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De bronze et de pierre dure. Un cadeau espagnol à Napoléon 9 782878 441673 19 euros Un cadeau espagnol à Napoléon De bronze et de pierre dure En avril 1808, Napoléon convoqua à Bayonne Charles IV et Ferdinand VII d’Espagne. Le père et le fils se disputaient la couronne, et Napoléon les départagea à sa façon, en nommant roi son frère aîné Joseph. C’est en vain que Charles IV avait apporté dans ses bagages un cadeau somptueux : le surtout pris à la « Casa del Príncipe » à l’Escorial. Ce surtout, ou centre de table, qui exprimait symboliquement la puissance de la monarchie des Bourbons, était un magnifique exemple du savoir-faire de la manufacture madrilène du Buen Retiro. Cet objet spectaculaire, fait de pierre dure enrichie de bronze doré, d’intailles et de camées, fut dédaigné par les Français. Décision fut prise de démanteler l’ensemble, de restaurer certains éléments et d’en transformer la plupart. Intervinrent alors le sculpteur mosaïste Belloni, le bronzier Thomire et les horlogers Lepaute et Bailly. Les éléments provenant du surtout dépecé furent répartis entre les Tuileries, Fontainebleau, Trianon et Meudon, ou restèrent au Garde-Meuble impérial. Le temps d’une exposition, ces pièces sont réunies au château de Fontainebleau, qui en présente déjà bon nombre dans le Petit Appartement de l’Empereur et dans le musée Napoléon I er , qui évoque les fastes du Premier Empire dans le réseau français des musées-châteaux. éditions FATON

Fastes royaux. Charles IV et ses surtouts

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9 782878 441673

19 euros

Un cadeau espagnol à Napoléon

De bronze et de

pierre dure

En avril 1808, Napoléon convoqua à Bayonne Charles IV et Ferdinand VII d’Espagne. Le père et le fils se disputaientla couronne, et Napoléon les départagea à sa façon, en nommant roi son frère aîné Joseph. C’est en vain que Charles IV avait apporté dans ses bagagesun cadeau somptueux : le surtout pris à la « Casa del Príncipe » à l’Escorial.

Ce surtout, ou centre de table, quiexprimait symboliquement la puissancede la monarchie des Bourbons, étaitun magnifique exemple du savoir-fairede la manufacture madrilène duBuen Retiro. Cet objet spectaculaire,fait de pierre dure enrichie de bronzedoré, d’intailles et de camées, fut dédaigné par les Français. Décision fut prise dedémanteler l’ensemble, de restaurer certainséléments et d’en transformer la plupart.Intervinrent alors le sculpteur mosaïste Belloni,le bronzier Thomire et les horlogers Lepaute et Bailly. Les éléments provenant du surtoutdépecé furent répartis entre les Tuileries,Fontainebleau, Trianon et Meudon, ou restèrent au Garde-Meuble impérial.

Le temps d’une exposition, ces pièces sont réunies au château de Fontainebleau, qui en présente déjà bon nombre dans le PetitAppartement de l’Empereur et dans le muséeNapoléon Ier, qui évoque les fastes duPremier Empire dans le réseau françaisdes musées-châteaux.

éditionsFATON

De bronze et de

pierre dure Un cadeau espagnol

à Napoléon

De bronze et de

pierre dureUn cadeau espagnol

à Napoléon

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Les commissaires souhaitent remercier,pour leur minutie, Géraldine Aubert,restauratrice du patrimoine métallique, et Fanny Kurzenne, restauratrice desculptures, ainsi que Matthieu Ranck,bronzier d’art ; pour leur investissementdans la campagne photo graphique,Sophie Daënens, chef du centre deressources scientifiques au châteaude Fontainebleau, Adrien Didierjean,photographe, et Fatima Louli de l’agencephotographique de la Réunion des musées nationaux.

Christophe Beyeler tient à remercier tout particulièrement, au château deFontainebleau, Vincent Droguet,conservateur en chef du patrimoine, pour sa généreuse érudition, et Jean Vittet,conservateur en chef du patrimoine, pourson acuité et son engagement ; au château de Versailles, Jérémie Benoit, conservateuren chef chargé du Grand Trianon, etJacinthe d’Abbadie, chargée de missionpour le récolement ; au château deCompiègne, Laure Starcky, responsable dela documentation, et Jean-Denys Devauges,responsable du Musée national de laVoiture et du Tourisme ; au muséeMarmottan-Monet, Antonin Macé de Lépinay,assistant de conservation ; Didier Lénart,

Établissement public du château de Fontainebleau

Jean-François Hebert, président

Xavier Salmon, conservateurgénéral, directeur du patrimoine et des collections

Christine Richet, administratricegénérale

Commissariat d’exposition

Isabelle Tamisier-Vétois, inspecteur de la création artistique auprèsdes services du Premier ministre

Christophe Beyeler, conservateur du patrimoine chargé du muséeNapoléon Ier au château deFontainebleau

Scénographie

Conception : Philippe Maffre,architecte scénographe, avec lacollaboration de Xavier Salmon

Régie des œuvres : Sarah Paronetto

Catalogue

Isabelle Tamisier-Vétois,Christophe Beyeler et Jean Vittet

Coordination éditoriale et choix iconographiques :Christophe Beyeler

Cat. 12

de Bridgeman Art, ainsi que Michel Cugnet,ancien responsable de l'atelier derestauration des Sculptures du Louvre ;enfin, au Patrimonio nacional à Madrid,José Luis Sancho, historien au départementde la recherche scientifique, qui,deux siècles après le Tres de Mayo etle guet-apens de Bayonne, a œuvré aurapprochement entre institutions françaiseet espagnole, dans un esprit d’amicalecoopération et d’étude commune du surtoutoffert par Charles IV à Napoléon.

Remerciements aux prêteurs

Paris, Mobilier national

M. Bernard Schotter, administrateurgénéral ; Mme Christiane Naffah-Bayle,conservateur général du patrimoine,directeur des collections ; M. Jean Fouace,conservateur en chef, adjoint au directeurdes collections ; M. Jean-Jacques Gautier,inspecteur des collections.

Versailles, Établissement public du château de Versailles

Mme Catherine Pégard, présidente ;Mme Béatrix Saule, conservateur général du patrimoine, directeur général ; M. Frédéric Lacaille, conservateur en chefchargé des prêts aux expositions.

