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Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique 36:1 (March/mars 2003) 129-58 © 2003 Canadian Political Science Association (l’Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique Asymétrie de puissance et négociations économiques internationales : la zone de libre-échange des Amériques et les puissances moyennes GORDON MACE Université Laval JACQUES P AQUET Université Laval LOUIS BÉLANGER Université Laval HUGO LOISEAU Université Laval Introduction Un des problèmes centraux dans l’étude des négociations économiques internationales consiste à expliquer ce que Zartmann a appelé le « paradoxe structuraliste » (Zartmann et Rubin, 2000 : 3-4; Zartmann, 1997 : 227-45). Ce paradoxe s’exprime de la façon suivante. Logiquement, toute situation d’asymétrie de puissance devrait décourager les gouvernements d’entrer en négociation puisque les États les plus forts n’ont pas besoin de négocier, leur puissance leur assurant d’obtenir ce qu’ils veulent. De même, il ne sert à rien aux États faibles d’entrer en négociation avec des États plus forts car ils sont certains de ne pas atteindre leurs objectifs puisqu’ils ne disposent pas des leviers nécessaires. Pourtant, les États négocient quand même conti- Remerciements : Nous tenons à remercier Joël Monfils et Mamadou Ka pour leur sub- stantiel travail de cueillette d’information. Nous remercions également le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada et le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture pour l’appui financier qui a permis la réalisation de cette recher- che. Nous remercions enfin les évaluateurs de cette REVUE pour leurs commentaires. Gordon Mace, Département de science politique, Université Laval, Québec, Québec G1K 7P4; [email protected] Jacques Paquet, Département de science politique, Université Laval, Québec, Québec G1K 7P4; [email protected] Louis Bélanger, Département de science politique, Université Laval, Québec, Québec G1K 7P4; [email protected] Hugo Loiseau, Institut québécois des hautes études internationales, Université Laval, Québec G1K 7P4; [email protected]

Asymétrie de puissance et négociations économiques internationales: la zone de libre-échange des Amériques et les puissances moyennes

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Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique36:1 (March/mars 2003) 129-58© 2003 Canadian Political Science Association (l’Association canadienne de science politique)and/et la Société québécoise de science politique

Asymétrie de puissance et négociationséconomiques internationales : la zone de libre-échange des Amériques et les puissances moyennes

GORDON MACE Université LavalJACQUES PAQUET Université LavalLOUIS BÉLANGER Université Laval

HUGO LOISEAU Université Laval

Introduction

Un des problèmes centraux dans l’étude des négociations économiquesinternationales consiste à expliquer ce que Zartmann a appelé le « paradoxestructuraliste » (Zartmann et Rubin, 2000 : 3-4; Zartmann, 1997 : 227-45).Ce paradoxe s’exprime de la façon suivante. Logiquement, toute situationd’asymétrie de puissance devrait décourager les gouvernements d’entrer ennégociation puisque les États les plus forts n’ont pas besoin de négocier,leur puissance leur assurant d’obtenir ce qu’ils veulent. De même, il ne sertà rien aux États faibles d’entrer en négociation avec des États plus forts carils sont certains de ne pas atteindre leurs objectifs puisqu’ils ne disposentpas des leviers nécessaires. Pourtant, les États négocient quand même conti-

Remerciements : Nous tenons à remercier Joël Monfils et Mamadou Ka pour leur sub-stantiel travail de cueillette d’information. Nous remercions également le Conseil derecherche en sciences humaines du Canada et le Fonds québécois de la recherche surla société et la culture pour l’appui financier qui a permis la réalisation de cette recher-che. Nous remercions enfin les évaluateurs de cette REVUE pour leurs commentaires.

Gordon Mace, Département de science politique, Université Laval, Québec, QuébecG1K 7P4; [email protected] Paquet, Département de science politique, Université Laval, Québec, QuébecG1K 7P4; [email protected] Bélanger, Département de science politique, Université Laval, Québec, QuébecG1K 7P4; [email protected] Loiseau, Institut québécois des hautes études internationales, Université Laval,Québec G1K 7P4; [email protected]

nuellement, et les résultats sont souvent profitables pour les États plus fai-bles. Comment expliquer cette situation? Le but de cet article est de saisircomment les puissances moyennes s’insèrent dans ce « paradoxe structura-liste » et quel est leur rôle dans les négociations internationales.

1. Le problème de recherche

Une première tentative d’explication du « paradoxe structuraliste » utilisela notion de puissance et son impact sur le comportement des gouverne-ments. À l’argument néo-réaliste traditionnel (Deutsch, 1973; Kritek,1994; Ross, 1993; ainsi que Snyder et Diesing, 1977) voulant que l’asy-métrie ne favorise pas le succès des négociations internationales, à cause,justement, du différentiel de puissance, a succédé l’interprétation plus finede l’approche institutionnaliste. Selon cette dernière, la puissance des Étatsa, bien sûr, un impact sur le déroulement des négociations internationales,mais cette influence est médiatisée. Car le pouvoir de négociation n’équi-vaut pas nécessairement à la puissance structurelle agrégée d’un État, maisbien à sa capacité d’obtenir des gains dans une situation particulière, etcelle-ci peut ne pas être transférable à d’autres situations (Keohane et Nye,1977 : 50-51; Zartmann, 1971 : 5).

Prenons l’exemple de la négociation Canada-États-Unis qui a mené àla signature de l’Accord de libre-échange entre les deux pays. La seuleprise en compte du rapport de force global entre les deux pays aurait nor-malement entraîné des gains pour les États-Unis uniquement. Or, le gou-vernement canadien a réalisé des gains non négligeables, en particulier auchapitre du règlement des différends, parce qu’il y avait une volonté poli-tique plus forte du côté canadien et une concentration plus efficace des res-sources et de l’expertise. Le gouvernement de Washington, par contre, nepouvait concentrer toute son attention sur ce dossier et se devait de fairecertaines concessions pour mener à terme une négociation qui avait, pourlui et pour ses partenaires commerciaux, valeur d’exemple dans le cadredes négociations du GATT (Hart avec Dymond et Robertson, 1994 : chap.14, 15; Doern et Tomlin, 1991; Wynham et DeBoer-Ashworth, 2000).L’ALÉ constitue donc un cas où a pu s’exercer très clairement le pouvoirspécifique (issue specific power) d’un État, donnant ainsi au gouvernementde cet État un avantage de négociation impossible à obtenir sur la seulebase du rapport de force global.

Une deuxième tentative d’explication du succès d’une négociation ensituation d’asymétrie met en cause l’influence dominante du processus denégociation lui-même ainsi que les tactiques utilisées par les acteurs. Lestenants de ce raisonnement s’entendent tous pour affirmer que la distributionglobale de la puissance ne permet pas de prévoir le résultat d’une négociationinternationale. La négociation elle-même compte. Elle est importante dans ladétermination des résultats puisque son contexte historique, la dynamique, ou

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Résumé. Le rôle joué par les puissances moyennes dans les négociations économiquesinternationales n’a pas beaucoup retenu l’attention des chercheurs. Pourtant, dans une négo-ciation commerciale internationale caractérisée par une configuration d’asymétrie globalede pouvoir mais de symétrie relative entre les acteurs dominants, le rôle joué par les puis-sances moyennes comme le Canada constitue un facteur central dans la réussite de la négo-ciation. Prenant l’exemple des pré-négociations de la Zone de libre-échange des Amériques,cet article démontre comment les puissances moyennes ont facilité la réussite de cette phasecruciale de la poursuite des négociations.

Abstract. The role played by the middle powers in international economic negotiations isneglected by the literature on the subject. However, in an international trade negotiationcharacterized by a configuration of global asymmetry but with a relative symmetry betweenthe dominant actors, the role played by the middle powers such as Canada constitutes a cen-tral factor in the success of the negotiation. Taking the example of the prenegotiations of theFree Trade Area of the Americas, this article shows how the middle powers facilitated thesuccess of this crucial phase for the continuation of the negotiations.

encore le format des négociations et les tactiques utilisées par les acteurs, ontune influence sur le jeu de la négociation en appuyant ou en relativisant l’ac-tivation brute de la puissance (Habeeb, 1988; Keohane et Nye, 1977 : 19;Odell, 1990; Robert, 2000 : 11-12; Singh, 2000 : 450-51; Zartmann, 1987,1971). C’est pourquoi la phase de pré-négociation, sur laquelle nous revien-drons plus loin, est si importante pour le résultat final d’une négociation.

Le troisième courant d’explication, quant à lui, insiste davantage surl’influence de l’interface interne/externe (two-level game) qui se produitrégulièrement dans toute négociation économique internationale. Lesauteurs se ralliant à ce courant considèrent en effet la négociation interna-tionale comme une dynamique à double niveau et à vases communicants.Cela signifie que les négociateurs gouvernementaux du pays A doiventnégocier non seulement avec leurs homologues des pays B, C, D, maiségalement avec des membres de leur propre société, que ce soient des élusou encore des représentants du secteur privé concernés par les dossiers quifont l’objet de la négociation (Landau, 2000 : 1-19; Moravczik, 1993; Put-man, 1988). Ce phénomène, dont l’illustration la plus extrême est fourniepar les États-Unis où l’influence du Congrès sur la politique commercialeétatsunienne est centrale, peut également avoir pour effet d’affaiblir lepouvoir de négociation d’un gouvernement, dans la mesure où les pres-sions internes peuvent obliger à des concessions sur le plan externe. Cespressions peuvent aussi contribuer à raidir les positions adverses au pointde retarder considérablement le déroulement des négociations. Car,comme le rappellent si justement Winham et DeBoer-Ashworth (2000), lafinalité des négociations commerciales internationales est normalement ungain partagé (Winham et DeBoer-Ashworth, 2000 : 48). Or, un gouverne-ment qui anticiperait ou craindrait un blocage de la négociation suite auxpressions intérieures chez un interlocuteur pourrait, à la limite, se retirerdes négociations. Il exercerait ainsi son pouvoir ultime qui est de dire non,ce qui peut amener les autres gouvernements à concéder davantage si lanégociation est importante pour eux.

