnées donc vous êtes constamment sur liste d’attente, donc même si vous êtes inscrite, ce n’est pas dit que vous commenciez tout de suite », une autre me dit « ce n’est pas sûr que nos locaux soient accessibles »…
B4 B6
364 C C’est fou ça !
365 B
En plus je suis allée voir l’adapt, ils avaient une formation qui me plaisait bien c’était accueil touristique ou quelque chose comme ça, mais en fait leur école est à Sarcelles, et je ne me vois pas aller à Sarcelles en internat pendant 9 mois donc non…
B6
366 C Bien sûr
367 B Donc j’ai tâté le terrain, j’ai laissé des CV aussi B6
368 C Alors en demandant quel genre de poste ? C6
369 B Un truc un peu bateau, type standardiste, toutes ces choses-là, j’insistais sur le côté bilingue du truc quand même
B6
370 C
Oui, vous avez bien fait . Alors moi j’ai quand même une question, parce que là vous pensez qu’il faut que vous trouviez un travail. On avait évoqué au début de nos entretiens la possibilité de faire une formation pour trouver un emploi. Quand je vous entends, vous me dites que vous avez envoyé des CV à des entreprises d’intérim pour travailler, que vous vous êtes renseignée pour faire des formations, donc j’ai la sensation que vous ressentez quand même une urgence à travailler
C2
371 B
Oui un petit peu là, un petit peu, ce n’est même pas d’un point de vue financier, mais c’est pour moi personnellement. J’ai fait mon stage, ça fait 5 mois que je n’ai rien à faire et franchement ça devient pesant, donc oui j’ai besoin de faire quelque chose
B4
372 C Justement, si nous retravaillons avec ce type d’échelle que je vous ai présentée entre 0 et 10, dans quelle mesure vous vous sentez prête à faire ce changement ?
C5
373 B Prête ? et bien je crois que si on me propose un poste demain, je dis ok j’arrive !, donc 7, 8 même, 8 !
B5
374 C Et pourquoi vous n’êtes pas à 10 là alors ? C5
375 B Parce que 10 c’est la perfection et que ça n’existe pas, je pourrais aussi vous dire 9 !
B3
376 C Mais vous ne m’avez pas dit 9 !
377 B Non, le fait est que je n’ai pas dit 9, mais j’aurais pu, j’aurais pu, mais spontanément je n’ai pas dit 9, c’est un fait. D’ailleurs je ne sais pas bien pourquoi, mais ouai, je ne sais pas…
378 C Qu’est-ce que vous avez convenu avec les entreprises auprès des quelles vous avez laissé votre CV ?
C6
99
379 B
Et bien de toute façon, comme mon CV est sur papier, il circule, et si j’ai bien compris il faut que je m’inscrive dans leur base de données, et qu’ils ont tous mes contacts et me contacteraient s’il y avait une ouverture
B6
380 C Ont-ils pris le temps de parcourir votre CV ? C6
381 B Oui !
382 C Comment ont-ils réagi par rapport à vote diplôme ? à votre profil et par rapport au type de poste que vous leur avez demandé
C6
383 B
Et bien, ils n’ont pas dit « non, on ne peut rien pour vous », mais je pense que ce n’est pas dans leur intérêt de dire ça. Oui, en fait, il y en a peut-être 2 sur 4 qui m’ont dit « mais vous n’avez peut-être pas la formation qui va avec », « oui certes », et c’est à ce moment-là qu’ils m’ont demandé si j’étais suivie par un organisme type Cap Emploi pour financer la formation
C6
384 C Les personnes de boites d’intérim qui vous ont dit que vous n’aviez pas la formation adéquate, elles vous recommandaient de faire quelle formation ?
C6
385 B
Une formation pour hôtesse d’accueil bilingue, réceptionniste bilingue, assistante de direction bilingue si je vais par-là, mais voilà, elles me disaient que c’était possible et en adéquation avec ce que j’avais, qu’il y avait une certaine logique là-dedans avec mon profil
B6
386 C
Mais alors du coup pensez-vous qu’il existe des formations un peu généralistes dans ce secteur de l’accueil, pour vous permettre de pouvoir à l’avenir si vous avez besoin de repasser par une formation, de travailler dans n’importe quel secteur ?