Remerciements

Sommaire

Préface 8Jean-François Hebert et Xavier Salmon

Fastes royaux. Charles IV et ses surtouts 13José Luis Sancho et Javier Jordán de Urríes y de la Colina

Majestés déchues. Via Bayonne, des Bourbons d’Espagne à Fontainebleau et Valençay (1800-1814) 49Christophe Beyeler

Un cadeau aux mains du Garde-Meuble. L'art du réemploi 67Isabelle Tamisier-Vétois

Catalogue 97Isabelle Tamisier-Vétois, Jean Vittet,

Marie-France Dupuy-Baylet

Annexe 163Inventaire des Pièces servant de Dessert

du Roi d’Espagne (1808)

Bibliographie 170

Trois figures féminines, détail du candélabre T 264 C.3.1 (cat. 17).

Page 8 : Minerve couronnée, détail cat. 1.

Page 9 : Trois figures féminines : la Sculpture, Minerve et la Force, détail du candélabre T 264 C.3.4 (cat. 20).

Le surtout que Charles IV, roi d’Espagne, offrit à l’empereur Napoléon en 1808 doit êtreresitué dans le contexte plus large de l’art de cour cultivé par ce monarque, celui de sesgoûts artistiques, et doit être plus spécifiquement étudié en lien avec ses autres surtouts :celui qui fut créé par Luigi Valadier à Rome, acquis à Paris par Charles, alors prince desAsturies, puis agrandi à Madrid, et celui qui fut intégralement réalisé en Espagne pour laMaison royale du Laboureur à Aranjuez 1. Les pièces qui furent dispersées à travers lespalais français, aujourd’hui pour la plupart rassemblées à Fontainebleau, sont si étroitementliées à ces deux ensembles, et en particulier à l’agrandissement de l’œuvre de Valadier,qu’il est impossible de les commenter sans analyser, dans les limites de la documentation,l’échelonnement et la destination de tous ces ensembles ornant les tables royales. Le goût artistique de Charles IV (Portici, 1748 – Naples, 1819 ; roi d’Espagne de 1788 à 1808) a déjà été abordé 2, mais le sujet mérite d’être approfondi, les récentes expositionsà Madrid et à Dallas 3, ainsi que les monographies sur ses maisons de plaisance 4 ayant dureste contribué à esquisser cette réévaluation générale que nous espérons pouvoir offrirau public à l’avenir. En attendant, nous lui livrons des études sur certains aspects plusspécifiques, comme son mobilier français ou ce dont il est question dans ces pages 5.Un mécène qui avait fait de Goya le premier peintre de sa cour et avait compris son talentde portraitiste ne peut manquer de susciter de l’intérêt et les publications à ce sujet sontinnombrables ; mais l’attention qu’il portait aux arts plastiques s’inscrit dans un goût plusprononcé encore pour les arts décoratifs, goût auquel on doit l’avènement d’un véritableâge d’or de l’ornementation des palais royaux. Le désir du roi de créer des intérieurs d’unraffinement exquis proche du perfectionnisme, généralement de petits intérieurs situés dansses maisons de plaisance, pourrait presque passer pour une manie si l’on en juge parle nombre et la qualité de ces espaces, dont le plus connu en France est probablement lecabinet de platine de la maison du Laboureur 6.

13

Fastes royauxCharles IV et ses surtouts

José Luis Sancho Javier Jordán de Urríes y de la Colina

Patrimonio nacional, Espagne

Sphinge, détail du candélabre GML 187/2 (cat. 10).

Cat. 23

Cat. 21

Cat. 15

Cat. 35

Cat. 37

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Situées entre le surtout romain et celui d’Aranjuez, les pièces offertes par le roi d’Espagne à l’Empereur ont été largement considérées comme un ensemble indépendant réalisé pourla maison de plaisance de l’Escurial ; mais leur relation avec le surtout de Valadier augmentépar Ferroni est plus intime et complexe qu’il n’y paraît. Et il convient donc, avant d’exami-ner plus avant chacun de ces trois surtouts, d’aborder, même brièvement, des aspects plus généraux tels que la Manufacture royale du Buen Retiro, le rôle joué par Ferroni et l’usageque faisait Charles IV de ses maisons de plaisance. La production de la Manufacture royale du Buen Retiro a fait l’objet de plusieurs études,portant principalement sur sa porcelaine 7. Celle de l’« Elaboratorio de piedras duras », outre des apports documentaires déjà anciens 8, a été magistralement traitée par ÁlvarGonzález-Palacios dans des contributions circonstanciées ainsi que dans un catalogueincontournable 9. Malheureusement, la disparition durant la guerre d’Indépendance contre Napoléon de toute la manufacture – qui avait été intégrée aux fortifications du Buen Retiro –, et donc de ses archives, limite considérablement nos connaissances sur cette importante fabrique royale. Fondée, comme la manufacture de Capodimonte, par Charles III, qui transféra de cette maison mère des ouvriers et des matériaux, celle du Buen Retiro travailla les pierres dures dès sa création, les ateliers grand-ducaux de Florence ayant marqué durablement le fils d’Élisabeth Farnèse, candidat à la successionde Toscane, comme le montraient bien ses armoiries 10.

16

Charles-Antoine de Bourbon, fils de Charles III (à qui l’on doit les fouilles de Pompéi et d’Herculanum) et époux d’une petite-fille parmesane de Louis XV, développa ses choixesthétiques sur la base d’un solide substrat italien – comme il se devait en Espagne – et d’une touche française apportée par les récentes créations parisiennes. Ses ensemblesdécoratifs conjuguent donc des œuvres madrilènes, des acquisitions cosmopolites et descommandes à des artistes étrangers. Si, parmi ces derniers, on retient à juste titre la figuredu Français Jean-Démosthène Dugourc, il ne faudrait pas oublier la présence continued’Italiens, tels l’architecte de cour Francesco Sabatini ou le bronzier et dessinateur GiovanniBattista Ferroni. Les surtouts dont nous parlons ici sont assurément dominés par le goûtitalien, préférence dont nous allons voir les causes, ce qui explique dans une certaine mesurele dédain de la cour napoléonienne envers les pièces offertes par Charles IV. Le surtout, objet de luxe par excellence, montre parfaitement à quel point l’élaborationd’ensembles somptueux peut obéir à un processus d’accumulation : acquisition d’objets dans un haut lieu de la création à l’étranger, direction d’un ornemaniste étranger et réalisationdans les manufactures royales et les ateliers liés à la Maison royale. Ainsi, le surtout créé àRome par Valadier est agrandi dans l’« Elaboratorio de piedras duras » (atelier de pierresdures), installé dans la Manufacture royale de la China, soit de porcelaine, du Buen Retiro,d’après les dessins de Ferroni. Le surtout destiné à la Maison royale du Laboureur serabeaucoup plus unitaire et espagnol, à la fois dans son programme et dans sa filiation artistique.

