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EHESS Des mises en scène de curiosités aux chefs-d'œuvre mis en scène: Le Musée royal de l'Afrique àTervuren: un siècle de collections (From Displaying Curious to Showing Masterpieces: The Musée Royal de l'Afrique in Tervuren, Belgium, a Century of Collecting) Author(s): Anne-Marie Bouttiaux Source: Cahiers d'Études Africaines, Vol. 39, Cahier 155/156, Prélever, exhiber. La mise en musées (1999), pp. 595-616 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/4392971 . Accessed: 14/01/2015 16:57 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Cahiers d'Études Africaines. http://www.jstor.org This content downloaded from 164.15.128.33 on Wed, 14 Jan 2015 16:57:26 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Des mises en scène de curiosités aux chefs-d'œuvre mis en scène. Le Musée royal de l'Afrique à Tervuren : un siècle de collections

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Des mises en scène de curiosités aux chefs-d'œuvre mis en scène: Le Musée royal de l'AfriqueàTervuren: un siècle de collections (From Displaying Curious to Showing Masterpieces: TheMusée Royal de l'Afrique in Tervuren, Belgium, a Century of Collecting)Author(s): Anne-Marie BouttiauxSource: Cahiers d'Études Africaines, Vol. 39, Cahier 155/156, Prélever, exhiber. La mise enmusées (1999), pp. 595-616Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/4392971 .

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Anne-Marie Bouttiaux

Des mises en scene de curiosites

aux chefs-d'ceuvre mis en scene

Le Musee royal de l'Afrique 'a Tervuren: un siecle de collections*

Dans cette presentation, I'accent sera mis sur la place et l' evolution de la section d'ethnographie, et des objets qu'elle gere au sein de l'institution. Le musee regroupe les disciplines des sciences naturelles et humaines, toutes consacrees, en theorie du moins', a l'Afrique. Ce parcours demontre, qu'au fil du temps, les collections ethnographiques sont passees du statut de curiosites, mises en scene pour servir de decor a la propagande colo- niale, a celui de pieces maitresses dont l'interet releve tant de l'histoire de l'art que de l'anthropologie.

Les ambitions du roi d'un tout petit pays

L'histoire des collections du musee de Tervuren est indissociablement liee a l'histoire coloniale beige en Afrique centrale et a celle du roi Leopold II. Cette saga commence reellement en 1876, avec la conference de Geo- graphie de Bruxelles. A cette occasion, l'Association internationale de l'Afrique centrale est creee, theoriquement pour << apporter la civilisation >> et entrainer l'abolition de l'esclavage. Mais Leopold II nourrit, deja a cette epoque, ses premieres aspirations coloniales. Elles deviennent plus evidentes encore, en 1879, lorsqu'il fonde l'Association intemationale du Congo. Pendant ce temps, au centre de l'Afrique, Henri Morton Stanley

* La denomination officielle est Musee royal de I'Afrique centrale. Ce terme ne correspond plus cependant aux actuels centres d'interet et de recherche de notre institution qui concernent essentiellement toute 1'Afrique au sud du Sahara.

1. En th6orie, car la section de g6ologie poursuit, notamment, d'importantes recherches en Asie et en Amerique du Sud (KLERKX & DELHAL 1998: 133), la section d'ethnographie possede egalement des collections d'Amerique et d'Ocea- nie et la section d'ethnomusicologie a conduit plusieurs missions dans les Antilles, pour ne donner que quelques exemples.

Cahiers d'Etudes africaines, 155-156, XXXIX-3-4, 1999, pp. 595-616.

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explore, pour le souverain belge, cet immense territoire et en prevoit les premieres frontieres.

La campagne anti-esclavagiste sert de pretexte pour commencer a baliser le terrain des futures possessions du souverain belge; elle donne, en outre, une justification aisee aux expeditions militaires qui visent autant la soumission des populations autochtones que la poursuite des plus escla- vagistes d'entre elles (Cornevin 1989: 149-153).

Des officiers en poste au Congo envoient en Belgique les premieres collections - zoologiques et ethnographiques -, conservees au musee d'Histoire naturelle de Bruxelles. Les archives attestent notamment la recolte et I'acheminement a Bruxelles d'une remarquable serie d'oiseaux par le lieutenant Emile Storms, alors en poste a Karema en 1882 (Luwel 1960 : 48, n. 1).

En 1884, l'Association internationale du Congo propose la creation d'un musee centre sur I'Afrique. C'est 'a cette epoque que le meme Storms2 soumet violemment les populations tabwa de l'est du Congo. Leur chef, Lusinga, nourrit de grandes ambitions telles que gouverner un empire comparable a celui de ses puissants voisins luba. La penetration des Belges le contrarie. Afin de consolider son pouvoir politique et economique, il pratique le commerce des esclaves. Cela fournira un pretexte ideal pour I'ecraser sans merci. II trouve la mort en defendant son peuple au cours d'une expedition punitive conduite par Emile Storms lui-meme. Les soldats de l'officier belge lui coupent la tete et rentrent avec le sanglant trophee au camp militaire de Mpala3. Emile Storms met la main sur les objets de pouvoir et de culte du chef tabwa defunt. Ceux-ci constituent un veritable butin de guerre, notamment sous la forme de sculptures: l'une d'entre elles represente les ancetres de Lusinga.