C6
387 B
Je sais que la plupart que j’ai vues étaient très ciblées genre « accueil en aéroport ». Mais là je me suis inscrite sur le site de l’agefiph et j’ai regardé des offres un peu généralistes, qui ne demandent pas justement le truc un peu spécifique qu’on n’aurait pas type le fameux BTS qui la plupart du temps me fermaient des portes
B6
388 C Et vous avez répondu ? C6
389 B Oui, enfin à 2, j’en étais à 5 en partant de chez moi aujourd’hui. B6
390 C Pour l’instant vous avez répondu à combien d’offres ou fait de candidatures spontanées, en gros ?
C6
391 B Autour d’une trentaine, depuis septembre B6
392 C Et vous avez eu combien de réponses ? C6
393 B Pas énormément. Vous avez aussi les entreprises qui vous disent, si on ne vous répond pas, ça veut dire que vous ne nous intéressez pas… J’ai dû avoir une dizaine de réponses
B6
394 C Qu’avez-vous fait vis-à-vis des entreprises qui n’ont pas donné de réponse du tout ?
C6
395 B
Ben rien, enfin rien, dans la mesure où dans leur mail c’était « si on ne répond pas c’est que vous ne correspondez pas », dans ce cas, vous n’allez pas chercher 3H non plus. Vous ne correspondez pas vous ne correspondez pas…
100
396 C Vous savez pourquoi vous ne correspondiez pas ?
397 B
Ben, je pense surtout le fait que je n’ai pas beaucoup d’expérience professionnelle, et puis aussi quand vous regardez ma formation, elle est généraliste, donc je peux comprendre les recruteurs qui a priori, je dis bien a priori, préfèrent recruter quelqu’un qui a déjà une formation étiquetée je dirais, plutôt que la personne à côté qui n’a pas de formation étiquetée… ça me parait logique…donc quand on ne me répondait pas, je n’ai pas cherché
398 C Donc vous avez supposé que les motifs de refus de votre candidature étaient ceux-ci
399 B Voilà,
400 C Mais vous n’en êtes pas sûre au final ?
401 B Non, au final je n’en suis pas sûre, mais peut être que j’aurais dû aller chercher plus loin
402 C Qu’est-ce que ça vous permettrait de faire de chercher plus loin les causes pour lesquelles on n’a pas retenu votre candidature ?
C6
403 B
Peut-être justement que ce n’était pas celles-là. Et je pourrais connaitre les vraies raisons et me remettre mieux en question. Enfin je suppose…enfin surement même, si on me donne les vraies raisons c’est mieux
B6
404 C Parce que peut être que votre formation finalement n’a pas du tout été un frein…peut être que ça s’est joué sur autre chose ?
405 B Ah non !! bien sûr, mais c’est sûr que c’est peut-être les raisons les plus évidentes qui me sont venues à l’esprit, mais peut-être qu’il y en a d’autres effectivement.
406 C
Concrètement pour que je puisse vous aider à ce stade M., vous avez déjà fait un gros travail de réflexion, et vous avez déjà pris une grosse décision qui est de dire que vous avez bien compris que le prix à payer pour votre autonomie financière et le fait de vous sentir utile, d’être dans l’action etc. c’était de perdre cette fameuse allocation mais ce prix, vous êtes prête à le payer parce que c’est trop important pour vous, de vous sentir utile, de côtoyer des gens avec qui vous sentez que vous avez des choses à raconter…
C4 C5
407 B Oui voilà, tout à fait
408 C Donc voilà, moi je vous félicite, parce que c’est quand même une grosse décision que vous avez prise
C5
409 B Oui c’est vrai
410 C Je pense que par rapport à la dernière fois, vous êtes plus au clair avec cette décision, je ne me trompe pas ?
411 B Oui c’est sûr, à un moment donné il faut faire un choix
412 C
D’ailleurs ça s’est concrétisé par les deux notes que vous avez données en disant que ce changement pour vous c’est effectivement très important, puisque vous avez donné une note de 6-7 sur 10, et que vous vous sentez prête à travailler à hauteur de 9 sur 10, donc ça confirme vraiment ce désir là
C4
101
413 B Oui, oui
414 C
Maintenant on va se poser la question sur « est-ce que moi, je vous accompagne sur une recherche d’emploi immédiate auquel cas il faudra sans doute plutôt qu’on regarde votre CV, votre lettre de motivation, des offres d’emploi, pour arriver à vous vendre, d’accord ?
