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Changement global Biodiversité polaire & Avec les contributions de : Nadia Ameziane, BOREA, CNRS-MNHN, Paris – Fré- déric Angelier, CEBC, CNRS, Villiers en Bois – Thierry Boulinier, CEFE, CNRS-Universités de Montpellier – Olivier Chastel, CEBC, CNRS, Villiers en Bois – Bruno David, Biogéosciences, CNRS-Universités de Bourgogne, Dijon – Jean Pierre Féral, IMBE, CNRS- Université Aix-Marseille – Yves Frenot, IPEV, Brest – Pierre Galand, LECOB, Université Pierre et Marie Curie, Banyuls sur mer – Maurice Hullé, IGEPP , INRA, Rennes – Philippe Koubbi, LOV, CNRS-Université Pierre et Marie Curie – Marc Lebouvier, ECOBIO, CNRS-Universités Rennes 1 – Guillaume Lecointre, Systématique, adaptation, évolution, CNRS-MNHN, Paris – Karen McKoy, GEMI, IRD-CNRS, Montpellier Yvon Le Maho, IPHC, CNRS- Université de Stras- bourg 1 – Mireille Raccurt, LEHNA, CNRS-Université Claude Bernard Lyon 1 – Jean Yves Toullec, Adapta- tion et diversité en milieu marin, CNRS-Université Pierre et Marie Curie, Station biologique de Roscoff.

Changement global et biodiversité: Biogéographie, structuration spatiale et temporelle

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Changementglobal

Biodiversitépolaire

&Avec les contributions de :Nadia Ameziane, BOREA, CNRS-MNHN, Paris – Fré-déric Angelier, CEBC,CNRS,Villiers en Bois – ThierryBoulinier, CEFE, CNRS-Universités de Montpellier –Olivier Chastel, CEBC, CNRS, Villiers en Bois –Bruno David, Biogéosciences, CNRS-Universités deBourgogne, Dijon – Jean Pierre Féral, IMBE, CNRS-Université Aix-Marseille – Yves Frenot, IPEV, Brest –Pierre Galand, LECOB, Université Pierre et MarieCurie, Banyuls sur mer –Maurice Hullé, IGEPP, INRA,Rennes – Philippe Koubbi, LOV, CNRS-UniversitéPierre et Marie Curie – Marc Lebouvier, ECOBIO,CNRS-Universités Rennes 1 – Guillaume Lecointre,Systématique, adaptation, évolution, CNRS-MNHN,Paris – Karen McKoy, GEMI, IRD-CNRS, Montpellier– Yvon Le Maho, IPHC, CNRS- Université de Stras-bourg 1 – Mireille Raccurt, LEHNA,CNRS-UniversitéClaude Bernard Lyon 1 – Jean Yves Toullec, Adapta-tion et diversité en milieu marin, CNRS-UniversitéPierre et Marie Curie, Station biologique de Roscoff.

Biogéographie

Ecophysiologie

FitnessApproche

fonctionnelleSeuil de tolérance/acclimatation

Ecologiecomportementale

Invasions biologiquesCompétition

Régulationgénique

Régulationhormonale

Macroécologie Eco-environnements

Modélisation

Allocation de ressourcesPerformances énergétiques

Biodiversité, phylogénie,facteurs abiotiqueset biotiques

Caractérisationdes habitats et

des communautés

Migration - HabitatFragmentation

Stress

Biologieévolutive

+

Suivi des populations

Approchesprédictives

Biologie de laconservation

Identification des champs scientifiques et interactionsdes différentes approches permettant d’appréhenderl’impact du changement global sur les Biodiversités.