En 1885, les possessions africaines de Leopold II sont officiellement reconnues a la Conference de Berlin avec la creation de l'Etat independant du Congo. I1 s'agit maintenant d'occuper et d'exploiter les richesses de ce << nouveau ?) pays que Leopold II, dans sa grande avidite, compare a une part de gateau4. Des expeditions sont envoyees de tous c6tes pour etablir les bases des premiers postes administratifs. Une fois fondes, ceux- ci doivent etre defendus contre les rebelles autochtones et les Arabes esclavagistes - l'argument anti-esclavagiste est toujours present pour

2. Emile Storms est d'ailleurs presente par la Bibliographie coloniale belge (1948, I: 899) comme << un homme d'une quarantaine d'annees, grand et fort, portant une longue barbe chatain fonce; solidement charpente, d'allure joviale et d'une inalt6rable bonne humeur >> !

3. << Les anciens de Mpala se rappellent encore le chant victorieux des hommes de Storms lorsqu'ils revinrent 'a la station avec la tee de Lusinga. Storms envoya son crane en Europe et menaqa les Tabwa recalcitrants d'un sort identique >> (ROBERTS 1995: 372).

4. En 1877, Leopold II ecrit: ? Je ne voudrais m'exposer ni a mecontenter les Anglais, ni a laisser 6chapper une bonne occasion de nous procurer une part dans ce magnifique gateau africain >> (cite par CORNEVIN 1989: 143).

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cautionner le violent controle militaire du territoire (Cornevin 1989: 164- 175).

Comme Emile Storms l'a fait pour l'Association internationale, des militaires belges vont effectivement sillonner et conquerir cet Etat inde- pendant du Congo. Nombre d'entre eux ramenent des collections de plantes, de pierres, d'animaux et d'objets toujours mises en depot, a Bruxelles, notamment au musee d'Histoire naturelle (Marechal 1990: 331). En 1890, le roi recupere une partie des pieces ethnographiques et les prete a Londres pour une exposition consacree "a Stanley (Luwel 1960: 30).

Le Congo et les expositions universelles

En cette fin de siecle, on assiste "a une profusion d'expositions universelles (Wynants 1997) qui elisent domicile dans les grandes villes europeennes et rencontrent un enorme succes. En 1894, Anvers celebre sa deuxieme exposition internationale5: les objets et les documents presentes "a cette occasion au Pavillon congolais fourniront le noyau du futur musee de Tervuren (Luwel 1960: 30).

Pour completer ces collections et fournir le mate- riel de l'exposition coloniale qui doit se tenir 'a Ter- vuren en 1897, le gouverneur-general envoie des directives aux Belges presents au Congo (Marechal 1990: 331). Parmi ceux-ci, Francois-Leopold Michel, qui a dej"a fourni de la documentation pour l'expo- sition d'Anvers, est "a nouveau sollicite. On lui doit notamment d'importantes archives photographiques6.

En 1897, l'exposition coloniale de Tervuren ren- contre un enorme succes. Les villages africains, ins- talles dans le parc, attirent de nombreux curieux et n'ont pas cesse depuis de faire couler beaucoup d'encre. En effet, la mise en scene exotique qui pre- voit la figuration d'environ trois cents Congolais en costume traditionnel tourne au drame : sept d'entre eux

FIG. 1 *. - Statue d'ancetre. Tabwa, region Shaba oriental, Rep. dem. du Congo, recoltee par E. Storms en 1884 et offerte au musee par sa veuve en 1930. RG 31660. H. 69 cm. Bois (Vitex madiensis). Photographie: R. Asselberghs. * Toutes les illustrations reproduites dans le texte sont accompagnees du Copyright ? Africa Museum Tervuren.

5. La premiere a lieu en 1885 et presente dej"a une partie consacree au Congo. 6. En fin de carriere, Francois-Leopold Michel est nomme chercheur scientifique

au musee de Tervuren. II est responsable, a partir de 1912, de la nouvelle section << Documentation photographique et vulgarisation >> (MORIMONT 1998: 267).

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AEX~~~~A

FIG. 2. Homme et femme ntomba. Region de Mbandaka, l-quateur, Rep. d6m. du Congo.

Photographie: F.-L. Michel (1896). Les Ntomba semblent avoir e autrefois improprement nomm6s Ngata ou Wangata.

FIG 3. -Deux cercueis ntomba.

R6gion de Mbandaka, Nuateur, RIp. dam. du Congo. Photographie F.-L. Michel (1893). On retrouve sur ces cercueils anthropomorphes

les coiffures et scarifications caract6ristiques des Ntomba (voir fig. 2).

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trouvent la mort, victimes des rigueurs du climat (Wynants 1997: 125- 129). L'inacceptable est arrive et Tervuren restera, dans la memoire de beaucoup, le decor de cette sinistre comedie7.

Quant aux collections amassees pour l'evenement, elles sont presentees dans le prestigieux decor, art nouveau, du Palais des Colonies. Les salles consacrees e l'economie sont, a l'epoque, parmi les plus importantes (ibid.: 117-119), car le but avoue de ces presentations est la propagande de la grande et lucrative aventure coloniale. Plantes, animaux et objets ethno- graphiques font office de curiosites ou de decors: les panoplies sont 'a la mode, elles s'etalent sur les murs dans des mises en scene elaborees au de- triment de l'interet et de l'esthetique de chacun des objets qui les composent.