Luigi Valadier, Surtout, tel queprésenté à l’exposition Charles IVen 2009. Madrid, Palais royal,Patrimonio nacional, et Museoarcheológico nacional.

Cat. 20

Cat. 19 Cat. 19

21

Le goût de Charles III pour les pierres dures, commenté par son courtisan et biographeFernán-Núñez 11, est à l’origine d’un ensemble impressionnant de consoles destinées auPalais royal – mais qui, par un de ces enchaînements de circonstances pervers si coutumiersen Espagne, ne servirent jamais à son ornement. Ferroni joua un rôle essentiel dans leurconception et leur exécution 12. Enfin, l’écrivain éclairé Eugenio de Llaguno nous a légué, enaoût 1787, un témoignage sur « cette mystérieuse fabrique » et son « Elaboratorio de piedrasduras » qui mérite d’être cité : « La manufacture de mosaïques qui s’y trouve est vraimentsupérieure. Je dis manufacture, mais en réalité peu de gens y travaillent et ils n’ont fabriquéque deux tables pour la chambre du Roi en je ne sais combien d’années. N’en attends rien,car tout ce qu’on y fait et y fera sera pour le palais. 13 »Giovanni Battista Ferroni, appelé Juan Bautista Ferroni en Espagne14, bronzier, joua dans l’artde cour de Charles IV un rôle bien plus grand qu’on ne l’admet communément. Junquera atout de même signalé fort justement la place que ce créateur a occupée dans les travaux dusouverain, avant même sa montée sur le trône, et lui a attribué la conception de nombreuxornements en stuc dans les maisons de plaisance. Le plus spectaculaire, celui de l’entrée du Pardo, est signé de ses initiales en grec15. Quant à ses origines, on sait seulement aveccertitude qu’il était de Côme16 et on suppose donc qu’il fit ses premières études en Lombardieou dans la province de Parme. Il semble en revanche s’être formé à Rome et, soit grâce àdes contacts noués dans la Ville éternelle avec Vanvitelli ou Sabatini, soit par un intermédiairedu Nord de l’Italie lié à d’autres artistes, comme Gasparini ou Natali, il se trouvait en 1766 à Madrid et travaillait à des bronzes importants destinés au nouveau Palais royal. Cat. 28

Cat. 30

23

L’année suivante, il passa sous les ordres de Mattia Gasparini et ce dernier en fut si satisfaitqu’il lui fit signer un contrat en 1770. Ferroni s’engagea à réaliser l’ensemble des métauxdestinés aux chambres de Charles III, dont Gasparini dirigeait les travaux 17. À la mort de celui-ci, en 1774, Ferroni remplit d’une certaine façon le vide qu’il avait laissé et perçut alorsun salaire fixe en tant que décorateur de la Maison royale, un rôle que le vieux monarque nedaigna jamais reconnaître par une nomination officielle, mais qui fut confirmé par Charles IVà travers l’Ordonnance royale du 12 mars 1790 : il fut institué ornemaniste du roi, avecobligation de « former des modèles et des dessins pour toutes les branches [...] d’ébénistes,sculpteurs, stucs, plâtres, pierres dures et orfèvres » 18. En 1789, il avait entièrement conçuune pièce magnifique, la salle du Reliquairedu Palais royal de Madrid, à laquelle ilcontinua de travailler pendant quelquesannées. Mais sa carrière ascendantes’arrêta net en 1791, vraisemblablementsuite à d’habiles manœuvres de Sabatini.Celui-ci, jaloux de son concurrent potentieldans le domaine de la décoration intérieureroyale, dévoila – avec autant d’honnêtetéet de zèle que d’égoïsme – la gestion pourle moins contestable de l’ornemaniste etobtint sa mise à l’écart dès le mois demars 19. Parmi les œuvres commandéesjusqu’alors à Ferroni, étudiées ailleurs 20,figure aussi un surtout, si ce n’est deux.Ferroni réussit à se maintenir à flot, maisn’était plus dans une position dominanteau sein du service royal ; quelques-uns de ses compagnons bronziers purentrejoindre le « Laboratorio de piedrasduras » et poursuivre le travail commencéauprès de leur ancien maître 21.Il n’est pas étonnant que le surtout deValadier, destiné en 1786 à Aranjuez, aitété transporté d’une résidence royale àune autre, une telle mobilité étant nonseulement intrinsèque à ce genre d’objetsprécieux, mais aussi propre à une cour qui,

Cat. 30

À droite : cat. 20

« de mont en mont » 22, changeait de séjourroyal à chaque saison, selon un rite déjàbien établi. En raison de ces déplace-ments systématiques, il était assez naturel, aussi, de laisser dans chaque maison deplaisance un surtout plus modeste, oucertaines parties de l’ensemble principal. Malgré la création de la manufacture duBuen Retiro par Charles III, aucun surtout ne fut réalisé pour le vieux roi, proba -blement parce qu’il n’aimait guère s’at-tarder à table, et encore moins donner desbanquets. En revanche, son fils, le princedes Asturies, le futur Charles IV, appréciaitbien davantage la vie sociale, notammentles festins dans les maisons de plaisancequ’il possédait sur les sites royaux. Il estbien attesté que les surtouts furent utilisésdans la maison du Pardo23 et dans celle del’Escurial (comme le montrent les dépensesafférentes 24). Pour la maison du Laboureurà Aranjuez, le site royal favori de Charles IV,fut créé un surtout entièrement nouveau,aux proportions gigantesques, dont le styleet les auteurs reflétaient une réaction trèsnette, classiciste, contre le baroque italientardif de la Manufacture royale. En définitive, les références pouvant ren -voyer à la production des pièces offertes à Napoléon sont tellement mélangées àcelles qui concernent l’agrandissement du surtout de Valadier qu’il est difficile desavoir à quoi correspondent les dépenses,les notes conservées étant d’ailleurs trèssuccinctes. Il est donc nécessaire de retra -cer brièvement l’histoire enchevêtrée de ces surtouts.