Il existe donc un certain corpus analytique concernant l’étude des négo-ciations internationales en situation d’asymétrie de pouvoir. Mais, comme lefait remarquer fort à propos Maryse Robert (2000), il y a encore trop peud’études sur le cas particulier de l’asymétrie de puissance dans le contextedes négociations commerciales internationales. On pourrait ajouter que celaest encore plus vrai dans le cas des négociations commerciales régionales,comme par exemple dans le contexte du MERCOSUR, de l’ALÉNA ouencore de la possible zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA).

Qui plus est, certaines questions ont été à peu près complètementignorées dans ce contexte. C’est le cas en particulier du rôle d’une catégo-rie de pays que l’on nomme puissances moyennes ou États intermédiaires,à propos desquels certaines études ont révélé que l’influence de leur actiondiplomatique dans des domaines connexes de politique étrangère est loind’être négligeable (Bélanger et Mace, 1997; Cooper, 1992; Cooper, Hig-gott et Nossal, 1993; Neack, 1991; Pratt, 1990). Les gouvernements decette catégorie de pays, souvent ignorée en théorie des relations interna-tionales, possèdent en effet une expertise et des ressources sans communemesure avec celles des États plus petits. Expertise et ressources qui peu-vent être utilement canalisées pour une action diplomatique optimale dansun contexte bien circonscrit de négociations économiques internationalesou régionales. On devrait donc s’attendre logiquement à ce que la straté-gie diplomatique menée par les gouvernements de cette catégorie de paysait un impact sur le déroulement de négociations commerciales. Cetimpact se manifeste particulièrement dans les situations d’asymétrie depouvoir, sans qu’il y ait pas domination complète d’un seul acteur surl’ensemble des autres.

Ce texte offre donc une analyse de l’action de certaines puissancesmoyennes dans le contexte des négociations visant à mettre en place unezone de libre-échange des Amériques. Nous étudions la phase de pré-négo-ciation de la ZLÉA qui s’est terminée par un succès en dépit d’un contextecaractérisé par une forte asymétrie de puissance entre les acteurs partici-pant à cette négociation, et une symétrie relative de pouvoir entre les deuxÉtats centraux qu’étaient les États-Unis et le Brésil. En fait, les pré-négo-ciations de la ZLÉA sont un exemple probant d’une situation d’asymétriede puissance sans domination totale par un seul acteur. L’hypothèse sous-tendant l’analyse est la suivante : dans une négociation commerciale inter-nationale caractérisée par une configuration d’asymétrie globale de puis-sance mais de symétrie relative entre les acteurs dominants, le rôle joué parles États intermédiaires constitue un facteur central dans la réussite de lanégociation.

Dans la partie suivante, nous caractérisons la phase de pré-négocia-tion de la ZLÉA qui a duré quatre ans et qui s’est terminée en 1998 parl’annonce du lancement officiel des négociations lors du deuxième Som-met des Amériques tenu à Santiago au Chili. Nous montrons l’importance

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de cette phase pour l’ensemble des négociations et nous identifions lespays qui font l’objet de cette étude.

La partie centrale du texte présente les résultats de l’analyse. Nous yexaminons quatre enjeux : le format des négociations à venir, l’échéancieret le rythme des progrès à accomplir, le niveau des droits et obligationsimposés aux pays membres, et enfin l’ordre des négociations. Les deuxpremiers enjeux de pré-négociations que nous étudions concernent le cadredes négociations à venir, alors que les deux derniers se rapportent plutôt àla structuration de l’agenda. La procédure analytique est identique pourchaque enjeu : nous précisons d’abord la nature de l’enjeu et nous cernonsle calcul stratégique de départ des acteurs étudiés. Nous examinons ensuitela stratégie des acteurs et identifions le résultat obtenu.

2. La phase de pré-négociation

La négociation internationale est un processus ancien à propos duquelexiste une longue tradition de recherche. La définition la plus simple de cephénomène a été proposée par Fred Iklé dans un des premiers ouvrages(1964) à traiter de façon systématique de la négociation. Iklé définit lanégociation comme un processus dans lequel des propositions explicitessont formulées dans le but de conclure un accord sur un échange ou sur laréalisation d’un intérêt commun dans un domaine où il existe des diver-gences d’intérêts1. Selon P. Terrance Hopmann (1996), cette définition metl’accent sur deux éléments. Le premier est la présence de motivations mixtes dans le cadre d’une négociation puisque celle-ci implique toujoursune situation où existe une combinaison d’intérêts communs et conflic-tuels. Le second est l’existence d’un contexte de prise de décision illustrantl’interdépendance entre les parties car le résultat d’une négociation est tou-jours issu d’une prise de décision conjointe entre les parties. Zartmann(1976) abonde dans le même sens en décrivant le processus de négociationcomme une dynamique qui implique des concessions pour parvenir à éta-blir les conditions dans lesquelles les décisions de chacun créeront unrésultat mutuellement optimal pour l’ensemble.

Ainsi, la pensée dominante depuis l’œuvre fondatrice de ThomasSchelling en 1960 considère que la plupart des situations conflictuellessont, en fait, essentiellement des situations de marchandage où la capacitéd’un des participants à atteindre ses objectifs dépend dans une largemesure des choix et des décisions de l’autre participant (5). L’approche dumarchandage (bargaining approach) a donc dominé le programme derecherche sur les négociations internationales jusqu’au début des années1980, où l’importance croissante des négociations multilatérales a favoriséune nouvelle approche centrée sur la résolution de problèmes de façonintégrative (integrative problem solving) (Fisher et Ury, 1991; Hopmann,1996; Zartmann et Berman, 1982). C’est cette approche qui conviendrait

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le mieux aux négociations multilatérales, notamment aux négociationscommerciales multilatérales, qui sont en général caractérisées par troistraits distinctifs : la complexité, la formation de coalitions et l’existence declivages (crosscuttings) (Hopmann, 1996).

Un autre trait distinctif, mais non exclusif, de la négociation com-merciale multilatérale est l’existence d’une phase de pré-négociation dontla centralité a été reconnue par Harold Saunders (1985; aussi Kriesdberg etThorson, 1991; Mitchell et Webb, dir., 1988; Stein, dir., 1989). Cette phasede pré-négociation a été définie par Zartmann (1989) comme une périodequi commence « …when one or more parties consider negotiation as apolicy option and communicate this intention to other parties. It ends whenthe parties agree to formal negotiations (an exchange of proposals desi-gned to arrive at a mutually acceptable outcome in a situation of interde-pendent interests) or when one party abandons the consideration of nego-tiation as an option ». La phase de pré-négociation correspond donc à lapériode qui s’insère entre le moment où aucune des parties à un conflitn’envisage de solution coopérative possible, et le moment où commencentles négociations formelles en vue d’identifier conjointement des solutionspour mettre fin définitivement au conflit.

Dans une négociation commerciale multilatérale, la phase de pré-négociation est extrêmement importante puisqu’elle remplit trois fonctionscentrales. La première fonction de la pré-négociation est de permettre auxparties en cause de se rendre compte et de se convaincre que la négocia-tion peut être avantageuse pour chacune d’elles. La deuxième fonction,l’établissement de l’agenda de la négociation à venir, porte non seulementsur le contenu des points à discuter, mais également sur l’ordre dans lequelon abordera chacun des thèmes de négociation. Selon G. R. Berridge(1995 : 120-24), cette fonction peut facilement susciter la controverse, carune proposition d’agenda émanant d’une des parties peut très bien conte-nir en filigrane un projet implicite d’entente qui ne fera pas l’affaire del’autre partie. D’où les discussions possibles sur les liens à établir (linka-ges) entre les différents thèmes prévus à l’agenda et le danger de mésen-tente concernant telle ou telle proposition de lien(s). La troisième fonctionde la pré-négociation, quant à elle, est de permettre d’aboutir à un accordsur la procédure de la négociation à venir, ce qui implique la discussion dequestions concernant l’endroit et le format de la négociation, le niveau etla composition des délégations ainsi que tout ce qui concerne la dimensiontemporelle (début, durée, fin) de la négociation.

Gunnar Sjöstedt (2000) note pour sa part que, dans une négociationmultilatérale, à caractère commercial ou autre, les acteurs qui contrôlent lastructure de l’échéancier et le contenu des négociations (agenda setting etissue clarification) durant la pré-négociation gagnent un avantage straté-gique dans les phases subséquentes du processus de négociation. Il en tirela conclusion que « in a multilateral negotiation the stage of issue clarifi-

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cation is usually a hard struggle among a group of leading nations on suchdetails as strategic perspectives, key concepts, and criteria for the accu-mulation of necessary background information ». Il en découle que, dansune pré-négociation multilatérale où existe une asymétrie importante depuissance, les moins nantis seront tout simplement laissés de côté ou, àtout le moins, amenés à ne jouer qu’un rôle secondaire. Par contre, lasymétrie de puissance entre les principaux acteurs peut donner un certainpoids aux États plus faibles qui agissent alors comme « lubrifiants », enproposant des solutions de compromis permettant de faire déboucher lapré-négociation. Ce qui serait particulièrement le cas pour les puissancesmoyennes comme le propose notre intuition de départ.