Naissance d'un musee consacre a I'Afrique

Apres quelques reamenagements, le Palais des Colonies devient le musee colonial. En 1898, il ouvre ses portes au public. Du Congo, les objets, les documents et les photographies affluent; pour les gerer, les presenter et les etudier quatre sections - botanique, zoologie, geologie et mine- ralogie, anthropologie et ethnographie - sont creees. En 1901, Leopold II prend l'initiative de designer Charles Girault8 comme architecte pour l'dedification d'un nouveau musee, beaucoup plus grand, afin d'abriter les collections qui ne cessent d'augmenter. Durant sa construction, en 1908, Leopold II offre l'Etat independant du Congo 'a la Belgique. Il ne verra cependant pas l'achevement des travaux car il meurt le 17 decembre 1909, quelques mois avant l'ouverture officielle. Cette inauguration, prevue pour le F janvier 1910, est finalement reportee au 30 avril de la meme annee (ibid.: 160-165), en raison du deces du souverain.

Le musee du Congo belge

La nouvelle institution comprend cinq sections: economie politique, eth- nographie, sciences naturelles, sciences morales et politiques, photographie et vulgarisation (Luwel 1960: 40).

La place considerable, et meme preponderante, de l'economie est revelatrice. Cette section monopolise cinq salles publiques: une reservee aux importations au Congo, les quatre autres aux exportations. Le musee reste donc, avant tout, un outil de propagande coloniale, temoignage de l'ceuvre belge en Afrique, il est cense presenter les contributions des

7. Les expositions anversoises avaient egalement accueilli et litteralement expose des Africains. Ces prdsentations d'un goft douteux 6taient dans l'air du temps: Amsterdam et Paris aussi, au moment de leurs expositions universelles, avaient fait venir des ressortissants de populations << exotiques >> qui etaient livres au regard voyeuriste des badauds.

8. Charles Girault est l'auteur du Petit Palais de Paris, suivant les desirs de Leopold II, le musee de Tervuren sera construit sur le meme modMle.

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FIG. 4. Le diorama de la faune du Congo a 1'exposition de 1897.

FIG.O5. - Une vue de la salle d'ethnographie ?i l'exposition de 1897.

FIG. 5.-Une vue de la salle d'ethnographie A 1'exposition de 1897.

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FIG. 6. -Une vue de la salle d'ethnographie A 1'exposition de 1897.

FIG. 7. -Vue recente du mus6e tel qu'il fut conqu par I'architecte Girault. Photographie de J.-M. Vandyck.

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missionnaires, militaires, administrateurs, commerqants et industriels (Cor- nelis, 'a paraitre).

Les sciences naturelles et 1'ethnographie sont les deux autres sections- phares de l' epoque. L'ethnographie compte deja quelque 45 000 objets. Ceux des salles publiques sont presentes en groupes compacts dans des vitrines. Les sculptures traditionnelles n'ont pas le statut d'oeuvres d'art, elles sont considerees comme des curiosites. Ceux qui les creent appar- tiennent aux << tribus >> qu'il faut civiliser. Elles sont d'ailleurs affublees de morceaux de pagne afin de cacher leur sexe. Le directeur de l'epoque, A. de Hauleville, qui exige ces mises en scene, tient a ce sujet des propos edifiants. Il mentionne << la repugnante nudite des fetiches et figurines oiu l'exageration de certains details genesiques constitue un spectacle repu- gnant et obscene >>. Il justifie sa position et tient a preciser qu'il est capable de distinguer le nu artistique de l'obscenite. Il situe une fois pour toutes les objets rituels africains dans la categorie obscene et l'usage repete, dans son discours, du terme <<repugnant>> reflete une indignation viscerale. D'aucuns diront que c'est le reflet d'une epoque, pourtant, au musee, tout le monde ne partage pas son opinion. J. Maes, notamment, qui dirige la section d'ethnographie trouve cette attitude ridicule mais pas pour les raisons que l'on attend. Il faut se resigner, en effet, a apprendre que dans son desir d'exposer les statues denudees, il cherche seulement a souligner l'immensite de la tache civilisatrice qui attend le colonisateur9.

Entre-temps, les objets continuent a arriver, recoltes dans des contextes aussi diff6rents que les missions scientifiques, les expeditions militaires, les deplacements d'agents territoriaux, les exploitations des ressources naturelles et les activites evangelisatrices des missionnaires. Une partie des collections resulte toujours de directives ministerielles, mais on note l'interet croissant pour la recolte raisonnee. La section d'ethnographie reqoit donc de plus en plus d'objets accompagnes de rapports avec des details concernant leur contexte d'utilisation. Arrivent aussi de nombreux dons parmi lesquels certaines pieces maltresses comme un masque kifwebe des Luba, offert par les Peres blancs, ou un siege tshokwe, don de la Compagnie du Kasai. II faut cependant remarquer que le musee depend entierement du ministre des Colonies. Cet etat de fait diminue conside- rablement la marge de manceuvre du directeur. Les activites scientifiques se developpent mais les recherches fondamentales sont ralenties par l'im- plication massive des scientifiques dans les manifestations liees a la pro- pagande coloniale (ibid.). En 1927, H. Schouteden, zoologue, est nomme directeur.