Cat. 17

Le surtout de Valadier et son agrandissement à Madrid

Le surtout exécuté à Rome parValadier pour le bailli de Breteuil etacheté lors de la vente de 1786 parl’ambassadeur espagnol, le comted’Aranda, pour le prince des Astu -ries, a été étudié par González-Palacios et il n’est pas besoin de répéter ici ce qui a été dit ausujet d’une pièce si intéressante dugoût « antiquaire » dans l’Italie desannées 1770 et de son incidenceen France 25. María Jesús HerreroSanz a attesté que le surtout, à sonarrivée à Aranjuez en provenancede Paris, fut nettoyé et réparé parLuis Poggetti et G. B. Ferroni, lescomptes n’indiquant aucun ajoutde pièces, si ce n’est le rempla -cement d’une pierre ou d’émauxperdus 26. Nous ne savons pasexactement quand Charles-Antoinede Bourbon demanda à Ferronid’agrandir cet ensemble, mais il estfort probable qu’il prit cette initiativeune fois monté sur le trône, peut-être en 1790. Ce qui est certain,c’est qu’en mars 1791, lorsquel’ordre fut donné de mettre unterme à tous les ouvrages dirigéspar le bronzier et de faire l’inven -taire de son atelier, on ne réper-toria que « douze lions prêts à êtredorés » et « treize lions non ciselés »,

Cat. 17

29

une copie de tout cela a été remise à don Franco Sabatini en mars 1791 ». C’est la date postquem de ce document, qui ne semble guère postérieur quoi qu’il en soit. L’allusion au dessin deFerroni et les descriptions des pièces réalisées permettent de conclure qu’il ne s’agit plus del’agrandissement du dessert de Valadier, mais d’un autre surtout, qui doit être celui offert àNapoléon : d’une part le fait que les lions aient des boules « sous les mains » différencie cessupports des lionnes qui soutiennent le plateau romain ; d’autre part, les références à quelquesdétails formels et à de petites balustrades renvoient assez clairement à certains éléments deFontainebleau et à d’autres pièces semblables conservées au Patrimonio nacional : il est questionde grecques, qui pourraient être les cercles entrecroisés des composantes du surtout, et de« quatre-vingt-cinq anneaux elliptiques qui unissent les balustres », c’est-à-dire un modèle similaireaux perrons conservés au palais du Pardo (Patrimonio nacional, inv. 10072870 et 10072871)31,qui ne sont pas en discordance avec les éléments bellifontains.

seuls « ornements de bronze pour un surtout venude Paris », qui ne peut être que celui de Valadier 27.

Mais, simultanément, des références à d’autres en-sembles de cette nature apparurent dans la procédurecontre Ferroni. Outre quelques moulures de bronzedestinées à un surtout en porcelaine inachevé28, il estmentionné au début de l’année 1791 « un surtout de

pierres dures orné de bronzes dorés, qui seraachevé dans un bref délai, la plupart des piècesen bronze étant finies », ce qui ne semble doncpas correspondre aux lions (sans boules,comme nous allons le voir) de celui de Valadier. De plus, quand Ferroni fut écarté de ses travaux,en mars de la même année, il fut indiqué que Sabatini « devra rassembler les pièces exécu-tées ou que l’œuvre devra être poursuivie parles compagnons qui assistaient Ferroni, confor-mément au dessin qu’il avait conçu pour elles ;et que Bonicelli devra saisir les pièces ache-vées, les payer et les présenter une fois parmois au Secrétariat » 29.

Ces indications correspondent à un autre« inventaire des pièces de figures etd’ornements faites en bronze dans l’ate-lier de don Juan Ferroni pour le surtoutdont le Roi notre Seigneur a com-mandé l’exécution avec ces pièces et des pierres dures » 30. Il est précisé à la fin que les moulesde toutes les pièces restaient en lapossession de Ferroni, de même

que « le plan original pourledit surtout qui futentière ment remis à donDomingo Bambiteli [pourBonicelli], intendant de la manu facture royale deporcelaine du Buen Retiro ;

Cat. 17

Cat. 18

30

Ce surtout devait être pourvu d’un plateau – ou du moins c’est ce qu’on peut déduire deslions et de leurs boules 32 et peut-être de « la partie qui est ornée d’une large grecque dansla balustrade principale d'en bas » –, ce qui concorde avec le fait que le surtout offert àNapoléon ait un plateau de six mètres, selon la description publiée par Samoyault 33.Malgré la mise à l’écart de Ferroni, il y a lieu de supposer que la conception du surtout futrespectée lors de sa réalisation les années suivantes à l’« Elaboratorio de piedras duras » de la Manufacture royale. Les descriptions détaillées de ces travaux ont disparu, mais onconserve tout de même des traces écrites des paiements. Nous sommes donc en mesure devérifier la poursuite de ces œuvres et de nous faire une idée de leur coût exorbitant, quidépasse même le budget alloué à une œuvre aussi spectaculaire que le cabinet de platine 34.Grâce à un résumé général des comptes conservé aux archives générales de Simancas, on sait que la somme investie entre mars 1791 et 1798 s’élevait à 814035 réaux et29 maravédis, et il ne s’agit d’ailleurs pas du montant global puisque ce registre comptableest incomplet et qu’apparaissent des versements pour la même commande au cours des cinq premiers mois de 1799, ce qui nous donne un total, encore partiel, de 824455 réaux et11 maravédis 35. Ces documents nous montrent donc que les travaux se poursuivirent sansinterruption après le départ de Ferroni, en vertu des Ordonnances royales du 4 avril et du26 juin 1791. Par la première, le monarque fit remettre 12000 réaux pour « l’achat desmatériaux et les salaires correspondant aux œuvres en bronze » à Domingo Bonicelli, « chargépar le Roi d’achever des œuvres pour le service Royal ». La seconde précisait que cespaiements avaient pour objet « les salaires et les matériaux utilisés pour les ornements en bronze du surtout élaboré dans l’“Elaboratorio de piedras duras” pour le service du Roi »,la mention du « surtout » figurant à chaque paiement 36.Mais quel est donc ce surtout qu’il faut achever ? Celui de Valadier ou celui qu’avaitcommencé Ferroni, dont les lions reposaient sur des boules ? Le surtout romain fut, à n’en pas douter, agrandi dans la Manufacture royale au cours de cesannées, passant de cinq à treize plateaux, opération dans laquelle intervint, comme nousl’avons vu, l’ornemaniste royal. Un versement un peu plus détaillé au serrurier Luis Balleuen 1792 pour la réalisation des plaques en bronze destinées au plateau ne peut en toutecertitude être rattaché à l’un ou à l’autre 37. Mais il est par ailleurs légitime de penser que si lalongueur totale du socle du surtout passa de 280 à 692 centimètres, il fallait des pièces plusnombreuses pour embellir un ensemble aussi grand. Le relevé des paiements dont on disposene sort de son imprécision que pour mentionner des « platillos » 38, qui semble un nom plusapproprié pour les verrières en albâtre, bronzes dorés et camées de Fontainebleau. Il estmême possible que se soient enchevêtrés deux ensembles distincts, le caractère succinctdu livre de comptes ne permettant pas de distinguer chaque ouvrage. Le surtout de Valadier, une fois agrandi, est décrit dans les inventaires del Ramillete [surtout]en 1818 et 1824 et assez clairement différencié d’autres ensembles, à quelques exceptionsprès – nous allons y revenir 39.