415 B Oui
416 C Ou bien est-ce que vous souhaitez qu’on travaille ensemble sur un projet professionnel plus précis, ce qui ne vous empêchera pas de chercher un travail à côté aussi
417 B Oui bien sûr
418 C
Mais ce qui me questionnera c’est si vous cherchez un job de secrétaire et qu’en parallèle vous construisez un projet autour de l’accueil, qui sont des voies qui ne sont quand même pas tout à fait les mêmes, qui ne nécessitent peut-être pas les mêmes formations, donc quelle sera la cohérence dans tout cela pour vous ? D’autant plus que le risque à faire cela, c’est que vous construisiez un projet professionnel, que vous vous motiviez pour ce projet et qu’en parallèle vous trouviez finalement quelque chose qui ne vous satisfait pas vraiment, mais que vous vous retrouviez à faire un choix, qui je pense sera encore plus difficile, parce que vous allez être tentée par quelque chose qui vous motive moyennement mais qui va vous mettre dans l’action, et puis un projet qui doit se construire par le biais d’une formation mais qui vous motive fortement
C2
419 B Oui, je comprends
420 C
Du coup si vous voulez, moi, je fais appel à vous là-dessus, peut être que ce n’est pas aujourd’hui que vous allez vous décider, mais j’ai besoin de savoir si vous vous sentez prête à entamer une recherche d’emploi tout de suite et à ce moment-là sur quel type de fonction pour qu’on accentue le travail là-dessus si c’est votre souhait de retravailler le plus vite possible, ou bien est-ce que vous ressentez encore le besoin de vous poser, pour réfléchir, pour bâtir un projet, qui fera que peut être vous devrez passer par une formation. Donc on revient à cette fameuse question. Mais il va falloir faire un choix pour que moi je sache comment vous aider à avancer. Ce qui m’interpelle un peu dans notre discussion d’aujourd’hui, c’est que vous êtes entre les deux : à la fois vous me dites que vous faites des recherches d’emploi, tout en me disant que vous n’avez pas la formation pour…
C2
421 B
Oui mais c’est vrai que là aujourd’hui je suis tombée sur quelques offres d’emploi assez généralistes donc c’est assez agréable, mais c’est aussi très rare. Donc j’ai beau être inscrite sur 36 bases de données, je tombe toujours sur les mêmes choses et donc je tourne en rond
102
422 C
Moi je trouve dommage quand même que n’ayez pas eu un contact téléphonique avec les entreprises auprès desquelles vous avez postulé et qui n’ont pas retenu votre candidature, parce que je pense que ce serait peut être un moyen pour vous de savoir réellement si c’est un problème qui est lié à votre formation ou pas. Parce que si ce n’en est pas un, et que c’est autre chose sur lequel vous ne pouvez rien (par exemple votre type de handicap), vous voyez bien qu’en ayant ce type d’information là, ça vous permettrait d’être plus au clair sur le besoin ou pas d’une formation ou bien est ce que votre profil peut intéresser des gens. Parce que je retiens ce que vous m’aviez dit sur le fait que reprendre une formation représente des contraintes financières, quelle formation ?,
C1 C2
423 B Il faut remonter un dossier… B2
424 C
Oui il faut remonter un dossier… quand est-ce qu’elle commence ? parce que les formations généralement commencent en automne et on est en décembre. Et même si c’est janvier, c’est un peu court. Vous avez l’impression aussi que ce que vous avez fait comme formation c’est du coup un peu du temps de perdu, même si cela vous a appris l’anglais et que vous êtes contente de ça, vous auriez peut être l’impression de revenir en arrière en faisant d’autres études, et c’était un peu un point d’insatisfaction pour vous. Donc, ça, ça ne pourra se transformer que si vous êtes vraiment persuadée que la formation c’est LA clé pour accéder à quelque chose. Or, aujourd’hui, je n’ai pas la sensation que vous ayez vraiment suffisamment d’informations pour être sûre que ce soit vraiment la porte d’entrée incontournable pour vous
C1 C4
425 B Oui, peut être
426 C
Et comme vous avez l’air de vous sentir vraiment très prête à travailler demain si l’occasion se présentait, je crois aussi que ce serait dommage de ne pas saisir cette dynamique dans laquelle vous êtes et de vous contraindre à faire une formation, qui au final peut être ne vous apportera rien de plus que si vous n’en faites pas
C4
427 B Oui effectivement, c’est sûr. C’est vrai, je suis d’accord.
428 C Comment pouvez-vous envisager d’avoir d’autres informations alors ? pour savoir ce qui n’a pas fonctionné dans vos candidatures ?