En 1928, l'organigramme du musee change encore, repartissant les domaines d'etudes en sept sections. Les sciences naturelles, qui connaissent alors un essor considerable, sont subdivisees en trois: geo-

9. Pour plus de d6tails sur les propos antagonistes des deux hommes, voir la contribution de Sabine CORNELIS (a paraitre) de la section d'histoire du musee, qui a scrupuleusement depouilld et analyse les archives. Qu'elle soit remerciee pour la communication de ces renseignements avant leur publication.

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LE MUStE DE TERVUREN 603

FIG. 8. -Une des salles d'ethnographie de I'ancien muse'e au Palais des Colonies (1898- 1909).

Les sculptures sont pre'sente'es scion les me'mes crit'eres que ceux exiges par de Hauleville 'a partir de 1910.

FIG. 9. Masque kifwebe.

Luba, re'gion Shaba, Re'p. de6m. du Congo. Don des P'eres Blancs, inscrit en 1912. RG 6794. H. 62 cm, Bois (Ricinodendron sp.).

Photographie: R. Asselberghs.

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FIG. 11. -Masque kifwebe. Luba ou Songye, region Shaba, Rep. dem. Congo. Don de Mr Hoofd, inscrit en 1928. RG 30593. H. 38 cm. Bois (Ricinodendron

FIG. 10. - Siege. heudelotii). Photographie: R. Asselberghs.

Tshokwe, region Kasai meri-dional, Angola/Rep. dem. Congo. Don de la Compagnie du Kasai, inscrit en 1913. RG 15743. H. 55 cm. Bois (Alstonia congensis). Photographie: R. Asselberghs.

FIG. 12. -Le meme masque kifwebe (voir fig. 11).

Ce masque a ete photographie sur le terrain dans la region de Katompe (Shaba), Rep. dem. du Congo. Photographie: Mr Hoofd (avant 1928).

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LE MUSIE DE TERVUREN 605

logie-mineralogie, zoologie-entomologie et botanique. La section des sciences morales et politiques reqoit un epithete de plus: << historiques >>. Une nouvelle section voit le jour: anthropologie'? et prehistoire. Par contre, celle consacree 'a la documentation photographique disparait, recu- peree dans un service d'archives gere au niveau de chaque section (ibid.).

Les archives photographiques de l'ethnographie notamment se completent de documents essentiels pour l'etude des pieces. Ainsi, Mr Hoofd, agent territorial, fait parvenir au musee une serie d'objets et de photographies tres documentee. Les responsables du musee de Tervuren insistent pour avoir le plus de renseignements possibles sur les collections qui arrivent, et l'echange de lettres avec les administrateurs belges, sur place, revele cet interet croissant. Depuis la creation du nouveau musee, on note aussi l'augmentation des missions de terrain dirigees ou realisees par les chercheurs de Tervuren".

FIG. 13. - Arrivee de la pirogue 'a Tervuren (1958). Cette pirogue, fabriquee dans une espece d'acajou tres precieux, peut contenir jusqu'a 100 rameurs. A partir des annees soixante, il n'est plus possible de trouver chez les Lengola des embarcations aussi monumentales. Elle est utilisee pour la guerre et dans le cadre de deplacements lies au prestige des chefs.

10. Anthropologie physique. 11. Mission Hutereau (1911-1913) dans la region de l'Uele et de l'Ubangi (collec-

tions ethnographiques et zoologiques), mission ethnographique de J. Maes (1913- 1914) dans le Kasai, mission botanique de Bequaert (1911-1914), zoologique de H. Schouteden (1920-1922, 1924-1926) (LUWEL 1960: 42-43). Certains ne se cantonnent pas 'a servir les interets de leur propre section, parmi eux, l'exemple de G. De Witte (herpetologiste) qui, dans les annees 1930, opere pour la zoologie et ramene une collection d'objets tshokwe ainsi que de nombreuses photographies interessant l'ethnographie. Comme on peut s'y attendre, aux periodes de guerre, 1914-1918 et 1940-1945, correspondent la suspension des missions 'a l'etranger et un net ralentissement des activites scientifiques.

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De nouvelles perspectives en Afrique sud-saharienne

F. Olbrechts, specialiste en art africain, devient directeur en 1948. I1 donne, en 1951, un nouvel essor 'a l'association <<Les amis du musee de Ter- vuren >>, par l'intermediaire de laquelle beaucoup d'acquisitions et de dons sont inscrits a la section d'ethnographie. L'annee suivante, le musee devient << musee royal du Congo belge >>. Les zones de recherches se diversifient et touchent toute l'Afrique au sud du Sahara. Neanmoins, l'institution reste et restera le lieu de reference international pour l'Afrique centrale (Luwel 1960: 44).