Le continent Antarctique, localisé au pôle sud depuis la fin du Crétacé est isolé des autres conti-nents depuis la fin de l’Oligocène par l’océan Austral, avec ses principales barrières naturelles queconstituent le courant circumpolaire et les différents fronts. Le courant marin circumpolaire antarc-tique a en outre favorisé le refroidissement du continent et l’accumulation des glaces.Du fait du contact de l’Océan Austral avec les trois principaux océans de la planète (Pacifique, In-dien, Atlantique), l’hydrodynamisme de l’océan Austral représente l’un des moteurs essentiel de lacirculation thermohaline. Il en résulte une organisation des différentes masses d’eau autour de l’An-tarctique selon une structuration latitudinale très marquée, avec des transitions abruptes en termesde caractéristiques physico chimiques, limitant le brassage des eaux. On trouve principalement, del’Antarctique vers l’Equateur, une répartition hétérogène des masses d’eau :

• la PFZ (Polar Front zone), au nord de l’océan Austral avec la succession du Front Polaire Antarctique(FPA), du Front SubAntarctique (FSA) et du Front SubTropical (FST) ;• la POOZ (Permanently Open Ocean zone) se trouve entre la limite Nord du FPA et la limite d’ex-tension maximale de la banquise au Sud ;• la SIZ (Seasonal Ice zone) s’étend du continent à la zone marginale de la glace de mer en hiver.Les zones climatiques et océaniques influencent les conditions environnementales des écosys-tèmes océaniques et terrestres répartis autour de l’Antarctique. Communément, on distingue 3grandes écozones :

Organisation géographique duContinent Antarctique, des Iles Subantarctiqueset de l’Océan Austral

I.1

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BIOGEOGRAPHIE - STRUCTURATIONSPATIALE ET TEMPORELLEILes projets de recherche actuels qui prennent en compte les facteurs biogéographiques et his-toriques s’appuient sur l’organisation géographique des pôles pour étudier la structuration spa-tiale et génétique de la faune et de la flore à différentes échelles, du local au global, continent,îles et océans. Quelques rappels géographiques nous ont paru nécessaires avant d’exposer sé-parément les avancées des recherches actuelles et les perspectives envisagées, tant au Nordqu’au Sud, en biologie marine, biologie terrestre et à l’interface terre/mer.

Coordinateurs : Buno David, Philippe Koubbi et Jean Pierre Féral

pola

ires

rech

erch

esProspective

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PROSPECTIVE DE L’INSTITUT ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT DU CNRS

• le milieu antarctique, comprenant les zonescontinentales et océaniques (jusqu’au front po-laire) ;• le milieu subantarctique, entre le front polaireet la convergence subtropicale ;• le milieu antarctique maritime, couvrant la Pé-ninsule Antarctique et les îles Shetlands, Okney,Sandwich et Bouvet ; les chercheurs françaissont très peu investis dans cette région où laFrance ne dispose d’aucune infrastructure.

Front Circumpolaire et circulationthermohaline. (Rapport du SCAR 2010)

Le continent Antarctique est un désert glacé. Des relevés météorologiques de la station russe de Vos-tok font état d’un record de -89,3 °C le 21 juillet 1983. En moyenne, la température à l’intérieur ducontinent fluctue entre -60°C l’hiver et -30°C l’été. Sur les côtes, les températures sont plus élevéesavec des moyennes de 0°C l’été et -30°C en hiver. Ces températures « extrêmes » sont associées àdes précipitations rares ainsi qu’à des vents violents (200km/h) faisant de ce continent l’un desplus arides du globe.A l’inverse, les îles de la zone subantarctique bénéficient de températures plus clémentes (entre -5 et+15°C avec une moyenne annuelle de 5°C) associées à des vents importants (100km/h) et fréquents,ainsi qu’un taux d’humidité élevé (85%) dû aux précipitations quotidiennes (300 jours par an) et consé-quentes (2500 mm par an).