C6
429 B Effectivement, les recontacter via leur site, en leur laissant un mail pour leur demander plus d’explications, ça me parait faisable.
B6
430 C Est-ce que vous pensez que le mail est la meilleure option ? C6
431 B
Non, je dis le mail parce que c’est un peu automatique, mais le téléphone aussi ça peut marcher, c’est même plus direct, mais souvent par automatisme, on fait ça par mail. Personne ne va me manger a priori…
B6
432 C Vous êtes à l’aise au téléphone vous m’aviez dit ?
433 B Oui, oui
103
434 C
Je pense qu’à partir du moment où vous avez un nom de contact, préférez le téléphone, car effectivement vous aurez plus de retours directs et au moins vous saurez, parce que le risque que vous prenez c’est qu’en envoyant un mail, personne ne vous réponde. Il faut savoir que parfois, les gens sont un peu dérangés qu’on leur demande de justifier pourquoi ils n’ont pas retenu votre candidature, donc il y a aussi une façon de présenter les choses, par exemple en insistant sur le fait que vous aviez bien compris que vous n’aviez pas été retenue et que vous espériez que le recruteur avait trouvé la personne adéquate, mais que pour vous permettre de progresser dans vos recherches vous auriez besoin de savoir ce qui n’a pas fonctionné dans votre candidature, l’idée est de ne pas tourner cela comme quelque chose qui pourrait être perçu comme un reproche, mais comme une volonté que vous avez de vous améliorer
C1
435 B
Oui, c’est vrai qu’avec le mail, il y a un risque que la personne ne réponde pas. En plus on est tellement à en envoyer, qu’au final…c’est vrai. Mais je ne le fais pas automatiquement mais je ne sais pas pourquoi, parce que les rares personnes que j’ai eu au téléphone, même si elles ne pouvaient pas me parler tout de suite, elles m’ont toujours recontactée
436 C
Et concernant les boites d’interim, je vous conseille aussi de les relancer régulièrement sinon votre dossier pourrait risquer de tomber aux oubliettes, ce n’est peut-être pas la peine de les appeler toutes les semaines…mais régulièrement. Vous avez gardé les cartes de visite des gens que vous avez vus sur le salon ?
C6
437 B Oui, oui
438 C Là vous voyez, ça va faire une semaine, si vous rappelez les gens en leur disant que vous êtes passée sur le salon, que vous leur avez laissé un dossier
439 B Oui forcément ça fait une semaine, donc ce sera encore frais dans leur esprit
440 C Oui, peut être vont-ils vous dire qu’il vaut mieux que vous vous rapprochiez d’une agence pas loin de chez vous ?
441 B Ce qui serait plus pratique…
442 C …mais au moins vous le saurez, vous saurez que c’est la bonne démarche pour avancer
443 B Oui, c’est vrai. Ça fait tellement longtemps qu’on passe par internet qu’on ne pense plus au téléphone…
444 C Mais justement aussi pensez que tout le monde fait ça. Et que les gens qui vous marquent aujourd’hui, ce sont souvent ceux qui décrochent leur téléphone
104
445 B
C’est vrai, d’ailleurs j’avais postulé à une offre sur le salon, la personne m’avait rappelée mais je n’étais pas chez moi, et donc je l’ai rappelée à plusieurs reprises en lui laissant des messages, et en fin de compte elle m’a rappelée en me décrivant le poste, elle a vu ma motivation, mais elle ne s’est pas préoccupée du côté technique (mes difficultés, mon handicap…).C’était bizarre parce que justement c’était une offre postée sur un site pour handicapés…donc ça aurait dû être la première chose qu’elle aurait dû me demander…Elle a fini par me dire qu’à cause de mon fauteuil, ce n’était pas possible de me recevoir. J’ai réagi en lui disant qu’elle aurait pu me le dire plus tôt, parce que même si on n’est pas beaucoup à être en fauteuil...bon bref, ça m’a énervée, mais n’empêche qu’effectivement le téléphone a fonctionné, et que le fait que j’ai laissé des messages téléphoniques fait qu’elle m’a rappelée
446 C Oui donc vous voyez bien que c’est possible, donc votre CV peut potentiellement intéresser des gens
C5
447 B Oui je ne dis pas le contraire. Peut-être que ma démarche est un peu bancale
448 C Bon, moi ce que je voudrais M., si vous êtes d’accord, c’est que pour la prochaine fois, vous n’êtes pas obligée de rappeler les 30 entreprises que vous aviez contactées
C6
449 B Mais quelques-unes
450 C
Voilà, au moins quelques-unes, je dirais au minimum 5, entre 5 et 10 ce serait bien, enfin il faudrait avoir 5 retours minimum. J’aimerais alors que vous apportiez par écrit, les motifs pour lesquels on ne vous a pas retenue, d’accord ?