Une piece particulierement interessante par ses dimensions extraordi- naires est acheminee, en 1958, a Tervuren depuis Kisangani. I1 s'agit d'une pirogue de plus de vingt-deux metres appartenant 'a l'ethnie lengola. Cette piece deviendra une des grandes attractions du musee. La meme annee, est nomme un nouveau directeur, L. Cahen, geologue cette fois, qui reamenagera les salles d'ethnographie'2.

Avec l'independance du Congo en 1960, et sous l'impulsion de L. Cahen, le musee devient plus autonome par rapport au ministre de tutelle. I1 change de nom une fois de plus pour devenir le musee royal de l'Afrique centrale. La section des sciences morales, politiques et his- toriques reqoit aussi une nouvelle denomination, celle d'<< Histoire de la presence belge 'a l'etranger >> (Marechal 1998: 242). La recherche scienti- fique est de plus en plus valorisee. Certaines collections sont deja des ref6- rences mondiales incontournables en ce qui conceme l'Afrique centrale'3.

En 1966, plus de trois cents objets, essentiellement d'Afrique occi- dentale, reqoivent une place permanente dans une salle publique du musee et consacrent l'ouverture de l'institution 'a toutes les cultures de l'Afrique sud-saharienne.

Un musee au Zaire

1967 est une date importante dans l'histoire des collections ethnogra- phiques, car deux cents objets de la section participent 'a une exposition itinerante aux Etats-Unis. Minneapolis est le premier lieu d'accueil de cet evenement qui incite le president Mobutu a reclamer les pieces pour son pays. Suivent de nombreuses negociations menees et commentees par le directeur, L.Cahen (1973-1974: 112):

< L'auvre d'art africaine a connu l'exode pour plusieurs raisons: les pays d'Afrique etaient pauvres et beaucoup le demeurent, ils 6taient faibles et certains

12. A cette epoque, les collections de la section d'ethnographie comptent environ 100 000 objets.

13. L'entomologie, par exemple, rassemble alors pres de huit millions d'insectes (BASILEWSY 1960: 64).

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LE MUStE DE TERVUREN 607

FIG. 14. - Statue royale ndop. Kuba, Nshyeeng, r6gion Kasalf occidental, R6p. d6m. du Congo. Don des Amis du Mus6e, inscrit en 1924. RG 27655. H. 55 cm. Bois (Crossopterixfebrifuga).

Photographie : R. Asselberghs.

FIG. 15. - Statue royale ndop repr6sentant le roi Bope Kena. Kuba, loc. Nshyeeng, region Kasai, R6p. d6m. du Congo. Inscrite en 1950. H. 55 cm. Bois (Crossopterixfebrifuga). En 1967, cet objet a particip6 A 1'exposition de Minneapolis et faisait aussi partie des 180 pi6ces s61ectionn6es pour le mus6e de Kinshasa. II fut restitu6 au ZaYre, be 24 mars 1976. Suite aux r6cents &6vnemnents dramatiques qu'a connu le Congo, cette image royale fut vole'e. II n'existe que douze, certains pr6tendent dix- sept, statues ndop des Kuba. Le tambour (ibol: embl6me sculpt6 sur be socle) permet d'associer cette pi6ce au roi Bope Kena.

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608 ANNE-MARIE BOUTTIAUX

le sont encore. Les relations entre colonisateurs et colonises ont aggrave la situation mais le phenomene n'est pas propre au fait colonial; il a sevi jusqu'a tout recemment en Italie par exemple et, dans une moindre mesure, dans toute I'Europe au profit des Etats-Unis d'Amerique. [...I II serait tout a fait abusif de pretendre que tous les objets ayant quitte un pays africain sous la colonisation soient le fait d'une spoliation arbitraire, meme s'il est exact que dans nombre de cas les rapports entre colonisateurs et colonises ont favorise les premiers aux depens des seconds. >? II ajoute encore << si les gouvernements peuvent agir sur les musees d'Etat de leur propre pays, il serait paradoxal d'exiger que ces musees, qui mettent les objets exposes a la disposition de tous, soient precisement tenus de "restituer" des aeuvres alors que les musees prives et les collectionneurs ne pourraient y etre contraints, eux qui souvent ne montrent leurs tresors qu'a quelques-uns. >>

Les negociations aboutissent finalement 'a la selection de 180 ceuvres << restituees >> en plusieurs etapes 'a partir de 1976. Dans le meme temps, l'Institut des musees nationaux du Zaire (IMNZ) est fonde sous l'egide de Tervuren et avec des fonds de la cooperation belge.

II est interessant de noter que, jusqu'a present, la Belgique est un des tres rares Etats 'a avoir mis en ceuvre un tel programme de rapatriement de patrimoine culturel.

Des collections oceaniennes et americaines

C'est aussi en 1967 que le musee recupere plus de 6 000 objets'4 africains, oceaniens et americains conserves aux musees royaux d'Art et d'Histoire (MRAH), situes dans le parc du Cinquantenaire 'a Bruxelles. Tervuren devient ainsi un musee des cultures non europeennes (sans l'Asie qui reste au MRAH). Cette vocation, qui ferait de l'institution un << musee de l'Homme >> belge, ne sera cependant jamais pleinement assumee, proba- blement 'a cause d'un nombre insuffisant de chercheurs specialistes des cultures extra-africaines. Le musee est actuellement pleinement operation- nel pour ce qui concerne l'ensemble du continent africain" ; le reste du monde est surtout gere en tant que collections et, dans une proportion tres reduite pour ne pas dire quasiment inexistante, en tant que sujets de recherche scientifique ou de themes d'exposition. I1 est meme sympto- matique d'observer qu'aux yeux du public, et malgre tous nos efforts ces dernieres annees, le musee reste associe 'a l'Afrique centrale et plus spe- cifiquement encore au Congo belge. I1 faut encore ajouter que la politique actuelle en matiere de recherches et d'evenements mediatiques est deli- berement et imperativement centree sur les collections africaines et ce, aux depens des autres, pour eviter d'eparpiller les centres d'interet et d'etudes.