L’étude à macroéchelle de la biodiversité marinea été réalisée de deux manières : soit par l’inté-gration de connaissances d’experts selon l’ini-tiative de régionalisation pélagique de Longhurst(1998) principalement basée sur le phytoplanc-ton soit par l’utilisation de résultats liés à la bio-géographie des espèces.• L’initiative internationale de création d’unatlas biogéographique du milieu marin antarc-tique s’appuyant sur le programme Census ofAntarctic Marine Life, comme le projet Scar-Mar-Bin permettra d’intégrer de nouvelles donnéessur la distribution géographique des espèces etde les coupler à une meilleure connaissance del’environnement abiotique les influençant. Cesanalyses à macroéchelle, couplées à des ap-proches phylogénétiques et écophysiologiquesnous renseignent sur les patrons de structura-tion de la biodiversité et sur son histoire, per-mettant d’établir des scénarios à la dimensionde l’océan Austral.• Il est également nécessaire de travailler à mé-soéchelle. Une écorégionalisation couplant la ré-

gionalisation abiotique et la biogéographie per-met de mieux comprendre les potentiels en bio-diversité des écorégions, mais aussi de mieuxévaluer les conséquences des changements en-vironnementaux sur cette biodiversité. A mésoé-chelle et submésoéchelle, il est essentield’étudier les zones de transition et leur stabilité.Ce sont les zones frontales, non seulement lesgrands fronts océaniques connus pour l’océanAustral mais aussi les fronts plus modestescomme les fronts de talus. Il en est de même auniveau du pourtour des îles océaniques favorisantla rétention des espèces et leur endémisme.D’autres secteurs étudiés dont l’importance estmajeure pour les territoires français sont leszones de dépressions bathymétriques (fjords, ca-nyons côtiers profonds ou systèmes de canyonsde la marge continentale). Ces zones de transi-tions, point de confrontation de diverses com-munautés, habitats essentiels (zones defrayères, de nurseries) pour de nombreuses es-pèces de poissons, sont souvent identifiées entant qu’écosystèmes marins vulnérables.

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PROSPECTIVE RECHERCHES POLAIRES

Un iceberg géant de 80 km delongueur et 40 km de largeurs’est détaché du glacier Mertzen février 2010. Séquenced’images radar du satellite ENVI-SAT montrant le mouvement del’iceberg du 6 février au 6 mars2010. La grille superposée a unpas de 10 KM. (B. Legrezy)

6 février

6 mars

La récente fracture du glacier Mertz fournit un mo-dèle d’étude. En 2010, toute une partie du glacier,8O km de longueur et 40 km de largeur, s’est dé-tachée, modifiant largement la circulation desmasses d’eau dans une zone au large de la TerreAdélie. Il sera particulièrement intéressant d’ensuivre l’impact sur les populations zooplancto-niques, ichtyologiques et les prédateurs supé-rieurs. Un suivi au long terme est indispensablepour identifier clairement les conséquences dues àces modifications de l’environnement par rapportaux variations interannuelles déjà constatées,liées aux fluctuations météorologiques et couran-tologiques.

Exemple concret 1 :

I.1.1Conséquences pour la biodiversité marinePrincipales avancées et perspectives des recherches

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Les divers facteurs historiques et environne-mentaux qui ont structuré les écosystèmes ma-rins sont susceptibles d’être profondémentmodifiés dans le contexte du changement global.Il sera donc important de considérer :

• L’histoire géomorphologique de ces secteursest liée à leur l’histoire géologique puisque lesglaciers ont façonné ces milieux. Pendant lesdernières glaciations, il existait peu de refugespour les espèces du plateau continental de l’EstAntarctique. La colonisation de ce plateau a eulieu après sa fragmentation en une série de dé-pressions bathymétriques et de bancs. On peuts’interroger sur le devenir des espèces à crois-sance lente qui peuplent actuellement le plateaucontinental, de plus en plus soumises au chalu-tage de fond par les icebergs et à la rupture desice-shelfs libérant des zones marines autrefoiscouvertes par une glace épaisse.