Cat. 17

33

Le surtout de la maison de plaisance de l’Escurial

Dans la maison de plaisance du prince à l’Escurial se trouve indéniablement un surtout, commele montrent de nombreux documents des archives générales du Palais à Madrid. Sur lescomptes du 19 octobre 1797 apparaît le paiement de 629 réaux de billon, « fait par don LuisPoggetti pour porter au Site Royal de San Lorenzo six seaux et six seaux à bouteille » 40, ce quipourrait indiquer que le surtout s’enrichissait des nouvelles pièces produites au Buen Retiro,mais il pourrait aussi s’agir de pièces restaurées à la Manufacture royale et restituées à lamaison de plaisance de l’Escurial. En réalité, Poggetti travailla avant et après à la restauration– ou à la mise en condition pour l’assemblage – de ce surtout, comme il apparaît dans lesfactures signées à l’Escurial le 15 novembre et le 10 décembre 1796, « pour nettoyer le surtoutou Ramillete en pierre » et « pour la composition du surtout en pierres dures qui se trouve dansla maison de plaisance de S.M. au site royal de San Lorenzo », et le 11 octobre 1799, cettefois « pour le démontage et montage du surtout en pierres dures qui se trouve dans la maisondu site royal de San Lorenzo [...] correspondant aux années 1798 et 1799 »41. Pour sa part,l’orfèvre et bronzier romain Giardoni se chargea pendant huit jours, en novembre 1796, avecdeux collaborateurs, du nettoyage et du blanchiment des bronzes et présenta le mois suivantun autre devis pour « ajouter les tenons aux bronzes dorés du surtout en pierres dures de S.M.dans la maison de plaisance de l’Escurial » 42. Un autre bronzier, Manuel de Urquiza, allait êtrechargé d’une intervention plus conséquente sur une période s’étendant du 15 octobre 1798au 30 septembre 1799, à peu près en même temps que Poggetti, comme en témoignentses factures du 30 novembre 1798, du 12 juin et du 19 octobre 1799, s’élevant à un totalde 63343 réaux et 27 maravédis pour « la redorure à l’or moulu des ornements en bronzedu surtout, ou dessert, en marbre de S.M. dans sa maison royale de San Lorenzo ».

Maison de plaisance du prince à l’Escurial, façade est, côté entrée.

Cat. 34

Cat. 11

Cat. 42

3736

Urquiza présentera aussi, les années sui -vantes, d’autres factures se rapportant ausurtout de L’Escurial : l’une, du 2 août1801, comprend la redorure de « quatrechandeliers » ; une autre, du 28 avril 1802,mentionne la restauration et la dorure « dehuit seaux bouteille en marbre et bronze ;huit seaux en ces mêmes matériaux et troischandeliers » ; une autre encore, du 24 avril1803, signale la restauration et la dorure de« vingt grandes verrières, de différentessortes, de bronze et de marbre » et, enfin,des comptes du 20 novembre de la mêmeannée se réfèrent aux dépenses engagéesdans l’Atelier royal, du 1er mai à la fin no -vembre de 1803, pour « la composition etla dorure à l’or moulu de toutes les piècesrestantes en bronze correspondant ausurtout de marbres et de bronzes de S.M.dans sa maison royale de L’Escurial » 43. Le surtout se trouvait, semble-t-il, dans lasalle située à la pointe nord du pavillon dit des Loges (en raison des gravures desLoges du Vatican de Raphaël, par Ottavianiet Volpato, qui y étaient accrochées), uneaile adjacente au corps principal de la mai -son de plaisance. La pièce est mentionnée dans les documentssous le nom de « salle du Surtout » ou« pièce des Armoires », car elle contenait des meubles en acajou vitrés, œuvre de JuanArellano et des compagnons de l’Atelier royald’ébénisterie, réalisée en 1795-1796. Pour cette salle, l’ébéniste José López créaen 1796-1797 une table somptueuse enbois précieux – bois de violette et ébène –accompagnée de bronzes de Giardoni dorésà l’or moulu. Sa structure architecturale,peut-être conçue par Juan de Villanueva,

Cat. 43, 40, 41

39

romain, tandis que d’autres semblent davantage dans le style de Ferroni. Dans l’inventairede 1824, la description de l’ensemble associé au plateau de Valadier est plus détaillée et plusclaire. On peut y lire que « ce surtout complet fut, selon l’inventaire, livré à don Francisco Sánchez,bronzier de la Maison royale, en novembre 1818, afin qu’il répare les défauts mentionnés, et onlui remit aussi les pièces séparées et précieuses énumérées ci-après et correspondant à dessurtouts qui n’existent pas »49. La confusion entre un ensemble et l’autre est donc majeure.

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est soutenue par quinze fines co-lonnes corinthiennes ayant dessocles et des chapiteaux enbronze. Son plateau est en pierresdures et sa partie inférieure estdécorée de caissons en bronzedoré qui se reflètent dans les mi-roirs qui occupent la base, encas-trée dans le dallage en marbre parJuan Bautista Galeoti en 179744 ;la table demeura dans la piècejusqu’au milieu du XIXe siècle aumoins et fut ensuite déplacéedans le grand salon de cette mê me maison de plaisance, oùelle demeure encore aujourd'hui45.Le serrurier Antonio Fernándeztravailla également à cette « tableà colonnes qui sert de vitrine auxfigures en porcelaine » (peut-êtreen référence à une partie des por-celaines que le roi avait reçues deson agent François-Louis Godonen 179646). Étant donné sa sur-face (273 × 144 cm), elle ne

pouvait accueillir le plateau de six mètres du surtout offert à Napoléon. Si la salle est dite « duSurtout », c’est peut-être qu’on rangeait dans ses armoires les pièces qui étaient assembléespour des occasions solennelles, tel le « grand repas que Leurs Majestés et Altesses » donnèrentdans la maison de plaisance le 6 décembre 1797 ; il se tint dans le grand salon créé grâce àl’agrandissement de 1781-1783, le seul doté de la capacité suffisante pour exposer un surtoutaussi long, ou bien dans les jardins attenants, la légendaire réticence espagnole à laisser destraces écrites de la vie quotidienne à la cour nous empêchant d’en savoir plus47.Après avoir constaté la relation confuse entre l’allongement du surtout de Valadier et lacréation de celui de Ferroni, qu’il y a lieu d’identifier à celui de la maison de plaisance del’Escurial, il faut tâcher de cerner dans les anciens inventaires les éléments du second surtoutqui auraient pu demeurer à Madrid et être mélangés à ceux du premier après le cadeau deCharles IV. Les inventaires, déjà mentionnés, de 1818 et de 1824 laissent la voie ouverte àcette possibilité. En novembre 1818, le plateau agrandi de Valadier était bien identifié, ainsique nombre de ses éléments ornementaux 48 ; mais vint ensuite une énumération de « piècesséparées de ces surtouts », parmi lesquelles certaines sont incontestablement de l’artiste Cat. 42