14. Une deuxieme serie d'objets (plus de 1 700 pieces) arrive en 1979. 15. Et meme, en theorie, plus specifiquement 1'Afrique sud-saharienne.

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Transition

De 1977 a 1985, la direction du musee est confiee 'a des directeurs interimaires'6 et, en 1986, D. Thys van den Audenaerde, zoologue, est nomme. En 1987 on inaugure le Pavillon Stanley reamenage pour abriter, entre autres, les archives Stanley17*

Tres curieusement, plus les collections ethnographiques augmentent et se diversifient plus leur gestion se developpe au sein du musee sans grandes manifestations exterieures. Les objets s'accumulent dans des reserves bien entretenues et les mouvements qu'ils connaissent correspondent presque uniquement aux demandes de pret pour des expositions en Belgique ou a 1'e'tranger.

La presentation des salles publiques'8 n'evolue pas et hormis l'accueil de l'exposition itinerante <<Tabwa>> en 1986, peu d'evenements media- tiques sont organises. L'ethnographie est, 'a cette epoque, une section tres riche et tres introvertie; environ 250 000 objets y sont conserves: 800 seulement occupent une place dans les salles permanentes, les autres sont dans les reserves'9. Dans les annees 1990, la situation va completement changer. D. Thys van den Audenaerde entame une politique intensive d'organisation d'expositions temporaires.

Les grandes expositions

Les chercheurs se specialisent de plus en plus. Installes dans leur labo- ratoire et leur bureau, ils etudient les collections, comparent, publient, et certains d'entre eux acceptent de participer a l'elaboration d'expositions temporaires20. Les sciences humaines s'investissent beaucoup dans cette

16. P. Basilewsky assure l'interim de 1977 a 1978, A. Maesen de 1978 a 1980, et D. Thys van den Audenaerde de 1980 a 1985.

17. Apres de longues negociations, les archives Stanley sont achetees, en 1982, par la Societe generale de Belgique et conservees au musee de Tervuren (MARECHAL 1998: 244-246).

18. Les transformations et modernisations des salles publiques sont maintenant a l'ordre du jour et correspondent deja a une programmation precise. En ce qui concerne 1'ethnographie, les travaux de remaniement des collections d'Afrique centrale vont debuter incessamment. L'Afrique orientale et meridionale occupera ces espaces permanents dans le musee apres l'exposition << Peuples pasteurs >> de 2001. Finalement, l'Afrique occidentale retrouvera une salle publique apres l'exposition sur les << Populations du centre de la Cote-d'lvoire >> prevue pour 2003.

19. Leur presence dans les reserves n'implique pas qu'ils sont oublies ou ignores. lus donnent lieu a de nombreuses etudes, selections et manipulations; certains voyagent a l'occasion d'expositions itinerantes (BOUTTIAUX 1998: 53).

20. 1990 << Art contemporain du Senegal >>, << Le sous-sol explore depuis 1'espace >>; 1991 << H. M. Stanley. Explorateur au service du roi n; 1992 << La naissance de la peinture contemporaine en Afrique centrale 1930-1970 >>, << Kaiapo, Amazonie.

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nouvelle direction qui permet au public de voir, de savoir et de juger ce qui se fait dans les murs d'un musee que d'aucuns commencent 'a trouver << scandaleusement poussiereux >>. Les sciences naturelles participent indi- rectement 'a ces bouleversements mais restent surtout cantonnees dans les aspects de recherche fondamentale, et presentent peu d'evenements diriges vers le public2'.

L'exposition << Tresors caches du musee de Tervuren >>, en 1995, est assurement le grand moment mediatique de ces dernieres annees: 250 chefs-d'oeuvre sont presentes dans une prestigieuse mise en scene (Bout- tiaux 1995).

A l'origine de cette exposition, nous, les quatre conservateurs de la section d'ethnographie, desirons uniquement montrer des pieces des reserves, inconnues du grand public. Suite 'a une serie de pressions, des pieces selectionnees dans les salles d'exposition permanente sont ajoutees. Le titre << Tresors caches >> subsiste, juge plus mediatique par les bailleurs de fonds. Nous le justifions sans trop de peine en declarant 'a la presse que meme les pieces exposees dans les salles publiques etaient des tresors caches tant elles etaient mal presentees et eclairees. Quoi qu'il en soit, cette exposition est un succes retentissant. Elle circule actuellement en version reduite (125 objets) aux Etats-Unis et reviendra 'a Tervuren 'a l'aube de l'an 2000, en passant par Dusseldorf et Barcelone22.