Comme on peut donc le constater à la lumière de ce qui précède, lapré-négociation constitue une phase cruciale dans tout processus de négo-ciation multilatérale. Malheureusement, il existe encore très peu d’étudessur cette phase spécifique des négociations commerciales multilatérales.

Brian Tomlin (1989 : 258-62) a produit une étude fort bien documen-tée sur la pré-négociation ayant mené à l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis, accord qui constituait toutefois une négociation commercialebilatérale et non multilatérale. L’étude a permis d’isoler un certain nombrede points tournants, amenant l’auteur à identifier cinq phases caractéris-tiques d’une pré-négociation. Gilbert R. Wynham (1989 : 289-90), poursa part, a mené l’étude la plus intéressante pour notre propos, puisqu’ils’agit d’une analyse de la pré-négociation dans le cadre de la ronde del’Uruguay des négociations commerciales multilatérales. L’auteurconclut que la pré-négociation a rempli la plupart des fonctions que la lit-térature spécialisée assigne à ce type d’exercice, malgré la nature particu-lière des sujets en cause et en dépit du nombre très élevé de participants.Ainsi, la pré-négociation de la ronde de l’Uruguay a permis de structurerla situation, d’établir les frontières et d’identifier les thèmes de discus-sions et, plus généralement, de fournir le cadre de la négociation à venir.Une des raisons de ce succès réside dans le fait que la pré-négociation,dans le cas des négociations commerciales multilatérales, se déroule dansle cadre d’un régime institutionnalisé, celui du GATT, qui agit commecontrainte pour l’ensemble des participants. Pour Wynham, cependant, undes déterminants principaux du succès d’une négociation multilatérale estl’exercice du rapport de force politique. Dans le cas de la pré-négociationde la ronde de l’Uruguay, le leadership politique s’est manifesté de deuxfaçons : par un exercice individuel de la part de chacune des deux grandespuissances commerciales que sont les États-Unis et l’Union européenne(alors la CEE), de même que par un exercice conjoint de leadership où lesdeux puissances centrales travaillèrent de concert pour établir l’agenda desnégociations à venir.

On retrouve là un parallèle extrêmement intéressant entre le déroule-ment de la pré-négociation de la ronde de l’Uruguay et ce qui s’est produit

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lors de la pré-négociation devant mener à la ZLÉA. Il se trouve, en effet,que dans les deux cas la pré-négociation a permis 1) d’établir l’agenda et2) d’obtenir une entente sur la procédure pour les négociations formelles àvenir. La grande différence toutefois est que le résultat positif de la pré-négociation de la ZLÉA semble avoir été obtenu sans exercice soutenud’un leadership politique de la part des deux principaux acteurs, les États-Unis et le Brésil, facteur pourtant considéré comme un préalable essentielpar Wynham pour le succès de la pré-négociation. La pré-négociation dela ZLÉA ressemble beaucoup à la situation décrite par Sjöstedt, où lasymétrie relative de puissance entre les principaux acteurs bloque le dérou-lement normal du processus. Dans une telle situation, des États plus faibles,mais qui possèdent néanmoins des ressources et de l’expertise, peuventdevenir des facilitateurs en soumettant des propositions capables de faireprogresser les choses.

C’est dans ce contexte que le rôle des puissances moyennes peut deve-nir significatif. Or, les auteurs qui abordent la question du rôle des Étatsintermédiaires dans les pré-négociations commerciales internationales sonttrès rares. La terminologie et les concepts usuellement employés dans la lit-térature qualifient les acteurs des pré-négociations comme étant forts ou fai-bles, plus forts ou plus faibles. Le rôle joué par les puissances moyennes entant que facilitateurs ou intermédiaires est complètement négligé par la lit-térature qui place obligatoirement tous les acteurs dans une dyade où ilssont, soit forts, soit faibles.

Il y a là une anomalie que nous voulons examiner de plus près. L’a-nalyse qui suit tente de répondre à une interrrogation centrale : commentla pré-négociation, dans le cas de négociations commerciales multilatéra-les, peut-elle permettre de s’acquitter des deux principales fonctions que lalittérature spécialisée assigne à ce type d’exercice, en l’absence d’un déter-minant central qui est l’exercice d’un leadership politique soutenu de lapart des États les plus importants. Notre intuition, dans le cas de la ZLÉA,est qu’un des facteurs de succès de la pré-négociation a été le travail defacilitateur et de catalyseur réalisé par les gouvernements des puissancesmoyennes.

L’examen porte sur une période de quatre ans commençant avec lepremier Sommet des Amériques tenu à Miami en décembre 1994, et se ter-minant avec le lancement officiel des négociations lors du deuxième Som-met des Amériques qui s’est tenu à Santiago, Chili, en avril 1998. Tout aulong de cette période et par rapport à certains enjeux significatifs, nousanalysons le calcul stratégique initial et la stratégie de négociation de qua-tre acteurs importants2. Dans le cadre précis de la ZLÉA, les États-Unis etle Brésil sont considérés comme les deux acteurs les plus importants ensituation de relative symétrie de pouvoir. Une situation qu’illustre parfai-tement la décision de confier aux gouvernements des États-Unis et du Bré-sil la co-présidence de la phase ultime des négociations. Le Canada et l’Ar-

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gentine ont été sélectionnés comme exemples de puissances moyennes surla base de leur positionnement dans la hiérarchie de puissance dans lesAmériques et de leur comportement dans le cadre de la pré-négociation.

3. Les résultats de l’analyse

Une des fonctions centrales de toute pré-négociation consiste à établir lecadre de la négociation à venir. Cette partie des discussions porte princi-palement sur des questions de procédure qui peuvent sembler, de primeabord, de peu d’intérêt, mais dont Berridge (1995 : 124) a montré qu’ellesétaient loin d’être sans signification pour l’issue des négociations. Nousnous intéressons ici à deux enjeux très précis : le format des négociations,ainsi que l’échéancier et le rythme des négociations à venir. (On peut voirle résumé des positions dans le tableau en annexe.)

Enjeu 1 : le format des négociations

La question du format fait référence au modèle à adopter pour la négocia-tion formelle en vue de la création de la ZLÉA. L’enjeu fondamentalconsistait à déterminer si la prochaine zone de libre-échange des Amé-riques serait calquée sur le modèle de l’ALÉNA ou si elle résulterait plu-tôt d’un compromis entre les règles de l’ALÉNA et celles du MERCOSUR,qui représentent deux modèles d’intégration assez différents (Bernier etRoy, 1999). Cette décision était cruciale pour la marche à suivre et le for-mat des négociations à venir. L’option ALÉNA supposait, en effet, unenégociation où, le contenu étant déterminé, on examinerait essentiellementles conditions d’accession des autres pays à un accord qu’il s’agirait sim-plement d’élargir à l’ensemble de la région. L’autre option, au contraire,supposait une véritable négociation de bloc à bloc menée en fonction descontraintes imposées par les paramètres de chacun des modèles en cause.La dynamique était très différente d’un cas à l’autre.

Pour les gouvernements concernés, le calcul stratégique de départétait le suivant. Dans le cas des États-Unis et du Canada, la position dedépart des deux gouvernements consistait naturellement à favoriser lemodèle ALÉNA puisque c’était l’option comportant les coûts les plus fai-bles pour eux. Le Canada et les États-Unis appliquaient déjà ce modèle etavaient donc peu d’ajustements à apporter à leurs politiques. De plus, ilsse trouvaient dans la position confortable d’arbitres qui allaient déciderquels États avaient suffisamment ajusté leurs politiques pour pouvoirmaintenant faire partie de l’ALÉNA. Le cas de l’Argentine était différent.L’Argentine privilégiait en effet l’option ALÉNA parce qu’elle était consi-dérée à cette époque par plusieurs comme le deuxième candidat en liste,après le Chili, pour une accession à la pièce à l’ALÉNA. Cette accessionaurait légitimé tout le programme économique du gouvernement Menemdepuis 1989, tout en raffermissant le statut de l’État argentin sur la scène

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internationale, ce qui aurait élargi du même coup sa marge de manœuvrepar rapport à son voisin brésilien. Cependant, l’Argentine était membre duMERCOSUR et le gouvernement de Buenos Aires était loin d’être assuréd’accéder automatiquement à l’ALÉNA. C’est pourquoi le gouvernementargentin est demeuré discret au départ quant à la question du format desnégociations, voulant ainsi protéger ses arrières. Le Brésil enfin, commecertains autres États de la région, était opposé au modèle ALÉNA parceque cette option plaçait les gouvernements latino-américains dans uneposition de demandeurs, et donc en situation d’infériorité stratégique dèsle début de la négociation. Brasilia privilégiait nettement la négociationd’un compromis entre les modèles ALÉNA et MERCOSUR qui seul, auxyeux du gouvernement brésilien, permettrait une négociation sur un piedde relative égalité.