• Les courants circum-antarctiques qui influen-cent la dispersion des larves, la distribution etl’endémicité des faunes. A macroéchelle, le rôlede barrière biogéographique “étanche” joué par lefront polaire pourrait s’estomper, permettant lavenue d’espèces invasives, notamment en pro-venance de l’Amérique du Sud, de Nouvelle-Zé-lande ou d’Australie méridionale. A mésoéchelleet submésoéchelle, le réchauffement climatiquepeut produire des perturbations dans la circula-tion des courants de surface, modifiant totale-ment la structuration et la répartition des faunes.L’utilisation du Continuous Plankton Recorder enzone subantarctique permettra d’étudier les es-pèces planctoniques, indicateur performant qui,associé aux données de distribution en mer desprédateurs supérieurs renseignera l’évolution del’écosystème marin. La surveillance du meso-plancton sera aussi importante ; le «passage» decette barrière de près de 20 000 ans par des es-pèces dont la phase larvaire est «océanique»pourra être le signal d’une recolonisation, en par-ticulier des eaux côtières de l’Antarctique, par des

espèces dispersantes, changeant ainsi profon-dément les conditions actuelles.

• L’extension de la banquise qui offre un éco-système original, peu exploré, car la recherchen’en a qu’une vision estivale. Pourtant, si cer-tains copépodes montrent une plasticité de leurcycle de vie en fonction du calendrier de la ban-quise, de nombreuses espèces comme le krillsemblent complètement dépendantes de laglace de mer.

• La circulation océanique qui influence la diver-sité microbienne, elle-même impliquée dans lescycles biogéochimiques. Les possibles change-ments de la circulation océanique dus au ré-chauffement et à la fonte des glaces peuvent avoirun impact sur les cycles biogéochimiques.Comme les modèles prévoient une augmentationdes apports détritiques et c’est déjà le cas à Ker-guelen, les micro-organismes constituant la basede la dégradation, il serait important de compren-dre comment ces apports pulsés vont influencerl’écosystème marin et plus particulièrement lesgrands fonds qui restent peu explorés.

• La réévaluation permanente de la biodiversitémarine des zones antarctiques et subantarc-tiques qui a été longtemps considérée à tortcomme plus faible que celle des régions tempé-rées et tropicales. Elle est encore très malconnue et les études récentes montrent qu’ellepourrait être beaucoup plus importante qu’on nele pensait. Elle est sans cesse réévaluée dans lebut de mieux connaître pour mieux protéger.Cette exploration bénéficie aujourd’hui de nou-velles méthodes comme le “barcoding” à largespectre, et il est bon de souligner que le Mu-seum National d’Histoire Naturelle est le premieracteur du “barcode” antarctique avec la cam-pagne CEAMARC. Cet inventaire de la biodiver-sité passe par une expertise taxonomiquedevenue rare aujourd’hui, laquelle nécessite descollaborations internationales.

Le "barcode" estune séquence d'ADNspécifique qui,comparée à unebase de donnéesregroupant tous les" barcodes" permetd'identifier uneespèce.

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PROSPECTIVE RECHERCHES POLAIRES

La structuration biogéographique peut être ex-trêmement instructive pour comparer des es-pèces apparemment identiques mais qui se sontadaptées au cours des siècles à des tempéra-tures décalées de plusieurs degrés. Des ana-lyses phylogéographiques ont par exemplemontré que les masses d’eau de l’Océan Aus-tral ont un rôle prépondérant sur la structure gé-nétique des populations de gorfous sauteurs.Les datations moléculaires suggèrent que la di-vergence entre les gorfous subantarctiques etsubtropicaux pourrait être liée à la transition duPléistocène Moyen, un changement climatiquemajeur qui s’est accompagné d’un décalage versle Sud des isothermes des masses d’eau del’Océan Austral. Cette redistribution des tempé-ratures pourrait avoir causé une spéciation vica-riante en séparant écologiquement despopulations de gorfous auparavant génétique-ment indifférenciées4.