C6
451 B D’accord, c’est faisable, bien sûr
452 C
Ce qu’il faudrait aussi, c’est que si on ne vous parle pas de votre formation, vous posiez quand même la question ouvertement je pense, par exemple « est-ce que vous pensez que ma formation aurait pu être adéquate pour le poste ? »
C6
453 B Oui, d’accord
454 C
Et là peut être qu’on va vous dire « ben si, plutôt on recrute plutôt des personnes qui ont un niveau BTS spécialisé dans… ». Et alors là, notez les formations qu’on vous indique également. Notez vraiment bien tout ce qu’on va vous dire pour que la semaine prochaine, on ait de quoi réfléchir ensemble
455 B Ok
456 C A la meilleure stratégie…
457 B Ok
458 C ET puis j’aimerais aussi, que vous imprimiez pour la semaine prochaine des offres d’emploi auxquelles vous avez répondu
459 B Ok, donc en fait le descriptif
105
460 C
Oui, c’est ça. Si vous avez le temps en plus de tout ça, ce qui me semblerait bien comme on l’a évoqué ensemble c’est que vous recontactiez les personnes que vous aviez vues sur le salon, pour leur demander comment maintenant vous pouvez procéder pour bien rester dans leur base de données, éventuellement vous rapprocher de quelqu’un, etc…vous voyez ?
C6
461 B Oui d’accord
462 C
Ça mérite quand même qu’au niveau du discours que vous leur tiendrez, vous vous montriez au clair (même si ce n’est peut-être pas encore tout à fait le cas dans votre tête), avec une demande précise, c'est-à-dire « je cherche tel emploi »
463 B Oui ça, ce ne sera pas difficile B5
464 C Ça vous va ? vous pensez que vous arriverez à tout faire ?
465 B Oui, bien sûr, et puis j’ai le temps !! B6
466 C Oui vous avez une semaine ! Bien on se revoit donc lundi prochain 14h30 ?
467 B Oui ok, c’est bon, c’est noté
468 C Passez une bonne semaine, à la semaine prochaine
469 B Merci vous aussi, bonne fin de journée.
La dynamique de changement dans un entretien d’accompagnement : identifier
les leviers de motivation pour soutenir la réalisation du projet professionnel.
Résumé :
Lors d’une prestation d’accompagnement à l’orientation professionnelle, qu’il s’agisse d’un
bilan de compétence ou d’une prestation d’accompagnement au retour à l’emploi, le
bénéficiaire de ladite prestation explore ses compétences, aptitudes, valeurs et motivations
dans un but de mise en œuvre d’un projet réaliste et réalisable. Cette démarche doit donc le
placer dans une dynamique de changement. A ce titre, nous proposons dans cette étude
d’analyser au travers d’un entretien comment les gestes professionnels utilisables par un
conseiller et issus des techniques de l’entretien motivationnel de Miller et Rollnik (2006)
peuvent permettre d’identifier les leviers de motivation pour soutenir le projet professionnel.
Nous en déduirons un certain nombre de réflexions sur notre pratique en tant que futur
conseiller en l’accompagnement à l’orientation professionnelle.
Mots clés :
Motivation, accompagnement professionnel, entretien, projet professionnel, auto-efficacité,
ambivalence, changement, valeurs.
Summary :
An individual undergoing counseling in career assessment or career transition needs to
make an appraisal of professional skills, suitability, values and motivation so as to establish a
realistic and feasible plan. Such a process stimulates and may induce change. Our study is
an interview analysis meant to determine how a counselor can convey professional expertise
used in Miller and Rollnik’s (2006) motivation oriented interview in order to pinpoint
motivation and thus support career objectives. We shall furthermore reflect on our on hand
experience as future counselors in transitional coaching.
Key words:
Motivation, career coaching, interview, career plan, sense of self-
efficiency, ambivalence, change, values.