Dès le début de la pré-négociation, les deux acteurs centraux du pro-cessus ont cherché à exercer un leadership individuel, plus marqué dans lecas des États-Unis que dans celui du Brésil, visant non pas à construireensemble l’agenda des négociations à venir mais plutôt à circonscrire laposition de l’autre. C’est ainsi que, lors des consultations préliminairesorganisées par Washington en prévision du Sommet de Miami, le gouver-nement des États-Unis avançait déjà l’idée que l’ALÉNA devait constituerla pierre d’assise de la future ZLÉA (Feinberg, 1997 : voir aussi Maclean’s[1994 : 30]). Cette idée paraissait alors appuyée par plusieurs gouverne-ments de la région à l’exception des gouvernements des pays membres duMERCOSUR, le Brésil en particulier, pour les raisons que l’on vient dementionner. Le Sommet de Miami n’a pas véritablement tranché la questionet a même semblé donner un certain poids à la position brésilienne dans lamesure où un passage de la Déclaration finale stipulait que les États mem-bres s’engageaient à : « …build on existing subregional and bilateral arran-gements in order to broaden and deepen hemispheric economic integrationand to bring the agreements together » (Voir le texte de la Déclaration dansRosenberg et Stein, dir., 1995 : 10).

La situation était toutefois loin d’être limpide à la suite du Sommetde Miami et on pouvait craindre que l’opposition Brésil-États-Unis nefasse déraper l’ensemble du processus. Afin d’ouvrir le débat et dans lebut de désamorcer une crise possible, le Secrétaire général de l’Organisa-tion des États américains (OÉA) prononça un certain nombre de discourstout au long de l’année 1995. Dans ses discours, César Gaviria (1995)identifiait quatre scénarios possibles pour la mise en place de la futureZLÉA : 1) l’incorporation de tous les pays de la région au MERCOSUR,2) l’extension de l’ALÉNA à tous les pays de la région, 3) la création dedeux blocs régionaux autour de l’ALÉNA et du MERCOSUR qui s’uni-raient éventuellement pour former la ZLÉA et 4) l’option préférée del’OÉA consistant à créer de toutes pièces un nouvel accord par une négo-ciation ouverte à tous sur la base des ententes existantes3.

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C’est avec le même objectif que le gouvernement canadien en vint àmodifier sa position initiale pour proposer, à la rencontre ministérielle deDenver de juin 1995, une approche semblable à celle que préconisaitl’OÉA. La proposition canadienne consistait, en effet, à adopter le mêmecadre de négociations multilatérales que celui qui était en vigueur au GATT(devenu l’OMC) (Hall, 1995b : A1). Cette proposition, semblable à l’option4 identifiée par l’OÉA, n’a pas été accueillie favorablement à ce moment etla recherche d’un compromis continuait. Au cours des rencontres prépara-toires à la réunion ministérielle de Carthagène de mars 1996, Washington etBrasilia proposèrent un sommet ALÉNA-MERCOSUR pour tenter encoreune fois de dénouer l’impasse. Le gouvernement mexicain refusa tout net,voulant ainsi éviter que le Brésil n’en vienne à être considéré comme leporte-parole principal des intérêts latino-américains (Inside NAFTA, 1996a :5). Le gouvernement canadien, pour sa part, insista à nouveau à Carthagènesur le fait qu’une éventuelle fusion ALÉNA-MERCOSUR n’était pas lasolution puisque les deux accords avaient des objectifs fondamentalementdifférents et qu’aucune convergence entre les deux n’était possible sans quel’un ou l’autre accord ne perde de sa substance (Scanlon : 4).

Un progrès substantiel vers une solution négociée est apparu lors de larencontre ministérielle de Belo Horizonte, tenue en mai 1997, alors que legouvernement des États-Unis ainsi que ceux du CARICOM et de la Com-munauté andine se sont ralliés à la proposition canadienne de négociationsmultilatérales entre les 34 gouvernements participant au processus. Lesgouvernements des pays du MERCOSUR, quant à eux, demeuraient surleurs positions mais, déjà, les représentants brésiliens laissaient entrevoirune évolution probable de cette position (America’s Trade, 1997a : 1).

Cette évolution fut confirmée lors de la rencontre ministérielle de SanJosé de mars 1998, où tous les gouvernements présents ont accepté le com-promis canadien de négociations multilatérales. Il fut aussi convenu, en dépitd’une certaine opposition de Washington, que les gouvernements pourraientnégocier individuellement ou en groupe. Finalement, on a aussi accepté quetout accord final soit adopté sur la base du principe du consensus.

Le résultat final de la pré-négociation quant au format des négocia-tions à venir constitue assurément un progrès par rapport à la situation dedépart de la pré-négociation. Il est clair également que ce progrès résultad’une proposition d’un État intermédiaire, le Canada, qui a modifié sa pro-pre position initiale, identique à celle des États-Unis, afin de mettre sur latable une solution de compromis permettant de lancer les négociations. Cecompromis de San José a ainsi facilité le lancement officiel des négocia-tions lors du 2e Sommet des Amériques à Santiago.

Enjeu 2 : l’échéancier et le rythme des progrès à accomplir

Nous entrons de plain-pied ici dans des questions de procédure qui, deprime abord, peuvent paraître banales mais n’en ont pas moins un effet

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structurant pour la négociation à venir. La question de l’échéancier faitréférence aux dates limites tant pour le début des négociations formellesque pour la mise en place de la zone de libre-échange elle-même. Lerythme des progrès à accomplir fait référence à la possibilité de conclureet de mettre en application des accords partiels en cours de négociationplutôt que d’attendre la conclusion d’un accord final à la toute fin desnégociations. Dans les deux cas, l’enjeu fondamental concerne le dyna-misme des négociations et l’image projetée à l’extérieur. Un échéanciervague et l’obligation d’attendre un accord final pour une quelconque miseen application donne l’impression d’un faible dynamisme et favorise laposition des gouvernements qui, comme celui du Brésil, souhaitent que leschoses n’aillent pas trop vite pour laisser à leurs économies nationales unepériode d’adaptation appropriée, ou de ceux qui comptent sur des linkagespour réaliser des gains. Un échéancier fixe et la mise en œuvre immédiated’accords partiels, à l’inverse, donnent l’impression d’un dynamisme sou-tenu – ce que souhaitent les gouvernements qui désirent une mise en placerapide de la ZLÉA – et réduisent progressivement la possibilité de linkageau fil de la négociation.

La position initiale de trois des quatre gouvernements en cause favo-risait un fort dynamisme des négociations, mais pour des raisons différen-tes. Dans le cas de l’Argentine et du Canada, dont le positionnement stra-tégique était semblable, le calcul de départ voulait que la mise en place dela ZLÉA allait favoriser une certaine diversification des échanges écono-miques extérieurs et accroître ainsi la marge de manœuvre de chacun desdeux gouvernements face à leurs puissants voisins. Les motifs de Was-hington étaient tout autres. Le gouvernement des États-Unis voulait que leschoses avancent rapidement, principalement pour éviter que des ententescommerciales éventuelles entre des acteurs extra-hémisphériques, l’Unioneuropéenne en particulier, et des groupes sous-régionaux comme le MER-COSUR, ne viennent compliquer la négociation à venir et ne confèrent auxgrands rivaux commerciaux des États-Unis une longueur d’avance enterme d’accès à certains marchés latino-américains (Morton, 1994). Il fautajouter aussi que la plupart des autres pays des Amériques étaient encoreplus pressés d’avoir un libre accès au marché américain et favorisaientainsi un fort dynamisme.

Le gouvernement brésilien, pour sa part, est le seul des quatre à pré-férer, initialement, un faible dynamisme. La justification officielle de Bra-silia est qu’il faut d’abord consolider le MERCOSUR afin d’obtenir pourles pays d’Amérique latine un traitement plus équitable dans la futureZLÉA. Cependant, certains analystes ont remis ce motif en question. Àleur avis, le gouvernement brésilien ne considère pas vraiment le MER-COSUR comme une étape débouchant nécessairement sur une intégrationcommerciale hémisphérique (Soares de Lima, 1996 : 143). Car, avec unebase économique diversifiée et des marchés d’exportation assez également

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répartis entre les Amériques, l’Europe et l’Asie, le gouvernement brésilien,à la différence de la majorité de ses voisins, s’accommoderait très bien del’absence d’une ZLÉA, étant donné que sa perception du Brésil est celled’un acteur à vocation mondiale plutôt que régionale (Soares de Lima,1996 : 143-44). En fait, si le gouvernement brésilien veut ralentir le pro-cessus, c’est principalement pour donner du temps aux entreprises du paysafin qu’elles puissent se moderniser et se préparer à la concurrence dansun marché régional élargi. Enfin, le Brésil est moins pressé de commencerles négociations de la ZLÉA parce qu’il peut profiter de son marché inté-rieur et qu’il est moins dépendant du marché américain que l’Argentine oule Canada.

Cela dit, venons-en maintenant au positionnement des gouverne-ments par rapport à la question de l’échéancier. Lors des consultations pré-liminaires de l’automne 1994, ni le gouvernement des États-Unis ni celuidu Brésil ne sont favorables à l’idée de fixer au départ une date limite pourla mise en place de la ZLÉA. Nous connaissons le fondement de la prisede position brésilienne. En ce qui concerne les États-Unis, le gouverne-ment désire bien entendu que les choses aillent rapidement, mais il craintaussi d’effaroucher le mouvement syndical et une partie du Congrès aprèsle débat houleux qui accompagna la mise en place de l’ALÉNA. Was-hington craignait également que la fixation immédiate d’une date limite neréduise la marge de manœuvre des États-Unis, en obligeant les négocia-teurs gouvernementaux à faire des concessions par rapport à certainsenjeux importants par manque de temps (Feinberg, 1997 : 78).