Outre cette politique de grandes expositions, les annees 1990 corres- pondent aussi au demenagement, vers un nouveau batiment, des services scientifiques et des collections de l'ethnographie, et d'une partie de la zoologie (section vertebres).

En ce qui concerne l'ethnographie, l'accroissement des collections reste un volet important. Les recoltes se font au cours de recherches de terrain essentiellement menees dans l'optique de nouvelles expositions. La section

Plumes et peintures corporelles >>; 1993 << Les geckos des iles Comores ?>; 1993- 1994 << Peintures sous verre du Senegal >>; 1994 ( Touareg >>; 1995 << Tresors cachds du musee de Tervuren ?>; 1996 << Sieges africains >>; 1997 << Ethiopie?; 1997-1998 << Zimbabwe >?; 1998 << L'autre visage. Masques d'Afrique occiden- tale? ; 1998-1999 << Magie du Maroc >>.

21. Les analyses de bois et les identifications d'animaux ou de plantes, associes aux pieces exposees, sont realisees par des services de sciences naturelles. En fait, depuis la fin des annees 1960, l'organigramme du musee s'est considerablement modifie. L'apparition de nouvelles sections reflete la specialisation croissante des chercheurs surtout dans le domaine des sciences naturelles (cf. annexe).

22. Parcours de l'exposition: au Canada, a Hull: Canadian Museum of Civilisation (oct. 1996-mai 1997); aux Etats-Unis, a Washington: National Museum of African Art, Smithsonian Institution (juin-oct. 1997), a Fort Worth, Texas: Kimbell Art Museum (nov. 1997-janv. 1998), a San Francisco: M. H. de Young Memorial Museum (fevr.-avr. 1998), a New York: Museum for African Art (mai-aout 1998), a Saint Louis, Missouri: Saint Louis Art Museum (sept.-nov. 1998), a Chicago: Art Institute of Chicago (dec. 1998-mars 1999); en Alle- magne, a Dusseldorf: Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen (avr.-juin 1999) ; en Espagne, a Barcelone: Fundaci6 Caixa de Catalunya (juil.-oct. 1999).

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continue 'a acquerir des pieces aupres des antiquaires et des collectionneurs. Dans ces cas-la aussi, les choix se font preferentiellement en fonction des futurs evenements publics. Cependant, on continue toujours a acheter pour completer les collections par des pieces non encore representees ou en vue de l'etude et de l'etablissement de series qui permettent de faire des recherches dans le domaine de la stylistique.

Les projets de I'ethnographie

Comme mentionne plus haut, le reamenagement des salles publiques est prevu pour les prochaines annees. Lorsque les chefs-d'oeuvre reviendront de leur < tournee >>, ils trouveront, pour la plupart, une place dans les salles accessibles en permanence au public. Des espaces nouveaux seront consacres a l'Afrique occidentale, orientale et meridionale.

De plus, deux grandes expositions se preparent: << Peuples pasteurs d'Afrique ? pour 2001 et << Populations du centre de la Cote-d'Ivoire >> pour 2003. La premiere sera consacree aux arts du corps, particulierement valorises chez les pasteurs nomades. La seconde sera la combinaison d'objets d'art et de culture materielle appartenant 'a plusieurs populations ivoiriennes qui se sont largement influencees (guro, baule, yaure, wan, bete). Les deux evenements seront bases sur des recherches de terrain approfondies tant en ce qui concerne les domaines de l'anthropologie que ceux de l'histoire de l'art, plutot lies a la creation des objets et a la perception esthetique des populations concernees. Des photographies et des films viendront largement contextualiser les objets exposes, et ceci afin d'eviter une presentation purement artistique de temoignages culturels dont le sens est fondamental. Une partie reduite de chacune de ces expo- sitions sera reprise dans les salles permanentes.

*

Apres un parcours ingrat, les objets d'art africain ont finalement acquis leur statut de chefs-d'aeuvre. D'abord utilises comme toile de fond de propagande coloniale, puis comme temoignages de populations <<exo- tiques >> ou << primitives >>, ils sont enfin reconnus et respectes pour leurs qualites plastiques. Ce respect et cette reconnaissance se traduisent aussi a travers les prix exorbitants qu'ils atteignent sur le marche de l'art. Au debut du siecle, les objets etaient seulement des curiosites. Ils provenaient d'un monde etrange, voire inquietant, et n'avaient aucune valeur mar- chande. A I'epoque, les pieces qui arrivaient au musee n'etaient pas considerees comme des << tresors >>. Ceux qui pretendent que les adminis- trateurs coloniaux volaient des richesses ou les echangeaient contre de la pacotille font une erreur grossiere. S'il est inacceptable qu'ils aient sufre-

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FIG. 16. Sortie de masque flali

Guro, village de Zougounefla, region de Zuenoula, C6Ote-d'Ivoire. Photographie: A.-M. Bouttiaux (1997).