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Le surtout de la Maison royale du Laboureur à Aranjuez

C'est beaucoup plus hispanique, dans sonprogramme comme dans sa filiation artistique,qu'apparaît le surtout créé par l’architecte IsidroVelázquez pour le grand salon de la Maisonroyale du Laboureur, espace représentatifconçu en 1798 (lorsqu’on envisagea l’agran -dissement de cette maison de plaisance) etcouronné par la voûte peinte à la détrempe deMariano Salvador Maella, dont le discoursallégorico-politique fait allusion à la puissancede la monarchie espagnole dans les quatreparties du monde 50. Ce surtout, élaboréen 1802-1805, comprend un plateau de866 centimètres de long, avec un plâtred’Antonio Marzal père et des bronzes dorés deJosé Giardoni. Les trois corps architecturaux en marbre qui ornent ce support si monumentalfurent réalisés dans l’atelier du marbre du Palaisroyal de Madrid, dirigé par Miguel Gutiérrez,tandis qu’on doit à Domingo de Urquiza, pèrede Manuel, les bas-reliefs et les figures des roiset des grands hommes de l’histoire d’Espagne,ainsi que les autres ornements qui les décorent. Dans ce surtout consacré à « la Gloire Espa -gnole » et présidé par la figure de Charles III etpar l’allégorie de l’Espagne, Charles IV et le prince don Ferdinand se dirigent à cheval versl’Immortalité dans « les corps des deux extrémités ou Arcs de triomphes », en de bellessculptures en bronze doré et patiné de Domingo de Urquiza. Les personnages réels,beaucoup moins brillants que leur portrait sur ces statues équestres raffinées, allaient serendre à Bayonne quelques années plus tard en emportant avec eux ce surtout, que le pèreoffrit alors, en un geste étrange, à Napoléon, en même temps qu’il lui cédait des choses bienplus importantes. L’Empereur, qui semble avoir eu autant d’estime pour ce joyau que pourl’intelligence politique de celui qui en avait fait la commande, attribua à ce don une destinationet une forme qu’il jugeait meilleures.

Double page précédente.Surtout dessiné par Isidro Velázquez (1802-1805), tel que présenté dans le grand salon de la Maison royale du Laboureur. Aranjuez, Real Casa del Labrador, Patrimonio nacional. Cat. 18

Élément central, surmonté d’une statuetteassise de l’Espagne, du surtout de la Maison royale du Laboureur.Aranjuez, Real Casa del Labrador,Patrimonio nacional.

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26. Herrero 2000, p. 72-73, doc. 1, retranscrit la facture conservée à l’AGP, Reinados, Carlos IV, Príncipe,leg. 47, du 16 juin 1786. On peut interpréter que Poggetti dirigea le travail en pierres dures et Ferroni celui desbronzes et de la dorure.27. AGP, Reinados, Carlos IV, Casa, leg. 1952. La même référence apparaît dans AGP, Administración general,leg. 769, cité par González-Palacios 2001, p. 222, doc. 6.28. AGP, Reinados, Carlos IV, Casa, leg. 1952, « Moldura sobrante de la que se hizo para un Deser de Porcelana.Diez pedazos cincelados con un codillo mistilíneos cada uno de una quarta de largo. Veinte y uno yd.cincelados de medio pie cada uno. Nueve yd. limados de diez dedos cada uno. Quatro yd. sin limar de oncededos cada uno. Ocho pedazos enteros y medios regulados á tres dedos cada uno [Moulure restante de cellequi fut faite pour un surtout en porcelaine. Dix morceaux ciselés mixtilignes avec une agrafe chacun long d’unempan. Vingt et un autres ciselés d’un demi-pied chacun. Neuf autres polis de dix pouces chacun. Quatre autresnon polis de onze pouces chacun. Huit morceaux entiers et demi-morceaux réglés à trois pouces chacun]. » 29. AGP, Reinados, Carlos IV, Casa, leg. 1952. Dans une note à cette Ordonnance, il est précisé : « Estamandado, que intervenga Bonicelli las Listas tocantes al Ramillete : pero en quanto a las demás obras deBronzes nada se ha determinado : por último está tácitamente encargado de las obras en bronze Sabatini :y de todas las pertenecientes al Ramillete Bonicelli como queda dicho [Il est ordonné que Bonicelli saisisseles pièces achevées afférentes au surtout ; mais concernant les autres ouvrages en bronze, rien n’a été fixé ;enfin, Sabatini est tacitement chargé des ouvrages en bronze, ceux concernant le surtout étant confiés àBonicelli comme mentionné]. »30. Herrero 2000, p. 73-74, doc. 2 ; sans date, mais qu’on suppose être de 1791.31. Herrero 2004, p. 310 et figure p. 311.32. Herrero 2000, p. 73, doc. 2 : « 9 Nueve leones de la primera planta ya con sus bolas, y en estado paradorar y dos rematados y dorados a molido, que el uno está en poder de Dn. Juan Ferri y el otro en la Fábricade piedra. 30 Treinta Yd. ya cincelados que les falta la bola, y es el número completo de Leones para dho.Deser [Neuf lions du premier étage avec leur boule, et prêts à être dorés, deux achevés et dorés à l’or moulu,dont l’un est entre les mains de don Juan Ferri et l’autre à la manufacture de pierres. Trente autres déjà ciselésauxquels il manque la boule, et c’est le nombre complet de lions pour ce dessert]. »33. Samoyault 1971, p. 88, note 8.34. Jordán de Urríes 2009, Jordán de Urríes et Sancho 2013.35. AGS, Dirección general del Tesoro, inv. 25, leg. 8 ; c’est un long répertoire de dépenses en 110 plis, dequatre pages chacun, qui inclut, par trimestres, les dépenses réalisées à l’« Elaboratorio de piedras duras »de 1769 à 1798, date à laquelle il est interrompu. Il reprend en 1791 et les dépenses liées au surtout figurentdans les plis 81-110. AGS, Secretaría y Superintendencia de Hacienda, leg. 811, exp. 61, factures des cinqpremiers mois de 1799 des salaires « des bronziers qui ont travaillé aux ornements en bronze des verrières dusurtout de S.M. », signés par Cristóbal Torrijos y Chacón au Buen Retiro, le 11 juillet 1799, avec les comptesadjoints de Luis Poggetti, de mars, avril et mai de cette même année, avec indication des noms des bronziers :Josef Losas, Miguel Leotar, Policarpo Corralón, Manuel Cariza, Agustín Rodríguez et Josef Moreno. Il y eutjusqu’en 1794 deux ouvroirs dans l’Atelier royal des pierres dures dirigé par Luis Poggetti, avec LorenzoPoggetti, frère de Luis, comme contremaître de l’ouvroir de bas-reliefs et de camées, et Juan Esteve, chargéde l’enchâssement des pierres dans les mosaïques. Ce même dossier contient un texte de Felipe Ubert,« graveur de camées de nation romaine », qui travaillera à ceux du surtout.36. Id., en marge : « Gastos del Desert del Rey [Dépenses du surtout du Roi] » : «Por otra [Real Orden] delmismo día [26 de junio de 1791] se sirvió el Rey decir que los gastos causados desde 28 de marzo hastafin de mayo últimos en el Real Elaboratorio de Piedras Duras para pago de jornales y materiales en losadornos de bronce del Desert del Rey importaron 12.703 reales y 33 mrs., según cuenta que ha presentadodicho Bonicelli, y que habiendo recibido éste a cuenta de ellos por Orden de 4 de abril anterior 12.000,resultaban de alcance a su favor 703 rs. y 33 mrs., los que mandó S.M. se le pagasen, y que se le librasenpara los gastos sucesivos otros 12.000 rs. en cuya virtud se le pagaron los doce mil setecientos tres realesy treinta y tres maravedíes de vellón que importan ambas partidas, de que dio recibo en 30 de dicho junio,en cuyo día se despachó libramiento [Par une autre [Ordonnance royale] de ce même jour [26 juin 1791] le