Malgré la réticence des deux principaux acteurs, un élément de l’échéancier fut réglé assez rapidement, lors des consultations prélimi-naires, quand le gouvernement argentin soutint avec insistance la néces-sité d’une date limite pour l’établissement de la ZLÉA. Buenos Aires est,en effet, parvenu à convaincre ses partenaires en jouant habilement sur lacomparaison entre les processus d’intégration économique en cours enAsie-Pacifique et dans les Amériques. L’annonce que les pays membres del’APEC (Asian Pacific Economic Cooperation) s’étaient donné commeobjectif de parvenir à former une zone de libre-échange avant 2020 a servide prétexte au gouvernement argentin. « If the APEC declaration is notbalanced with a similar commitment by America, we will have surrende-red the priority of US trade initiative to the Pacific » (Feinberg, 1997 :137). Sur cette base, il devenait facile de convaincre la majorité des gou-vernements de la région que l’établissement d’une date limite plus rappro-chée était le meilleur moyen de placer l’intégration économique des Amé-riques au premier rang des préoccupations de politique commercialeextérieure pour chacun d’entre eux. Toute opposition formelle de la partdes États-Unis et du Brésil devenait impossible dans les circonstances et laDéclaration officielle du Sommet de Miami a pu ainsi contenir un passageannonçant l’objectif de 2005 pour la mise en place de la ZLÉA.

Asymétrie de puissance et négociations économiques 141

Le deuxième aspect de l’échéancier concernait le moment oùdevaient commencer les négociations formelles. Jugée peut-être moinsstratégique, cette question n’avait pas été abordée lors du Sommet deMiami et devait donc être clarifiée au cours de la pré-négociation. C’estlors de la préparation de la rencontre ministérielle de Belo Horizonte demai 1997 que le problème s’est posé, à la suite d’une proposition duCanada visant à lancer les négociations formelles lors du 2e Sommet desAmériques prévu pour avril 1998 à Santiago du Chili. Le gouvernementcanadien exprimait également le vœu que les négociations soient complé-tées au plus tard le 31 décembre 2003, car il estimait qu’il faudrait deuxans pour que les différents gouvernements parviennent à faire ratifier lesdécisions préalablement négociées (Inside NAFTA, 1997a : 4).

Deux conceptions s’affrontaient alors quant au lancement officiel desnégociations. Les États-Unis, le Mexique ainsi que plusieurs gouverne-ments d’Amérique centrale, des Andes et des Caraïbes étaient favorablesà la proposition canadienne, alors que les pays du MERCOSUR, Brésil entête, paraissaient beaucoup plus hésitants. L’opposition des gouvernementsdu MERCOSUR était apparemment plus circonstantielle que fondamen-tale dans la mesure où il s’agissait pour eux d’obtenir des assurances quantà l’ordre des discussions lors des négociations formelles (Americas Trade,1997b : 1, 16-17; Americas Trade, 1997c : 1-2). À l’évidence, il y avait iciune question de « linkage ».

Les possibilités de blocage étaient cependant très réelles en dépit dela position minoritaire des gouvernements du MERCOSUR. Et c’est à cemoment crucial que se manifesta l’un des rares exemples de leadership dugouvernement des États-Unis durant toute la période de pré-négociation.Lors de la rencontre de Belo Horizonte, les représentants des États-Unisont fait connaître leur intention de mettre fin à la rencontre sans la décla-ration ministérielle conjointe habituelle plutôt que de donner leur accord àune déclaration mettant en doute la volonté des gouvernements partici-pants de lancer la négociation lors du Sommet de Santiago (AmericasTrade, 1997d : 22).

L’ultimatum de Washington a porté fruit car tous se sont finalementralliés à la décision de lancer les négociations à Santiago. S’y opposer étaitimpensable pour les dirigeants du MERCOSUR aussi bien que du Brésil,puisque cela aurait signifié, ou bien la mise au rancart de toute l’entreprise,ou bien la continuation du processus en l’absence des pays du MERCO-SUR. Sans exclure la possibilité d’un éclatement du MERCOSUR lui-même sur cette question.

La question de l’échéancier constitue l’un des rares moments de lapré-négociation de la ZLÉA où l’exercice du leadership par l’État hégé-monique fut déterminant dans la progression de l’ensemble du processus.La poussée initiale est venue de l’initiative d’un État intermédiaire, enl’occurrence le Canada, mais cette initiative à elle seule n’aurait pas suffi,

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cette fois, à faire aboutir la pré-négociation en l’absence d’une manifesta-tion de leadership de la part de l’acteur central du processus.

Outre l’échéancier, une question de procédure importante concernaitle rythme des progrès à accomplir. L’enjeu, rappelons-le, portait sur ledynamisme puisqu’il s’agissait de déterminer s’il fallait attendre un accordglobal pour mettre en place la zone de libre-échange, ou s’il était possibled’enclencher une partie du processus de ratification et de libéralisation dèsla conclusion d’accords partiels. Encore une fois, au départ, les points devue des États-Unis et du Brésil s’opposaient. La position de Washingtonfavorisait la conclusion d’accords partiels, alors que le gouvernement bré-silien était plutôt favorable à la conclusion d’un accord global avant de met-tre en application quelque élément que ce soit de la future ZLÉA. Ce choixs’expliquait par la volonté du Brésil d’utiliser les négociations pour amé-liorer le rapport de force entre les pays du Cône sud et les pays industriali-sés du Nord, au premier chef les États-Unis. Les préférences du Canada etde l’Argentine, quant à elles, s’alignaient sur celles de leurs voisins. LeCanada, comme les États-Unis, voulait que les progrès soient rapides. Legouvernement argentin n’était pas fondamentalement opposé à cette posi-tion mais il lui semblait plus utile au départ de faire front commun avec sespartenaires du MERCOSUR pour qui l’attente d’un accord global allaitpeut-être permettre un meilleur marchandage.

Dès le Sommet de Miami, la Déclaration de principes semble faireétat d’un consensus en faveur de la position de Washington. On y lit eneffet que les signataires acceptent que : « …concrete progress toward theattainment of this objective will be made by the end of this century » (voirle texte de la Déclaration dans Rosenberg et Stein, 1995 : 10). Encore en1996, la déclaration finale de la rencontre ministérielle de Carthagène rap-pelle que les gouvernements participants s’engagent à réaliser des progrèsconcrets avant l’année 2000 (Déclaration ministérielle de Carthagène).C’est sur la base de cette double assurance que les représentants des États-Unis reviennent à la charge en vue de la rencontre ministérielle de San Joséde mars 1998. Washington précise alors trois types de progrès que lesÉtats-Unis désirent voir se réaliser avant l’an 2000 : 1) la mise en œuvrepar tous les gouvernements participants des obligations contractées dans lecadre de la ronde de l’Uruguay et de l’OMC, 2) l’adoption de mesuresfacilitant le commerce (business facilitation measures) comme par exem-ple l’amélioration des procédures douanières et 3) la conclusion d’accordspartiels à mettre en œuvre avant 2005 (Otteman, 1998 : 18-20).

Le moins que l’on puisse dire est que la proposition des États-Unisn’a pas fait l’unanimité. À la réunion de Denver déjà, plusieurs gouverne-ments d’Amérique latine et des Caraïbes s’étaient opposés à l’accélérationde la mise en œuvre des engagements pris lors des négociations de laRonde de l’Uruguay (Otteman, 1995 : 18-20). À San José, les pays duMERCOSUR, Brésil en tête, s’opposent à la conclusion d’accords partiels

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avant 2005. Ils bénéficient de l’appui du Mexique, alors que le Canadasoutient la proposition des États-Unis (New, 1998 : 16-17).

Le gouvernement brésilien, qui fait figure de leader de l’oppositionsur cette question, rejette l’idée des accords partiels en invoquant le prin-cipe de l’engagement unique (single undertaking) que les diplomates bré-siliens, ingénieux comme toujours, ont défini à leur manière comme vou-lant dire que rien n’est vraiment décidé tant qu’un accord global n’est pasconclu. Les négociateurs brésiliens étaient ouverts à l’idée de conclure desaccords intérimaires dans des secteurs n’ayant pas d’impact sur l’ensem-ble des négociations (Otteman, 1997a : 1-3)4 ; pour le reste, ils voulaientpréserver leur marge de manœuvre et ne pas avoir à révéler leur jeu avantles États-Unis.

La déclaration finale de la rencontre ministérielle de San José paraîtconsacrer la victoire de la position du Brésil et de ses alliés du MERCO-SUR ce qui, en fait, traduit un changement de la trajectoire institution-nelle concernant cette question. Le seul élément de consensus qui restaità ce sujet après San José (mars 1998) concernait l’adoption et la mise enplace de mesures facilitant le commerce (dont certaines ont d’ailleurs étéadoptées à la rencontre ministérielle de Toronto de novembre 1999). Uncompromis boiteux qui dissimulait mal qu’un désaccord fondamentaldemeurait sur la question du rythme des progrès à atteindre en cours denégociation entre la position défendue par le Canada et les États-Unisd’une part, et par le Mexique et les pays du MERCOSUR de l’autre. À ladifférence des points examinés précédemment, ce blocage est à mettre enrelation avec l’apparente incapacité des deux puissances moyennes, leCanada et l’Argentine, à s’éloigner suffisamment de la position adoptéepar leur allié principal pour jouer le rôle de facilitateurs.