• Ce type d’études qui entre dans une disciplineémergente, la physiologie de la conservation, doitêtre développée, et généralisée à d’autres phy-lums, en particuliers d’organismes marins ben-

thiques qui, sessiles ou peu mobiles, et majori-tairement sans phase de dispersion larvaire aucours de leur cycle de vie, sont d’autant plus sen-sibles aux effets du changement global. Ces es-pèces constituent des modèles nécessairespour prévoir les impacts potentiels d’un change-ment climatique (i.e. un changement de tempé-rature des masses d’eau) sur les espècesexposées. La considération explicite du rôle po-tentiel de la dispersion entre zones d’habitat fa-vorables à différentes échelles géographiquesapparaît primordiale pour la compréhension desréponses des populations et communautés auxchangements environnementaux. Si les méca-nismes fins commencent à être bien compris, uneffort particulier devra porter sur les processusen jeu à de larges échelles spatiales (dizaines,centaines, milliers de kilomètres), échelles aux-quelles des changements environnementauxforts pourraient entrainer des glissementsd’aires de distribution plus ou moins rapides.Dans un tel contexte, les outils de la génétiquedes populations seront utiles, de même que laminiaturisation des moyens technologiques quipermet le suivi du mouvement des individus.

La présence de territoires français situés entre37°5 de latitude sud (Ile Amsterdam) et le conti-nent antarctique en passant par des îles suban-tarctiques (Crozet, Kerguelen), d’âge variant entrequelques dizaines de milliers d’années à 30 MA,constituent une situation privilégiée pour com-prendre la mise en place des faunes et flores ter-restres australes.

• La combinaison entre situation insulaire et iso-lement extrême induit un fort taux d’endémisme

et une simplification des chaines trophiques. Cetterelative pauvreté faunistique et floristique des îlesest compensée par une représentation démogra-phique importante des populations, ce qui en faitun terrain idéal pour effectuer une approche quan-titative de la biodiversité et pour tester un certainnombre d’hypothèses actuelles quant aux méca-nismes de son évolution. Dans cette optique,l’étude de certains groupes taxonomiques encoreinsuffisamment connus (mousses lichens…) sem-ble particulièrement importante.

4 - de Dinechin M, Ottvall R, Quillfeldt P, Jouventin P. 2009 - Speciation chronology of rockhopper penguins inferred from molecular,geological and palaeoceanographic data, Journal of Biogeography, 36, 4 : 693-702.

I.1.2Conséquences pour la biodiversité à l’interface terre et merPrincipales avancées et perspectives des recherches

I.1.3Conséquences pour la Biodiversité terrestrePrincipales avancées et perspectives des recherches

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PROSPECTIVE DE L’INSTITUT ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT DU CNRS

Organisation géographiquedes régions ArctiquesI.2

Le refroidissement de ces zones a été largementperturbé par le climat extrêmement variant desdernières glaciations, il en résulte que les éco-systèmes polaires du nord tels que nous lesconnaissons aujourd’hui évoluent depuis seule-ment 15 000 ans. Les « barren grounds » lesplus au nord du Canada étaient ainsi encore cou-verts de toundras il y a 2000 ans.Le pôle Nord se situe au centre d’une zone océa-nique de 12 à 14 millions de km2, presque entiè-rement entourée de terres. Sa partie centrale estoccupée par une banquise permanente qui peut,l’hiver, déborder sur le Pacifique par le détroit deBéring et en Atlantique, le long des côtes du Groen-land. La seule véritable ouverture se trouve entrele Groenland et la Norvège, large de 1500 km etmarquée d’un sillon profond de 3000 m.

Cette organisation de l’espace structure les cou-rants marins et la circulation atmosphérique, etexplique l’importance que représentent leséchanges thermiques entre le « Gulf Stream »d’un côté et le courant du Labrador de l’autre,dans les évolutions actuelles du climat. Mêmeles scénarios les plus optimistes envisagent lerisque d’une disparition progressive de la ban-quise arctique estivale et de l’inlandsis groen-landais.Les écosystèmes de l’Arctique vont donc subirde profonds changements dans les années àvenir. L’Année Polaire Internationale a mis l’accentsur l’importance et la variabilité des processus deremaniements à travers l’Arctique et a préconisél’installation d’un réseau de mesure adapté auxgrands gradients structurels de l’Arctique.