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Notes

1. Nous tenons à remercier Álvar González-Palacios de son amitié et de son soutien constants, ainsi qu’IsabelAguirre Landa, directrice du département des Références des archives générales de Simancas, de son aide siaimable et si efficace lors de notre visite et des facilités qu’elles nous a accordées pour la consultation rapideet la reproduction des documents cités ici.2. Junquera 1979, Bottineau 1986.3. Jordán de Urríes et Sancho 2009 et 2010.4. Jordán de Urríes 2006, Sancho (dir.) 2008, Jordán de Urríes 2009.5. Sancho et Jordán de Urríes (sous presse), « Muebles franceses de Carlos IV », in Thomas Hudson et Jean-Dominique Augarde, Mobilier français dans les collections royales européennes, actes du colloque, Paris27-28 septembre 2012 (sous presse).6. Jordán de Urríes 2009, Jordán de Urríes et Sancho 2013.7. Frothingham 1955 et, plus tard, les études de Martínez Caviró 1973, Sánchez Beltrán 1987, SánchezBeltrán 1998, les catalogues Exposición de porcelanas 1959, Manufacturas Reales Españolas 1993, RealesFábricas 1995, Manufactura del Buen Retiro 1999 et les comptes rendus des Jornadas sobre las RealesFábricas 2004.8. Pérez-Villamil 1904.9. González-Palacios 1997, González-Palacios 2001 et les apports de Herrero 2004.10. Sur le goût de Charles de Bourbon pour les pierres dures, cf. González-Palacios 1993, passim.11. Fernán-Núñez 1898, t. I, p. 101 et t. II, p. 49 et 51.12. González-Palacios 2001.13. Espinosa Martín 2002, p. 373.14. Les noms des artistes italiens seront cités ici selon la tradition espagnole, tels qu’ils apparaissent dansles sources bibliographiques (N.D.T.).15. Sancho 2008, p. 61.16. Cruz Valdovinos 1996, p. 614-615.17. Echalecu 1955, p. 241-242 et 246-252, donnée reprise ensuite par Giusti 1988, p. 260.18. González-Palacios 2001 et Sancho 2007.19. Sancho 2008, p. 64 et 120, note 100, citant l’Archivo general de Palacio à Madrid (AGP), Reinados,Carlos IV, Casa, legajo 1952.20. Sancho 2008, p. 64 et 100-101.21. Archivo general de Simancas (AGS), Secretaría y Superintendencia de Hacienda, leg. 811, Madrid,10 mai 1799, requête de Josef Losas, Policarpo Corralón, Manuel Cariza, Miguel Leotar et Miguel Medrano,compagnons journaliers de l’ouvroir de pierres dures à la Real Fábrica de la China dirigé par le maître LuisPoggetti, lesquels « suite à l’extinction de l’ouvroir de bronzes dont Juan Bautista Ferroni avait la charge, furentdestinés à celui qu’ils mentionnent ». Ils se plaignaient de ne pas avoir été payés depuis six mois et, en effet,la Manufacture royale se trouvait dans une situation critique sous la responsabilité de l’intendant CristóbalTorrijos y Chacón, qui avait succédé à Bonicelli le 8 décembre 1797, comme le montre un compte rendu aussiprolixe que cocasse signé par Domingo Sánchez le 2 décembre 1798 et conservé dans ce même dossier,tout comme une requête de Luis Poggetti, directeur de l’« Elaboratorio de piedras duras », signé dans la RealCasa de la China, le 3 décembre 1799, où il expose le déclin de l’ouvroir dont il a la charge « par manque dematière et ustensiles nécessaires pour les œuvres qui y sont exécutées, qui sont celles que me commandeSa Majesté Royale ». 22. Selon une heureuse expression de Juan de Chindurza, officier du Secretaría de Estado y del Despachoqui accompagnait le roi dans ses déplacements, cf. Díaz Gallegos et Jordán de Urríes 2007, p. 42.23. Sancho 2008, p. 56 et 118, note 68, paiements de 1807 à Miguel Gutiérrez pour la composition du surtout.24. AGP, Reinados Carlos IV, Casa, leg. 178, gastos extraordinarios, 1789-1790 : del dessert para la Casadel Escorial : Ferroni y Poggetti.25. González-Palacios 1997.