Enjeu 3 : le niveau des droits et obligations

Si les deux enjeux examinés jusqu’ici avaient trait au cadre des négociationsà venir, les deux suivants concernent plutôt la structuration de l’agenda denégociation. Structurer l’agenda dans le cadre des négociations de la ZLÉAsuppose une discussion à propos de deux grands éléments : la portée de l’ac-cord à venir et l’ordre en fonction duquel doivent se dérouler les négocia-tions. La portée de la future ZLÉA concerne, bien sûr, la détermination dessecteurs d’activité économique qui doivent être inclus dans l’accord ouexclus de l’accord. Doit-on inclure uniquement les secteurs traditionnels ducommerce international ou faut-il plutôt ajouter aussi de nouveaux domainesconsidérés comme non-conventionnels, tels les achats gouvernementaux oule commerce électronique? La portée fait aussi référence à la question fortimportante de savoir quel niveau d’obligations veulent se donner les gou-vernements. Doit-on se contenter des normes déjà adoptées par l’OMC oualler au-delà? L’ordre des négociations, quant à lui, implique de s’entendresur la séquence des négociations à venir—un élément majeur de la négocia-

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tion, comme nous le verrons plus loin, étant donné ses implications dans lecalcul stratégique des acteurs.

La question du niveau des droits et obligations à inclure dans lefutur accord de libre-échange met en cause un enjeu particulièrementfondamental, surtout lorsqu’il est question de négociations commercialesentre pays du Nord et du Sud. C’est tout le problème du rapport entre laproduction économique traditionnelle, qui est généralement le lot despays du Sud, et la nouvelle économie du savoir, où dominent les serviceset qui est concentrée dans les pays du Nord. Dans le cas des négociationsde la ZLÉA, le problème concerne évidemment les secteurs économiquesà inclure ou à exclure, mais il s’est surtout cristallisé autour de la notionde OMC+. Doit-on ou non ajouter aux règles déjà en vigueur dans lecadre de l’OMC?

Le Canada et les États-Unis, comme économies du Nord, souhaitaientnaturellement que le futur accord inclue les secteurs de la nouvelle écono-mie, comme les services, et aille plus loin que les normes en vigueur del’OMC. Un régime de normes clairement identifiées pour les secteurs dela nouvelle économie dans l’ensemble des Amériques avantagerait lesentreprises canadiennes et étatsuniennes déjà très bien implantées dans cessecteurs. À l’inverse, le faible développement des entreprises du Cône suddans ces secteurs explique la préférence de départ des gouvernements duBrésil et de l’Argentine pour un accord limité aux règles de l’OMC et por-tant surtout sur la libéralisation du commerce des produits manufacturierset des produits de première transformation.

En ce qui concerne le niveau des droits et obligations, le Plan d’ac-tion du Sommet de Miami était resté plutôt discret sur le sujet. Le Bureaudu représentant étatsunien du commerce (USTR) avait cependant expriméle souhait que les normes de l’ALÉNA soient le point de référence de l’in-tégration continentale (Feinberg, 1997 : 132), ce qui représentait un niveaude discipline plus élevé que les dispositions du GATT/OMC. À Miami,cependant, les gouvernements présents n’ont fait que reconnaître la néces-sité d’appliquer les règles adoptées au cours de la Ronde de l’Uruguay etde souscrire « à des négociations multilatérales actives au sein de l’OMC,aux accords commerciaux bilatéraux et sous-régionaux, et aux autresarrangements commerciaux conformes aux dispositions du GATT/OMC etqui ne constituent pas des barrières pour les autres pays » (Plan d’actiondu Sommet de Miami).

Le véritable débat s’est amorcé à la rencontre ministérielle de Denveroù les Américains ont insisté justement pour que la ZLÉA aille au-delà desnormes adoptées à l’OMC. Pour les gouvernements du MERCOSUR, aucontraire, la ZLÉA devait seulement réaffirmer les accords de Marrakesh(OMC plutôt que OMC+) en respectant non seulement les normes, disci-plines et engagements acceptés à ce moment, mais en préservant égalementl’équilibre atteint lors des discussions de Marrakesh (Otteman, 1995 : 1). La

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proposition des États-Unis fut finalement retirée compte tenu de l’opposi-tion brésilienne et la déclaration finale de Denver (juin 1995) stipulera seu-lement que la ZLÉA sera « fully consistent with the provisions of the agree-ment establishing the WTO » (voir le point 2 de la déclaration ministériellede Denver; aussi, Inside NAFTA, 1995). À Carthagène, les positions furentidentiques, le Brésil ajoutant même que des conditions commerciales inéga-les pouvaient nuire à ses propres intérêts commerciaux (Otteman, 1996).

Le Canada et l’Argentine ont largement suivi la politique de leur pluspuissant voisin sur la question du niveau des droits et obligations. La posi-tion de l’Argentine est demeurée fidèle en tous points à celle du Brésil, tan-dis que la position du Canada épousait celle des États-Unis à quelquesexceptions près, comme, par exemple, sur la question de la propriété intel-lectuelle. En rapport à cet élément, le gouvernement canadien faisait eneffet circuler une proposition en janvier 1997 dans laquelle il indiquaitqu’à son point de vue il n’était pas nécessaire d’aller au-delà des normesde l’OMC dans ce domaine, ni dans ceux des normes techniques et desmesures sanitaires et phytosanitaires. Néanmoins, le Canada prônait tou-jours un niveau de discipline plus élevé que l’OMC dans le domaine desinvestissements, entre autres (Inside NAFTA, 1997a : 2-3).

La déclaration ministérielle de San José (mars 1998) confirme enquelque sorte le triomphe de la position brésilienne sur cette question,puisque les ministres se sont entendus sur le fait que la ZLÉA seraitconforme aux règles et aux disciplines de l’OMC (voir l’Annexe 1, Arti-cle C de la Déclaration ministérielle de San José du 19 mars 1998, ainsi queBouzas et Svarzman, 2001 : 2). La pré-négociation n’a donc pas permis detrouver un aménagement entre les positions des États-Unis et du Brésilcompte tenu du caractère important de l’enjeu. On peut supposer, commeMartin Roy et Ivan Bernier (1998 : 8), que le résultat final de la négocia-tion correspondra probablement au plus petit dénominateur commun etque les normes adoptées dans le cadre de la ZLÉA seront égales ou pour-raient même être de portée inférieure à celles de l’OMC. Dans ce cas pré-cis, la pré-négociation n’a pas permis d’en arriver à un véritable consensuset les puissances moyennes, Canada et Argentine, n’ont pas voulu ou n’ontpas pu jouer le rôle de facilitateurs.

En ce qui a trait maintenant à la question connexe des secteurs éco-nomiques à inclure ou non dans les négociations, c’est moins le nombre desecteurs à prendre en considération qui a posé problème que le traitementà accorder à la question des normes environnementales et du travail.

Pour le nombre de secteurs, la préférence initiale des États-Uniscomme pays industriel avancé était d’aller au-delà d’une simple réductiondes barrières tarifaires et non-tarifaires pour inclure des normes concernantles services, les investissements, les droits de propriété intellectuelle, etc.Le Brésil, pour sa part, désirait que la question demeure ouverte et doncobjet de marchandage, mais n’a pu trouver d’appuis à sa position chez ses

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voisins. Les autres gouvernements latino-américains étaient prêts à un trocau terme duquel on incluerait les secteurs proposés par Washington, enéchange de l’inclusion de secteurs économiques où les États-Unis étaientconsidérés comme contrevenant aux principes du libre-échange : agricul-ture, subventions, règles d’origine, droits compensateurs et antidumpingainsi que les clauses de sauvegarde (Feinberg, 1997 : 137).

Il y avait donc entente à ce sujet dès le Sommet de Miami, alors que lePlan d’action indiquait que les négociations porteraient sur les domaines sui-vants : 1) les barrières tarifaires et non tarifaires concernant les biens et lesservices, 2) l’agriculture, 3) les subventions, 4) les investissements, 5) lesdroits de propriété intellectuelle, 6) la passation des marchés publics, 7) lesbarrières techniques aux échanges internationaux, 8) les clauses de sauve-garde, 9) les règles d’origine, 10) les droits antidumping et compensateurs,11) les normes et procédures sanitaires et phytosanitaires, 12) le règlementdes différends et 13) la politique de concurrence.

Les discussions ont toutefois été beaucoup plus compliquées en ce quiconcerne l’introduction des normes environnementales et du travail. Cesont les représentants des États-Unis qui ont présenté la proposition initia-lement, avant tout pour des raisons de politique interne. On se rappellera eneffet que la ratification de l’ALÉNA aux États-Unis avait suscité un âpredébat politique dont l’élément central était la protection des intérêts des tra-vailleurs étatsuniens. Les représentants syndicaux et une partie de la classepolitique avançaient que les États-Unis subiraient une perte massive d’em-plois au profit du Mexique où les salaires étaient plus bas et les coûtsenvironnementaux étaient plus faibles pour les entreprises (Lemelin,1999 : chap. 6). La solution avait été la conclusion d’accords parallèles surle travail et l’environnement, qui ont permis la ratification de l’ALÉNApar le Congrès des États-Unis. La même logique sous-tendait la positionde Washington au moment de la pré-négociation de la ZLÉA. Pour con-trer, dans l’opinion publique des États-Unis, l’argument d’une perte possi-ble d’emplois au profit de l’Amérique latine et obtenir l’appui de la majo-rité du parti Démocrate, l’exécutif américain considérait qu’il fallait ànouveau lier la libéralisation du commerce à ces questions.