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ment plus souvent pris qu'achete, ce n'est pas parce qu'ils voulaient s'enrichir illicitement - comme beaucoup le pensent - mais bien parce qu'ils privaient les societ's de leurs objets de culte ou de pouvoir - ce qui continue honteusement 'a n'emouvoir personne. Avec le temps, ces memes objets ont fait leur entree dans la categorie << art >> et ceux qui avaient eu le coup d'ceil ou la bonne idee de les acquerir en ont profite financierement. Que les creations plastiques africaines aient des qualites esthetiques remarquables, c'est evident; que cette reconnaissance entraine une hausse des prix est justifiable, si ce n'est que cet etat de fait a des effets pervers qui, une fois de plus, ne servent pas les populations crea- trices. Tres etrangement, la situation reste ambigue et c'est contre cette ambigufte, encore empreinte de mepris, que beaucoup d'entre nous oeuvrent maintenant dans ce musee.

Car, dans cette valorisation, c'est l'objet seulement qui a change de statut et non les populations qui l'ont produit. L'aeuvre d'art est extirpee de son contexte, on admire les formes, on commente la composition plastique, 1' equilibre des volumes et quand, au mieux, on discute l'attri- bution 'a telle ou telle ethnie en fonction des caracteristiques stylistiques, on est convaincu d'avoir rehabilite les createurs, alors qu'une fois de plus ils font les frais de notre pretention. Cette victoire artistique n'a donc malheureusement pas fait progresser le debat. C'est precisement la que nous avons situe notre action pour les expositions 'a venir. Les amateurs d'art viennent au musee pour voir de beaux objets, c'est ce qu'ils verront, mais nous leur offrirons aussi des images, des musiques, d'autres elements de la culture materielle les contextualisant pour qu'ils apprehendent enfin une partie, meme infime, de l'environnement dans lequel ils ont ete conqus.

Musee royal de l'Afrique centrale, section d'ethnographie.

ANNEXE

Actuellement les services scientifiques du musee comptent quatre departements, eux-memes divises en sections dont certaines possedent des collections (C):

Le d6partement d'Anthropologie culturelle avec les sections: * d'ethnographie (C: ? 250 000 objets et plus de 100 000 photographies de terrain)23. * d'ethno-sociologie et d'ethno-histoire. * d'ethno-linguistique et d'ethno-musicologie (C: 8 500 instruments de musique). * de prehistoire et d'archdeologie (C: cette section comptabilise 85 000 entrees.

23. Les archives photographiques de 1'ethnographie font l'objet d'une serie publi6e sous le titre Photos d'archives du muse'e de Tervuren dont le premier numero est paru en 1996, a l'occasion de 1'exposition << Sieges d'Afrique >> (VAN WAS- SENHOVE 1996).

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Ce chiffre correspond a des objets uniques au debut puis, pour les vingt dernieres annees, chaque entree reprend 1'ensemble des objets trouves sur un site de fouilles archeologiques).

Le departement de zoologie avec les sections: * des vertebres (C: 950 000 exemplaires). * d'entomologie (C: les collections d'invertebres, insectes et non insectes confon- dus, s'elevent a environ 20 millions d'exemplaires (LOUETTE 1998: 138). * des invertebr6s non insectes (C: idem).

Le d6partement de geologie et mineralogie avec les sections: * de geologie generale (C: environ 200 000 echantillons de roche, plus une collection paleontologique de quelque 16 000 specimens). * de cartographie et photo-interpretation (C). * de mineralogie et petrographie (C: environ 15 000 echantillons de mineraux). * de physico-chimie minerale.

Le departement du musee royal de l'Afrique centrale avec les sections: * d'histoire de la presence belge a 1'6tranger (C: 300 fonds d'archives privees inventori6s, 3 700 aeuvres d'art, 3 000 cartes, 500 films, 500 000 photographies). * des services scientifiques gen6raux (bibliotheque centrale et service educatif). * d'6conomie agricole et forestiere (C: 56 000 specimens de 13 600 especes botaniques, dont 40 % sont africains).

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RESUME

La section d'ethnographie du Musee royal de l'Afrique centrale de Tervuren en Belgique gere, depuis un siecle, une 6norme collection d'objets dont le statut a change avec le temps. Au d6but, les sculptures n'6taient pas exposees a des fins esthetiques ou scientifiques, elles servaient seulement de d6cor exotique a la pro- pagande coloniale. Avec le temps, certaines ont revu la mention (" chef-d'ceuvre )) tandis que les autres furent cataloguees comme t6moignages culturels. Le parcours vers I'acquisition d'un statut qui leur donne enfin une place digne de leur int6ret est relate et ce, au sein d'un musee qui comprend de nombreuses autres sections de sciences humaines et de sciences naturelles.

ABSTRACT

From Displaying Curious to Showing Masterpieces: the Musee Royal de l'Afrique in Tervuren, Belgium, a Century of Collecting. - For a century now, the ethno- logical section of the Royal Museum of Central Africa in Tervuren, Belgium, has managed a vast collection of objects. At the start, sculptures were exhibited for neither aesthetic nor scientific purposes; they merely served as an exotic decor for colonial propaganda. Over time, some of these sculptures have attained recognition as "masterpieces", whereas others have been catalogued as the material evidence of given cultures. The way these objects have acquired status in a museum with many other sections of natural and human sciences is described.

Mots cle's/Keywords : Tervuren, ethnographie, histoire coloniale beIge, musee royal de l'Afrique centrale, museologie, recherche scientifique/Be/gium's colonial history, ethnology, museum, scientific research.

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