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47. AGP, Reinados, Carlos IV, Casa, leg. 1422, facture d’Antonio García, Madrid, 24 décembre 1797.48. Herrero 2000, p. 74, doc. 3, de l’AGP, Histórica, caja 324 : « Desert de piedras mármoles […] Piezascorrespondientes al desert, la mayor parte descompuestas [Surtout en pierres de marbre […] Piècescorrespondant au surtout, la plupart défaites]. »49. Herrero 2000, p. 77, doc. 4, retranscrit l’inventaire général de tous les articles existants dans le Real Oficiode Ramillete du 31 décembre 1824, à l’AGP, Histórica, caja 324.50. Jordán de Urríes 2009, p. 101-103, 162-164 et 234, note 408. D’après Pérez-Villamil 1904, p. 72, le surtout de Velázquez incluait des ornements du Buen Retiro en pierres dures et biscuit de porcelaine : « Cettevaste composition formait un mont figurant le Parnasse, d’où coulaient quatre fleuves d’Espagne : l’Èbre, leDuero, le Tage et le Guadalquivir, et au sommet duquel se trouvait le temple de la Gloire, taillé en pierres dures.Tout autour du temple se tenaient les Muses, et, sur les contreforts du mont, 63 figures de génies et poètesespagnols », mais rien de tout cela n’apparaît dans le dossier complet du surtout conservé à l’AGP, Reinados,Carlos IV, Casa, leg. 1881, et nous ne saurions situer ce Parnasse sur le plateau présidé par Charles III dansle « Temple du centre dit de la Gloire espagnole ».

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Roi a communiqué que les dépenses occasionnées depuis le 28 mars jusqu’à la fin du mois de mai àl’“Elaboratorio de piedras duras” s’élevaient à 12703 réaux et 33 maravédis, selon les comptes présentés parledit Bonicelli, et que celui-ci ayant reçu à cet effet 12000 réaux, il devait être crédité de 703 réaux et33 maravédis ; le roi ordonna donc qu’ils lui fussent payés, et que lui fussent remis pour les dépensessuccessives 12000 maravédis de plus, en vertu de quoi il reçut les douze mille sept cent trois réaux et trente-trois maravédis de billon de ces deux sommes, dont il accusa réception le 30 juin, jour de la remise de la somme]. » Auparavant, le surtout n’est pas mentionné de façon spécifique dans les productions del’« Elaboratorio de piedras duras ». 37. Id., en marge : « Luis Balleu. Ymporte de unos tableros para el Desert de piedras duras [Luis Balleu. Prixde panneaux pour le surtout en pierres dures]. » « En virtud de otra [Real Orden] de 30 de Marzo de 1792 sepagaron al Maestro Cerrajero Luis Balleu catorce mil reales de vellón que han importado unos Tableros defierro que ha executado para el Desert de piedras duras que en el Real Elaboratorio de ellas se está trabajandopara el Real Servicio ; de cuya cantidad dio recibo en 4 de Abril de dicho año, en cuyo día se despachóLibramiento [En vertu d’une autre [Ordonnance royale] du 30 mars 1792 furent payés au maître serrurier LuisBalleu quatorze mille réaux de billon, prix de panneaux en fer exécutés pour le surtout en pierres dures qui esten train d’être réalisé à l’Atelier royal pour le service Royal ; il en accusa réception le 4 avril de cette mêmeannée, jour de la remise de la somme]. »38. Id., à la date de février 1793 : « Para atender en este mes al trabajo de los Platillos de Piedra y Broncesdel Adorno del Desert [Pour s’occuper en ce mois du travail des verrières ; en pierre et en bronze de l’ornementdu surtout] » ; à la date de mars 1793 : « En el mismo obgeto de Platillos y Bronces del Desert [Pour le mêmeobjet de verrières et bronzes du surtout]. »39. Herrero 2000, p. 74-78, doc. 3 et 4, retranscrit les inventaires généraux du surtout [ramillete] du1er novembre 1818 et du 31 décembre 1824, conservés à l’AGP, Histórica, caja 324.40. AGP, Reinados, Carlos IV, Casa, leg. 1422.41. AGP, Reinados, Carlos IV, Casa, leg. 1401 y 1481, cf. Jordán de Urríes 2006, p. 46 et 73-74, note 81.Dans la première facture, qui s’élève à 2563 réaux de billon, l’intervention des artisans Juan Ruiz et AntonioPalacios est mentionnée ; parmi les dépenses figurent 112 réaux. « De oro en pan, y otros ingredientes quese han gastado en el deser [D’or battu en feuilles et autres ingrédients utilisés pour le surtout] », 80 réaux pour« una corniola [une cornaline] », « Más ocho R.s por el porte de una pirámide [plus huit réaux pour le transportd’une pyramide] ». La deuxième a un montant total de 5791 réaux et 8 maravédis. Et dans la troisième, de14797 réaux et 4 maravédis, les matériaux employés sont enregistrés, notamment une tige « para lebantar elóbalo del Deser [élever l’ovale du surtout] » et « unas piedras de Madrid p.a el Deser [des pierres de Madridpour le surtout] », et les salaires de Lorenzo Poggetti, Francisco Batres, Fernando Martín, Vicente Crippa etJuan Bautista Noferi.42. AGP, Reinados, Carlos IV, Casa, leg. 1401, facture du 15 novembre, qui s’élève à 1987 réaux, « de losgastos que se [h]an [h]echio para linpiar, gratar y Blanqueser los bronze[s] dorados de molido del Deser depiedras duras de Su R.l M.a en la Casa de Canpo del Escorial [des dépenses qui ont été faites pour nettoyer,gratter et blanchir les bronzes dorés à l’or moulu du surtout en pierres dures de Sa M.R. dans la maison del’Escurial] », et une facture du 10 décembre, également de 1796, dont le montant total est de 2844 réaux,cf. Jordán de Urríes 2006, p. 46 et 73-74, note 81. L’intervention de Giardoni de mai 1800, documentée parCruz Valdovinos et Nieva Soto (2007, p. 86) ne correspond pas à ce surtout mais à un surtout en plâtre (!).43. AGP, Reinados, Carlos IV, Casa, legajos 1452, 1472, 1481, 1533, 1552, 1573 et 1592, cf. Jordán deUrríes 2006, p. 46 et 73-74, note 81.44. Jordán de Urríes 2006, p. 44-46 et 73-74, notes 79 et 82.45. Cruz y Bahamonde 1806-1813, t. XII (de 1812), p. 99 : « La salle dite du Surtout contient, sur de bellesétagères en acajou doré à colonne corinthiennes, un admirable surtout en porcelaine, de la manufacture duRetiro ; au milieu, une belle table en marbre très élégante avec des ornements en bronze dorés. » Álvarez 1843,p. 308 et Quevedo 1849, p. 360. Marín Pérez et Fernández y Sánchez 1899, p. 228, indiquent que cette« pièce du surtout ou salle du buffet » est « aujourd’hui détruite ».46. Jordán de Urríes 2006, p. 18, 46, 67-68 et 73, notes 20 et 80.

Domingo de Urquiza,statuette équestre de Charles IV, dusurtout de la Maisonroyale du Laboureur. Aranjuez, Real Casadel Labrador, Patrimonio nacional.