Sans pousser les choses aussi loin, le gouvernement canadien parta-geait ce point de vue, car des lois environnementales et du travail plussévères dans l’ensemble des Amériques permettraient aux entreprisescanadiennes d’être plus compétitives. Par contre, la très grande majoritédes gouvernements latino-américains, y compris ceux du Brésil et de l’Ar-gentine, étaient opposés à cette idée parce qu’une mise à niveau de leurslois du travail et de leurs exigences de protection environnementale avecce qui existait aux États-Unis et au Canada impliquait des coûts d’ajuste-ment très importants. Ils craignaient aussi qu’un éventuel lien entre com-merce, travail et environnement ne soit utilisé à des fins de protectionnismeéconomique par Washington (Feinberg, 1997 : 134-35). Leur préférence

Asymétrie de puissance et négociations économiques 147

était que ces questions soient traitées dans des forums multilatéraux commel’Organisation Internationale du Travail (OIT) et le Comité sur le com-merce et l’environnement de l’OMC, qu’ils jugeaient plus appropriés pourdiscuter de ces thèmes (Americas Trade, 1997e : 11-12).

Les représentants des États-Unis ont réussi néanmoins à obtenir desconcessions sur le plan du principe de la part des gouvernements latino-américains et un lien a été fait entre l’environnement, l’emploi et le com-merce dans le Plan d’action publié à l’issue du Sommet de Miami. S’estensuite posée la question des modalités d’application lorsque les États-Unis ont cherché à obtenir la création d’un groupe d’étude sur l’inclusionde toute cette thématique dans le processus de négociation devant mener àla création de la ZLÉA. La réunion ministérielle de Carthagène (mars1996) a ainsi été consacrée presque entièrement à des négociations entre leresponsable du commerce des États-Unis, Mickey Kantor, et ses homolo-gues sur la façon d’intégrer les questions environnementales et du travaildans les négociations à venir (Inside NAFTA, 1996b : 9). Washington atenté de convaincre les autres gouvernements de la région de créer desgroupes de travail portant sur ces questions (Marquez, 1996). La réponseinitiale des Brésiliens était que la proposition étatsunienne devait être reje-tée parce qu’elle allait au-delà du consensus du Sommet de Miami (InsideNAFTA, 1996c : 1). Cependant, Washington et Brasilia sont parvenus às’entendre sur la création d’un groupe d’étude sur les questions environ-nementales, mais cet aparté suscita la colère des autres gouvernements quin’avaient pas été consultés. Les ministres du commerce conclurent finale-ment qu’ils considéreraient la création d’un groupe d’étude sur l’environ-nement seulement à la suite de la lecture d’un rapport que l’OMC devaitbientôt déposer sur la question (Scanlon).

À la rencontre de San José, les ministres du commerce sont parvenusà une entente sur la question grâce à une proposition déposée par le Brésilen février 1998 (Otteman, 1998 : 19) qui a permis aux uns et aux autres desauver la face. Il faut dire que l’administration américaine avait déjà misde l’eau dans son vin en cherchant à convaincre les membres du Congrèsqu’il serait futile d’insister pour lier ces questions à l’octroi du fast trackauthority (appelé maintenant trade promotion authority) (Americas Trade,1997f : 1, 15-16). Il fut donc décidé qu’un comité de consultation seraitcréé pour étudier toutes les questions provenant des groupes d’universitai-res, d’environnementalistes et de représentants de milieux des affaires oude syndicats. Sous le couvert de l’anonymat, cependant, un responsablebrésilien affirmait que cette concession de la part des gouvernementslatino-américains était pratiquement dénuée de sens puisque le texte del’accord ne laissait planer aucun doute sur la véritable nature de ce grouped’étude. Il indiquait en effet que « you can’t go much lower than that »(Hall, 1995a). Ce qui signifiait que cette question était définitivement écar-tée à toutes fins pratiques pour les gouvernements d’Amérique latine.

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Durant la phase de pré-négociation, toute la discussion traitant de laportée de l’accord, c’est-à-dire du niveau des droits et obligations à retenirainsi que des secteurs à inclure dans les négociations, montre finalementque le Canada et l’Argentine ne sont pas parvenus à influencer le cours deschoses lorsqu’il s’est agi de structurer l’agenda et plus spécifiquement dedéterminer la portée des négociations à venir. On peut supposer que lerésultat obtenu était de nature à satisfaire tout le monde. D’un côté, lesÉtats-Unis et le Canada pouvaient être satisfaits que les négociations àvenir allaient inclure des secteurs non conventionnels comme les services,l’investissement, etc. De l’autre, les gouvernements d’Amérique latine etdes Caraïbes pouvaient considérer comme un gain le fait que le niveau desdroits et obligations n’irait pas au-delà de l’OMC et que les barrières aucommerce utilisées par les États-Unis, comme les subventions, les droitscompensateurs et les clauses de sauvegarde, feraient l’objet de discussionsdurant les négociations. En fait, par rapport à cet enjeu, seuls les États-Unis ont dû jeter du lest en ce qui concerne le niveau OMC+ et le lien entrele commerce, l’environnement et le travail.

Enjeu 4 : l’ordre des négociations

L’enjeu fondamental quant à l’ordre des négociations consiste à détermi-ner quels éléments seront négociés en premier et par quoi se terminera lanégociation. L’enjeu est très important puisqu’en début de négociation ungouvernement peut être amené à faire, sur une certaine question, desconcessions qu’il n’aurait pas été obligé de faire si cette question avait étéabordée à la fin des négociations. Toute la question de l’ordre des négo-ciations à venir était éminemment stratégique.

La position de départ des États-Unis consiste à favoriser une négociationpar étapes selon la séquence suivante. Les représentants étatsuniens veulentque les négociations portent d’abord sur la question de l’accès au marchépour aborder ensuite les questions de l’investissement, des normes sanitaireset techniques, du règlement des différends et des règles d’origine. Washing-ton proposait que les négociations se terminent par une discussion sur lesmesures de facilitation du commerce (Institute for European-Latin AmericanRelations). Le calcul stratégique de Washington en proposant cette séquenceétait de faire porter la discussion d’abord sur la réduction ou l’élimination desbarrières au commerce en Amérique latine, qui étaient plus élevées que dansd’autres marchés où étaient présentes les entreprises étatsuniennes. L’objectifétait d’obtenir un accord rapide sur ces points, de sorte que les entreprises desÉtats-Unis puissent profiter sans tarder de l’ouverture subséquente des mar-chés latino-américains, démontrant ainsi à l’opinion publique américaine quela ZLÉA serait profitable aux États-Unis. La proposition de Washington avaitaussi l’avantage non négligeable de retarder la discussion sur des sujets sen-sibles pour les États-Unis, comme les droits antidumping et compensateurs,la politique de concurrence, etc. (Inside NAFTA, 1997b : 1).

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Le Brésil aussi prônait une négociation par étapes, mais selon uneséquence inverse de celle que souhaitaient les États-Unis. Le gouverne-ment brésilien voulait en effet que la négociation porte d’abord sur lesmesures de facilitation du commerce, pour aborder ensuite les questionsnon liées à l’accès au marché. La dernière étape des négociations, à partirde 2003, pourrait alors porter sur les questions d’accès au marché et deréductions de tarifs (Americas Trade, 1997b : 1; 1997c : 1-2). La justifica-tion de la position brésilienne était que le président Cardoso avait reçu unmandat clair du secteur privé et des syndicats brésiliens en faveur d’unenégociation en trois phases, car il n’était pas possible de mettre fin du jourau lendemain à une décennie d’économie fermée (Otteman, 1997b : 2;Hall, 1997). Les négociateurs brésiliens affirmaient aussi, très généreuse-ment, que leur proposition donnait du temps à Washington pour obtenir lefast track authority du Congrès (Inside NAFTA, 1996d : 1, 3), mais il estsurtout évident que la séquence proposée par le Brésil avait le grand avan-tage de privilégier le MERCOSUR. En reportant la négociation sur lestarifs, on évitait en effet une discussion sur le tarif extérieur commun, quiétait la principale barrière commerciale utilisée par les gouvernements duMERCOSUR, pour centrer plutôt l’attention sur les barrières non tarifai-res et autres mesures employées par les pays du Nord. Quant aux gouver-nements du Canada et de l’Argentine, ils n’avaient pas de position dedépart très ferme sur ce sujet.

C’est lors des réunions ministérielles de Belo Horizonte (mai 1997)et de San José (mars 1998) que le débat sur cette question a été tranché. Undébut d’entente sur le sujet est survenu lors d’une réunion préparatoire à larencontre de Belo Horizonte, grâce à une proposition de la délégationcanadienne. L’initiative du Canada visait essentiellement à proposer uncompromis au terme duquel personne ne serait perdant. La propositioncanadienne d’amorcer simultanément les négociations dans tous lesdomaines avait justement cet avantage puisqu’elle permettait à chaquegouvernement de préserver ses options et de faire les liens (linkages) vou-lus au moment opportun. Les États-Unis ont alors abandonné leur propo-sition de négociation en étapes pour se rallier, comme l’ont fait d’ailleursla Communauté andine et le CARICOM, à la proposition canadienne(Institute for European-Latin American Relations). Cette volte-face desÉtats-Unis contribua à isoler le MERCOSUR dont les gouvernementsrefusaient le compromis (Otteman, 1997b : 2). L’intransigeance brési-lienne repoussa une prise de décision sur le sujet jusqu’à la réunion de SanJosé où le MERCOSUR se rallia finalement à l’opinion de la majorité. Ladéclaration finale soulignait alors que « les négociations débuteront simul-tanément dans tous les domaines thématiques » (voir l’Annexe 1, point Dde la Déclaration ministérielle de San José du 19 mars 1998).