Les flèches rouges indi-quent l’afflux des eauxde l’Atlantique dansl’océan Arctique à traversla mer de Barents et ledétroit de Fram. Lesflèches blanches indi-quent les flux de surfacedes eaux polaires. Lesflèches jaune et orangeindiquent l’afflux deseaux du Pacifique par ledétroit de Béring.

Beaufort gyre

ArticOcean

Boundary Current

Fram

stra

it

Bering strait

Barents Sea

Tran

sp

olar D

rift

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PROSPECTIVE RECHERCHES POLAIRES

Par opposition à la situation australe, l’intérêt desrecherches menées en Arctique est lié à l’ab-sence d’isolement de la faune et de la flore deces régions. Ces caractéristiques expliquent lesécarts constatés en termes de diversité, spécia-tion, endémisme et adaptation des communau-tés arctiques par rapport aux communautésantarctiques. Cependant, des situations insulairesà fort endémisme existent en Arctique (Archipeldu Svalbard par exemple) et autorisent les com-paraisons Nord/Sud. La recherche française y dis-pose d’un accès à travers la base AWIPEV géréeconjointement par l’IPEV et son homologue alle-mand, l’Alfred Wegener Institut.

Les questions scientifiques qui se posent pourl’Arctique sont du plus haut intérêt, y compris endémarche comparative, alors que la recherchefrançaise y est traditionnellement moins implan-tée qu’elle ne l’est au Sud.

• Comme à l’extrême sud, le gradient de latitudepeut être utilisé et le lien fonctionnel entre milieuxpolaires et subpolaires mériterait d’être mieux ex-

ploré. La colonisation et les relations phylogéné-tiques entre espèces continentales et insulairessont encore très mal connues. Les espèces duhaut Arctique ont par exemple leurs apparentésprésents en subarctique, ces apparentés sontpeut-être de bons candidats à une extension versle nord et risquent donc de devenir des compéti-teurs des espèces arctiques. D’une manière unpeu simplifiée, aller voir au sud de l’aire de ré-partition d’une espèce pourrait donner des élé-ments prédictifs sur son devenir dans le contextedu réchauffement climatique annoncé.

• La situation insulaire des plateformes derecherches arctiques permet des études com-paratives Nord/Sud, considérant que dans les2 cas (Subantarctique et Spitzberg), certainesespèces se développent aux marges extrêmesde leur distribution grâce à des adaptations bio-logiques particulièrement restrictives. C’est lecas du puceron qui a perdu sa plasticité phéno-typique dans le Nord et sa reproduction sexuéedans le Sud. Un autre exemple, la tique Ixodesuriae, parasite des populations d’oiseaux marins

I.2.1Conséquences pour les biodiversitésPrincipales avancées et perspectives des recherches

La base franco-allemande AWIPEVgérée par l'IPEV et son homologueallemand, l'Alfred Wegener Institutse situe à Ny Alesund (Archipel duSvalbard).

Ny Alesund

Archipel du Svalbard

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PROSPECTIVE DE L’INSTITUT ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT DU CNRS

des deux pôles, montre une spécialisation pourses espèces hôtes au sein de communautés aunord et au sud (sous-structuration au sein de co-lonies multi-spécifiques d’oiseaux marins) ; la dy-namique de sa distribution aux latitudesextrêmes mérite donc d’être mieux connue. Com-prendre la capacité de colonisation de ces para-sites et de leurs organismes pathogènesassociés, en fonction des changements dans ladynamique migratoire de certaines populationsd’oiseaux, s’avère d’une grande importance pourprédire le risque d’émergence pour l’homme demaladies (comme la maladie de Lyme) dans lesrégions polaires. Ces recherches réclament lesinteractions disciplinaires nécessaires à la com-préhension des interactions hommes-milieuxdans des contextes essentiels pour le devenirdes systèmes écologiques, la santé des popula-tions et l’évolution des sociétés (cf. infra).

• Les études bipolaires montrent l’importance dusystème écologique et de la dimension spatiale surla spécialisation, la spéciation des espèces et leurvulnérabilité face au réchauffement climatique.