Le thème de l’ordre des négociations fait référence à la fois à l’agendaet à la structure des négociations à venir. Il touche donc au contenu des

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négociations, mais aussi, et sans doute plus, à la procédure. C’est peut-êtrepourquoi le Canada, comme puissance moyenne, a pu jouer un rôle impor-tant de catalyseur et, du même coup, assurer le succès de la pré-négocia-tion à propos de cet enjeu. Reste maintenant à voir ce que ces éléments d’a-nalyse nous permettent de conclure à propos de l’impact du comportementdes puissances moyennes dans une pré-négociation commerciale multila-térale caractérisée par la double présence de la symétrie et de l’asymétriede puissance.

Conclusion

L’analyse qui précède permet de dégager un certain nombre de constats.En premier lieu, on observe que la pré-négociation dans le cadre de laZLÉA a véritablement été caractérisée par un double rapport de pouvoir.Une première configuration d’asymétrie de pouvoir mettait en relation desÉtats forts et des États faibles. Les premiers (États-Unis, Brésil, Canada,Mexique et Argentine) occupent les toutes premières places dans la hié-rarchie de la puissance des Amériques, alors que les autres sont très loinderrière, en particulier en ce qui concerne les petits pays des Caraïbes etd’Amérique centrale, dont la marge de manœuvre est très faible (voir lesdonnées pour la période 1965-1990 dans Mace, Bélanger et Thérien,1993 : 115-57; Mace et Bélanger, 1999 : chap. 3, 38-43). La deuxièmeconfiguration reflète une relative symétrie de puissance (dans le contextespécifique de cette pré-négociation) entre les deux principaux acteursimpliqués dans le processus, les États-Unis et le Brésil.

La position de négociation des États-Unis était en effet affaiblie parun certain nombre de considérations. Il y avait tout d’abord le fait fonda-mental du fonctionnement de la politique commerciale des États-Unis, quiest sous la juridiction du Congrès et non de l’exécutif. L’exécutif doit obte-nir une délégation de pouvoir du Congrès (le fast track authority) pourconclure des accords commerciaux internationaux avec ratification par leCongrès sans amendements. Durant toute la pré-négociation, l’exécutifaméricain a dû manœuvrer sans le fast track, avec la perte de crédibilitéque cela impliquait face aux autres délégations. Deuxièmement, il y avaitle fait que la pré-négociation de la ZLÉA ne constituait qu’un dossierparmi d’autres dans la politique étrangère des États-Unis. Enfin, les États-Unis avaient peu d’alliés véritables dans cette négociation, car leur poli-tique commerciale antérieure était considérée comme injustement protec-tionniste par leurs voisins des Amériques. D’où le faible leadership deWashington tout au long de la pré-négociation.

Le Brésil, au contraire, a exercé un leadership fort parce qu’il y avait,tout d’abord, une uniformité de points de vue chez les décideurs brésiliensquant aux objectifs à atteindre durant la pré-négociation. Ensuite, le gou-vernement brésilien pouvait compter sur un bloc MERCOSUR qui est

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demeuré généralement uni tout au long de la pré-négociation. Enfin, lepouvoir du Brésil résidait aussi dans la possibilité qu’il avait de dire non,à titre individuel et au nom du MERCOSUR. Il devait bien sûr éviter d’êtreisolé sur un enjeu majeur et être capable de convaincre ses voisins latino-amé-ricains de la justesse des positions brésiliennes, ce qu’est parvenue à faire àplusieurs reprises et avec son doigté habituel la diplomatie brésilienne.

Il y avait donc symétrie et asymétrie de pouvoir selon les pays encause et l’angle d’observation que l’on prenait. Cette configuration trèsparticulière du rapport de forces n’a pas empêché que la pré-négociationde la ZLÉA se termine par un succès. C’est le deuxième constat. Un suc-cès dans le sens d’abord où elle a mené à l’annonce officielle du début desnégociations lors du 2e Sommet des Amériques tenu à Santiago, Chili, enavril 1998. Un succès ensuite dans la mesure où il y a eu entente à la finde l’exercice sur un certain nombre de points en litige au début de la pré-négociation. Ce succès doit naturellement être interprété aujourd’hui à lalumière de la crise argentine et des événements du 11 septembre 2001, quiont bien sûr modifié la dynamique des négociations devant mener à laZLÉA (voir par exemple, Mace et Ouellet, 2002 : A9).

Le large consensus obtenu suite à la rencontre ministérielle de San Josén’est certainement pas parfait puisque certains accords de principe cachentdes divergences quant aux modalités des négociations à venir dans certainssecteurs, comme par exemple les services (Lande, 1998 : 14). Par ailleurs, ilest évident que certains gouvernements voudront utiliser les négociations encours pour modifier ou remettre en question certains éléments du consensus.Cela dit, il faut reconnaître que le travail accompli tout au long de la phasede pré-négociation a été couronné de succès. À quoi attribuer ce succès?

Selon Roberto Bouzas et Gustavo Svarzman (2001), trois facteursexpliquent le succès de cette pré-négociation. Le premier facteur est laconstance du soutien bureaucratique offert par différentes instances et, enparticulier, le Comité tripartite qui a véritablement agi comme secrétariattechnique indépendant.5 Le deuxième est le caractère détaillé du pro-gramme de travail que se sont donné les négociateurs gouvernementaux.Cela a permis de fournir des balises par rapport auxquelles on a pu mesu-rer les progrès accomplis et fixer de nouvelles lignes de conduite (15). Letroisième est l’économie politique de l’engagement. Par là, les auteursentendent que les gouvernements de la région ont réalisé progressivementque l’isolement était une stratégie à haut risque et que toute tentative debloquer les négociations pouvait avoir des conséquences fâcheuses (16).C’est ce constat qui a mené à un engagement constructif de la part de chacundes gouvernements, et, par contrecoup, au succès de la pré-négociation.

Peut-on ajouter à ces facteurs le comportement des puissancesmoyennes? La diplomatie des États intermédiaires a-t-elle fait une diffé-rence et peut-elle être considérée comme un facteur de succès de la pré-négociation de la ZLÉA, ainsi que le posait l’hypothèse de départ? L’étude

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qui précède a montré que l’action du gouvernement argentin a été signifi-cative à au moins une occasion, soit au moment de déterminer la datelimite pour la mise en œuvre de la ZLÉA. Quant au gouvernement cana-dien, son intervention a permis un déblocage dans au moins trois dossiers :le format des négociations, l’échéancier et l’ordre des négociations. L’ac-tion de ces États intermédiaires a donc eu un impact sur le déroulement dela pré-négociation de la ZLÉA.

Sur cette base, on doit donc constater que le comportement des puis-sances moyennes a été un facteur pertinent dans le déroulement et le succèsd’une pré-négociation en matière de commerce international caractériséepar une situation de symétrie et d’asymétrie. Par conséquent, la littératuredevrait accorder une attention plus grande à ce facteur dans l’explication durésultat de pré-négociations à laquelle ce type d’État est partie.

Cependant, notre étude montre également que l’on doit nuancer cetteconclusion dans la mesure où certaines conditions doivent exister pour quele comportement d’une puissance moyenne puisse avoir un impact sur lerésultat d’une pré-négociation en matière de commerce international. L’a-nalyse du comportement des gouvernements argentin et canadien montretout d’abord que l’action des puissances moyennes a un impact plus fortquand celles-ci peuvent se distancier suffisamment de la position privilé-giée par leur chef de groupe respectif. Deuxièmement, il semble que lespuissances moyennes exercent une influence lorsque les États les pluspuissants ont des positions de départ divergentes, comme ce fut le cas pourles pré-négociations de la ZLÉA. Troisièmement, l’analyse montre quel’action de catalyseur des puissances moyennes est plus efficace par rap-port à des questions de procédure qu’à des questions concernant la natureou la portée des accords à conclure. Il semble en effet que, lorsqu’il estquestion de contenu, les États dominants préfèrent négocier entre eux pouren arriver à une entente. Enfin, cette étude, ainsi que d’autres, révèle quel’action d’une puissance moyenne sera plus efficace si le gouvernement encause possède les ressources et l’expertise voulues pour soutenir sonaction diplomatique.

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Notes

1 Cette définition, comme nous l’a fait justement remarquer un des évaluateurs anonymes,implique qu’il doit y avoir convergence de vue sur la finalité qui est ici l’intégration desAmériques, mais qu’il peut y avoir divergence sur les modalités ou sur le processus.

2 S’il est vrai que peu de pays répondent à la définition de puissance moyenne dans lesAmériques, il est vrai également que nous aurions pu ajouter quelques pays à la listeretenue ici. Le type de rapport à la puissance principale constituait toutefois un critèreimportant. Par ailleurs, le Mexique, qui était un candidat possible, est peu intervenudans la pré-négotiation.

3 Les deux premiers scénarios paraissent avoir été insérés pour la forme. M. Gavirian’indique pas que le 4e constitue une proposition officielle de l’OEA, mais un passageultérieur dans son discours indique une préférence pour ce scénario.

4 Nous reviendrons plus loin sur la question spécifique du « single undertaking ».5 Les membres du Comité tripartite étaient la Banque interaméricaine de développement,

l’Organisation des États américains et la Commission économique pour l’Amériquelatine et les Caraïbes.

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